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Séance en hémicycle du 29 novembre 2011 à 21h30

Résumé de la séance

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  • TVA

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (nos 3952, 4006).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le président, madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, la dette explose, le chômage ne cesse de s'aggraver, le déficit extérieur atteint des profondeurs abyssales, la croissance s'évanouit. Dans ce contexte, que fait le Gouvernement ? Une succession de plans de rigueur, annoncés alors même que notre assemblée débattait encore du premier, avec pour seul effet de casser un peu plus une croissance qui s'effondre.

Au-delà d'une méthode peu respectueuse du rôle du Parlement, c'est l'incohérence d'une politique économique au fil de l'eau qui éclate au grand jour.

Peu respectueuse du Parlement, en effet : nous nous souvenons encore de cette audition surréaliste des ministres venant présenter en commission des finances un plan sans texte, sans chiffrage et sans description des mesures.

Ces plans de rigueur successifs font de la politique budgétaire de la France un bateau ivre, dont n'émerge qu'une seule ligne directrice : une austérité aveugle et massive.

Faute d'anticiper et de répondre à la situation par une politique cohérente, vous courez après les événements. Le budget était construit sur une croissance de 1,75 % dont tous les instituts, dès le mois de septembre, soulignaient l'irréalisme, le consensus s'établissant déjà autour de 1 %. Avec ce deuxième plan de rigueur, vous vous ajustez en cours de route à une croissance de 1 %, sachant qu'elle risque, malheureusement, d'être beaucoup plus faible – l'OCDE annonce 0,3 %.

Poursuivant votre course folle derrière une croissance qui vous échappe, allez-vous nous proposer un troisième plan de rigueur dans les prochaines semaines, madame la ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Où vous arrêterez-vous dans cette course sans fin à la dépression ?

Avec cette succession de plans, votre politique économique est inefficace et illisible : aucun diagnostic de la situation conjoncturelle, aucune mesure structurelle, ni sur l'investissement ni sur l'emploi. Seule émerge de cette accumulation de plans, de nouveaux impôts et de coupes brutales dans les dépenses, une austérité aveugle et massive.

Austérité aveugle du côté des dépenses. Aux coupes dans tous les budgets s'ajoutent, avec le nouveau plan de rigueur, la réduction du pouvoir d'achat des allocations familiales et des aides au logement, et l'augmentation du délai de carence dans le secteur public.

Et que dire de la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite ? Non seulement la Cour des comptes a montré que, loin du milliard d'euros d'économies annuelles que vous prétendiez ainsi réaliser, celles-ci n'ont été que de l'ordre de quelques centaines de millions – 200 à 300 millions tout au plus –, confirmant ce que Philippe Séguin disait lui-même, en 2009, en évoquant une politique « caractéristique d'un État incapable d'analyser ses besoins et de programmer ses effectifs ».

J'ai eu l'occasion, dans mes rapports, de souligner les dysfonctionnements qu'entraînait la RGPP, et notamment l'absence totale de concertation avec les représentants des fonctionnaires.

Puisque vous teniez aujourd'hui un séminaire gouvernemental sur ce sujet, vous pourriez utilement méditer le rapport voté la semaine dernière à une large majorité par le Conseil économique, social et environnemental, qui réclame la suspension temporaire de la RGPP. Nous ne manquerons pas de poursuivre ce débat, puisque notre collègue Christian Eckert doit remettre très prochainement un rapport sur le sujet.

À trop se concentrer sur la quête d'économies, dit l'avis du Conseil, la RGPP « engendre sur le terrain des désorganisations qui nuisent à la lisibilité et à l'efficacité de l'action publique […] et alimente la méfiance des citoyens à l'égard de l'État ».

J'ai souvent eu l'occasion de dire que la RGPP aurait pu être une politique intelligente. Encore eût-il fallu faire ce que vous n'avez pas fait : définir les missions, dialoguer avec les syndicats, ajuster les moyens aux missions. Au lieu de quoi, vous vous êtes limités à cet objectif absurde de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite, pour en faire ce qui s'apparente, selon l'expression d'un syndicaliste que j'ai auditionné, « à une casse du service public ».

J'ai pu vérifier, lors d'un déplacement en province, que même dans un secteur où la règle du « un sur deux » ne s'appliquait pas, en l'occurrence la justice, la réforme, menée au pas de charge et sans concertation, avait conduit à de profondes désorganisations des services.

Dans ce domaine comme dans tous les autres, la réforme, pour vous, c'est toujours moins d'État, avec ce paradoxe qu'en cassant le secteur public vous cassez aussi la croissance. Le résultat, c'est que la part des dépenses publiques n'a jamais été aussi élevée qu'aujourd'hui : 56,6 % du PIB en 2010 contre 52,6 % en 2007.

Austérité aveugle du côté des recettes également : au lieu de supprimer des niches injustes et inefficaces, votre gouvernement accumule les nouveaux prélèvements. Après avoir augmenté la CSG, taxé les mutuelles, créé de nouvelles taxes, vous augmentez l'impôt le plus injuste, la TVA.

De plus, en n'indexant pas son barème, c'est une hausse injuste de l'impôt sur le revenu que vous programmez : elle représentera 1,6 milliard en 2012 et 3,16 milliards en 2013.

Là où la réforme fiscale qui s'imposait consistait, comme nous allons le proposer par voie d'amendements, à supprimer des prélèvements forfaitaires, à plafonner l'ensemble des niches et à relever à 45 % le taux marginal de l'impôt, vous préférez faire entrer des contribuables modestes dans l'impôt sur le revenu.

Comment ne pas mettre en regard du 1,8 milliard d'augmentation de la TVA, qui pèsera, vous le savez, sur les plus modestes, le 1,8 milliard de cadeau fiscal aux plus fortunés que vous avez consenti au début de l'été avec la réduction de l'ISF ? Et comme si cela ne suffisait pas, vous prenez prétexte de cette hausse de TVA pour supprimer la taxe sur les hôtels de luxe, qui n'aura, de ce fait, vécu que deux mois. Résultat, les sandwiches qu'on achète à midi dans les boulangeries seront taxés au même taux que les séjours dans les hôtels de luxe. Belle illustration de votre conception de la justice fiscale !

Au total, et contrairement au discours gouvernemental, les hausses d'impôts représentent plus de 60 % des mesures cumulées de réduction du déficit, comme le souligne le rapporteur général du budget.

Cette politique, qui aggrave la situation de l'emploi, du pouvoir d'achat et de la croissance pour tenter de réduire le déficit, est une impasse.

Il faut, bien sûr, réduire les déficits, et ramener celui des finances publiques à 3 % du PIB en 2013 est nécessaire pour deux raisons. La première est qu'il s'agit d'un engagement européen de la France. La seconde tient au fait que, dans la situation que nous allons connaître en 2012-2013, avec une croissance pratiquement nulle et une dette égale à 86 % du PIB, le seuil de déficit qui arrête l'explosion de la dette est proche de 3 %. Mais si l'on se contente d'une politique d'austérité, en coupant dans les dépenses ou en inventant de nouveaux impôts, comme vous le faites, le seul résultat sera d'aggraver la récession en cassant un peu plus la croissance, rendant ainsi encore plus difficile la réduction des déficits.

On ne réduit pas les déficits par une politique d'austérité mais par une politique macroéconomique complète qui s'attaque simultanément à tous les déficits. L'emploi, la justice fiscale, le soutien à la croissance, voilà ce qui manque cruellement dans le projet de loi de finances comme dans ce deuxième plan de rigueur. Ces plans successifs prétendent répondre à l'inquiétude des marchés ; ils ne font qu'aggraver l'inquiétude des Français et la défiance des marchés.

Quant à l'excuse de la crise, que vous n'avez de cesse de mettre en avant, elle ne tient pas.

Bien sûr, la crise est là, mais elle n'est pas la principale responsable du déficit : c'est votre politique. Ce n'est pas la crise seule qui explique l'ampleur du chômage, mais une politique absurde de soutien aux heures supplémentaires quand il faudrait au contraire soutenir l'emploi. Et la crise n'est pour rien dans le déficit extérieur record de notre pays, quand l'Allemagne accumule 150 milliards d'excédents.

Selon la Cour des comptes, sur les 140 milliards de déficit de l'année 2010, seuls 40 milliards étaient de nature conjoncturelle. Le reste, 100 milliards, représentait un déficit structurel, c'est-à-dire celui que la France aurait connu si la croissance avait correspondu à la croissance potentielle, c'est-à-dire s'il n'y avait pas eu la crise. Ce déficit structurel est le résultat d'une politique irresponsable accordant des cadeaux fiscaux aux plus fortunés quand il fallait, au contraire, mettre à profit la croissance qui précédait la crise pour réduire les déficits.

Il suffit, d'ailleurs, de comparer notre situation à celle de nos voisins allemands pour réaliser que la crise n'est pas la principale cause des difficultés de notre pays. En 2005, la France et l'Allemagne avaient toutes deux un déficit excessif, c'est-à-dire supérieur à 3 % du PIB. Mais, alors que l'Allemagne a profité de la période de croissance qui précédait la crise pour le ramener à zéro en 2008, la France l'a laissé dériver et a abordé la crise avec un déficit excessif de 3,3 % en 2008. En conséquence de quoi, au plus fort de la crise, il atteignait 7,5 % du PIB chez nous alors qu'il n'était que de 3,3 % en Allemagne, où il sera de 2 % cette année contre 5,7 % en France.

Il en est de même en matière de chômage. À la veille de la crise, à l'été 2008, nos deux pays avaient exactement le même taux de chômage : 7,5 %. Aujourd'hui, l'Allemagne approche des 6 % alors que, en données harmonisées, la France tourne autour de 10 %.

Pendant toute cette période, l'Allemagne a utilisé tous les instruments à sa disposition pour limiter la progression du chômage : recours massif au chômage partiel et réduction du temps de travail. C'est ainsi que, au plus fort de la crise, les salariés ont pu rester dans l'entreprise, ce qui a permis à l'Allemagne, après la première récession, de redémarrer fortement en 2010.

La France a, au contraire, maintenu cette politique absurde de subvention aux heures supplémentaires dans une situation de chômage, dont le seul impact aura été la destruction d'emplois avec un bilan nul en termes de pouvoir d'achat. Toutes les analyses des effets de cette politique, dans cette conjoncture précise, montrent que les gains de revenu des salariés faisant des heures supplémentaires sont totalement annulés par les pertes de revenu de ceux qui se retrouvent au chômage.

Notre pays connaît aujourd'hui un déficit extérieur sans précédent de 75 milliards d'euros alors que la France enregistrait entre 1995 et 2002 des excédents compris entre 20 et 30 milliards d'euros.

Si l'Allemagne connaît 150 milliards d'excédents et la France 75 milliards de déficit, ce n'est pas en raison du niveau des salaires, ils sont identiques dans les deux pays ; ni du temps de travail, les Allemands travaillent en moyenne 35,5 heures par semaine quand les Français travaillent 38 heures. C'est le fait d'une politique industrielle qui n'a jamais faibli en Allemagne.

L'absence de politique industrielle depuis dix ans laisse béantes les deux grandes faiblesses de notre industrie. Tout d'abord, l'écart trop important entre les grandes entreprises, parfaitement insérées dans la mondialisation, et les petites et moyennes entreprises, peu présentes sur les marchés extérieurs. Ensuite une gamme de produits trop peu sophistiquée, ne reposant pas suffisamment sur l'innovation, ce qui rend les exportateurs français, plus que d'autres, vulnérables aux variations de prix, donc au cours de l'euro et à l'évolution des coûts salariaux.

Bref, ce n'est pas par une politique de bas salaires que la France développera son industrie mais par une politique de financement de l'investissement et de l'innovation, en relation avec les pôles de compétitivité des régions, pour permettre aux PME de s'insérer pleinement au côté des grands groupes dans la mondialisation. Car le formidable déficit de compétitivité français, c'est d'abord un déficit de stratégie industrielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

La politique économique pertinente consiste à s'attaquer simultanément aux trois déficits dont souffre notre pays : le déficit des finances publiques, bien sûr, mais aussi le déficit d'emploi et le déficit de compétitivité. Pour cela, trois ensembles de mesures sont nécessaires.

Il faut d'abord mettre fin au dispositif absurde de subvention des heures supplémentaires, qui coûte 4,5 milliards d'euros. En le supprimant, on peut redéployer la somme correspondante pour financer, par exemple, 300 000 emplois jeunes pour un coût de trois milliards d'euros. Au total, cela créerait des emplois et augmenterait le revenu des ménages tout en restaurant la confiance et en relançant la croissance.

Le deuxième ensemble de mesures concerne la fiscalité. Il est possible de supprimer immédiatement de nombreuses niches fiscales injustes et inefficaces en suivant les propositions du Conseil des prélèvements obligatoires. Avec mes collègues socialistes, j'ai proposé de nombreux amendements au cours du débat budgétaire, pour réaliser près de quinze milliards d'euros d'économies en supprimant des niches fiscales injustes, inefficaces, et dont le Conseil des prélèvements obligatoires recommandait la disparition. Mais le Gouvernement s'y est toujours opposé.

Il faut aussi rétablir la justice fiscale. Que pèsent les 3 % ou 4 % de prélèvements supplémentaires sur les hauts revenus votés dans le budget, quand on sait que la combinaison des niches fiscales et des prélèvements libératoires sur les revenus du capital conduit à ce paradoxe qui veut que les détenteurs des dix plus hauts revenus paient moins de 20 % de leurs revenus en impôts ?

Nous avons besoin d'une réforme fiscale majeure taxant les revenus du capital de la même façon que les revenus du travail, c'est-à-dire supprimant les prélèvements libératoires et réduisant suffisamment les niches fiscales.

Il faut enfin agir sur la croissance potentielle de l'économie pour relancer durablement la croissance, en mettant en place une réforme fiscale qui favorisera l'investissement au détriment des profits distribués. Il faudra aussi retrouver le volontarisme industriel que notre pays a oublié depuis dix ans.

Si vous n'agissez pas en matière d'emploi, d'innovation, de compétitivité et de justice fiscale, notre pays continuera malheureusement à voir se dégrader tous ses déficits, comme c'est le cas aujourd'hui.

En conclusion, cette motion de rejet préalable dénonce l'incohérence d'une politique qui a consisté à dépenser sans compter en cadeaux fiscaux injustes et inefficaces quand tout allait bien et à en faire payer la facture à tous les Français, et notamment aux plus modestes, quand la situation économique s'est retournée.

Le paradoxe de votre politique, c'est que la part des dépenses publiques dans le PIB n'aura jamais été aussi élevée depuis les origines qu'en 2010 : 56,6 %. Et si vous restiez au pouvoir,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…le taux des prélèvements obligatoires battrait également un record à partir de 2013 pour atteindre 45,4 % en 2015 selon vos propres prévisions.

Je termine en revenant sur les propos du président Cahuzac. Il est nécessaire que l'Europe coordonne mieux ses politiques économiques pour éviter de s'enfoncer dans la récession, et peut-être même dans la dépression. Mais c'est l'inverse de ce que vous proposez, car abandonner la souveraineté budgétaire pour s'en remettre au contrôle d'une Cour de justice européenne dont ce n'est pas le rôle est inacceptable sur le plan démocratique et aberrant sur le plan économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Nous nous y opposerons fermement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Madame la ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le groupe SRC votera la motion brillamment défendue par notre collègue Pierre-Alain Muet.

Je souhaite relever certains des points qu'il a évoqués. Tout d'abord, les mesures de ce collectif budgétaire nous conduisent à une politique d'austérité aveugle et massive. Près des deux tiers des mesures créant des recettes supplémentaires pèsera sur les ménages, et donc sur la consommation. Or le rapporteur général a souligné tout à l'heure le moteur que représente la consommation intérieure dans notre pays.

Je relèverai également le passage consacré à la RGPP dans le discours de notre collègue Pierre-Alain Muet. Le Gouvernement s'est aujourd'hui livré à un exercice d'autosatisfaction, en parlant des « milliards » qui auraient été économisés grâce à la RGPP et à tout ce qui gravite autour, car nous ne savons plus très bien ce qui en fait partie et ce qui en est exclu. Mais ce bilan est exagéré, nous y reviendrons probablement dans les prochains jours. L'absence de concertation qu'a évoquée Pierre-Alain Muet est évidente, et les désorganisations qui en résultent sont également patentes.

Madame la ministre, je vous rappelle que lorsque vous dites avec fierté avoir supprimé 150 000 emplois publics, vous dites avoir supprimé 150 000 emplois, tout court. Lorsque le chômage explose, je ne vois pas quelle fierté tirer de ce bilan.

Explosion du chômage, baisse du pouvoir d'achat, absence de politique industrielle : tous ces éléments amènent à rejeter ce texte dans lequel nous ne trouvons aucune réponse à ces préoccupations.

À une crise monétaire, comme l'a très bien dit le rapporteur général cet après-midi, vous apportez une réponse budgétaire. Qui plus est, vous l'assortissez probablement d'un abandon de souveraineté, notamment du Parlement français. Ce sont autant de raisons pour que le groupe SRC vote cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La défense de cette motion de procédure par notre collègue Pierre-Alain Muet, toujours aussi précise – au rapporteur général, qui est germaniste, je pourrais dire « exakt » – a été très convaincante. En tout cas, je me suis laissé convaincre par ses propos.

M. Christian Eckert a bien résumé le fond de notre discussion à l'instant en disant qu'à une crise monétaire, vous apportez une réponse budgétaire assortie d'abandons de souveraineté. Lorsque vous affirmez qu'il faut un gouvernement économique, un mot est toujours en filigrane, mais jamais prononcé : fédéralisme. Vous vous gardez bien de le dire, madame la ministre.

De plus, apporter une réponse monétaire à une crise budgétaire, cela revient à aller voir un vétérinaire pour un patient qui a besoin de soins urgents. Ce n'est pas la bonne façon de s'en sortir.

S'agissant du nouveau plan d'austérité, compte tenu des nouvelles prévisions issues des instances européennes, je suis convaincu que les vôtres ne se réaliseront pas. Pour reprendre l'hypothèse avancée par Jean-Claude Sandrier, il est très probable que le Président de la République nous convoque, si la session ordinaire est expirée, pour une ultime session extraordinaire au cours de laquelle nous pourrions discuter un nouveau projet de loi de finances rectificative. Car vous avancez à l'aveuglette, madame la ministre. Il faut d'ailleurs vous reconnaître un certain sens de la témérité : vous ne savez pas dans quel tapis vous allez vous prendre les pieds.

Mais vous êtes dévouée au Président de la République, vous ne jurez que par lui, et vous ne voyez pas les risques auxquels vous vous exposez. Pourtant, Pierre-Alain Muet l'a dit : en réduisant le pouvoir d'achat des allocations familiales, des aides au logement, vous allez aggraver la misère qui existe dans nos cités HLM, et qui existe même dans la circonscription où vous aviez été élue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je me dirige vers la conclusion de mon propos, monsieur le président. Pierre-Alain Muet a dit une chose avec laquelle je ne suis pas d'accord, en dénonçant l'incohérence de votre politique. Je vous trouve très cohérente au contraire ! Tout va dans le même sens. Mais plutôt qu'un désaccord avec M. Muet, ce sont deux formulations différentes d'une pensée identique.

Au sein de la commission des finances, nous connaissons Pierre-Alain Muet comme un homme de bonté, d'humanité, raffiné…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne connais pas suffisamment les Lyonnais pour appuyer cette opinion.

Cet homme si bon vous fait confiance pour quoi ? Nous sentons Noël approcher : il vous fait confiance pour rétablir la justice fiscale. Vraiment, cela relèverait du miracle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la ministre, je me suis livré à un petit travail d'archéologie en allant déterrer les cahiers de doléances de ma bonne ville de Montreuil. Voici ce qu'en 1788, les concitoyens montreuillois du tiers état demandaient en premier au roi de France : « la suppression de tous les privilèges d'exemption d'impôts. » Vous le voyez, nous sommes en plein dans notre sujet. Plus de deux siècles plus tard, force est de constater que les mêmes privilèges sont de retour, et qu'une classe dominante, plus forte et plus riche que jamais, règne sur notre société.

Madame la ministre, votre gouvernement, sous l'inspiration du Président de la République, a réhabilité ces privilégiés, en leur octroyant de multiples cadeaux fiscaux, qui rongent les finances publiques et amputent les comptes de notre pays de plus de 150 milliards selon le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Ce n'est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce n'est pas vrai ? Démontrez-le moi. Il ne suffit pas d'affirmer !

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Que faites-vous de la défiscalisation des salaires des apprentis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je vous en prie, monsieur Brard, ne vous laissez pas interrompre, poursuivez votre propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, pour une fois que l'on peut dialoguer avec un ministre ! La plupart du temps, ils restent muets.

À chaque fois que j'ai demandé à M. Baroin s'il était vrai – ce sera la vingt-cinquième fois ce soir – que Mme Bettencourt payait cette année 42 millions d'impôts et qu'elle n'en paierait plus que de 10 millions l'année prochaine, il est resté coi. Tandis que, avec Mme Pécresse, on peut engager le dialogue.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Vous n'avez toujours pas eu la réponse pour autant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, en effet, mais les débats ne sont pas terminés. Ils se poursuivront jusqu'au printemps.

Madame la ministre, le règlement de l'Assemblée nationale a été modifié pour que je ne puisse plus présenter de graphique et d'objet. Mais il ne m'est pas interdit de faire un geste d'amitié à votre égard, comme je l'avais fait avec Mme Lagarde en lui offrant le livre II du Capital du célèbre Karl Marx.

Madame la ministre, je vous ai préparé un petit cadeau, ce n'est donc pas un objet. Regardez cette image.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur Brard, je vous demande de bien vouloir replier ce document.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ici, c'est 1789 : vous voyez le tiers état qui supporte le poids du clergé et de l'aristocratie. Là, vous pouvez voir les travailleurs d'aujourd'hui qui supportent le poids des spéculateurs et de Mamie Liliane !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir replier ce document, et de poursuivre votre propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Si vous voulez le regarder, monsieur le président ? (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vous le remettrai, madame la ministre, quand je descendrai de la tribune. Mme Lagarde m'avait demandé une dédicace, encore que dédicacer un ouvrage de Karl Marx soit quasiment un sacrilège. Si vous le voulez, je pourrai vous dédicacer ce cadeau, puisque j'ai fait référence au cahier de doléances de Montreuil.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Ce sera pour ma permanence !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Certes, mais nous nous connaissons depuis longtemps et nous sommes souvent dans l'implicite, elle et moi.

Vos cadeaux les plus emblématiques sont le bouclier fiscal, qui continue de s'appliquer pendant deux ans, et la réforme de l'ISF de juin dernier, qui coûte deux milliards d'euros par an à l'État.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais si ! Démontrez le contraire ! Les affirmations relèvent de la méthode Coué. C'est comme les gens qui vont à confesse et s'accusent de péchés. Il ne suffit pas d'affirmer ou d'infirmer, il faut démontrer.

Je suis rationnel, je ne suis ni dans la croyance, ni dans la foi, même si, pour vous faire plaisir, j'aurais envie de vous croire, madame la ministre. Mais comment vous croire ? Lorsque nous allons dans nos cités HLM, nous sommes confrontés à la réalité, qui contredit vos propos. Parfois, je me demande dans quel monde vous vivez et qui vous fréquentez – je ne parle évidemment pas de votre vie privée, mais de la sphère publique. Je suis sûr que nous ne fréquentons pas les mêmes personnes. En tout cas, nos sympathies ne vont pas dans la même direction.

Quand je parle de privilèges, je pense à la niche Copé, qui coûte 5 milliards d'euros par an, à la niche Dutreil, à la baisse de la TVA dans la restauration, à la défiscalisation des heures supplémentaires, qui ont déjà été évoquées.

Comme au XVIIIe siècle, où la Couronne de France croulait sous les dettes à cause des privilèges fiscaux consentis à la noblesse et au clergé, ce sont les privilèges que je viens de citer qui ont conduit la France dans la situation que nous connaissons : une situation de marasme économique profond. Ce sont les petites gens, comme au XVIIIe siècle, qui croulent sous le poids des privilèges. Ce ne sont sûrement pas notre système social, ni nos retraites, ni nos fonctionnaires, que vous accablez de tous les maux, qui en sont les responsables. D'ailleurs, ils n'auront même plus le droit d'être malades, si ce n'est à leurs frais, avec la nouvelle mesure que vous venez de prendre.

Non, madame la ministre, ce qui est en cause, c'est votre politique, votre idéologie, le système qui guide chacune de vos actions. J'en veux pour preuve les déclarations de M. le Premier ministre, le 5 novembre dernier, à Morzine. Il n'hésite pas à montrer du doigt les petites gens, mais refuse catégoriquement de désigner les vrais responsables de la crise économique.

Écoutez bien les propos de M. Fillon, mes chers collègues de l'UMP, vous qui êtes idolâtres, mais surtout du Président de la République, et moins du Premier ministre : « Je crois qu'il n'est pas utile de s'en prendre aux agences de notation, aux banquiers, aux spéculateurs et à je ne sais quel bouc émissaire ». Il fallait oser dire une chose pareille ! Avec un tel discours, la mécanique infernale se poursuit dans toute l'Europe et on dédouane ceux qui avaient été montrés du doigt par le Président de la République comme étant les coupables de la situation que nous connaissons. On voit l'intérêt du double discours que vous tenez.

Madame la ministre, contrairement à ce que vous cherchez à faire croire aux Français, de plateaux de télé en émissions de radio, de l'argent, la France en génère beaucoup. Le peuple n'est pas dupe, il sait pertinemment que vous refusez d'aller chercher l'argent là où il coule à flots, c'est-à-dire chez les gens que vous fréquentez : les nantis, les repus, les privilégiés, les profiteurs.

Le déficit de la France atteint officiellement cette année 95,3 milliards d'euros. C'est ce que vous avez dit cet après-midi. On verra si cela se vérifie. Mais si une politique au service de l'intérêt général avait été menée ces dernières années, la France ne serait pas en situation de déficit. Il convient de dire la vérité. Vous essayez d'endormir nos concitoyens – « Dors, je le veux ! » –, en leur présentant la situation économique comme le produit d'une irrésistible fatalité. En fait, elle est le résultat de votre politique et de celle de vos congénères européens, vous épaulant les uns les autres. Parfois même, vous allez chercher l'oncle Sam, pour une conférence de presse commune. On a vu les échanges entre Nicolas et Barack : « Je te passe le céleri, tu me passes la rhubarbe », tout cela pour préparer les prochaines échéances électorales. Lorsque j'emploie le mot « congénères », il s'agit bien de congénères au sens étymologique.

Il faut dire la vérité. Madame la ministre, écoutez ces quelques chiffres. Ils contredisent vos discours, qui cherchent à faire prendre des vessies pour des lanternes.

Selon la Cour des comptes, la politique de l'UMP est responsable pour les deux tiers du déficit de notre pays. D'après l'inspection générale des finances, la suppression des niches fiscales jugées inefficaces ou peu efficaces, qui profitent aux grandes fortunes et aux grandes entreprises, pourrait rapporter plus de 60 milliards d'euros. Vous refusez de mener avec l'énergie nécessaire la lutte contre la fraude fiscale – vous avez donné des chiffres, qui sont en progression, mais l'instituteur que je suis pourrait mettre sur votre livret : « Peut mieux faire ! » Car, de la fraude, il y en a encore. Si vous voulez bien prendre le risque d'avoir des courbatures, vous allez rester longtemps baissée vers le sol pour ramasser tout ce que les fraudeurs ont dissimulé. Nous ne pouvons que vous encourager à continuer.

D'après le syndicat CGT des finances publiques – vous savez que ce sont des gens qui sont reconnus pour leur sérieux –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Mancel, que vous ne soyez pas d'accord avec des honnêtes gens, c'est une chose, mais vous ne pouvez pas contester le sérieux d'une personnalité comme Jean-Christophe Le Duigou, dont on connaît la valeur des analyses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La fraude représente chaque année une perte de recettes de 50 milliards d'euros pour l'État et les organismes sociaux, selon les chiffres du syndicat CGT des finances publiques. Et 85 % de ces 50 milliards sont directement imputables à la fraude des grandes entreprises. Et vous, vous faites la chasse à la fraude aux allocations sociales. C'est comme sous l'Ancien Régime : pendant que le seigneur chassait à travers les cultures de ses paysans, il faisait pendre à son gibet le paysan braconnier qui tuait un lapin pour nourrir sa famille. Contrairement à la déclaration de Nicolas Sarkozy en marge du G20 de Pittsburgh fin 2009, les paradis fiscaux et le secret bancaire, ça existe toujours. Vous leur avez donné ici même, en septembre dernier, en signant dix conventions d'échanges d'informations fiscales avec notamment le Belize et les Îles Cook, dans un silence médiatique lourd de sens, un blanc-seing pour continuer en toute impunité leurs exactions fiscales.

En conséquence, 20 milliards de dollars sont soustraits chaque année, au bas mot, aux finances publiques françaises. D'ailleurs, M. le Président de la République pourrait en parler à son ami Barack, parce que, aux États-Unis, il existe un paradis fiscal : l'État du Delaware. Savez-vous, madame la ministre, que l'on peut y constituer une société sans avoir à se déplacer ? On peut tenir une assemblée générale sans réunir les membres du conseil d'administration. Il suffit de le faire par téléphone. Je pensais que, étant donné les relations amicales, fraternelles, qui existent entre le Président de la République et le Président des États-Unis, on allait enfin s'attaquer à des choses sérieuses et faire prévaloir des règles d'éthique, de morale et d'honnêteté sur la propagande politicienne télévisée.

Par pédagogie politique, pour les citoyens qui nous regardent depuis les balcons de cet hémicycle – ils ne sont pas très nombreux –, mais aussi et surtout grâce à cette formidable tribune qu'est internet, additionnons tout ce qui est soustrait : 60 milliards plus 50 milliards plus 20 milliards plus les 30 milliards, au bas mot, de recettes engendrées par la taxe sur les transactions financières qu'il faut mettre en place et à laquelle le Président de la République a donné son agrément, mais sans passer à l'acte. Nous dépassons les 160 milliards d'euros de recettes supplémentaires chaque année ! Le déficit « abracadabrantesque » fait « pschitt », pour reprendre des expressions utilisées lors du dernier septennat.

Le mensonge fait partie de la politique gouvernementale, madame la ministre. Il en est même un des piliers. Je vais vous citer un texte : « Un système de mensonges ressemble plus à la vérité qu'un mensonge isolé ; plus on voit de choses à contredire à la fois, moins on en contredit ». Qui formulait cette sage réflexion ? C'était Denis Diderot. Vous voyez que la comparaison entre l'Ancien Régime et votre régime crève les yeux. Ce n'est évidemment pas à votre avantage, car cela traduit une régression par rapport à ce que notre peuple a conquis au cours de son histoire.

Le Président de la République a menti aux Français en leur promettant une République irréprochable. Il leur a menti en leur promettant du pouvoir d'achat. Vous ne dites pas la vérité lorsque vous dites que la droite n'a pas augmenté les impôts. Le Premier ministre trompe les Français lorsqu'il nous explique qu'il n'y a pas d'autres choix que la rigueur. Et vous abusez les Français lorsque vous dites à la représentation nationale que vous lui présentez un budget sincère, alors qu'il est fondé sur une perspective de croissance dont vous savez bien qu'elle est fallacieuse, comme cela a été rappelé tout à l'heure.

En fait, mes chers collègues, la vérité est toute autre. Nicolas Sarkozy mange dans la main des marchés financiers, et c'est pour cela que François Fillon plonge la France dans l'austérité, ou plus précisément dans le tourment de la rigueur, c'est-à-dire, concrètement, pour nos concitoyens, dans des fins de mois impossibles pour la France du travail, celle qui se lève tôt et qui travaille dur.

Votre politique est viscéralement inégalitaire. J'ai d'ailleurs remarqué, madame la ministre, que le mot d'égalité, vous ne le prononcez pas. Vous y avez substitué « l'équité ». Mais l'égalité et l'équité, ce n'est pas du tout la même chose. Je vous renvoie au Petit Robert, ou à n'importe quelle encyclopédie, pour parfaire votre maîtrise du vocabulaire, pour que l'on ne se trompe pas de mot. Ou, plus exactement, parce que vous avez une parfaite maîtrise de la langue, madame la ministre, vous substituez subrepticement un concept à un autre, pour embobiner les Français. C'est notre rôle de démasquer ce qu'il y a derrière ces mots, illégitimement employés.

Dans vos plans d'austérité, puisque maintenant les coups de matraque budgétaires se multiplient, comme en Grèce ou en Italie, on constate encore une fois que ce sont les peuples qui paient la facture de la gabegie des exonérations fiscales et sociales, ainsi que des petits et des gros cadeaux fiscaux que vous avez accordés aux nantis et aux privilégiés.

Ainsi, sur les 18 milliards de vos plans d'austérité pour 2012, ce sont 13 milliards qui vont directement frapper les Français les plus en difficulté ou les familles moyennes : taxe sur les sodas, augmentation des complémentaires de santé, hausse généralisée de la TVA.

À cet égard, madame la ministre, vous maîtrisez si bien ce que l'on appelle à l'Élysée les « éléments de langage » que vous mériteriez que l'on vous décerne un billet d'honneur, comme cela se faisait autrefois dans les écoles, à la fin de l'année scolaire. Vous ne vous en sortez pas si mal. Il faut en effet avoir une sacrée audace pour prétendre que vous instituez un taux de TVA réduit de 7 % tout en oubliant de préciser qu'il se substitue au taux de 5,5 % ! Vous avez un vrai talent, madame la ministre. Je pense que, dans une vie future, on pourra vous voir faire des tours de magie, et vous y excellerez !

La politique que vous menez n'est plus supportable. La coupe est pleine. Non content de promettre de la sueur et des larmes, le Gouvernement met les Français à genoux financièrement. Soyons concrets. Ces Français ont des visages ; ce sont des enfants à qui il faut donner à manger chaque jour du mois et qui sont, pour une part importante d'entre eux, vous le savez fort bien, privés de vacances. Regardez le succès des sorties à la mer organisées par le Secours populaire ou le Secours catholique. Cela devrait suffire pour votre édification, madame la ministre, et pour mesurer à quel point votre politique est injuste. Ces enfants ne mériteraient-ils pas eux aussi quelques fantaisies ? Alors que le jour de Noël approche, est-il normal que les parents soient obligés, comme cela sera le cas samedi prochain à Montreuil, d'aller à la brocante des jouets du Secours populaire pour offrir quelques jouets à leurs enfants ? Nous en sommes là, aujourd'hui.

Vous ne cessez de faire des comparaisons avec l'Allemagne. Soit, comparons-nous à l'Allemagne et mesurons la longueur des files d'attente devant les soupes populaires à Berlin. L'Allemagne, ultime référence à vos yeux, s'enfonce dans la pauvreté et la misère. Or lorsque l'on voit ce qui se passe à Berlin ou sur les rivages de la Baltique, on n'a vraiment pas envie de prendre la politique allemande comme modèle !

Sans les aborder toutes, je m'attarderai sur quelques-unes de vos mesures.

La revalorisation des prestations familiales et des aides au logement au taux de la croissance prévisionnelle ne servira pas à protéger les allocataires, mais à faire des économies de bouts de chandelle sur tous ceux qui ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois, même en percevant ces allocations. L'économie est de 500 millions d'euros par an, soit dix fois moins que ce que l'on pourrait économiser chaque année en supprimant la niche Copé. Il n'est pas acceptable que vous réduisiez ces aides qui bénéficient aux familles modestes.

S'agissant de l'augmentation de la TVA, vous avez dissimulé la réalité en faisant semblant d'instituer un nouveau taux réduit de TVA alors que, en fait, vous augmentez ce taux.

Par ailleurs, comment pouvez-vous frapper la culture ? Comment un gouvernement peut-il avoir pour grand projet de réserver la culture à une élite financière ?

La vente des produits de luxe, madame la ministre, ne s'est jamais aussi bien portée en France et dans le monde. N'aurait-il pas mieux valu augmenter la TVA sur les sacs Vuitton, les Rolex, les Patek Philippe, les Ferrari, et frapper ainsi tous les produits de luxe ? On m'a dit que l'on pouvait acheter une Rolex pour 90 000 euros ou une Patek pour 80 000 euros. Mes chers collègues, avez-vous une idée de ce que cela représente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est tout à votre honneur, chers collègues ! Mais alors, pourquoi défendez-vous ceux qui en ont ? C'est la question que l'on peut vous poser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non ! La liberté des exploiteurs, la liberté du renard dans le poulailler, ce n'est pas la liberté ! Ce qui affranchit, comme le disait un héros de la Révolution, ce n'est pas la liberté, c'est la règle ! Et la règle fiscale juste est une bonne règle. Pour vous, la liberté, c'est le maintien des paradis fiscaux, par exemple, ou votre manque de détermination dans la chasse aux fraudeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Parce que vous connaissez des riches qui ne fraudent pas, monsieur Vitel ? Je parie que vous pensez à Mamie Liliane ! (Sourires.) Donnez des noms de riches qui sont honnêtes. Vous en connaissez, vous, des riches vraiment honnêtes ? Quand je parle de riches, je veux dire des vrais de vrais, ceux que vous soutenez. Je ne parle pas des gens qui gagnent 5 000 ou 6 000 euros par mois, ce qui n'est déjà pas si mal. Je pense à ceux que vous soutenez,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…parce qu'ils sont des « chefs d'entreprise », dites-vous. Mais si les chefs d'entreprise gagnent tant pour eux-mêmes, c'est qu'ils ne distribuent pas assez en salaires et qu'ils n'investissent pas suffisamment pour qu'il y ait moins de misère dans notre pays, et ailleurs – car ce qui est vrai chez nous est vrai partout. Il faut une autre conception de la répartition des richesses produites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La justice, elle passe par là. L'égalité, elle passe par là. Vous, vous tondez les pauvres parce qu'ils sont plus nombreux et vous remplissez les coffres déjà bien remplis des riches. Vous ne pouvez le contester, toutes les études publiées montrent que les riches sont plus riches et les pauvres, plus pauvres. C'est comme le fameux âne dont le propriétaire avait décidé qu'il allait l'habituer à renoncer à se nourrir chaque jour. Au bout de cent sept jours, alors qu'il commençait à s'habituer, le pauvre âne est mort de faim.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Les Français n'ont pas envie que vous les destiniez à ce triste sort.

Madame la ministre, il est choquant de constater qu'en France, sur la dernière année, près d'une personne sur trois a dû renoncer à se soigner en raison de difficultés financières. La politique que vous menez est très cohérente. Qui est votre maître à penser ? C'est quelqu'un qui fut un adepte du Petit Livre rouge, cher à Mao Tsé-Toung : un certain Denis Kessler, qui s'est ensuite reconverti dans le business en devenant numéro 2 du MEDEF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Un homme remarquable ? Je ne suis pas sûr que vous serez encore de cet avis lorsque j'aurai fini de lire ma citation. Monsieur Vitel, vous qui êtes solidaire de l'ancien maoïste, je vous lis ce que M. Kessler a déclaré dans le journal Challenges d'octobre 2007. Dans son édito intitulé « Adieu 1945, raccrochons notre pays au monde ! » il écrivait :

« Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. [...] Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s'y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d'importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la sécurité sociale, paritarisme...

« À y regarder de plus près, on constate – et c'est là une sorte d'hommage de cet ancien maoïste à Nicolas Sarkozy et à vous-même, madame la ministre – qu'il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! » Oui, madame la ministre, vous faites une sorte de révolution blanche, vous êtes en plein révisionnisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et moi, je revendique mon gaullisme face à ceux qui le trahissent ! Nous étions unis dans les combats de la Résistance et c'est de ces combats que sont sortis les progrès sociaux extraordinaires qui ont fait de la France un phare attirant l'attention des peuples de la planète.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je reconnais que ce que je viens de dire est très bien. (Sourires.) Vous devriez y adhérer d'une façon qui ne soit pas platonique, mon cher collègue. Mais il est vrai que, dans vos circonscriptions, vous ne pouvez pas reconnaître le reniement, le renoncement, la capitulation, l'aplatissement devant les intérêts du grand capital, que vous servez même si vous n'avez pas de Rolex ou de Patek.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pour être à l'heure aux rendez-vous qui vous sont fixés par vos donneurs d'ordre, une simple montre est aussi utile qu'une montre de luxe.

Nicolas Sarkozy a instrumentalisé la thématique du Conseil national de la Résistance, lors d'un séjour à Bordeaux le 15 novembre dernier. Il a osé dire : « Ceux qui ont trahi l'héritage du CNR, ce sont ceux qui, pendant des décennies, ont bien soigneusement dissimulé aux Français qu'ils finançaient leur système de protection sociale à coup de déficits. [...] Là est la trahison de l'esprit et de la lettre de notre modèle social ».

Lorsqu'on met en relation les propos de Denis Kessler et de Nicolas Sarkozy – j'allais dire Denis Sarkozy, mais il est vrai qu'ils sont interchangeables – et qu'on les confronte à la situation vécue par les Français, je ne m'interroge pas quant à savoir qui est le traître, puisque le Président de la République a parlé de trahison. C'est vous, monsieur Sarkozy, qui ne dites pas la vérité. C'est vous qui trahissez le système créé par Ambroise Croizat et Pierre Laroque. Vous trahissez le programme du Conseil national de la Résistance et vous trahissez ce que défendait alors le Général de Gaulle, dont vous vous revendiquez pourtant.

Mes chers collègues, entre Nicolas Sarkozy et Charles de Gaulle, il faut choisir. Où est la France, où est l'intérêt du peuple français ? Il est du côté de Charles de Gaulle. Il n'est évidemment pas du côté de Nicolas Sarkozy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mon cher collègue, oui, c'est extraordinaire, car dans notre pays, lorsque le danger menaçait, nous avons toujours su, sur les choses essentielles, nous retrouver au-delà de nos différences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, monsieur de Courson. Il y a des députés du Nord et du Pas-de-Calais présents dans cet hémicycle. Demandez-leur quand les premiers résistants communistes sont tombés sous les balles nazies. Pas en 1942, pas en 1941, mais dès que les nazis sont entrés en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ceux-là se sont engagés en violation des ordres du parti communiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Non ! Cessez de nous insulter, monsieur de Courson !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Prétendre le contraire, c'est les faire mourir une deuxième fois. Cela, c'est inacceptable.

Je sens, monsieur le président, que vous allez bientôt me dire que mon temps de parole est sur le point d'être épuisé. (« Il l'est déjà ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je terminerai par une citation du Général de Gaulle : « Il n'y a de réussite qu'à partir de la vérité ». On comprend mieux, à partir de cette pensée simple et profonde du Général de Gaulle, pourquoi tout ce que l'UMP entreprend depuis cinq ans se transforme en fiasco pour la majorité des Français.

Germaine Tillion, femme héroïque, disait que « l'asservissement ne dégrade pas seulement l'être qui en est victime, mais celui qui en bénéficie. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, mon cher collègue, ce sont des références historiques qui cadrent notre pensée politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…et qui rappellent quels sont les piliers de notre système politique et social, sur lequel nous vivons encore. Il est hérité du programme du Conseil national de la Résistance, que cela vous plaise ou non !

Les relaps, les renégats, au sens biblique du terme, ce sont ceux qui trahissent et qui ne veulent pas assumer l'héritage dont ils devraient être fiers.

Cet héritage, vous le foulez au pied ; nous le défendons car nous considérons qu'il fait partie de notre patrimoine commun. Il s'agit en quelque sorte des bijoux de notre famille nationale. Et c'est en les protégeant que nous ferons redémarrer notre pays, que vous êtes en train de mettre à genou en soumettant les Français à des conditions de vie insupportables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Ueberschlag

M. Brard est maintenant le gardien de nos bijoux de famille !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, mes chers collègues, j'aurai l'occasion, dans la suite de la discussion, de revenir sur ces réseaux d'intérêts. Mais d'ores et déjà, demandons-nous ce qu'ont en commun Mario Draghi, Mario Monti et Lucas Papademos : ils ont tous trois servi Goldman Sachs ! Pensez-vous que ce sont encore les gouvernements qui dirigent l'Europe aujourd'hui ? Non, ce sont ceux qui tiennent la finance entre leurs mains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Adopter notre motion de procédure, mes chers collègues, c'est montrer la nécessité de remettre toute cette réflexion sur le métier et de rompre avec la situation actuelle. Cela implique de faire appel aux ressources profondes du peuple français pour ouvrir des perspectives fondées sur une vision renouvelée de l'avenir de nos peuples – j'emploie le pluriel car nous ne sommes pas les seuls concernés.

Enfin, pour revenir à vos références, monsieur Huet, je peux vous dire que je n'ai jamais été stalinien : je n'ai d'ailleurs aucun mérite car j'étais trop jeune.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Il ne faut pas renier le communisme, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais vous, vous auriez pu l'être. Du reste, sortir Staline de la naphtaline quand on n'a pas d'arguments à opposer aux miens dénote une pensée un peu courte, si vous me permettez cette remarque.

Pour finir, madame la ministre, je vais vous remettre mon petit cadeau avec cette image qui met en regard les privilégiés d'hier et ceux d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ce qui est formidable, c'est que Jean-Pierre Brard a parlé de tout sauf du collectif, en définitive.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il nous amuse toujours autant mais sur le fond, l'argumentaire est tout de même un peu court. La seule question qui se pose est de savoir ce qu'il faut faire en matière de dépenses et en matière de recettes.

Voilà pourquoi nous ne voterons pas cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour le groupe UMP, la parole est à M. Jean-François Mancel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Nous nous réjouissons tous à titre personnel de retrouver notre collègue Jean-Pierre Brard. La tribune semble lui avoir beaucoup manqué et, ce soir, il a fait encore plus fort que d'habitude. Cela étant, je ne pense pas qu'il ait fait avancer le débat d'un centimètre. Je l'ai écouté avec beaucoup d'attention et je n'ai trouvé dans son intervention absolument aucun argument qui justifie le renvoi en commission qu'il était censé défendre.

C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Goua

Madame la ministre, lors du débat sur le projet de loi de finances, j'avais souligné que le budget était insincère parce qu'il se fondait sur un taux de croissance de 1,75 %. Ce nouveau collectif retient l'hypothèse d'une croissance de 1 %. L'OCDE annonce pour la France une perspective de 0,3 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Goua

Je serai moins lyrique que Jean-Pierre Brard mais je vais répondre à M. de Courson : dans l'excellent rapport de notre collègue Gilles Carrez, il est indiqué que 0,1 point de croissance en moins représente 1 milliard de perte de recettes. Puisque l'OCDE annonce 0,7 point de moins que l'hypothèse retenue par le Gouvernement, ce seront donc 7 milliards de recettes supplémentaires qu'il nous faudra trouver. Ce collectif budgétaire est déjà obsolète.

Il faut ajouter à ces 7 milliards les 5 milliards liés au spread sur la dette de notre pays. Cela fait donc 12 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Goua

Le renvoi en commission présente l'intérêt de pouvoir élaborer un plan global, qui comprenne une répartition plus équitable des efforts. Ceux-ci ne doivent pas toujours peser sur les plus démunis – je pense à l'augmentation de la TVA sur les services à domicile et sur les travaux. Comme l'a dit notre collègue Muet, il faut un plan global, qui permette à la fois de relancer l'investissement et la croissance car sans croissance, c'est l'asphyxie totale.

Nous voterons donc la motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour le groupe GDR, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Pour une fois, il est particulièrement facile de justifier un renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Cela ne s'est pas vraiment senti dans l'intervention de M. Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Il ne faut pas nous interrompre, monsieur Jacob. Sinon, cela rallonge le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Cette facilité tient au fait que les projets de loi de finances et les projets de loi de finances rectificative qui nous sont présentés depuis le début de l'année sont systématiquement en retard sur l'évolution de la situation. Nous avons discuté d'un budget fondé sur un taux de croissance de 1,75 % alors que nous savions qu'il serait plutôt de 1 %, voire inférieur à 1 %. Aujourd'hui, nous est présenté un projet de loi de finances rectificative fondé sur un taux de croissance de 1,5 % alors qu'il sera vraisemblablement de 0,5 %, voire de 0,3 %. Autrement dit, le texte que nous examinons aujourd'hui est d'ores et déjà dépassé.

Deuxième chose : l'austérité conduit à la régression économique et sociale, tous les économistes faisant preuve d'un minimum d'objectivité le soulignent. C'est ce que nous vivons aujourd'hui : augmentation du chômage, régression ou stagnation du pouvoir d'achat, baisse des recettes de l'État. L'austérité n'est pas la bonne solution. Vous faites exactement l'inverse de ce qu'il convient de faire.

Par ailleurs, j'ai entendu le rapporteur général revenir sur le dogme selon lequel les coûts salariaux seraient trop élevés dans notre pays. Cela fait trente ans que, dans notre pays, on baisse ces coûts. Le résultat, c'est que nous sommes confrontés aujourd'hui à une terrible crise dont beaucoup d'économistes s'accordent à dire qu'elle est une crise de la demande, et donc qu'elle est due notamment à des salaires insuffisants.

Enfin, il faut bien voir qu'à côté des coûts salariaux, il y a les coûts financiers. Je ne prendrai qu'un exemple : en huit ans – donc y compris pendant la crise –, la part des dividendes distribués aux actionnaires et des intérêts versés aux banques dans la richesse des entreprises est passée de 25 % à 36 %. Si encore les actionnaires faisaient de cet argent quelque chose d'utile ! Mais ce n'est absolument pas le cas. Aujourd'hui, 95 % des capitaux qui circulent dans le monde sont uniquement spéculatifs.

Si vous cherchez des économies à faire, ce n'est pas dans les coûts salariaux mais dans les coûts financiers qu'il faudra les chercher.

Nous voterons cette motion.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans la discussion générale, la parole est à M. Charles de Courson, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme le précise son exposé général des motifs, ce quatrième et dernier projet de loi de finances rectificative pour 2011 a deux objectifs : un objectif classique, qui vise à ajuster les dépenses et les recettes de l'exercice 2011 dans le respect d'un déficit maintenu à 95 milliards ; un objectif que je qualifierai de « non-classique » qui consiste en la mise en oeuvre du volet fiscal du plan de redressement du 7 novembre 2011 dont les incidences portent intégralement sur 2012, à hauteur de 5,2 milliards pour le projet de loi de finances rectificative, le solde relevant de la loi de financement de la sécurité sociale que nous venons de voter.

Au nom du groupe Nouveau Centre, je voudrais essayer de répondre à deux questions.

Premièrement, les mesures relatives à 2011 permettront-elles de tenir l'objectif d'un déficit du budget de l'État de 95 milliards ?

Deuxièmement, les mesures adoptées dans cette quatrième loi de finances rectificative et dans la loi de financement de la sécurité sociale sont-elles adaptées au double objectif de ne pas dégrader le niveau des déficits publics prévu pour 2012 et de faire progresser la justice sociale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

S'agissant de la première question, il est presque certain que, malgré le ralentissement économique observé, l'objectif sera tenu.

Certes, les dernières estimations de l'INSEE et de l'OCDE pour 2011 montrent que la croissance devrait être de l'ordre de 1,7 %, soit un taux très proche de l'estimation révisée du Gouvernement, fixée à 1,75 %. Cependant, quand on regarde en détail la composante de cette croissance, il y a de quoi être inquiet. Pourquoi ? Plus de la moitié de ce pourcentage, pour être précis 0,9 %, a été obtenue grâce à la reconstitution du stock. La croissance hors stock est donc de 0,8 %. De plus, contrairement à ce qu'espérait le Gouvernement dans ses prévisions, la balance commerciale continue de peser négativement sur la croissance, de l'ordre de 0,3 %, soit dans des proportions qui diffèrent peu de la moyenne constatée ces dix dernières années : la perte de compétitivité de notre économie se poursuit. Enfin, les prévisions pour le dernier trimestre avoisinent zéro.

Le ralentissement que l'on observe dans toutes les économies occidentales fait que nous sommes très proches de l'objectif révisé, mais cela augure mal de l'année prochaine.

Pour la partie de la loi de finances rectificative qui concerne 2011, le Gouvernement tient ses objectifs de dépenses – le rapporteur général l'a rappelé – et il est assez proche des prévisions initiales en matière de recettes, avec des augmentations et des réductions ça et là. Globalement, le déficit est donc maintenu.

J'en viens à la réponse à la deuxième question : le maintien du niveau des déficits publics prévus – 82 milliards dans le projet de loi de finances pour 2012 en cours d'examen, et 20 milliards environ dans le PLFSS que l'on vient de voter – suppose des mesures plus importantes que celles que propose le Gouvernement. Pourquoi ?

La croissance en 2012 sera hélas ! encore inférieure à celle prévue par le Gouvernement, qui avait déjà révisé à la baisse ses prévisions initiales : d'un taux de 2,25 % dans la loi de programmation, il est passé à 1,75 % puis à 1 %. Les dernières prévisions tant de l'INSEE que de l'OCDE tendent plutôt vers l'hypothèse de 0,5 % ou 0,6 %. Certains pensent que le ralentissement que l'on observe dans tous les pays développés est de cet ordre de grandeur. Même si nous limitions les nouvelles pertes à un demi-point, ce serait 5 à 6 milliards supplémentaires qu'il faudrait trouver en passant de 11 à 16 ou 17 milliards pour seulement maintenir les déficits et non pas pour les réduire au-delà de ce qui est prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale ou dans le projet de loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je voulais dire au Gouvernement, au nom du groupe Nouveau Centre, que les mesures correspondant à l'effort de 5,2 milliards vont globalement dans la bonne direction. Je pense à la majoration de 5 % de l'impôt sur les sociétés, qui ne concernera que les entreprises d'une certaine taille afin de protéger les petites et moyennes et entreprises. Je pense encore à la création d'un nouveau taux de TVA, qui n'est pas encore appelé « taux intermédiaire » mais qui en constitue l'amorce.

L'idée qu'il y a un trop grand écart entre le taux à 5,5 % et le taux à 19,6 % est d'ailleurs très largement partagée dans cet hémicycle. Pour un certain nombre de produits, un taux intermédiaire de 11 à 12 % paraîtrait plus adapté : certes, à 7 %, on n'y est pas encore, mais c'est un début.

Par contre, madame la ministre, le groupe Nouveau Centre, appuyé d'ailleurs par le rapporteur général, a déposé plusieurs amendements pour aménager ces mesures. Je citerai ici deux problèmes : les transports scolaires et la restauration scolaire. Le texte tel qu'il est entraînerait des coûts supplémentaires pour les collectivités territoriales – communes et régions, mais surtout départements. Nous avons là, je crois, un problème entre ceux qui sont en régie, ceux qui sont en délégation de service public, et ceux qui ont complètement externalisé ces fonctions.

Troisième mesure : vous proposez le gel des barèmes, non seulement de l'impôt sur le revenu, mais aussi de l'impôt de solidarité sur la fortune et d'autres encore. Le gain n'est pas négligeable, puisqu'il s'élèvera à 1,7 milliard cette année et que, comme vous proposez ce gel des barèmes pour deux ans, cette mesure rapportera 1,7 milliard supplémentaire l'année prochaine.

Enfin, il y a une mesure qui n'a pas été suffisamment mise en avant : le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et les intérêts est porté à 24 %. On ne le dit pas assez, mais cela veut dire que l'on progresse vers un dessein largement partagé dans cet hémicycle : à terme, il faut que l'ensemble des revenus du capital soient traités comme l'ensemble des revenus du travail. On ne dit pas assez, en effet, que sur les revenus du patrimoine, nous nous trouvons dans une situation quelque peu aberrante : certains de ces revenus, par exemple les revenus fonciers, sont imposés dans des conditions de droit commun, alors que trois catégories de revenus du patrimoine échappent au droit commun : les dividendes, les plus-values mobilières et les plus-values immobilières. Pourquoi ?

Le texte du Gouvernement résout quasiment la partie du problème qui concerne les dividendes et les intérêts. Un taux de 24 % appliqué à 60 % de ces revenus – car il y a un abattement de 40 % – revient à peu près à prélever 41 % – c'est-à-dire le taux marginal d'imposition de la tranche la plus élevée de l'impôt sur le revenu – de 60 % : on est quasiment à la parité. Mais, madame la ministre, pourquoi n'achevez-vous pas ce travail pour les plus-values mobilières et les plus-values immobilières ?

Sur les plus-values immobilières, vous me répondrez qu'on a sensiblement évolué. C'est vrai, mais nous ne sommes pas encore à la parité. Il reste – or c'est à mon sens le plus choquant – à se pencher sur les plus-values mobilières.

En termes économiques, sur les marchés, vivre de plus-values mobilières ou de revenus de son portefeuille de valeurs mobilières, c'est quasiment la même chose. Il suffit en effet, au lieu de toucher des dividendes, de réaliser les plus-values juste avant le versement des dividendes : vous ne serez pas traité de la même façon, alors qu'en fait, économiquement, c'est la même chose.

Sur ce sujet, le rapporteur général et moi-même avions quelques idées pour faire évoluer le dispositif et basculer au moins les plus-values « à court terme », c'est-à-dire les plus-values de ceux qui font tourner en permanence leur portefeuille pour ne pas toucher de dividendes mais uniquement des plus-values.

Car qui serait concerné ? Il suffit de regarder la composition des revenus des familles pour voir que c'est massivement le dernier décile, voire le dernier centile : grosso modo, les revenus des capitaux mobiliers deviennent prépondérants dans les deux derniers centiles. Il serait donc tout à fait justifié d'aller au bout de cette réforme.

Vous allez dans la bonne direction, mais on pourrait aller un peu plus vite.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

On va dans le mur, et on pourrait y aller en klaxonnant !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je voudrais enfin dire quelques mots de trois mesures sur lesquelles je pense que le Gouvernement aurait tout intérêt à se rallier à la position de la commission des finances.

D'abord, je vous félicite d'avoir renoncé à cette inénarrable taxe sur les nuitées de luxe : elle était anti-communautaire, elle était discriminatoire, elle ne rapportait rien. Je passe. On lui a réglé son compte, et c'est très bien comme cela. Je dis toujours, madame la ministre, que dans la vie il faut savoir reconnaître quand on fait une petite boulette, surtout que celle-ci était d'ailleurs tout à fait mineure.

Je voudrais vous parler de deux autres choses beaucoup plus importantes et beaucoup plus graves.

Vous voulez réformer le FACÉ, le fonds d'amortissement des charges d'électrification.

Je ne suis pas un conservateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

La situation du FACÉ est née, entre les deux guerres, de la volonté des élus – nos collègues de l'époque – issus des zones rurales de créer un système de péréquation entre zones urbaines et zones rurales. C'était une bonne chose, et on devrait d'ailleurs s'en inspirer dans d'autres domaines, notamment celui des télécommunications : plusieurs d'entre nous ont proposé la création d'un FACÉ dédié aux télécommunications, comme on avait essayé de créer un FACÉ dédié au gaz – car il y a aussi des problèmes dans ce domaine-là.

Vous dites qu'il n'est pas normal d'avoir confié, à partir de 1946, cet impôt – car c'en est un – à EDF, qui en l'occurrence joue simplement le rôle d'une caisse, qui touche les recettes – il est vrai que c'est elle qui verse la plus grosse partie des 374 millions de l'année dernière – et les dépense, sur ordre du conseil qui administre le fonds. Rester dans cette situation, c'est vrai, n'était pas très sain, surtout que les autres producteurs d'électricité se développent.

Mais, madame la ministre, comme vous l'expliquez dans l'exposé des motifs de l'article 7, vous aviez le choix entre deux solutions : créer un établissement public, ou créer un compte d'affectation spéciale. Je ne vous cache pas que l'établissement public aurait davantage sécurisé le dispositif. C'eût été, je crois, un choix raisonnable. Vous avez choisi le compte d'affectation spéciale. Dont acte.

Par contre, je pense que le Gouvernement n'aurait pas dû céder aux pressions de certains producteurs d'électricité en fixant des fourchettes de taux aussi larges : entre le plancher et le plafond, vous aurez un rapport de un à deux. Si vous appliquez le taux minimum à la partie urbaine – qui est actuellement, je le rappelle, de 0,165 % de la valeur de l'électricité – et le taux maximum à la partie rurale, vous n'aurez plus un rapport de un à cinq mais tout juste de un à deux : vous autorisez ainsi un système de dépéréquation ! Je ne dis pas que vous le ferez, mais cela devient possible.

Nous avons donc déposé deux séries d'amendements. La première solution que nous vous proposons, c'est de fixer le taux par la loi, puisque, jusqu'à preuve du contraire, c'est le peuple souverain qui ici, à l'Assemblée nationale, fixe le taux des impôts. Ce que je vous proposerai, c'est de le fixer au taux actuel. La seconde solution consiste à conserver votre dispositif avec ses fourchettes, mais en l'encadrant beaucoup plus que vous ne le faites : il s'agit de le resserrer, tout en laissant une petite marge de manoeuvre au Gouvernement.

Madame la ministre, les élus des zones rurales savent bien quel rôle joue le FACÉ : ces 374 millions permettent le renforcement des réseaux, l'amélioration de la qualité de l'électricité. Je vous mets en garde, car beaucoup d'urbains n'en sont pas conscients : la qualité de l'électricité se dégrade dans notre pays. En effet, on a sous-investi dans les réseaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ce n'est pas moi qui le dis, mais le président de l'établissement public qui gère ces réseaux : il reconnaît lui-même qu'il a réduit les investissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

La Marne n'est pas le département le plus défavorisé de France, mais chez nous comme ailleurs la qualité de l'électricité se dégrade : appelez la FNCCR, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, et demandez que l'on vous donne l'évolution des ruptures : il y a de plus en plus de micro-arrêts, et leur durée moyenne s'allonge. C'est le signe de la dégradation des réseaux, et c'est vrai dans quasiment tous les départements de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Vous ne pensez plus qu'il faut « faire des économies » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ce n'est donc pas le moment de baisser ces taux. Bien sûr, c'est une charge qui pèse sur EDF et sur les autres producteurs d'électricité. Mais enfin, c'est la contrepartie d'un service rendu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je croyais qu'il fallait diminuer toutes les dépenses…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

J'en arrive enfin au prêt à taux zéro. Vous avez vu, madame la ministre, car cela a été fait en liaison avec vous-même et vos services, que nous voulons revenir à une politique que je pense plus sérieuse.

En effet, la politique du logement telle qu'elle a été menée depuis plus de deux ans va se heurter à un redoutable problème : la disponibilité des terrains. Cette idée qu'il faut arrêter de construire en zone rurale et dans les petites et moyennes villes, pour concentrer les constructions dans les grands pôles urbains et augmenter la densité de ceux-ci en augmentant les hauteurs, est une idée totalement inadaptée à l'essentiel du territoire de la République française !

Il y a beaucoup de territoires dans lesquelles la densité est assez faible pour qu'il n'y ait aucun problème d'accès au terrain. En revanche, dans des zones extrêmement denses comme la région parisienne ou les grandes métropoles, avec cette politique, vous allez consommer l'argent public pour faire monter le prix du terrain et le prix des logements ! C'est d'ailleurs déjà ce qui se passe.

Avoir recentré le PTZ sur les logements neufs, en l'ouvrant à toutes les zones – A, B1, B2, et C – est donc une très bonne chose.

Voilà, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles, sous ces quelques réserves, le groupe Nouveau Centre votera ce collectif budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il arrive tout juste : il était au Palais pour prendre les dernières consignes ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Ce collectif budgétaire est important ; c'est le deuxième pour la deuxième partie de l'année 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Pourquoi ne pas dire que c'est le quatrième, tout simplement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Il tire les conséquences d'un constat simple : la crise des dettes souveraines s'impose maintenant, non seulement à la France, mais à l'ensemble des pays du monde occidental ; nous traversons des moments difficiles, qu'il convient d'analyser de façon très transparente.

Observons qu'il n'y a pas deux catégories d'États occidentaux, mais une seule : tous les pays qui ont eu pour tradition, depuis des décennies, de se financer par la dette pour trouver l'équilibre de leurs dépenses de fonctionnement subissent aujourd'hui les conséquences de la crise des dettes souveraines.

Jusqu'à présent, l'Allemagne, les Pays-Bas, échappaient à cette règle ; mais, depuis quelques jours, chacun a pu l'observer, l'Allemagne est touchée par la crise des dettes souveraines. Lors de sa dernière levée de financement, un tiers des obligations proposées par l'État allemand n'ont pas trouvé de souscripteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

À des taux inimaginables, extraordinairement faibles ! Les plus faibles que l'on ait jamais vus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Et malgré la confiance dans sa dette, l'Allemagne n'a pas trouvé preneur.

Aujourd'hui, l'organisation traditionnelle des marchés – confiance totale dans le triple A, aucune confiance dans le D – est entièrement remise en cause. Tout est remis en question, et au fond, nous sommes à un tournant de l'histoire du financement des collectivités publiques, donc des États.

Ce projet de collectif budgétaire s'inscrit dans cette démarche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Je croyais qu'il s'agissait de modifier l'hypothèse de croissance…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Il y a en quelque sorte deux collectifs : la partie traditionnelle, que nous connaissons, qui dresse le bilan de l'année et effectue les ajustements habituels ; et puis il y a le collectif qui a l'ambition de conserver la trajectoire de réduction du déficit public, qui sera de 5,7 % pour 2011, de 4,5 % pour 2012, avec un objectif ultime de zéro en 2016.

Ce n'est pas, bien au contraire, un objectif de principe, destiné à nous offrir une satisfaction intellectuelle. Nous sommes à un tournant de l'histoire du financement des États ; nous sommes arrivés au terme d'une méthode qui consistait à lever de l'argent pour financer les dépenses de fonctionnement, bref, à faire peser sur nos enfants et nos petits-enfants tous les frais de fonctionnement d'un État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

On a commencé en 1974, monsieur Eckert, et cela s'est accéléré en 1981 ! Je ne vous rappellerai pas l'histoire.

Mais le processus s'est accéléré de 1981 à 1986, et l'on a retrouvé cette accélération entre 1988 et 1993, le budget de 1992 ayant été le plus déficitaire de l'histoire des budgets depuis 1974.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous êtes sûr ? Ce n'est pas plutôt la faute du Front populaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Voilà ce à quoi nous renonçons aujourd'hui. Soyons francs, nous n'y renonçons pas uniquement par choix personnel, mais aussi parce qu'une réalité s'impose à nous depuis 2008 : nous ne pouvons plus utiliser le déficit pour financer notre fonctionnement.

Cela suppose beaucoup de rigueur, une nouvelle vision de la gestion publique, celle-ci étant mise en oeuvre de façon magistrale par Valérie Pécresse, à la demande du Gouvernement et du Président de la République. Cette gestion rigoureuse doit être la marque que nous devons imprimer à ce quinquennat, pour nos enfants et nos petits-enfants. Il faut mieux dépenser en sollicitant moins de déficit, trouver un équilibre juste s'agissant des finances publiques, ce qui signifie, reconnaissons-le, demander davantage d'efforts aux Français.

Naturellement, il serait illusoire, voire dangereux, de prétendre à l'objectif zéro déficit pour cette année. Cela dit, nous réduisons le déficit de façon notable, afin d'atteindre cet objectif en 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Goua

Ils doublent la dette et ils disent ensuite qu'ils vont supprimer tout déficit !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ils doublent la dette et disent que ce n'est pas de leur faute !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Demander aux Français davantage d'efforts passe par une légère augmentation de la TVA. Le président de la commission des finances a indiqué que cette mesure allait avoir un impact sur les classes les plus modestes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Non, car chacun sait que ce ne sont pas les classes moyennes qui vont souvent au restaurant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Ce ne sont pas non plus elles qui font souvent faire des travaux à domicile, à l'exception peut-être de celles qui habitent dans cette commune hors norme qu'est Montreuil, monsieur Brard !

En revanche, la TVA à 5,5 % continuera à s'appliquer sur l'alimentation, secteur crucial qui permet à toutes les familles de France de se nourrir avec un taux de TVA maîtrisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pour les plus modestes, un peu de pain sec suffira !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Voilà pourquoi la majorité soutient le Gouvernement et salue le présent collectif, qu'elle votera le moment venu.

La stratégie politique du Gouvernement consiste à marquer un effort lorsque les circonstances l'exigent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Ce n'est pas un effort, c'est une politique de régression !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Mais cet effort est maîtrisé puisqu'il sollicite davantage certaines catégories de population. L'augmentation de 5 points du taux du prélèvement forfaitaire libératoire est là pour le prouver. On peut être impressionné par l'effort demandé aux Français les plus aisés, dont il est logique qu'ils participent au respect de la trajectoire de réduction du déficit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Cela dit, il doit y avoir une cohérence d'ensemble afin que chacun contribue, à proportion de ses facultés, à la maîtrise de la dépense publique.

Durant les prochains jours, le débat sur ce collectif sera nourri, comme d'habitude. Pour ma part, je souhaite qu'il ne dévie pas de cette trajectoire. Chacun peut observer les tensions qui existent actuellement sur les marchés. Il s'agit de savoir si nous allons devoir payer plus cher notre dette.

Le taux actuel est considéré comme convenable sur les marchés financiers, car chacun a pu remarquer la puissance de notre gouvernance, qui est infaillible. Le Gouvernement est efficace, la majorité le soutient. Parfois, trop rarement, il faut le reconnaître, l'opposition se rallie à la majorité. Mais l'opposition changera sans doute.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Non, elle évoluera dans son comportement, mais elle ne changera pas dans sa nature ! Du reste, ce n'est pas souhaitable, car le projet qui est le vôtre, et notamment la création de 60 000 emplois publics supplémentaires, entraînerait une dégradation mécanique de la France. Par conséquent, 2 milliards d'euros seraient alors nécessaires pour financer la dette publique, ce que personne ne peut imaginer, surtout pas les Français.

Le projet présenté par les socialistes au Sénat crée dix-sept taxes supplémentaires. Vous avez critiqué la majorité qui créait des taxes mesurées afin de trouver un équilibre budgétaire, et voilà que vous en créez dix-sept en une seule année. Soyez sérieux ! Il est souhaitable pour la France que nous respections la logique de la majorité, qui consiste à réduire le déficit budgétaire afin d'aboutir au déficit zéro en 2016. Voilà qui constitue un véritable objectif politique.

Mais cette nouvelle façon d'envisager la dépense publique devra être complétée par une stratégie réelle de réduction du déficit des collectivités territoriales.

L'indépendance des collectivités territoriales, garantie par la Constitution, fait qu'aujourd'hui le Gouvernement ne peut rien leur dire. C'est ce que l'on appelle la séparation des responsabilités. Soit. Pour autant, l'intérêt général, l'intérêt du pays, l'intérêt des Français ne commande-t-il pas de réduire le volume de la dépense publique ? Chacun peut l'observer, la croissance de la masse salariale dans l'ensemble des collectivités territoriales, et particulièrement des régions, est patente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

On sait pourquoi : vous avez transféré les personnels !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Chacun peut remarquer que le vrai gisement d'économies dans les dépenses publiques se situe dans le budget des collectivités territoriales et non plus dans celui de l'État. Il faudra qu'un jour quelques départements, et surtout les régions, prennent conscience qu'il est temps de réduire la voilure. Il est responsable que chacun entre dans cette nouvelle logique de la dépense publique, et respecte la trajectoire du désendettement pour atteindre l'objectif de zéro déficit en 2016, afin que nous tournions une nouvelle page de l'histoire du financement public.

Voilà les raisons pour lesquelles la majorité soutiendra ce collectif, qui veille à préserver ce qui est cher aux yeux des Français, à savoir cette nouvelle façon de dépenser l'argent public, cette nouvelle façon de respecter l'impôt, cette nouvelle façon de respecter les générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Madame la ministre, avant d'aborder quelques faits saillants du projet de loi de finances rectificative pour 2011, je voudrais revenir un instant, même si le président Cahuzac l'a déjà fait cet après-midi, sur les conditions d'examen de ce texte.

D'abord, madame la ministre, vous ne nous avez pas fourni certains documents le jour de la présentation du texte. Les délais ont été très courts et n'ont pas permis, malgré les efforts des personnels et du rapporteur général, que nous soit fourni un rapport complet, ce qui rend les conditions d'examen de ce texte particulièrement difficiles.

J'en veux pour preuve la pauvreté du rapport, page 8 du projet que vous nous avez communiqué, sur l'évolution de la situation économique et budgétaire. Vous avez consacré un petit quart de page seulement à la situation macroéconomique alors que c'est le passage des prévisions de croissance de 1,75 % à 1 % qui est censé justifier ce collectif.

Les mesures contenues dans ce texte ont déjà été évoquées. Je les rappellerai brièvement. Environ 5,2 milliards d'euros de recettes supplémentaires sont attendus, dont 1,1 milliard au titre de la majoration de l'impôt sur les sociétés. Le rapport indique qu'elle touchera environ 1 800 entreprises. Nous avons vu que ce ne sont pas forcément les plus grandes, ce qui risque de pénaliser la compétitivité de certaines catégories d'entreprises.

Vous voudriez peut-être qu'on vous dise que ce n'est pas bien de relever le prélèvement forfaitaire libératoire ? Si, il est évident que cette mesure va dans le bon sens. Vous nous dites qu'il faut y ajouter la CSG et la CRDS. Or, que je sache, la CSG et la CRDS s'appliquent aux revenus du travail. Il n'y a donc pas de raison d'y voir un exploit. Vous devriez aller au bout de la démarche en intégrant les revenus des dividendes dans l'assiette de l'impôt sur le revenu.

Je m'attarderai un peu plus longuement sur l'impôt sur le revenu. Là encore, mettez vos propos en adéquation avec vos actes et reconnaissez que figer le barème revient à une augmentation générale de l'impôt sur le revenu. Le rapporteur général indique dans son rapport qu'à revenu constant d'une année sur l'autre, le contribuable ne paiera pas plus d'impôt. C'est évident, mais j'ose espérer que vous tenez compte du fait que les revenus ont augmenté au moins au rythme de l'inflation – vous dites même qu'ils ont crû plus que l'inflation –, ce qui veut dire que, mécaniquement, tous ceux qui payaient déjà l'impôt sur le revenu paieront davantage. Vous me répondrez que cela concerne la moitié des Français, mais tout le monde aura compris que ceux qui ne payaient pas l'impôt sur le revenu risquent d'entrer dans les premières tranches de l'impôt sur le revenu si leurs revenus ont été en légère augmentation, ce qui est généralement le cas. Quand nous avons avancé cet argument en commission, vous nous avez répondu qu'en dessous de 70 euros, on ne percevait pas l'impôt sur le revenu. Certes, mais celui qui doit 71 euros va devoir les verser.

Je pensais naïvement qu'on nous aurait indiqué le nombre de personnes qui allaient entrer dans l'impôt sur le revenu. On sait que, grosso modo, la moitié des Français paient l'impôt sur le revenu. En figeant le barème, compte tenu des augmentations de revenus, on aurait pu nous indiquer le nombre de foyers supplémentaires assujettis à l'impôt sur le revenu : 50 000, ou 100 000, ou peut-être seulement 3 000. On aurait pu au moins nous donner un chiffre.

Mais surtout, entrer dans l'impôt sur le revenu n'a pas pour seule conséquence de commencer à payer l'impôt sur le revenu. Cela veut dire également que le contribuable ne bénéficiera plus de l'abattement possible, pour les faibles revenus, à la taxe d'habitation ou à la taxe foncière. C'est tellement vrai que vous le quantifiez, le rapport indiquant que sur les 1,7 milliard de ressources nouvelles, 73 millions d'euros concerneront la taxe d'habitation et 9 millions la taxe foncière. Et je ne parle même pas des autres exonérations.

Nous vous disons qu'il faut aller au bout de la démarche, en créant une tranche d'impôt sur le revenu supplémentaire à 45 %. C'est pour nous une mesure de justice.

L'article 2 supprime la taxe de 2 % sur les nuitées d'établissements hôteliers. On nous avait dit qu'on avait trouvé un système formidable, qui permettait de lever toutes les difficultés. On ne tenait plus compte des étoiles et la taxe devait s'appliquer aux nuitées d'hôtel supérieures à 200 euros. Mais cette mesure formidable n'a pas résisté. On ne sait même pas s'il y aura des recettes, tant l'annulation de la mesure est intervenue rapidement après son adoption.

Je m'arrêterai plus longuement sur l'article 11, relatif au taux réduit de TVA. Je suis effaré, mes chers collègues, que l'on puisse légiférer à ce rythme et aussi aveuglément sur cette question.

Vous avez fait l'effort, monsieur le rapporteur général, avec vos services, de nous fournir un document le plus exploitable possible. Cela dit, j'observe sur le tableau de référence figurant aux pages 145, 146 et 147 et listant les produits et services soumis ou non au taux réduit à 5,5 % et concernés ou non par le passage à 7 %, vous n'avez chiffré le rendement de la mesure que pour une partie, une très petite partie des secteurs mentionnés. Dans une bonne part des cas, le produit attendu de la création du taux intermédiaire n'est pas chiffré.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Pour l'assainissement, par exemple, payé par tout le monde et non pas seulement par les riches, le produit du passage de 5,5 % à 7 % est « non déterminé ». Autrement dit, on ne sait pas. Et pourtant, tout le monde paie des factures d'assainissement, d'ailleurs de plus en plus élevées, et l'on ne dispose d'aucun chiffre.

Pour les cantines, c'est compliqué…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Si nous dialoguons, nous allons nous faire à juste titre disputer par le président, monsieur le rapporteur général. (Sourires.) Reste que j'en aurais volontiers discuté avec vous en commission si nous en avions eu le temps et si nous avions disposé de ce fameux tableau.

Pour les cantines, on ne sait pas trop : il y a celles qui sont gérées en régie et celles qui sont déléguées – pourtant, dans un cas comme dans l'autre, tout le monde les paie. Là encore, le produit « non déterminé ». En revanche, il y a une catégorie de cantines pour laquelle il est bien chiffré : je vous le donne en mille, mes chers collègues, ce sont les cantines d'entreprises ! Normalement, ce ne sont pas les plus gros salaires qui les utilisent. Eh bien, le produit attendu du relèvement de la TVA est estimé à 112 millions d'euros !

Pour les parcs à thème, ce sera 6 millions d'euros – vous êtes revenus sur votre position, Disney n'aura donc pas été complètement épargné…

Et la collecte des déchets ? Tout le monde paie la collecte des déchets… Là encore, c'est « non déterminé » !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Et pourtant il s'agit d'un service de première nécessité !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

On ne sait pas combien pèsera l'augmentation de la TVA sur la collecte des déchets. Pour le livre en revanche, on sait : 79 millions d'euros supplémentaires. Bravo…

Pour le logement social – je dis bien : social –, là, c'est chiffré, mais en partie seulement : 126 millions d'euros ! Plus un morceau – le logement destiné à la location-accession – qui n'est pas déterminé.

Je ne peux rien vous dire concernant les produits d'origine agricole, de la pêche et autres, puisque là non plus, le gain n'est pas chiffré.

Je ne vous parlerai pas du bois de chauffage ni des produits de la sylviculture, une belle filière…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Mais il est prévu de les faire passer à 7 %. Là encore, on ne sait pas combien ça va coûter. Mais cela doit faire pas mal !

De même, pour les remboursements et les rémunérations versées par les communes ou leurs groupements aux exploitants – mot tout à fait adapté en l'occurrence –…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…des services de distribution d'eau et d'assainissement, le produit n'est pas chiffré. Et pourtant, Dieu sait si les budgets de l'eau sont monumentaux. On nous indique que l'eau est exonérée de hausse, soit, mais la TVA sur la rémunération aux distributeurs d'eau et d'assainissement, passera bel et bien de 5,5 à 7 %.

Venons-en aux transports de voyageurs. Voilà bien quelque chose que tout le monde utilise : on voit quand même des gens dans le métro ou les autobus…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Là encore, produit non déterminé ! On est incapable de dire à cette tribune, au moment où l'on va voter le passage de la TVA de 5,5 % à 7 %, ce que cela va coûter à un voyageur !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Si je n'ai pas chiffré l'augmentation de la TVA, c'est que je ne disposais pas des chiffres !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Augmentation qui se réduit pour vous, Jean-Pierre Brard, l'a très bien dit à l'adoption d'un « nouveau taux réduit ».

Transports de voyageurs, assainissement, cantines des entreprises, bois de chauffage et produits de la sylviculture… J'ai passé sous silence les travaux dans les logements, mais là, le gain budgétaire attendu est chiffré, la CGPME, l'UPA et d'autres organismes professionnels en ont largement parlé : il devrait atteindre 553 millions d'euros.

Légiférer à ce point à l'aveugle relève de l'irresponsabilité. Sans parler de la difficulté que cela peut poser dans certains cas : ainsi la TVA sur les salades préparées ne sera pas la même suivant que les couverts seront inclus ou non dans le paquet !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Autrement dit, on ne va pas payer le même taux de TVA selon que l'on mange avec les doigts ou avec des couverts !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Augmenter la TVA sur les transports de voyageurs, la collecte des déchets ou l'assainissement, ce n'est assurément pas une mesure de justice ni de solidarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, on pourra toujours habiller comme on voudra la réalité et utiliser, pour évoquer votre inconséquence et vos incohérences un vocabulaire beaucoup plus complaisant, comme on l'a entendu lors de la séquence des questions au Gouvernement.

Vous nous avez parlé, madame la ministre, de sens des réalités et de capacité d'adaptation. Soit. Ne nous battons pas sur les mots et ne sombrons pas dans les procès d'intention – même s'il est toujours très troublant de vous voir, à quelques semaines d'intervalle, proposer des mesures fiscales totalement incohérentes entre elles, et de constater que, du budget initial à la loi de finances rectificative, vous êtes amenée à adopter une politique fiscale qui zigzague au gré des circonstances, et crée parmi les acteurs économiques une incertitude et un climat de doute qui ne sont pas, c'est le moins qu'on puisse dire, des facteurs de confiance.

Vous agissez dans un contexte économique international difficile, nous n'allons évidemment pas le nier. Vous êtes amenée à imaginer en permanence, dans l'urgence, des recettes fiscales nouvelles – beaucoup – et des économies supplémentaires – finalement assez peu – pour empêcher la dégradation de la note financière française et pour prendre en compte la stagnation économique qui nous guette. Je dois admettre à cet égard que je comprends mal que vous vous soyez vous-même mise à ce point dans la main, si je puis dire, de ces fameuses agences de notation en concentrant tout votre propos, depuis plusieurs mois, sur cette fameuse notation de triple A alors que vous-même saviez que c'était extrêmement dangereux.

Sans doute n'en avez-vous pas fini, sans doute l'Assemblée n'en a-t-elle pas fini avec cette valse des lois de finances rectificatives puisque vos hypothèses de croissance, même rabotées, demeurent supérieures à celles de tous les grands organismes internationaux et de tous les prévisionnistes français.

De ce point de vue, avant d'aborder plus précisément cet énième texte qui risque bien de ne pas être le dernier, permettez-moi un conseil, celui d'un responsable politique soucieux de l'état des finances publiques – toutes mes interventions depuis juillet 2007 le montrent. Vous devriez, madame la ministre, écouter plus souvent les écologistes : il y a quelques semaines, comme nous l'avions fait l'an dernier, au-delà de notre devoir d'opposition, nous avons travaillé sur un contre-budget, que nous avons présenté au mois de septembre dernier.

Ce travail est sérieux et raisonnable, comme le démontre d'ailleurs l'expérience récente : en 2010, le Gouvernement prévoyait une croissance de 2,25 %. Le projet de loi de finances alternatif que nous avons présenté tablait, lui, sur 1,5 %. Nous avions raison puisque la croissance sera cette année, au mieux, de 1,7 % – encore ne sommes-nous pas à la fin de l'année. Pour 2012, le Gouvernement pariait initialement sur une croissance de près de 2 % – hypothèse rabotée à un niveau inférieur, on évoque maintenant 1 %, ce que la Commission européenne juge encore trop optimiste. Nous avons pour notre part élaboré notre projet alternatif sur la base d'une croissance attendue de 0,8 %. La réalité nous donne malheureusement raison.

On peut d'ailleurs sérieusement s'interroger sur le sens de votre petit jeu d'illusionniste. Ne s'agit-il pas de préparer progressivement les esprits, budget après budget, initial ou rectifié, à de nouvelles mesures d'austérité dont les classes moyennes sont les premières victimes alors que c'est sur elles que vous faites porter l'effort de solidarité nationale qui devrait pourtant porter prioritairement sur celles et ceux qui en ont le plus les moyens ?

Car si l'on ne peut pas vous faire le grief d'être directement responsable, vous comme votre majorité, de la véritable tourmente financière qui menace nos économies, il est un reproche que l'on peut vous adresser et qui trouve sa traduction dans le texte que nous examinons aujourd'hui : rien, dans les mesures que vous proposez, n'est à la hauteur de la crise que nous devons affronter. Rien n'est susceptible de recréer la confiance sans laquelle il n'y a pas de développement économique durable. Rien n'est porteur de la cohérence indispensable à une reprise de l'activité et rien n'est porteur d'un quelconque changement de vision de l'organisation et de la régulation de l'économie.

Par aveuglement idéologique, vous vous condamnez aux demi-mesures : rien sur la nécessaire réforme de la fiscalité – vous allez répondre qu'à quelques mois de la fin d'un mandat, il est trop tard pour engager une grande réforme fiscale, mais vous êtes, avec votre majorité, aux responsabilités depuis près de dix ans ! Vous auriez par conséquent largement eu le temps de prendre la mesure de la dégradation de la situation budgétaire de la France et aussi de la dégradation du fonctionnement de notre fiscalité. Vous n'en avez rien fait et l'on peut même considérer que vous avez aggravé la dégradation de la situation budgétaire – je vous vois faire la moue, madame la ministre, mais c'est incontestable : il suffit d'examiner les chiffres du déficit et de la dette depuis que cette majorité est aux responsabilités. Si l'on veut dresser le bilan de M. Sarkozy, on ne peut que constater une explosion de la dette publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

C'est la conséquence de toutes les mesures prises antérieurement par les socialistes, depuis la retraite à soixante ans jusqu'à la semaine des 35 heures !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Nous finirons ainsi le quinquennat avec une dette publique de près de 1 800 milliards d'euros, fait totalement inédit dans l'histoire de France depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Vous avez multiplié les mesures ponctuelles, les taxes nouvelles. Le relèvement des taux intermédiaires de TVA touche aveuglément des secteurs économiques déjà en difficulté. Notre collègue Christian Eckert vient d'énumérer longuement tous les secteurs qui vont être touchés et, à travers eux, les consommateurs, les Français dans leur vie quotidienne.

Vous refusez obstinément de toucher à la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune que vous avez engagée au début de l'été dernier, totalement contradictoire avec la logique d'assainissement des finances publiques. Vous avez supprimé la moitié de l'impôt de solidarité sur la fortune, exonéré de l'effort de solidarité nationale ceux qui disposent d'un patrimoine huit fois supérieur au patrimoine moyen des Français.

Vous refusez tout aussi obstinément de toucher au coeur de la détaxation des heures supplémentaires, à savoir à l'exonération de cotisations qui coûte si cher au budget de l'État depuis cinq ans,…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…alors même que cette mesure constitue une forme de trappe à l'embauche et un facteur direct d'accroissement du chômage, chômage qui atteint malheureusement cette année des pics inédits au point que l'on se rapproche à nouveau du seuil fatidique de 3 millions de chômeurs.

Il y a pire : vous invoquiez, pendant la séquence des questions au Gouvernement, en réponse à une question de notre collègue Pierre-Alain Muet, la nécessité de dire la vérité. Mais vous ne dites pas la vérité aux Français : vous continuez prétendre défendre, par exemple, le principe de non-augmentation générale des impôts. C'est au mieux un affichage, au pire une imposture : en ne procédant pas à l'indexation des barèmes de l'impôt sur le revenu sur l'inflation, comme cela se fait chaque année, vous procédez de fait à une augmentation générale de l'impôt sur le revenu, du moins pour celles et ceux qui le paient, sans compter ceux qui, à cause de cette mesure, vont devoir le payer alors qu'ils en étaient exonérés – autrement dit les classes moyennes.

Notre collègue Christian Eckert a déjà expliqué les effets indirects que cela aura sur le calcul des impôts locaux. Si vous êtes encore au contact des concitoyennes et des concitoyens de votre circonscription d'élection, madame la ministre, vous devez savoir que la réforme de la taxe professionnelle, et nous l'affirmons depuis le début, constitue un transfert des entreprises vers les ménages – on en constate le résultat sur les feuilles d'impôt de taxe d'habitation et de taxe foncière. Vous ne pouvez pas le nier, madame la ministre : ces taxes augmentent bel et bien du fait du transfert sur les ménages d'une charge auparavant partagée avec les entreprises.

Vous ferez même entrer dans l'impôt certains de nos concitoyens qui, du fait de la faiblesse de leurs revenus, en sont aujourd'hui dispensés. Croyez-vous vraiment que ce soient ces foyers-là qui doivent fournir en premier lieu les efforts fiscaux et budgétaires pour assainir des finances publiques que vous avez vous-mêmes dégradées à force de cadeaux fiscaux ?

Je pourrais, à mon tour, développer la question de la hausse de la TVA. Notre collègue Eckert a dressé la liste des produits concernés ; je veux également souligner le caractère particulièrement choquant de cette hausse lorsqu'elle touche les organismes HLM ou les transports en commun. Il y a déjà quelque chose d'absurde à ce que des services publics non commerciaux soient assujettis à la TVA, mais qu'ils subissent en plus son augmentation ! Christian Eckert a dit que nous ignorions ce qu'allait rapporter cette mesure au niveau national ; en tout cas, pour les collectivités locales qui financent des transports en commun, comme l'agglomération de Nantes que je connais bien, cela veut dire très clairement, de deux choses l'une, qu'il faudra soit prendre dans la poche des abonnés, des gens qui achètent des tickets, soit renoncer à une part de recettes pour ne pas augmenter les tarifs au détriment des usagers.

Chacun sait que le problème réel en matière de TVA, c'est l'incroyable cadeau que vous avez fait en abaissant le taux de 19,6 % à 5,5 % dans la restauration. Nous n'avons pas peur de le dire, nous l'expliquons d'ailleurs aux professionnels du secteur. C'est une mesure incompréhensible que vous compensez aujourd'hui en pénalisant tous les autres secteurs qui bénéficiaient d'un taux réduit. Plutôt que des cadeaux ponctuels, la TVA nécessiterait une réforme progressive et globale, si toutefois une réforme s'impose. Pour notre part, nous ne souscrivons pas du tout à l'idée d'une « TVA sociale », les deux termes nous paraissant en grande partie contradictoires.

Nous considérons, pour conclure, que vous êtes passés à côté de la vraie réforme fiscale de l'impôt sur le revenu, qui implique une taxation égale des revenus du capital et des revenus du travail. Cette réforme, nous l'entreprendrons si les Français nous donnent la majorité.

Dans les débats présidentiel et législatif qui vont s'ouvrir en 2012, nous dirons que le fil conducteur de votre politique budgétaire et fiscale fut, avec une constance rare chez le Président de la République, l'injustice fiscale. À ce bilan, nous opposerons le projet de notre réforme fiscale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Monsieur le président, madame la ministre, le collectif que nous avons à examiner ce soir propose un ensemble de dispositions recevables, cohérentes, malheureusement encore marquées par cette forme de facilité à laquelle, à dire vrai, nous cédons tous et qui consiste à augmenter les impôts plutôt que de réduire les dépenses, comme cela serait nécessaire en cette période.

Cette tendance était déjà sensible dans le projet de loi de finances pour 2012, dont nous avons discuté récemment, y compris lorsque l'absence de maîtrise des dépenses et l'augmentation des recettes est passée de manière un peu subreptice devant notre assemblée : je pense plus particulièrement à l'évolution du plafond des recettes des agences de l'eau, présentée dans des conditions inacceptables, sans que les choses aient été clairement énoncées, alors qu'elle ouvrait des perspectives d'augmentation de dépenses et de recettes à mes yeux totalement hors de saison – nous aurons l'occasion d'y revenir dans la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012.

S'agissant de ce collectif, vous proposez à la fois, madame la ministre, des mesures sommes toutes assez traditionnelles en pareil cas, mais également un certain nombre de dispositions liées à la situation budgétaire et financière de notre pays, de l'Europe et du monde. Ces dispositions sont recevables, cohérentes, utiles, et nous les voterons bien volontiers.

Mais les mesures prises en France aujourd'hui comme dans d'autres pays européens peuvent, chacun le sait, ne pas suffire. La situation de nos finances publiques est sans doute sous contrôle jusqu'à la fin de l'année, mais nous savons que nos besoins de financement pour le début de l'année 2012 sont d'une telle importance que nous pouvons être confrontés à des difficultés d'une toute autre ampleur.

Mais puisque ce débat est un des temps dont nous disposons pour parler de la stratégie budgétaire de notre pays, j'aimerais, madame la ministre, mieux voir avec vous ce vers quoi nous sommes entraînés et ce vers quoi nous souhaiterions aller.

Nous avons déjà été entraînés à prendre des mesures budgétaires qui résultaient de contraintes extérieures bien plus qu'elles ne relevaient d'une stratégie propre, et nous pouvons craindre d'y être encore contraints. En d'autres termes, cela s'appelle une perte de souveraineté. C'est un fait réel aujourd'hui, qu'il ne sert à rien de nier. La succession de textes budgétaires, qui parfois s'entrecroisent au risque de quelques difficultés de compréhension, constitue une vraie perte de souveraineté. Non seulement nous prenons des mesures que nous n'aurions pas spontanément souhaité adopter, mais, d'un strict point de vue procédural, la représentation nationale finit par se trouver bien à la peine pour savoir précisément ce dont elle discute à un moment donné et quel est le champ exact des orientations qu'elle fixe.

Plutôt que de contester cette perte de souveraineté réelle, le mieux serait de réfléchir, comme vous le faites, à ce que peut être la fondation d'une nouvelle souveraineté. On nous parle d'évolution de la gouvernance économique. Il s'agirait entre autres de la fixation de nouveaux rythmes de travail et de réunion des ministres concernés au sein de la zone euro et de l'Union européenne : c'est utile, mais ce n'est pas à la hauteur de l'enjeu.

On nous parle aussi de nouvelles sanctions pour les pays qui ne respectent pas les termes du pacte de stabilité. Ces sanctions vont sans doute devenir obligatoires : nous y consentirons, mais cela ne suffit pas non plus.

Pour fonder cette nouvelle souveraineté, il faut, au-delà des règles de gouvernance, établir des règles politiques. Vous avez évoqué cette après midi la règle d'or. Mais la règle d'or est un résultat, un constat ; ce n'est pas une politique en soi. Ce dont nous avons besoin, en France et en Europe, ce sont des réformes structurelles concertées. Et cela, il faut que le Gouvernement l'assume pleinement.

Dans cette perspective, il me paraît nécessaire, pour l'efficacité et la crédibilité de notre politique économique, de relancer un programme de privatisations qui, le jour où il sera mené concrètement, lorsque la situation financière l'autorisera, constituera un gage efficace, pour nos concitoyens comme pour la communauté européenne et internationale ; un gage de l'efficacité de réformes structurelles dont nous en partageons l'ambition mais dont nous ne connaissons pas encore exactement la portée concrète.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Le privé, c'est efficace : on voit ce que cela donne !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

En matière budgétaire et monétaire enfin, il faut aussi une politique commune. Vous menez ces discussions avec nos partenaires ; et si nous comprenons que tout ne se porte pas sur la place publique, il doit être possible de décrire les projets envisageables et les perspectives d'évolution de la souveraineté et des accords susceptibles d'être consacrés en Europe. Cela me paraît indispensable dans la relation avec le Parlement et les Français. Au moment où l'on s'apprête à des choix majeurs en matière de transfert de souveraineté, ces choix exigent l'information et l'association du Parlement, comme ils exigent, et le Parlement peut y aider, le soutien des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Les gages d'Hervé Mariton, c'est comme les gages du Mont-de-Piété : à l'arrivée, on est sur la paille !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Monsieur le président, madame la ministre, j'évoquerai pour ma part un point bien particulier.

« Le Gouvernement a décidé d'anticiper un net ralentissement de la croissance et de compenser cette dernière par une recherche de 8 milliards d'euros. Avec l'augmentation de la TVA dans le bâtiment, il fait plus et pire ; il provoque lui-même un ralentissement de l'économie et se tire ainsi une balle dans le pied. Conséquence contraire à ce qu'affirme le Premier ministre, il affaiblit l'un des secteurs les meilleurs contributeurs à la croissance. »

Madame la ministre, ces propos ne sont pas les miens mais je les partage totalement. Ils sont de M. Patrick Liébus, président de la CAPEB. Dans votre recherche de recettes supplémentaires, vous auriez pu prendre des décisions différentes – cela a été rappelé tout au long des débats – en supprimant par exemple les mesures d'exonération sur les heures supplémentaires, contreproductives en période de crise et de montée du chômage ; là encore, je ne suis pas le seul à vous le dire.

Mais par entêtement politique, pour protéger le président-candidat, qui a décidément bien du mal à se remettre en cause, vous persistez dans l'erreur et vous allez pénaliser un secteur qui est l'un des principaux moteurs de la croissance.

Toujours selon la CAPEB, le freinage sera brutal : il entraînera la perte d'un milliard de chiffre d'affaires et la disparition directe et indirecte de 10 000 emplois. Ce qui signifie qu'en plus, les recettes attendues ne seront pas au rendez-vous.

Décidément, ce secteur est particulièrement visé par votre politique : après la mise en place des auto-entrepreneurs, non assujettis à la TVA – ce qui représente un cadeau fiscal important et crée de ce fait une concurrence déloyale qui va s'accentuer –, vous menacez l'activité des petites entreprises du bâtiment. Et je ne parle pas du nouveau frein de recentrage du PTZ et du coup de rabot de 20 % sur le crédit impôt développement durable : cela fait beaucoup pour une même profession !

Si l'on ajoute à cela le recul des dotations aux collectivités territoriales, qui va les conduire inévitablement à réduire leurs investissements – c'est en tout cas ce qu'affirment la majorité d'entre elles –, vous enclenchez sans aucun doute, même si vous ne l'avez pas voulu, un véritable processus de récession.

Nous savons que la période n'est pas facile, mais permettez-nous de vous dire que si, comme vous, nous souhaitons une réduction la plus rapide possible du déficit et de la dette, nous pensons que certaines mesures seront inefficaces, voire contreproductives. Nous en appelons au bon sens : vous savez ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ; ne vous entêtez pas dans des mesures qui n'apporteront rien.

Il est des dépenses qui restent de véritables investissements pour l'avenir. Martin Nadaud, maçon creusois devenu député, défenseur des droits des travailleurs et de la formation professionnelle, disait : « Quand le bâtiment va, tout va. » Je crois que ces paroles sont toujours d'actualité. Malheureusement, elles ne trouvent aucun soutien dans la politique que vous vous entêtez à poursuivre.

C'est en prenant des mesures sans cohérence entre elles que vous êtes illisibles. Vous taxez par exemple les hôtels de luxe, avant de faire machine arrière. La mesure était probablement euro-incompatible, mais il s'agissait surtout d'un effet d'affichage, d'une manipulation : Nous ne sommes pas dupes, la ficelle est un peu grosse. Pour vous, c'est peut-être anecdotique ; mais cela relève vraiment d'un état d'esprit, voire de la provocation lorsque l'on regarde dans le même temps sur qui pèsent les augmentations de TVA.

Votre nouveau plan d'austérité n'aura pas malheureusement les effets attendus, parce que les cibles choisies ne sont pas les bonnes ; une fois de plus, hélas ! cela sera dramatique pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je vous remercie d'avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole, mon cher collègue.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, s'il nous faut examiner un énième PLFR cette année, c'est que depuis trois ans la politique du Gouvernement face à la crise est un échec. Trois ans pendant lesquels vous avez additionné les mesures d'austérité, avec à chaque fois pour effet de porter un coup supplémentaire à l'emploi, aux salaires, à la protection sociale, à la croissance et aux recettes de l'État. Trois ans pendant lesquels, vous n'avez cessé de fuir vos responsabilités dans les causes de la crise. Trois ans pendant lesquels vous avez cru tous les six mois entrevoir la sortie de la crise, pour aboutir à ce constat terrible dressé par Les Échos du 24 novembre 2011 : « L'activité baisse, les entreprises freinent les investissements, la distribution des crédits ralentit, l'économie ne crée plus d'emploi ». On pourrait ajouter : 80

Le pouvoir d'achat des couches moyennes et populaires est attaqué, les services publics sont dégradés.

Ce projet de loi de finances rectificative aura le même effet que les autres, voire pire : en aggravant l'austérité, avant tout pour les Français les plus touchés par la crise, en vous attaquant aux prestations sociales, aux arrêts maladies de nos concitoyens sans aucun discernement, à la TVA, aux mutuelles santé, vous réduisez le pouvoir d'achat, vous cassez la croissance économique et vous creusez les inégalités des revenus et des patrimoines entre les plus riches et les plus pauvres.

Non seulement votre politique ne contribue pas à sortir de la crise, mais elle contribue à nous y enfoncer toujours un peu plus.

La dette vous sert aujourd'hui d'alibi pour imposer une cure d'austérité aux Français en leur faisant croire qu'ils ont dépensé plus qu'ils n'avaient gagné. C'est une mystification totale ! Les origines de cette dette sont connues, mais vous les cachez à nos compatriotes. Les responsables de la dette sont en fait les responsables de la crise, c'est-à-dire les marchés financiers, les spéculateurs, leurs institutions financières ; ce sont aussi les responsables politiques qui ont permis ce formidable gâchis par la déréglementation totale de l'économie et ont multiplié les cadeaux fiscaux, faisant ainsi baisser les recettes de l'État tout en contribuant à gonfler les capitaux spéculatifs.

Il est scandaleux de laisser croire que ceux qui mettent en faillite l'État seraient des gens qui se soigneraient trop, et frauderaient sur les arrêts maladie, alors que, dans ce pays, l'évasion fiscale pratiquée par les plus riches atteint entre 40 et 50 milliards d'euros, c'est-à-dire la moitié du déficit budgétaire prévu pour 2011 ; alors que les revenus des 500 plus grosses fortunes françaises ont augmenté en 10 ans de 100 %, soit un enrichissement de 120 milliards d'euros, malgré la crise – ou grâce à elle; alors que le patrimoine des 10 % de Français les plus riches a augmenté en 6 ans de 47 % tandis que celui des 10 % des plus pauvres n'augmentait que de 9 % et en réalité, avec l'inflation, diminuait.

Vous cherchez de l'argent ? En voilà !

Ce n'est pas tout. Sur les 150 milliards d'euros résultant de cadeaux fiscaux et autres modalités particulières de calcul de l'impôt, nous proposons de récupérer 50 milliards d'euros – ceux qui vont aux plus riches et alimentent la spéculation.

D'ailleurs, ce serait une mesure de salubrité publique que d'interdire les paradis fiscaux et, pour le moins, d'interdire la circulation des capitaux qui ne servent pas au développement économique : 95 % des capitaux qui circulent dans le monde sont des capitaux spéculatifs.

Vous cherchez de l'argent ?

Selon la Cour des comptes, 75 % des exonérations de cotisations sociales ne servent pas à l'emploi et à l'économie. Reprenons 20 milliards d'euros sur ces exonérations inutiles.

Vous cherchez de l'argent ?

Selon le magazine Challenges, durant ces 15 dernières années les fortunes françaises ont augmenté 6 fois plus vite que la richesse nationale. Comment cela a-t-il été possible sinon grâce à des cadeaux fiscaux, en fraudant, en surexploitant les salariés ou les trois à la fois !

Et que dire, même si cela ne concerne pas que la France, de ces 200 000 personnes dans le monde qui possèdent 25 trillions de dollars – soit plus que le PIB de l'Union européenne et des États-Unis réunis !

Que dire également de ce que vient de révéler les Echos : 400 sociétés européennes qui ont retrouvé leurs bénéfices d'avant la crise se sont constitué un « coussin de sécurité » de 3 000 milliards d'euros « placés hors du bilan des banques » !

Alors, arrêtez de protéger les nantis qui plombent l'économie française, européenne et même mondiale pour tenter de préserver leurs privilèges en faisant payer aux peuples les conséquences de la crise qu'eux-mêmes ont provoquée.

Vouloir faire payer à l'immense majorité de notre peuple une dette dont il n'est pas responsable est non seulement injuste, révoltant, mais c'est contribuer à enfoncer le pays dans la crise.

Les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront contre ces mesures d'austérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Madame la ministre, chers collègues, il y a certes la force des circonstances, il y a l'extrême difficulté de piloter les finances publiques alors que la croissance ralentit et que le chômage augmente. Mais aussi, madame la ministre, que de temps perdu !

Il aura fallu quatre ans pour que vous reveniez réellement à une logique de réduction des déficits et de la dette. Je sais bien qu'il y avait le pari de la loi TEPA, qui consistait à essayer de relancer la croissance et à attendre ensuite les retours sous forme, notamment, de recettes pour les finances publiques. Mais la crise a très vite sonné le glas de cet espoir et, malheureusement, vous n'avez pas voulu l'accepter.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Il aura fallu trois ans pour que vous admettiez que la réduction des déficits ne passait pas seulement par des économies budgétaires, mais exigeait aussi des prélèvements que beaucoup, d'ailleurs, au sein de la majorité, demandaient.

Cela prête parfois à sourire : dans la première partie de la loi de finances, j'avais proposé, parmi d'autres mesures, la création d'un second taux réduit de TVA, qui aurait dû s'appliquer dès l'origine à la restauration quand on a décidé de la soumettre à un taux réduit. Vous l'avez refusé ; et dans ce collectif, quelques semaines plus tard, vous reprenez l'idée de ce second taux réduit, mais malheureusement, mais sans procéder à une répartition suffisamment affinée entre les deux taux réduits, ce qui va avoir pour effet notamment de pénaliser fortement la rénovation dans le secteur du bâtiment, comme vient de le dire un de mes collègues.

Au total, les dispositions que vous proposez sont tardives ; elles n'ont pas l'ampleur nécessaire pour venir à bout des déficits et de la dette ; mais surtout, elles ne répondent pas à l'exigence de justice qui légitimerait les efforts nécessaires dans ce domaine.

Monsieur le rapporteur général, je vous ai entendu évoquer les réponses qu'il faudrait apporter à la crise. Sur le rôle que devrait jouer la banque centrale européenne en matière de création monétaire, on ne peut que partager votre point de vue et regretter que l'on ne parvienne pas à trouver un consensus sur ce sujet au sein de l'Union européenne.

Sur la nécessité de maîtriser beaucoup plus étroitement les budgets nationaux et sur le problème que cela pose du point de vue de la souveraineté nationale, je rappellerai que nous avions déjà eu ce débat, il y a un an, lors de la mise en oeuvre du semestre européen dont, curieusement, tout le monde oublie aujourd'hui l'existence.

Je pense qu'il est possible de surmonter cette contradiction, qui n'est qu'apparente, en impliquant plus fortement et plus loyalement que ce n'est le cas aujourd'hui les parlements nationaux dans ce débat et en instituant une représentation permanente des parlements nationaux auprès de la Commission et du Parlement européen, notamment pour discuter des orientations de politique budgétaire à l'échelle de l'Union.

Enfin, il est un troisième élément que vous n'avez pas évoqué : le nécessaire soutien de la croissance. Je pense que l'Union européenne pourrait jouer un rôle plus important dans ce domaine. Actuellement, elle n'emprunte pas, si l'on excepte l'action de la banque européenne d'investissement. En conséquence, elle n'a pas de dette. L'Union européenne, en émettant elle-même des emprunts afin de financer les infrastructures et l'innovation, pourrait peut-être relancer une croissance que les budgets nationaux peuvent difficilement soutenir dans le contexte actuel.

Plus de souplesse monétaire, plus d'exigence et de fermeté budgétaire, plus d'ambition pour l'investissement : une autre politique est plus que jamais souhaitable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le rapporteur général, ma chère ministre, ce projet de loi est bon, pour trois raisons me semble-t-il : pour sa réactivité, parce qu'il s'adapte en permanence à la situation financière de l'Europe et du monde ; pour sa pertinence, car il trouve le juste milieu entre réduire le déficit et ne pas entraver la croissance économique ; pour son caractère juste enfin, car, contrairement à ce qu'on a dit, il partage équitablement l'effort entre tous nos compatriotes.

Sur la situation de la zone euro, je me réjouis qu'on avance vers une idée simple mais essentielle : il faudrait absolument que la BCE devienne prêteur en dernier ressort. C'est le rôle que jouent la banque d'Angleterre et la réserve fédérale aux États-unis, et on en voit l'efficacité sur le taux des emprunts. Certes, ce n'est pas facile car nous nous heurtons ici à l'histoire de l'Allemagne. J'espère donc qu'avec sa force de conviction, de persuasion et sa ténacité, le Président de la République parviendra à faire prendre conscience à nos amis allemands qu'ils doivent évoluer sur ce sujet avant qu'il ne soit trop tard.

Nos collègues socialistes, en revanche, sont en panne, comme leur candidat… On les a encore entendu à cette tribune nous ressasser les éternelles litanies, les mêmes idées reçues et dépassées, sans faire aucune proposition pour sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvons. La raison en est toute simple : ils sont foncièrement, naturellement, dépensiers et démagogues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Ils l'ont d'ailleurs démontré de façon exceptionnelle entre 1997 et 2002. Ils sont dépensiers et démagogues, alors qu'actuellement, il faut être économes et volontaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Goua

C'est parce que vous l'êtes que la dette en est là !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Sur la situation économique et sociale, je ferai quelques remarques. D'abord, s'agissant du système bancaire, certes il est indispensable de sécuriser au maximum les banques, en leur demandant de faire des efforts. Mais en accumulant les contraintes pour le système bancaire – je pense à Bâle 3 – ne risque-t-on pas d'asphyxier progressivement l'économie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Face à cette inquiétude réelle, je souhaiterais que vous nous apportiez des assurances.

En second lieu, le chômage a recommencé à monter fortement, on l'a constaté avec les chiffres du mois d'octobre…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Mais vous ne voyez pas ce qui se passe à l'extérieur. Sur ce plan, nous sommes bien moins mal lotis que la plupart des pays européens !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

C'est moins mal que si c'était pire, disait Coluche !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Le Gouvernement ne pense-t-il pas qu'il serait bon de reprendre les mesures très pertinentes de 2008 et 2009 sur le chômage partiel, qui évitent des destructions d'emploi ? Certes, cela a un coût. Pour ma part, je propose qu'on compense l'effort fait pour les salariés du secteur privé par l'arrêt total du recrutement dans la fonction publique en 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Enfin, ma dernière remarque rejoint le propos de Gilles Carrez : Quoi qu'il arrive, nous devrons aller beaucoup plus loin dans les économies. Mais il faut rassurer nos compatriotes, et effacer l'image, totalement injustifiée, que l'opposition voudrait nous accoler.

Notre idée ne consiste absolument pas à casser le secteur public ; nous voulons au contraire lui conserver les qualités qui sont les siennes en le rendant tout simplement plus efficient.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Nous pouvons parfaitement continuer de protéger les Français comme nous le faisons, dans de bonnes conditions, avec un service public qui coûterait beaucoup moins cher parce qu'il serait plus efficient.

Madame la ministre, parce que vous êtes vous-même efficiente nous continuerons à vous soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je vous remercie également d'avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Michel Diefenbacher.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le collectif qui nous est soumis n'a pas seulement pour objet de procéder aux ajustements habituels de fin d'année. Il vise aussi, et peut-être surtout, à prendre en compte la situation nouvelle créée par le ralentissement de la croissance et par la crise de la dette souveraine au sein de la zone euro. La réponse que nous propose le Gouvernement est claire : il n'est pas question de ralentir nos efforts, il s'agit au contraire d'accélérer le calendrier de réduction de nos déficits.

Ce collectif comporte donc des mesures fortes en matière de baisse des dépenses et d'ajustement des recettes.

S'agissant des dépenses, l'objectif en début d'exercice était de les stabiliser en valeur au niveau de 2010, hors dettes et pensions, ce qui constituait déjà un effort majeur. Lorsque ce collectif sera voté, les dépenses seront en baisse de 200 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Cet effort pèsera essentiellement sur les moyens des ministères.

C'est la première fois depuis la Libération que la courbe d'évolution des dépenses est ainsi inversée. Cela marque un tournant majeur dans la politique budgétaire de la France et force est de constater que, de toutes les collectivités publiques, l'État est celle qui montre le plus concrètement sa détermination à réduire son train de vie.

S'agissant des recettes, je tiens à saluer la volonté clairement exprimée par le Gouvernement d'établir un juste équilibre entre les efforts demandés aux entreprises et aux ménages, et de préserver la situation des familles à revenu modeste et moyen.

Trois mesures illustrent ces préoccupations.

Les produits de première nécessité échappent au relèvement du taux réduit de TVA : l'alimentation, les équipements et services pour handicapés, la fourniture de gaz, d'électricité et de chaleur à partir d'énergies renouvelables restent soumis au taux réduit de 5,5 %. J'ai bien entendu les arguments de nos collègues de gauche : les ménages modestes ne consommant pas seulement des produits de nécessité, pour le reste, ils seront touchés comme les autres par la majoration du taux réduit. C'est vrai, mais ce qui l'est aussi, c'est que les produits de première nécessité pèsent proportionnellement beaucoup plus lourds dans les budgets les plus modestes. Chacun imagine sans trop de peine ce que l'opposition aurait dit si le relèvement du taux réduit de TVA s'était appliqué aux produits de première nécessité.

De son côté, le passage de 19 % à 24 % du prélèvement libératoire sur les revenus du capital, afin de rapprocher la taxation du capital et celle du travail, il sera sans aucune incidence sur les ménages à revenu modeste et moyen puisqu'ils pourront continuer à opter, comme aujourd'hui, pour la taxation au barème de l'impôt sur le revenu.

Quant à la majoration exceptionnelle de 5 % de l'impôt sur les sociétés, elle ne s'appliquera qu'aux grandes entreprises. Contrairement à ce qui a pu être dit, les entreprises moyennes ne seront pas concernées. Le seront uniquement celles qui réalisent un chiffre d'affaires de plus de 250 millions d'euros. Cet impôt exceptionnel ne représentera guère que 1,5 % du bénéfice. Il n'empêchera donc pas ces entreprises d'investir ni d'embaucher ; en revanche cela permettra assurément de répartir de manière plus juste les efforts demandés à chacun.

Ce projet de loi de finances rectificative marque donc une étape majeure sur le chemin du rétablissement de nos comptes publics ; il n'en est en aucun cas le terme.

Si, en un an, notre majorité a réussi à réduire le déficit de plus de 50 milliards d'euros, soit plus du tiers de son montant total, ce qui n'avait jamais été fait, il reste encore à combler un déficit de plus de 95 milliards d'euros pour parvenir à l'équilibre en 2016. Autant dire que, jusqu'à cette échéance, la route sera longue. D'autres efforts seront encore nécessaires. Et dans ce domaine, nous savons bien que plus on avance, et plus c'est difficile. Notre devoir est de le dire. Ce n'est pas parce que des élections se profilent qu'il faut cacher la vérité aux Français.

Pourquoi tant d'efforts ? Ce n'est pas pour complaire aux agences de notations ou pour céder aux caprices des marchés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…contrairement à ce que disent en choeur, d'une même voix, et souvent avec les mêmes mots, l'extrême gauche et l'extrême droite. Si nous sommes engagés dans cette voie, c'est parce que le ressort principal des économies modernes, c'est la confiance. Aucune entreprise ne peut se développer si elle n'a pas la confiance de ses fournisseurs et de ses clients. Aucun pays ne peut se développer s'il n'a pas la confiance de ses partenaires institutionnels ou financiers. Dire le contraire, c'est nier la réalité et mentir aux Français. Dire la vérité et faire ce que l'on dit, c'est tout l'honneur de notre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remplace à cette tribune Aurélie Filippetti, empêchée ce soir. Je vous présente mes excuses car je ne peux évoluer devant vous avec son élégance. (Sourires.)

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Ne dites pas cela ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Ce sera donc, en quelque sorte, un propos à deux voix.

Ce nouveau collectif budgétaire, le quatrième cette année, est censé s'inscrire dans le cadre de la nouvelle prévision gouvernementale de croissance de la France pour 2012, qui serait désormais fixée à 1 %. Il s'agit, en l'espèce, d'un ajustement a minima qui devrait logiquement nous amener, au regard de la conjoncture et des incohérences de la politique gouvernementale, à des ajustements autrement plus conséquent à très court terme. On le sait désormais : un projet de loi de finances rectificatif n'arrête pas d'en cacher d'autres.

Le retour à l'équilibre des comptes publics en 2016 paraît en effet toujours plus inatteignable ; votre marche supposée vers un déficit ramené à 3 % en 2013 va ressembler pour vous, quelle que soit la succession des sommets européens, à l'ascension de l'Everest en sandales d'été !

Dans la dernière révision des prévisions de croissance en date, l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, estime que celle-ci sera très faible en 2012, de l'ordre de 0,3 %, et limitée en 2013, soit 1,5 %. C'est peu dire d'affirmer que l'OCDE se montre moins optimiste que le Gouvernement, d'autant que le risque sur les conditions de refinancement de notre pays s'est accru. On constate en effet que le spread avec l'Allemagne s'est considérablement accentué. Comment réaliserez-vous l'ajustement correspondant ? Pour le moment, vous semblez vous réfugier dans un profond et coupable mutisme.

L'OCDE est on ne peut plus claire : l'activité économique s'est contractée en France au quatrième trimestre 2011, et notre pays va rentrer en récession alors que le marché du travail porte encore les stigmates de la crise de 2008-2009 avec une forte augmentation du chômage de longue durée et du chômage des seniors. Que propose le Gouvernement face à une telle situation ? La défiscalisation des heures supplémentaires… et derrière, le silence !

S'il est évident que la question de la soutenabilité de la dette publique ne peut être éludée, il faut aussi tenir compte de l'impact récessif sur l'activité des politiques d'austérité menées concomitamment par les différents pays européens. Aujourd'hui, tous les éléments sont réunis pour que les politiques de rigueur entraînent un ralentissement important de la croissance et que le déficit se résorbe peu, en particulier dans la zone euro.

Dans ce contexte, les mesures que comporte ce collectif budgétaire ne traduisent rien de moins que les insuffisances de la politique du Gouvernement qui semble ignorer que la capacité à rembourser une dette est appréciée autant au regard des équilibres des finances publiques que du potentiel de croissance de l'économie.

Or votre plan face à la crise ne prévoit aucune mesure de soutien à la croissance ; il ne comporte aucune mesure favorable à la compétitivité – Pierre-Alain Muet l'a souligné en défendant la motion de rejet préalable.

Il est incompréhensible que le Gouvernement s'échine à accentuer la récession en faisant des choix fiscaux contestables qui tuent dans l'oeuf toute perspective de reprise. Il est incompréhensible qu'il se prive de recettes d'un rendement supérieur en refusant, par exemple, de revenir sur l'ensemble des dispositions de la loi TEPA, qui coûtent encore 9,3 milliards d'euros par an, ou de s'attaquer aux différentes niches pointées par le rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, émanant de l'inspection générale des finances.

Il est incompréhensible qu'il prenne le risque de casser l'un des principaux moteurs de la croissance en France : la consommation des ménages. À titre d'exemple, le relèvement de certains taux de TVA se répercutera directement sur le pouvoir d'achat du plus grand nombre. Le Gouvernement a dû se souvenir du sens de la dérision de Coluche qui disait qu'il fallait taper sur les plus pauvres parce qu'ils sont les plus nombreux…

Pour ce qui est du nouveau taux de TVA, Aurélie Filippetti vous aurait dit le Gouvernement doit revenir sur la hausse de la TVA, tout particulièrement dans le domaine du livre et de la culture car cette hausse pénalisera injustement notre réseau de librairies, chaînon vital du secteur culturel en France. En s'attaquant aux biens et aux services culturels en pleine crise, le Gouvernement prive encore davantage nos concitoyens de l'accès à la culture et il met en péril l'un des principaux atouts de la France.

Pour ma part, sur le même sujet, j'estime que le relèvement de la TVA sur les rénovations dans le secteur du bâtiment constitue une erreur funeste. Je vous renvoie à ce sujet à l'accélération de l'activité provoquée en 1998 par le passage au taux réduit.

Les ministres des finances de la zone euro étaient réunis aujourd'hui à Bruxelles. Ils avaient pour objectif d'avancer enfin sur la construction d'un pare-feu convaincant face à la crise de la dette, dans un climat de tensions sur l'avenir de la gouvernance de l'union monétaire. La course folle se poursuit sans que, pour le moment, des réponses concrètes et efficaces soient apportées. C'est un échec pour la France et pour l'Europe car ces évolutions sont aujourd'hui nécessaires. Il est urgent que les responsables politiques esquissent un scénario de sortie de crise crédible. Ce sera un des enjeux de l'épreuve élective et rectificative de 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une grande leçon se dégage de ce collectif : le respect des objectifs de déficit, et partant de la trajectoire annoncée de redressement des comptes publics, ce que d'aucuns jugeaient impossible.

Le déficit attendu de l'État est en légère amélioration par rapport au précédent collectif. À 95,3 milliards d'euros, soit 4,6 % de PIB, il maintient la prévision de déficit public global pour 2011 à 5,7 % du PIB. Ce résultat, acquis dans un contexte particulièrement difficile qui amène le Gouvernement à revoir à la baisse de 363 millions d'euros les recettes fiscales, est dû au strict respect de la norme « zéro volume » et à une réduction des crédits de 203 millions sous le périmètre de la norme « zéro valeur », réduction en valeur qui constitue une première depuis 1945.

Dans le contexte actuel, la réduction du déficit public ne peut être poursuivie qu'au prix d'efforts supplémentaires. Le collectif traduit donc – en recettes pour l'essentiel, compte tenu de la période que nous traversons – une partie des mesures annoncées par le Premier ministre le 7 novembre dernier. Une fois encore, comme le rappelait Michel Diefenbacher, il ne s'agit pas de complaire aux agences de notation, mais de garantir notre besoin de financement, soit 180 milliards d'euros en 2012, ainsi que de stabiliser le poids de notre dette. En 2011, les crédits ouverts au titre de la charge de la dette s'élèvent à 46,39 milliards d'euros, en hausse de 1 milliard d'euro par rapport à la prévision initiale. Or la sensibilité au taux d'intérêts de cette charge est très importante : 1 % de hausse globale des taux d'intérêts génère 2 milliards d'euros d'intérêts supplémentaires la première année, 4 milliards la seconde année, 6 milliards la troisième et ainsi de suite. La charge deviendrait dès lors et très rapidement le premier poste budgétaire de l'État, obérant toute marge de manoeuvre. Le spread avec l'Allemagne vient nous rappeler ce danger, même si les taux actuels restent historiquement bas et si cette situation est loin d'être limitée à la France, d'autres pays classés AAA étant désormais affectés. Le volume de ce plan est donc calibré de façon à respecter les engagements de la France sans toutefois fragiliser avantage la croissance. À cet égard, les orientations prises par le Gouvernement me semblent justes.

Compte tenu du fait que la consommation demeure essentielle à la croissance, le choix d'une hausse limitée du taux réduit de la TVA me paraît judicieux, et ce d'autant plus qu'il s'agit de l'un des rares secteurs où notre imposition est inférieure à celle de l'Allemagne. Ce choix permet de dégager des recettes fiscales supplémentaires pour 1,1 milliard d'euros. Il impactera modérément la consommation et il prend en compte les ménages modestes en excluant les produits de première nécessité ou les équipements nécessaires aux personnes handicapées. De la même façon, le gel des barèmes de l'impôt sur le revenu, de l'ISF et des droits de mutation a l'avantage d'épargner ces mêmes ménages, de posséder un bon rapport – 1,7 milliard d'euros par an – et de faire porter pour l'essentiel l'effort de solidarité sur les plus aisés grâce à la progressivité de l'impôt sur le revenu.

Cette participation des plus aisés à l'effort de redressement est une caractéristique des mesures adoptées depuis la loi de finances initiale, dont le cumul représente une contribution supplémentaire de près de 4 milliards d'euros pour cette catégorie de contribuables. La majoration d'IS, qui ne vise que les grandes entreprises, lesquelles disposent de marges financières, épargne le tissu des PME, préservant ainsi leur compétitivité. Au total, 5,2 milliards supplémentaires seront dégagés dès 2012, dont l'impact sur l'activité économique sera minimal.

Côté dépenses, le collectif procède à une ouverture nette de 2,08 milliards en autorisations d'engagement et 1,15 milliard de crédits de paiement, gagée pour l'essentiel par des annulations : 1,42 milliard en AE et 1,47 milliard en CP. Le seul périmètre « zéro valeur » est impacté par 850 millions d'ouverture, surgagés à hauteur de 1 053 millions. La majorité des annulations se fait hors réserve de précaution, par annulation de crédits devenus sans objet ou par auto-assurance au sein des missions.

J'en viens maintenant à l'ensemble de l'exécution 2011. La réserve de précaution y aura joué son rôle : donner des marges de manoeuvre au Gouvernement sans majoration de crédits. Sur une mise en réserve initiale de 6,3 milliards en AE et 5,6 en CP, 2,6 milliards ont été dégelés et 1,2 milliard annulés en gage de diverses ouvertures de crédits. Restera, en fin d'exercice, un solde de 0,7 à 1,2 milliard, dont l'annulation réduirait d'autant le déficit. Au total, en 2011, les ouvertures de crédit auront été de 3,9 milliards en AE et de 4,3 milliards en CP, gagés à hauteur de 2,9 et 3,34 milliards, pour l'essentiel hors crédits mis en réserve. Les crédits nets auront donc été majorés de 955 millions en AE et de 944 millions en CP, soit 0,3 % des crédits initiaux. Ce montant est très faible par rapport aux trois exercices antérieurs, et il faut s'en réjouir.

On peut donc conclure, tout d'abord, que les normes de dépenses inscrites dans la loi de programmation des finances publiques jouent leur rôle, ensuite, que la budgétisation initiale s'améliore et, enfin, que la maîtrise des dépenses en cours d'exécution progresse, notamment via les redéploiements de crédits en gestion.

Au-delà de ce satisfecit, il reste des marges de progrès, notamment sur le plan de la budgétisation initiale. Ainsi l'ouverture, au titre de l'allocation temporaire d'attente, de 61 millions de crédits en AE et de 52 millions en CP sur la mission « Immigration, asile et intégration » représente-t-elle 10,8 % des crédits initiaux de la mission. Au regard de la hausse constante du nombre de demandeurs d'asile et de l'allongement des délais d'instruction qui en découle, des crédits plus importants auraient dû être inscrits. De la même façon, l'ouverture, sur la mission « Santé », de crédits supplémentaires destinés à financer l'AME est pratiquement devenue un passage obligé en collectif. La sous-budgétisation régresse, certes, puisque l'ouverture n'est que de 35 millions, contre 98 fin 2010, mais le montant inscrit en loi de finances initiale n'en était pas moins inférieur à celui constaté au collectif 2010, ce qui semble difficilement justifiable, malgré les progrès effectués par ailleurs.

En conclusion, ce collectif est marqué par la volonté de tenir nos engagements en matière de maîtrise de nos déficits dans un contexte financier difficile, sans pour autant réduire notre compétitivité ou pénaliser les ménages les plus modestes. Il aura donc tout notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rodet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de collectif budgétaire s'apparente à une tentative de l'avant-dernière chance de conjurer le mouvement de défiance vis-à-vis de la signature souveraine de notre pays. Ce sauve-qui-peut, qui en dit long sur la faiblesse de la coordination économique, pourtant annoncée à grands renforts de communication lors des réunions des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro, montre bien que la surveillance macroéconomique souhaitée n'a, pas davantage que la surveillance budgétaire, impressionné les acteurs de marché.

Les établissements financiers, dont les dirigeants ont été bien souvent saisis par la panique il y a deux ou trois ans, s'empressent aujourd'hui de céder leurs titres de créance sur la France et ne souhaitent plus assurer son refinancement. Pourtant, il y a trois ans, lorsque notre système bancaire et financier s'est mis en drapeau et que son sauvetage s'est fait en pompant dangereusement dans les finances publiques, il n'était pas besoin d'être grand clerc pour prévoir ce qui allait advenir.

Durant cette période, on nous soutenait que les banques françaises étaient solides, robustes, qu'elles avaient des fonds propres élevés, bien au-delà des minima imposés par la régulation prudentielle et que, dans ces conditions, elles étaient peu vulnérables. On sait ce qui s'est passé. Nos banques étaient peut-être saines, mais il a fallu renforcer en urgence leurs fonds propres, ce qui ne les a pas empêchées de continuer à distribuer des dividendes, tout en se méfiant les unes des autres, au point de paralyser la vie interbancaire et d'entraîner, par là même, la rareté et le renchérissement du crédit.

Au moment où tous nos efforts auraient dû être concentrés sur le traitement au fond de cette crise financière et bancaire, au printemps 2010, notre président, M. Accoyer, nous invitait à « analyser globalement la mise en oeuvre des mesures préconisées par la commission pour la libération de la croissance française », présidée par M. Jacques Attali. Le bilan d'étape présenté était plus que favorable : très optimiste, et, à entendre certains, la libération de la croissance était en vue, grâce à une nouvelle gouvernance au service de cet objectif. Las, on sait ce que nous annonce l'OCDE aujourd'hui.

Le taux d'intérêt des obligations de l'État à dix ans a augmenté de 100 points de base entre octobre et novembre et l'écart de taux entre la France et l'Allemagne atteint désormais 2 %, un niveau sans précédent depuis la création de l'euro. Cette situation a, du reste, amené notre rapporteur général, Gilles Carrez, à déclarer à juste titre, ce soir, que cette situation ne pouvait plus être traitée de façon budgétaire et qu'elle devait l'être par la voie monétaire.

En conclusion, l'examen de ce projet de loi nous évoque un épisode historique assez funeste. Je veux parler du siège de Constantinople, en 1453 : alors que les Turcs étaient aux portes de la ville, une docte assemblée discutait du sexe des anges… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Il ne faut pas exagérer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais prolonger les discussions que nous avons eues au sujet du logement lors de l'examen du projet de loi de finances initiale, discussions qui avaient notamment porté sur les dernières décisions du Gouvernement en la matière : la réduction du PTZ et la suppression du dispositif Scellier.

Notre collègue Michel Vergnier a évoqué le relèvement à 7 % du taux réduit de TVA applicable aux travaux réalisés par les particuliers sur leurs biens immobiliers et les difficultés qui vont en résulter pour les artisans et les petites entreprises du bâtiment. Je souhaiterais, pour ma part, prolonger sa réflexion en évoquant les conséquences de cette mesure sur le logement social.

L'application du taux réduit de TVA dans ce secteur, tel qu'il est prévu à l'article 278 sexies du code général des impôts, concerne cinq types d'opération, que je souhaite évoquer de manière précise.

S'agissant des acquisitions de terrains à bâtir par les organismes HLM, il est vrai que la déductibilité de la TVA annulera l'effet de sa revalorisation. Mais, pour les quatre autres opérations, cette mesure aura des conséquences sur la construction de logements sociaux. Elle concerne en effet également, outre les acquisitions de logements locatifs sociaux, les livraisons à soi-même de logements locatifs sociaux par les travaux de construction effectués par les bailleurs sociaux. Or, dans ce dernier cas, la TVA est payée par les organismes, à qui elle est remboursée deux ans après l'achèvement. Je souhaiterais donc savoir à quelle date le dispositif sera appliqué à l'ensemble des opérations déjà engagées, ainsi qu'aux opérations financièrement bouclées.

Enfin, le taux de TVA réduit s'applique à l'accession sociale, par l'intermédiaire du prêt locatif d'accession sociale, et à l'accession en zone ANRU, ainsi qu'aux travaux d'amélioration et de transformation des logements sociaux.

Si j'évoque ces opérations, madame la ministre, c'est parce qu'elles sont au coeur du dispositif de construction de logements sociaux sur l'ensemble du territoire national, surtout dans les zones les plus défavorisées. La minoration de la faveur accordée par l'État du fait du relèvement de 5,5 % à 7 % du taux de TVA, aura des conséquences catastrophiques pour ce secteur : on estime que le surcoût pour les organismes HLM serait de 225 millions d'euros sur une année pleine, si la production reste inchangée – hypothèse peu probable, compte tenu des autres mesures prises récemment par le Gouvernement. Celui-ci n'a-t-il pas déjà prélevé cette année 245 millions sur l'ensemble des opérateurs et des bailleurs sociaux ?

L'ensemble des mesures touchant le logement social peut donc être évalué à 500 millions d'euros. Autant dire que cette aggravation du coût de la construction aura un impact direct sur la capacité des organismes HLM à construire et à réhabiliter. Pourtant, tous les observateurs, y compris le Conseil d'État, admettent que le taux réduit de TVA est l'aide de l'État la plus efficace et la plus favorable en ce domaine. Au reste, je rappelle que le Gouvernement a réduit la participation directe de l'État à la construction de logements sociaux. Il a, en outre, limité à 1 % la revalorisation de l'aide au logement, alors même qu'en renchérissant le coût de la construction, le relèvement du taux de TVA aura pour effet d'augmenter les loyers.

Madame la ministre, votre dispositif va donc frapper les plus modestes. Force est de constater que le Gouvernement ne considère plus le logement comme un bien de première nécessité ; c'est une catastrophe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La discussion générale est close.

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, je veux tout d'abord saisir l'occasion que m'offre l'examen de ce projet de loi de finances rectificative pour remercier l'ensemble des parlementaires. Depuis presque trois mois, dans des circonstances certes particulières, nous débattons ensemble de la politique budgétaire de la nation. Ces débats, souvent nocturnes, sont vifs, nourris et nous ont bien souvent permis d'aller au fond des choses. Dans cette période plus que dans toute autre, je voulais vous redire toute l'importance que le Gouvernement attache au travail parlementaire et vous remercier, mesdames, messieurs les députés, de le faire vivre.

Vous le savez, les circonstances que nous traversons sont exceptionnelles et, dans la bataille de la crédibilité que nous livrons aujourd'hui, la réactivité est la première des armes. Jean-François Mancel l'a parfaitement dit et je l'en remercie.

Cette nécessaire réactivité explique les contraintes particulières qui ont pesé, cette année, sur le débat parlementaire. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, une fois encore, je veux vous exprimer la reconnaissance du Gouvernement, ainsi qu'à l'ensemble des membres de votre commission et à vos collaborateurs.

J'ajoute, à l'attention de Christian Eckert, que, pour la bonne information du Parlement et de nos concitoyens, le Gouvernement a mis à jour, après le plan du 7 novembre, le rapport économique, social et financier. Ce document détaille l'ensemble de notre stratégie pluriannuelle de finances publiques ; vous y trouverez, j'en suis sûre, l'ensemble des informations nécessaires.

Avec sa clarté coutumière, le rapporteur général a parfaitement remis en perspective ce projet de loi de finances rectificative. Comme lui, je suis convaincue que, face à la crise, le sérieux, le réalisme et le sens de la mesure sont des vertus cardinales. Je le dis à Marc Goua et Henri Nayrou, l'art de la prévision est difficile. Avec 1 % de croissance, le Gouvernement a fait un choix sérieux et réaliste – le même, au demeurant, que nos voisins allemands. Nous traversons une période d'incertitudes. Notre devoir est d'agir, non de surréagir.

Les mesures que nous prenons aujourd'hui sont bien dosées et équilibrées. La grande force de ces décisions, comme l'a souhaité M. Mariton, c'est qu'elles sont structurelles et s'inscrivent dans la durée – je pense notamment à l'effort sur les dépenses. Je remercie Michel Diefenbacher de l'avoir souligné : réduire les déficits, cela exige une vraie stratégie pluriannuelle. C'est tout le sens du plan de retour à l'équilibre du Gouvernement.

J'ajoute que notre réserve de précaution de 6 milliards dans le budget 2012 nous permet de faire face aux imprévus ou à un accident de croissance. Et ces 6 milliards d'euros, monsieur le président, sont faits pour jouer leur rôle de marge de sécurité.

J'ai bien entendu Charles de Courson : le Gouvernement a réagi par deux fois avec détermination et, comme il l'a noté, toujours dans le bon sens et avec le soutien des députés du Nouveau centre. L'essentiel, dans les circonstances présentes, est de faire preuve de constance, dans le calendrier comme dans la stratégie.

Ce texte, mesdames et messieurs les députés, prend en effet place dans une stratégie d'ensemble, qu'a parfaitement rappelée le rapporteur général. Cette stratégie très simple, c'est de poursuivre la réduction des déficits sans peser sur la croissance. Je dis bien : sans peser sur la croissance, monsieur Vergnier, et c'est pour cela que nos efforts reposent en priorité sur les dépenses. L'OCDE, que vous avez été nombreux à évoquer ce soir, le reconnaissait justement hier, tout comme le FMI le faisait il y a quelques mois.

Gilles Carrez l'a souligné, ce gouvernement est le premier à avoir freiné, puis inversé la progression permanente des dépenses de l'État, tout en maîtrisant la hausse des dépenses de santé. Et au total, monsieur le président de la commission des finances, cet effort en dépenses sur 2011 et 2012 représente 24 milliards d'euros. La maîtrise de l'ONDAM représente, à elle seule, 5,9 milliards d'économies sur 2011-2012. La priorité donnée à la maîtrise des dépenses est indiscutable. Au demeurant, vous ne pouvez pas, mesdames et messieurs de l'opposition, dresser un tableau caricatural de la révision générale des politiques publiques, comme l'a fait M. Muet…

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

…et dire, en même temps, que le Gouvernement ne fait pas d'économies en dépenses.

Ces économies, elles sont fondamentales. J'ai entendu de nombreux orateurs affirmer que nous traversions une crise monétaire. On peut, certes, réfléchir au rôle de la politique monétaire, mais prenons les choses dans l'ordre ! Nous connaissons aujourd'hui une crise des dettes souveraines. Et comme l'a rappelé Jérôme Chartier, les dettes naissent des déficits accumulés et d'une dépense publique non maîtrisée. Je le dis à Alain Rodet : défendre notre souveraineté aujourd'hui, c'est d'abord équilibrer nos comptes en faisant des économies.

Cette politique d'économies, c'est elle qui nous permet de limiter au strict nécessaire les efforts demandés aux Français. Ces efforts sont bien réels, monsieur le président, et chacun est aujourd'hui appelé à en prendre sa juste part. Même si l'envie ne m'en manque pas, je ne m'engagerai pas dans un débat philosophique avec M. Brard sur l'égalité et l'équité. Une chose est néanmoins certaine : les mesures qui figurent dans ce collectif budgétaire pèseront, pour l'essentiel, sur les grandes entreprises et sur les ménages les plus aisés.

J'en veux pour preuve la majoration exceptionnelle de 5 % de l'impôt sur les sociétés pour les grands groupes. Les grandes entreprises seront bel et bien imposées : 25 % du produit de l'impôt sur les sociétés est concentré sur seulement cent entreprises ! Et je le dis à Jean-Claude Sandrier, cette majoration exceptionnelle pèsera d'abord sur les grandes sociétés : 50 % de son rendement pèsera sur les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 2,5 milliards d'euros. On est très loin des entreprises de taille intermédiaire évoquées par le président de la commission des finances…

L'équité des mesures prises par le Gouvernement ne fait aucun doute. M. Cahuzac a évoqué le gel du barème de l'impôt sur le revenu : ce barème étant progressif, comme vous le savez, l'effet de son gel sera lui aussi progressif. Autrement dit, ce sont bien les ménages les plus aisés, ces 10 % de foyers qui acquittent près des trois quarts de son produit, qui supporteront l'essentiel des effets de cette mesure. J'ajoute que la hausse du prélèvement forfaitaire obligatoire renforcera encore la progressivité de l'impôt sur le revenu.

La réforme fiscale, n'en déplaise à M. de Rugy, c'est notre gouvernement qui l'a faite, et je rappelle que les mesures que nous avons prises en 2011 et 2012 représentent 2,3 milliards d'euros demandés aux Français les plus aisés – effets de la réforme de l'ISF compris.

Pour ce qui est de la TVA, les effets de la hausse du taux réduit seront très limités ; Michel Bouvard l'a fait remarquer et je tiens à l'en remercier. Si nous avons exclu les produits de première nécessité – notamment l'alimentation et l'énergie –, c'est précisément pour préserver les Français les plus fragiles. Au demeurant, c'était bien là le sens originel du taux réduit. Et je reconnais que M. Garrigue avait ouvert ce débat il y a quelques semaines, avec une proposition qui différait tout de même de celle formulée aujourd'hui par le Gouvernement.

J'ajoute que le choc fiscal, c'est le Sénat qui l'a voté, en augmentant de 32 milliards d'euros les prélèvements obligatoires – 32 milliards en quelques semaines, du jamais vu. Voilà la réalité de cette fameuse « autre politique » que l'opposition évoque toujours sans jamais la préciser.

Cette « autre politique », monsieur Le Bouillonnec, briserait net une croissance encore fragile. Elle frapperait tous les Français. Vous comprendrez, mesdames et messieurs les députés, que le Gouvernement préfère, pour sa part, garder le cap : année après année, nous avançons sur le chemin du désendettement. C'est le seul moyen de préserver la crédibilité budgétaire de la France et de protéger les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 30 novembre 2011, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron