Déposé le 21 octobre 2008 par : M. Bartolone, M. Emmanuelli, M. Carcenac, Mme Pérol-Dumont, M. Terrasse, M. Philippe Martin, M. Goldberg, Mme Coutelle, M. Liebgott, M. Delcourt, Mme Guigou, Mme Fourneyron, M. Kucheida, M. Jean-Claude Leroy, Mme Robin-Rodrigo, M. Cahuzac, M. Idiart, M. Sapin, M. Jean-Louis Dumont, M. Claeys, M. Baert, M. Launay, M. Bourguignon, M. Bapt, M. Balligand, M. Habib, M. Vergnier, M. Muet, les membres du groupe Socialiste, radical, citoyen, divers gauche.
I. - Le 1 du C du III de l'article 85 de la loi de finances pour 2006 (n° 2005-1719 du 30 décembre 2005) est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le taux de référence est le taux d'imposition de taxe professionnelle de 2004 du département majoré du taux représentatif du coût des dépenses non compensées liées aux compétences transférées par l'État depuis la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant le revenu minimum d'activité et la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Ce taux est calculé en divisant le montant des charges transférées non compensées par la valeur du point de fiscalité de l'année 2004 du département concerné.
« Le Gouvernement fournit au département qui en fait la demande toutes les informations fiscales, financières et économiques sur la situation de son territoire que nécessite l'analyse de l'impact de la réforme de la taxe professionnelle sur sa fiscalité et son tissu industriel.
« En cas d'atteinte avérée à la libre administration des collectivités locales par le seul fait de l'existence du ticket modérateur, le Gouvernement prendra les dispositions dérogatoires utiles en direction du département concerné ».
II. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
I - Compensation des compétences transférées et péréquation
Le dégrèvement dit « ticket modérateur » prend pour référence, pour les départements, le plus faible des trois taux suivants : le taux de l'année 2005, le taux de l'année 2004 majoré de 7,3 % ou le taux de l'année d'imposition.
Or, ce taux de référence, à l'origine du ticket modérateur particulièrement élevé en 2007 pour le Nord (31,4 M€), la Seine-Saint-Denis (21,5 M€) et le Pas-de-Calais (14,5 M€), ne tient pas compte de la disparité de situation des départements et de la nécessité, pour ceux dont les marges de manoeuvre financières sont réduites du fait de la précarité de leur territoire, d'augmenter la fiscalité pour financer les transferts de charge mal compensées par l'Etat.
Ainsi, ces départements ont dû augmenter la fiscalité ces dernières années au-delà de 7,3 % tandis que les départements plus à l'aise financièrement ont pu contenir l'évolution de leurs taux. Cela explique que de nombreux départements dont les Hauts-de-Seine, le Val-d'Oise, les Yvelines et les Alpes-Maritimes ont un ticket modérateur nul.
En effet, la réforme de la taxe professionnelle est intervenue en plein transfert de charges. L'écart entre les charges financières dues aux nouvelles compétences et les compensations de l'Etat constitue une violation de la Constitution qui prévoit une compensation à l'euro près des compétences transférées. Au-delà des compétences transférées, des compétences nouvelles instaurées par l'Etat sous la responsabilité des départements sont également insuffisamment compensées. Ainsi en est-il de la loi du 31 mars 2003 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). L'Etat s'était engagé à financer 2/3 de la dépense des départements. Or, force est de constater que dans la majorité des départements, le financement est moindre. Pour la Seine-Saint-Denis, la part financée par l'Etat s'élève seulement à 23 % en cumulé depuis 2002, avec une part non compensée par rapport a l'objectif initial de plus de 41 M€ pour le département.
Le ticket modérateur est également en contradiction avec l'objectif de péréquation.
Les montants les plus élevés de ticket modérateur concernent les départements qui ont les indices de précarité les plus défavorables :
- En 2006, l'allocation RMI s'élevait à 266 M€ en Seine-Saint-Denis (192 € par habitant) et à 354 M€ dans le Nord (138€ par habitant) alors qu'elle était seulement de 118M€ dans les Hauts-de-Seine (82€ par habitant).
- Les revenus moyens par habitant, en excluant Paris, vont du simple au double : 7 078€ pour le Pas-de-Calais, 7 715€ en Seine-Saint-Denis, 7 646€ dans le Nord, 12 621€ pour les Yvelines et 14 231€ dans les Hauts-de-Seine (chiffres de 2006).
- Le taux de chômage s'élève à plus de 12 % dans le Pas-de-Calais, en Seine-Saint-Denis et dans le Nord, contre moins de 8 % dans les Yvelines et les Hauts-de-Seine en 2006
Or, les réformes à venir vont de nouveau toucher les départements les plus précaires. Ainsi, si le plafonnement de la taxe professionnelle passe de 3,5 % de la valeur ajoutée à 3 % comme cela est envisagé, ceux qui ont déjà aujourd'hui à leur charge un ticket modérateur le verront augmenter. Pour les autres, l'effet sera neutre.
II - Autonomie fiscale et libre administration
Le ticket modérateur constitue une violation du principe constitutionnel de l'autonomie fiscale des collectivités. En effet, il diminue fortement le montant d'un point de fiscalité puisque l'augmentation des taux de taxe professionnelle ne porte plus désormais que sur les bases non plafonnées qui représentent moins de 50 % des bases dans près d'un tiers des départements. En Seine-Saint-Denis, un point de fiscalité de la taxe professionnelle rapporte deux fois moins aujourd'hui que s'il n'y avait pas de ticket modérateur.
De plus, le ticket modérateur renforce le caractère imprévisible de la fiscalité départementale puisque la valeur ajoutée des entreprises peut varier dans des proportions importantes d'une année sur l'autre d'autant que les entreprises peuvent mettre en place des stratégies visant à minorer la valeur ajoutée servant au calcul de leur plafonnement de taxes professionnelles.
Enfin, il est à souligner que tous ces éléments avaient été pointés lors de débats sur la réforme. De fait, le Conseil constitutionnel avait mis en garde le gouvernement contre la possibilité que le ticket modérateur enfonce le plancher d'autonomie financière prévu par la loi organique du 30 juillet 2004. Il avait aussi émis une réserve : si la réforme de la taxe professionnelle avait pour conséquence dans l'avenir d'entraver la gestion d'une collectivité au point de porter atteinte grave à sa libre administration, les pouvoir publics devraient prendre des mesures appropriées.
Le présent amendement a donc pour objectif de supprimer le ticket modérateur pour les départements pour lesquels la hausse de fiscalité supérieure à 7,3 % depuis 2004 s'explique par la nécessité de financer les charges de transfert de compétences non compensées par l'Etat. Il impose au gouvernement de communiquer toutes les données fiscales, financières et économiques sur la situation de son territoire que nécessite l'analyse de l'impact de la réforme de la taxe professionnelle sur la fiscalité et son tissu industriel.
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