Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 23 mars 2011 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • adhésion
  • bulgarie
  • entrée
  • espace
  • frontière
  • l'espace schengen
  • mécanisme
  • roumanie
  • schengen

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle le débat sur l'actualité de l'« espace Schengen ».

La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des affaires européennes, mes chers collègues, la réalisation de l'espace Schengen a été un élément majeur de la construction européenne. Elle a permis des avancées considérables, du point de vue de la libre circulation des personnes comme de l'amélioration de la coopération policière et judiciaire, notamment grâce à l'élaboration du système d'information Schengen.

Sur le rapport de nos collègues Didier Quentin et Jérôme Lambert, la commission des affaires européennes a adopté, le 9 février dernier, une proposition de résolution, confirmée depuis par la commission des lois, portant sur le projet d'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen. Je vais revenir sur les fondements et les objectifs de la position adoptée par notre commission.

J'évoquerai également, monsieur le ministre, le système d'information Schengen de seconde génération, projet central pour l'espace Schengen, mais qui a pris des années de retard et coûte toujours davantage.

L'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen avait été à l'origine prévue pour mars 2011. Cependant la question reste en débat au sein du Conseil, la règle de l'unanimité s'appliquant en la matière.

Il faut rappeler tout d'abord le contexte migratoire au sud-est de l'Union, qui est particulièrement sensible. Cet hiver, une intervention de FRONTEX a ainsi été nécessaire en Grèce, à la frontière gréco turque, où la situation est grave. Les flux d'immigration illégale, auxquels sont mêlés des demandeurs d'asile ayant absolument besoin d'une protection internationale, sont très difficiles à réguler.

Une fois membre de l'espace Schengen, la Bulgarie aura la charge de la frontière extérieure avec la Serbie, la Macédoine, la Turquie et la mer Noire, la Roumanie ayant à assurer le contrôle de la frontière longeant la mer Noire, l'Ukraine, la Moldavie et la Serbie.

La question de l'adhésion à l'espace Schengen est, bien entendu, très sensible politiquement, du point de vue tant de la Bulgarie et de la Roumanie que des États membres, car les enjeux sont directement liés à la sécurité de l'espace Schengen dans son ensemble. Je me suis moi-même rendu il y a quelques mois en Roumanie, où j'ai pu mesurer à la fois l'attachement très vif des autorités roumaines au projet d'adhésion et le chemin qui reste à parcourir dans certains domaines.

Avant tout élargissement de l'espace Schengen, les États candidats doivent se conformer à des critères qui font l'objet d'une évaluation codifiée. La proposition de résolution de la commission des affaires européennes souligne les efforts accomplis à cet égard par la Bulgarie et la Roumanie. Elle indique cependant que leur entrée dans l'espace Schengen ne doit pas être précipitée pour des motifs politiques, mais fondée sur le respect des critères préalables à l'application de l'acquis de Schengen.

Ces critères n'étant à l'heure actuelle pas intégralement respectés, car le rapport d'évaluation de la Bulgarie relatif aux frontières terrestres comporte des difficultés, les évaluations doivent se poursuivre jusqu'à leur terme. La commission des affaires européennes juge donc que l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen serait prématurée.

Par ailleurs, et au-delà de la seule évaluation au titre de Schengen, se pose la question délicate du mécanisme de coopération et de vérification.

Ce mécanisme a été instauré dans le cadre de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, afin de contribuer au développement d'un système judiciaire et administratif impartial, indépendant et efficace. Je tiens à rappeler à ce propos que, dès avril 2006, la délégation pour l'Union européenne, sur les rapports de Jérôme Lambert pour la Bulgarie et de Jacques Myard pour la Roumanie, avait été l'une des premières instances à soutenir politiquement l'adhésion rapide de ces deux États à l'Union,…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

C'est vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

… tout en soulignant de véritables insuffisances touchant les réformes des systèmes judiciaire et administratif et la lutte contre la corruption et la criminalité organisée.

Certes, le mécanisme de coopération et de vérification n'est pas juridiquement lié à la participation à l'espace Schengen. Pour autant, comment faire abstraction d'un dispositif qui touche au coeur de l'espace de liberté, de sécurité et de justice ? L'espace Schengen repose sur la confiance et la coopération policière et judiciaire, contreparties évidentes à la suppression des frontières intérieures.

Bien que le dernier rapport intérimaire sur la Roumanie, qui date de février 2011, soit plus positif que les précédents et prenne acte de progrès réels – tout en soulignant le manque d'avancées en matière de lutte contre la corruption de haut niveau –, les rapports annuels publiés en 2010 étaient préoccupants, s'agissant notamment de la Roumanie.

La proposition de résolution adoptée ne fait pas de l'achèvement du mécanisme de coopération et de vérification un préalable à l'entrée dans l'espace Schengen, mais indique que l'Assemblée nationale « souhaite que les autorités bulgares et roumaines mettent en oeuvre, avec toute la rigueur nécessaire, les réformes indispensables à la réussite du mécanisme de coopération et de vérification, réformes qui auront un impact sur la sécurité de l'ensemble de l'espace Schengen ».

Je souligne que plusieurs de nos partenaires au sein de l'Union ont rejoint la position française : l'Allemagne, la Finlande et les Pays-Bas, puis la Suède et l'Autriche, ainsi que deux États associés, la Norvège et la Suisse.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer où en sont précisément la Roumanie et la Bulgarie, qu'il s'agisse de l'application effective des critères d'adhésion à l'espace Schengen ou des progrès nécessaires en matière de justice et de lutte contre la corruption ?

J'en viens au second thème de mon intervention : le système d'information Schengen de seconde génération. Il s'agit d'un système commun d'échange d'informations qui permet à ses utilisateurs, notamment les services de police et les autorités judiciaires, de disposer en temps réel d'informations relatives à des personnes ou à des objets.

Dès 2001, la Commission européenne a été chargée de développer le système d'information Schengen de seconde génération, afin d'y introduire de nouvelles fonctionnalités et de faire face à la hausse du nombre d'États membres participants.

Le projet a aujourd'hui plusieurs années de retard, et son coût atteignait 76,4 millions d'euros en juin 2010. Un ultime calendrier a été adopté lors du conseil de l'Union européenne « Justice et affaires intérieures » du 7 octobre 2010. Un premier test majeur a été effectué début 2010, mais ses conditions de réalisation ont été contestées par plusieurs États membres, dont la France. Cependant, le conseil l'a jugé concluant.

Monsieur le ministre, qu'en est-il réellement des progrès du projet et quelles sont les dernières estimations de son coût total ?

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux souligner en conclusion que l'avenir de l'espace Schengen est un sujet très sensible et très concret, en raison tant des risques encourus que des avantages espérés, par les citoyens européens comme par les ressortissants de pays tiers.

En effet, la liberté de circulation ne peut être pleinement acceptée par nos concitoyens que si elle s'accompagne de toutes les garanties nécessaires en termes de sécurité. Il s'agit d'un pacte de confiance vis-à-vis des citoyens européens, qui implique bien sûr les pays candidats à l'adhésion à l'espace Schengen, mais qui nous concerne également au premier chef, et qui préoccupe particulièrement nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Quentin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que le président Lequiller vient de le rappeler, notre commission des affaires européennes a examiné le 9 février dernier une proposition de résolution tendant à permettre à la Bulgarie et à la Roumanie d'appliquer entièrement l'acquis de Schengen, c'est-à-dire d'entrer pleinement dans l'espace Schengen. Notre collègue Jérôme Lambert et moi-même étions les rapporteurs de cette proposition, à laquelle je consacrerai l'essentiel de ma courte intervention.

Comme le président Lequiller, je souhaite en outre vous interroger, monsieur le ministre, sur l'état d'avancement du système d'information Schengen de deuxième génération, dit « SIS 2 », qui a déjà plusieurs années de retard et dont les coûts sont préoccupants.

S'agissant de l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'espace Schengen, il importe de rappeler que ce dernier est un élément fondamental de la construction européenne. En effet, il concrétise à bien des égards l'application de l'Acte unique européen et des traités qui l'ont suivi, en permettant notamment la libre circulation des citoyens des vingt-deux États membres et des trois États associés – l'Islande, la Norvège et la Confédération helvétique –, signataires de la convention de Schengen.

On vient de le rappeler, la France, l'Allemagne, la Finlande et les Pays-Bas, avec quelques autres pays, ont pris position contre l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen en mars 2011, estimant que le degré de préparation de ces deux États n'était pas suffisant. Les rapports d'évaluation concluaient notamment que la surveillance des frontières terrestres en Bulgarie n'était pas assez sûre.

Dans le même esprit, notre commission des affaires européennes a conclu, le 9 février dernier, qu'il ne serait pas possible d'envisager une participation pleine et entière à l'espace Schengen tant que tous les obstacles qui s'y opposent ne seraient pas levés.

Se pose en outre la question délicate du mécanisme de coopération et de vérification, qui vise au développement d'un système judiciaire et administratif impartial, indépendant et efficace.

Les rapports de juillet 2010 étaient préoccupants, notamment en ce qui concerne la Roumanie. Le dernier rapport intérimaire, qui date de février 2011, recense des avancées importantes, mais encore insuffisantes.

La proposition de résolution adoptée par notre commission demande donc la mise en oeuvre, « avec toute la rigueur nécessaire, [d]es réformes indispensables à la réussite du mécanisme de coopération et de vérification, réformes qui auront un impact sur la sécurité de l'ensemble de l'espace Schengen ».

Quant au système d'information Schengen de deuxième génération, SIS 2, il pose des problèmes. En fidèle vice-président de la commission des affaires européennes (Sourires), je reprendrai sur ce point les propos du président Lequiller.

Ce système d'information est au coeur de la coopération policière et judiciaire. Depuis 2001, la Commission européenne a été mandatée pour développer le SIS 2, censé permettre d'accéder à de nouvelles fonctionnalités et qui aurait dû être opérationnel début 2007.

Or, depuis lors, les retards comme les coûts se sont accumulés. Les sommes avancées atteignaient 76,4 millions d'euros en juin 2010 ; je reprends le chiffre annoncé par Pierre Lequiller. Un ultime calendrier a été adopté lors du conseil de l'Union européenne « Justice et affaires intérieures » du 7 octobre 2010. Un premier test-clé a été réalisé début 2010, dont la réussite a été très discutée, voire contestée ; le conseil a néanmoins souhaité poursuivre le projet. Un second test est prévu pour la fin 2012.

Aussi vous serais-je très reconnaissant, monsieur le ministre, des précisions que vous pourrez nous apporter sur les perspectives de ce projet et sur les raisons d'une telle envolée des coûts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires européennes, depuis leur adhésion à l'Union européenne, en 2007, il y a quatre ans, la Roumanie et la Bulgarie ont entrepris les vastes réformes qui leur avaient été demandées pour satisfaire pleinement tous les critères de leur appartenance à l'Union.

On peut, certes, s'étonner que ces deux nations européennes aient pu adhérer à l'Union, alors même qu'il apparaissait que certaines difficultés ne seraient réglées que par la suite. Ce fut cependant une décision pleinement assumée politiquement par tous les pays de l'Union, dont évidemment le nôtre. J'étais alors, au titre de la délégation aux affaires européennes de l'époque, rapporteur du processus d'adhésion de la Bulgarie, et notre collègue Jacques Myard l'était pour la Roumanie. Nous avions approuvé cette démarche, tout en soulignant la nécessité de nombreuses réformes non encore abouties.

Depuis lors, la Roumanie et la Bulgarie ont fait l'objet de nombreuses missions d'observation ayant pour but de vérifier la mise en oeuvre de ces réformes, destinées à répondre aux exigences européennes dans les domaines administratif et judiciaire. À ce jour, des progrès notables ont été accomplis, mais il n'en demeure pas moins que le processus n'est pas arrivé à son terme ; dans une certaine mesure, des lacunes persistent.

Si, mes chers collègues, je vous rappelle ces faits, c'est pour vous indiquer d'emblée que ces difficultés, connues et reconnues, concernent le volet de l'adhésion de ces deux nations à l'Union européenne et, à ma connaissance, rien d'autre que cela. Or, aujourd'hui, nous sommes réunis pour débattre et échanger à propos du dossier d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, non pas à l'Union européenne, mais à l'espace Schengen, prévue à l'origine pour intervenir maintenant, au mois de mars 2011.

Cet acquis de Schengen, pour lui-même et pour toutes ses conséquences dans la relation de confiance qu'il implique entre les États participants, répond à des critères spécifiques, qui fondent cette confiance et dont le respect autorise – ou non – l'adhésion à l'espace Schengen.

La convention de Schengen – qui peut d'ailleurs être ratifiée par des pays qui ne sont pas membres de l'Union, comme aujourd'hui la Suisse et la Norvège, et qui n'est pas ratifiée par certains pays membres de l'Union, comme le Royaume-Uni – a ses règles propres auxquelles doivent se conformer les États adhérents. Ce sont ces critères, dans différents chapitres, qui sont évalués par les experts des États membres afin de déterminer la pertinence de telle ou telle adhésion. L'adhésion est acceptée en cas de conformité aux critères ; elle est refusée dans le cas contraire.

Si nous sommes réunis à ce propos, c'est que nous arrivons au terme de l'examen de ces critères par la Commission européenne et par le conseil européen ; les États devront donc bientôt se prononcer sur l'aboutissement de l'acte d'adhésion.

Le conseil des ministres européens « Justice et affaires intérieures », réuni le 24 février dernier, a pris acte que si la Roumanie avait bien achevé d'intégrer l'ensemble des critères préalables, la Bulgarie devait compléter un dernier chapitre concernant sa frontière terrestre.

Du fait d'un accord existant entre la Roumanie et la Bulgarie pour entrer ensemble dans l'espace Schengen, cette situation renvoie l'adhésion effective de ces deux nations à une date ultérieure, mais toutefois proche puisque la Bulgarie met la dernière main au règlement de ses difficultés qui devront être réévaluées très rapidement, dans le courant du mois d'avril.

La question que nous devons nous poser, au vu des débats qui ont été amorcés, est tout bonnement celle de la pertinence de ces adhésions. Certains États, dont la France et l'Allemagne, ont d'ailleurs manifesté publiquement des réticences. Nous sommes là pour les évoquer et apporter notre point de vue sur leur fondement.

Quelles sont-elles ?

Ainsi que je l'ai rappelé au début de mon intervention, la Bulgarie et la Roumanie font l'objet d'un processus de coopération et de vérification afin de faire évoluer leur système administratif et judiciaire dans le sens des préconisations de l'Union. Or ce sont ces critères qui ne sont pas encore parfaitement atteints qui sont mis en avant pour manifester une réticence à l'adhésion à l'espace Schengen.

Pour autant, je vous le dis avec force, mes chers collègues, ces difficultés indéniables ne sont pas exactement évaluées et ne font surtout pas partie des critères d'adhésion à l'espace Schengen, qui résultent des travaux du conseil. Aussi l'apparition de conditions nouvelles évoquées par certains États membres ne manquent-elles pas de susciter des commentaires qui ont leur pertinence.

Les critères peuvent-ils être à géométrie variable suivant l'État qui frappe à la porte ? Peut-on invoquer, pour rejeter une adhésion, des critères qui ne figurent pas dans les traités, et qui n'ont pas été évalués lors de l'adhésion d'autres États ? Y aurait-il deux poids et deux mesures ? Voilà qui changerait profondément la nature de l'Union, fondée sur un droit égal pour tous et non sur une forme d'arbitraire.

Permettez-moi de rappeler qu'il y a peu encore, la question des Roms avait déjà illustré les tentatives du Gouvernement de dévoyer un certain nombre de règles et de principes européens fondamentaux, notamment la libre circulation des personnes dans l'espace de l'Union.

Ce débat sur l'espace Schengen ne doit pas alimenter l'idée selon laquelle le principe de libre circulation devrait être limité pour certaines nationalités. Pour les socialistes européens, la libre circulation est au coeur de la citoyenneté européenne et ne peut être limitée qu'aux conditions déjà définies par les règles européennes. Le principe est simple ; c'est un principe d'égalité de traitement entre les États et leurs ressortissants.

Il y a peu, devant la commission des affaires européennes de notre assemblée, j'ai été, avec mon collègue Didier Quentin, co-rapporteur sur cette question de l'élargissement de l'espace Schengen à la Roumanie et à la Bulgarie.

La proposition de résolution adoptée par la commission le 9 février rappelle à juste titre la nécessité absolue du respect des critères techniques préalables à toute adhésion à l'espace Schengen, respect déterminé par des rapports d'évaluation. Il a été aussi indiqué, s'agissant du mécanisme de coopération et de vérification, qu'il était difficile d'établir un lien direct entre ce mécanisme et les critères d'évaluation applicables à l'espace Schengen, puisque les traités ne le prévoient pas ainsi.

De plus, à ceux qui indiqueraient qu'un risque pourrait exister, la confiance totale n'étant pas parfaitement acquise, nous pouvons faire remarquer que la connexion au système d'information Schengen, véritable colonne vertébrale de l'espace Schengen, est opérationnelle depuis le mois de décembre dernier sans que cela pose de difficultés particulières à l'égard de la Bulgarie et de la Roumanie. Notre proposition de résolution ne fait donc pas de la complète réussite du mécanisme de coopération et de vérification une étape supplémentaire, qui constituerait un nouveau préalable à l'entrée dans l'espace Schengen.

Des lacunes existent, nous les connaissons, et elles ne doivent pas être passées sous silence. Toutefois, il faut souligner les efforts importants mis en évidence par les derniers rapports annuels de la Commission, publiés au mois de juillet 2010, en ce qui concerne les réformes entreprises en Bulgarie, et au mois de février 2011, en ce qui concerne la Roumanie pour laquelle le rapport est plus encourageant que le précédent.

C'est pourquoi les travaux de notre commission des affaires européennes, insistent sur les réformes indispensables à la réussite du mécanisme de vérification et de coopération, car ces réformes auront des conséquences pour la sécurité dans l'Union et dans l'espace Schengen.

La Roumanie et la Bulgarie sont en train d'achever leur processus de mise en conformité de l'acquis Schengen ; il subsiste certes des problèmes sur le contrôle des frontières terrestres et sur la gestion de certaines alertes dans le système d'information Schengen, mais ceux-ci sont clairement en voie de résolution. Ils feront l'objet, dans le courant du mois d'avril, d'une dernière évaluation. Par conséquent, si ces rapports prévus le mois prochain sont positifs, il n'y aura, en droit, aucune raison opposable pour que ces deux nations européennes, membres de l'Union, ne rentrent pas dans l'espace Schengen tel que cela est prévu dans le traité.

Le groupe SRC ne peut donc accepter, en l'état, l'ajout inopiné de critères additionnels spécifiques à ces deux nations. D'ailleurs plus, il serait impossible de les évaluer justement, puisqu'ils n'étant pas prévus initialement. Ils ne seraient fondés que sur des considérations de politique intérieure.

Permettez-moi de vous indiquer aussi, mes chers collègues, que cette position est en outre largement partagée au sein des principaux groupes politiques du Parlement européen.

Les travaux en partenariat avec la Bulgarie et la Roumanie doivent être poursuivis, en recherchant, comme cela a toujours été le cas jusqu'à présent, les conditions d'un excellent état d'esprit, qui ne peut souffrir d'un climat de suspicion générale à rencontre de ces deux nations européennes.

Les bonnes relations de la France et de l'ensemble de l'Europe avec la Roumanie et la Bulgarie sont aussi en jeu à cette occasion. Nous devons, certes, nous montrer vigilants pour que soit menée une politique claire de lutte contre la corruption et la criminalité, mais ne gâchons pas l'occasion de poursuivre nos bonnes relations avec ces États qui attendent beaucoup de la France, et de nous-mêmes ce soir, même si nous n'en avons pas suffisamment conscience.

C'était pour moi l'occasion de vous le rappeler, en oeuvrant à cette entreprise qui devrait tous nous honorer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, ce débat sur l'espace Schengen arrive à point nommé pour porter un regard politique.

Si la dynamique des révoltes des populations de l'Afrique du Nord rayonne dans le monde entier et donne espoir et courage, elle oblige l'Union européenne à repenser la nature de ses relations avec ces pays et, plus largement, avec l'ensemble du continent africain ; mais elle nous oblige aussi à regarder en face cette Union qui est loin d'être si unie qu'elle l'avait affirmée lors de son installation.

Ce qui se joue aujourd'hui au sud et à l'est de la Méditerranée est comparable en intensité à la chute du mur de Berlin ou à la décolonisation et nous devrions être assez lucides pour mesurer toute la complexité de ce processus qui a contre lui de nombreux adversaires, dont plusieurs États de l'Union européenne. Pourtant, le devoir de cette même Union était de soutenir clairement les peuples au nom de valeurs dont elle aurait dû se souvenir qu'elle était la gardienne.

Les peuples qui se sont soulevés ont réussi ou vont réussir à mettre fin à des régimes autoritaires qui semblaient, avec l'appui de gouvernements occidentaux, inébranlables. La Tunisie était même complimentée par le Fonds monétaire international, qui la qualifiait de meilleur élève du continent africain et invitait les autres pays à suivre son exemple.

Je n'aborderai pas les relations coupables de la France avec ce régime qui a tué, emprisonné, bâillonné, terrorisé et qui n'a jamais trouvé à redire à ces violations massives des droits humains. Ce silence coupable engage la responsabilité de notre pays.

Les luttes menées par ces peuples trouvent leurs racines dans la pauvreté, dans la répression, dans l'absence de perspectives ouvertes à la majorité des jeunes diplômés, mais aussi dans leur détermination politique à bénéficier de leurs ressources naturelles. Ces aspirations aux mêmes droits pour tous, à l'autonomie et à une meilleure répartition de la richesse économique se reflètent aussi dans le nouveau départ d'embarcations vers l'Europe, aujourd'hui, à partir de la Tunisie, mais, depuis des années, à partir du nord et de l'ouest de l'Afrique.

Se saisir de la liberté de circulation et émigrer à la recherche d'une vie meilleure est un droit. Pourtant, face à ce besoin de vivre dignement, les responsables politiques occidentaux et les instances européennes osent exposer, dans des scénarios d'invasion, l'immense menace que représenteraient les mouvements migratoires venant ou passant par l'Afrique du nord, dénoncent « les flux migratoires incontrôlables » et appellent à mobiliser d'urgence l'agence européenne de surveillance des frontières, FRONTEX. Ils sont relayés par les experts et les services diplomatiques, qui n'ont rien vu venir des mouvements politiques en cours, mais qui ne craignent pas aujourd'hui d'affirmer que des milliers de migrants risquent de déferler sur les territoires européens.

L'Union européenne a adopté, en 2001, un dispositif dit de « protection temporaire » pour les ressortissants d'États qui, victimes d'une catastrophe naturelle, de troubles politiques dans leur pays ou de conflits armés, auraient un besoin urgent de trouver un abri en Europe. Cependant « à l'heure actuelle, il n'y a pas de flux de réfugiés en provenance de Libye », s'est empressée d'indiquer la Commission européenne. Dans le même temps, elle envoie des patrouilles sur ses frontières maritimes, via FRONTEX, pour empêcher les réfugiés potentiels, assimilés à des migrants clandestins, de traverser la Méditerranée.

Pourtant, combien y a-t-il de témoignages de migrants pour dire ce qu'ils subissent aux frontières tunisiennes, mais aussi en Libye où ils sont injustement assimilés à des mercenaires ! Pourtant, la situation s'aggrave de jour en jour en Libye et à ses frontières, et la guerre menée n'arrangera rien ! En Tunisie, où affluent des dizaines de milliers de réfugiés, le dispositif est saturé malgré les efforts déployés par les autorités locales.

L'Europe ne peut pas continuer à faire comme si elle n'était pas concernée par le sort de dizaines, de centaines de milliers de personnes qui ont besoin de protection dans les pays actuellement troublés, ni par celui des migrants originaires de divers autres pays arabes, africains, asiatiques, qui y résident.

Il n'y a pas si longtemps, l'Europe se targuait de déployer « une politique euro-méditerranéenne ». Cette ambition aurait-elle volé en éclat, au moment même où plusieurs des nations potentiellement partenaires de cette Euro-Méditerranée sont en voie de devenir des démocraties ? Ces nouvelles démocraties considèrent déjà que devront être revus les objectifs et la méthode de l'Union pour la Méditerranée

Au lieu de décider de politiques de plus en plus xénophobes qui violent l'ensemble des droits fondamentaux, l'Union européenne devrait prévoir l'accueil sur le territoire européen des réfugiés qui ne peuvent rentrer dans leurs pays, mettre en oeuvre sans plus attendre un dispositif permettant d'accorder la protection temporaire à tous ceux qui, dans la situation d'urgence où ils sont, peuvent légitimement s'en prévaloir, mais surtout mettre un terme aux patrouilles de FRONTEX qui empêchent l'arrivée des réfugiés par la mer.

Par ailleurs, les États de l'espace Schengen doivent cesser de nourrir la peur des populations européennes en brandissant systématiquement le spectre de « 1'invasion » et cesser de considérer comme une priorité d'empêcher l'immigration en provenance de territoires troublés. En fait, si l'espace Schengen est bien une porte pour la plupart des citoyens des États de l'Union, cela n'est pas vrai pour certaines populations, notamment celle des Roms. La France n'a-t-elle pas été accusée de discrimination raciale à leur égard ? Ainsi, la porte est ouverte pour certaines populations européennes mais se transforme en mur pour d'autres. Et le fameux accord de Schengen contribue à renforcer la clandestinité de nombreux ressortissants étrangers.

Qui plus est, il n'y a aucun accord de régularisation entre les différents États de l'espace ni aucune politique commune à ce sujet. Dès lors, les personnes non autorisées qui arrivent à entrer dans l'espace sont dans l'obligation de se cacher. Le scandale ne s'arrête pas là. Combien de citoyens du continent africain ou du Moyen-Orient ne parviennent-ils pas à obtenir, malgré un dossier complet et des références, un visa pour entrer en Europe, et ce quelle que soit la raison ? Les services consulaires trouvent toujours un argument pour refuser le visa, mais la véritable raison est la peur fantasmée de l'autre. Combien d'artistes n'ont pu honorer leur contrat, combien de malades ont vu leur état empirer, combien de familles n'ont pu se réunir pour un mariage ou des obsèques ? Autant de peurs en contradiction avec les valeurs que portent à la fois la démocratie et le respect des droits humains.

Sur le plan de la politique étrangère se manifeste aussi une véritable désunion au sein de l'Union européenne. Il n'est qu'à regarder la question de la Libye. La France a préféré la violence et la guerre à la recherche de moyens pour maintenir la paix et la sécurité internationale. Autant de raisons de remettre le système multilatéral onusien en cause.

Dès lors, comment interpréter l'abstention de l'Allemagne, du Brésil, de l'Inde, de la Chine et de la Russie ? Surtout, comment interpréter le silence de l'ONU et de l'Union européenne, particulièrement de la France, lorsque les troupes saoudiennes intervenaient contre la population bahreïnie ou alors que la population yéménite est menacée ? Et je ne reviens pas sur le sort des Palestiniens pendant la guerre de Gaza et lors d'événements récents qui ont d'ailleurs, à nouveau embrasé la région et relancé le terrorisme. À cet instant, j'ai une pensée pour toutes les victimes palestiniennes et israéliennes de cette situation, qui ne suscite pas de position politique volontaire de la communauté internationale ni de position politique courageuse de l'Union européenne.

Faut-il y voir l'expression du cynisme des grandes puissances occidentales qui ne voudraient, en cette occasion, que tenter de reprendre la main sur la région, riche en pétrole, et d'imposer le modèle démocratique sans prendre en compte les aspirations des peuples ?

La France aurait dû, au lieu de favoriser une possible balkanisation de la Libye, analyser la position de l'Allemagne et oeuvrer pour que l'Union européenne soit enfin unie sur une position commune soutenant le peuple libyen, mais aussi signifiant sa solidarité avec la lutte de tous les peuples arabes qui aspirent à un changement de paradigme.

Pour l'instant, l'espace Schengen n'est qu'un espace profitable à une économie de marché qui broie les citoyens, en exclut une grande partie, en précarise la majorité et oblige de nombreux migrants à vivre en marge. Dès lors, cet espace, contrairement aux effets d'annonce, n'est qu'un espace financier, militarisé à des fins de domination et d'aliénation des populations. Les citoyens européens ne veulent pas de cet espace, reflet d'une vieille Europe qui n'en finit pas de mourir et qui refuse d'entendre les aspirations des peuples à une vie meilleure, fondée sur la solidarité, une meilleure répartition des richesses et le respect et de l'ensemble des droits humains.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 14 juin 1985, cinq États membres de la Communauté européenne, la France, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, s'accordaient, en signant les premiers accords de Schengen, à donner enfin une signification à la notion de libre circulation des personnes en Europe. Conscients, aux termes de l'accord lui-même, que l'Union sans cesse plus étroite des peuples des États membres des Communautés européennes devait trouver son expression dans le libre franchissement des frontières intérieures, et soucieux d'affermir la solidarité entre leurs peuples, ces cinq États décidaient alors de lever les obstacles à la libre circulation des personnes à leurs frontières communes.

Plus de vingt-cinq ans après la signature de ces accords, l'espace Schengen, progressivement élargi, demeure sans doute l'un des acquis à la fois les plus symboliques et les plus spectaculaires, l'un des succès historiques de la construction européenne, indissociable de la marche vers une véritable citoyenneté européenne.

Pour autant, si l'abolition des frontières intérieures demeure incontestablement la traduction la plus concrète pour bon nombre de nos concitoyens des accords de Schengen, le véritable défi que se sont, par ces accords, lancés les États européens réside bel et bien dans la constitution et la consolidation d'une frontière extérieure unique. Adhérer à Schengen signifie ainsi, pour tout État, de s'engager avec d'autres dans une démarche de confiance réciproque en ce qui concerne la surveillance des frontières extérieures, une prérogative historiquement des plus régaliennes. La France fait ainsi confiance à ses partenaires pour surveiller et contrôler les frontières extérieures dont ils ont la charge, de même que nos partenaires nous font confiance pour surveiller notre frontière maritime en Méditerranée ainsi que nos aéroports.

Trop longtemps, pourtant, Schengen est resté, malgré les importants efforts consentis par les États pour coordonner et mettre à niveau la surveillance de leurs frontières, un édifice bancal ou, en tout état de cause, incomplet. Manquait ainsi ce qui semblait pourtant aller de soi : la mise en place au sein de l'espace Schengen d'une véritable politique migratoire commune et concertée.

L'élargissement progressif de ces accords à de nouveaux membres n'a fait que renforcer la prégnance de cette question. Après l'Espagne, notamment ses enclaves de Ceuta et Melilla, ce sont ainsi Malte ou encore les pays d'Europe centrale ayant rejoint Schengen consécutivement à l'élargissement de 2004 qui ont été confrontés à une pression migratoire à laquelle ils n'avaient sans doute pas totalement été préparés. Pire, ces États avaient à supporter des appels d'air migratoires déclenchés par d'autres États lorsque ceux-ci décidaient, par exemple, de procéder à une vague de régularisation sans qu'aucun mécanisme de concertation soit prévu pour cette matière demeurée une compétence strictement nationale.

De fait, l'Europe souffrait, tant dans l'organisation d'une migration légale que dans la lutte contre les réseaux clandestins, d'un manque criant de cohérence qui ne pouvait qu'amener de l'eau au moulin de tout ce que notre classe politique compte d'eurosceptiques. Pourtant, et nous n'avions eu de cesse de le déplorer, de longues années ont dû passer pour que, à force de vaines incantations à la solidarité entre États membres, les esprits évoluent et pour que l'Europe se dote enfin en la matière d'une véritable stratégie commune.

Dans la foulée du pacte européen pour l'immigration et l'asile, adopté sous présidence française à l'unanimité des États membres, les institutions communautaires, Parlement et Conseil, ont adopté, entre décembre 2008 et juin 2009, trois directives – « Retour », « Carte bleue européenne » et « Sanctions » – qui constituent aujourd'hui l'embryon d'une politique véritablement commune tant en matière d'accueil des étrangers qualifiés que de lutte contre le travail illégal ou de reconduite des migrants en situation irrégulière. À ce titre, je veux rappeler, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, notre attachement à ce que l'Europe poursuive sa montée en puissance sur cette question, car il en va bien de la viabilité de l'espace Schengen lui-même.

Pour autant, la question qui demeure actuellement dans tous les esprits, dès lors qu'il est fait mention de l'espace Schengen, tient, il faut bien le reconnaître, davantage à son élargissement qu'à son approfondissement dans la mesure où il appartenait, lors du conseil « justice et affaires intérieures » du 24 février dernier, aux États membres de se prononcer sur l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans Schengen. Sur ce sujet, la communauté de destin qui nous lie désormais aux membres de l'Union européenne pose l'exigence d'un dialogue franc et sincère avec l'ensemble de nos partenaires. C'est pourquoi je veux saluer l'équilibre des termes trouvés par la résolution adoptée, voici quelques semaines, à ce sujet par notre commission des affaires européennes.

Il est, dans ce débat, un point qui ne saurait souffrir d'aucun malentendu : la Bulgarie et la Roumanie ont bel et bien vocation à intégrer l'espace Schengen. Les traités ne laissent, du reste, aucun doute à ce sujet. Si personne ici n'ignore les efforts consentis depuis de nombreuses années par les autorités roumaines et bulgares pour mettre leurs procédures au niveau des standards européens, il importe également de mesurer l'ampleur immense des défis qui se présenteront à ces États dès lors qu'ils auront rejoint l'espace Schengen.

Non contents d'avoir la charge de la frontière de l'Union avec la zone des Balkans occidentaux, ceux-ci devront également veiller à l'étanchéité de notre frontière sur la mer Noire et, si la Roumanie est appelée à devenir, après la Finlande, l'État ayant la charge de la plus grande frontière extérieure de l'Union, la Bulgarie aura, pour sa part, la mission de veiller à sa frontière terrestre avec la Turquie, laquelle semble encore, à ce jour, insuffisamment consolidée.

C'est pourquoi un élargissement précipité, sur la base de considérations politiques, ne peut être considéré comme une option satisfaisante. À cet égard, quand bien même il s'agirait d'une procédure inédite, il importe de tenir compte des résultats du mécanisme de coopération et de vérification mis en place au moment de l'élargissement de 2007, car la sécurité de l'espace Schengen est et doit rester notre première priorité.

C'est avec la volonté de consolider l'Europe que nous le disons du haut de cette tribune. Pour autant, cela doit être bien compris de part et d'autre. J'étais, il y a quelques semaines, en Roumanie, où j'ai rencontré, avec le président de la délégation française au Conseil de l'Europe, notre ami Jean-Claude Mignon, les plus hauts responsables politiques roumains, notamment le ministre des affaires étrangères et le Premier ministre. La position française et celle des autres pays européens qui partagent notre approche a parfois été mal comprise.

Je rappelle que la Roumanie est un pays ami de la France, où la francophonie est très fortement implantée et où les entreprises françaises sont omniprésentes. Nous avons contribué à dissiper les malentendus et à rappeler que les liens qui unissent nos deux pays ne se sont nullement distendus. Pour autant, nous avons expliqué à nos interlocuteurs roumains que chacun devait écouter et comprendre l'autre.

Les Européens convaincus que nous sommes ne doivent prendre aucun risque qui pourrait affaiblir la construction européenne. Il faut donc faire preuve de pédagogie afin que notre position, si elle est bien comprise par l'opinion publique française, le soit également par nos amis roumains. Les autorités de ce pays ont effectué de gros efforts pour répondre aux critères techniques qu'impose l'entrée dans l'espace Schengen. Néanmoins, la réussite de Schengen ne tient pas seulement dans la technique, elle repose aussi sur les hommes. Or la police des frontières de ces pays n'est pas prête à assumer aujourd'hui la responsabilité du contrôle des frontières de l'Europe. Il faut donc bien le faire comprendre aux autorités de la Roumanie et de la Bulgarie, afin de leur permettre de progresser le plus rapidement et le plus efficacement possible.

Dans la situation actuelle, les députés du Nouveau Centre, s'ils mesurent l'attente et les efforts consentis par nos partenaires roumains et bulgares en direction de l'adhésion à l'espace Schengen, n'en soutiennent pas moins la décision prise le 24 février dernier par le conseil « justice et affaires intérieures », considérant que, en matière de contrôle de nos frontières, nous ne saurions prendre aucun risque. C'est pourquoi nous voterons favorablement la proposition de résolution européenne qui nous a été présentée.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Monsieur le ministre, un an avant l'élection présidentielle, vous découvrez soudain que la Roumanie et la Bulgarie ne sont pas prêtes pour rejoindre l'espace Schengen ;

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je vous rappelle que j'avais été l'un des seuls à voter contre l'adhésion de ces deux pays. C'est pourtant l'évidence. Malheureusement, je crains que cette prudence ne soit que provisoire et tactique. Cette fausse fermeté ne trompera personne car, dans le même temps, vous confirmez tous, sur les bancs de cette assemblée, votre attachement, votre soutien à un système délétère qui ne marche pas.

La suppression des frontières, au nom de faux bons sentiments, se retourne contre les peuples d'Europe qui n'en peuvent plus des trafics, des corruptions, de la loi de la jungle économique et sociale dont vous êtes, tous ici, responsables.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Personne n'ignore que lorsque les gouvernements italiens et espagnols régularisent des centaines de milliers de clandestins, c'est avec la certitude que ces derniers se rendront aussitôt dans le pays à la protection sociale la plus généreuse, c'est-à-dire le nôtre. Va-t-on continuer à demander aux Français toujours plus de sacrifices sur l'autel de cette Europe sans frontières ? Au-delà de la protection sociale, c'est la paix civile elle-même que menace cette anarchie faussement sympathique : trafic de drogue, d'êtres humains, d'armes de guerre que nous retrouvons dans les quartiers de nos banlieues. Oui, c'est le résultat de cette politique suicidaire. Vous ne maîtrisez pas les flux migratoires.

Votre ministre de l'intérieur, M. Claude Guéant, l'a enfin reconnu. C'est assez curieux pour quelqu'un qui a été responsable de cette politique aux côtés de l'ancien ministre de l'intérieur, puis aux côtés du Président de la République. Il n'a fait que constater ce que nous disons depuis longtemps : vous ne maîtrisez plus les flux migratoires. Au même moment, vous supprimez des postes de policier dans nos banlieues, des postes de douanier, des postes de gendarme.

Les Français ont compris que ce n'est pas l'épisode de cet été, cette petite saynète que vous avez jouée sur la Bulgarie et la Roumanie, qui va les rassurer. Là aussi, pour faire croire aux Français que l'État existait encore, le Président de la République a répondu au désordre et à l'anarchie par l'amalgame. Il a expulsé des Roms à grand renfort de caméras de télévision. Ils sont tous revenus dans des camps, dans leurs caravanes, dans leur pauvreté, dans leur misère, et cette misère vous en êtes responsable. Si cela vous intéresse, je peux vous emmener voir ce qui se passe dans le Val-de-Marne.

De même, au moment où des flux migratoires très importants menacent, notamment en Italie, vous êtes impuissants. Le ministre de l'intérieur et de l'immigration en est réduit à faire des moulinets avec les bras à la frontière italienne qui n'existe plus.

En vérité, vous n'avez toujours pas compris que la frontière n'est pas un mur mais une protection. Je vous renvoie à l'excellent livre de Régis Debray qui explique comment la frontière assure la protection des plus faibles, comment elle est un filtre, comment elle garantit l'unité de la nation. Elle n'empêche pas l'échange. On peut en effet être ami avec des voisins, tout en ayant ses frontières. Sans frontières, c'est la loi du plus fort qui l'emporte, la loi de la jungle, la loi de ceux qui exploitent la main-d'oeuvre misérable, celle que j'appelle des délocalisations de l'intérieur.

Venez dans ma banlieue voir, à la sortie des supermarchés, les camionnettes avec ces clandestins qui arrivent et qui sont embauchés au noir par des entrepreneurs peu scrupuleux ! Venez dans nos banlieues voir les ghettos, ces HLM où il n'y a que des clandestins à tous les étages et où la population n'en peut plus, quelles que soient la couleur de sa peau et sa religion ! C'est la loi des mafias, c'est la loi du désordre. Votre système est en train de couler sous vos yeux et vous ne comprenez toujours pas.

Vous avez supprimé les frontières nationales, mais vous n'avez pas été capables de créer des frontières européennes car chaque pays d'Europe a sa propre logique, et c'est bien naturel. L'Allemagne, en suicide démographique, a besoin d'immigration. Par contre 40 % des jeunes dans les quartiers de l'Essonne sont au chômage, mais cela, vous l'oubliez.

Je voudrais que vous m'écoutiez, monsieur le ministre, même si cela ne vous intéresse peut-être pas !

Votre système coule sous vos yeux et vous ne voulez pas remettre en cause ce dogme de l'espace Schengen.

Quand l'État est faible, quand il ne défend plus son peuple, quand il n'est plus le repère de la nation, la colère monte. Or cette colère, vous ne l'avez toujours pas comprise et c'est la montée des extrêmes. Je la regrette, mais vous la nourrissez. C'est vous, sur les bancs de la gauche et de la droite, qui êtes responsables de cette montée des extrêmes. Ensuite, vous prétendez vous unir, tous ensemble, pour crier halte au feu, mais ce feu, vous l'alimentez en permanence, comme un pyromane, tout en jouant les pompiers au dernier moment, sous de faux vocables d'affront républicain notamment.

En fait, votre impuissance est le fruit de votre naïveté ou de votre calcul. Est-ce cette naïveté, cette fausse idéologie européenne qui est en train de tuer notre nation, ou simplement le poids des intérêts de chefs d'entreprise qui préfèrent faire venir une main-d'oeuvre bon marché et laisser les jeunes de nos quartiers au chômage ?

En fait, vous êtes le meilleur agent électoral de ce Front national qui monte et qui inquiète les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Il est temps d'en finir avec ces désordres qui nourrissent la peur de l'autre, l'amalgame. En vérité, quand comprendrez-vous que l'Europe a besoin de repères, d'États, de nations qui assurent le fonctionnement et que cette Europe pourra fonctionner quand chaque nation sera maîtresse chez elle et pourra ensuite coopérer sur des projets d'avenir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je conclus, monsieur le président.

De commissions en rapports, de bureaucrates en Cour de justice, vous ruinez l'idée européenne. L'enjeu des prochains mois sera donc bien de demander aux Français le contrôle de nos frontières, car seuls le rétablissement des contrôles aux frontières et la fin de l'espace Schengen permettront d'assurer la protection. Cette politique devra s'accompagner d'une politique de développement économique et d'investissements dans les pays du sud de la Méditerranée qui ne souhaitent qu'une chose : vivre chez eux de leur travail et retrouver la prospérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie parachève l'élargissement à l'Est, le grand dessein qui prit corps à la chute du mur de Berlin en 1989. Comme ce fut déjà le cas en 2004, ce deuxième épisode se déroule dans un climat de crise mondiale marqué par un scepticisme croissant, voire une hostilité contre l'extension sans fin de l'Europe communautaire.

Sur le plan économique, la Roumanie et la Bulgarie sont des pays pauvres. Si les taux de chômage bulgare et roumain sont relativement proches des moyennes européennes, les salaires y sont nettement plus faibles. Ils varient de 180 euros par mois en moyenne en Bulgarie, à 305 euros en Roumanie. Les salaires minimaux en vigueur dans les deux pays plafonnent à des niveaux difficilement comparables avec ceux de l'hexagone : 82 euros par mois en Bulgarie et 90 euros en Roumanie. La pauvreté demeure donc importante. Selon la Banque mondiale, plus de 12 % des Roumains vivent avec moins de 2 euros par jour, taux qui avoisine 6,5 % en Bulgarie.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Néanmoins, ce sont des États membres de l'Union européenne. Ainsi, ils respectent – presque il est vrai – les critères techniques d'entrée dans l'espace Schengen. Cependant, la France se prononce contre l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans cet espace, jugeant leur entrée prématurée, et elle demande un durcissement des critères requis pour l'adhésion à l'espace de libre circulation.

Paris, mais aussi Berlin justifient leur opposition par des questions de sécurité. L'amélioration du fonctionnement des appareils du système judiciaire et la lutte contre la corruption et le crime organisé sont effectivement deux aspects sur lesquels la France ne veut pas transiger. L'administration, la justice, la criminalité et la corruption ne sont pourtant pas des critères Schengen en tant que tels. Toutefois, il est évident qu'on ne peut risquer l'affaiblissement de la capacité de l'Europe à gérer et à contrôler ses flux migratoires. Il est légitime d'exiger toutes les garanties pour que nos frontières européennes soient bien gardées avec des douaniers en mesure d'exercer toute la vigilance que nous sommes en droit d'attendre.

Comme chacun le sait, il suffît d'un maillon faible pour briser une chaîne.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Ces élargissements ne doivent pas dégrader à terme l'espace Schengen. Les citoyens de l'Europe communautaire aspirent à toujours plus de sécurité.

La possible entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen ravive les peurs liées à l'immigration illégale. C'est une vive inquiétude qu'il ne faut ni occulter ni nier. L'immigration illégale inquiète tous les États, et pas seulement la France, et ce au fur et à mesure que l'Union européenne s'étend, et que de plus en plus de pays rejoignent l'espace Schengen.

Cet espace, rappelons-le, repose sur des accords qui autorisent la libre circulation des personnes et permet l'harmonisation du contrôle des voyageurs au sein des vingt-deux pays de l'Union qui en sont aujourd'hui membres. Or 75 % de l'immigration illégale en Europe passe par cette partie sud-est de l'Union européenne. Les craintes sont donc d'abord de nature géographique, puisqu'elles sont liées à la position en Europe de la Bulgarie et de la Roumanie. Cette porte d'entrée, il faut pour l'instant la laisser fermée.

Afin de lutter contre l'immigration clandestine en provenance surtout de la Roumanie, un milliard d'euros a été affecté à la surveillance et à la sécurisation des frontières, notamment en offrant une meilleure formation à la police des frontières et en l'équipant de nouvelles technologies.

Le constat est que les salaires des douaniers roumains sont bas, ce qui conduit indubitablement la France mais aussi l'Allemagne à penser que ces derniers seraient plus enclins à accepter des dédommagements financiers et autre pots-de-vin en l'échange d'un droit de passage vers l'Europe de l'ouest. Certes, récemment, comme l'a précisé le président roumain, un système de délation rémunéré a été mis en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Elle est belle l'Europe ! C'est du joli : on rémunère la délation !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Même si cela peut être efficace, laissons les mécanismes de lutte contre la corruption et l'émigration illégale faire leurs preuves avant d'envisager l'entrée d'un nouveau pays dans la communauté Schengen, sous peine que les problèmes de contrôle aux frontières n'empirent. N'oublions pas, en effet, que l'entrée d'un pays dans l'espace Schengen lui donne accès à toutes les données et fichiers informatiques, des données policières, identitaires et juridiques, bref des données sensibles qui ne peuvent être divulguées à tout va. Qu'en serait-il de la sécurisation de ces données et, par là même, contributive de la sécurisation de nos territoires de l'espace Schengen dans un contexte de corruption ?

Attention cependant, ne stigmatisons pas la Roumanie.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Les problèmes soulevés par la question de l'immigration illégale et du contrôle des frontières concernent d'autres pays. Les réticences exprimées concernent aussi la Moldavie, dont des milliers de ressortissants sont chaque année naturalisés par le gouvernement roumain du fait de leurs liens historiques, susceptibles alors de bénéficier des avantages de la libre circulation que permet l'espace Schengen.

Dans ce contexte, cet élargissement paraît à haut risque, compte tenu des lacunes des deux pays. La Bulgarie et la Roumanie doivent faire la preuve qu'elles respectent l'acquis communautaire, qu'elles sont en mesure de gérer les politiques et les programmes européens, ce qui implique qu'elles aient non seulement la capacité mais aussi la volonté de réformer leurs systèmes administratif et judiciaire. Sinon, le processus d'élargissement déjà contesté sera définitivement discrédité, au préjudice d'autres pays qui attendent leur billet d'entrée.

La Bulgarie et la Roumanie ne doivent pas être une porte d'entrée pour tous les peuples du monde. Si l'espace Schengen est discrédité ou dévalorisé, viendra peut-être un temps où sera envisagée la création d'un autre espace Schengen qui, cette fois, ne concernera que les pays historiquement fiables, au coeur de la construction, ce qui amplifiera la construction d'une Europe à plusieurs vitesses.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Ces deux pays, comme ils nous l'ont déjà démontré, ont toutes les potentialités, tant techniques qu'humaines. Ils sont également soutenus financièrement et techniquement par l'Union européenne. Alors, ne nous confrontons pas à des risques insensés qui peuvent être évités.

Le sociologue américain Bell, dès 1935, a fait la démonstration que les facteurs de délinquance viennent de vagues d'immigration non maîtrisées, et ce quel que soit le pays d'origine. La démonstration portait sur la délinquance des Irlandais en Nouvelle-Angleterre au début du xxe siècle, preuve que ce ne sont pas la couleur de peau ou l'origine géographique qui sont déterminants mais la non-maîtrise des flux en grand nombre.

Laissons du temps au temps. Cette entrée n'est que repoussée et retardée et non rejetée ou refusée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Messieurs les députés, avant de reprendre globalement vos différentes interventions qui ont très bien positionné ce débat et l'enjeu de notre discussion sur la Bulgarie et la Roumanie, je veux répondre à M. Lecoq, pour qui j'ai beaucoup d'estime, à propos de la question libyenne.

L'Europe a beaucoup oeuvré sur ce dossier. À chaque fois qu'il est question de construction européenne, il est trop facile de ne parler que des divergences, en oubliant tout le reste, c'est-à-dire les sujets sur lesquels l'Europe a été au rendez-vous.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Monsieur Lecoq, je vous ai écouté avec une grande attention.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

De ce point de vue, qu'a fait l'Europe ?

D'abord, elle a été la première à condamner le régime de Kadhafi.

Deuxièmement, elle a été la première à organiser le rapatriement de réfugiés égyptiens et tunisiens.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Personne d'autre n'était là-bas.

Troisièmement, l'Europe a été unanime à saisir la Cour pénale internationale pour faire en sorte que Kadhafi puisse y être déféré.

Quatrièmement, c'est l'Europe qui a mis en place les embargos les plus rigoureux sur les armes et sur tous les matériels de répression pour empêcher Kadhafi, pendant cette période, de continuer à alimenter ses armées.

Enfin, c'est l'Europe qui, de façon unanime, a mis en place l'embargo sur l'argent du pétrole pour que ce dictateur ne s'en serve pas pour réprimer son peuple.

C'est l'Europe qui a permis toutes ces avancées qu'on peut mieux mesurer si l'on compare la situation actuelle à celle des années 90.

Reste, il est vrai, que nous avons des divergences, notamment sur le recours aux armes.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Notons malgré tout que l'Europe a été au rendez-vous.

Je reste toujours quelque peu méfiant quand on demande sans cesse à l'Europe d'aller plus loin, de sauter plus haut, bref, d'en faire toujours plus, en oubliant tous les progrès qu'elle a apportés dans notre approche communautaire.

Que nous auriez-vous dit si les armées de Kadhafi étaient rentrées dans Benghazi et si les populations avaient été massacrées ? N'oublions pas que Kadhafi a été capable d'utiliser des avions pour tirer contre son propre peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il ne les a pas fabriqués tout seul ces avions !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Avons-nous le droit de démissionner dans une telle situation ? Avons-nous le droit de demeurer silencieux ? Pouvons-nous nous contenter de laisser, de l'autre côté de la Méditerranée, parce que nous avons des états d'âme qui sont autant de signes, ici, de lâcheté, un dictateur lancer des missiles contre son propre peuple ?

Tirant collectivement les leçons des erreurs que nous avons commises dans le passé vis-à-vis du monde arabe, nous nous devons d'être présents pour promouvoir une nouvelle donne, dès lorsqu'un peuple essaie de se soulever contre une dictature.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il y en a d'autres, des peuples qui essaient de se soulever contre un dictateur !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

J'en viens à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l'espace Schengen, sujet majeur pour notre pays, dont nous devons bien comprendre la dimension géopolitique.

Par le cône formé de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Grèce, passent environs trois quarts des trafics en Europe. Loin de moi tout fantasme d'invasion migratoire ; je pense à des trafics très divers, qu'il s'agisse d'armes, de drogue, d'enfants, de femmes… Il est évident que ni la Bulgarie ni la Roumanie n'en sont responsables mais il se trouve qu'elles forment en la matière une zone de danger.

Par ailleurs, quelle est la situation de la Grèce dans l'espace Schengen ? Presque d'une île puisqu'elle n'a pas de frontière terrestre avec d'autres pays de la zone Schengen. Si la Roumanie et la Bulgarie intégraient l'espace, serait créée une telle frontière.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Autrement dit, les menaces liées aux points de contacts entre Grèce, Roumanie et Bulgarie augmenteraient considérablement les dangers à la fois du côté grec et du côté roumain et bulgare.

C'est pourquoi nous devons envisager cette perspective avec le plus grand sérieux, ainsi que l'a parfaitement souligné le président Lequiller : leur frontière, dans l'espace Schengen, devient notre frontière, ce qui suppose que nous analysions calmement tous les critères, sans juridisme excessif, mais avec une volonté d'efficacité. Sommes-nous prêts, ou non, à gérer ensemble cette frontière dans l'espace Schengen ?

Je ne reviens pas sur les propos très précis de Didier Quentin et de Rudy Salles sur le sujet : oui, la Roumanie et la Bulgarie ont vocation, à terme, à entrer dans l'espace Schengen. Cela constituera le prolongement de leur adhésion à l'Union européenne, point qui ne fait aucun doute ; mais, j'insiste : à terme. Pour autant nous n'allons pas fixer un calendrier artificiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Autrement dit, vous renvoyez cette adhésion aux calendes grecques !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Ces pays adhéreront non dans six mois ou huit mois mais quand ils seront prêts.

À l'instar de M. Calméjane, je ne souhaite pas qu'il y ait d'ambiguïté sur le fait que la Roumanie et la Bulgarie consentent d'importants efforts pour investir dans du matériel de protection, pour améliorer le travail de leurs douaniers, pour lutter contre la corruption. Reste que ces efforts ne valent pas résultats face aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. La bonne volonté ne nous intéresse pas seule, mais le résultat atteint doit nous permettre d'assurer à nos compatriotes que telle frontière sera tenue et contrôlée correctement par rapport aux standards que nous sommes en droit d'exiger à propos d'une frontière européenne qui est aussi notre frontière.

Où en sommes-nous ?

Nous ne devons pas perdre de vue que la Bulgarie, dans le cadre des évaluations du dispositif Schengen, n'est pas prête, même si la situation peut évoluer dans les semaines à venir. La Roumanie non plus n'est pas prête. En effet, il ne s'agit pas d'une question bulgare, d'un côté, et d'une question roumaine, de l'autre, mais d'une question roumano-bulgare : les deux pays ont parties et destins liés. Même dans l'hypothèse d'une approche restrictive, purement juridique, de l'espace Schengen, nous ne pouvons pas considérer que la Bulgarie est prête.

J'en viens à la vraie question que vous avez traitée avec un ton fort pondéré, celle des critères.

En effet les critères actuels présentent des lacunes sur lesquelles nous ne pouvons pas fermer les yeux. Ils consistent, par exemple, à se demander combien on compte de caméras, de douaniers à la frontière, à s'interroger sur le fait de savoir si le matériel y est bien présent comme ces 4x4 destinés à en assurer la protection. Quand cela est le cas, encore faut-il qu'existe un système à même de garantir l'absence de corruption, d'assurer l'efficacité du lien entre les douaniers et l'appareil judiciaire et de promettre la plus grande transparence, faute de quoi les critères purement physiques ne sont qu'artificiels. Ce n'est pas l'obligation de moyens qui nous intéresse mais l'obligation de résultats quand il s'agit d'une question aussi importante que nos frontières.

Or il faut bien admettre que, de ce point de vue, les choses ne sont pas faciles. Sur un plan strictement juridique, les critères de Schengen sont en effet susceptibles, à terme, d'être remplis par ces deux pays. Vous voyez-vous pour autant vous présenter devant vos compatriotes pour leur expliquer qu'à l'issue des évaluations menées dans le cadre, notamment, du mécanisme de coopération et de vérification – le mécanisme MCV – une importante corruption persiste en Roumanie et en Bulgarie mais que l'on va tout de même fermer les yeux sous prétexte que les critères purement juridiques de l'espace Schengen sont remplis ? Autrement dit, parce que la serrure fonctionne, il ne faudrait pas prendre en compte la fenêtre brisée.

En notre âme et conscience, nous ne pouvons pas cautionner une telle attitude. Il est vrai que cela reste difficile à expliquer et nécessite une grande attention de notre part vis-à-vis de la Roumanie et de la Bulgarie. Il convient en effet de les convaincre que, au regard de leur situation, le mécanisme de Schengen n'est sans doute pas suffisant pour garantir la surveillance de nos frontières, surveillance que nous sommes en droit d'attendre.

Ce n'est pas parce que nous avons commis des erreurs par le passé, parce que nous nous apercevons qu'un traité est lacunaire, qu'il faut persister dans ce sens. Profitons au contraire du cas qui nous est soumis pour corriger nos erreurs, pour resserrer les mailles du filet et améliorer la protection européenne de nos frontières résolument européenne, monsieur Dupont-Aignan.

La France n'est pas seule à défendre cette position. M. Calméjane a rappelé que l'Allemagne, la Finlande, la Norvège, les Pays-Bas nous soutenaient, ainsi que d'autres pays très attentifs à cette question, comme l'Autriche, qui ne se sont pas manifestés officiellement.

Chacun doit prendre ses responsabilités. Nous avons pris les nôtres. Nous appelons de nos voeux une solution grâce à laquelle nous évaluerons ensemble les difficultés. Les pays que j'ai cités plaident pour un travail collectif consistant à examiner tous les problèmes, qu'il s'agisse du caractère trop artificiel des critères de Schengen ou du mécanisme de coopération et de vérification dont certains ne veulent pas.

Nous devons évaluer précisément, avec des critères objectifs, les difficultés auxquelles nous nous heurtons. Quelles garanties sont-elles apportées pour la protection des données de la base d'informations Schengen ? Imaginez un instant que la criminalité organisée mette la main sur cette base de données hautement confidentielles et fondamentales pour la sécurité européenne…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

J'espère que non.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Je parle bien de la protection de la base.

La généralisation des paiements électroniques, les statistiques sur les affaires de corruption ayant entraîné une condamnation, la promotion de l'agence nationale de l'intégrité roumaine sont d'autres thèmes de travail.

Nous devons identifier les critères que nous jugeons essentiels pour confier notre frontière en toute sécurité et assurer nos compatriotes qu'aucune décision n'a été prise à la légère.

Cette logique peut permettre à la Roumanie et à la Bulgarie, j'en suis convaincu, de sortir du problème par le haut. Nous disposerions ainsi d'une feuille de route des efforts qu'ils auront consentis jusqu'au bout, et nous aurions la certitude que l'entrée de ces deux pays dans l'espace Schengen s'effectuera au moment où toutes les garanties seront effectivement apportées.

J'en viens au système central Schengen de deuxième génération, le SIS 2.

Nous sommes préoccupés par le retard accumulé, par la dérive des budgets. Avec nos amis allemands et autrichiens, nous avons explicitement demandé que, à la suite du premier test réalisé l'année dernière, soit constitué un nouvel échéancier censé nous permettre d'obtenir un outil opérationnel pour 2013. Il faut donner au SIS 2 une dernière chance. C'est le sens des conclusions d'octobre. S'il ne se révèle pas satisfaisant, la France travaille déjà sur un projet alternatif à partir du système d'information Schengen première génération. Je ne veux pas que nous nous retrouvions pieds et poings liés.

Pour ce qui est de nos frontières, certains aspects du discours de Nicolas Dupont-Aignan m'ont choqué, même s'il sait l'estime que je lui porte.

Vous nous reprochez, monsieur le député, de nourrir la peur de l'autre ; mais qui a nourri la peur de l'autre ? Vous nous reprochez de faire l'amalgame entre l'emploi, l'immigration, le logement, entre les Roms et les flux migratoires ?

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Mais qui procède ainsi ? Qui sert d'agent électoral au FN ? Qui nourrit son discours sur les peurs, son discours anti-européen ?

Monsieur Dupont-Aignan, nous voulons tous protéger nos frontières. Vous proposez pour votre part le repli national, la surenchère consistant pour chaque pays à tirer la couverture à soi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Souvenez-vous du moment où nos frontières étaient gérées de façon purement nationale – vous semblez aspirer à y revenir – ; souvenez-vous du flux massif de réfugiés, des trafics d'immigration illégale provenant d'Espagne et du Portugal. Qui a apporté la sécurité sur cette frontière ? C'est l'Europe. (M. Dupont-Aignan fait des signes de dénégation.) Qui oeuvre en ce moment au large des côtes italiennes ? C'est l'opération Hermès. Qui, en Grèce, a permis de diviser par deux les flux d'immigration illégale ? L'opération Rabbit. Vous pouvez bien faire des signes de dénégation, c'est la réalité.

Pourquoi sommes-nous, pour le moment, parvenus à protéger la côte italienne des risques d'afflux d'immigrés tunisiens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il s'agissait peut-être de réfugiés ! Personne n'a eu le temps de vérifier !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Vous ne savez peut-être pas qu'une opération européenne est en cours : l'opération Hermès que je viens de citer. Je tiens à votre disposition l'ensemble des données afin que vous puissiez en juger. Je reste en tout cas persuadé que votre talent vaut mieux que de surfer sur les peurs.

À l'arrière-plan, on voit bien que la question ne se limite pas à la Bulgarie et à la Roumanie. Il s'agit en effet de savoir de quelle manière « faire tourner » Schengen. De ce point de vue, il est incontestable que des améliorations doivent être apportées. Nous devons ainsi définir un mécanisme plus global. Ne nous en tenons pas à des critères purement matériels, de moyens. Il faut faire évoluer les grilles d'exigence de Schengen sur des critères de résultats.

Ensuite, dès lors qu'il s'agit de nos frontières, elles doivent être défendues conjointement. Je suis ainsi convaincu que laisser la Grèce ou l'Italie se débrouiller toutes seules, chacune dans son coin, conduirait à une impasse. Les défendre conjointement signifie que nous sommes en droit d'avoir un certain niveau d'exigence devant se traduire par des obligations. Les États membres aidés doivent s'engager à revenir vers nous après avoir amélioré l'efficacité de leur système et investi réellement dans la protection de leurs frontières. C'est ce qu'ont fait l'Espagne et le Portugal. Nous devons même envisager qu'un pays ne remplissant pas ses obligations soit suspendu de l'espace Schengen.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Non, aujourd'hui, cela n'existe pas, ou très marginalement. La possibilité d'une suspension provisoire de Schengen si jamais l'on considère que le système de protection n'est pas efficace, à ce stade, n'existe pas. On veut la marche avant, mais il faut aussi permettre la marche arrière si l'on est en situation de risque.

Enfin, ma conviction profonde est qu'il faut renforcer les moyens de FRONTEX, qui est notre force d'action pour protéger nos frontières de façon conjointe. Il est indispensable de la renforcer parce que, partout où elle est intervenue, cela s'est traduit par un gain d'efficacité.

Mesdames, messieurs les députés, de tout ce débat, il y a me semble-t-il, deux leçons à tirer.

La première est que nous devons arrêter de faire des extensions de dispositifs européens pour faire plaisir aux uns et aux autres. En l'occurrence il s'agit de sujets sérieux, qui ne se gèrent pas uniquement en prenant en compte la relation bilatérale franco-roumaine, germano-roumaine, ou finno-roumaine. Il faut les gérer en allant au fond des dossiers. On ne peut faire entrer dans un dispositif européen que ceux qui sont prêts, pas pour faire plaisir. C'est dur et cela suppose de la part de notre diplomatie un peu de courage pour l'exprimer, Néanmoins c'est dans l'intérêt de l'image de ces pays, la Roumanie et la Bulgarie, qu'il convient de dire qu'une entrée précipitée serait très néfaste.

La deuxième leçon, – c'est ma conviction profonde, Pierre Lequiller le sait bien – c'est que, face aux défis du monde contemporain, qu'il s'agisse de la spéculation financière, de la défense commerciale de notre marché intérieur, ou encore des différents trafics qui sévissent au sein de l'Europe, la réponse est, à chaque fois, européenne. L'Europe est perfectible, il faut donc l'améliorer, la renforcer, mais j'ai une certitude : le retour à une approche nationale est une impasse, et la seule véritable solution d'avenir est toujours européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, jeudi 24 mars 2011 à neuf heures trente :

Proposition de loi pour l'instauration d'un bouclier rural au service des territoires d'avenir ;

Proposition de résolution sur le climat tendant à mettre en oeuvre les engagements du Grenelle et à réduire les émissions de gaz à effet de serre ;

Débat sur la question climatique.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma