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Séance en hémicycle du 11 juillet 2011 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • civile
  • majeure
  • militaire
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  • opérationnelle
  • réserviste

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

M. le président a reçu de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l'informant que l'ordre du jour du mercredi 13 juillet est ainsi fixé :

Le matin :

Troisième lecture du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques ;

Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi portant réforme de l'hôpital.

L'après-midi :

Questions au Gouvernement ;

Éventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure (nos 3299, 3549).

La parole est à M. le ministre de la défense et des anciens combattants.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Monsieur le président, messieurs les députés, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner en première lecture la proposition de loi déposée par les sénateurs Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam, tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.

Avant d'exposer brièvement les enjeux de ce texte, permettez-moi de saluer le travail du rapporteur Patrice Calméjane, qui a su animer la commission, convaincre ses collègues, ce dont je le remercie, et consolider, par ses amendements, la démarche des sénateurs, dont la proposition de loi avait été précédée par une mission parlementaire d'évaluation du rôle des réserves.

De quoi s'agit-il ? Tout simplement de combler un vide.

Nous avions, en matière de mobilisation exceptionnelle et générale des réserves, des dispositions spectaculaires qui n'ont jamais été mises en oeuvre parce qu'elles étaient liées à des menaces militaires, telles que l'état d'urgence, l'état de siège ou la mobilisation générale. Naturellement, nous ne souhaitons pas pour notre pays que de tels cas de figure soient réunis. En revanche, en cas de catastrophe naturelle susceptible d'affecter la sécurité des populations, nous n'avions pas de véritables dispositifs de mobilisation de ces réserves.

Avec cette proposition de loi, nous disposerons, demain, d'un nouveau régime d'exception qui permettra de mobiliser des réservistes. Concrètement, le Premier ministre pourra convoquer rapidement les réservistes en cas de crise majeure.

Il ne s'agit pas de modifier la gestion courante des réservistes. Les réservistes militaires et civils continueront d'entretenir des relations avec leur employeur et leur partenaire public habituel, pour des missions qui, sans être de routine, sont récurrentes et permanentes. En revanche, le Premier ministre aura la possibilité de les mobiliser en mettant en oeuvre des obligations nouvelles tant pour les réservistes, qui auront obligation de répondre à la convocation des pouvoirs publics, convocation qui n'existe pas actuellement, que pour leur employeur, qui aura l'obligation de les libérer, ce qui est plus important encore.

Cette proposition de loi s'inscrit en cela dans la « démarche de résilience » promue par le Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale, la résilience étant définie comme une attitude de résistance à un choc psychologique, consistant à afficher sa sérénité et son adaptation à un environnement hostile.

Plusieurs amendements ont été adoptés en commission, qui traduisent votre intérêt pour ce texte. Il s'agit de précisions essentiellement rédactionnelles, qui ne modifient pas l'économie du texte et qui s'inscrivent dans la continuité de ola première lecture de celui-ci par le Sénat.

Le nombre limité d'amendements montre que le travail initial satisfaisait la commission de la défense de l'Assemblée nationale, dont je remercie le président pour son implication personnelle dans l'inscription de ce texte à l'ordre du jour. Je sais que la commission s'est mobilisée. Elle a examiné la proposition de loi et l'a adoptée sans la bouleverser. Je souhaite vraiment qu'elle soit suivie par votre assemblée elle-même, à cet instant mobilisée.

Permettez-moi d'évoquer brièvement la réflexion plus globale engagée par mon ministère pour rénover la politique d'emploi des réserves.

Nous avons trois objectifs.

Le premier objectif, en partie satisfait, est la clarification de la gouvernance de la réserve : nous voulons donner toute sa cohérence à la politique des réserves militaires et manifester par là même toute l'importance accordée aux réservistes dans notre politique de défense. Les réservistes de défense sont en effet fortement impliqués : ils sont plus de 40 000 à connaître la vie habituelle de la défense, en particulier le fonctionnement des états-majors. Nous approchons la satisfaction des objectifs de présence, à savoir l'objectif de vingt-cinq journées pour 40 000 réservistes à l'intérieur du ministère de la défense, mais nous savons par ailleurs que ces réservistes de défense pourront être utilisés pour des actions interministérielles orientées vers la sécurité civile, essentiellement pour prolonger les actions de sécurité nationale – pour reprendre la formule de la proposition de loi.

Le deuxième objectif est de renforcer le dialogue et la concertation entre les réservistes et leurs employeurs. Très souvent, comme vous l'avez évoqué dans votre rapport, monsieur le rapporteur, les réservistes cachent leur appartenance à la réserve. Ce n'est satisfaisant pour personne. C'est pourquoi nous allons, grâce à cette proposition de loi, clarifier les relations entre l'organisation de la réserve, les employeurs et les réservistes.

Le troisième objectif est d'améliorer, à terme, le lien essentiel entre l'armée et la nation qu'est la réserve citoyenne. Un audit est en cours au ministère de la défense, conduit par les inspecteurs généraux des armées, pour dégager des recommandations visant à donner toute sa place à la réserve citoyenne. Je vous rappelle que la réserve citoyenne est proposée à des citoyens qui, par définition, n'ont pas de lien particulier avec l'armée, mais font le choix de s'impliquer dans la vie publique en manifestant un intérêt pour les fonctions que l'on peut leur confier dans ce cadre. L'articulation de leur implication personnelle au service d'un projet collectif dans le cadre du ministère de la défense sera ainsi améliorée.

La proposition de loi soumise aujourd'hui à votre vote est l'une des étapes de cette valorisation des réserves en tant qu'outil à la disposition du pouvoir exécutif pour des circonstances exceptionnelles. Les Français ont confiance en leur armée, à tel point que l'idée de faire appel à l'armée lorsqu'une situation devient critique vient assez facilement – pas toujours à bon escient, d'ailleurs. C'est en quelque sorte l'ultime recours, l'ultima ratio de la République. Tel n'est pas du tout l'esprit qui nous anime. Notre but est simplement d'utiliser les compétences, la volonté, l'enthousiasme au service de la défense pour des fonctions bien identifiées, qui font l'objet d'une mise en oeuvre régulière et récurrente, et de permettre, grâce à cette proposition de mobilisation pour une cause de sécurité nationale, une action interministérielle à laquelle la défense participera.

Si j'ai beaucoup évoqué la défense, je voudrais dire que la réserve est à la fois civile et militaire : elle n'est pas le fait du seul ministère de la défense, même si celui-ci en représente aujourd'hui 90 %. Formons le voeu que cette réserve de défense soit élargie à la deuxième réserve en termes quantitatifs, la réserve du ministère de l'intérieur, et, surtout, que la réserve des ministères civils – justice, santé – et celle des collectivités locales puissent à leur tour se développer, de telle sorte que cette politique de mise en oeuvre d'une action de sécurité nationale puisse être totalement interministérielle, ce qui n'est pas encore gagné. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Patrice Calméjane, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Monsieur le ministre, je vous remercie des propos que vous avez tenus à l'égard du rapporteur que je suis, mais je voudrais préciser, bien que vous le sachiez évidemment, que la commission de la défense, c'est souvent un travail d'équipe. Je remercie donc l'ensemble de mes collègues qui ont travaillé sur ce texte, ainsi que les fonctionnaires de la commission.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est le fruit d'un long travail effectué par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, et plus particulièrement par sa mission d'information sur les réserves, dont Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Michel Boutant ont été les rapporteurs.

Cette mission d'information a souhaité, dix ans après la réforme des réserves militaires et suite à l'émergence des réserves civiles, examiner dans quelle mesure les pouvoirs publics pourraient s'appuyer sur les différentes réserves pour prolonger et amplifier la capacité de l'État à faire face à des crises de grande ampleur.

Que ce soit pour répondre à des catastrophes naturelles, comme les tempêtes Klaus et Xynthia ou les inondations à Draguignan, à des catastrophes industrielles comme l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, ou encore à des catastrophes de plus grande ampleur, comme une pandémie, les événements du Japon ou les attentats du 11 septembre à New York, les pouvoirs publics se doivent d'intervenir rapidement et d'être capables d'inscrire leur action dans la durée.

Le Livre blanc de 2008 sur la défense et la sécurité nationale de 2008 avait justement placé parmi ses priorités la réorganisation de nos dispositifs de sécurité intérieure et de sécurité civile, ainsi que le renforcement de la résilience de la nation, concept cher à notre collègue Patrick Beaudouin, ici présent.

Qui intervient aujourd'hui en cas de crise majeure sur notre territoire ?

Comme vous le savez, le Livre blanc est très clair à ce sujet : le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile se trouve en première ligne, les armées n'intervenant que de manière complémentaire, à la demande de l'autorité civile.

Au niveau central, c'est donc le ministère de l'intérieur qui assure la conduite interministérielle de la crise. Il s'appuie pour cela sur le nouveau centre interministériel de crise, situé dans ses locaux de la place Beauvau. Ce centre travaille en réseau avec les autres ministères, en particulier ceux chargés des affaires étrangères, de l'industrie, de l'énergie et des transports, et naturellement celui de la défense, avec qui il assure la cohérence des moyens civils et militaires.

Pour l'anticipation des crises, le ministère de l'intérieur s'est récemment doté d'une direction de la prospective et de la planification de sécurité nationale, notamment chargée de l'élaboration, de l'actualisation et du suivi des plans de protection et de sécurité civile.

Au niveau local, ce sont les préfets de zone de défense et de sécurité qui sont devenus l'échelon interministériel de premier rang de gestion des crises, et qui gèrent les moyens déployés par la sécurité civile.

Les armées n'interviennent que sur demande du préfet. Le contrat opérationnel de protection qui leur a été fixé exige qu'elles puissent déployer jusqu'à 10 000 hommes sur le territoire national en quelques jours. Elles seules disposent des hommes, du matériel et de la réactivité indispensables dans de nombreux cas.

Quelle place y occupent les réservistes ?

Dans les premiers temps d'une crise, ce sont naturellement les forces d'active qui sont mobilisées. Elles constituent en quelque sorte la « réserve » des forces de sécurité civile.

Les réservistes militaires jouent un rôle important, comme l'a souligné la mission d'information sénatoriale, dans l'armement des états-majors interarmées des zones de défense et de sécurité, où ils peuvent composer jusqu'à 75 % des effectifs.

Au centre de planification et de conduite des opérations du ministère de la défense, ils jouent également un rôle essentiel puisqu'ils sont plus d'une trentaine, sur un effectif de plus de 200 personnes.

Mais c'est plutôt dans le deuxième temps de la crise, après la montée en puissance rapide des forces d'active, que les réservistes pourraient être appelés à jouer un rôle croissant. En participant directement aux opérations ou en remplaçant des militaires d'active pour les opérations courantes, ils pourraient permettre la relève des effectifs d'active et donc l'inscription de leur action dans la durée.

Enfin, dans la phase d'après-crise, après les opérations de secours, les réservistes, en particulier ceux de la sécurité civile, pourraient participer activement aux opérations de déblayage et de soutien aux personnes, rendues nécessaires par la désorganisation des services publics.

Or le fonctionnement actuel des réserves ne permet pas de répondre pleinement à ces attentes. Il se heurte en effet à trois difficultés : en premier lieu, les effectifs annoncés sont souvent théoriques, les fichiers ne sont pas toujours mis à jour, ni les coordonnées et l'emploi du temps des personnes disponibles connus de l'administration, ce qui rend théorique le recours à ces personnes ; ensuite, l'effort de planification et de préparation aux différents risques qui a été consenti ces dernières années n'a pas, ou très peu, intégré les réservistes ; enfin, la réactivité des réservistes en cas de crise, telle qu'elle est actuellement organisée par les textes, est insuffisante.

C'est à ce dernier problème que vise à remédier la proposition de loi. Il ne s'agit donc pas d'un « grand » texte sur l'organisation des réserves – le Gouvernement ayant récemment lancé un travail sur ce sujet – mais d'un texte permettant au Gouvernement de faire convoquer rapidement les réservistes en cas de crise majeure. C'est donc avant tout un nouvel outil créé à destination du pouvoir exécutif.

Le texte contient également une importante rénovation de ce que l'on appelle le service de défense, régime juridique qui permet à certains opérateurs d'importance vitale de maintenir ou de rappeler à leur poste leurs employés en cas de crise majeure. Conformément aux recommandations du Livre blanc, le service de défense est transformé en service de sécurité nationale.

Le titre I de la proposition de loi crée un nouveau régime d'exception, la réserve de sécurité nationale. Les régimes d'exception qui existent actuellement – état de siège, état d'urgence, mobilisation générale – souffrent en effet de deux limites : soit ils ne prévoient pas la convocation des réservistes, soit ils sont contraignants à mettre en oeuvre, compte tenu des restrictions aux libertés publiques qu'ils imposent. Le texte permettra donc de mettre à disposition du Premier ministre un nouvel outil, capable de répondre à des situations de crise comme les catastrophes naturelles ou technologiques.

Dans certaines circonstances exceptionnelles, appréciées par le Premier ministre, celui-ci pourra recourir par décret à la réserve de sécurité nationale, c'est-à-dire qu'il pourra faire convoquer l'ensemble des réservistes, civils et militaires, pour la durée qu'il aura fixée.

Il ne s'agit donc pas de mettre en place une gestion interministérielle des réserves, comme le Livre blanc le préconisait, et encore moins de créer une sorte de « garde nationale » à la française, spécialisée dans la gestion des crises sur notre territoire.

L'objectif de la proposition de loi est simplement de s'abstraire des conditions habituelles de convocation et de durée d'emploi des réservistes pour les faire venir plus rapidement, vraisemblablement sous trois jours, et pour une durée plus longue, trente jours au maximum. Les règles applicables aux différents réserves sont aujourd'hui très disparates, il est donc important de les harmoniser pour pouvoir y avoir recours en cas de crise majeure.

Les réservistes appelés à ce titre intégreront ensuite leurs unités d'affectation, pour y occuper leur emploi habituel. Ils n'auront pas à solliciter l'accord de leur employeur pour répondre à leur convocation, accord qui est nécessaire en temps ordinaire. S'ils ne répondent pas à leur convocation, ils pourront se voir appliquer une contravention.

L'objectif poursuivi n'est naturellement pas de dissuader le réserviste de s'engager mais, au contraire, de valoriser son rôle, en lui signifiant qu'en temps de crise la communauté nationale a besoin de lui, ce qui, selon moi, renforce le sens de son engagement.

La seconde innovation introduite par la proposition de loi est la transformation du service de défense en service de sécurité nationale, ainsi que le préconisait le Livre blanc. Le service de défense est un régime juridique d'exception créé à la fin des années 1950 pour assurer la continuité de l'action publique et de l'action des entreprises concourant « à la défense, à la sécurité et à l'intégrité du territoire et des populations, de même qu'à la sécurité et la vie de la population ». Concrètement, il consiste à imposer à certaines catégories de personnes travaillant pour l'un de ces organismes d'être présentes ou de rejoindre leur poste en cas de déclenchement du dispositif. Trop contraignant à mettre en oeuvre, il n'a jamais été utilisé.

La commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a judicieusement lié le nouveau service de sécurité nationale au dispositif des opérateurs d'importance vitale. Ces opérateurs d'importance vitale sont désignés par le Gouvernement parmi « les opérateurs publics ou privés exploitant des établissements ou utilisant des installations et ouvrages, dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation ».

Ces opérateurs d'importance vitale, qui sont un peu plus de deux cents aujourd'hui, doivent mettre en place des plans de continuité d'activité. En cas de décision, prise par décret en Conseil des ministres, de recourir au service de sécurité nationale, les salariés concernés par un plan de continuité d'activité devront ne pas quitter ou rejoindre leur poste de travail. S'ils appartiennent également à la réserve, c'est leur affectation au sein de l'opérateur d'importance vitale qui primera.

En inscrivant pour la première fois dans la loi les plans de continuité d'activité, ce texte permettra au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale d'amplifier son travail de sensibilisation des administrations et des entreprises à l'établissement de ces plans.

Votre commission de la défense a naturellement adopté ce texte, après y avoir apporté quelques précisions rédactionnelles. Plusieurs de mes collègues se sont émus, monsieur le ministre, de la création d'une sanction à l'encontre des réservistes qui ne rejoindraient pas leur poste en cas de recours à ce dispositif ; pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur ce point ?

Si cette proposition de loi est la première à traiter de l'ensemble des réserves, civiles et militaires, beaucoup de chantiers restent à mener. À trois jours de notre fête nationale qui célèbre nos armées, et quatorze ans après la fin du service national, vous allez, monsieur le ministre, disposer du nouvel outil que sont nos réserves. C'est indéniablement une chance à saisir pour resserrer les liens entre la Nation et la Défense.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les chantiers engagés par le ministère de la défense pour rendre les réserves à la fois plus attractives, mieux organisées et plus efficaces ? Enfin, un important travail d'acceptation sociale des réservistes reste à accomplir, en associant davantage les entreprises : quels sont les projets du ministère en la matière ?

Cela étant dit, j'espère ardemment, mes chers collègues, que vous voterez tous ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Teissier

Vous l'avez dit, monsieur le ministre, c'est le Livre blanc qui nous a fixé le cap, l'objectif : « parer aux risques et menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la nation ».

Quel que soit le scénario de crise, la sécurité civile et la sécurité intérieure sont toujours les premières à intervenir. Les armées, ainsi que les réserves militaires et civiles, ont également leur rôle à tenir, puisqu'elles peuvent apporter leurs savoir-faire spécifiques et les moyens dont elles disposent pour résoudre ces crises.

Les cas potentiels de crise majeure ont tendance à se multiplier, pour plusieurs raisons. La complexité croissante de notre économie nous pousse à investir dans des installations représentant des risques technologiques importants, quand bien même leur conception et leur réalisation répondent aux plus hautes normes de sécurité technologique dont notre pays est capable. Notre économie dépend également d'un certain nombre d'infrastructures vitales, dont le caractère critique tend à s'accentuer avec le développement de leur technicité. Nous ne sommes pas à l'abri d'un risque d'attaques contre ces infrastructures, et nous ne pouvons pas en ignorer les conséquences.

Enfin, une multiplication des catastrophes naturelles ne peut être exclue, comme cela a fort bien été rappelé par Patrice Calméjane : il suffit de se souvenir de la tempête Xynthia ou des inondations dans le Var, à l'occasion desquelles nos forces sont intervenues avec une efficacité que je salue ici.

Ces éléments contribuent à expliquer le lien si étroit entre la défense et la sécurité de notre territoire, lien qui tend à devenir de plus en plus fort. Permettez-moi, à ce propos, de vous rappeler, monsieur le ministre, que l'une des université d'été de la défense – manifestation à laquelle vous nous ferez évidemment l'honneur de participer en septembre prochain – avait été l'occasion, quatre ans avant le Livre blanc, de démontrer ce lien entre sécurité et de défense. Défendre notre pays en effet, ce n'est pas seulement prévoir les menaces extérieures mais également parer à celles venant de l'intérieur.

Les armées et les réserves sont devenues indispensables à la gestion des crises sur le territoire national. Comme nous le rappelle le code de la défense, la protection du territoire national est au premier rang des priorités du réserviste. De plus, les armées sont liées par un contrat opérationnel de protection du territoire fixé par le Livre blanc : jusqu'à 10 000 hommes doivent pouvoir être déployés en quelques jours, avec mission de contribuer en priorité à la sécurité des points d'importance vitale – ce que l'on appelait autrefois les points sensibles –, à celle des flux terrestres essentiels pour la vie du pays, ainsi qu'au contrôle de l'accès au territoire.

Le déploiement de moyens militaires fait partie de la stratégie de sécurité nationale, et l'efficacité de l'action militaire est une préoccupation majeure. Dans ce contexte, le renfort de réservistes est essentiel. La proposition de loi présentée par Patrice Calméjane et visant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure répond à cet objectif d'efficacité, avec la mise en place d'une réserve de sécurité nationale.

La loi vise à augmenter la réactivité des réservistes, en diminuant notamment le délai minimal de préavis de convocation. Des sanctions sont également prévues, au cas où le réserviste ne répondrait pas à la mobilisation ; enfin, l'employeur aura désormais obligation de libérer un réserviste, ce qui n'est pas forcément le cas aujourd'hui, en particulier lorsqu'il s'agit de l'État ou des collectivités territoriales, qui ne donnent pas toujours l'exemple en la matière.

Cette réserve de sécurité nationale n'est pas une « garde nationale » à l'américaine ; elle n'est donc pas autonome dans son fonctionnement. Si, actuellement, toutes les réserves sont gérées indépendamment les unes des autres par les autorités de leur ministère d'origine, ce ne sera désormais plus le cas puisque, pour la première fois, un même texte réunit les dispositions applicables à l'ensemble des réserves civiles et militaires. Il va de soi que la mobilisation sera plus efficace en cas de crise si les réserves sont soumises aux mêmes règles.

L'essentiel, à mes yeux, et que nous donnions un sens à la démarche citoyenne qui anime ceux qui s'engagent dans la réserve, surtout dans un monde où les repères tendent à se diluer et où le sens de l'intérêt général tend à s'estomper. Le fait de donner à des hommes et à des femmes la possibilité de prendre un engagement citoyen, à côté de leur investissement professionnel, ne peut que contribuer à retisser le lien social.

Il me semble cependant important de réfléchir d'ores et déjà à la manière dont pourrait être améliorée la coordination des actions entre les différentes réserves. Plus largement, il s'agit également de resserrer les liens entre l'État et les collectivités locales. En effet, nous avons tous pu constater que l'insuffisance de communication entre les différents acteurs de la sécurité publique était susceptible d'en amoindrir l'efficacité.

Cette loi est la clé qui permettra d'enclencher une véritable dynamique de réforme dans la gestion des réserves. Elle met à l'honneur l'engagement des réservistes français, elle leur offre un cadre clair d'action et, surtout, elle contribue à accroître la protection des populations. Notre pays pourra compter sur ses réservistes, c'est-à-dire sur leur réactivité, leur efficacité, leur dévouement et leur sens du devoir, pour gérer au mieux les crises. Je ne doute pas, mes chers collègues, qu'il vous tiendra à coeur de voter cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Beaudouin.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Beaudouin

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la réforme en profondeur des réserves, survenue en 1999, a été la suite logique de la professionnalisation des armées. Tirant les conséquences de la suspension de la conscription, elle a assigné une double mission aux réserves militaires. Celles-ci doivent tout d'abord renforcer les capacités des forces armées, tout comme les réserves civiles doivent renforcer les moyens des forces de sécurité civile.

La présente proposition de loi a pour objet de renforcer l'efficacité de cet aspect des réserves. En effet, si la gestion des crises repose d'abord sur les forces d'active des armées et des services de sécurité civile, qui sont en mesure d'y faire face, une crise peut, par son ampleur et surtout par sa durée, rendre nécessaire le recours aux réservistes.

Les réserves doivent ensuite contribuer à entretenir l'esprit de défense et à renforcer le lien entre la Nation et son armée. Depuis la fin du service national sous sa forme historique, les réserves sont, avec le parcours citoyen composé de l'enseignement de défense, du recensement et de la journée défense et citoyenneté, l'instrument privilégié de ce lien. La réserve opérationnelle y contribue naturellement, mais c'est surtout la vocation première de la réserve citoyenne, que la proposition de loi n'évoque pas, mais sur laquelle je reviendrai.

La proposition qui nous est présentée aujourd'hui vient corriger les insuffisances du régime actuel de mobilisation des réserves. D'une part, les textes aujourd'hui en vigueur ne permettent pas une mobilisation rapide des réservistes ; d'autre part, ils ne rendent possible qu'une mobilisation de courte durée. Quant aux procédures juridiques d'exception, telle la mobilisation générale, elles apparaissent anachroniques et, de fait, inapplicables. Les conditions d'emploi des réserves aujourd'hui ne sont donc pas adaptées à la survenue d'une crise majeure.

Il était par ailleurs nécessaire de prendre acte du continuum entre sécurité et défense, entre protection civile et protection militaire, mis en évidence par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

C'est pourquoi il fallait prévoir un régime permettant de mobiliser non seulement les réserves militaires, mais aussi les différentes réserves civiles – réserve de la police nationale, réserve sanitaire, réserves communales de sécurité civile – afin de faire face à des crises qui peuvent être aussi bien de nature militaire que prendre la forme d'un acte terroriste, d'une catastrophe naturelle, d'une crise sanitaire, d'une attaque contre les systèmes d'information ou d'une catastrophe technologique ou industrielle.

La proposition de loi répond à ce double enjeu. Le rapporteur, M. Patrice Calméjane, a parfaitement présenté ses modalités et les a même amendées. Je ne les rappellerai donc que très rapidement. Ce texte permettra, en cas de crise majeure dont l'ampleur « met en péril la continuité des services de l'État, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation », de recourir au dispositif de « réserve de sécurité nationale », composé de la réserve militaire opérationnelle et des réserves civiles. Elle sera mobilisable dans un délai plus rapide – trois jours sont envisagés – et pour une durée plus longue – jusqu'à trente jours, éventuellement renouvelables, sans l'autorisation de l'employeur. Ce dispositif présentera, de surcroît, un caractère contraignant qui permettra de s'assurer de la mobilisation effective des réservistes.

La proposition de loi ne répond pas – telle n'était d'ailleurs pas son ambition – à toutes les questions liées aux réserves : je pense, par exemple, au budget qui leur est alloué, au développement des différentes formes de réserve civile, encore trop embryonnaires, ou encore au renforcement du dialogue et du partenariat avec les entreprises, pour éviter les situations, trop nombreuses, où des réservistes dissimulent leur engagement à leur employeur.

Il me semble surtout qu'il faut, au-delà des excellentes dispositions techniques de cette proposition de loi, affirmer une ambition supplémentaire, et j'aimerais profiter de cette tribune pour l'évoquer.

C'est ainsi qu'il faudrait, d'abord, élargir la réflexion à la réserve citoyenne, dont le Livre blanc relevait déjà qu'elle pâtissait « d'un manque de visibilité et de clarté des objectifs qui lui sont assignés », et appelait, en conséquence, à sa « refonte ».

Créée en 1999, la réserve citoyenne est ouverte à tous les « volontaires agréés par l'autorité militaire en raison de leurs compétences, de leur expérience ou de leur intérêt pour les questions relevant de la défense nationale ». Elle a pour objet d'« entretenir l'esprit de défense et de renforcer le lien entre la nation et ses forces armées ». Le renforcement de ce lien est nécessaire, alors que les dernières grandes guerres appartiennent à un passé très lointain pour les jeunes générations, et que la conscription a été suspendue. Nos soldats souffrent aujourd'hui d'un manque de reconnaissance, non pas de votre part, monsieur le ministre, mais de notre population, de nous-mêmes. En témoigne, par exemple, le dernier avis du Conseil supérieur de la fonction militaire qui vous a été récemment présenté, et dont je voudrais citer un passage : « Les militaires attendent de la nation davantage de reconnaissance. Ils l'attendent des médias et de la société civile à l'égard des sacrifices de nos camarades, morts et blessés dans l'accomplissement de leur mission au profit de la défense de leurs concitoyens et des intérêts supérieurs de la nation. » De fait, nos concitoyens accueillent aujourd'hui avec trop d'indifférence, hélas ! la mort de nos soldats sur les théâtres d'opérations extérieures.

J'ajoute, parce que notre armée est l'armée de la République, que la réserve citoyenne a également un rôle à jouer dans la transmission des valeurs républicaines. De même que les réservistes opérationnels contribuent à l'encadrement des préparations militaires, les réservistes citoyens pourraient jouer un rôle dans l'encadrement d'un parcours citoyen. Cet objectif justifierait que soit mise en place une « nouvelle réserve citoyenne ».

« Nouvelle réserve citoyenne » aux missions plus ambitieuses, donc, mais aussi aux effectifs plus importants. Au 31 décembre 2009, le nombre de réservistes citoyens agréés n'était que de 2 536, dont moins d'un tiers directement issus de la société civile. Se pose donc la question de l'élargissement du recrutement, aujourd'hui trop peu tourné vers la société civile, et peut-être excessivement élitiste, alors que les acteurs identifiables, identifiés, en action, sont très nombreux. Monsieur le ministre, vous aviez indiqué au cours de la discussion de la proposition de loi au Sénat qu'une étude avait été confiée à l'inspection générale des armées sur la réserve citoyenne. Pourriez-vous nous indiquer à quel stade en est ce travail ?

La refonte de la réserve citoyenne doit s'inscrire dans une ambition plus vaste. « L'objectif de la réserve citoyenne doit aller au-delà du renforcement du lien armées-nation et doit s'intégrer dans un vrai parcours citoyen initié à l'école », écrivent nos collègues sénateurs Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam dans le rapport qui a inspiré la présente proposition de loi. Ils se référaient à la mission que m'a confiée le Président de la République, visant à définir un parcours de la citoyenneté, du civisme et de l'esprit de défense.

« On ne naît pas citoyen, on le devient », écrivait Spinoza. Il s'agit donc de mettre en place un véritable apprentissage de la citoyenneté, qui permettra de former des citoyens responsables, conscients de leurs droits et de leurs devoirs, désireux d'exercer une citoyenneté active, et ce tout au long de leur vie. Les valeurs républicaines – liberté, égalité, fraternité, laïcité, démocratie – doivent être reconnues, apprises, assimilées et partagées.

Ces valeurs irriguent déjà, bien sûr, l'enseignement scolaire mais leur transmission doit être valorisée et confortée par la mise en place d'une « Journée de la République », organisée chaque année, le même jour, par exemple aux alentours du 11 novembre, date symbole de l'engagement du soldat-citoyen dans la vie et la défense de la patrie, à tous les niveaux et dans tous les établissements scolaires. Journée de débat sur le « savoir vivre ensemble », elle comprendrait des enseignements académiques, tels que l'histoire, la géographie, l'instruction civique, permettant de valoriser et de conforter le travail des enseignants et de l'éducation nationale. Elle serait éclairée par la mobilisation de témoins extérieurs à l'école comme, par exemple, des trinômes académiques, des familles, des communes, des militaires actifs ou des anciens combattants. Elle pourrait aussi être l'occasion de regrouper les différentes enseignements sociaux ou sociétaux dont l'école a été chargée au fil du temps : développement durable, sécurité routière, handicap, santé, secourisme, Europe. Ils prendraient davantage de sens et gagneraient en efficacité s'ils étaient rappelés dans le cadre d'une journée ayant pour objet le « savoir vivre ensemble ».

Cette journée pourrait susciter les premiers actes d'engagement volontaire, donner à nos jeunes qui seraient recensés et valorisés par un passeport civique, l'envie de mener des actions citoyennes.

Cette première étape serait couronnée par une « journée du civisme », organisée au niveau des communes, qui constituent le premier échelon de la citoyenneté. Elle serait l'occasion de rappeler l'ensemble des enjeux de la citoyenneté et les possibilités d'engagement au service de la nation. Elle pourrait être le moment où serait solennellement délivrée leur carte d'électeur aux jeunes citoyens, ainsi que le certificat de nationalité française pour ceux qui ont exprimé le désir de nous rejoindre.

Cette journée viendrait compléter l'actuelle journée défense et citoyenneté, qui pourrait ainsi être recentrée sur les questions de sécurité et de défense, conformément à une exigence formulée dans le Livre blanc, et se verrait, naturellement, rebaptisée « journée de la défense ». Dans leur rapport, nos collègues Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam écrivent – mais peut-être le propos est-il sévère – que les « journées d'appel dans leur format actuel [ont] un effet répulsif à l'égard de l'engagement militaire ». Un recentrage leur permettrait de mieux remplir l'une de leur missions, qui est de présenter aux jeunes les possibilités d'engagement dans les forces armées et les forces de réserve, ainsi que leurs missions au service de la défense des intérêts de la nation et de la paix. Il permettrait aussi de répondre au voeu, récemment formulé par le Conseil supérieur de la fonction militaire, de mettre davantage l'accent sur le service de la France par les armes et de mieux sensibiliser les jeunes aux sacrifices des militaires.

La sensibilisation à la citoyenneté, au civisme, mais aussi à l'esprit de défense et à son corollaire, la résilience, doit être poursuivie tout au long de l'enseignement aux métiers. Chacun, dans la fonction qui est la sienne dans sa vie professionnelle, doit être en mesure de mettre ses capacités au service de l'intérêt général et de participer ainsi au concept de résilience. Cela implique d'enrichir les différents enseignements supérieurs, techniques, agricoles, professionnels, pour mieux former à l'esprit de défense.

À l'heure où l'individualisme et le communautarisme se développent parallèlement, il apparaît indispensable de renforcer, chez les jeunes, le sens de l'intérêt général, la conscience de l'appartenance à la communauté nationale, l'attachement à la citoyenneté. C'est à cette condition seulement qu'il sera possible de susciter l'engagement au service de la nation tout au long de la vie. Il pourra prendre divers aspects, entre lesquels se créeront naturellement des passerelles : service civique national, engagement professionnel dans les métiers liés à la sécurité et à la défense nationale ou, naturellement, appartenance à la réserve militaire – opérationnelle ou citoyenne – ou aux réserves civiles, et de mieux les coordonner. C'est ainsi que, par exemple, le service civique pourrait constituer un vivier de recrutement pour les réserves, en particulier civiles.

En conclusion, ce texte permet de renforcer l'efficacité du versant opérationnel des réserves, militaires comme civiles, et c'est avec beaucoup de satisfaction que le groupe UMP le votera.

Il ne doit pas pour autant nous faire oublier que les réserves ont aussi un rôle essentiel à jouer pour entretenir et renforcer le lien entre les forces armées et la nation.

Pour pouvoir jouer ce rôle pleinement, il est nécessaire qu'elles soient intégrées à un véritable parcours de la citoyenneté, du civisme et de l'esprit de défense, dont j'appelle de mes voeux la mise en place la plus rapide, car il s'agit rien moins que de l'ambition de redonner à chacun la conscience de participer à cette aventure collective qu'est la nation ou, selon le titre de mon rapport au Président de la République, de « vivre la France dans la République ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Boisserie

La proposition de loi inscrite à notre ordre du jour, fruit d'un travail collectif, répond à un réel besoin. Elle vise à faciliter l'usage des réserves civiles, sanitaires et militaires. J'y souscris dans l'ensemble mais j'ai cependant quelques observations à formuler et je pense que le législateur devra se saisir à nouveau de ce dossier.

Je tiens tout d'abord à saluer le dévouement avec lequel les réservistes servent notre nation. J'ai également une pensée pour nos militaires réservistes, officiers, sous-officiers, soldats du rang, qui se trouvent sur les théâtres d'opérations extérieures. Je suppose qu'il y en a encore quelques-uns, monsieur le ministre.

L'utilité des réserves n'est plus à démontrer dans le contexte actuel de crise des finances publiques. Elles permettent d'ajuster les effectifs de nos forces armées selon les besoins, elles sont une force d'appoint quand nos armées sont mobilisées en opérations extérieures. Nous disposons aujourd'hui de 60 000 réservistes, dont 35 % proviennent de la société civile et n'ont donc pas d'expérience militaire. S'y ajoutent les récentes réserves civiles : celles de la police nationale, les réserves communales de sécurité civile, la réserve sanitaire et la réserve pénitentiaire.

Revenons-en au texte. Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Michel Boutant ont démontré dans leur rapport l'existence de dysfonctionnements dans la gestion des services de secours sur le territoire national. Nos collègues sénateurs ont notamment mis en avant la rigidité des textes en vigueur. Les dispositions actuelles ne permettent pas de recourir rapidement aux réserves. Il en ressort que la réactivité n'est pas au rendez-vous et que la disponibilité effective des réservistes n'est pas vérifiée.

Après cette phase d'observation, nos camarades sénateurs ont donc rédigé cette proposition de loi tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.

L'objectif poursuivi est clair : revoir la doctrine d'emploi et la contribution des réserves au maintien de l'action étatique en situation de crise.

S'agissant des dysfonctionnements, ils sont d'une ampleur telle que nos collègues proposent de refondre totalement les dispositions en vigueur et de mettre en place un nouveau régime d'exception en cas de crise.

Les textes en vigueur sont en effet inadaptés. Prenons par exemple l'obligation pour le réserviste d'informer son employeur un mois avant tout départ en activité de réserve. En cas de catastrophe naturelle, les secours ont besoin dans les plus brefs délais des personnes ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve. Un tel préavis n'a donc pas lieu d'être en pareil cas ! De plus, l'employeur dispose d'un droit de veto si la durée de cette activité dépasse cinq jours. Je pense sincèrement que l'engagement citoyen des réservistes ne peut faire l'objet de veto. Par ailleurs, les situations de crise ne sont malheureusement pas réglées en cinq jours : le recours aux forces de la réserve est obligatoirement plus long.

Nos collègues ont également fait valoir que la disponibilité effective des personnes engagées dans nos réserves n'était pas prouvée. En effet, en cas de crise, certains seraient plus utiles à leur poste dans la société civile, dans les entreprises et administrations d'importance stratégique, en permettant le retour au fonctionnement normal des services publics. C'est l'exigence première de nos concitoyens. Le Livre blanc de la défense qualifie ces salariés d' « opérateur d'importance vitale ». Ceux-ci, par conséquent, ne doivent pas être mobilisés, comme l'affirment nos collègues.

J'en viens à présent au texte lui même. Au titre Ier, « Dispositif de réserve de sécurité nationale », le texte comporte des solutions auxquelles j'adhère totalement. Nos collègues proposent de créer un régime d'exception temporaire facilitant le recours aux citoyens ayant conclu un contrat d'engagement à servir dans la réserve en cas de crise « mettant en péril la continuité de l'État ».

Ce nouveau régime permet d'accentuer la capacité de résilience de la nation, c'est à dire sa capacité à relever les défis auxquels elle serait soumise ou, plus familièrement, sa capacité à « rebondir ».

La mise en place de ce régime résulterait d'un décret du Premier ministre et ne concernerait que les réservistes civils et militaires. Il ne constitue en rien une mobilisation générale ! L'alinéa 5 de l'article 1er précise expressément les circonstances dans lesquelles ce décret peut être pris : « en cas de survenance d'une crise majeure dont l'ampleur met en péril la continuité des services de l'État, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la nation ».

Ce décret préciserait la durée du préavis d'information de l'employeur et la durée de mobilisation, dans la limite de trente jours renouvelables. Les réserves seraient ensuite convoquées par l'administration dont elles dépendent. Les rédacteurs de cette proposition de loi ont donc préféré une autonomie de gestion des réserves.

J'en viens à présent au titre II : « Des entreprises employant des réservistes ». Celui-ci a été supprimé dans son intégralité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat en raison de son irrecevabilité financière en vertu de l'article 40 de la Constitution. Ce titre visait à valoriser l'engagement dans nos réserves en récompensant les entreprises employant des réservistes et leur permettant de se libérer pour accomplir leur service.

Je peux comprendre les motifs invoqués pour le supprimer. Mais c'est priver le texte de sa force, de son audace. De ce fait, le législateur devra, un jour, se saisir à nouveau du dossier.

Je m'explique. 35 % des réservistes viennent de la société civile. Ils contribuent au lien entre l'armée et la nation, qui se délite depuis l'abrogation de la conscription. Or 80 % de ces salariés cachent leur engagement dans la réserve. Cette situation de clandestinité n'est pas tolérable.

Un réserviste doit pouvoir être fier de l'être, et son employeur récompensé pour sa participation à la sécurité nationale. Notre assemblée, dans les années à venir, devra se saisir plus largement de la question des engagés dans la réserve et promouvoir des discussions avec l'ensemble des acteurs afin d'envisager l'adoption d'une grande loi relative aux missions et à l'organisation des réservistes et au partenariat avec les employeurs.

Monsieur le ministre, la qualité de nos réserves dépend pour beaucoup de la qualité des liens que nous parviendrons à tisser entre elles et la société civile. Vous aviez évoqué, lors des débats au Sénat le 30 mars dernier, un label « défense » pour valoriser les entreprises partenaires de la défense nationale. Pouvez-vous nous expliquer en quoi il consiste ?

Par ailleurs, le texte ne comporte aucune disposition visant à favoriser le développement des réserves sanitaires et civiles. Il conviendrait d'aller plus loin. Je pense, comme le sénateur Boutant, que les réserves civiles doivent être consolidées et qu'une réserve de protection civile pourrait être créée à l'avenir.

J'en viens au titre III, « Du service de sécurité nationale », qui constitue une innovation. Il reconnaît le bien-fondé de la notion d'opérateurs d'importance vitale en cas de crise, pour assurer la continuité de l'action de l'État et la sécurité nationale, que ce soit dans une entreprise ou dans une administration.

Lors de la mise en place du régime de sécurité nationale, les salariés concernés par le plan de continuité ou de rétablissement d'activité doivent immédiatement réintégrer leur poste ou y être maintenus afin d'oeuvrer à la remise en fonctionnement des services publics de base. C'est une reprise du service de défense et de sécurité nationale qui avait été mis en place à la fin des années 1950. Ces dispositions relèvent du bon sens et je ne m'oppose pas à leur adoption.

En conclusion, j'approuve l'ensemble de cette proposition de loi, tout en regrettant qu'elle n'aille pas plus loin. Il faut reconnaître les intentions louables de nos collègues – j'ai félicité le sénateur Michel Boutant pour son réalisme – dont le travail a mis en évidence les insuffisances de nos services de secours et ouvre la voie à des réformes que, j'espère, le législateur mettra en oeuvre. Je pense notamment au chantier des réserves civiles, à la valorisation de l'engagement des réservistes et à la reconnaissance de leurs employeurs.

Je crois par ailleurs, pour connaître actuellement des difficultés avec les caisses d'assurance maladie ou la sécurité sociale, qu'il faut préciser quelles sont les conditions d'indemnisation rapide des réservistes ou des employeurs s'il y a subrogation. En effet, une petite entreprise peut être mise en difficulté financière en cas de crise durable. Cela vaut également pour les collectivités locales.

D'autre part, il semblerait que la rémunération des réservistes se fasse avec un trimestre de retard. Cela peut nuire à l'attractivité de la réserve. Se posent également les problèmes de la formation et des disponibilités des réservistes.

Enfin, je voudrais évoquer la tempête de 1999. Nous avons alors connu des heures très difficiles et j'en prends à témoin notre collègue Michel Diefenbacher qui était à l'époque préfet de la Haute-Vienne : il était retenu hors du département, dans l'incapacité d'exercer ses fonctions, et les sous-préfets étaient cloués à Limoges. Maire d'un chef-lieu de pays, je me suis trouvé seul représentant de l'État, face à l'armée, aux sapeurs pompiers, à EDF, France Telecom, au service des eaux et aux entreprises dont nous avions besoin. Aussi serait-il réaliste de définir qui, en l'absence des services de l'État, coordonne les secours sur le terrain.

Cette proposition de loi peut donc encore être améliorée. Elle a déjà le mérite d'exister. J'espère que, dans l'esprit du Sénat et celui de la commission de la défense, nous pourrons ensemble l'adapter mieux aux réalités, surtout en cas de crise civile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Monsieur le président, monsieur le ministre, cher président Teissier, monsieur le rapporteur, chers collègues, la catastrophe industrielle qui a succédé au tsunami au Japon a révélé une relative impréparation des autorités et de l'exploitant nucléaire.

Ces graves événements donnent matière à réflexion quant au rôle que les réserves militaires et civiles pourraient jouer, en France, dans l'organisation des secours en cas de crise majeure.

Un rapport d'information de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a brossé un tableau lucide et sans complaisance de l'état réel de nos différentes réserves. Il en ressort que leur composition et leur organisation actuelles ne leur permettraient pas de réagir rapidement ni d'être opérationnelles face à une telle crise.

On peut donc légitimement se poser la question de leur utilité.

Cette proposition de loi reprend quelques-unes des préconisations du rapport sénatorial, avec pour ambition de rendre nos réserves plus réactives.

Malheureusement, contrairement au rapport initial, les mesures qui nous sont proposées ne tiennent pas compte de l'état réel des réserves. Je doute donc qu'elles en améliorent l'efficacité.

Par ailleurs, cette proposition de loi est ambiguë. Elle s'appuie en effet sur des missions et des effectifs théoriques pour anticiper des crises aux contours mal définis.

Au nom du nouveau concept élaboré dans le Livre blanc, qui amalgame les notions de défense et de sécurité, elle prévoit une utilisation sans discernement de réserves aux vocations différente. L'article 2 précise que les membres de la réserve opérationnelle militaire font partie intégrante du nouveau dispositif de réserve de sécurité nationale. C'est clairement mettre sur le même plan les réserves militaires et les réserves civiles.

Je suis contre cette manière de faire. La frontière entre les missions de protection civile et celles de protection militaire doit subsister. J'estime qu'il faudrait, avant d'y toucher, identifier les besoins et préciser les missions des uns et des autres.

Nous avons déjà formulé une mise en garde contre les conceptions du Livre blanc. La mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de sécurité nationale, qui a pour conséquence une diminution du format de nos armées, donne une priorité à la gestion des crises en utilisant tous les moyens de la sécurité intérieure et de la sécurité civile.

La place et le rôle que devrait alors tenir la réserve opérationnelle militaire ne sont pas sérieusement envisagés. Je n'évoque même pas la réserve citoyenne, deuxième composante de la réserve militaire : elle est exclue du dispositif.

Il semble que le principal objectif de ce texte, suite au constat de l'inexistence de réserves civiles, soit de faciliter l'utilisation de réserves militaires pour des actions civiles dans des situations exceptionnelles. Cela ne correspond pas à leur vocation première.

Par ailleurs, la proposition de loi tire implicitement les conséquences d'un autre constat. Nos dispositifs de sécurité et de secours ont été conçus pour fonctionner sans l'apport de réserves. Néanmoins, on a toujours fait appel aux forces militaires d'active en cas de crise grave. Les régiments du génie apportent régulièrement leur concours aux populations civiles. Ce fut le cas par exemple lors de la grande tempête de 1999 ou de la tempête Xynthia.

Par conséquent, prévoir que les quelques réservistes de ces régiments interviendront désormais sur la base de l'obligation, et non plus du volontariat, ne changera pas fondamentalement la situation.

En revanche, la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques, qui a provoqué une diminution drastique des effectifs des forces d'active des armées et des services de sécurité et de secours, risque d'imposer le recours à des apports extérieurs pour faire face à certaines situations.

Cette tendance à la diminution des effectifs s'accentuera avec la politique aveugle de réduction à tout prix des déficits publics, menée dans le but de satisfaire les intérêts des marchés financiers.

Ainsi, si les procédures du plan d'urgence sont excellentes, leur mise en oeuvre risque d'être d'une efficacité limitée, faute de moyens humains et matériels suffisants.

Comme je le redoute, ce texte vise donc aussi à pallier, par le recours à des supplétifs, les défaillances éventuelles de nos services publics de secours.

Par ailleurs, cette modeste proposition de loi est bien en deçà de la profonde révision de la politique des réserves, jugée nécessaire par tous. Le rapporteur le reconnaît. L'effort de planification et de préparation face aux différents risques entrepris ces dernières années n'a que très peu tenu compte des réservistes.

Une véritable révision s'impose. Elle devrait concerner tout particulièrement la réserve opérationnelle militaire, qui serait seule à même de fournir, en situation de crise, des réservistes formés et entraînés.

Or la réflexion sur son format, sur la réalité de son emploi et sur la définition de ses missions n'est pas actualisée.

Son périmètre est conçu en priorité en fonction de critères budgétaires et de prévisions de recrutement, avant toute estimation des besoins qualitatifs et quantitatifs des armées pour mener à bien leurs activités habituelles ou affronter une crise.

L'insuffisance des moyens que l'État consacre à la réserve opérationnelle militaire démontre d'ailleurs qu'elle n'est pas vraiment considérée comme une composante à part entière des armées.

Si le Gouvernement poursuit son action à ce rythme, les moyens affectés aux réserves militaires ne permettront pas d'atteindre l'objectif fixé par la loi de programmation militaire au titre du Livre blanc, c'est-à-dire disposer de 40 000 réservistes opérationnels, qui accompliraient des périodes d'activité de vingt-cinq jours par an au total.

Or, contrairement aux prévisions sur la montée en puissance de la réserve opérationnelle, nos armées perdent des réservistes, par départ et non-renouvellement de contrat.

Eu égard à ce constat, il est d'autant plus nécessaire de s'interroger sur les besoins, le format des réserves et l'état d'esprit des réservistes.

La dotation prévue dans la loi de finances a tout juste permis de maintenir la dépense. C'est insuffisant pour atteindre les objectifs fixés. Permettra-t-elle vraiment de garantir cette année une durée moyenne d'activité de nos réservistes de vingt-deux jours ? C'est un minimum, car le maintien d'un taux d'activité suffisant, différent suivant l'emploi et les unités, est une condition essentielle pour que la valeur des réserves militaires soit réelle et reconnue.

Je sais que cette réflexion sur la politique des réserves militaires est engagée.

Notre collègue Patrick Beaudouin, en commission, voulait aller plus loin en proposant par amendement de créer un Haut Conseil pour la réserve de sécurité nationale. Ses velléités de réforme ont apparemment été douchées par les propos du rapporteur, preuve, s'il en était besoin, que la course de lenteur est engagée.

Nous sommes capables de nous mettre d'accord sur le constat, mais nous n'allons pas jusqu'au bout et n'en tirons pas les conséquences, laissant le Gouvernement et son administration libres de l'agenda, en dépit des engagements solennels pris.

Au vu de ce constat, on peut s'interroger sur l'utilité des mesures présentées dans le texte que nous examinons.

Dans la pratique, elles seront d'une portée très limitée, sauf d'un point de vue juridique, car elles n'amélioreront aucunement la situation des réservistes militaires opérationnels, qui, j'y insiste, sont les seuls à avoir une activité réelle et régulière.

Cela m'amène à penser que le seul mérite de cette proposition de loi est d'appeler l'attention sur la nécessité de disposer de forces de réserve pour pallier les faiblesses éventuelles – je dis bien : éventuelles – de nos services publics de sécurité et de secours dans une situation de crise. Son principal défaut est que les situations qu'elle envisage reposent sur des constructions tout à fait théoriques.

Tout est donc suspendu à une réflexion plus globale sur le rôle et la place de l'ensemble des réserves : les réserves militaires, bien sûr, mais aussi la réserve de la police nationale – celle-ci est en train de changer de nature depuis l'adoption de la seconde loi sur la sécurité intérieure – ou encore les fantomatiques réserves communales de sécurité civile, sans même parler de la réserve sanitaire et de la réserve pénitentiaire.

Nous avons tous conscience que, depuis la réforme du service national de 1997, qui a suspendu la conscription, l'organisation de la réserve militaire et du service de défense ne correspond plus à la réalité des besoins. Tant que les réserves militaires n'auront pas été repensées et que des forces de réserve civiles n'auront pas vu le jour, nous voterons sur du virtuel.

Pour toutes ces raisons, les députés communistes, républicaine et du parti de gauche – je vois le président Teissier blanchir, alors qu'il devrait rosir ! (Sourires) – s'abstiendront sur cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les tragiques événements survenus récemment à Fukushima, sans parler de ceux d'Haïti, nous rappellent à quel point il est impératif pour tout État de disposer de forces d'intervention efficaces dotées d'effectifs suffisants et disponibles à tout instant.

Nous savons tous que le rôle des réservistes est capital en cas de crise majeure, tant les potentiels classiques et normaux peuvent paraître sous-dimensionnés, voire dérisoires, pour faire face à des événements exceptionnels. Je tiens, au nom du groupe Nouveau Centre, à saluer la motivation de ces femmes et de ces hommes jeunes et moins jeunes, dont l'engagement citoyen et responsable dans la réserve montre qu'ils sont véritablement pétris de valeurs républicaines.

Las, les conclusions de mission d'information du Sénat sont claires : la réactivité des réservistes militaires et civils est insuffisante en cas de crise. L'enjeu de la proposition de loi qui nous rassemble aujourd'hui est précisément d'y remédier.

Je souhaite, dans un premier temps, voir avec vous pourquoi il est urgent de résoudre ce problème.

Faciliter l'utilisation des forces de réserve civiles et militaires est un enjeu majeur. Nous évoluons aujourd'hui – qui peut en douter, mes chers collègues ? – dans un contexte où le déclenchement de crises majeures est plus probable que par le passé.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en 2008 analyse les nouveaux risques auxquels nous sommes exposés, risques qui requièrent toute notre attention et toute notre vigilance. Parmi eux figurent désormais le terrorisme et les attaques contre les systèmes d'information. Dans un contexte de densification de nos zones urbaines, et compte tenu de notre dépendance toujours croissante vis-à-vis des modes de communication numériques, le risque de telles attaques sur notre territoire est particulièrement préoccupant et doit indéniablement être pris en compte. Il convient d'évoquer aussi le risque de catastrophe naturelle : s'il pèse souvent sur les départements et collectivités d'outre-mer, il concerne également le territoire métropolitain, comme l'a tragiquement démontré la tempête Xynthia.

Ces différents risques appellent une réponse ferme du législateur : nous devons faire en sorte que l'ensemble du potentiel des forces actives, mais aussi de réserve, soit exploité en cas de crise majeur. Les réservistes jouent un rôle crucial dont nous ne saurions nous passer. Lors de chaque crise majeure sur notre territoire, les forces de réserve civiles et militaires accomplissent un réel travail de soutien et permettent une inscription dans la durée de l'action menée. En plus d'offrir un renfort précieux aux opérations mises en oeuvre, les forces de réserve prennent la relève des forces d'active. Parfois, elles agissent même dans l'après-crise, en contribuant, par exemple, aux opérations de déblayage et de soutien aux personnes.

Comme le rappelle notre rapporteur; au-delà de la polémique sur les coûts et d'une application peut-être excessive du principe de précaution, l'épisode de la pandémie grippale H1N1 de 2009-2010 a été l'occasion d'une intervention salvatrice des médecins et infirmiers réservistes, qui ont pallié la pénurie de personnels des services médicaux et paramédicaux d'unité.

Il est donc indéniable que les réservistes nous permettent, grâce à leur action particulièrement efficace, de répondre à des situations de crise dont la fréquence va certainement s'accroître à l'avenir.

Venons-en maintenant aux aspects novateurs du texte.

Tout d'abord, il tend à créer une réserve de sécurité nationale. Le Premier ministre pourra, en cas de circonstances exceptionnelles, y faire appel par décret et convoquer ainsi l'ensemble des réservistes dans de très courts délais : trois jours au maximum. Il nous est donc proposé, mes chers collègues, de doter l'exécutif d'un nouvel outil lui permettant de faire face à une crise. Certes, des outils analogues existaient antérieurement, mais ils étaient essentiellement conçus dans la perspective de crises d'ordre militaire, pour faire face à des atteintes à la sécurité nationale. Qu'il soit désormais possible de répondre à un plus large spectre de menaces ne peut que nous ravir.

Ce texte n'a pas pour seul objet d'accroître la vélocité de mobilisation des réservistes : il fait également en sorte qu'aucun obstacle ne vienne freiner cette mobilisation. Ainsi, lorsqu'il sera recouru au dispositif de réserve de sécurité nationale, les réservistes seront tenus de répondre à leur convocation, faute de quoi ils seront sanctionnés par une contravention. Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur ce point : en la matière, la coercition est-elle la solution ? Si le texte de la proposition de loi dispose effectivement que « lors du recours au dispositif de réserve de sécurité nationale, les réservistes sont tenus de rejoindre leur affectation », il ne fait, contrairement au rapport, aucune référence à une sanction de nature contraventionnelle. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer si l'on recourra à la coercition ou à l'incitation.

De surcroît, les réservistes pourront désormais être mobilisés jusqu'à trente jours sans l'autorisation de leur employeur, durée bien plus longue que celle prévue par le régime actuel. Celui-ci n'autorise en effet que cinq jours d'absence sans l'autorisation de l'employeur pour les membres de la réserve militaire opérationnelle et de la réserve sanitaire, dix jours pour les membres de la réserve civile de la police nationale. Cela mérite tout de même réflexion, car vous savez, mes chers collègues, quelles difficultés peut causer, pour les employeurs, le cas des pompiers volontaires, notamment dans certaines communes rurales. Nous devrons faire de grands efforts de pédagogie pour ne pas compromettre le dispositif et faire en sorte qu'il soit jugé suffisamment attractif ; un réserviste ne doit notamment pas craindre d'être victime d'une discrimination à l'embauche.

En cas de crise majeure, il est indispensable, vous en conviendrez, d'assurer la continuité de l'action des entreprises et services publics dont l'inactivité mettrait en danger la sécurité ou la bonne marche de la nation. Le service de défense, dispositif visant à assurer cette continuité, a été jugé trop difficile à mettre en oeuvre. C'est pourquoi le texte qui nous est soumis tend à mettre en place d'un service de sécurité nationale qui remplacera le service de défense et présentera des avantages importants.

Deux dispositions doivent être mentionnées. Tout d'abord, les conditions de déclenchement de ce dispositif seront plus larges. Ainsi, le service de sécurité nationale pourra être déclenché en cas de recours à l'état d'urgence ou de recours à la réserve de sécurité nationale. Ensuite, le texte lie ce nouveau service de sécurité nationale aux opérateurs d'importance vitale. Rappelons qu'il s'agit d'opérateurs exerçant des activités ayant trait à la production ou à la distribution de biens ou services indispensables à la survie de la population, à l'exercice de l'autorité de l'État ou au fonctionnement de l'économie, de la défense ou de la sécurité de la nation. Cette catégorie comprend également les opérateurs dont les installations constitueraient un danger grave pour la population si elles étaient détruites ou endommagées. Ces secteurs stratégiques, qui comprennent par exemple la distribution de l'eau ou le nucléaire, doivent absolument être préservés ; c'est pourquoi ils devront obligatoirement mettre en place des plans de continuité d'activité afin de répondre aux crises majeures.

Ces dispositions techniques constituent une réponse efficace au risque de crise majeure, plus présent que par le passé.

Aux yeux du groupe Nouveau Centre et apparentés, ce texte comporte donc, mes chers collègues, des dispositions judicieuses et équilibrées.

Au vu du caractère indispensable de la force d'intervention que constituent les réservistes et de l'omniprésence du risque de crise majeure à l'heure actuelle, il était urgent de réformer les mécanismes de réaction à ces situations mais, au-delà des dispositions soumises à notre examen, cette proposition de loi nous encourage à mener à l'avenir des réformes de plus grande envergure des réserves. Comme je l'ai exposé en commission, l'intérêt de ce texte réside dans l'impulsion qu'il donne à un effort de mutualisation d'un certain nombre de moyens pour faire face à ces situations de crise. L'intervention des sapeurs-pompiers volontaires dans le sud-est de la France pour lutter contre les incendies importants offre un exemple de cette mutualisation, qui pourrait permettre aux départements et collectivités d'outre-mer qui éprouvent des difficultés à mobiliser les moyens venus d'autres régions ou de métropole de mieux répondre à de telles situations de crise.

Pour ces différentes raisons, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre et apparentés, sous réserve de l'adoption d'un amendement rédactionnel, votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, mes chers collègues, je tiens d'abord à rendre, devant vous, un hommage appuyé à nos militaires de réserve qui exercent avec professionnalisme, discrétion et efficacité les missions qui leur sont confiées, parallèlement à une activité professionnelle souvent dense et accaparante. En tant qu'ancien officier de réserve ayant notamment eu l'insigne honneur de commander une section de combat au feu, je tiens à saluer l'engagement de ces hommes et de ces femmes dont les missions sont trop souvent ignorées du grand public, et qui sont devenus indispensables au bon fonctionnement de nos unités.

En effet, dans la suite logique de la professionnalisation des armées, le ministère de la défense a procédé à une modernisation de la réserve militaire, passant d'une réserve de mobilisation, destinée à faire face à une menace hypothétique venant du bloc soviétique, à une réserve d'emploi, destinée à être intégrée au sein des unités d'active afin de remplir le contrat opérationnel confié à nos armées.

Ainsi, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, modifiée par la loi du 18 avril 2006, nous nous sommes dotés d'une véritable réserve opérationnelle et professionnelle, faisant partie intégrante des unités engagées sur les théâtres d'opérations extérieures, dans les missions intérieures telles que Vigipirate ou la lutte contre les feux de forêts, et au cours d'exercices majeurs sur le territoire.

La proposition de loi qui est aujourd'hui soumise à notre examen poursuit cette logique de professionnalisation de la réserve opérationnelle, notamment en permettant qu'elle soit engagée sur le territoire national dans un délai très court par un décret du Premier ministre, en cas de « crise majeure dont l'ampleur met en péril la continuité de l'action de l'État, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation ».

Je concentrerai mon intervention sur un seul de ces aspects, les autres ayant été abordés par les précédents orateurs.

Les mesures contenues dans cette proposition de loi sont indispensables pour répondre aux menaces terroristes ou environnementales dont notre pays pourrait être victime. Néanmoins, avant de conceptualiser les conditions d'engagements de nos réservistes, il aurait fallu que ce texte s'inscrive dans un corpus législatif plus large, destiné à protéger ces hommes et ces femmes afin qu'ils ne soient pas contraints, pour une grande majorité d'entre eux, d'effectuer leurs périodes de réserve pendant leurs congés ou leurs week-ends, en raison des réticences ou des refus de certains employeurs. En effet, quelle peut être l'efficacité d'une telle proposition de loi s'il n'existe pas un statut protecteur pour le réserviste et une obligation pour l'employeur ? Comment peut-on envisager de mobiliser dans l'urgence des militaires de réserve pour renforcer les moyens mis en oeuvre par les services de l'État et faire face à une crise majeure si la présence de ces militaires à temps partiel est sujette au bon vouloir de l'employeur le reste de l'année ?

Cette proposition, très attendue, devra donc faire l'objet d'une réflexion dans le cadre de la commission de la défense nationale et des forces armées de notre assemblée, si nous voulons véritablement nous doter d'une réserve opérationnelle et professionnelle pour remplir les missions courantes de nos armées ou intervenir dans le cadre d'une crise majeure. Je ne doute pas que Guy Teissier – qui préside cette commission et qui connaît mieux que quiconque la nécessité opérationnelle de la réserve, pour y avoir également servi – usera de sa clairvoyance habituelle pour susciter cette réflexion devenue indispensable.

En guise de conclusion, et pour souligner l'importance opérationnelle de la réserve, surtout dans un contexte de diminution des effectifs, je rappellerai que, pour la seule armée de terre, la réserve opérationnelle représente 20 % des effectifs, soit l'équivalent de dix régiments. Il est donc désormais inconcevable de s'en passer.

Légiférer pour permettre la mobilisation – que l'on espère hypothétique – de nos réservistes en cas de crise majeure, c'est très bien, mais il sera indispensable de légiférer également pour protéger et faciliter les capacités d'emploi des 59 000 réservistes des trois armées et de la gendarmerie. La proposition de loi, que je voterai, ne pourra en effet être efficace que si elle est suivie d'un second texte qui encadre le statut du réserviste. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, lors du récent tremblement de terre et de la catastrophe qu'il a provoquée, le Japon a montré quel rôle peuvent jouer les armées dans des événements qui relèvent de la surprise stratégique. Face à un tel chaos et aux réactions immédiates qu'il nécessite, les forces japonaises d'autodéfense ont en effet su mettre en oeuvre, dans l'urgence, sans se substituer aux infrastructures civiles mais en les complétant, des moyens puissants et pertinents pour rechercher, secourir, soigner et transporter les victimes.

En France également, l'armée est intervenue à plusieurs reprises lors de catastrophes survenues sur notre territoire, qu'il s'agisse de marées noires ou de tempêtes : Klaus en 2009, Xynthia en 2010. Lorsque, en 1987, une tornade s'est abattue sur la Bretagne, j'ai suffisamment souffert, en tant que maire de Concarneau, de l'absence d'aide militaire pour juger ce type d'intervention normal. Tous les bateaux du port avaient été drossés aux remparts de notre forteresse, dite Ville Close. Hélas ! en dépit de mes demandes répétées, et alors qu'une journée aurait suffi au génie pour permettre l'accès à ces bateaux, il m'a fallu faire avec les seuls moyens de la ville et des services de l'équipement. L'opération a coûté cher et entraîné des destructions de biens, mais il n'était pas possible, m'a-t-on dit alors, de distraire l'armée de sa mission, son coeur de métier n'étant pas de venir en aide aux civils.

Sans doute cette tornade, qui s'est trouvée en concurrence avec un krach boursier, n'a-t-elle pas suscité suffisamment d'émotion en France. Sans doute a-t-on pensé, au niveau national, que la Bretagne était habituée aux fortes tempêtes, même si celle-là relevait d'une autre catégorie. Sans doute, surtout, les esprits n'étaient-ils pas mûrs pour comprendre le rôle que peut jouer, même en temps de paix, une armée payée par les deniers des contribuables. Heureusement, la situation a commencé de changer, comme l'atteste ce texte qui encadre les réserves et marque une évolution souhaitable. Il faudra néanmoins certainement le compléter et poursuivre dans cette voie, afin de mieux prendre en compte ces événements aussi graves qu'imprévus qui dépassent les capacités de réaction de nos forces civiles traditionnelles.

N'oublions pas les atouts que présentent les armées, en France comme dans tout pays : disponibilité de chaque instant, capacité d'action en autonomie et en collaboration, variété et puissance réelle d'équipements souvent adaptés à toute situation ainsi qu'une capacité psychologique à faire face à des situations extrêmes et l'expérience de multiples catégories d'événements. Certes, nos forces civiles sont non négligeables, puisque nous disposons de quelque 250 000 pompiers, professionnels et volontaires, ainsi que de gendarmes et de policiers, largement répartis sur notre territoire national. Le dialogue civilo-militaire est donc de première importance et doit être l'objet de toute notre attention.

Du reste, à l'heure actuelle, des représentants du chef d'état-major des armées font partie de la cellule interministérielle de crise, activable en tant que de besoin. De même, les préfets de département disposent de conseillers militaires permanents, par l'intermédiaire de la chaîne d'organisation territoriale interarmées de défense – l'OTIAD – qui permet également de bien proportionner en opportunité et en taille l'utilisation éventuelle de moyens militaires. C'est là une de nos problématiques : il faut agir vite et pouvoir tenir dans la durée, même quand les feux de l'actualité se sont détournés du drame, happés par un autre événement. À cet égard, l'appel aux réserves est une solution.

Ce n'est pas d'hier que l'on se soucie de l'apport de renforts. La structure de défense passive a disparu avec la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile – UIISC –, créée par les conseils de défense des 15 et 19 novembre 1968, a cessé d'exister avec la professionnalisation des armées et la loi du 28 octobre 1997. La loi du 22 octobre 1999 a réparti la réserve militaire entre la réserve opérationnelle et, pour la première fois, la réserve citoyenne, constituée de « collaborateurs occasionnels et bénévoles du service public ». Je précise, abondant ainsi dans le sens de notre collègue Beaudouin, que le texte envisage notamment, s'agissant de la réserve citoyenne, « la participation ponctuelle, en cas de situation exceptionnelle, à des actions non spécifiquement militaires » ; peut-être aurait-il été judicieux d'associer cette réserve citoyenne au dispositif de réserve de sécurité nationale.

N'en doutons pas, les réservistes, quels qu'ils soient, sont animés par la volonté de servir, de mettre à disposition des autres leurs compétences, d'être utiles, voire de transmettre tant des savoir-faire que des « savoir être ». La notion de réserve ne date pas d'hier ; elle était déjà présente à l'époque féodale, puisque la première organisation structurée de ce type a été, me semble-t-il, celle de la compagnie des francs archers, créée par Charles VII. Dans nos armées, des personnels peuvent – sous la forme d'une mobilisation avant 1999, puis d'une démarche volontaire – avoir une activité militaire tout en ayant une activité professionnelle dans le civil. Il est bien qu'il en soit ainsi, mais il faut reconnaître que la mise en place des réserves, après l'abandon de la conscription, a eu – pardonnez-moi l'expression – du retard à l'allumage. Par ailleurs, je rappelle qu'une réduction de 54 000 postes, décidée dans le cadre de la RGPP, est prévue dans la loi de programmation militaire 2009-2014. On aura donc bien besoin de compenser cette importante déflation d'effectifs par un emploi optimisé des réservistes.

Le Livre blanc de juin 2008 sur la défense et la sécurité suggérait l'élaboration d'un statut européen du réserviste ou, à tout le moins, un moyen de coordonner les réserves des États membres. Il serait assez logique de s'engager dans cette voie, dès lors que, même si cela ne semble plus d'actualité, la solidarité est dans les gènes de la construction européenne.

Pour permettre une telle orientation de l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise, il faut tout d'abord manifester une volonté forte et déterminée dans la durée. En 2008, à budgets de défense et volumes de réserve comparables, notre pays affectait à la réserve 193 millions d'euros tandis que le Royaume-Uni y consacrait 512 millions d'euros. Chez nos voisins d'outre Manche, la tradition d'emploi des réservistes est beaucoup plus ancienne et plus forte. La différence est d'ailleurs très nette en ce qui concerne leur utilisation dans le cadre des opérations extérieures, puisqu'en France, en 2009, le taux d'activité des réservistes en OPEX n'était que de 4,1 % – je tiens, à ce propos, à rendre hommage à ce militaire d'active qui, ce jour, a perdu la vie en Afghanistan.

Il faut ensuite que nos armes connaissent mieux leurs réservistes. Il s'agit, tout d'abord, d'éviter les doublons, dont j'ai compris, en lisant le rapport de notre collègue Calméjane, qu'ils étaient marginaux. Comme j'ai le souvenir d'avoir été à la fois réserviste commissaire de la marine nationale et réserviste officier parachutiste de l'armée de terre,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

…je pense qu'il faut permettre – et l'informatique doit le faciliter – les regroupements entre armes. Il s'agit ensuite d'avoir une meilleure connaissance des spécificités, des compétences et des disponibilités, bref : du profil socioprofessionnel des réservistes. À titre d'anecdote on m'a proposé, en 2002 – et je ne veux pas y voir une intention maligne – une mission d'un mois au titre de la réserve, qui correspondait précisément au mois précédant l'élection législative de 2002 à laquelle je me présentais. (Sourires.)

Cette meilleure connaissance des réservistes devrait permettre d'utiliser au mieux leurs compétences, dans le cas d'une crise majeure nécessitant de faire appel à eux. Avec la fin des gros bataillons issus de la conscription, n'oublions pas que, désormais, le réserviste est, lui aussi, un militaire professionnel à part entière, même si ce n'est qu'à temps partiel.

L'attitude des employeurs et des entreprises à l'égard des réservistes est une autre donnée importante, d'autant que ce texte accroît le temps potentiel d'absence hors emploi civil. Avec la création, en 1986, du National Employers Liaison Committee, le Royaume-Uni fut sans doute l'un des premiers pays à mettre en oeuvre un système incitatif en direction des employeurs. Aux États-Unis, lorsqu'ils sont mobilisés, les réservistes voient leur emploi civil antérieur protégé par les lois fédérales. Cela va même plus loin, car les employeurs peuvent n'être qu'informés de la mobilisation d'un de leurs employés. En France, c'est, pour l'instant – mais le texte va dans le bon sens –, plus délicat.

Pourtant, les entreprises bénéficient des équipements et services publics du pays : infrastructures de transport, de communication et d'environnement – qui sont parfois un de leurs critères d'implantation –, formation initiale et continue dispensée à leurs cadres et employés, protection sociale et de santé. Si elles veulent se développer à l'étranger, elles bénéficient d'un réseau diplomatique et consulaire, du soutien étatique pour la conquête de marchés, voire d'une présence militaire française pour les sécuriser. Il n'est donc pas indécent de demander à une entreprise qui tire une partie de sa prospérité des efforts antérieurs ou présents de la nation de faire preuve de patriotisme, ne serait-ce qu'en valorisant ses réservistes. Du reste, à l'heure où les entreprises cherchent à mettre en avant leur responsabilité sociétale et environnementale – qui pour celles du CAC 40, complète même leur notation financière –, on peut se demander s'il ne faudrait pas envisager la création d'un label, qui pourrait s'appeler, par exemple, « patriote » et qui serait décerné par l'État, comme il le fait pour le contrôle de qualité avec le label ISO.

Après tout, puisque l'armée est consubstantielle à la nation et que, comme le disait Winston Churchill, les réservistes sont « comme deux fois citoyens », une entreprise ne peut que s'honorer – et devrait pouvoir le faire savoir – de mettre à la disposition de la nation certains de ses éminents employés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Monsieur le ministre, il convient de faire en sorte que les citoyens soient incités à cultiver la notion de résilience, cette qualité d'ordre physique qui a été transposée dans le champ moral et qui désigne la capacité d'un objet à encaisser, intégrer, absorber les coups sans perdre sa consistance.

Finalement, il s'agit de promouvoir l'idée déjà évoquée par Platon dans La République, selon laquelle les murs de la cité, ce sont d'abord les citoyens eux-mêmes – ces mêmes citoyens qui apprécient d'être épaulés par leurs armées pour passer les périodes de crise et les catastrophes. Quant à la résilience, c'est aussi le traitement des suites, c'est-à-dire la gestion des conséquences, et là encore, les réservistes seront bien utiles !

En conclusion, je veux souligner qu'à côté de tout ce qui peut constituer le ferment du rétablissement, du nécessaire approfondissement du lien entre l'armée et la Nation – je pense notamment au système éducatif et aux différentes dispositions en matière civique –, il ne faut pas négliger l'importance essentielle des réserves. Ce texte va indiscutablement dans le bon sens et par ma voix, le groupe SRC vous informe qu'il le votera dans son ensemble. (Applaudissements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Je souhaite répondre à chacun des orateurs qui se sont exprimés, avant tout pour leur faire part de la gratitude du Gouvernement pour la qualité de leurs interventions et l'intelligence et la passion dont ils ont fait preuve, qui montre l'importance qu'ils accordent au lien entre la Nation et son armée, les réserves étant une modalité de ce lien.

La proposition de loi qui vous est soumise a un objet relativement modeste, puisqu'elle porte sur une sécurité nationale étendue. Nombre d'intervenants ont rappelé les événements récemment survenus au Japon, qui ont nécessité la mobilisation de moyens militaires renforcés par les réservistes.

Je veux dire au rapporteur Patrice Calméjane que les questions qu'il a posées sont au coeur de la préoccupation du ministère de la défense. La sanction des réservistes, évoquée par d'autres intervenants, correspond à un cas de figure très particulier, découlant de la décision du Premier ministre de mobiliser les réserves civiles et militaires pour des chantiers nationaux d'importance majeure. Les auteurs de la proposition de loi ont souhaité que la procédure soit entourée d'une certaine solennité ainsi que d'une protection du réserviste – car, paradoxalement, le fait de prévoir une contravention vise davantage à protéger le réserviste entravé qu'à sanctionner le réserviste défaillant. L'objectif est de permettre au réserviste déclarant son engagement à son employeur de faire jouer l'obligation légale, à la charge de ce dernier, d'autoriser son salarié à s'absenter afin de répondre à l'appel de la réserve pour une durée de cinq jours à trente jours. De son côté, le réserviste est tenu de répondre à l'appel, sous peine de contravention.

Cette contravention n'a pas vocation à jouer un rôle dissuasif, encore moins pénalisant : nous savons fort bien que les réservistes sont, par nature, de bonne volonté, et que ceux qui s'engagent le font dans l'intention d'être, le moment venu – c'est-à-dire lorsque survient une crise –, acteurs de la solidarité nationale. En fait, la perspective d'une contravention leur servira avant tout à faire valoir, auprès de leur employeur – et même de leur entourage familial – qu'ils sont obligés d'assumer leur engagement. Mme Alliot-Marie, qui a eu à connaître de la question des réservistes en tant que ministre de la défense et en tant que ministre de l'intérieur, a exprimé des réticences au sujet de cette contravention, dont votre rapporteur s'est fait l'écho devant la commission. Je pense pour ma part que nous devons soutenir une disposition qui, dans l'esprit des auteurs de la proposition de loi, vise à apporter une certaine solennité et à protéger le réserviste dans son environnement professionnel et personnel. Si, d'aventure, cette mesure devait revêtir un caractère vexatoire, il serait toujours temps de revenir dessus.

Nous avons engagé trois chantiers, confiés au contrôle général des armées, à l'état-major et aux inspections générales d'armes. Au contrôle général des armées, j'ai demandé un audit portant sur l'amélioration de la gouvernance de la réserve militaire, ayant pour objet de mieux distinguer, d'une part, les fonctions de politique d'ensemble, relevant d'un comité directeur présidé par le ministre, d'autre part, la fonction de concertation, qui restera du ressort du Conseil supérieur de la réserve militaire, également présidé par le ministre.

À l'état-major, plus précisément au délégué interarmées des réserves, j'ai confié la mission de présenter un bilan de l'emploi et des missions de la réserve militaire, ainsi que de leur adaptation aux besoins opérationnels des armées. Enfin, un troisième chantier a été ouvert, relatif à l'amélioration de l'emploi et de la gouvernance de la réserve citoyenne. M. Le Bris a fait état du texte de 1999, qui permettait à la réserve citoyenne d'intervenir dans des cas exceptionnels non militaires – correspondant à ceux prévus par les auteurs de la présente proposition de loi. Force est de reconnaître que les choses demandent à être précisées, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent : la réserve citoyenne reste donc en retrait de l'engagement de sécurité civile. Ces trois chantiers devraient être prêtes en septembre prochain.

Je remercie le président de votre commission, Guy Teissier, d'avoir insisté sur la nécessité de tisser le lien social. La réserve, la journée défense et citoyenneté, mais aussi la journée du « savoir vivre ensemble », proposée par Patrick Beaudouin dans son rapport « Vivre la France dans la République », se trouvent en effet au coeur de la motivation de cette proposition de loi : l'engagement dans le cadre de la réserve doit contribuer à retisser le lien social.

La réserve est opérationnelle. Pour certains, elle est contractuelle, avec des conditions qui les apparentent à des militaires ; pour d'autres, il s'agit d'une obligation, celle de faire partie de la réserve à l'expiration de leur contrat dans l'armée. Mon souhait est que la réserve citoyenne constitue une transition, et pas simplement une consécration honorable pour des gens charmants et disponibles. Bref, il serait bon que nous nous orientions vers des éléments plus jeunes : à cet égard, je pense que la préparation militaire constituerait un très bon vivier de réserve opérationnelle, permettant d'assurer le lien entre la Nation et son armée.

En évoquant l'élargissement de la réserve citoyenne, monsieur Beaudouin, vous étiez tout à fait en accord avec la position du ministre de la défense. Vous avez eu raison de rappeler les effectifs relativement modestes atteints à ce jour par la réserve citoyenne. Cependant, l'étude réalisée par l'inspection générale des armées va nous permettre de progresser sur ce plan.

Vous avez, par ailleurs, évoqué un manque de reconnaissance du pays à l'égard de nos militaires en général, en particulier à l'égard de la mémoire de ceux qui ont donné leur vie sur des théâtres d'opérations extérieures. Je partage votre sentiment sur ce point. Sur le terrain, au sein des unités, les camarades de combat font preuve entre eux d'une solidarité sans faille ; la même solidarité règne entre les familles de militaires lorsque l'une d'elles est frappée par un deuil ; enfin, ayant accompagné – trop souvent, hélas, depuis quatre mois – des unités lors des hommages solennels rendus aux soldats tués, j'ai pu constater que les élus répondent présent à chaque fois qu'il le faut, toutes convictions et tous engagements politiques confondus. Les militaires sont sensibles au fait que les élus ne soient pas là uniquement pour réclamer, mais sachent également les accompagner, eux et leurs familles, le moment venu.

Vous avez raison de dire qu'il manque un geste national, soit à une date fixe, soit au moyen d'actes symboliques. Ainsi, au Royaume-Uni, certaines manifestations collectives s'ouvrent par un rappel aux morts, lors duquel chacun accepte de saluer la mémoire des soldats tués. En France, on entend bien des stades entiers résonner de La Marseillaise en cas de succès sportif de notre pays, ou même simplement pour soutenir une équipe. Il me semble que l'on pourrait parfois prendre le temps de faire silence, afin de se souvenir que si les jeux sont possibles, c'est parce que d'autres font en sorte de garantir notre sécurité. Merci de ce rappel, monsieur le député : je le prends en considération à titre personnel, mais aussi en temps que membre du Gouvernement.

Je veux dire à M. Boisserie que j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qu'il a dit de l'indemnisation des entreprises : c'est, venant d'un parlementaire socialiste, une ouverture en direction de l'entreprise qui ne peut que me paraître intéressante. Il convient en effet de traiter cette question dans le cadre de la loi de finances et, si je ne suis pas certain que nous disposions, à l'heure actuelle, de règles parfaitement adaptées, je me réjouis que nous ayons encore quelques mois pour trouver une solution satisfaisante.

C'est Gilbert Le Bris qui a, me semble-t-il, évoqué l'idée du label. Actuellement, un peu plus de 300 entreprises ayant conclu un contrat de soutien à la réserve sont labellisées « partenaire de la défense ». Vous m'avez invité, monsieur le président Teissier, à l'université de la défense ; or il se trouve que je suis invité, à peu près à la même période, à l'université du MEDEF. Je me rendrai à cette invitation, non pas pour parler de politique industrielle, mais pour rappeler aux entreprises, avec des arguments empruntés aux uns et aux autres, que la défense ne concerne pas que les jeunes engagés, mais aussi les institutions qui en bénéficient – très directement pour certaines, indirectement pour l'immense majorité d'entre elles. Il me semble qu'avant de demander une indemnisation, une entreprise a pour devoir de laisser ses salariés assumer leurs responsabilités. Je rappelle que les entreprises ne payent pas leurs salariés durant les jours où ils s'absentent pour répondre à l'appel de la réserve – sauf celles, justement, qui ont signé le contrat de partenariat de défense et qui, labellisées à ce titre, s'engagent à ne pas pénaliser leurs salariés réservistes.

En revanche, les entreprises ont aujourd'hui, non pas des contraintes, mais une véritable discipline à respecter. Dans le cas d'une mobilisation par le Premier ministre – ce qui n'est pas un événement banal, mais la réponse à une situation de crise nationale –, les entreprises ont l'obligation d'accepter que leurs salariés s'absentent jusqu'à trente jours. J'imagine qu'elles sauront, dans le cadre de leur politique de communication, mettre en oeuvre ce que l'on appelle la responsabilité sociétale et environnementale.

Jean-Jacques Candelier ne s'oppose pas au texte. Je l'en remercie et, pour être franc, ne lui en demandais pas plus ! (Sourires.)

Je vous remercie, monsieur Folliot, de votre soutien. Faut-il une contravention ou une incitation ? J'ai en partie répondu ; il faut en réalité les deux. La perspective de la contravention constitue pour le réserviste une certaine forme de sécurité vis-à-vis de son employeur, beaucoup plus qu'une pénalisation.

Vous avez évoqué le rôle de la réserve opérationnelle. Je pense en effet qu'une réflexion plus globale que celle ouverte dans cette proposition mérite d'être engagée. À cet égard, je suis d'accord avec Jean-Pierre Dupont : ce texte est une bonne initiative, mais ne règle pas tout. Il ne peut prétendre constituer ce « corpus législatif plus large » que vous appelez de vos voeux. Le problème du civisme de l'employeur – privé ou public et, dans ce dernier cas, centralisé ou décentralisé – se pose en effet. Or nous savons tous que, sur le terrain, les collectivités locales sont souvent les employeurs des pompiers volontaires. En matière de civisme, elles prennent donc largement leur part, même si, par ailleurs, les 250 000 pompiers ne sont évidemment pas tous volontaires.

Vous avez évoqué, cher Jean-Pierre Dupont, l'importance des effectifs de réserve. Les chefs de corps me disent que, sans eux, ils ne pourraient pas fonctionner. En période d'OPEX, en particulier, c'est-à-dire quand une partie de l'unité est à l'extérieur, la disponibilité des réservistes opérationnels permet de faire fonctionner toutes sortes de services, ce qui rend plus légitime encore le « corpus législatif plus large » que vous réclamez.

J'ai déjà évoqué en partie l'intervention de Gilbert Le Bris. Je suis désolé pour la tempête de 1987 à Concarneau. J'ai d'ailleurs un souvenir personnel très précis de cette tempête : ma troisième fille, qui était en classe de mer tout à côté de Concarneau, n'a dû qu'à la sagesse et à l'indifférence de la jeunesse de ne pas s'inquiéter, alors que ses parents – en particulier sa mère – étaient totalement terrorisés ! (Sourires.) J'aurais donc soutenu votre demande. Je voudrais toutefois vous reprendre sur un point : les 54 000 personnes en moins pour les années 2009 à 2014 résultent non pas de la RGPP, qui vise à ce que les mêmes missions soient assurées par des personnels un peu moins nombreux, mais de la reconfiguration de nos armées voulue par le Livre blanc.

Vous avez évoqué, avec raison, l'implication des entreprises. Je n'y reviendrai pas, mais nous serons d'accord, les uns et les autres, pour dire que cette étape législative est utile, sans pour autant épuiser le sujet. Votre présence aujourd'hui prouve, mesdames et messieurs les députés, qu'il y a de l'imagination, de la volonté et de l'initiative à l'Assemblée nationale pour traiter de ces sujets. Je suis persuadé que nous aurons à nous revoir pour approfondir, élargir et consolider notre réflexion en la matière. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La commission a maintenu la suppression des articles 3 et 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'amendement n° 1 de M. le rapporteur, portant article additionnel après l'article 5, est de coordination rédactionnelle.

(L'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma