Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 22 mars 2011 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • arabe
  • aérienne
  • kadhafi
  • libye
  • libyen
  • militaire
  • peuple

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle, en application de l'article 35, alinéa 2, de la Constitution, une déclaration du Gouvernement sur l'intervention des forces armées en Libye pour la mise en oeuvre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU, et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, samedi 19 mars, en début d'après-midi, les forces aériennes françaises sont entrées en action au-dessus de la Libye. Conformément à l'article 35, alinéa 2 de notre Constitution, j'ai l'honneur d'informer l'Assemblée nationale des raisons et des conditions de notre engagement.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Depuis le début de cette année 2011, le vent de la démocratie et de la liberté souffle sur le monde arabe. Le peuple tunisien, puis le peuple égyptien ont renvoyé leurs dirigeants et aboli les régimes autoritaires en place depuis la décolonisation.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

La Libye est entrée dans le même processus. Nous avons tous espéré que l'issue en serait rapide et heureuse.

Malheureusement, le régime de Kadhafi a décidé de noyer dans le sang la révolte qui le menaçait. En deux semaines, les espoirs du peuple libyen se sont transformés en cauchemar. Jeudi dernier, Benghazi, dernier refuge de la liberté en Libye, semblait condamnée à tomber entre les mains des troupes fidèles à Kadhafi. La révolution semblait vivre ses dernières heures.

Deux jours plus tard, à Benghazi, l'espoir renaissait. On brandissait des drapeaux français, on brandissait les drapeaux d'une autre Libye portée par ses rêves de démocratie et de modernité.

Que s'est-il passé ?

Kadhafi pariait sur l'impuissance de la communauté internationale. Et il s'en est fallu de peu, en effet, pour que les incantations succèdent aux incantations, les avertissements aux avertissements, sans d'autres conséquences que des discours offusqués.

La France a refusé cette fatalité. Le Président de la République a choisi d'agir. Il a su, avec Alain Juppé, dont je tiens à saluer la détermination (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), convaincre le Conseil de sécurité des Nations unies de refuser l'inacceptable.

Samedi, à l'initiative de la France, un sommet de soutien au peuple libyen s'est tenu à Paris pour assurer la mise en oeuvre sans délai de la résolution 1973.

Mesdames et messieurs les députés, l'usage de la force dans un conflit interne à un pays arabe dont les structures tribales sont encore prégnantes est une décision lourde. Certains s'interrogent sur ses chances de succès. Le risque existe toujours. Mais les hésitations et les doutes ne seraient-ils pas plus profonds et plus dévastateurs sur le plan moral et politique si nous n'avions rien fait ? Ne seraient-ils pas empreints d'une immense culpabilité si, par prudence et par faiblesse, nous avions assisté, les bras croisés, à la répression d'un peuple désarmé ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Le Président de la République, fidèle aux valeurs qui fondent notre nation, s'est refusé à une telle indignité. Avec le soutien déterminant du Royaume-Uni, il a su faire appel au courage de la communauté internationale et imposer au régime de Kadhafi une épreuve de force.

Pourquoi la France s'est-elle ainsi mobilisée ? Parce que la répression du peuple libyen se nouait sous nos yeux. Parce que cette répression ne doit pas sonner la fin d'une espérance qui transcende les frontières.

Toute la région est en effet parcourue par une puissante onde de choc démocratique, dont la portée peut se révéler historique. Même s'ils ont chacun leurs spécificités, ces mouvements révèlent la force des idéaux universels, ces idéaux humanistes trop souvent moqués, trop souvent accusés d'être le privilège de nos vieilles démocraties.

Eh bien non, ces idéaux sont présents dans les coeurs de tous les peuples et ils peuvent se dresser et changer l'histoire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Le mur de la peur est tombé ! Et en tombant, il démontre qu'il n'y a pas de fatalité, pour les populations de cette région, à être enfermées dans un choix binaire entre pouvoir autoritaire et régime islamiste.

Bien sûr, le chemin vers la démocratie sera sans doute long et difficile et ses conséquences sur la stabilité de la région sont encore incertaines.

Mais ce mouvement représente, pour les peuples concernés, un formidable espoir de pouvoir vivre libres et dignes. Formidable espoir pour nous aussi, car ces mouvements sont porteurs d'une nouvelle relation entre l'Occident et l'Orient. Entre les rives nord et sud de la Méditerranée, c'est bien une nouvelle donne politique, économique et culturelle qui peut se dessiner. Notre responsabilité est d'accompagner ce « printemps des peuples arabes » et de tout faire pour qu'il réussisse.

Ne pas intervenir en Libye, c'était donner un blanc-seing à Kadhafi et à ses séides. C'était signifier à tous ceux qui ont soif de démocratie et de respect des droits de l'homme que les changements en Tunisie et en Égypte n'étaient finalement qu'un feu de paille. Ne pas intervenir, c'était constater que le mur de l'oppression reste plus fort que le souffle de la liberté.

Nous ne pouvions pas accepter ce scénario.

L'usage de la force, mesdames et messieurs les députés, ne s'est pas imposé du jour au lendemain. Il est le résultat d'une longue série d'actions diplomatiques destinées à enrayer la violence. Il est le résultat d'une dérive meurtrière que rien ne semblait pouvoir arrêter.

Dès le début de la crise en Libye, la France a pris l'initiative d'exiger des sanctions contre le régime libyen aux Nations unies comme au sein de l'Union européenne ; d'impliquer la Cour pénale internationale qui, pour la première fois, a été saisie dès le début d'une crise à l'unanimité du Conseil de sécurité, pour des actes pouvant relever du crime contre l'humanité ; d'acheminer une aide humanitaire massive à l'hôpital de Benghazi et à la frontière tuniso-libyenne ; d'aider au retour des milliers de réfugiés fuyant les combats avec un pont aérien entre la Tunisie et leur patrie d'origine.

La France s'est battue sans relâche pour convaincre, dans toutes les enceintes internationales comme avec tous ses partenaires occidentaux, arabes et africains : au Conseil de sécurité des Nations unies, qui a adopté une première résolution, dès le 26 février ; lors du Conseil européen du 11 mars sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy et David Cameron ; lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du G8 à Paris, les 14 et 15 mars.

Parallèlement, d'autres organisations régionales se sont aussi mobilisées.

L'Union africaine a souligné la légitimité des aspirations du peuple libyen à la démocratie et à la justice.

Le 12 mars, et c'est là un des tournants de la gestion de cette crise, le Conseil des ministres de la Ligue des États arabes lançait un appel au Conseil de sécurité afin qu'il impose immédiatement une zone d'exclusion aérienne et qu'il assure la protection des populations civiles.

Le Secrétaire général de l'Organisation de la Conférence islamique a lui-même condamné les violations graves des droits de l'homme et du droit international en Libye.

Tous ces appels pressants de la communauté internationale, tous ces avertissements, toutes ces sanctions, n'ont malheureusement pas infléchi la froide détermination du régime libyen. Dès lors, l'emploi de la force devenait la seule solution.

Vis-à-vis des États qui, il y a quelques jours encore, hésitaient sur la nécessité d'une intervention en Libye, nous avons toujours été clairs.

Clairs en rappelant que le temps et l'inaction jouaient en faveur du régime libyen.

Clairs en précisant que toute intervention en Libye devait avoir pour objectif de protéger les populations civiles.

Clairs en conditionnant toute intervention à quatre préalables :

Un besoin avéré sur le terrain. Qui ne le constate ?

Un appui des pays de la région. L'appel de la Ligue arabe nous l'apporte.

Une base juridique solide. Nous l'avons avec l'adoption de la résolution 1973 du Conseil de sécurité, en faveur de laquelle le Président de la République avait lancé un appel solennel la veille du vote et Alain Juppé joué un rôle clé en se rendant à New York pour la défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Enfin, une action collective. Elle s'est concrétisée samedi après-midi, à Paris, avec la présence de vingt-deux dirigeants de pays européens, nord-américains, arabes et d'organisations internationales et régionales, qui ont réaffirmé leur détermination à agir sur la base de la résolution 1973.

Mesdames et messieurs les députés, cette résolution donne aux États souhaitant intervenir dans la crise libyenne une autorisation de recours à la force.

Nous ne conduisons pas une guerre contre la Libye, mais une opération de protection des populations civiles, une opération de recours légitime à la force, placée sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies.

Nos objectifs sont précis et, je veux le dire solennellement ici devant vous, strictement conformes aux paragraphes 4 et 6 de la résolution 1973.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Il s'agit de protéger la population libyenne tout en excluant explicitement l'envoi d'une force d'occupation au sol. Il s'agit de mettre en place une zone d'interdiction aérienne. Il s'agit de mettre en oeuvre l'embargo sur les armes. Il s'agit enfin de compléter le régime de sanctions déjà prévu par la résolution 1970.

Le message de la communauté internationale est sans ambiguïté : c'est l'arrêt immédiat des violences ; c'est le retrait des armées libyennes de toutes les zones où elles sont entrées par la force et leur retour dans leurs casernes ; c'est le plein accès de l'assistance humanitaire.

En privant le régime de Kadhafi de sa supériorité militaire, nous voulons offrir au peuple libyen la possibilité de reprendre courage, de définir une stratégie politique et de décider de son avenir. En effet, mesdames et messieurs les députés, il ne nous appartient pas de nous substituer à lui. Même si nous appelons au départ de Kadhafi, c'est au peuple libyen et à lui seul qu'il revient de décider de son destin et de ses futurs dirigeants. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

C'est dans ce contexte que la France tient à rendre hommage à l'action du Conseil national de transition libyen, que nous avons reconnu comme notre interlocuteur politique…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…et avec lequel nous sommes en relation constante ; c'est dans ce contexte que les forces militaires françaises sont engagées.

Dès le 4 mars, l'armée de l'air française avait débuté des missions de reconnaissance pour évaluer les capacités de défense aérienne libyennes et surveiller la progression des forces de Kadhafi. Parallèlement, depuis cette date, nos armées se sont préparées à intervenir.

Samedi 19 mars, à l'issue du sommet de Paris, le Président de la République a décidé de lancer les premières missions. Une vingtaine d'avions de combat de l'armée de l'air, des avions ravitailleurs, des avions de surveillance radar et de guerre électronique ont alors mené une opération au-dessus de la région de Benghazi, à la fois pour stopper l'avance des forces du colonel Kadhafi et pour commencer à mettre en place la zone d'exclusion aérienne.

À 17 h 45, nos avions détruisaient plusieurs véhicules blindés et brisaient net la progression d'une colonne vers Benghazi. Quelques heures plus tard, dans la nuit du 19 au 20 mars, les forces américaines et britanniques sont entrées en action avec des missiles de croisière et des bombardiers. Ils ont visé des moyens de défense aérienne, des radars, des missiles antiaériens et des avions dont la destruction est nécessaire à la mise en place de la zone d'exclusion aérienne.

Les opérations aériennes françaises se sont ensuite poursuivies en coordination avec celles menées par les autres pays de la coalition. Américains, Belges, Britanniques, Canadiens, Danois et Italiens se sont déjà engagés.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Des pays comme le Qatar et les Pays-Bas vont eux aussi contribuer prochainement aux opérations.

La France engage quotidiennement plus d'une vingtaine d'avions de combat, dont les missions sont planifiées en concertation avec nos alliés. Depuis ce matin, le groupe aéronaval est opérationnel au large des côtes libyennes. Les Rafale, les Super Étendard et les avions radars de la marine seront donc désormais engagés depuis le porte-avions Charles de Gaulle.

La zone d'exclusion aérienne est en place. Comme le prévoit la résolution 1973, l'action de nos forces aériennes a bien pour objectif la cessation totale des violences et de toutes attaques et exactions contre la population civile libyenne.

J'en veux pour preuve le fait que, dimanche, nos avions de combat, n'ayant détecté aucun moyen libyen s'attaquant aux populations civiles, n'ont pas fait usage de leur armement.

L'ouverture du feu est strictement encadrée par un ensemble de règles d'engagement définies par le commandement français.

Ces règles peuvent évoluer en fonction des différentes phases de l'opération. Pour les missions de défense aérienne liées à la zone d'exclusion, les délais de réaction sont évidemment très courts et les règles d'engagement donnent donc l'initiative aux pilotes.

S'agissant des frappes au sol, dans cette phase de l'opération, l'autorisation d'ouverture du feu est donnée aux pilotes en vol par les autorités militaires basées à Paris, en fonction de la nature des objectifs, de leur conformité avec les principes de la résolution des Nations unies et des risques éventuels de pertes civiles.

Nous appliquons donc toute la résolution et rien que la résolution 1973 ; et je rappelle que les actions visant à la mettre en oeuvre sont notifiées au préalable aux secrétaires généraux des Nations unies et de la Ligue des États arabes.

C'est, mesdames et messieurs les députés, le plein respect de cette résolution par le régime de Kadhafi qui conditionnera la suspension des opérations militaires. C'est le message qui a été adressé par le Sommet de Paris au colonel Kadhafi.

En cet instant, au nom du Gouvernement et du Parlement, je veux saluer avec vous le dévouement, le professionnalisme et le courage de nos soldats qui participent aux opérations. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.) Leur mandat est légitime et leur mission est noble.

Chacun de nous mesure que l'engagement international de notre pays peut avoir des répercussions internes. Des menaces ont été proférées ; il est de notre devoir de les prendre en compte. Nos services de renseignement sont mobilisés pour évaluer les moyens dont disposeraient ceux qui auraient le projet de s'en prendre aux intérêts de la France. Notre posture est déjà très élevée, puisque le niveau Vigipirate est actuellement rouge, c'est-à-dire à l'avant-dernier niveau prévu par le plan gouvernemental. Elle se traduit par la présence de forces de l'ordre, renforcées par des militaires, dans les lieux publics, les gares et les aéroports, selon des consignes qui sont réévaluées en permanence.

Le risque ne justifie pas de franchir aujourd'hui une étape supplémentaire, mais je veux dire que notre dispositif sera adapté en temps réel, en fonction de l'analyse de la menace.

Mesdames et messieurs les députés, de Tunis au Caire, du Caire à Tripoli, nous pressentons qu'une part de l'avenir du monde méditerranéen est en train de se jouer. La France aspire à un espace méditerranéen pacifique, solidaire, tourné vers le progrès.

Avec l'Union européenne, nous avons proposé un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée. Ce partenariat marque notre soutien à tous les pays engagés dans les processus de réforme et il sera accompagné de moyens financiers substantiels grâce à l'augmentation des capacités d'intervention de la Banque européenne d'investissement.

C'est dans cet esprit que nous appuyons les processus de transition engagés en Égypte et en Tunisie, avec l'objectif d'octroyer à celle-ci, dès cette année, un statut avancé dans ses relations avec l'Union européenne.

C'est aussi dans cet esprit que nous avons salué le discours réformateur du roi du Maroc (Murmures sur les bancs des groupes SRC et GDR) et que nous disons à tous les dirigeants de la région d'écouter les aspirations à la démocratie et à la justice exprimées par leur peuple et d'y répondre de façon pacifique et par le dialogue. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

La France souhaite que s'ouvre demain en Méditerranée une nouvelle ère, débarrassée des vieilles scories coloniales et des postures dépassées, une nouvelle ère fondée sur les notions de respect et de dignité, qui verrait la peur et le rejet de l'autre laisser la place au partage de valeurs communes.

Cette aspiration concerne aussi le conflit israélo-palestinien, qui ne doit pas être le grand oublié de la transition politique arabe en cours. En Palestine, en Israël, la colonisation et la violence aveugle continuent d'engendrer des souffrances. Le processus de paix doit être relancé sans tarder.

La France a proposé d'accueillir en juin prochain une nouvelle conférence des donateurs en faveur de la Palestine. Dans le contexte actuel, cette conférence n'a de sens que si elle a une forte dimension politique.

Au moment où le monde arabe s'éveille à la démocratie, 2011 doit être aussi l'année de la création d'un État palestinien vivant en paix et en sécurité aux côtés d'Israël dans des frontières sûres et internationalement reconnues. (Applaudissements sur tous les bancs.)

À l'heure où la France s'engage militairement ; à l'heure où nos militaires assument avec courage leur mission, je sais, mesdames, messieurs les députés, que je peux compter sur votre sens de l'unité nationale.

À Benghazi, le drapeau tricolore a été levé et ce geste nous place devant nos devoirs. Parmi vous, je sais que les représentants de la nation sont soucieux de défendre une certaine idée de la France et de la liberté.

Aujourd'hui, il n'y a ni droite ni gauche ; il n'y a que la République, qui s'engage avec coeur, avec courage, mais aussi avec lucidité et gravité. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes UMP et NC ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, la parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, depuis le 25 février, les socialistes, par la voix de Martine Aubry, ont exhorté la communauté internationale à l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne.

Trois longues semaines se sont écoulées avant l'adoption de la résolution 1973 de l'ONU. À l'époque, les opposants au régime du colonel Kadhafi étaient aux portes de Tripoli. C'est à Benghazi, dimanche, qu'il a fallu stopper la contre-offensive. Il s'en est fallu de peu qu'il ne soit trop tard.

De la place où je vous parle, je n'ai jamais été indulgent avec votre gouvernement. Il y a quelques semaines encore, j'ai contesté fermement, avec mes amis du groupe socialiste, radical et citoyen, la position ambiguë du Président de la République. Nous avons déploré les silences, les complaisances et les contresens de Mme Alliot-Marie alors que le monde arabe était – et est encore – à un tournant de son histoire. Nous avons suffisamment dénoncé la perte de crédibilité de la France au démarrage des révolutions arabes pour ne pas saluer son engagement aux côtés du peuple libyen et son action décisive pour obtenir un mandat de l'ONU. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Certains relèveront que cette implication est destinée à faire oublier vos accointances passées avec Kadhafi. D'autres souligneront que des arrière-pensées nationales surplombent la communication élyséenne. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Sûrement, mais l'essentiel aujourd'hui n'est pas là.

L'essentiel, c'est de comprendre que la victoire de Kadhafi sur les forces révolutionnaires n'aurait pas seulement signifié une tragédie pour le peuple libyen ; elle aurait été un signal désastreux, un chèque en blanc pour les tyrans disposés à immoler leur peuple afin de maintenir leur règne, un crédit pour ceux qui seraient tentés de ne pas concrétiser l'espoir de démocratisation dans les sociétés libérées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous approuvons donc une opération que nous avons souhaitée, dans le cadre que nous voulions – celui des Nations unies – et nous nous félicitons des premiers résultats obtenus. (« Enfin ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Nous saluons l'engagement de nos militaires partis défendre la liberté et éviter un massacre, que nous savions imminent, de populations innocentes.

Cette intervention s'inscrit dans un cadre strict que nous souhaitons rappeler et qui lui donne sa légitimité.

Nous ne sommes pas en guerre contre la Libye. Nous oeuvrons, à la demande de son peuple, à la protection des populations civiles.

Nous ne sommes pas à l'offensive, nous défendons un peuple contre un dictateur halluciné dont les fièvres sont criminelles.

Nous ne sommes pas des libérateurs. Nous n'avons pas mandat pour intervenir au sol. Une opération aérienne n'a jamais permis de gagner une guerre ni de se débarrasser d'un dictateur. C'est aux Libyens eux-mêmes qu'il appartient d'oeuvrer à leur libération et à leur victoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous ne sommes pas non plus les nouveaux croisés. Nous nous refusons, aujourd'hui comme hier, à tout combat de civilisation. Nous agissons sous mandat de l'Organisation des Nations unies et en étroite concertation avec la Ligue arabe et l'Union Africaine. Nous condamnons avec force les propos irresponsables de M. Guéant, votre ministre de l'intérieur (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR – Protestations sur les bancs du groupe UMP), qui, hier, a cru devoir se féliciter de voir le Président de la République prendre, je le cite, « la tête de la croisade ». (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Non, mesdames et messieurs les députés, nous ne sommes pas l'occident chrétien contre l'islam. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous combattons au nom de droits universels.

Le monde d'aujourd'hui ne veut plus fonctionner, comme au XXe siècle, sur la diplomatie de la canonnière, c'est-à-dire l'usage de la force justifié par « le fardeau de l'homme blanc », une « mission civilisatrice » ou une « destinée manifeste », ou sous sa version euphémisée du « droit d'ingérence ». (Plusieurs députés du groupe UMP se lèvent et quittent tour à tour l'hémicycle, sous les huées du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je vous en prie.

Poursuivez, monsieur Ayrault.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Merci, monsieur le président.

La ligne adoptée à l'ONU doit être notre seul cap. Les conditions de l'adoption de la résolution 1973 nous invitent elle-mêmes à la prudence. Vous devriez vous en inspirer, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Les conditions de l'équilibre diplomatique sont précaires, le ministre des affaires étrangères le sait bien. Dix pays ont voté la résolution, aucun n'a voté contre, notamment la Chine et la Russie qui disposent d'un droit de veto, mais cinq se sont abstenus.

Cette résolution, vous le savez tous, n'est pas un blanc-seing. Elle repose sur une recherche de solution collective, même si les moyens mis en oeuvre sont essentiellement ceux de la France, des États-Unis et du Royaume-Uni. Cette collégialité doit être respectée. Déjà, le Secrétaire général de la Ligue arabe, l'Union africaine, le Brésil, la Turquie, la Chine et la Russie ont émis des réserves sur la nature des opérations engagées. Et nous ne sommes pas non plus à l'abri d'un retournement des opinions arabes.

M. le ministre des affaires étrangères a annoncé hier à Bruxelles que l'OTAN était prête à « soutenir » l'intervention dans quelques jours. Ce soutien ne peut et ne doit en aucune façon se substituer au rôle joué par la coalition. Comment serait comprise une intervention alliée dont se retireraient les pays arabes qui y participent actuellement ? Le choix opéré par Nicolas Sarkozy d'un retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN ne doit pas affaiblir notre position. Aucun argument ne doit être donné aux partisans du colonel Kadhafi. Rien ne doit lui permettre de reprendre appui sur la rue arabe. L'affaiblissement du colonel Kadhafi tient tout autant à la mise en oeuvre d'une zone d'exclusion aérienne qu'à notre capacité à l'isoler sur le plan politique et diplomatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Or, jusqu'ici, rien n'a laissé présager une solution politique.

L'effondrement rapide du régime repose sur une prise de conscience de l'entourage du clan Kadhafi. L'impasse politique, diplomatique, financière, militaire, atteindra peut-être la raison d'un premier cercle que l'on veut croire lucide sur la folie de son leader, mais qui est jusqu'ici demeuré servile. Il est, en certaines circonstances, des trahisons qui honorent.

Mais nous ne devons pas sous-estimer une autre hypothèse, celle d'une forme d'enlisement du conflit. Nous ne connaissons pas les capacités militaires de forces insurgées inexpérimentées, même si nous en percevons la détermination. Le tyran libyen a une connaissance claire de ses adversaires sur le terrain, comme de nos propres contraintes. Il n'aura aucun scrupule à utiliser la foule, les populations civiles comme bouclier de son propre cynisme. Il n'est pas pressé. Sauf retournement de son propre camp, la durée ne lui fait pas peur.

Il sait que les opinions occidentales sont traumatisées par les conflits qui s'enlisent. Il anticipe que le temps lui fournira les images qui altéreront la légitimité de notre intervention dans les opinions arabes. Il espère enfin que le consensus obtenu dans l'enceinte des Nations unies se fissurera progressivement.

Chacun ici, et sûrement vous également, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, a conscience de ces risques. Ils ne doivent pas être relativisés. C'est pourquoi nous vous demandons solennellement d'assurer que la France ne prendra, en aucune façon, part à un plan caché qui aurait pour objet une seconde phase de l'engagement militaire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Les objectifs, les moyens employés, l'organisation des alliés, rien ne peut, ni ne doit se faire sans discussion préalable avec nos partenaires régionaux, et je pense bien sûr à la Ligue arabe et à l'Union africaine. Rien ne peut ni ne doit se faire sans mandat de l'ONU. Faute d'une telle légitimité, toute initiative nouvelle se retournerait contre ses promoteurs. La Libye ne doit pas devenir un nouvel Irak ou conduire au même envasement qu'en Afghanistan. Voilà, je crois, une ligne claire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Enfin, les objectifs militaires ne peuvent pas résumer notre intervention.

Les campagnes de bombardement provoquent toujours des mouvements de population. Les avancées et les reculs successifs des forces armées sont prévisibles et imposent que soient anticipées des opérations d'urgence humanitaire. Les approvisionnements logistiques des zones libérées doivent être organisés.

Pour répondre à ces besoins, la communauté internationale doit créer des zones d'accueil et des plateformes logistiques aux frontières occidentale et orientale de la Libye, ce qui passera par une coopération renforcée avec les gouvernements transitoires tunisien et égyptien.

Voilà, mes chers collègues, les conditions dans lesquelles nous avons approuvé le processus engagé sous l'égide des Nations unies.

Je voudrais conclure en vous disant notre conviction que ce qui se détermine aujourd'hui n'est pas le seul destin de la Libye. Il se joue quelque chose de plus profond, de plus grave, de plus absolu. Notre activité diplomatique ne peut se limiter au théâtre libyen. Notre vision doit s'inscrire dans un cadre plus large pour trouver sa pleine cohérence.

Ainsi, nous devons partager ce moment où l'idée de la liberté gagne de nouveaux territoires. Notre vision stratégique doit nous conduire à accompagner le monde arabe dans la mise en oeuvre des principes que nous croyons universels.

Cela passe, aujourd'hui, par la protection de populations qui, sans l'intervention internationale, seraient promises à la barbarie.

Cela passera, demain, par l'aide à tous les peuples libérés pour consolider la démocratie, en favorisant leur développement économique, en assurant une coopération avec des partenaires qui ne veulent plus être traités comme de simples obligés.

Nous devons soutenir un processus qui peut permettre l'émergence d'États de droit qui, tout en préservant la liberté de conscience, séparent le temporel du spirituel. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) La démocratie, la liberté et le développement économique sont les meilleurs remparts contre le fanatisme et le terrorisme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Aujourd'hui, les peuples libérés, et ceux qui se libéreront demain, nous regardent. Ils n'oublieront pas. Les liens économiques, culturels, stratégiques dans le monde arabe et en Afrique s'apprécieront à partir de la façon dont nous aurons accueilli leur formidable mutation. Ne pas le comprendre relèverait de la faute politique et historique.

Nous sommes le pays de la liberté. Nous pensions avoir tout écrit. D'autres peuples renouvellent dans leur langue, avec leur alphabet, ce formidable élan qui nous inspire depuis 1789. Il était de notre responsabilité qu'il ne s'arrête pas aux portes de Benghazi, pour que les peuples arabes puissent écrire chacun leur histoire. Notre fierté est de les accompagner, sans les précéder, ni les abandonner.

Et pour nous, aujourd'hui, le combat pour la liberté porte un nom, celui de Libye. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre de la défense, depuis maintenant trois jours les forces françaises interviennent dans le ciel libyen au sein d'une coalition regroupant pour l'heure quinze pays, pour protéger la population libyenne du massacre promis par le colonel Kadhafi.

Quand nos soldats sont engagés pour défendre les valeurs de démocratie et de liberté, quand ils sont engagés pour défendre la vie et la dignité de populations civiles martyrisées, c'est l'honneur de la France qui est en jeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Je veux donc saluer, au nom de l'ensemble des députés UMP, tous nos militaires qui participent avec courage et détermination à l'opération « Aube de l'Odyssée » en Libye. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Que des femmes et des hommes s'engagent au péril de leur vie, par amour de nos valeurs, voilà un beau témoignage qui touche chaque membre de la représentation nationale et qui peut inspirer tous les citoyens français !

Je voudrais aussi rendre hommage à l'action du Président de la République qui, une fois de plus, a démontré son courage et sa force de conviction au coeur d'une crise terrible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il nous montre que la voix de la France est écoutée et respectée dans le monde. ll nous montre que notre pays est capable de convaincre, d'entraîner d'autres nations, au service des droits de l'homme et dans le respect du droit international. Quel démenti cinglant pour ceux qui nous expliquaient il y a quelques semaines dans une tribune anonyme que la diplomatie française ne pesait plus rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La vérité, c'est que le « pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde », ce pacte dont parlait le général de Gaulle à Londres il y a tout juste soixante-dix ans, en mars 1941, est toujours vivant.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Oubliant certains propos totalement déplacés tenus par Jean-Marc Ayrault il y a quelques instants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC), je veux saluer l'esprit de responsabilité de l'opposition, dont les principaux leaders ont apporté leur soutien à l'initiative de la France. En ces temps difficiles, le rassemblement est plus que jamais à l'ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Il est important que notre assemblée exprime son unité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Avec ses partenaires, la France a refusé la fatalité. La France a choisi de prendre ses responsabilités. Cette intervention, nous en sommes convaincus, est juste et nécessaire. Elle est aussi pleinement légitime, dans le respect du droit international.

Elle est juste et nécessaire parce que son objectif est la protection de populations civiles menacées par leur propre dirigeant. Le Secrétaire général de l'ONU l'a rappelé en qualifiant la résolution 1973 d'historique parce qu'elle affirme « sans équivoque la détermination de la communauté internationale à remplir sa responsabilité en protégeant les civils de la violence perpétrée par leur gouvernement ».

Cette responsabilité est immense et constitue un message très important à l'heure où on assiste à des répressions plus ou moins fortes dans les pays secoués par la contagion des révoltes tunisienne et égyptienne.

Cette intervention est juste parce qu'elle est demandée par toute une partie de la population libyenne. Les insurgés ont sollicité l'aide de la communauté internationale à de nombreuses reprises. Sans cette intervention, nous en sommes convaincus, le régime libyen aurait impunément poursuivi le massacre d'une grande partie de sa population.

Comment aurions-nous pu fermer les yeux ? Comment aurions-nous pu laisser retomber cet espoir de liberté et de démocratie qui se propage sur les rivages du Sud méditerranéen ? Comment aurions-nous pu rester insensibles aux appels à l'aide du Conseil national de transition ?

Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous l'avez rappelé dans votre déclaration avant le vote de la résolution, « c'est une question de jours, c'est peut-être une question d'heures. Chaque jour, chaque heure qui passe resserre l'étau des forces de la répression autour des populations civiles éprises de liberté et notamment de la population de Benghazi. »

Nous l'avons constaté dès vendredi soir, avec l'annonce d'un cessez-le-feu qui n'a en rien cessé les combats autour de Benghazi. Il était temps que nous desserrions l'étau intenable dans lequel se trouvait l'opposition libyenne.

Mais il ne suffit pas de défendre une cause juste ; encore faut-il le faire dans le respect intégral du droit international, qui assure la légitimité d'une action de ce type.

Oui, cette intervention est légitime. Elle n'est pas le résultat d'une initiative désordonnée ou individuelle. Elle est le fruit d'un long travail de persuasion diplomatique. La France, depuis plus de dix jours, est en pointe sur le dossier libyen, et ce depuis que le pouvoir de Kadhafi a repris militairement les choses en main et s'attaque violemment à son peuple. Avec persévérance, la France a poursuivi son travail diplomatique à tous les niveaux : en bilatéral, avec les Anglais dont je salue la mobilisation sur ce sujet majeur ; au niveau européen ; au sein du Conseil de sécurité de l'ONU ou du G8.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Ce n'est donc pas un hasard si, le jeudi 17 mars dans la nuit, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté la résolution 1973, présentée par la France et le Royaume-Uni et instaurant « un régime d'exclusion aérienne afin de protéger les civils contre les attaques systématiques et généralisées ».

Cette action s'inscrit, comme toutes celles que mène notre pays, dans le cadre de la légitimité internationale et d'un mandat onusien ou européen. C'est le cas de nos actions en Afghanistan, au Liban, en Côte d'Ivoire, au Kosovo ou dans la corne de l'Afrique. C'est le mandat international qui légitime notre action ; c'est aujourd'hui une donnée intangible de notre diplomatie.

Si la légitimité, la justesse et la nécessité de cette intervention ne font aucun doute, il nous faut aujourd'hui nous interroger sur les perspectives à plus ou moins court terme de l'opération lancée samedi. Nos forces aériennes sont intervenues à la fois pour sécuriser l'espace aérien libyen et empêcher toute utilisation des forces aériennes libyennes, mais aussi pour détruire à l'extérieur de Benghazi des colonnes de véhicules et de blindés qui avançaient vers la ville. Nos alliés ont procédé à un certain nombre de bombardements ciblés visant la défense antiaérienne, des bunkers de commandement ou des bases d'appui. L'espace aérien libyen est d'ores et déjà sous le contrôle de la coalition internationale.

À ce jour, les objectifs de la résolution sont clairs : il ne s'agit pas de choisir leur avenir à la place des Libyens. Le Président de la République a réaffirmé « sa détermination totale à permettre au peuple libyen de choisir lui-même son destin ». Il ne s'agit pas de déployer en Libye nos armées pour une intervention longue. Il ne s'agit pas d'entrer dans un conflit d'occupation à long terme. La résolution 1973 de l'ONU exclut tout déploiement au sol.

Bien sûr, nous sommes beaucoup à souhaiter le départ de Kadhafi du pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Bien sûr, nous sommes nombreux dans la communauté nationale à considérer qu'il doit partir. Nous sommes nombreux à vouloir qu'une transition permettre à la Libye de regagner toute sa place dans le concert des nations, en tant que pays libre et souverain. Mais nous ne confondons pas 1'ingérence humanitaire avec l'ingérence tout court.

Nous devons veiller à garder unie la communauté internationale pour le succès de l'intervention. Nous devons veiller à impliquer chacun dans ses responsabilités, notamment les pays de la Ligue arabe, qui ne peuvent pas se désintéresser de la situation libyenne.

De notre capacité à répondre aux questions qui se posent dans le cadre de cette intervention dépendra à terme la crédibilité de la communauté internationale. Quoi qu'il en soit, les dictateurs doivent savoir que la communauté internationale ne reste pas insensible au sort des populations civiles qui sont martyrisées par leurs propres dirigeants.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Monsieur le Premier ministre, je veux vous redire solennellement le soutien du groupe UMP à la participation de la France dans cette intervention au secours des populations libyennes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je veux vous redire que nous sommes à vos cotés et aux côtés des forces engagées sur le terrain. Nous voulons vous dire notre fierté de voir la France assumer ses valeurs de liberté et de démocratie, ses valeurs de dignité et de respect.

Bien sûr, ce n'est jamais le coeur léger que l'on prend la décision d'une intervention militaire, mais il était du devoir de la France et de la communauté internationale d'assumer leurs responsabilités vis-à-vis des peuples arabes épris de liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- « Laborieux ! Très laborieux ! » sur les bancs du groupe SRC.) )

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, quand, dans tant d'autres pays voisins, un vote a eu lieu sur l'opportunité d'entrer en guerre avec la Libye, ici, dans notre belle démocratie, on ne donne que quelques minutes de temps de parole à la représentation nationale pour s'exprimer. Que penser d'une telle parodie de consultation démocratique, alors que notre pays est déjà entré en guerre ?

Ce débat est néanmoins l'occasion pour nous d'exprimer à nouveau notre solidarité avec les peuples arabes en lutte, et plus particulièrement avec le peuple libyen, mus par un souffle de libération aussi profond que légitime. Cette solidarité avec le peuple libyen ne saurait pour autant annihiler tout esprit critique à l'endroit du comportement de notre propre pouvoir exécutif, dont les choix diplomatiques sont illisibles, contradictoires, et aboutissent in fine à altérer notre crédibilité internationale. Un déclin que semble signifier l'ultime épisode de l'entrée en guerre de la France contre la Libye, dans le cadre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU.

Au-delà de l'élan politico-médiatique de ces derniers jours, l'intervention militaire en Libye repose sur deux fictions.

En premier lieu, l'Élysée et ses porte-parole, relayés avec une certaine cécité par la majorité des médias, prétendent qu'il y aurait une unité de la communauté internationale pour soutenir les bombardements en Libye. Au mieux, il s'agit là d'une erreur d'analyse. Permettez-nous, en effet, de souligner les méfiances et les oppositions qui s'expriment autour de cette intervention. Il suffit de rappeler la position de puissances mondiales comme l'Inde, la Chine et la Russie, qui refusent de soutenir l'offensive militaire.

Mais l'attitude d'autres pays est plus significative encore. Il y a d'abord l'Allemagne, première puissance européenne, qui s'est abstenue sur la résolution lors du vote du Conseil de sécurité. Son vice-chancelier et ministre fédéral des affaires étrangères résumait au Guardian sa position en ces termes : « Une solution militaire semble très simple mais elle ne l'est pas. C'est risqué et dangereux, les conséquences peuvent être imprévisibles […]. Nous admirons la révolution tunisienne, mais nous voulons que tous ces mouvements soient renforcés et pas affaiblis […]. Examiner des alternatives à un engagement militaire, ce n'est pas ne rien faire. »

En cela, l'Allemagne rejoint le Brésil, première puissance sud-américaine, qui s'inquiète, par la voix de son ambassadrice à l'ONU, du risque d'exacerber les tensions sur le terrain au détriment des populations civiles, que nous nous sommes engagés à protéger. Les Brésiliens insistent sur le caractère spontané des révolutions arabes et alertent sur le risque d'en changer le récit, ce qui aurait de sérieuses répercussions pour la Libye et le reste de la région.

Des pays de l'Amérique Latine ont fait savoir, le 19 mars dernier, qu'ils rejetaient « toute intervention militaire en Libye ». Le chancelier argentin Héctor Timerman a dénoncé le fait que ces attaques contre le territoire libyen menées par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni n'aient pas fait l'objet d'un large débat au Conseil de sécurité ou à l'Assemblée générale des Nations unies. Le président uruguayen a, quant à lui, qualifié de « lamentable » l'attaque des forces armées contre la Libye.

Surtout, cette offensive militaire trouble les peuples de la région, qui rejettent la figure dictatoriale de Kadhafi mais refusent de cautionner toute nouvelle expression de l'impérialisme occidental. Le chef de la Ligue arabe, M. Amr Moussa, a critiqué dimanche les bombardements occidentaux sur la Libye, estimant qu'ils s'écartaient « de l'objectif d'instauration d'une zone d'exclusion aérienne » ; « ce que nous voulons, a-t-il ajouté, c'est la protection des civils et pas le bombardement de davantage de civils ».

D'ailleurs, en Tunisie, la presse prononce un verdict sévère contre les bombardements aériens, craignant qu'ils ne plongent le Maghreb et le Moyen-Orient dans l'instabilité, allant même jusqu'à redouter que cette intervention fasse de la région « une zone de tension et une base avancée pour les forces impérialistes qui n'ont pas intérêt à voir la région vivre un sursaut social révolutionnaire, nationaliste et démocratique » et « souille la bataille du peuple libyen contre la junte corrompue ».

La Turquie a, elle aussi, fait connaître son opposition à l'option militaire, et l'Union Africaine a, pour sa part, réclamé la fin des opérations militaires contre le régime libyen, rappelant que la communauté internationale avait rejeté son offre d'envoyer une délégation de paix en Libye.

Dès lors, quel objectif vise cette fiction d'unanimité internationale ? Il s'agit de masquer la réalité politique et géopolitique de cette guerre, qui n'est rien d'autre qu'une intervention occidentale menée par des ex-pays colonisateurs !

La seconde fiction sur laquelle repose cette offensive militaire consiste à faire de la France, et plus particulièrement de Nicolas Sarkozy, la force d'impulsion, de conception et de décision qui en est l'origine. Or la réalité est cruelle pour l'orgueil national et le narcissisme de notre président : en effet, nos concitoyens doivent savoir que, dans cette intervention, notre pays n'est que le bras armé des États-Unis. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Le Washington Post et le New York Times résument parfaitement l'ordonnancement des événements : ce sont les États-Unis, et eux seuls, qui ont décidé de se lancer dans l'opération diplomatique visant à faire adopter la résolution du Conseil de sécurité qui a décidé de l'emploi de la force en Libye ! S'ils ont créé les conditions pour laisser croire que la France avait le leadership dans cette affaire, c'est parce que cela arrangeait bien le Président Obama.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Et, contrairement au storytelling concocté par l'Élysée, ce sont bien les Américains qui commandent dans cette « Aube de l'Odyssée », sous les ordres du général américain Carter Ham. Aujourd'hui, il est même question que les forces armées passent sous commandement de l'OTAN. On ne pourrait rêver mieux pour envenimer encore la situation !

Une fois de plus, n'en déplaise à la majorité, cette guerre contre la Libye, dont la France apparaît comme l'instigatrice, s'inscrit dans la récente série noire d'incohérences de notre diplomatie qui lui a fait perdre tout son crédit international.

D'abord, parce que personne n'a la mémoire courte, même si certains peuvent être frappés d'amnésie passagère. Cette nouvelle guerre n'est-elle pas, officiellement du moins, comme le prétend le Président de la République, le moyen de se débarrasser d'un affreux dictateur sanguinaire ? Mais n'est-ce pas le même président qui a signé différents partenariats avec Mouammar Kadhafi, en juillet 2007, dont un « partenariat industriel de défense », très prometteur pour les sociétés d'armement françaises et pour les affaires de M. Dassault ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) N'était-ce pas un ami que le Président de la République et le président de l'Assemblée nationale recevaient avec les plus grands égards en décembre 2007, quand, pour notre part, nous dénoncions et boycottions avec la plus grande fermeté l'invitation du dictateur libyen ? N'est-ce pas deux membres du gouvernement actuel, M. Ollier et M. Guéant, qui furent les artisans de ce rapprochement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

N'est-ce pas l'actuel ambassadeur de France en Tunisie qui venait sur les plateaux de télévision défendre ce criminel en se vantant que celui-ci l'appelait « mon fils » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Et qui annonce que la France reconnaît le gouvernement d'opposition libyen ? M. Bernard-Henri Lévy et le Conseil transitoire libyen, au moment même où notre ministre des affaires étrangères négociait une position commune avec nos partenaires européens ! Comment peut-on espérer dès lors que l'on prenne au sérieux notre politique étrangère ?

Il faut par ailleurs se demander si cette reconnaissance a été envisagée comme il se devait. En effet, la seule chose que nous savons avec certitude de ce Conseil transitoire libyen, c'est que son président est un ancien ministre de la justice de Kadhafi, que son chef d'état-major est un ancien ministre de l'intérieur, que d'autres de ses membres enfin préfèrent conserver l'anonymat. N'aurait-il pas été préférable, dans ces conditions, que notre pays prenne plus de précautions ou, en tout cas, qu'il ne décide pas à la place du peuple libyen qui était en mesure de le représenter ?

Notre politique étrangère met aussi et surtout en évidence l'existence de deux poids et deux mesures en matière de droit d'ingérence. Nos dirigeants ont en effet fait valoir le principe de non-ingérence pour justifier de leur silence assourdissant et de leur immobilisme lors du soulèvement du peuple tunisien, une non-ingérence d'autant plus justifiée qu'il s'agissait d'une ancienne colonie française.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Mais le gouvernement français n'hésitait pas, dans le même temps, à proposer au dictateur Ben Ali le savoir-faire de nos forces de sécurité et à réclamer la démission de Gbagbo, s'immisçant ainsi directement dans le processus électoral ivoirien.

Incohérence toujours et encore de notre politique étrangère quand nous voulons être les premiers à lancer des tapis de bombes sur un pays qui ne nous a pas déclaré la guerre mais que notre diplomatie est totalement muette face à la violente répression du mouvement populaire au Bahreïn par le régime du roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa, ou encore face au massacre de la population civile par le régime du président Saleh au Yémen !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Pourquoi ne réagissons-nous pas avec humanité et discernement quand l'Arabie Saoudite ou les Émirats arabes unis, pétromonarchies amies, aident le Bahreïn à écraser la révolte citoyenne ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'interdiction de l'espace aérien pour protéger Gaza de l'aviation israélienne, qui a fait mille cinq cents morts ?

Chers collègues, vous l'aurez compris, notre voix ne s'associera pas à la vôtre pour soutenir, dans un unanimisme béat, l'intervention militaire en Libye.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il fallait vous poser la question avant.

Nous sommes intransigeants quand il s'agit de condamner le régime libyen qui réprime son peuple. Nous jugeons à cet égard que les sanctions votées par l'ONU sont légitimes. Mais, contrairement à vous, nous n'avons jamais changé d'avis sur un dictateur sanguinaire comme Kadhafi. Et nous conserverons cette même opinion demain, quand bien même la majorité nous promettrait, la main sur le coeur, que l'homme serait devenu à nouveau fréquentable et qu'il pourrait sauver notre pays en crise. Nous ne sacrifierons jamais les peuples au nom du pragmatisme.

En revanche, le discernement nous conduit à condamner les frappes militaires sur la Libye à laquelle la France participe, une intervention soutenue par la majorité des forces politiques avec un entrain qui frise l'indécence.

Nous restons convaincus, avec l'écrivain algérien Boualem Sansal, que « la guerre entre le bien et le mal n'a jamais profité qu'au mal ». Pour nous, la décision de bombarder la Libye soulève la question incontournable des risques d'engrenage et de confrontation militaire élargie, avec toutes les conséquences désastreuses que l'on connaît pour les populations civiles. La tragédie qu'a connue et que connaît aujourd'hui le peuple irakien est encore trop présente en nos mémoires pour ne pas nous conduire à la plus grande prudence quand le choix de la guerre est préféré aux initiatives qui privilégient des sorties de crise sans intervention militaire.

Nous espérons de toutes nos forces que cette guerre ne conduira pas, dans quelques mois, le peuple libyen à regretter le régime de Kadhafi, comme ce fut le cas pour les Irakiens avec le régime de Saddam Hussein.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

La résolution 1973 prévoit le gel des avoirs de la Libye, l'interdiction de voyager de ses dirigeants, un embargo sur les armes, un appel au cessez-le-feu, des poursuites devant la Cour pénale internationale et une zone aérienne d'exclusion. Autant de mesures légitimes pour étouffer le régime libyen et protéger les populations civiles. Mais la résolution ne s'en tient pas là puisqu'elle autorise, dans son paragraphe 4, « les États membres à prendre toutes mesures nécessaires » pour assurer la zone d'exclusion aérienne. Selon la coalition, ces termes justifient les bombardements aériens aujourd'hui. Et demain ? Demain justifieront-ils une offensive terrestre dont les conséquences seraient catastrophiques ?

La Russie et la Ligue arabe ont d'ores et déjà dénoncé cette lecture de la résolution : elles ont estimé que la coalition excédait le mandat de l'ONU, limité au respect d'une zone d'exclusion aérienne. En effet, cet objectif n'impose pas d'avoir recours à des bombardements qui, immanquablement, feront des victimes civiles. Il n'y a pas de guerre propre : plus personne ne peut croire au mythe des frappes chirurgicales et à celui de la guerre sans victimes, en direct à la télévision. La France a mis le doigt dans l'engrenage : si l'option choisie nous conduit à un tel enlisement, elle devra porter la responsabilité de l'échec, tant devant le peuple libyen que devant le peuple français.

La légèreté dénoncée par les nations étrangères, au premier rang desquelles l'Allemagne, l'Inde, la Russie ou le Brésil, nous conduit à nous interroger sur les objectifs réellement poursuivis, alors que tant de questions essentielles restent aujourd'hui sans réponse. Monsieur le Premier ministre, quelles sont les capacités de frappe de Kadhafi ? Est-il envisagé à un moment donné d'en passer par une action juridique ou politique pour sortir de la crise ? La réalité anthropologique de la Libye a-t-elle été prise en compte avec tous les risques d'affrontements tribaux ? Les leçons du fiasco somalien ont-elles été tirées ? Le pire a-t-il été envisagé ? Quel plan est prévu dans l'hypothèse probable d'un enlisement, d'une partition du pays et d'une division de la communauté internationale encore plus marquée qu'elle ne l'est aujourd'hui ?

Trop d'incertitudes pèsent sur cette intervention militaire et ses conséquences. Le risque d'une escalade est trop grand. Et s'il y a un prix à payer dans l'avenir, il faut souhaiter que ce ne soit pas au peuple libyen de le faire. Il paye déjà trop cher le maintien d'une dictature dont il ne veut plus.

Du reste, nous ne cautionnerons pas la moindre intervention qui, comme de plus en plus de voix l'affirment au-delà de nos frontières, ne viserait qu'à faire main basse sur le pétrole libyen en instrumentalisant le peuple et en en passant par la scission du pays.

Les députés communistes et républicains font aujourd'hui preuve de courage politique en refusant de mêler leur voix à l'unanimisme béat et aveugle qui semble rassembler autour du Président Sarkozy et de l'entrée en guerre de la France. Comme le dit fort justement Rony Brauman, jamais des bombardements n'ont permis d'installer la démocratie ou de pacifier un pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre d'État, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons tous vu les images insoutenables filmées à Benghazi : il était fait recours aux armes pour tenter de mater les aspirations du peuple libyen qui, après plusieurs décennies de servitude, n'aspirait qu'à la démocratie et à la liberté. Il s'agissait ainsi, pour reprendre les propres mots de Kadhafi, de « purger la Libye, ville par ville et maison par maison », ainsi que d'« exterminer », purement et simplement, les leaders du Conseil national de transition constitué quelques jours plus tôt.

La communauté internationale ne pouvait pas rester en retrait ; il fallait mettre un terme à ce bain de sang. En cet instant où il nous appartient, conformément à la Constitution, d'évoquer l'engagement de nos moyens militaires, l'engagement de nos pilotes et de nos marins au secours du peuple libyen, il est une responsabilité que nous avons tous en partage : celle de permettre à la France de parler d'une voix forte, de manière claire, cohérente, et de donner à son message tout le sens et tout l'écho qu'il mérite sur la scène internationale.

Monsieur le Premier ministre, je sais bien que l'unité nationale ne se décrète pas. L'orateur qui m'a précédé l'a malheureusement démontré : le rassemblement des forces politiques qui concourent à la vie démocratique de la nation ne va jamais de soi. Néanmoins, et je m'adresse tout particulièrement au président Ayrault, notre histoire est jalonnée de ces moments où nous devrions laisser de côté nos différences, quand est en jeu le rôle que la France entend tenir dans l'ordre mondial au service de la liberté. Mes chers collègues, ces moments souvent éphémères font l'honneur de notre démocratie, et celui de la République.

En cet instant, nous mesurons aussi, mieux que jamais, toute l'étendue de la charge qui pèse sur ceux à qui il revient de prendre les décisions qui engagent l'avenir du pays et d'exprimer la volonté nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

La décision prise par le Président de la République et le Gouvernement est une décision lourde et responsable : ils ont engagé par-delà nos frontières, au service de la liberté, la vie d'hommes et de femmes qui ont fait le choix du métier des armes et qui méritent la solidarité et le soutien de la nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Depuis plusieurs mois, nous sommes les témoins de ce qui s'apparente désormais à un véritable printemps des peuples sur la rive sud de la Méditerranée. Ces événements résonnent pour nombre d'entre nous comme un écho au formidable vent de liberté qui soufflait voici plus de vingt ans sur l'Est de notre continent. Nul n'avait pu anticiper ou prédire le mouvement en cours, nul n'avait su lire sa force et sa profondeur. Il a ébranlé nos certitudes que, sur ce rivage de la Méditerranée, les régimes autoritaires et les entorses aux libertés individuelles auraient finalement été un mal nécessaire, seul à même d'endiguer à long terme la montée du fondamentalisme et de l'islamisme ; nos certitudes que ces peuples n'aspiraient tout simplement pas à la démocratie au sens où nous l'entendons en Europe.

Or, en Tunisie et en Égypte, nous avons assisté, en à peine quelques semaines, à la chute de régimes en place depuis plusieurs décennies. En Tunisie comme en Égypte, nous avons soutenu, avec l'ensemble de la communauté internationale, les aspirations de la rue en condamnant avec fermeté l'action des forces de sécurité lorsqu'elles ont eu recours à la violence pour mettre un terme aux manifestations.

En Tunisie comme en Égypte, les autorités militaires ont joué leur rôle en refusant de retourner leurs armes contre leurs propres populations, permettant ainsi d'écarter à Tunis et au Caire la perspective d'un bain de sang.

Malheureusement, tel n'a pas été le cas en Libye où, dans sa majorité, en dépit de quelques défections, l'appareil militaire libyen a maintenu son allégeance au régime du colonel Kadhafi alors que ce dernier ordonnait pourtant de réduire par les armes les différents foyers de contestation qui avaient progressivement gagné le pays.

À mesure que s'intensifiait en Libye la violence de la répression, à mesure que se précisaient le recours à des moyens militaires et, par là, le spectre d'exactions abominables, montait également la réaction quasi unanime de la communauté internationale. L'Union européenne a fermement condamné le recours à la violence dès le Conseil européen extraordinaire du 11 mars. L'Union africaine a également demandé qu'il soit mis un terme à cette répression. Quant à la Ligue arabe, le 12 mars, elle en a appelé au Conseil de sécurité pour demander l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne. Enfin, le 16 mars dernier, le Secrétaire général des Nations unies demandait à son tour un cessez-le-feu.

Ignorant ces appels et l'avertissement qui lui avait été adressé par la résolution 1970, adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité, le régime de Tripoli n'a eu de cesse de persévérer dans la voie de la violence et d'une répression dans le sang des aspirations démocratiques les plus légitimes de son propre peuple.

C'est pourquoi je veux saluer, au nom des députés du Nouveau Centre, l'action à la fois juste, courageuse et déterminée qui a été celle du Président de la République (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC et sur les bancs du groupe UMP), la vôtre, monsieur le Premier ministre, ainsi que celle du ministre d'État et du Gouvernement au cours des dernières semaines, ou encore samedi dernier lors du sommet de l'Élysée. Aux côtés de ses alliés, du Royaume-Uni et des États-Unis, mais aussi du Liban, dont le rôle au Conseil de sécurité a été déterminant, la France a permis de traduire les discours en actes. En prenant le parti du droit plutôt que celui de la force, la France a fait honneur à son histoire, et la République a fait honneur à ses valeurs.

Le drapeau français flottant dans les rues de Benghazi est alors redevenu pour le peuple libyen le symbole de la liberté qu'il a été pour tant d'autres peuples dans l'histoire. Ce jour-là, comme beaucoup de mes compatriotes, j'étais fier de mon pays et du Gouvernement de la France. J'ai eu le même sentiment, monsieur le ministre d'État, en vous entendant au Conseil de sécurité prononcer cette phrase si tragiquement juste : « Prenons garde d'arriver trop tard ! » Quelques minutes plus tard, le Conseil de sécurité adoptait le texte de la résolution 1973, qui, au-delà d'un succès pour notre diplomatie, constitue aujourd'hui le support juridique et l'unique feuille de route de l'intervention en Libye de la communauté internationale.

Je voudrais rappeler les termes du mandat confié à la coalition par les Nations unies. Après avoir décidé, dans un premier temps, en adoptant la résolution 1970, d'un embargo sur les armes en provenance ou à destination de la Libye, d'une interdiction de voyager ainsi que d'un gel des avoirs financiers des dirigeants libyens, le Conseil de sécurité a autorisé jeudi dernier les États de la coalition à prendre « toutes les mesures nécessaires » – les mots ont leur importance – pour « protéger les populations et les zones civiles menacées d'attaques » en Libye. Il a notamment autorisé la constitution dans le ciel libyen d'une zone d'exclusion aérienne, tout en écartant explicitement – j'insiste aussi sur ces termes – la perspective du déploiement d'une force militaire étrangère, quelle que soit sa composition, sur le sol libyen. Tels sont les termes de la résolution 1973 ; les membres du groupe Nouveau Centre ne souhaitent pas que nous nous en écartions.

Alors que, quelques jours à peine après le déclenchement des opérations militaires dans le ciel libyen, celles-ci portent leurs fruits en contribuant notamment à desserrer l'étau qui menaçait le Conseil national de transition et la population retranchés à Benghazi, le volontarisme a, chez certains de nos partenaires, fait place à des doutes qui ont aussi été exprimés dans cette enceinte. Ils portent sur les buts de cette intervention, sur les moyens à mobiliser pour la mener à bien et sur ses répercussions dans le monde arabe.

Il importe de rappeler qu'en intervenant dans le ciel libyen, la coalition n'a qu'un seul but : mettre un terme aux exactions dont les forces du colonel Kadhafi se sont rendues coupables, mettre fin au supplice de la population civile, et faciliter ainsi la prise en compte des aspirations légitimes du peuple libyen dans le cadre d'un processus démocratique

Dans cet esprit, il faudra aussi que la coalition soit, à tout instant, en mesure d'explorer les voies qui s'ouvriraient pour une solution diplomatique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Pour éviter cependant que l'intervention de la coalition ne soit mal comprise, il nous appartient de tout faire pour que ces opérations ne s'apparentent pas à un affrontement entre l'Occident et le monde arabe. À cet égard, il faudra que nous soyons très attentifs aux positions que prendra la Ligue arabe.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Il importe que nous maintenions avec nos partenaires du monde arabe, qu'ils soient ou non engagés dans la coalition, un contact et un dialogue permanents, aussi longtemps que durera cette crise. En cela, si l'Alliance atlantique est tôt ou tard appelée à mobiliser sa logistique au service de la coalition, il importe également que cet engagement ne se traduise pas par une impossibilité pour les pays arabes qui souhaiteraient se joindre à nous de le faire.

Permettez également aux partisans de l'Europe que sont les membres du Nouveau Centre de regretter la frilosité dont fait parfois preuve l'Union européenne. Je mesure le chemin que l'Europe a encore à parcourir sur la voie de la construction d'une politique étrangère commune que j'appelle de mes voeux.

Pour éviter que cette opération ne voie sa légitimité morale fondre au fil des jours, nos forces armées comme celles de nos alliés se devront de rester sur la stricte ligne de leurs objectifs lorsqu'elles engageront des actions sur le terrain. Toute perte civile, que la victime ait ou non servi de bouclier humain à des installations militaires, outre qu'elle serait dramatique, ne manquerait pas de retourner contre la coalition une opinion qui lui est aujourd'hui favorable.

La conduite d'une telle opération implique donc – et j'ai confiance dans le Gouvernement – de la mesure, de la précision, de la précaution. Nous savons que cette opération est susceptible de s'installer dans la durée ; nous devons avoir le courage de le dire et nous y préparer, afin de permettre au peuple libyen d'accéder à la liberté.

Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, je veux, en conclusion, vous assurer – et je pèse mes mots – de la confiance et du soutien du groupe Nouveau Centre dans la conduite de ces opérations difficiles mais tragiquement nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

La France, c'est son honneur, à décidé de répondre aux appels à l'aide du peuple libyen. Notre intervention durera aussi longtemps que le colonel Kadhafi refusera d'entendre raison. Je n'ai qu'un voeu à formuler : que le peuple de Libye puisse trouver le chemin de la liberté et se choisir lui-même son destin. C'est tout le sens de la démarche que nous avons entreprise à vos côtés, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Au titre des députés non inscrits, la parole est à M. François Bayrou.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre de la défense, ce débat est très important ; pourtant, je veux le dire d'emblée, c'est un débat incomplet. En effet, si nous étions logiques, si nous étions dans une démocratie de plein exercice, il aurait dû être sanctionné par un vote, comme en Grande-Bretagne et en Espagne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Rien, dans nos institutions, ne s'y oppose, puisque je rappelle qu'au moment de la première intervention contre l'Irak, en 1991, Michel Rocard engagea la responsabilité du Gouvernement sur un choix qui était lourd pour notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Cela étant, que devons-nous dire pour essayer d'y voir clair et de dégager une ligne d'action pour la France ?

Première affirmation : l'action diplomatique de la France a été bien conduite. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Notre pays a été à l'initiative ; il a pu obtenir une résolution – qui, pour une fois, disait quelque chose de précis – portant sur la menace que Kadhafi faisait peser sur son peuple, sur la zone d'exclusion aérienne et sur la défense de Benghazi. Nous sommes allés assez vite pour intervenir avant que les troupes de Kadhafi n'atteignent Benghazi, ce qui aurait créé l'irrémédiable.

Ce faisant, la France a retrouvé un rôle, une capacité, une mobilité conformes à son statut de puissance diplomatique. Il faut le mettre au crédit du Président de la République, du Gouvernement et du ministre des affaires étrangères. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Point positif : nous avons conduit cette action en étroite liaison avec la Grande-Bretagne. Point faible, très faible : nous n'avons pas réussi à convaincre en Europe, au sein même de l'Union européenne. Or, tant que ce sera France ou Europe, quelque chose de précieux nous manquera et manquera au monde.

Danger : aujourd'hui, nous devons en être conscients, la division internationale monte : critiques de la Russie, de la Chine, du Brésil, de la Turquie, de l'Inde ; réserves de la Ligue arabe, refus de l'Union africaine ; réticences de l'Allemagne. Sur une carte physique et sur une carte politique du monde, cela fait beaucoup. Il faut donc poursuivre et amplifier l'action diplomatique et, d'abord, en priorité, parler avec la Ligue arabe.

J'en viens à la situation militaire. L'action de nos armées a été décisive pour stopper la vendetta de Kadhafi. Nos avions, nos armements ont atteint ce but premier et, avec l'aide des armes lourdes des autres membres de la coalition, une situation de domination militaire a été créée. Personne n'en doutait, encore fallait-il le faire. Il faut donc saluer nos forces armées et leur commandement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, ainsi que sur quelques bancs du groupe SRC.) Toutefois, nous avons exclu à juste titre – la résolution l'exclut formellement – toute intervention terrestre et toute intervention aérienne offensive. Nous pouvons continuer à brouiller les signaux, détruire les radars, mais, Clemenceau l'a dit une fois pour toutes, « on peut tout faire avec une baïonnette sauf s'asseoir dessus ». (Sourires et murmures.)

La véritable question est celle de l'issue, et elle est maintenant de savoir comment le peuple libyen va se dresser contre son dictateur, comment nous l'y aidons, quels sont nos rapports avec cette résistance – que nous avons reconnue avec panache, comme, jadis, la France libre fut reconnue par Londres – et comment nous évitons l'engrenage de la guerre civile, qui durerait des mois, et l'inévitable enlisement qui s'ensuivrait.

Une lourde question se pose à propos du commandement. Nous avons exclu l'intervention de l'OTAN, autrement que subsidiaire. Fort bien. Mais alors, pourquoi nous sommes-nous précipités naguère pour entrer avec une telle légèreté dans le commandement intégré ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Qu'allons-nous faire ? Reculer ou bâtir une espèce de compromis : commandement de coalition ou coalition de commandements ? C'est très dangereux. Une coalition – Foch l'a dit avant moi –, c'est difficile à commander. Mais une coalition qui n'a pas de commandement, cela devient carrément un pari impossible, une gageure.

Enfin se pose une question décisive, à la fois d'actualité et de long terme. Nous avons choisi d'assumer le droit, et même le devoir, d'ingérence et nous sommes intervenus en Libye. Mais qu'allons-nous faire en Syrie, à Bahreïn, au Yémen ? C'est tout le monde arabe qui bouge, traversé de forces dont certaines sont positives et encourageantes : l'aspiration à la liberté, la lutte contre la corruption ; d'autres dangereuses et noires : le fondamentalisme, l'affrontement souterrain et séculaire entre chiites et sunnites. D'autres régions du monde connaîtront des mouvements semblables. Or les institutions du devoir d'ingérence sont faibles, peu reconnues ou méconnues.

Nous avons là une ligne de conduite. Pour la Libye, il faut régler la question du commandement, soutenir efficacement la résistance intérieure, ne pas nous laisser entraîner dans des interventions directes, même secrètes, et, le cas échéant, préparer les opérations humanitaires. Pour le monde, il faut faire émerger les institutions internationales de la juste ingérence.

Nous avons pris le risque d'être audacieux, et c'est un risque juste. Nous sommes condamnés maintenant à aller plus loin et à devenir une force de proposition pour que change le monde. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP, NC et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Renaud Muselier, suppléant M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Renaud Muselier

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord d'excuser M. Axel Poniatowski, qui est depuis dimanche à Tunis, où il préside une mission de la commission des affaires étrangères tendant à approfondir le dialogue avec les nouvelles forces politiques afin d'accompagner la transition en cours.

Cette mission en Tunisie n'est évidemment pas sans lien avec le sujet qui nous occupe aujourd'hui. La Révolution du jasmin a initié, dans le monde arabe, un mouvement de révoltes sans précédent, qui ne sont manipulées par aucun courant idéologique ou religieux. Après la Tunisie l'Égypte : les régimes ont changé, l'organisation politique se modifie sans effusion de sang, ou presque. C'est le printemps arabe. Exprimant des aspirations démocratiques, ces bouleversements doivent être appréhendés à long terme comme des facteurs d'ouverture, de stabilité et de paix.

En Libye, les effroyables crimes commis par le régime dans sa répression des insurgés, juste après le « Jour de colère » du 17 février, ont choqué le monde entier.

Debut de section - PermalienPhoto de Renaud Muselier

La communauté internationale a donc décidé de donner force au principe de la responsabilité de protéger, adopté par l'Assemblée générale des Nations unies lors de son 60e sommet mondial, en 2005.

Ainsi, dès le 26 février, le Conseil de sécurité de l'ONU adoptait à l'unanimité une résolution prévoyant des sanctions sévères, ainsi que la saisine de la Cour pénale internationale. Dans la foulée, la Libye était suspendue du Conseil des droits de l'homme et de la Ligue arabe, mesures là encore inédites, traduisant la profonde réprobation des agissements du colonel Kadhafi contre son peuple.

Le 17 mars, à l'initiative de la France et de la Grande-Bretagne, la résolution 1973 de l'ONU est adoptée.

La France peut s'honorer d'avoir mobilisé et convaincu ses partenaires de l'impérieuse nécessité d'intervenir en Libye pour appuyer une rébellion démocratique interne qui, à défaut, aurait été noyée dans le sang. Comme nous avions salué, en 2003, le discours de la France à l'ONU lors du refus de l'intervention en Irak, il nous faut saluer aujourd'hui celui qu'elle a tenu au Conseil de sécurité. Seul, le multilatéralisme donne sa légitimité à une intervention. Le Président Chirac et le Président Sarkozy l'ont bien compris.

Une résolution du Conseil de sécurité fixe un cadre juridique incontestable, lequel a été obtenu après le soutien actif de la Ligue arabe, le 12 mars, et de plusieurs pays africains, notamment l'Afrique du Sud, le Nigeria et le Gabon. Nous ne sommes donc pas du tout dans la même situation qu'au moment de l'intervention en Irak ; toute comparaison est impossible.

Debut de section - PermalienPhoto de Renaud Muselier

En permettant ou en soutenant une intervention en Libye, tous ces pays ont permis d'éviter le contre-signal qu'aurait constitué la passivité de la communauté internationale face au massacre des insurgés, alors imminent. N'avons-nous pas craint qu'il soit déjà trop tard, après les tergiversations de certains de nos partenaires, qu'il a fallu bousculer au risque de s'attirer les critiques ? Mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue que ce vote au Conseil de sécurité marque un tournant majeur, comme si le printemps arabe produisait déjà ses effets sur la gouvernance mondiale, et il n'est pas étonnant que certains États soient déjà pris de vertiges.

Il convient dès lors de rappeler que la résolution de l'ONU s'inscrit dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies, qui autorise le recours à la force armée « pour protéger les populations et les zones civiles menacées » et instaure une zone d'exclusion aérienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Renaud Muselier

Il faut se féliciter de 1'efficacité des opérations, entamées samedi à 17 h 45 par des bombardements français : rapidité de la mise en place de la zone d'exclusion aérienne, diminution des moyens de surveillance aérienne de la Libye et destruction de bases aériennes ainsi que des défenses anti-aériennes, destruction des lignes de ravitaillement de l'armée du colonel Kadhafi. Il faut bien évidemment espérer que ces avancées tactiques contribueront à favoriser un règlement rapide du conflit, mais nous n'avons aucune certitude à ce sujet.

Les tentatives de déstabilisation du colonel Kadhafi – fausses annonces de cessez-le-feu, intimidations, menaces terroristes, désinformation sur des pertes civiles – témoignent de sa détermination à se maintenir au pouvoir à tout prix et à fissurer la coalition. Il semble marquer des points lorsque le Secrétaire général de la Ligue arabe relaie ses propos sur des pertes civiles et conteste les frappes, ou lorsque trois des cinq chefs d'État composant la mission de médiation sur la Libye constituée par l'Union africaine et l'Inde appellent à la cessation immédiate de toutes les hostilités. Après la course contre la montre, une phase délicate est en train de s'ouvrir : la transition politique, qui passe par des discussions diplomatiques.

Il est impératif de ressouder la communauté internationale – et si possible d'élargir la coalition –, de clarifier le commandement, d'éviter l'enlisement et surtout de garder son sang-froid face à un adversaire retors.

La France, par sa vision et sa diplomatie, devra déployer toute sa force de conviction ; elle vient de prouver une fois de plus qu'elle en était capable.

Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, nous comptons sur vous, comme nous savons pouvoir compter sur le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Teissier

Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre de la défense, en votant, jeudi, la résolution 1973, l'ONU a autorisé la France à avoir recours à la force pour mettre fin aux exactions du gouvernement libyen contre son peuple.

L'accord qui a pu être dégagé au Conseil de sécurité doit beaucoup à la force de conviction du Président de la République et du ministre des affaires étrangères. Je tiens à rendre tout particulièrement hommage à Nicolas Sarkozy et à Alain Juppé pour leur détermination et pour l'image positive qu'ils ont donnée de la France aux yeux de la communauté internationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.) Je tiens également à remercier le Premier ministre pour avoir tenu parfaitement informés de toutes ces opérations les présidents des groupes et des commissions de l'Assemblée.

Grâce à cette action et à la pertinence de l'analyse géostratégique qui la sous-tend, notre pays montre qu'il est capable d'assumer ses responsabilités internationales, responsabilités historiques qui nous ont été reconnues avec l'attribution d'un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU.

Cet accord est un événement historique dans le sens où, pour la première fois, la communauté internationale impose à un gouvernement de cesser le recours à la force contre sa propre population. Il l'est aussi dans le sens où, si cette résolution n'avait pas été votée, nous aurions porté la responsabilité morale du massacre de milliers de civils.

Comment aurions-nous pu laisser massacrer sous nos yeux des populations civiles sans défense ? Comme nous le savons tous, les forces du colonel Kadhafi étaient entrées dans les faubourgs de Benghazi et s'apprêtaient, le week-end dernier, à lancer un assaut final contre une ville presque sans défense. Le colonel Kadhafi a prétendu faire la guerre au terrorisme pour justifier son offensive militaire contre son peuple, mais il affirme aujourd'hui faire la guerre aux croisés, reprenant ainsi la rhétorique d'Al-Qaïda.

Nous savons tous parfaitement que le colonel Kadhafi aurait noyé dans le sang la révolution libyenne. Au-delà du drame, nous aurions été confrontés à la fin du printemps arabe.

Nous avons pu croire, le temps d'une journée, que le vote de cette résolution aurait pu avoir un effet dissuasif sur le régime du colonel Kadhafi, qui a annoncé un cessez-le-feu dès le lendemain de son adoption. Cette prise de position lui a donné un avantage stratégique non négligeable, puisque ce temps de répit lui a permis de poursuivre la manoeuvre d'encerclement de Benghazi. Sa fourberie n'a pu tromper longtemps la communauté internationale, car il n'a pas tardé à ordonner d'ouvrir le feu sur les populations libyennes désarmées.

C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, le Gouvernement a eu raison d'engager nos forces aériennes dès samedi soir, après le sommet avec nos partenaires organisé à Paris par le Président de la République. Cet engagement a souligné l'efficacité opérationnelle de notre armée de l'air, à laquelle je rends hommage. Je tiens à saluer tout particulièrement la performance et le courage de nos pilotes, qui ont survolé les premiers le théâtre libyen.

Ce fait a une signification opérationnelle évidente, mais aussi et surtout une signification politique considérable. Nous avons tous ressenti une certaine émotion à voir flotter le drapeau français sur Benghazi, par la volonté des manifestants libyens, en reconnaissance de notre action déterminante. L'image de la France défendant activement les droits de l'homme et s'engageant courageusement dans la lutte contre une certaine forme de barbarie, est aujourd'hui préservée et valorisée.

Il nous faut cependant être prêts à faire face à plusieurs écueils.

Premièrement, il me semble important de maintenir la cohésion de la communauté internationale. N'oublions pas que, sur quinze États, dix seulement ont voté cette résolution ; cinq se sont abstenus. Nous ne pouvons pas nous contenter de cette espèce d'abstention bienveillante, nous devons poursuivre nos efforts diplomatiques.

Deuxièmement, nous ne pouvons pas non plus négliger de continuer notre travail de persuasion vis-à-vis des États de la Ligue arabe. Là aussi, nous devons redoubler d'efforts pour convaincre ces partenaires qu'il ne saurait y avoir de zone d'exclusion aérienne effective sans opération préalable contre les défenses antiaériennes de la Libye. Rappelons que notre action se situe dans le cadre de l'ONU et que nous ne saurions envisager une autre action menée dans le cadre de l'OTAN, pour des raisons politiques que nos alliés pourront aisément comprendre.

Troisièmement, nous devons être vigilants face à l'absence totale de sens éthique du colonel Kadhafi. Il nous faudra faire face à la manipulation de l'opinion. L'annonce faite par lui dimanche soir d'un cessez-le-feu ne doit pas endormir notre détermination. Il nous faudra aussi faire face à la tentation du colonel Kadhafi de porter la guerre en Méditerranée ou dans le Sud de la France.

Il nous faudra également être vigilants face à la tentation du régime libyen de recourir à la prise d'otages, voire au terrorisme. Le colonel Kadhafi nous a montré à plusieurs reprises ses compétences en ce domaine. Nous n'avons pas oublié l'attentat de Lockerbie,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous l'aviez oublié ! En janvier, vous mangiez ensemble !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Teissier

…ni celui mené contre le DC-10 d'UTA au-dessus du désert du Ténéré. Les spécialistes nous assurent qu'il dispose de réseaux dormants et de réserves financières lui permettant d'organiser des frappes contre les intérêts occidentaux, notamment en Afrique.

Quatrièmement, enfin, le risque que notre intervention militaire se traduise par une partition de la Libye n'est pas à exclure totalement.

Qu'il me soit permis de souligner que nous ne devrons pas perdre de vue notre objectif ultime, qui est de conduire à un règlement politique du conflit interne en Libye. Le renversement du colonel Kadhafi ne saurait constituer un objectif en soi. La réaffirmation de notre volonté de respecter la souveraineté du peuple libyen doit être constante. Nous devons convaincre la communauté internationale – notamment ses éléments les plus réticents – que notre action n'a pas pour vocation d'aller au-delà de notre « devoir de protéger » un peuple dont la population civile fait l'objet d'exactions de la part d'un régime qui a toujours refusé de reconnaître les règles fondant la vie internationale.

Il nous faudra également être prudents afin que notre action ne suscite pas d'espoirs déraisonnables, alors que l'on voit déjà, dans certains pays arabes, les opposants appeler les Occidentaux à l'aide.

Nous disposons d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies parfaitement claire ; je ne doute pas que nous saurons nous y tenir.

En conclusion, permettez-moi, mes chers collègues, de saluer l'initiative diplomatique et militaire de notre gouvernement, qui fait l'honneur de la France sur la scène internationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les députés, ce débat, je vous le rappelle, se déroule en application de l'article 35 de notre Constitution, qu'il respecte à la lettre.

Je voudrais tout d'abord remercier les intervenants qui viennent de se succéder : MM. Ayrault, Jacob, Sauvadet, Bayrou, Muselier, Teissier,…

Debut de section - PermalienAlain Juppé

…qui ont apporté leur soutien à la politique du Gouvernement.

Je n'ai pas oublié M. Muzeau mais je n'ai pas observé qu'il nous ait apporté son soutien ! (Rires sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Je n'entrerai d'ailleurs pas dans la polémique qu'il a soulevée. Sa dénonciation de l'impérialisme colonialiste m'a semblé avoir un petit parfum des années cinquante. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Il faut en tout cas beaucoup d'audace pour expliquer que nous sommes, dans cette affaire, à la remorque des États-Unis et du Président Obama,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ce n'est pas de l'audace mais de la clairvoyance ! Lisez le New York Times !

Debut de section - PermalienAlain Juppé

…quand on sait comment les choses se sont passées. Mais je clos la polémique. L'importance du débat doit nous mettre à l'abri de ce genre de joute.

Je voudrais, en second lieu, rendre hommage – le ministre de la défense le fera sans doute beaucoup mieux que moi – aux militaires français, qui font preuve dans cette intervention de leurs qualités habituelles de professionnalisme et de courage. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)

J'ai entendu dire que cette opération militaire était dangereuse.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

C'est vrai, madame la députée, mais laissez-moi vous dire qu'il y a des moments, dans la vie des peuples, où il faut savoir prendre le risque d'utiliser la force pour faire céder la violence aveugle d'un dictateur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Je vous pose simplement la question : quels seraient aujourd'hui nos sentiments si nous n'avions pas fait ce que nous avons fait et si nous avions vu sur les écrans de télévision les images de la population de Benghazi décimée par les troupes de Kadhafi ? (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Cela seul justifie le choix que nous avons fait.

Je n'entends pas reprendre l'ensemble du déroulement de cette opération, que M. le Premier ministre a parfaitement présenté. Je reviendrai simplement sur un certain nombre de points qui ont été évoqués par les orateurs successifs, et tout d'abord sur le pilotage politique et le commandement militaire de l'opération.

Certains se sont émus de l'absence de commandement ; M. Bayrou, je crois, a évoqué ce point. Ce n'est évidemment pas ainsi que se présentent les choses. Pour nous, cette opération est d'abord une opération voulue par les Nations unies. Elle est conduite par une coalition d'États dont tous ne sont pas membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord ; ce n'est donc pas une opération de l'OTAN, même si elle doit pouvoir s'appuyer sur les moyens militaires de planification et d'intervention de l'Alliance. C'est très exactement dans ce schéma que nous nous situons.

Pour bien marquer les choses, à l'initiative du Président de la République, j'ai proposé à nos collègues britanniques, qui en sont d'accord, de mettre sur pied une instance de pilotage politique de l'opération qui réunira les ministres des affaires étrangères des États intervenants ainsi que de ceux de la Ligue arabe. Nous devrions nous réunir dans les tout prochains jours à Bruxelles, Londres ou Paris, et répéter régulièrement ce genre de réunion pour bien marquer que le pilotage politique existe.

À partir de ce pilotage politique, sous la responsabilité de M. le ministre de la défense, nous utiliserons bien sûr les capacités de planification et d'intervention de l'OTAN. Je crois que les choses sont, de ce point de vue, tout à fait claires.

Le risque d'enlisement existe, bien sûr. Ce que nous voulons, c'est une intervention militaire de courte durée. Les Américains y sont particulièrement attentifs, nous aussi. Contrairement aux inquiétudes qui se sont exprimées ici ou là, il n'y aura évidemment pas d'intervention au sol. La résolution 1973 du Conseil de sécurité nous l'interdit explicitement ; il n'en est donc pas question.

L'intervention militaire peut s'arrêter à tout moment. Il suffit que le régime de Tripoli se mette en conformité exacte et complète avec les résolutions du Conseil de sécurité, qu'il accepte notamment un cessez-le-feu authentique, qu'il retire ses troupes des endroits où elles ont pénétré et les fasse rentrer dans les casernes, et l'opération militaire s'arrêtera.

Au-delà, il nous faut d'ores et déjà penser à la suite, c'est-à-dire à la paix. La France a été à l'initiative dans l'organisation de l'intervention militaire, elle sera à l'initiative dans l'organisation de la paix. Le Président de la République s'exprimera dans cet esprit dans les prochains jours.

Pour nous, en toute hypothèse, il n'appartient pas à la coalition de décider de ce que sera le futur régime politique de la Libye. C'est aux Libyens eux-mêmes que cette responsabilité incombera. Notre intervention a uniquement pour objet de les mettre en situation de s'exprimer librement et d'accéder à la transition démocratique qui leur a été refusée jusqu'à présent.

Voilà qui m'amène à dire un mot du Conseil national de transition. « Qui sont ces gens ? » ai-je entendu dire ici ou là, notamment à Bruxelles. N'y a-t-il pas parmi eux trop d'anciens ministres du régime Kadhafi ? Cet argument, je l'avoue, me laisse perplexe. Avez-vous déjà vu une révolution dans laquelle les révolutionnaires n'ont pas, plus ou moins, fricoté dans la période précédente avec le régime en place ? Ce qui fait le sel des révolutions, c'est que précisément les gens évoluent et qu'on les retrouve parfois, après une prise de conscience salutaire, de l'autre côté de la barrière. (Sourires sur de nombreux bancs.) Cela s'est passé dans bien des endroits ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Aujourd'hui, il n'y a pas d'autre interlocuteur valable que le Conseil national de transition. Nous avons eu raison de le reconnaître et, contrairement à ce qui a été dit, la France n'est pas la seule à l'avoir fait. Lors du Conseil européen exceptionnel du 11 mars, la totalité de nos partenaires ont adopté une déclaration dans laquelle il est écrit noir sur blanc que le Conseil national de transition est un interlocuteur politique valable. Nous allons donc continuer de travailler avec eux et avec d'autres qui s'y joindront le cas échéant.

Quant à l'implication du monde arabe, cela a été non seulement notre souci, mais notre exigence absolue dès le départ. C'est la raison pour laquelle j'ai dit tout à l'heure qu'il ne s'agissait pas d'une opération de l'OTAN, mais de l'ONU avec une coalition d'États membres et le soutien de l'OTAN. La différence n'est pas minime. Pourquoi ? Car vis-à-vis du monde arabe, l'organisation du Traité de l'Atlantique Nord n'est pas l'organisation appropriée pour monter ce type d'opération.

Nous avons obtenu le soutien du monde arabe. Je voudrais d'abord saluer le rôle du Liban. La déclaration 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies a été préparée par la France, la Grande-Bretagne et le Liban. Sans le soutien actif du Liban, au nom de la Ligue arabe, nous n'y serions pas parvenus. Les Américains sont venus se joindre à nous lorsque les choses avaient suffisamment avancé pour que le succès de la résolution soit à peu près assuré. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et du Nouveau Centre.)

Nous avons continué de travailler avec le monde arabe, notamment lors du sommet de Paris. Il y avait autour de la table le secrétaire général de la Ligue arabe, le ministre des affaires étrangères de Jordanie, du Maroc, du Qatar, des Émirats arabes unis, soit cinq participants venus du monde arabe. Ce travail s'est poursuivi avec M. Moussa, dont on a dit, ici ou là, que les déclarations étaient ambiguës. Il est vrai que certains de ses propos pouvaient prêter à confusion. Cela étant, il les a clarifiés hier.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Je l'ai eu au téléphone depuis et sa déclaration a été très claire : il soutient les résolutions du Conseil de sécurité et leur mise en application ne lui pose aucun problème. Nous continuons de travailler avec lui. J'ai tout à l'heure parlé du comité de pilotage politique qui se réunira à Bruxelles ou à Londres dans les prochains jours. Le monde arabe y aura bien entendu toute sa place.

S'agissant de l'opposition de la Turquie, dont il fut question tout à l'heure, j'ai sous les yeux une dépêche toute fraîche, datée du 22 mars, dont je vous livre le contenu : le président américain et le premier ministre turc sont tombés d'accord sur la nécessité d'une large contribution internationale, dont celle des pays arabes, aux opérations de la coalition en Libye. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il ne me semble pas que cela soit une déclaration dissidente de la Turquie !

Autre point, le rôle de l'Union européenne. Il n'est pas exact de dire que nous n'avons pas convaincu nos partenaires de la légitimité de cette opération. Le contraire est même tout à fait avéré, puisque le Conseil européen exceptionnel obtenu par le Président de la République française a, le 11 mars, adopté une déclaration qui dit explicitement que les Onze soutiennent le processus qui a été engagé. Pas plus tard qu'hier à Bruxelles, nous avons, à nouveau, adopté une déclaration qui salue la réunion de Paris et soutient la résolution 1973 du Conseil de sécurité.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Ce qui est vrai, c'est que ce soutien se porte essentiellement sur le volet humanitaire de la résolution. Cela m'a amené à dire – moi qui suis un très ardent partisan de la politique de sécurité et de défense commune – que je considérais qu'il y avait encore beaucoup de progrès à faire.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Dans l'esprit de beaucoup de nos partenaires de l'Union européenne, l'Union a plutôt vocation à fonctionner comme une ONG humanitaire que comme une entité politique dotée d'un système de défense. Nous avons encore du travail pour faire évoluer cette situation, mais l'Union s'engagera dans tout le volet humanitaire de l'opération, y compris par des moyens maritimes si cela est nécessaire.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Voilà ce que je souhaitais dire sur l'implication de l'Union européenne, qui n'est pas restée en arrière de la main, même si – et il faut le dire très clairement – l'Allemagne ne partage pas notre point de vue sur cette opération et sur la partie militaire de l'intervention.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

À François Bayrou qui a fait part de son très net soutien, je fais remarquer que « la juste ingérence » n'est plus à l'ordre du jour. Le concept d'ingérence a été abandonné au profit de celui de « responsabilité de protéger ».

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Ce concept a été adopté par les Nations unies en 2005 et la résolution 1973 est sa première mise en oeuvre. Il signifie que les États membres des Nations unies se sont engagés sur le principe suivant : les gouvernements ont la responsabilité de protéger leur population contre les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les génocides. S'ils ne le font pas, la communauté internationale s'arroge le droit de se substituer aux gouvernements qui n'assurent pas cette responsabilité. C'est très exactement dans ce cadre que nous sommes aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Un peu de cohérence, mesdames et messieurs les députés communistes ! Vous nous accusez d'intervenir militairement en Libye et vous voulez qu'on aille au Yémen, en Syrie et en Jordanie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

En conclusion, je dirai que la diplomatie française est fière du travail qu'elle a accompli. Elle l'a fait sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, avec beaucoup de conscience professionnelle et d'enthousiasme. Je voudrais en particulier saluer le travail de notre représentation permanente à New York qui a négocié pendant des jours et des nuits pour arriver à ce résultat. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienAlain Juppé

C'est pour nous un sentiment de fierté ainsi que d'humilité. Car, mesdames et messieurs les députés, le plus dur reste à faire.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Il faut maintenant construire la paix, là comme ailleurs, tout autour de la Méditerranée pour faire en sorte que cette fantastique aspiration des peuples arabes à la liberté et à la démocratie devienne une chance et que nous évacuions les risques qu'elle comporte. C'est une chance pour eux, mais également pour nous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Oui, monsieur le député !

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, mesdames et messieurs les députés, en qualité de ministre de la défense, je voudrais exprimer la gratitude de la grande communauté des militaires de notre pays à la suite des propos de solidarité, de soutien et de reconnaissance exprimés par les différentes intervenants : Guy Teissier pour la commission de la défense et Renaud Muselier suppléant Axel Poniatowski pour la commission des affaires étrangères, ainsi que les présidents des groupes, hommes politiques exprimant des convictions différentes. Jean-Marc Ayrault, Christian Jacob, François Sauvadet et François Bayrou ont reconnu le remarquable engagement, le professionnalisme, le sérieux, le sens des responsabilités de nos militaires, principalement de l'armée de l'air. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Si je ne l'ai pas cité, c'est parce que je n'ai pas entendu la même chose de sa part.

Derrière l'image de combattants, de pilotes engagés sur le front, prenant des risques personnels considérables – hélas il n'y a pas d'opération de guerre qui n'ait son lot de victimes –, il y a une armée de l'air mobilisée, qui est profondément implantée dans nos départements. C'est vrai pour le transport sans lequel l'opération logistique n'aurait pas été possible, je pense à Évreux et Orléans, c'est-à-dire à l'Eure et au Loiret. Pensez au travail remarquable des AWACS, c'est-à-dire à la ville d'Avord dans le département du Cher. Je n'oublie pas le département des Bouches du Rhône avec Istres qui envoie les C135. Les avions de reconnaissance et de combat sont au contact du terrain, je pense aux unités de reconnaissance de Reims dont la base sera transférée à Mont-de-Marsan. Mais il y a aussi Saint-Dizier, avec les Rafale, Nancy avec les Mirage 2000-D…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous nous faites un cours de géographie ou vous êtes ministre de la défense ?

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

.et Dijon avec les Mirage 2000-5.

Derrière ces quelques dizaines de pilotes, il y a des milliers de professionnels engagés pour la réussite des armes de la France et pour l'autorité, monsieur le Premier ministre, de la parole française.

Jean-Marc Ayrault a fait remarquer que l'on ne gagnait pas une guerre avec la seule arme aérienne. Certes, et l'on pourrait ouvrir un débat historique. Je lui indique que nos aviateurs interviennent dans le cadre de la résolution 1973 qui a pour objet – le ministre d'État le rappelait à l'instant – d'assurer la protection des habitants. Cette protection n'est pas simplement la mise en oeuvre d'une zone d'exclusion aérienne. Il s'agit de protéger les habitants contre toutes les formes d'agression que permettent les moyens lourds d'une armée professionnelle. La zone d'exclusion aérienne est la première étape. Nous pouvons d'ores et déjà considérer que sa mise en oeuvre est un succès dans la mesure où, à ce jour, aucun hélicoptère ou avion de combat sous l'autorité du gouvernement de Tripoli ne vole et n'est vraisemblablement plus en mesure de voler. Voilà pour la première étape.

Cela étant, il ne s'agit pas simplement de desserrer l'étau par des frappes aériennes sur des agresseurs aériens. La démonstration de samedi, de dimanche et de lundi réalisée à la fois par l'aviation française et celle de la coalition montre que toute forme d'agression lourde – de blindés ou d'artillerie – peut être combattue depuis les airs par nos avions, les Mirage 2000-D tout particulièrement, et les Rafale équipés à cet effet. L'objectif de protection des habitants ne sera atteint que lorsque les artilleurs et les blindés seront dans leur caserne ou hors d'état de nuire.

La présence de la marine n'a rien d'incongru, puisque 90 % de la population libyenne habite sur une bande côtière de quelques dizaines de kilomètres de profondeur sur près de 1 500 kilomètres de long. Le fait d'être, à cet instant, en mesure d'interdire toute sortie de la marine libyenne sécurise des villes assiégées comme Misrata d'une offensive maritime qui aurait pu être dangereuse pour les assiégés de cette ville.

Nous disposons de réels moyens d'intervention qui vont bien au-delà de la simple zone d'exclusion aérienne. Si, à ma connaissance, il n'y a pas eu de tirs sur des blindés ou sur de l'artillerie, c'est parce qu'il n'y avait pas de cibles, du moins identifiées par la coalition.

Vous me direz que l'intervention aérienne est certainement de moindre portée qu'une guerre traditionnelle. C'est sans doute la raison pour laquelle, monsieur Ayrault, même sans tenir compte du problème juridique, il était impossible d'intervenir dans le cadre de combats urbains. En revanche, l'aviation est en mesure de neutraliser tous les supports logistiques d'une troupe au sol. Même si elle n'a ni blindés, ni canons lourds, elle a besoin d'une logistique, que nous sommes en mesure de la neutraliser.

C'est la raison pour laquelle, au-delà de la simple zone d'exclusion aérienne, l'intervention extrêmement précise de l'aviation permet au « débat » libyen d'être le plus équilibré possible. C'est en tout état de cause le voeu que forment les militaires.

Je voudrais traiter d'un deuxième et dernier point : l'extrême réactivité de la chaîne de commandement.

Nous aurions pu, monsieur le ministre d'État, intervenir quelques heures après votre projet de résolution. Le Gouvernement n'a pas souhaité le faire, par respect pour les procédures et pour ne pas donner le sentiment du fait accompli.

Aujourd'hui, en revanche, nous sommes dans un état de réactivité absolue, car au-delà des préoccupations politiques parfaitement légitimes exprimées au niveau international, dont certains orateurs se sont fait l'écho et auxquelles le ministère d'État a répondu, il faut que vous sachiez que la coopération des états-majors est telle que l'information circule en temps réel. La décision de tirer ou de ne pas tirer, d'intervenir ou de ne pas intervenir – grâce, il est vrai, à des procédures de coopération anciennes et établies – relève d'une gestion en temps réel, dès lors qu'il existe une volonté politique. Or, de manière manifeste, à l'initiative du Président de la République française, en solidarité avec le Premier ministre David Cameron, il existe une volonté politique relayée par la plus grande puissance du monde que sont les États-Unis, auxquels se joignent les pays de la Ligue arabe et les pays européens.

Enfin, comme vous le savez, je suis un homme de tradition et je ne peux rappeler sans émotion que c'est en Libye, avec les cailloux blancs que sont Koufra, Bir Hakeim et Tobrouk, que la France a connu les premières étapes de sa liberté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Application de l'article 35, alinéa 2, de la Constitution

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (nos 2494, 3116, 3189).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, mes chers collègues, nous sommes invités à nous prononcer sur ce projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement. Cela nous place dans une situation pour le moins particulière au regard des promesses qui nous avaient été faites en 2009 lorsque Mme Bachelot, alors ministre de la santé, avait annoncé une grande loi de santé mentale. Une situation singulière mais pas vraiment surprenante dans le contexte désormais coutumier qui veut qu'une réponse sécuritaire soit systématiquement apportée, quel que soit le problème posé, avec cette constante : surtout éviter de prendre le temps d'étudier sérieusement les causes et les réponses pertinentes à apporter.

Nous en avons encore l'illustration avec ce texte partiel élaboré à la suite de plusieurs faits divers qui, s'ils sont heureusement rares, n'en sont pas moins dramatiques dans la mesure où ils ont entraîné la mort.

La maladie mentale, son dépistage, son traitement et son suivi constituent un sujet important, un sujet complexe s'il en est.

Les professionnels, les patients et leurs familles espéraient qu'il nous serait proposé un texte moderne et efficace fondé sur une approche globale de la personne humaine et de son milieu, un texte qui aurait permis de redéfinir les missions, les objectifs et les moyens de la psychiatrie afin de mettre un terme à la stigmatisation persistante de la maladie mentale et de poursuivre l'évolution de la relégation asilaire vers les traitements en secteurs ouverts dont la France a été à l'initiative. Il se serait agi de traiter les patients sans rompre leurs liens sociaux, dans une conception humaniste de la psychiatrie conduisant à changer le regard que la société porte sur eux.

La déception que suscite ce texte est à la mesure des espérances qu'il a trahies.

Pour faire croire à nos concitoyens qu'ils seront désormais en sécurité, vous avez en effet décidé de limiter le projet de loi aux moins de 13 % de cas nécessitant des mesures coercitives de traitement, voire d'hospitalisation sans consentement, compte tenu de comportements dangereux.

Mais ce que vous ne dites pas à nos concitoyens, c'est que plus de la moitié des situations de crise sont le fait de malades connus qui ont interrompu leur traitement faute de personnels pour les suivre et de structures pour les accueillir quand ils en ont besoin. Une situation de crise susceptible de générer des comportements dangereux qui conduit ces malades, selon les cas, en prison ou dans un hôpital psychiatrique, d'office.

Si ce texte introduit, sur injonction du Conseil constitutionnel, l'intervention du juge des libertés et de la détention – ce qui est la moindre des choses s'agissant d'une privation brutale de liberté –, force est de constater qu'il ne prévoit aucun moyen pour permettre à la justice d'accomplir cette tâche supplémentaire.

Il n'en prévoit pas non plus en matière de santé. Nous le disons avec force : ce texte ne règle rien. Il a même vocation à aggraver la situation actuelle parce qu'il repose sur une conception erronée de la maladie mentale et de son traitement, du rôle du psychiatre et de la place, à ses côtés, des autres soignants et des travailleurs sociaux.

Dans le domaine de la maladie mentale, plus que dans tout autre, la prise de conscience de la nécessité du traitement et l'adhésion du patient aux modalités mises en oeuvre sont déterminantes.

Cela exige d'importants moyens : des moyens humains, avec des personnels formés, des moyens en temps, que la tarification à l'activité nie dans son essence même, des moyens en structures d'accueil hospitalières publiques mais aussi en secteur ouvert.

Ce texte ne comporte aucune mention des mille postes de psychiatres hospitaliers actuellement vacants. Pas un mot non plus sur la misère des centres médico-psychologiques des hôpitaux de jour, des foyers et des centres d'accueil thérapeutique.

Vous envisagez même de mettre en place des traitements sans consentement à domicile, sans doute parce que, faute de mesurer l'impossibilité d'une mise en oeuvre concrète, vous avez conscience de la pénurie de structures ouvertes pour suivre et accueillir ces patients.

Et vous voudriez nous faire croire que sans toucher à cela, vous allez réduire la dangerosité de certains malades mentaux ? Ce n'est tout simplement pas possible, et vous le savez, ce qui est d'autant plus inacceptable.

Il s'agit encore une fois d'une loi d'affichage, d'un leurre. Cette loi n'est pas seulement inutile, elle est contre-productive et dangereuse. C'est pourquoi le groupe GDR, dans la totalité de ses composantes, votera contre ce projet de loi sans hésiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. Jean-Luc Préel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'objet de ce texte est essentiel en démocratie, mais particulièrement complexe.

En effet, nous devons tenter de parvenir à un juste équilibre entre la liberté de la personne et la nécessaire protection de la personne elle-même, de ses proches, des soignants et de la société, tout en étant conscients du fait que le risque zéro n'existe pas. En outre, il nous faut faire abstraction des faits divers et éviter de légiférer sous le coup de l'émotion. Nous attendons donc tous le grand plan de santé mentale qui nous a été annoncé.

La loi du 17 juin 1990 aurait dû être réformée depuis longtemps. Il était du reste prévu qu'elle soit révisée tous les cinq ans.

Ce projet de loi prend en considération la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

L'article 66 de la Constitution requiert que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle, afin d'éviter les décisions arbitraires liées à des intérêts personnels ou politiques. Le Conseil constitutionnel a estimé que l'hospitalisation sous contrainte ne pouvait être prolongée plus de quinze jours sans l'intervention d'un juge. C'est une bonne nouvelle pour les libertés individuelles et le respect des normes européennes, mais cette décision sera difficile à appliquer.

En effet, définir la dangerosité d'une personne, le plus souvent dans l'urgence, porter un diagnostic sur sa pathologie, décider d'administrer les soins en milieu ouvert ou en milieu fermé est particulièrement délicat. Cela suppose une longue expérience, que seuls possèdent les experts. Mais ces derniers ne sont pas à l'abri d'erreurs, d'autant que la démographie des professionnels de santé ne laisse guère de temps à chacun d'entre eux.

Dans ce domaine où intervient l'autorité administrative, le chemin est étroit entre la lettre de cachet et la liberté de la personne, même si celle-ci peut être dangereuse pour elle-même, pour ses proches ou pour la société. Des drames inattendus – souvent médiatisés – peuvent survenir : il est difficile de prévoir un raptus.

Le texte est équilibré. Il prévoit notamment qu'un protocole de soins, défini avant la soixante-douzième heure par un psychiatre de l'établissement, détermine le type de soins, le lieu où ils seront administrés et leur périodicité ; il autorise les soins en établissement, bien sûr, mais aussi en ambulatoire. En outre, il fait intervenir le juge des libertés au quinzième jour, puis tous les six mois, ainsi qu'un collège pour les patients dits difficiles, et il renforce le rôle des commissions départementales des soins psychiatriques.

Certains jugent ce texte sécuritaire. À nos yeux, il permet au contraire de mieux protéger la personne hospitalisée sans son consentement. Nous souhaitons que le patient soit acteur de sa santé en toute circonstance, mais ce principe est d'application délicate lorsque le patient n'a pas conscience de sa dangerosité. Il faut toutefois le protéger contre des tiers mal intentionnés ou intéressés, ou contre des abus de l'État, qui pourrait souhaiter mettre des opposants en lieu sûr en les faisant passer pour déviants ou malades.

Je le répète, ce texte est équilibré, même s'il sera difficile à appliquer, pour plusieurs raisons. Il multiplie le nombre de certificats requis alors que la démographie des psychiatres est problématique. En outre, les juges des libertés seront-ils suffisamment disponibles pour prendre 30 000 décisions par an ? Et sur quels arguments se fonderont-il ? La composition du collège n'est pas plus satisfaisante, car elle intègre un cadre infirmier alors qu'il appartient aux psychiatres de décider. L'obligation faite au psychiatre de dénoncer son patient si celui-ci ne se conforme pas au projet de soins pose un véritable problème déontologique et éthique. Enfin, la sectorisation de la psychiatrie n'est pas réellement intégrée.

Malgré ces problèmes importants, dont j'espère qu'ils seront résolus au cours de la navette parlementaire, le groupe Nouveau Centre votera ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte du palais.

Pour le groupe UMP, la parole est à M. André Flajolet.

Debut de section - PermalienPhoto de André Flajolet

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'objet de ce texte est extrêmement délicat. À la croisée des libertés individuelles, de la protection des personnes et de la sécurité publique, l'encadrement légal des soins psychiatriques – les seuls soins médicaux, rappelons-le, qui puissent être imposés – est une question grave, qui touche 70 000 personnes en France et éprouve autant de familles souvent désemparées.

Ce projet de loi leur apporte tout d'abord une solution concrète, attendue depuis longtemps, en créant une alternative à l'hospitalisation : les soins ambulatoires sans consentement.

En effet, les hospitalisations sous contrainte qui se prolongent ne sont pas adaptées à nombre de patients. Cette solution intermédiaire – que nous encadrons, en donnant au corps médical et à l'entourage les moyens de préserver la sécurité du patient – permettra donc d'améliorer le parcours de soins des patients, en les amenant, autant que possible, à une plus grande autonomie. Il s'agit, comme l'a dit notre excellent rapporteur, d'un changement de paradigme : en dissociant les troubles du consentement de l'enfermement systématique, on fait de ce dernier une modalité de soins parmi d'autres, et non plus la seule.

Par souci de cohérence, nous avons amélioré le texte, à l'initiative de Guy Lefrand, notre rapporteur, en confiant aux agences régionales de santé la gestion des urgences psychiatriques et en prévoyant un système de conventionnement entre les directeurs d'établissement psychiatrique et les acteurs concernés, afin d'assurer le suivi et l'accompagnement des personnes faisant l'objet de soins sans consentement sous forme ambulatoire.

Auparavant, nombre de patients vivaient une succession de sorties d'essai ; par ce texte, nous créons les conditions d'un meilleur suivi de leur parcours.

Nous serons donc très attentifs, madame la secrétaire d'État, à l'élaboration du plan de santé mentale que vous nous avez annoncé, et qui est indispensable à la réussite du nouveau dispositif. Nous veillerons également aux moyens nouveaux qu'il est nécessaire de consacrer à la santé comme à la justice.

En outre, nous renforçons les droits des patients. Le rôle donné au juge, qui exerce un contrôle systématique sur la prolongation d'une hospitalisation sans consentement au-delà de quinze jours, doit permettre d'instaurer un nouvel équilibre en la matière. Voilà pourquoi nous avons consacré l'essentiel de nos débats à tenter d'articuler le rôle du juge, celui de l'équipe soignante, celui du préfet en cas d'hospitalisation d'office et celui du tiers en cas d'hospitalisation à la demande d'un tiers.

Nous avons veillé à donner au juge la place qui lui revient, en en faisant, je l'ai dit, un rempart contre tout risque d'arbitraire et le garant des droits du malade, qu'il informe très régulièrement de ses droits et de son état de santé.

Nous avons également créé, à la demande du rapporteur, un droit à l'oubli lorsque les antécédents psychiatriques ne sont plus qu'un passé, et non un passif.

Nous n'avons pas pour autant oublié la sécurité de nos concitoyens, renforçant le dispositif encadrant la sortie d'hospitalisation lorsque la dangerosité potentielle du patient est importante, en donnant plus d'importance aux avis médicaux, le juge étant une fois de plus garant du bien-fondé des mesures d'enfermement.

Enfin, nous avons facilité l'accès aux soins en cas de péril imminent et en l'absence de tiers, ce qui devrait permettre de limiter les hospitalisations d'office, plus lourdes, aux seuls cas où elles sont réellement indispensables.

En fin de semaine dernière, la presse s'est fait l'écho du rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, à propos notamment des hospitalisations d'office. Je vois justement dans le rééquilibrage des rôles respectifs de l'équipe médicale, du préfet et du juge, élaboré au fil de nos discussions, une solution aux problèmes que ce rapport soulève.

Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d'État, et au terme de travaux de qualité, respectueux des sensibilités de chacun, le groupe UMP tient à apporter tout son soutien à ce texte, qui organise à long terme, de manière réfléchie, la délicate articulation entre le respect de la liberté de la personne, la protection de son intégrité et de sa dignité et la sécurité de la société tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après un débat trop bref, voici venu le moment du vote.

Vous le savez, ce projet de loi suscite des réactions négatives de la part de toute la communauté soignante.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Pourquoi ? Parce que ce texte bancal, inspiré par la logique du tout sécuritaire imposée par le Président de la République au mépris de toutes les mises en garde qui lui ont été adressées, est fondé sur la méfiance.

Méfiance vis-à-vis des patients, surtout les plus lourdement atteints, que l'on confond avec des criminels en puissance, alors qu'il s'agit d'abord de personnes en souffrance, le plus souvent victimes plutôt qu'auteurs.

Méfiance vis-à-vis du corps médical, puisque le préfet pourra s'opposer à la sortie de ces malades alors même que les médecins qui les soignent jugent leur état stabilisé.

Méfiance rétrospective, qui plus est, puisque l'on a institué une sorte de dossier psychiatrique – peut être devrions-nous parler de casier psychiatrique…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

… qui suivra la personne bien des années après sa sortie de l'hôpital, sans que nous ayons pu obtenir la moindre indication sur la durée de ce suivi, qui constitue en réalité une surveillance policière.

Il a fallu une décision du Conseil constitutionnel pour imposer le droit de regard du juge des libertés ; et nous avons été très surpris et déçus de constater que plusieurs amendements ne visaient qu'à encadrer ce droit de regard et à le subordonner à l'autorité administrative ou au procureur de la République.

Enfin, vous avez prestement étendu la notion de soins sans consentement, au-delà de l'hôpital, au suivi en ambulatoire. Du fait de ce changement de philosophie, que vous avez tous signalé, les équipes soignantes aborderont les malades avec défiance et crainte plutôt qu'en usant du dialogue, qui, si difficile puisse-t-il être, aurait permis de faire adhérer le patient à un traitement parfois très long et lourd. En outre, le contrôle et la pratique de ces soins sans consentement en ambulatoire n'ont fait l'objet d'aucune indication. Dès lors, l'intimité et le secret professionnel risquent d'être facilement piétinés.

Enfin ce texte ne remédie pas aux situations dramatiques que vivent des patients hospitalisés d'office dans des conditions qui ne sont ni éthiques, ni contrôlées juridiquement, ni validées médicalement, comme en a témoigné, récemment, le cri d'alarme du contrôleur général des lieux privatifs de liberté.

Nombre de ces mauvaises pratiques doivent être mises en rapport avec le manque criant de moyens humains dont souffre l'offre de soins psychiatriques dans notre pays. Ainsi, mille postes de psychiatres ne sont pas pourvus dans nos hôpitaux publics ; des demandes de consultation pour des patients en crise ne sont pas satisfaites avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour les adolescents, par exemple ; les lits d'hospitalisation aiguë sont de plus en plus rares et les structures d'aval – foyers thérapeutiques, appartements d'accueil, hôpitaux de jour, consultations en centre médico-psychologique – de plus en plus souvent victimes de restrictions budgétaires graves. Les crédits de recherche alloués à la psychiatrie sont insignifiants.

De ce fait, nos rues et nos prisons sont remplies de personnes malades, abandonnées, pas du tout ou très mal suivies alors que leur état de santé mentale est très dégradé.

Il y a cinquante ans, la psychiatrie française, en ouvrant résolument les portes de l'asile, comme l'on disait à l'époque, et en fondant le soin de santé mentale sur l'organisation en secteurs psychiatriques, entamait un parcours novateur, qui a donné l'exemple à bien des pays. Aujourd'hui, la psychiatrie française est sinistrée et ce projet de loi, par ses présupposés sécuritaires, nous renvoie en arrière, avant même la loi fondatrice de 1838.

Face à cette déconvenue, qui ne causera que souffrances aux patients, à leurs familles et aux professionnels de la santé mentale, le groupe socialiste vous appelle, mes chers collègues, à refuser ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 417

Nombre de suffrages exprimés 413

Majorité absolue 207

Pour l'adoption 266

Contre 147

(Le projet de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de MM. Christian Jacob, Jean-François Copé, Pierre Lequiller, Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Guy Geoffroy sur l'égalité entre les femmes et les hommes en 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Jacob.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Madame la présidente, madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, mes chers collègues, je suis très heureux que nous soyons réunis aujourd'hui pour examiner cette proposition de résolution. Le texte que nous nous apprêtons à voter est important : il se situe dans la continuité des mesures que notre majorité a déjà prises pour améliorer la situation des femmes ; il est aussi l'aboutissement d'un travail mené en commun avec les députés allemands de la CDU-CSU.

Notre groupe parlementaire a en effet voulu, sous l'impulsion de Jean-François Copé, consolider les liens qui nous unissent à la CDU-CSU pour poser les premiers jalons d'un G2 franco-allemand, dont la première réunion officielle s'est tenue ici, à l'Assemblée nationale, au mois de février dernier.

Je salue l'implication de nos collègues au sein des groupes de travail communs, et notamment de Marie-Jo Zimmermann et Guy Geoffroy – assis l'un à côté de l'autre pour cet important événement. (Sourires.) Ils ont su transformer ces rendez-vous en véritables rencontres. Je me félicite de l'état d'esprit constructif qu'ils ont su créer, car nos relations avec nos collègues allemands ont vocation à se renforcer.

Nous avons tout à gagner à construire un véritable axe franco-allemand, reposant sur des choix stratégiques communs et sur des relations de confiance. Nos deux pays ne peuvent s'ignorer : nous sommes voisins, nous représentons à nous deux 50 % du PIB de la zone euro ; nous devons faire face aux mêmes défis pour préparer l'avenir.

Au lieu de n'être que des concurrents, nous devons être des partenaires. Le travail parlementaire me semble être le niveau adéquat pour confronter les points de vue sur des questions aussi diverses que la politique d'intégration, la traçabilité sociale, la politique budgétaire et fiscale, en favorisant toujours une convergence vers le haut.

Ce texte s'inscrit dans la continuité des mesures, nombreuses, que la majorité déjà prises depuis 2007 : je pense surtout à la loi sur les femmes dans les conseils d'administration – dans les 2 000 premières entreprises de France, ils devront, je le rappelle, comporter d'ici à 2015 40 % de femmes – et aux dispositions relatives à l'égalité professionnelle contenues dans la loi portant réforme des retraites, avec notamment l'instauration d'une pénalité pour les entreprises qui ne négocient pas sur ce sujet.

La France et l'Allemagne présentent de fortes similarités : les écarts de rémunération pour un emploi à temps plein avoisinent 20 % en France, 23 % en Allemagne ; la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale est difficile, tout comme l'accès des femmes aux postes de responsabilité. Enfin, les secteurs les plus féminisés sont aussi les moins valorisés et les plus précarisés.

En France ou en Allemagne, le tableau est le même ; sans surprise, les recommandations sont les mêmes. Marie-Jo Zimmermann les évoquera tout à l'heure beaucoup mieux que je ne pourrais le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Nous demandons aujourd'hui au Gouvernement d'agir pour que l'égalité de droits que nous avons votée dans cet hémicycle devienne une égalité de fait. Pour que cette égalité s'applique sur le terrain, notre action doit changer de nature ; pour faire de l'égalité des chances une réalité, elle doit mobiliser l'ensemble des acteurs, politiques, économiques, sociaux, éducatifs, de notre pays.

Nous souhaitons que chacun et chacune puisse exercer ses talents et sa liberté de choix sans se heurter aux discriminations liées à la différence des sexes.

Tel est, mes chers collègues, le message que je vous demande d'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, clause de l'Européenne la plus favorisée, violences faites aux femmes, présence des femmes dans les conseils d'administration : les droits des femmes sont devenus au cours de cette législature l'un des rares sujets qui réunissent l'ensemble des groupes politiques non seulement autour d'un constat partagé, mais également sur l'affirmation que l'égalité entre les femmes et les hommes, partie intégrante de nos valeurs et des principes de notre République, doit être prise en compte par l'ensemble des politiques publiques.

Mais le combat pour l'égalité ne saurait se contenter d'une unanimité de façade au Parlement, dès lors que le Gouvernement n'a pas la volonté forte et réelle de faire progresser concrètement l'égalité.

Je ne ferai pas, madame la ministre, le procès de votre engagement féministe, que je sais sincère. Mais quel crédit pouvons-nous accorder à l'affirmation selon laquelle vous êtes la ministre des droits des femmes, lorsque dans le même temps Xavier Bertrand déclare qu'un tel ministère n'est pas la meilleure solution pour lutter contre les inégalités ?

Quel crédit accorder à votre capacité de réduire les inégalités lorsque le Président de la République est dans le déni et déclare que « la vie des femmes ressemble aujourd'hui à celle des hommes », ou lorsque le ministre du travail nous explique que les inégalités de retraites se régleront d'elles-mêmes parce qu'il n'y a plus d'inégalités pour les générations nées après 1956 – ce même ministre tardant pourtant à signer le décret d'application d'un article de la loi sur les retraites, qui prévoit des sanctions contre les entreprises qui ne s'engagent pas pour l'égalité professionnelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Quel crédit accorder à votre capacité d'action lorsque le ministre de l'intérieur nie la progression de 13 % des violences sexistes sur la voie publique, en la confondant avec la révélation de faits de violences conjugales ?

Cette résolution, par laquelle le groupe majoritaire rappelle au Gouvernement que sa mission première est de faire appliquer les lois, constitue un aveu inquiétant.

Nous nous inquiétons d'une rédaction a minima dont les indignations sélectives semblent vouloir exonérer les pouvoirs publics de toute responsabilité dans la marche vers l'égalité.

Les exemples sont nombreux.

Souhaiter que les entreprises appliquent les lois existantes en matière d'égalité professionnelle, c'est très bien ; mais pourquoi alors repousser à 2012 l'application de sanctions à l'égard de celles qui ne respectent pas ces lois, alors que le calendrier engageait le Gouvernement à le faire avant la fin de l'année dernière ?

Insister sur la nécessité d'améliorer quantitativement et qualitativement l'accueil de la petite enfance, c'est très bien ; mais comment comprendre que dans le même temps un décret dégrade les normes d'accueil, tant au niveau du taux d'encadrement des enfants que de la formation des professionnels ?

Comment, encore, ne pas rappeler que la libre articulation entre la vie familiale et professionnelle repose sur un accès effectif des femmes au droit de maîtriser leur vie sexuelle et reproductive ?

Encourager les pères à s'impliquer dans l'éducation des enfants, c'est très bien ; mais pourquoi ne pas leur offrir les outils législatifs, comme un congé paternité obligatoire, qui garantiraient leurs droits contre les pressions d'employeurs qui considèrent encore trop souvent que la vie familiale est le domaine exclusif des femmes ?

Féliciter les entreprises qui devancent la contrainte de la loi pour faire accéder des femmes aux postes de responsabilité, c'est très bien ; mais comment ne pas souhaiter dans le même temps que les pouvoirs publics soient exemplaires ? Pourtant, le nombre de femmes au Gouvernement ne cesse de diminuer, pour atteindre aujourd'hui 32 % ; trois femmes quittant le CSA ont été remplacées par une femme et deux hommes ; il n'y a plus qu'une femme sur onze parmi les membres du Conseil constitutionnel, contre deux jusqu'en 2010 ; la réforme territoriale va substituer à un mode de scrutin paritaire un mode de scrutin qui conduit à l'élection de moins de 20 % de femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Ueberschlag

Mais c'est ridicule, comment peut-on dire des choses pareilles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Après bientôt dix ans au pouvoir de votre majorité, le temps n'est plus aux grandes déclarations d'intention. Je garde un souvenir amer du vote de la résolution sur la clause de l'Européenne la plus favorisée : après avoir rendu un hommage vibrant au travail exemplaire de Gisèle Halimi et promis d'en défendre le principe auprès de nos partenaires européens, la France n'a pas cru bon d'envoyer ne serait-ce qu'un secrétaire d'État au sommet de Valence consacré à l'égalité entre les hommes et les femmes. Et nous attendons toujours le rapport promis pour le 31 décembre.

Si le Gouvernement avait le courage de déposer des projets de loi qui fassent progresser l'égalité professionnelle en les assortissant de véritables sanctions, de rendre le congé de paternité obligatoire, d'imposer la parité, de donner les moyens aux services des droits des femmes, aux centres d'orthogénie, et j'en passe ; si le Gouvernement montrait la volonté de faire avancer les droits des femmes au travers d'une politique dynamique, alors les socialistes seraient au rendez-vous pour soutenir ses propositions et les enrichir. Pour l'instant, nous attendons des actions concrètes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 1791, Olympe de Gouges rédigeait la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Premier document à évoquer l'égalité juridique des femmes par rapport aux hommes, cette déclaration avait été rédigée afin d'être présentée à l'Assemblée nationale. Refusée par la Convention, elle est restée à l'état de projet.

Ce triste sort n'est-il pas le reflet de ce que nous vivons encore aujourd'hui, deux cent vingt ans plus tard ?

Certes, depuis 1791, des progrès ont été accomplis, des révolutions ont eu lieu. Je ne vais pas retracer l'histoire de ce combat en faveur de l'égalité des sexes, rassurez-vous. Je souhaite appeler votre attention sur tout autre chose, en l'espèce, l'honnêteté et l'honnêteté intellectuelle notamment.

Comme aujourd'hui, cette assemblée entend régulièrement des déclarations. Les oratrices et orateurs déclament ; l'égalité est proclamée ; les applaudissements retentissent. Au final, qu'en est-il ? Des mots, encore des mots… Combien de fois les lois adoptées ont-elles été bafouées, les grands principes d'égalité mis à mal par vos politiques ?

Permettez-moi de citer quelques exemples : les plannings familiaux qui manquent de moyens, des centres d'IVG qui sont fermés ; la réforme des retraites qui touche de plein fouet les femmes et qui va faire empirer leur situation – déjà, en 2004, la moitié des femmes retraitées avaient une pension inférieure à 900 euros, contre 20 % des hommes ; la parité dont on parle beaucoup, mais en faveur de laquelle vous agissez peu.

Au contraire, même, à fort dosage de testostérone, la composition des futurs conseils territoriaux risque d'illustrer la politique discriminante que vous mettez en place. Et je ne parle pas de la parité sur les bancs mêmes de cette assemblée ! Avec seulement 111 femmes sur 577 députés, la représentation féminine dans notre assemblée est inférieure à celle du Rwanda, et les sanctions financières ne font en rien évoluer la situation.

L'exposé des motifs de votre proposition de résolution énonce : « Il est temps de faire coïncider égalité de droit et égalité effective ». Je partage pleinement cette exigence. Mais qu'attendez-vous ? C'est bien votre majorité qui est au Gouvernement !

Est-il bien raisonnable de souhaiter, dans l'article 1er de la proposition de résolution, « l'application stricte de l'ensemble des lois relative à l'égalité entre les hommes et les femmes » ? Pour nombre d'entre nous, il n'est pas compréhensible que le Gouvernement que vous soutenez ne mette pas en place les mesures permettant de donner réalité à ce principe d'égalité.

Le catalogue que vous nous proposez à travers cette proposition montre votre incapacité à mettre en oeuvre les lois que vous faites voter.

J'aurais peut-être dû vous proposer de compléter le texte par un septième point ainsi rédigé : « Demande la démission du Gouvernement, devant le constat d'impuissance dans lequel il se trouve pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Les mots ne suffisent plus. Des mesures concrètes sont nécessaires pour corriger les fortes inégalités entre les hommes et les femmes.

Par honnêteté intellectuelle vis-à-vis des Françaises et Français, il aurait convenu, avant de déposer une telle proposition de résolution, de regarder honnêtement ce que vous ne faites pas. Je pense notamment aux décrets d'application non promulgués.

Je me suis associée à la CADAC, au planning familial et à des associations féministes dans leur initiative de recours gracieux pour non-application de la loi du 4 juillet 2001, rendant obligatoires une information et une éducation à la sexualité dans les établissements scolaires. De nombreuses femmes attendent la réouverture des centres de proximité, mais aussi la gratuité de l'IVG ainsi que de l'ensemble des moyens contraceptifs. Et je ne parle pas de la réforme des retraites et de ses impacts discriminant sur les femmes.

Plus encore, j'attends le jour où le Gouvernement aura le courage de prendre des mesures sanctionnant le manque de résultats. En Norvège, une loi oblige les grandes entreprises à nommer au moins 40 % de femmes dans leur conseil d'administration. En France aussi, depuis peu, à la différence que si cette obligation n'est pas respectée en Norvège, le conseil d'administration est dissous. Ici, on menace, d'on ne sait trop quoi d'ailleurs.

De manière générale, l'égalité entre les hommes et les femmes nécessite une politique volontariste dans les domaines de l'éducation, de la formation, de l'emploi, de la lutte contre les stéréotypes. Votre proposition de résolution occupe certes le terrain, mais elle est d'une affligeante inefficacité. Elle montre votre incapacité à agir, elle vous discrédite.

Mesdames et messieurs de la droite, nous voulons des actes, pas des déclarations d'intention que vous ne cessez de renier ensuite. Devant tant d'hypocrisie, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 a introduit dans la Constitution la parité politique entre les femmes et les hommes, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 portant modernisation des institutions de la Ve République l'a promue à l'article 1er comme un symbole : l'exigence d'égalité. Cela dit, elle ne doit pas rester un symbole. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le principe d'égalité entre les hommes et les femmes en tant que nouvelle valeur commune à l'ensemble des États membres de l'Union a été introduit en 1997 par l'article 2 du traité d'Amsterdam. Ce principe a conféré une dimension transversale à la promotion de l'égalité entre hommes et femmes, intégrée à toutes les politiques communautaires. Quant à la stratégie communautaire actuelle, elle est fondée à la fois sur l'intégration de la dimension de l'égalité dans toutes les politiques et actions communautaires et sur la définition d'actions spécifiques en faveur des femmes en vue d'éliminer les inégalités persistantes.

La « clause de l'Européenne la plus favorisée », promue dès 1979 par Gisèle Halimi, est une proposition politique destinée à « faire choix dans chaque État membre, du droit des femmes au niveau le plus élevé et à en doter l'Européenne, en un statut unique ». Il s'agissait notamment de réaliser des études comparatives et d'en déduire des propositions visant à unifier le statut juridique des femmes européennes, de diffuser les études et les propositions à l'ensemble des pays membres et d'engager des négociations, ce qui demande du temps.

Notre société a su, je crois, ces dernières décennies, grâce à l'action convaincue et volontaire des femmes, de leurs représentantes, mais aussi d'hommes qui y sont très attachés, montrer sa formidable capacité de transformation en matière de droits des femmes. Aujourd'hui pourtant, elle est confrontée à ses propres pesanteurs sociales et historiques, puisque la France demeure très en retard dans l'application du principe de parité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Les auteurs de la présente proposition de résolution rappellent ainsi qu'en dépit des avancées significatives au plan législatif et sociétal, de nombreuses inégalités persistent.

Et d'abord sur le marché du travail, où les femmes occupent plus souvent des emplois précaires, peu valorisés ou à temps partiel, la plupart du temps les plus difficiles ; des postes à égalité de responsabilité avec leurs collègues masculins mais moins bien rémunérés à qualification équivalente. Ces différences n'ont aucune logique objective et doivent s'atténuer rapidement, puis disparaître.

À tous les niveaux de l'entreprise, des emplois non qualifiés aux fonctions d'administrateur, une partie des femmes se heurtent à des blocages qu'on appelle « temps partiel subi » pour les plus précaires ou « plafond de verre » pour les plus diplômées.

Le Nouveau Centre partage ce constat et souhaite insister sur la nécessité de lutter contre les inégalités via les véhicules législatifs, car ils sont des symboles forts, mais souhaite également insister sur la nécessité de faire changer les moeurs et stéréotypes en privilégiant une approche globale du problème. À cette occasion, nous voulons redire à quel point le rôle de l'éducation est important.

La parité n'est pas seulement une question de chiffres, mais aussi, et avant tout, de mentalité, ne l'oublions pas ! À cet égard, la proposition de résolution a le mérite de rappeler la responsabilité de tous les acteurs de la société dans la mise en oeuvre réelle de la parité : les parents vis-à-vis de leurs enfants, les professeurs vis-à-vis de leurs élèves.

Ce n'est qu'en motivant et en mobilisant tous les acteurs que nous pourrons évoluer vers une réelle parité. Il faut en appeler à la responsabilité citoyenne et collective pour lever un à un tous les obstacles concrets à ce nouveau partage de responsabilités entre les femmes et les hommes, et valoriser toutes les actions et les démarches qui permettent de progresser dans cette voie. À ce titre, il est important d'agir, au plan éducatif, dès le plus jeune âge pour que les valeurs de l'égalité soient ancrées dans les comportements de nos concitoyens les plus jeunes.

Mais, nous le savons tous, la promotion du droit des femmes est un long chemin qui requiert détermination mais aussi patience. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

La proposition de résolution a le mérite de rappeler les faits et la nécessité de continuer à oeuvrer pour la parité. Si, depuis le 23 juillet 2008, l'article 1er de la Constitution dispose que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales », c'est aussi à nous, parlementaires, et au Gouvernement qu'il appartient de donner à ce principe une existence indiscutable.

Pour le Nouveau Centre, il importe de commencer à intervenir plus tôt sur la promotion de l'égalité, et ceci de façon durable. Vous l'aurez compris, notre groupe votera cette proposition de résolution,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

…car il est bien évidemment du devoir de notre assemblée et de notre responsabilité de continuer de lutter pour un principe si fondamental au respect de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en préambule, de saluer le travail extrêmement efficace du président Copé et du président Jacob. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est bien à leur initiative que les députés de l'UMP et de la CDU ont choisi de renforcer le droit des femmes. Je tiens donc à les saluer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

L'objet du texte qui est aujourd'hui soumis à notre examen est issu d'une véritable collaboration en amont avec mes collègues députées allemandes de la CDU. Je le souligne parce que nos rendez-vous de travail se sont caractérisés par une entente et une correspondance de points de vue tout à fait inédites. Si notre législation offre des garanties plus importantes aux femmes françaises, une comparaison poussée sur la base d'indicateurs très simples – modes d'accueil des enfants, accès aux postes de responsabilité, écarts de salaires – nous montre que les femmes de nos deux pays se heurtent aux mêmes obstacles dans la construction de leur carrière et dans leur tentative de concilier vie de famille et vie professionnelle.

J'estime tout de même que nous avons franchi un pas de géant en votant l'obligation, pour les conseils d'administration des 2 000 premières entreprises françaises, de comporter au moins 40 % de femmes d'ici à 2017. Je remercie d'ailleurs l'ensemble de mes collègues, sur tous les bancs de cette assemblée, qui ont eu le courage de voter cette proposition de loi. Je reste convaincue que l'entrée des femmes dans les lieux de pouvoir renforcera à terme l'idée que, à tous les niveaux de l'entreprise, elles sont, comme les hommes, engagées dans la vie professionnelle, et pas seulement des mères de familles qui doivent gérer des dilemmes de priorités.

Nous avons également accompli un progrès notable en votant dans la loi portant réforme des retraites des pénalités financières pour les entreprises qui ne négocieraient pas sur l'égalité professionnelle, qui ne seraient donc pas couvertes par un accord et surtout par le rapport de situation comparée.

Il était plus qu'urgent de voter cette mesure, quand on sait qu'en 2008, sur les 1 085 accords de branche, seuls 5 % concernaient l'égalité professionnelle. Mais pour que ce dispositif de sanction marque un véritable progrès, il faut d'abord que son décret d'application paraisse. Il faut ensuite que ce décret soit suffisamment clair pour rendre la sanction applicable sans marge d'interprétation possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Madame la ministre, je sais que vous faites tout ce qui est en votre pouvoir…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

…pour que ce dossier trouve une heureuse conclusion au plus vite, et je vous en remercie.

La proposition de résolution que nous examinons aujourd'hui a précisément pour objet de faire le lien entre tout ce que nous avons déjà fait pour l'égalité, et qui peine à s'ancrer dans le réel, et tout ce qu'il reste à faire pour transformer l'essai, pour faire de l'égalité en droit une véritable égalité des chances, pour que l'égalité cesse d'être seulement un beau principe et s'inscrive naturellement dans notre réalité de femmes et d'hommes.

Le constat – Christian Jacob en a parlé – est très simple : malgré six lois sur l'égalité professionnelle, six lois sans compter les deux dossiers que je viens d'évoquer, celui sur les femmes dans les conseils d'administration et dispositions qui figurent dans la loi portant réforme des retraites, le verdict est sans appel : la France fait partie des élèves laborieux puisqu'elle est inscrite au quarante-sixième rang mondial…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

…sur 134 en matière d'égalité, selon un classement publié par le Forum économique mondial fin 2010.

En effet, il suffit d'évoquer ces chiffres, que nous avons beaucoup entendus le 8 mars dernier, pour illustrer notre réalité française : 47 % de femmes actives, 27 % d'écart de rémunération horaire brute entre les sexes. Ce qui creuse l'écart, ce sont les temps partiels, puisque 82 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes. Ce qui creuse l'écart, c'est aussi le fait que les femmes et les hommes n'occupent pas les mêmes emplois. Les secteurs dits à prédominance féminine, c'est-à-dire les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'action sociale, de l'administration, de l'aide à domicile, sont moins considérés et valorisés que les secteurs d'emplois mixtes ou masculins. Ce qui creuse l'écart enfin, c'est la propension des employeurs à considérer que les femmes sont moins disponibles, moins flexibles, moins mobiles, parce qu'elles ont des enfants.

Toutes ces explications témoignent du fait que les femmes sont globalement plus précarisées, moins reconnues. L'Union européenne a d'ailleurs instauré un Equal pay day, c'est-à-dire une journée dédiée aux inégalités salariales entre les sexes, qui a lieu le 5 mars. Le choix de cette date n'est pas innocent. Pour être payées autant que les Européens, les Européennes devraient travailler jusqu'au 5 mars de l'année suivante ! Le monde du travail devrait être, pour les femmes, un lieu d'épanouissement. Mais c'est trop souvent le lieu de la double peine : moins de perspectives professionnelles, plus de travail domestique. Elles assument 80 % des tâches domestiques, tandis que le temps que les hommes y consacrent a augmenté de huit minutes en treize ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

On voit bien que la loi ne suffit pas.

Avec cette proposition de résolution, nous faisons le choix du soft power : nous demandons au Gouvernement d'agir dans le cadre de ses politiques publiques pour mobiliser l'ensemble des acteurs économiques et éducatifs. Je rappellerai brièvement nos souhaits.

Nous souhaitons que les écarts de rémunérations diminuent significativement. Au niveau politique, cela signifie la publication très prochaine des décrets devant être pris en application de la loi portant réforme des retraites. Au niveau des entreprises, cela signifie la réalisation du rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi des femmes et des hommes, qui dresse un diagnostic sur lequel les partenaires sociaux pourront négocier efficacement. Dans les écoles et les universités, cela signifie un encouragement permanent pour pousser chacun à s'orienter selon son potentiel et non selon les valeurs féminines ou masculines rattachées aux différents métiers.

Nous souhaitons que l'accès des femmes aux postes de responsabilité se poursuive. Au-delà de la loi que nous avons fait voter sur la composition des conseils d'administration, il faut se rappeler que moins de 7 % des femmes siègent dans un comité de direction ou un comité exécutif. Dans les conseils de prud'hommes et au sein des institutions représentatives du personnel, elles doivent également poursuivre leur ascension.

Nous souhaitons que la parentalité ne soit pas taboue dans l'entreprise, que l'ensemble des salariés, femmes ou hommes, soient aussi considérés comme des parents qui sont tous susceptibles, un jour ou l'autre, d'aller chercher leurs enfants à l'école ou de prendre un congé parental. Le poids imaginé de la sphère familiale ne doit plus reposer seulement sur les épaules des femmes. On ne doit plus voir dans les femmes que des mères qui travaillent, mais on doit voir dans l'ensemble des salariés des parents qui gèrent leur double vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Concrètement, il faut encourager les entreprises à développer les crèches d'entreprises et les aides financières aux frais de garde. À cet effet, je tiens à saluer les initiatives qui avaient été prises par Nicole Ameline lorsqu'elle était ministre chargée de l'égalité professionnelle et de la parité.

Mais il faut aussi faire une petite révolution dans les mentalités. La France est le seul pays qui récompense le « présentéisme » ; en Allemagne ou en Suisse, on vous soupçonne plutôt d'être mal organisé quand vous passez vos soirées au bureau.

Nous souhaitons enfin que tous les efforts mis en oeuvre pour lutter contre les violences faites aux femmes et pour garantir la protection de leurs droits fondamentaux soient poursuivis.

La société doit être ouverte à tous les talents, à tous les choix, à toutes les ambitions. C'est pourquoi le combat qui nous attend sur l'égalité est le combat de tous. Il ne s'agit pas de transformer la volonté d'égalité en une lutte des sexes entre les femmes et les hommes. Il ne s'agit pas non plus d'un combat idéologique pour nier les différences entre les femmes et les hommes. Je reste dubitative devant certaines études qui mettent en avant les qualités féminines – plus douces, plus attentives, plus humaines –…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

… pour justifier leur valeur ajoutée.

Je crois surtout que la plupart des métiers requièrent un équilibre entre des qualités émotionnelles et des qualités intellectuelles, des qualités d'anticipation, de réaction, d'adaptation. Ces qualités sont les horizons de tous les travailleurs, à tous les niveaux, femmes ou hommes.

D'ailleurs, la lutte pour l'égalité n'est pas qu'une affaire de femmes. Sans la bonne volonté des hommes, des maris et des pères, il est vain de vouloir l'égalité. Ce que nous souhaitons, c'est que le partage de toutes les responsabilités soit possible, à l'extérieur comme à l'intérieur, dans la vie professionnelle comme dans la vie familiale.

Tel est le sens de la proposition de résolution que nous vous demandons d'adopter.

Je souhaiterais enfin rendre hommage au travail qui a été réalisé par Mme Bachelot. Depuis le début de sa vie politique, elle est au service des femmes. Je suis très heureuse que, pour cette fin de mandat, elle soit chargée des droits des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Merci, madame Zimmermann.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Je suis très heureuse que M. Jacob soit revenu en séance. Quant à M. Copé, il n'est pas là. Comme il est l'un des deux premiers signataires, il aurait été bon qu'il écoute au moins nos propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Il aurait été intéressant d'entendre le président de votre groupe sur cette question !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Mais il n'est pas signataire de cette proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Cela n'empêche pas qu'on aurait souhaité l'entendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 2011 il est injuste que les femmes n'aient pas les mêmes rémunérations que les hommes. Il est injuste qu'elles n'aient pas le même déroulement de carrière. Il est injuste qu'elles n'atteignent pas, sauf quelques symboles, les mêmes postes de responsabilité. Il est injuste que les femmes les moins diplômées soient cantonnées plus que les hommes dans les temps partiels, les très bas salaires, les horaires décalés et subissent la galère de la conciliation de tous les temps de vie.

Et pourtant, dans la deuxième moitié du xxe siècle, les femmes ont connu de formidables avancées. Dans notre pays, elles réussissent mieux leurs études que les garçons, elles sont entrées massivement dans le monde du travail et elles ont maintenu le plus fort taux de fécondité d'Europe, à la différence de l'Allemagne qui n'a pas connu ces mêmes avancées, comme vous l'avez dit, madame Zimmermann. Je le dis aux jeunes filles qui se trouvent dans les tribunes : j'espère qu'elles sauront conserver les avancées obtenues par celles qui les ont précédées, voire les faire progresser.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Alors pourquoi, en dépit de six lois sur l'égalité professionnelle, celle-ci reste une chimère ? Pourquoi, y compris dans la fonction publique, des progrès importants restent-ils à accomplir ? « On en parle moins car l'égalité semble y aller de soi. Pourtant les écarts de salaires y sont évalués à 15 % » : voilà ce qui figure dans le rapport que Mme Guégot a remis le 7 mars dernier au Président de la République.

Je ne crois pas, chers collègues, que votre résolution, pavée de bonnes intentions, fasse avancer la cause des femmes. Cette résolution est d'ailleurs bien silencieuse sur la nécessité de publier le décret d'application de l'article 99 de la loi sur les retraites, comme l'ont dit les unes et les autres, et notamment Mme Zimmermann. Il semble que le blocage ne vienne pas de votre ministère, madame la ministre, mais du ministère du travail qui se pose de nombreuses questions quant aux sanctions à infliger aux entreprises. J'espère que nous allons tous l'interpeller.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Nous le savons aujourd'hui, la loi seule ne suffit pas. Si l'égalité ne progresse plus en France c'est qu'elle connaît un blocage culturel, un blocage des mentalités, un blocage lié à une vision sexuée de notre société.

Les stéréotypes sur l'image de la place de l'homme et de la femme dans la société, sur la spécialisation des rôles et des tâches qui existent dès l'école, dans la famille, à l'arrivée des enfants, dans l'entreprise – et je ne parle pas de la vie politique – créent des verrous. Ce sont les principaux freins à l'égalité, des facteurs très puissants de discrimination.

Dans un rapport rendu en 2009, Mme Grésy soulignait déjà que les stéréotypes créent des blocages très difficiles à dépasser sur la place des femmes et des hommes dans la vie privée et au travail. En réalité, disait-elle – sans doute n'avons-nous pas fait suffisamment attention à cela – la clé de l'égalité ne se trouve pas dans les lois, mais dans le partage de toutes les tâches, des soins apportés aussi bien aux enfants qu'aux personnes dépendantes. Cette déspécialisation des rôles passe par l'éducation, la vie à la maison, où les femmes assurent encore 80 % des taches ménagères et les deux tiers de la parentalité, par l'école, dans le choix des métiers et de l'orientation, mais aussi et surtout au travail.

De nombreuses études, que nous n'avons pas assez exploitées, montrent que les femmes et les hommes souhaiteraient accorder plus de place à leur vie familiale et avoir un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle. La revue de la CFDT adressée aux cadres au mois de décembre 2010 avait un intitulé ainsi formulé : « Égalité, paternité, liberté ». Quelle belle devise qui cherche à concilier parité et parentalité !

Il faut dire et redire que la répartition sexuée des rôles est historique et sociale. Elle n'a pas de base naturelle. L'homme et la femme peuvent parfaitement partager les rôles et les responsabilités, sans remettre en cause leur identité.

C'est un nouveau modèle social que nous devons inventer et c'est pourquoi les politiques publiques y ont toute leur place – il ne s'agit pas que de la sphère privée – d'autant que ces questions de conciliation ont souvent conduit à des politiques et des aménagements en direction des femmes.

Il est prouvé aujourd'hui que les mesures ciblées sur les femmes depuis une vingtaine d'années sous forme d'incitation au retrait temporaire du travail aboutissent à des carrières interrompues, aux promotions moins favorables, aux parcours chaotiques. Elles se retournent contre les femmes et deviennent discriminatoires. Le congé parental issu de la loi de 1994 a fait chuter le taux d'activité des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Des recherches publiées par la revue de l'OFCE de juillet 2010 parlent de risque parental et confirment le lien entre naissance des enfants et discrimination au travail.

Pour une véritable égalité entre les femmes et les hommes, les politiques publiques doivent favoriser : un bon dispositif de garde des enfants ; un meilleur partage des tâches au sein du couple ; un congé de paternité beaucoup plus long qui permettrait aux jeunes hommes de prendre leurs responsabilités ; enfin et surtout une transformation profonde du fonctionnement des entreprises.

Entre les mots « parité » et « parentalité », il n'y a que cinq lettres, mais leurs enjeux sont étroitement imbriqués et sont fondamentaux.

Ne peut-on envisager, comme en Espagne, une loi-cadre qui rationaliserait toutes les mesures en direction des femmes, avec la symétrie pour les hommes, grâce à des études d'impact sérieuses, comme nous le demande le médiateur ce matin ?

Il faut que les individus soient à la fois parents, citoyens, travailleurs et puissent exercer ces rôles de façon équilibrée. Il faut changer les principes qui organisent notre société et parvenir à l'égalité réelle entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

La première question que l'on peut se poser à la lecture de la proposition de résolution est de savoir à quoi elle peut bien servir. J'ai bien entendu l'ode de M. Jacob à la coopération entre l'UMP et la CDU, mais je ne vois pas très bien, en l'occurrence, où se trouve l'intérêt des femmes. Si l'UMP considère à ce point urgente la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes, pourquoi n'en tirez-vous pas la conséquence ? Pourquoi ne soumettez-vous pas enfin au Parlement un texte qui passe de l'obligation de moyens à l'obligation de résultats quant à l'égalité salariale, ainsi que l'ont proposé les députés communistes et ceux du parti de gauche dans une proposition de loi déposée le 8 mars dernier et qu'ils sont tout prêts à faire voter avec vous ?

Le candidat Nicolas Sarkozy, dans son discours du 6 avril 2007, déclarait : « Je donnerai deux ans aux entreprises pour aligner les salaires des femmes sur ceux des hommes sous peine de sanctions car cela fait cinquante ans que, sans sanctions, on n'y arrive pas. » Cela va bientôt faire quatre ans que les promesses de Nicolas Sarkozy n'ont pas abouti.

Cette promesse avait été relayée par Xavier Bertrand, alors ministre du travail, en 2007 puis en 2009 : il préconisait « des sanctions financières suffisamment importantes pour être dissuasives ». Le même ministre est le spécialiste des promesses non tenues puisque, le 8 mars dernier, il nous avait ici même annoncé la parution imminente du fameux décret sur les retraites, décret que nous attendons encore.

La persistance des inégalités et le quotidien des femmes imposent une réaction à la hauteur des enjeux. Des discriminations fondées sur le genre ne peuvent être combattues par de grandes déclarations annuelles mais appellent une loi contraignante.

La moitié des entreprises de plus de cinquante salariés ne respectent toujours pas l'obligation d'établir un rapport de situation comparée entre femmes et hommes et tant que le décret n'aura pas paru, la situation ne risque pas de s'améliorer.

Votre résolution passe aussi sous silence la situation de précarité – nos collègues l'ont rappelé – dans laquelle se trouvent les femmes qui représentent 80 % des 3,7 millions de travailleurs pauvres, 78 % des emplois non qualifiés et 83 % des temps partiels – souvent, en ce qui concerne les femmes, des temps partiels imposés.

Il ne suffit pas de demander l'application stricte de la loi ; encore faut-il la faire appliquer. Voilà pourquoi nous demandons le renforcement des moyens de l'inspection du travail…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

…parce que les contrôles du respect de la législation du travail sont de plus en plus réduits, faute d'inspecteurs et de contrôleurs du travail.

D'une façon plus générale, c'est toute l'organisation de la société qu'il faut revoir pour sortir de la société patriarcale. Or ce n'est pas, contrairement à ce que prétend l'UMP, en flexibilisant davantage le travail que la situation des femmes va s'améliorer.

Il faut au contraire que la collectivité garantisse aux femmes la possibilité de se libérer de leur double journée de travail ; qu'elle permette l'articulation et non la conciliation, ce qui ne revient pas au même. Cela passe par l'existence d'un vrai service public de la petite enfance qui fournisse aux familles la garantie qu'elles disposeront de places en crèche, à l'inverse des politiques menées actuellement. Cela passe aussi par une politique de réduction du temps de travail…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Vous n'allez tout de même pas préconiser les 32 heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

…qui permette aux hommes et aux femmes de bénéficier d'espaces de vie pour, à la fois, exercer un travail et s'occuper de leur famille et d'eux-mêmes. Avec les 35 heures, les hommes ont commencé à se réapproprier certaines tâches ménagères ; cette dynamique doit être amplifiée de façon équitable.

Il faudrait en outre que la réalité ne contredise pas le droit à l'interruption volontaire de grossesse puisque l'on ferme des centres IVG.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Il conviendrait également que les moyens contraceptifs et les traitements hormonaux soient pris en charge par l'assurance maladie. Enfin, nous devons avoir la volonté de lutter contre les stéréotypes sexistes dans la publicité dans la mesure où l'on déplore une nette régression en la matière.

Je constate que la place de la femme dans les lieux de décision des entreprises fait l'objet de nombreuses déclarations mais que, à l'instar de la loi sur la représentativité au sein des conseils d'administration, peu est réalisé pour obtenir une égalité réelle dans les entreprises entre femmes et hommes. Cette loi ne concerne du reste qu'une infime partie des salariés.

De la même façon, rien dans la résolution n'évoque la place des femmes en politique. Est-ce parce qu'on ne compte que 27 % de femmes au Gouvernement – malgré l'engagement d'y respecter la parité –, et seulement 18 % de femmes à l'Assemblée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Cette question est pourtant centrale dans le monde politique. Malheureusement, alors que les vingt dernières années avaient permis des avancées, nous savons qu'avec la loi sur la réforme des collectivités territoriales nous entrons dans une période de régression totale.

Certes, rien ne prédispose à voter contre cette proposition de résolution mais rien ne pousse non plus à voter en sa faveur. Arrive un moment où nous sommes fatigués des belles paroles annuelles – cette année nous y aurons eu droit à deux reprises, le 8 mars et aujourd'hui – suivies de si peu d'actes.

Nous ne voterons pas ce texte, non qu'il contienne des dispositions inacceptables, mais aucune ne semble devoir servir à quoi que ce soit. Les députés du groupe GDR s'abstiendront donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

J'entends dire que ce débat n'apporterait rien de neuf, qu'il serait l'occasion de parler de régression plus que de progrès, qu'on estime qu'il ne servirait de rien de voter la présente proposition de résolution. Ne pourrions-nous pas saisir plutôt l'occasion de l'examen de ce texte proposé par la majorité pour essayer d'aller au-delà de ce qui est susceptible de nous séparer sur ces questions et qui, j'en suis convaincu, reste infime par rapport au corpus de plus en plus important qui, au contraire, nous rassemble et nous permet d'avancer ?

Quel est, pour les signataires de la proposition de résolution, l'enjeu d'une telle invitation au débat, d'une telle invitation à progresser ensemble ? Il est multiple. Il s'agit, dans un premier temps, d'inviter à la réflexion non seulement à l'échelle nationale – échelle importante et à laquelle tout n'est pas réglé –, mais également au niveau de l'Union européenne dont chaque pays a sa manière d'envisager ces questions, certains étant plus avancés, d'autres ayant plus de progrès à faire.

Cette invitation de la part de Jean-François Copé, de Christian Jacob, de Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes, de Marie-Jo Zimmermann et de votre serviteur à réfléchir à cette question au plan européen, est probablement utile, positive. Nous ne nous contentons pas d'incantations sur tout ce qui reste à réaliser. La présente proposition répond à l'effort réclamé par la société – en particulier par la jeunesse. Ce projet mérite que nous nous efforcions d'aller dans la même direction plutôt que de nourrir nos différences.

Ensuite, cet échange est utile : qu'il s'agisse de droit européen, ou national – de nature constitutionnelle ou simplement législative – l'ensemble des considérants de la proposition de résolution indiquent les sujets sur lesquels nous devons impérativement progresser, et aboutissent à six propositions qui résument une ambition que nous pouvons partager.

Ainsi, nous sommes parvenus à un moment de notre action publique où nous ne pouvons plus prétendre régler séparément une multitude de petits problèmes qui participent en fait d'un ensemble cohérent comme la dignité de la personne humaine. Il s'agit en effet de savoir quelles politiques publiques définir pour répondre aux légitimes revendications d'une société moderne comme la nôtre en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, revendications de mieux en mieux admises et qui doivent nous conduire à lutter sans cesse, implacablement, contre tout type de violence et en particulier contre les violences de genres qui sont, en France, loin d'avoir disparu, bien au contraire.

Il est par conséquent important que nous soyons réunis aujourd'hui à l'initiative du groupe UMP – mais d'autres groupes auraient pu eux aussi la prendre – pour participer à cet échange et demander au Gouvernement – vous savez, madame la ministre, que vos réponses sont très attendues – ce qu'il entend faire pour prolonger l'effort entrepris. Il s'agit de donner à cet effort un peu plus de réalité dans le quotidien, autrement dit de dépasser le cap des déclarations, de l'incantation souvent nécessaires mais toujours insuffisantes – et sur ce point nous rejoignons certains de nos collègues de l'opposition. Il faut actionner de façon cohérente, les uns après les autres, tous les leviers devant permettre à la France de progresser.

Sur le fond, personne ne sera étonné que j'aborde la question des violences. Deux lois importantes, celle de 2006 et celle de 2010, nous ont permis d'avancer sur la question douloureuse des violences contre les femmes. Nous avons alors, tout le monde en convient, accompli un geste fort, intelligible et intelligent. Chacun reconnaît que ces lois ont permis à la société, dans toutes ses dimensions, de prendre conscience d'un phénomène particulièrement scandaleux, de prendre conscience qu'il fallait avoir le courage d'inscrire dans la loi des dispositions qui n'y figuraient pas.

Mieux former, mieux prévenir, mieux accompagner, mieux protéger, mieux lutter par la loi contre les violences, par des sanctions pénales si nécessaire, se révélait indispensable et nous sommes en train d'y parvenir.

Dans la présente proposition de résolution, nous rappelons tout ce qui a été réalisé et nous insistons sur l'importance de tout ce qui reste à accomplir dans des domaines déjà inventoriés et étudiés. Personne ne pourra nier que toutes les dispositions légales, depuis plus de trente ans, sont positives. Reste que des dispositions législatives fondamentales doivent encore faire l'objet de décrets d'application. Et je rejoins d'autres collègues sur le sujet : le comportement de l'ensemble des acteurs publics qui doivent intégrer la volonté du peuple telle qu'elle s'est exprimée par la voix de ses représentants.

Nous allons, avec Danielle Bousquet, proposer au président de la commission des lois d'engager le travail de suivi de l'application de la loi du 9 juillet 2010. Les nombreux retours dont nous disposons nous permettent d'affirmer que nous avons déjà bien avancé, que l'ordonnance de protection commence à produire ses effets, que le délit de violence psychologique est pris en compte par les magistrats et commence d'entraîner un certain nombre de condamnations.

Nous savons aussi que les commissariats, les gendarmeries, les tribunaux, les parquets – malgré les décisions que nous avons prises sur la nécessité de ne plus avoir recours à la médiation pénale –, malgré les efforts consentis, peinent encore. Partout il reste beaucoup à faire, car ce qui était considéré comme naturel, irrémédiable et qu'il ne fallait surtout pas dénoncer car relevant de l'intimité des couples, a mis beaucoup de temps à sortir de cette omertà dans laquelle nous l'avions tous, par pure lâcheté, laissé s'installer.

Il faudra malheureusement plus que du temps, il faudra un volontarisme accentué pour parvenir à mettre en oeuvre toutes ces dispositions.

Il y a des sujets sur lesquels nous avons progressé, et où il faut encore aller plus loin. Et puis, il y a d'autres sujets, sur lesquels il faudra, en les abordant courageusement, proposer des voies de réflexion, de détermination, de solutions.

Pour conclure, je ferai référence au travail qu'est en train d'achever, autour de Danielle Bousquet, de moi-même, et de plusieurs autres collègues, la mission d'information sur la prostitution. Là aussi, nous sommes devant un sujet d'égalité. Là aussi, nous sommes devant un sujet de dignité. Là aussi, nous sommes devant un sujet de violence. Sur ce thème, comme sur tous ceux qui sont évoqués dans cette résolution, il faudra encore progresser. Ce n'est pas une raison pour dire que rien n'a été fait.

Aussi, en votant cette résolution, je vous invite, mes chers collègues, à montrer que nous sommes capables de reconnaître le chemin parcouru, et que nous avons l'exigence du chemin à parcourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, dans son exposé des motifs, cette proposition de résolution aborde la ségrégation professionnelle, constatant l'existence de secteurs d'emplois majoritairement masculins ou féminins. Je partage ce constat au goût amer. Cependant, je m'étonne que ce texte s'en contente, sans jamais proposer de piste d'évolution.

Dans la sphère professionnelle, les faits sont établis, notamment par les travaux de Mme Françoise Vouillot, psychologue, maîtresse de conférences à l'Institut national d'étude du travail et d'orientation professionnelle, auprès du Conservatoire national des arts et métiers. La délégation aux droits des femmes l'a reçue en 2007 pour aborder les conséquences des stéréotypes de genre dans l'orientation. Elle avait alors déclaré ceci : « Toutes les inégalités entre femmes et hommes trouvent leur racine dans ces problèmes éducatifs. Tant qu'ils ne seront pas réglés, les textes seront inutiles. Or les responsables politiques ne s'emparent pas de ce sujet. Personne n'est capable de le porter, c'est-à-dire de permettre d'intervenir suffisamment en amont pour en éviter les conséquences ». Pour avoir rencontré récemment Mme Vouillot, à l'occasion de la Journée internationale des femmes, je crains de pouvoir affirmer sans me tromper que son constat est toujours le même aujourd'hui.

Le Gouvernement, qui n'a rien proposé depuis 2007, est en grande partie responsable de cette absence de progrès en termes d'égalité professionnelle. Des pistes existent pourtant, pour peu que l'on décide d'attaquer le mal à la racine. En l'occurrence, il convient d'aider nos concitoyens et nos concitoyennes à s'émanciper des stéréotypes professionnels et à déconstruire le fléchage de leurs parcours en fonction du genre.

Pour cela, le groupe socialiste croit aux vertus de l'éducation à la sexualité, trop souvent laissée de côté. Si l'on souhaite que nos enfants grandissent dans le respect mutuel en s'interrogeant sur les représentations liées au genre, il convient de ménager des plages suffisantes pour les échanges de paroles dans l'éducation. Nous devons former tous les acteurs éducatifs à la question de l'éducation aux rapports entre les sexes, à partir d'un travail sur les stéréotypes et les assignations de genre. Pour tous les élèves, de la classe de CP à la terminale, et tous les ans, six heures d'éducation à la sexualité, à l'égalité et au respect mutuel, devraient être assurées. Les intervenants extérieurs doivent nouer davantage de liens avec les acteurs scolaires et extrascolaires liés à l'établissement afin d'intégrer la question de l'égalité entre les sexes et les sexualités dans un projet global.

J'aimerais rappeler, notamment aux hommes de cette assemblée, les propos d'un philosophe cités par Montesquieu dans ses Lettres persanes. Ils traitent de la prétendue inégalité entre les femmes et les hommes : « Nous employons toutes sortes de moyens pour leur abattre le courage ; les forces seraient égales si l'éducation l'était aussi. Éprouvons-les dans les talents que l'éducation n'a point affaiblis, et nous verrons si nous sommes si forts ».

Montesquieu, comme souvent, relève un échec que nos sociétés contemporaines n'ont pas réussi à effacer. La résolution qui nous est proposée aujourd'hui ne fait que répéter, moins élégamment et avec un peu de retard, le même terrible constat. C'est ce qui fait sa faiblesse.

En effet, au delà, du paradoxe, déjà relevé, qui veut que le texte examiné aujourd'hui « souhaite l'application stricte de l'ensemble des lois relatives à l'égalité entre les hommes et les femmes », comme si cela n'allait pas de soi, je tenais à souligner que les alinéas 27 à 32, qui constituent le coeur de la résolution, n'expriment aucun voeu, fût-il pieux, à propos de l'orientation professionnelle.

Nous nous abstiendrons donc, tant il semble délicat de s'opposer à un tel texte, dont les intentions sont bonnes mais dont la portée est bien légère. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Christophe Sirugue, dernier orateur inscrit, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, cette résolution me semble ubuesque. Elle ressemble fort à une espèce de message subliminal que la majorité s'adresse à elle-même.

Les six bonnes intentions qui concluent cette proposition de résolution peuvent évidemment nous rassembler. La première consiste à souhaiter « l'application stricte de l'ensemble des lois relatives à l'égalité entre les hommes et les femmes ». Quelle audace ! C'est un peu comme si vous aviez envie d'envoyer un message à votre propre famille politique, au Gouvernement, pour qu'il sorte des décrets qui ne sortent pas, à certains ministres – dont j'ai cru comprendre, madame la ministre, que vous n'étiez pas – qui traînent un peu les pieds.

Finalement, on se demande quelle est la véritable motivation de cette résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Elle montre à l'évidence qu'il est nécessaire, et je rejoins en cela Mme Zimmermann, de faire entrer un jour dans le réel les habituelles incantations que nous entendons chaque fois que nous avons à débattre de ces sujets.

Beaucoup de mes amis ont développé des points particuliers. Je n'en prendrai qu'un seul, celui de la précarité professionnelle, qui touche plus particulièrement les femmes.

Entendons-nous précisément sur cette notion de précarité. Il s'agit d'un phénomène de morcellement du temps de travail : un travail émietté entre une multitude d'employeurs, éparpillé sur une multitude de lieux de travail, disloqué sur des plages horaires disparates.

Ces journées chaotiques sont le sort des travailleurs pauvres. Or 80 % des travailleurs pauvres sont des travailleuses. Chers collègues de la majorité, non seulement les lois ne sont pas appliquées, mais celles que vous votez aggravent cette situation. Je ne prendrai qu'un exemple, celui de la loi, récemment adoptée, relative au développement des services à la personne.

On a beaucoup dit que ces services à la personne constituaient l'espoir de nouveaux emplois. Mais force est de constater que c'est justement dans ce secteur qu'il y a le plus d'emplois précaires, lesquels concernent d'abord les femmes.

Cette résolution aurait pu être l'occasion d'indiquer quelques pistes pour lutter contre le travail précaire, mais elle ne le fait pas.

Le débat sur la dépendance s'ouvrira dans quelques mois. Il va inévitablement, du moins je l'espère, nous amener à accroître les possibilités d'intervention visant à accompagner les personnes âgées dépendantes. Mais si l'on n'a pas corrigé les travers dont souffrent les emplois dans ce secteur des services à la personne, le risque est d'aboutir à une loi qui aggravera ce problème, et qui aggravera donc, par là même, la situation des femmes.

L'INSEE indique qu'en 2009, 697 000 femmes sont dans la situation d'employés pauvres, alors que 11 000 hommes sont dans ce cas.

Cette résolution pouvait être l'occasion d'indiquer des pistes permettant de contrarier la politique qui rend possible cette précarité. Si tel avait été le cas, nous aurions sans doute pu vous suivre un peu plus.

Mais le 8 mars dernier, alors que j'interrogeais le ministre du travail à l'occasion des questions d'actualité, il me répondit qu'il fallait s'en remettre aux accords de branche. Or, mes chers collègues de la majorité, vous-mêmes disiez tout à l'heure que les accords de branche ne suffisaient pas. Il va donc bien falloir que, sur certains points, une loi soit adoptée afin d'empêcher la fragmentation du travail par la professionnalisation des travailleuses pauvres, d'aborder la question de leur formation qualifiante, ou encore celle du renforcement de l'intermédiation.

Il est parfois nécessaire d'imposer des contraintes aux employeurs, et de se donner les moyens de vérifier si elles sont observées. Certains collègues ont évoqué l'inspection du travail mais, en même temps, le budget pour 2011 a diminué ses moyens.

Au bout du compte, mon sentiment, c'est que cette résolution, dont une collègue a dit tout à l'heure qu'on ne pouvait pas voter contre – et on ne peut pas, en effet, voter contre ce qu'elle contient –, on ne peut pas non plus l'approuver. Franchement, je le repète, j'ai le sentiment que c'est un message interne que la majorité s'adresse à elle-même, un message que nous voulons bien soutenir, d'ailleurs, sur certains points, parce qu'il faut se mobiliser pour faire comprendre à certains qu'il y a des évolutions nécessaires. Mais s'il s'agit de cela, disons-le entre nous. Personne ne le saura. Ce sera utile pour convaincre certains membres du Gouvernement, si j'ai bien compris les messages subliminaux.

En tout cas, ce que nous voulons, c'est travailler de manière forte, comme cela a été fait sous la présidence de Mme Zimmermann, pour aboutir, avec de vraies capacités d'intervention. C'est ainsi que nous pourrons enfin oeuvrer pour l'égalité entre les femmes et les hommes, ce que ne permettra pas, malheureusement, l'adoption de cette résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La discussion générale est close.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, c'est avec beaucoup de solennité que je m'adresse à vous aujourd'hui. J'en ai la conviction, cette proposition de résolution et son adoption constitueront un moment hautement symbolique. Par cette résolution, en effet, votre assemblée s'apprête à afficher sa volonté indéfectible de faire progresser dans notre pays l'égalité entre les femmes et les hommes.

Nous ne partons pas de rien. Je voudrais en particulier saluer ici deux anciennes ministres chargées de ce secteur : notre présidente, Catherine Vautrin, et Nicole Ameline. Je salue également Marie-Jo Zimmermann, artisane infatigable, à la tête de la délégation des droits des femmes, pour faire progresser cette très importante question, ainsi que sa vice-présidente, Danielle Bousquet, car je crois que, dans ce domaine, nos implications doivent transcender nos oppositions politiques.

Mettre fin aux discriminations professionnelles en matière de salaire, de secteur ou de niveau de responsabilité, lutter contre toutes les formes de violence, promouvoir le partage des responsabilités familiales et professionnelles, voilà notre voeu le plus cher. Il est partagé sur tous les bancs, Pascale Crozon a bien voulu, au nom du groupe SRC, le reconnaître.

Pour y parvenir, la loi est un outil indispensable. Jamais je ne me lasserai de rappeler la fameuse formule de Lacordaire : « Entre le fort et le faible (), c'est la liberté qui opprime, c'est la loi qui affranchit. » Notre objectif n'est cependant pas de multiplier les lois pour une égalité de droit, mais de modifier les faits pour une égalité réelle.

C'est aussi ce qu'affirme cette proposition de résolution. Au moment de vous présenter l'action volontariste du Gouvernement, je ne saurais l'oublier, et je répondrai ainsi à Annie Poursinoff ou à Jean-Luc Préel, qui, de façon opposée, ont bien voulu évaluer cette proposition de résolution.

Pour garantir dans toutes les sphères cette égalité réelle, il faut d'abord lutter contre toute forme d'entrave. Et quelle plus grande entrave que celle des violences faites aux femmes ? Elles imposent un contrôle de leur corps et une privation de leur liberté. De ce point de vue, la lutte contre les violences faites aux femmes constitue l'un des tout premiers enjeux.

Sur le plan international, cette volonté doit se traduire prochainement par l'adoption du projet de convention du Conseil de l'Europe sur les violences envers les femmes et les violences domestiques.

Dans notre pays, l'année 2010 a été marquée par l'adoption de la loi du 9 juillet, que vous avez votée à l'unanimité, avec le soutien du Gouvernement, et notamment de Nadine Morano, alors ministre en charge de cette responsabilité. Cette loi a été porteuse d'avancées considérables au service des femmes, comme la création du délit de violence psychologique, et l'ordonnance de protection des victimes, qui permet notamment l'éviction du conjoint violent du domicile.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Au-delà de la loi, qui définit un cadre et des sanctions, nos politiques publiques oeuvrent à l'éradication de ces violences intolérables. C'est la raison pour laquelle la lutte contre les violences faites aux femmes a été reconnue grande cause nationale par le Premier ministre en 2010. Les chiffres de l'Observatoire national de la délinquance témoignent de cette terrible réalité : en 2009, 650 000 femmes se sont déclarées victimes de violences physiques et sexuelles. Plus de 300 000 ont désigné le foyer comme le lieu récurrent de ces violences. Comment tolérer que chaque année 140 femmes meurent sous les coups de leur conjoint ou compagnon ?

Face à ce constat, le Gouvernement dans son ensemble s'est fortement mobilisé afin d'endiguer ce fléau, grâce à la coopération des différents ministères. Deux plans d'action interministériels ont déjà été mis en oeuvre ; j'entends poursuivre cette action en lui donnant un nouvel élan par le lancement d'un troisième plan interministériel élargi. Ce plan prendra en compte aussi bien les violences au sein des couples que le viol, les agressions sexuelles, les violences au travail, les mariages forcés, les mutilations sexuelles féminines, la prostitution et la polygamie.

Par ailleurs, l'action de la commission nationale contre les violences envers les femmes sera renforcée. Je veux lui donner les moyens d'assurer pleinement son rôle d'organe responsable de la gouvernance du plan interministériel. À l'instar du plan, sa composition sera élargie à de nouveaux membres, afin de bénéficier de la légitimité des compétences sur l'ensemble du champ des violences faites aux femmes, tel qu'il est désormais pris en compte par les pouvoirs publics. L'Assemblée nationale va continuer ce travail avec la mission d'information sur la prostitution, sous l'impulsion de l'excellent rapporteur Guy Geoffroy, et de sa présidente Danièle Bousquet. Cette analyse est capitale pour combattre cette acmé ultime de la violence faite aux femmes. Croyez bien que votre travail aura des suites.

La lutte contre les violences est un préalable pour favoriser une culture de l'égalité dans notre pays. C'est dès le plus jeune âge que nous devons modifier les mentalités. Promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes ne peut se concevoir sans une réflexion préalable sur l'image des femmes et leur représentation dans tous les domaines, comme le disait Martine Billard. À ce sujet, je souhaite pérenniser la mission bénévole confiée à Michèle Reiser sur l'image des femmes dans les médias. Ses objectifs seront de proposer une méthodologie et des indicateurs de suivi de l'image des femmes dans les médias ; de veiller à l'observation et au suivi de la représentation des femmes dans les médias ; d'engager une démarche d'autorégulation avec les responsables ; de mettre à la disposition des journalistes un carnet d'adresses renouvelé d'expertes sur les questions de parité, de représentation sexuée, pouvant amener un éclairage nouveau dans ces médias et proposer une alternative aux intervenants habituels.

Faire évoluer les mentalités, c'est évidemment le rôle de l'école. Pour progresser vers l'égalité professionnelle, nous devons agir en amont, dès la formation initiale des jeunes filles et des garçons. Je partage d'ailleurs certaines interventions sur ce sujet, particulièrement l'appel de Catherine Coutelle aux jeunes générations.

Alors que les filles connaissent une meilleure réussite sur le plan scolaire que les garçons, elles sont encore peu nombreuses à se diriger vers les filières et les écoles les plus valorisées sur le marché du travail. Elles restent ainsi minoritaires dans les formations des secteurs des sciences fondamentales et technologiques, et majoritaires dans les séries littéraires et les sciences médicosociales. Elles sont aussi corrélativement majoritaires dans bien des secteurs moins bien payés, avec des travaux précarisés, parcellisés, Christophe Sirugue le signalait. Je voudrais lui dire que j'ai placé la question du genre au coeur de la réflexion sur la dépendance, car elle en est une clé d'entrée tout à fait fondamentale, je partage son analyse.

Il est de notre responsabilité collective de mettre fin à ce paradoxe. C'est dans cet objectif de diversification des choix professionnels qu'est organisé chaque année le prix de la vocation scientifique et technique des filles, à destination des élèves de terminale.

Symbole de notre action volontariste : la convention interministérielle pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif sera prorogée au mois de juin pour trois années supplémentaires. Cela va dans le sens réclamé parDanièle Hoffman-Rispal qui signalait très justement le moment de l'éducation comme un moment majeur de création d'égalité. Plusieurs ministères sont engagés par cette convention, notamment ceux de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que le ministère des solidarités et de la cohésion sociale que j'ai l'honneur de servir.

Trois axes prioritaires y sont dégagés : améliorer l'orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons pour une meilleure insertion dans l'emploi ; assurer auprès des jeunes une éducation à l'égalité entre les sexes ; intégrer l'égalité entre les sexes dans les pratiques professionnelles et pédagogiques des actrices et des acteurs du système éducatif de la maternelle à l'enseignement supérieur et la recherche. Cette action engage tous les personnels éducatifs.

L'égalité, ça s'apprend. Cette convention contribue ainsi très concrètement à faire évoluer les mentalités et à promouvoir cette culture de l'égalité.

Cette culture de l'égalité doit se diffuser aussi bien dans la sphère professionnelle que dans la sphère familiale. C'est l'enjeu fondamental identifié pour permettre l'égalité professionnelle qui, on le sait, est bien loin d'être réalisée. Quelques chiffres suffiront à l'illustrer : parmi les dirigeants salariés d'entreprise, 17,2 % seulement sont des femmes, et les conseils d'administration des grands groupes français ne comptent que 15,3 % de femmes. En outre, alors que les femmes représentent près de la moitié de la population active, elles se trouvent concentrées dans douze des quatre-vingt-sept familles professionnelles.

Les mêmes inégalités criantes se retrouvent concernant le travail à temps partiel : 82 % des salariés travaillant à temps partiel sont des femmes. Un dernier chiffre : tous temps de travail confondus, les salaires des femmes restent inférieurs de 27 % à ceux des hommes. Je sais que vous connaissez ces chiffres, mais puisque je vois beaucoup de jeunes dans les tribunes, il n'est pas inutile de le leur rappeler, pour que les jeunes générations continuent le combat.

Aussi est-il essentiel d'agir sur tous les éléments constitutifs du parcours professionnel des femmes. C'est précisément ce que nous nous efforçons de faire par une mobilisation du Gouvernement et de l'ensemble des acteurs. L'État se doit d'être exemplaire en la matière, c'est la raison pour laquelle le Président de la République a confié à Françoise Guégot une mission visant à donner une impulsion nouvelle à la politique d'égalité professionnelle au sein des trois fonctions publiques. Françoise Guégot m'a remis ses conclusions le 8 mars dernier, et ses propositions permettront d'agir sur plusieurs leviers simultanément, comme la transposition aux établissements publics des dispositions législatives imposant 40 % de femmes dans les conseils d'administration des entreprises. L'adoption de la proposition de loi initiée par Marie-Jo Zimmermann et Jean-François Copé a constitué une avancée remarquable, qu'ils en soient remerciés.

Il faut lutter sur tous les fronts, même ceux qui apparaissent anecdotiques. Je vous avais signalé, lors d'une récente intervention, la rubrique du Bulletin quotidien présentant les nominations des personnes promues à de hautes responsabilités sous le terme « hommes de pouvoir ». Il a suffi que j'envoie une lettre pour que cela devienne : « hommes et femmes de pouvoir ». Ce sont de petites avancées, mais tout est important.

Il est donc légitime que la fonction publique garantisse une représentation équilibrée dans les instances de décision. Mon collègue Georges Tron l'a annoncé, ses propositions vont donner lieu dans les prochaines semaines à une concertation avec les organisations syndicales. En ce qui concerne le secteur privé, dispositifs juridiques et démarches d'incitation se conjuguent pour promouvoir l'égalité. La réduction des écarts en matière de carrière, de salaires, ne peut se faire sans une connaissance précise de la situation. C'est l'objet du rapport de situation comparée des situations générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes, institué par la loi du 13 juillet 1983 et enrichi par la loi du 9 mai 2001. La réalisation de ce document est un prérequis fondamental à la négociation obligatoire sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le bilan de la négociation collective montre une augmentation du nombre d'accords collectifs signés tant dans les entreprises que dans les branches professionnelles, mais 55 % des entreprises n'effectuent pas ce rapport. À l'occasion de la loi portant réforme des retraites, un pas supplémentaire a donc été franchi. Désormais, la loi renforce l'obligation pour les entreprises d'au moins cinquante salariés d'établir ce rapport avec un plan de résorption des inégalités professionnelles, et prévoit les sanctions fixées par l'inspection du travail, qui peuvent atteindre 1 % de la masse salariale, ce qui n'est pas rien.

Martine Billard ainsi que Christophe Sirugue m'ont interpellée sur la parution des décrets d'application définissant les modalités de suivi de la réalisation de ces objectifs, ainsi que la modulation des pénalités. Ces décrets seront publiés avant la fin du mois d'avril 2011.

Il est essentiel d'accompagner les secteurs professionnels et les entreprises dans leurs démarches vers l'égalité. Je pense aux aides financières à destination des PME, à la contractualisation avec des secteurs professionnels porteurs d'emplois, et je compte poursuivre le travail fructueux qui a été entamé avec le secteur du bâtiment.

Je veux mobiliser d'autres secteurs, en particulier celui des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Dans un secteur aussi porteur, la désaffection des jeunes femmes ne saurait être toléré plus longtemps. Il faut valoriser les entreprises qui s'engagent en faveur de l'égalité. Le « label Égalitée » est ainsi la marque d'organismes novateurs, et l'exemplarité de leurs pratiques est récompensée. Depuis le 10 mars 2005, un nombre croissant d'organismes issus de secteurs aussi variés que l'électronique, les transports, les assurances, la communication, l'agroalimentaire, les banques, se sont employés à l'obtenir. Près de 800 000 salariées travaillant au sein d'entreprises ou d'administrations sont aujourd'hui concernées et bénéficient de la démarche.

Enfin, je voudrais insister sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur : le partage des responsabilités professionnelles et familiales. Nous avons la chance, en France, de conjuguer un taux de natalité et un taux d'activité professionnelle féminine élevés. Pour pérenniser cet équilibre, nous devons faire en sorte qu'il ne repose pas seulement sur les épaules des femmes. Si nous devions reprendre une allégorie, ce n'est pas Atlas, mais Héra qui porte le monde sur ses épaules. Le partage des responsabilités est d'ailleurs au coeur de notre politique familiale, puisque le Président de la République en a fait un objectif majeur de son quinquennat.

Le développement des modes de garde a été conçu comme une politique publique complémentaire de notre politique de l'emploi, et je m'engage à atteindre l'objectif de 200 000 solutions de garde supplémentaires en quatre ans d'ici à 2012.

J'ai participé, le 4 mars dernier, à une conférence organisée au MEDEF par l'observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises sur l'implication des hommes dans les politiques d'égalité professionnelle. Concernant les accords rendus publics par les entreprises, les tendances sont plutôt encourageantes : les entreprises prennent conscience progressivement que l'égalité professionnelle doit reposer sur une répartition égale des responsabilités parentales au sein des couples. Elles commencent à reconnaître les nouveaux droits pour les pères en matière de maintien de salaire pour le congé de paternité, ou d'autorisations d'absence pour le futur père pour les suivis médicaux de grossesse. À ce propos, on a évoqué un congé paternité obligatoire ; le congé maternité n'étant pas obligatoire, il serait juridiquement difficile de rendre le congé paternité obligatoire. Il est obligatoire pour l'entreprise de le donner, mais il n'est pas obligatoire que le salarié le prenne.

Les entreprises s'engagent également dans des actions de communication ciblées en direction des hommes, car si les dispositions de conciliation comme le congé parental, le temps partiel ou le congé pour enfant malade ne sont utilisées que par des femmes, elles en seront les premières victimes dans le cadre de leur parcours professionnel.

Le système de représentation à l'oeuvre dans le monde du travail continue à considérer la valeur du travail des femmes à l'aune des responsabilités réelles ou supposées qu'elles sont censées devoir prendre dans le cadre familial, beaucoup l'ont dit cet après-midi.

Reste un terrain peu étudié et pourtant essentiel, celui de l'exercice de la parentalité par les hommes dans le monde du travail et de l'utilisation qu'ils font des soutiens à la parentalité. Déconstruire ce système de représentation liée à la parentalité passe essentiellement aujourd'hui par deux axes. Des mesures d'accompagnement du travail féminin et des politiques publiques d'accueil de la petite enfance et des personnes âgées dépendantes, d'une part, et, d'autre part, la négociation collective en entreprise, qui doit peser sur les modes d'organisation interne et notamment sur la gestion du temps, pour laisser place à l'exercice de la parentalité. C'est la raison pour laquelle j'ai confié à Mme Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, une mission sur ce sujet. Ses conclusions me seront remises au début du mois de juin, apportant ainsi une contribution de fond à la Conférence sur l'égalité professionnelle et familiale que j'organiserai à la mi-juin. Cette conférence consultative regroupera les responsables associatifs, les élus, les personnalités qualifiées, les partenaires sociaux, les entreprises. Elle doit nous permettre d'élaborer un programme d'action concernant l'égalité professionnelle et le partage des responsabilités familiales.

Mesdames, messieurs les députés, l'égalité professionnelle ne pourra pas se réaliser tant que ce partage ne sera pas effectif. C'est pourquoi, vous avez bien raison de le souligner, l'implication des hommes est absolument essentielle.

Vous l'avez compris, la lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes implique une action transversale, coordonnée. Un plan d'action interministérielle sera ainsi mis en oeuvre à partir du mois de mai prochain. Chacun des ministères concernés travaille actuellement sur des mesures spécifiques et innovantes : accès des femmes aux responsabilités dans la vie politique, économique, associative, égalité professionnelle et salariale, accès aux droits et respect de la dignité, articulation entre vie professionnelle et familiale ; tous les domaines essentiels de la politique de l'égalité seront couverts.

La lutte contre les stéréotypes de genres et la prise en compte systématique de l'égalité entre les femmes et les hommes dans toutes nos politiques publiques constituent des priorités.

La politique d'égalité entre les femmes et les hommes réclame la mobilisation de tous. Elle nécessite, oserai-je dire, notre entière résolution. C'est la condition d'une société plus juste et plus humaine. Je remercie les auteurs de cette résolution de l'avoir compris, ainsi que ceux et celles qui la voteront. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur le vote de la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Danielle Bousquet, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Madame la ministre, le groupe SRC s'abstiendra sur cette proposition de résolution, dont nous applaudissons sans réserve les intentions, mais qui ne fait qu'assumer publiquement le constat d'échec de la politique menée en la matière depuis 2002 par les gouvernements de droite successifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Vous souhaitez l'application stricte des lois relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes, nous sommes d'accord ; c'est bien le moins ! Mais votre majorité n'est-elle pas aux responsabilités depuis bientôt dix ans ?

Vous voulez l'égalité effective tout autant que l'égalité des droits. Nous sommes d'accord, mais pourquoi limiter vos propos à la seule sphère professionnelle ?

Derrière l'unanimité que vous nous proposez, un triste constat s'impose. Par ces déclarations d'intention vous ne faites que prendre acte des graves carences d'un État velléitaire et défaillant jusqu'à aujourd'hui en matière de politique d'égalité.

Savez-vous, mes chers collègues, que le Gouvernement n'a pas jugé nécessaire de se saisir une seule fois de ce sujet durant la législature et que les seules lois adoptées en ce sens depuis 2007 l'ont été à l'initiative des parlementaires ?

Vous avez eu neuf années, pour appliquer les lois existantes. Neuf années, et puis rien, sinon des reculs sur la parité avec la réforme territoriale, sur l'accès à l'IVG avec la fermeture de centres, sur le montant des pensions de retraite pour les femmes. Les exemples sont, hélas ! multiples.

Avez-vous entendu, mes chers collègues, le Président de la République affirmer le 8 mars dernier qu'« aujourd'hui la vie des femmes ressemble à la vie des hommes » ? Qu'en pensent les 30 millions de femmes qui vivent dans ce pays, y travaillent, jonglent avec les exigences d'emploi du temps et cherchent vainement à gagner correctement leur vie ?

Parce qu'elles sont nées femmes, leur salaire restera inférieur de 27 % tout au long de leur vie. Parce qu'elles sont nées femmes, elles assumeront comme leurs aînées 80 % des taches ménagères. Parce qu'elles sont nées femmes encore, elles risqueront d'être victimes de violences domestiques, de viols, de harcèlement sexuel, comme c'est le cas pour plus d'un million de femmes aujourd'hui dans notre pays.

Alors, décidément, non, selon que l'on est né femme ou homme, on a des vies qui, aujourd'hui, ne se ressemblent pas.

Pour que la vie des femmes ressemble à la vie des hommes, faut-il, par la réforme des retraites de 2010, accentuer des inégalités déjà énormes : plus de 42 % entre les pensions des femmes et celles des hommes ?

Pour que la vie des femmes ressemble à celles des hommes, faut-il repousser à 2012 les sanctions imposées aux entreprises qui refusent d'appliquer les lois qui existent déjà en matière d'égalité professionnelle ?

Faut-il, madame la ministre, mes chers collègues, oublier aussi vos engagements en matière de lutte contre les violences faites aux femmes ? Rien en matière de formation pour les personnels de justice, rien pour les enseignants, rien non plus pour faire appliquer les nouveaux droits que la loi accorde aux femmes victimes de violences.

Mais, comme souvent, ou plutôt comme toujours, dorénavant, ce sont les associations et les collectivités locales qui, dans ce domaine, se substituent à un État velléitaire et défaillant. Mes chers collègues, outre le fait que vous vous soyez limités à aborder l'aspect professionnel de l'égalité entre les femmes et les hommes, nous regrettons profondément l'absence de propositions.

Décourager le recours au temps partiel, un congé parental d'éducation partagé obligatoirement entre les deux parents, allonger et mieux rémunérer le congé de paternité, augmenter massivement les modes de garde, diviser par deux les différences de salaires entre les deux sexes et ceci en cinq ans, former l'ensemble des acteurs éducatifs et des élèves à la question de l'égalité entre les sexes : nous aurions été, mes chers collègues, sur toutes ces propositions que vous ne formulez pas, comme toujours au rendez-vous ; pour des propositions constructives, tout en notant avec regret que vous avez systématiquement voté contre toutes nos propositions de loi qui allaient dans ce sens.

Les symboles qui se substituent à l'action ne me semblent pas à la hauteur des enjeux, même s'ils sont importants. Pour nous, l'égalité réelle entre les sexes est au coeur de la problématique sociale. C'est pourquoi nous ne pouvons pas nous contenter d'une unanimité apparente, sans contenu réel et nous nous abstiendrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

J'ai déjà indiqué que le groupe GDR s'abstiendrait. Nous sommes toujours surpris que l'Assemblée nationale vote une résolution pour affirmer que les lois doivent être appliquées.

Nous sommes le législateur. Le fait que le législateur vote une résolution pour dire qu'il faut appliquer la loi me fait craindre pour le niveau de confiance que les citoyens accorderont à la loi. Si une résolution proposait des mesures concrètes, nous aurions pu nous exprimer sur celles-ci, participer à son enrichissement et la voter, comme nous l'avons fait pour la proposition de loi contre la violence faite aux femmes, sans sectarisme. Nous voulons encore une fois saluer ce texte.

J'ai écouté avec attention votre réponse, madame la ministre. Vous avez relevé deux avancées : les deux propositions de loi de l'Assemblée, ce dont je me félicite car je suis pour le travail parlementaire. Comme vient de le souligner Mme Bousquet, on ne peut pas dire que l'action du Gouvernement aura été marquée par la prise à bras-le-corps des questions d'égalité entre les femmes et les hommes.

Je réitère mes propos du 8 mars et je regrette que n'apparaisse pas dans le titre la mention de l'égalité des droits pour les femmes et les hommes. Le fait qu'il n'y ait plus un ministère chargé des droits des femmes constitue une régression dans le message envoyé à nos concitoyens.

La proposition de résolution, ce ne sont que des paroles, aucune action n'est proposée. Le 8 mars, le fameux décret que nous appelons tous et toutes de nos voeux était « imminent ». Il est renvoyé, nous avez-vous dit à la fin avril. Nous ne pouvons qu'espérer que ce sera le cas, mais nous commençons à en douter. Nous savons, madame la ministre, que vous n'êtes pas en cause et qu'il existe un problème du côté du ministère du travail. Mais ce report d'un mois nous inquiète. Nous serons très attentifs sur ce point, avec la présidente de la délégation aux droits des femmes, mais nous sommes un peu inquiets.

Nous aurions souhaité qu'un pas supplémentaire soit enfin franchi. Sans doute ne faut-il pas toujours en passer par la loi, mais quand, après tant d'années, la situation n'avance pas et que l'on assiste même à un début de régression sur un certain nombre de sujets touchant à l'égalité entre les femmes et les hommes, vous comprendrez que nous ne sautions pas de joie à l'idée de voter cette proposition de résolution qui se contente d'affirmer que l'Assemblée va faire son travail, c'est-à-dire faire appliquer les lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la proposition de résolution.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 90

Nombre de suffrages exprimés 62

Majorité absolue 32

Pour l'adoption 62

Contre 0

(La proposition de résolution est adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Bernard Depierre relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016 (nos 3149, 3203).

La parole est à M. Bernard Depierre, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Depierre

Madame la présidente, madame la ministre des sports, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon propos en saluant la réélection, il y a quelques heures au Grand Palais, de Michel Platini à la tête de l'UEFA. En remerciant les instances de l'UEFA pour lui avoir renouvelé leur confiance, M. Platini a insisté sur la nécessité de toujours penser aux prochaines générations, de penser au football que nous voulons laisser à nos enfants et petits-enfants.

Nous devrons tous avoir en tête ces mots forts, qui nous rappellent l'importance de laisser un véritable héritage sportif à nos enfants, lors de l'examen de cette proposition de loi relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016.

Notre pays a eu la chance et l'honneur d'obtenir, au mois de mai dernier, l'organisation de ces championnats en 2016.

Il s'agit d'un événement majeur, troisième compétition la plus médiatisée à travers le monde après les Jeux Olympiques et la Coupe du monde de football. Cette compétition revêtira en outre une importance particulière puisqu'elle réunira pour la première fois 24 nations. Il faut noter que 21 matchs se dérouleront sur notre territoire.

Déjà organisatrice dans le passé de grands événements sportifs internationaux tels que la Coupe du monde de football en 1998, le Championnat du monde d'athlétisme ou la Coupe du monde de rugby en 2007, la France a su mettre en avant son expérience, son savoir-faire et sa forte capacité de mobilisation, indispensables pour assurer le bon déroulement de la compétition.

Autres atouts majeurs de notre pays : une hôtellerie de qualité et un réseau de transports couvrant l'ensemble du territoire et pour lequel les investissements sont déjà réalisés.

Un seul point noir subsistait dans notre dossier de candidature : les stades. Disons-le franchement, le parc des stades français est un peu obsolète.

En effet, à ce jour, les capacités d'accueil des stades français sont largement insuffisantes au regard de celles de nos voisins européens. Notre pays ne possède que deux stades de plus de 50 000 places – le Stade de France à Saint-Denis et le Stade Vélodrome à Marseille – alors que l'Allemagne, qui a organisé la Coupe du monde il y a quelques années, en compte sept, et l'Espagne six. En outre, la qualité des prestations qu'offrent les stades français à leurs partenaires est très en deçà des normes européennes.

Ces lacunes ont été relevées par nombre de rapports et il était devenu indispensable de moderniser notre parc d'infrastructures sportives.

Indispensable car un pays comme la France se doit d'avoir un sport professionnel au niveau de celui de ses concurrents européens afin que l'engouement populaire pour le sport de haut niveau soit maintenu.

Indispensable car cette insuffisance de nos stades pèse également lourdement sur le financement du sport pour les clubs utilisateurs.

Alors, chers collègues, plutôt que de voir le cahier des charges de l'UEFA comme une trop forte contrainte, considérons-le comme une chance, une chance formidable offerte au sport français et notamment aux clubs résidents de ces onze installations, qui en bénéficieront ultérieurement et pour très longtemps. L'expérience a ainsi montré, non seulement avec le Stade de France, mais aussi en Allemagne avec l'organisation de la Coupe du monde de 2006, que les efforts en matière de construction ou de rénovation étaient bénéfiques tant en termes d'affluence dans les stades que de diversification des spectateurs eux-mêmes. Cela permet notamment aux familles de revenir dans les stades en toute sérénité, voire, parfois, en toute sécurité.

Il est également important que cette mise à niveau puisse s'accompagner d'une multifonctionnalité plus opérante, alors que le public est de plus en plus sensible et attentif aux services multiples que peut offrir, sur un même site, une installation sportive. Ce nouveau modèle de stade se développe un peu partout en Europe : il est important que cette possibilité soit également offerte en France.

Je crois aussi nécessaire de rappeler que l'organisation d'une compétition aussi importante est un moteur de développement du sport pour tous. L'accueil d'un tel événement ne manquera pas d'entraîner un accroissement du nombre de licenciés. Le précédent de la Coupe du monde de football de 1998 en témoigne, puisqu'une augmentation de 10 % avait alors été constatée. Soulignons aussi qu'après les mauvaises prestations de l'année dernière les effectifs ont rebaissé de 10 %.

Permettez-moi d'ajouter que ces rénovations vont générer une activité économique intense et durable : contrairement à l'impact économique éphémère des Jeux olympiques, l'organisation d'un championnat d'Europe de football fournit un héritage sur plusieurs décennies. Il a déjà été calculé que l'obtention de l'organisation de l'Euro 2016 générera 20 000 emplois dans le secteur du BTP pour la phase de construction et de rénovation, et 5 000 emplois durables pour l'entretien et l'animation des sites. C'est une aubaine pour les régions et les villes concernées.

D'ailleurs, les collectivités territoriales et les clubs se sont fortement impliqués dans la constitution de leur dossier de candidature. Une étude a chiffré les retombées directes de la Coupe du monde de rugby de 2007 à 538 millions d'euros, avec un bénéfice net de 113 millions d'euros.

Nos territoires attendent ainsi de l'Euro 2016 des retombées en termes de notoriété, de tourisme et de fréquentation pendant la compétition. Les cinquante et une rencontres devraient attirer chacune, en moyenne, 50 000 spectateurs. À ces quelque 2,5 millions de spectateurs s'ajouteront les 1,3 million de supporters sans billet mais qui pourront assister aux matches par retransmission sur écran géant à proximité des stades.

L'Euro 2016 est donc une formidable opportunité pour notre pays et il est fondamental d'offrir aux villes impliquées dans ce projet tous les moyens de réussir. Pour cela, il nous faut leur proposer une palette de possibilités de financements associant apports publics et privés, dans de parfaites conditions de sécurité juridique. C'est l'objet de ma proposition de loi qui vise à concilier le fait que la plupart des stades concernés sont la propriété des collectivités locales tout en permettant de diversifier les financements.

Cette diversification des financements est particulièrement nécessaire dans un contexte budgétaire contraint qui rend plus pertinente la participation du secteur privé. En outre, la dotation de 150 millions d'euros attribuée par l'État pour les rénovations des stades ne représente que 8 % du montant total estimé des constructions et rénovations nécessaires à l'organisation de l'Euro 2016, qui s'élève à 1,8 milliard.

Il est donc indispensable de lever les obstacles juridiques au bouclage des dossiers de financement de rénovation ou de construction des stades des villes candidates.

C'est à quoi s'attache cette proposition de loi qui comprend trois articles.

L'article 1er rend éligibles aux subventions publiques, aux redevances et aux participations financières les projets d'enceintes sportives réalisés en vue de l'Euro 2016 sous le régime du bail emphytéotique administratif, le BEA. C'est déjà le cas des projets menés sous maîtrise d'ouvrage publique ou sous le régime des contrats de partenariat. L'article 1er a donc pour objet de rétablir l'égalité devant les sources de financement public des projets de rénovation de stades candidats, quelle que soit la forme juridique choisie pour mener à bien cette rénovation.

Précisons, afin de dissiper toute ambiguïté, que ces aides, qui demeurent facultatives, je le répète, pourront provenir de toutes les collectivités, y compris de la collectivité bailleresse.

Les projets en question pourront notamment prétendre aux subventions susceptibles d'être versées par des collectivités territoriales, et à leur part au titre des 150 millions d'euros que l'État a souhaité affecter au financement de la rénovation des stades.

Si à ce jour, sur les onze stades candidats à l'accueil de la compétition, seuls neuf seront retenus, c'est bien l'ensemble des stades candidats qui ont vocation à bénéficier des dispositions du présent article, afin que les projets puissent être sécurisés et menés à leur terme, offrant ainsi à notre pays une « réserve de sécurité ». Rappelons-nous ce qui vient de se passer en Nouvelle-Zélande : le dramatique tremblement de terre dont a souffert ce pays a partiellement détruit un des stades qui devaient accueillir la Coupe du monde de rugby.

L'article 2 traite des aides des collectivités territoriales aux projets de construction ou de rénovation des stades. Il complète l'article 1er, dans le même objectif de diversifier et de renforcer les possibilités de financement des équipements sportifs nécessaires à l'organisation, dans de bonnes conditions, de l'Euro 2016.

Il élargit ainsi les capacités d'intervention des collectivités territoriales à tous les projets de construction ou de rénovation d'une enceinte sportive faisant intervenir un opérateur privé.

À cet effet sont introduites des dérogations aux dispositions qui hiérarchisent le rôle des collectivités territoriales dans la prise de décision pour l'octroi des aides et aux règles qui limitent celles qu'elles sont susceptibles d'accorder en matière de financement du sport.

La nécessaire souplesse des dispositifs retenus comme le rôle fondamental et moteur des villes candidates à l'accueil des compétitions de l'Euro 2016 supposent en particulier que les communes puissent décider d'octroyer des aides aux projets de construction ou de rénovation de leurs stades. C'est l'objet de la dérogation aux dispositions de l'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales.

La participation des partenaires privés et la diversification des financements sont devenues quasiment indispensables. Il était donc nécessaire que les règles du code du sport qui encadrent l'attribution des aides de ces collectivités ne s'appliquent pas dans le cadre de ces projets.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Depierre

Enfin l'article 3 prévoit une dérogation à l'interdiction pour les personnes publiques de recourir à l'arbitrage. L'arbitrage est un mode de règlement des litiges, empruntant d'autres voies que les recours ouverts devant les juridictions de droit commun. Le recours à l'arbitrage ne peut résulter que du commun accord des parties au litige. Il se traduit par la dévolution de son règlement à une instance juridictionnelle constituée à cette fin, distincte des juridictions étatiques.

Ainsi, par ces trois articles, je propose d'offrir davantage de souplesse afin que les collectivités concernées puissent mener à bien leur projet de rénovation des stades dans de parfaites conditions de sécurité juridique.

Chers collègues, vous le savez, cette proposition de loi est impatiemment attendue par les parties prenantes à l'organisation de la Coupe d'Europe de football de 2016. C'est pourquoi je vous demande d'adopter cette proposition de loi. Les villes concernées, candidates volontaires à l'organisation de l'Euro, ne comprendraient pas en effet que vous leur refusiez cette diversification des sources de financement qui leur permettront de mener dans de parfaites conditions de sécurité juridique tous ces projets de stades si ambitieux pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en mai 2010, nous avons accueilli l'annonce de la désignation de la France comme pays hôte de l'Euro 2016 de football avec une joie certaine, et aussi avec la grande fierté d'avoir su convaincre de notre capacité à relever le défi que représente une telle organisation.

Notre engagement est clair. Les vingt-quatre équipes qui participeront à cet Euro et les deux millions et demi de spectateurs attendus seront accueillis dans des infrastructures modernes et de grande capacité.

Aujourd'hui, nous n'avons qu'un seul stade en France qui réponde à ces conditions. Il nous reste seulement trois ans pour en créer quatre nouveaux et en rénover sept autres.

Je veux dès lors féliciter notre collègue Bernard Depierre pour son initiative. Elle est essentielle. Cette proposition de loi va permettre en effet de lever les obstacles juridiques et techniques afin de permettre la tenue en France du troisième événement sportif le plus important au monde en termes médiatiques.

Le manque d'infrastructures de grande capacité en France a souvent été dénoncé. Nous avons d'ailleurs beaucoup travaillé sur cette question au sein de notre commission et de la mission d'information sur les grandes infrastructures sportives, présidée également par notre collègue Bernard Depierre.

Le constat est connu. Nos stades ont une capacité largement inférieure à celle de nos voisins européens. Leur vétusté dessert les spectateurs et les clubs. Que cet Euro 2016 permette de mobiliser à si brève échéance toutes les énergies pour la modernisation et l'agrandissement de nos stades est donc une grande chance.

Il est certain que les réalisations rendues possibles par cette proposition de loi dépasseront l'horizon de 2016. Toute la France du football va bénéficier de cette vitrine et de la dynamique engendrée.

L'équipe de France aura une occasion de se réconcilier avec une partie du public qui s'est détournée d'elle durant l'été 2010. Je rappelle après le rapporteur que les retombées liées à l'image de l'équipe de France sont par ailleurs vitales pour le football amateur.

Nous savons également qu'un tel événement induit une hausse du nombre de licenciés dans les clubs. Cela avait été le cas après 1998.

Mais nous ne parlons pas ici que de football. La modularité est une donnée essentielle dans les différents projets en cours.

L'exemple du Stade de France, avec la diversité des événements qui y sont proposés, démontre les effets positifs que l'on peut attendre pour les autres sports mais aussi pour la programmation artistique.

L'ensemble de ces perspectives explique la mobilisation de l'État, de nombreuses collectivités et d'associations autour de cet Euro 2016. Les moyens sont conséquents et il faut désormais permettre à l'initiative publique de s'exprimer pleinement pour tenir les engagements que nous avons pris.

Je ne reviendrai pas sur les impacts économiques, médiatiques et touristiques d'un tel événement. Nous les connaissons : ils plaident tous en faveur d'une mobilisation nationale forte.

Je voudrais clore ce propos en abordant l'aspect sportif de cet Euro 2016. Nous avons tous en tête les images de l'Euro 84 avec Michel Platini, que je félicite pour sa brillante réélection à la présidence de l'UEFA, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), et celles de la célébration d'une première victoire en Coupe du monde, au soir du 12 juillet 1998.

Par deux fois, l'organisation de tels événements nous a souri.

Je veux croire que nous voulons tous que la France ne rate pas ce rendez-vous majeur tant sur le plan de l'organisation que sur le plan sportif. Cela commence aujourd'hui avec, je le souhaite, l'adoption de cette proposition de loi.

Je tiens enfin à remercier Mme la ministre Chantal Jouanno pour son soutien et son écoute lors de nos auditions en commission des affaires culturelles. Son action au service de l'organisation de l'Euro 2016 est essentielle à l'aboutissement de ces projets ambitieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Chantal Jouanno, ministre des sports.

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, ministre des sports

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, l'examen de cette proposition de loi de Bernard Depierre montre une nouvelle fois les bénéfices de la réforme institutionnelle de 2008 : c'est une très bonne chose que ce soit l'Assemblée nationale qui ait pris l'initiative de cette proposition de loi pour faciliter l'organisation du prochain championnat d'Europe de football en 2016 en France.

C'est une très bonne chose, parce que les élus doivent prendre plus de place dans la définition de la politique des sports. D'ailleurs, avec Michèle Tabarot, nous avons souhaité que, dans l'organisation de la future « Assemblée du sport » qui se réunira à partir du 29 mars il y ait des représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat.

C'est aussi une très bonne chose parce que l'engagement national et la cohésion nationale ont été la condition de l'obtention par la France de l'organisation de l'Euro 2016, et ce sera aussi la condition du succès de cette organisation. C'est seulement ainsi que nous arriverons à faire de cette compétition, qui est, comme l'a rappelé Bernard Depierre, le troisième événement sportif mondial, une fête non seulement nationale, mais européenne et même mondiale.

Or, vous le savez, les exigences de l'UEFA sont non seulement importantes, mais aussi croissantes. Ce sont elles qui nous obligent à un vaste plan de modernisation de nos stades.

Cette obligation est en même temps une opportunité car nous avons ainsi l'occasion de combler notre retard en matière d'équipements par rapport aux autres pays européens. Sachez-le : la capacité moyenne des stades de Ligue 1 est, en France, inférieure à 30 000 places, alors qu'elle est de l'ordre de 45 000 places en Allemagne et de 40 000 places en Italie.

Ce retard a été unanimement constaté par l'Assemblée à l'occasion du rapport d'information de la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur les grandes infrastructures sportives.

C'est aussi une opportunité, vous l'avez rappelé, pour redorer l'image du football en France et enrayer la diminution du nombre de licenciés : 8 % cette année. Bien évidemment, cela ne se fera pas sans une certaine exemplarité des joueurs, des entraîneurs et des présidents de clubs.

C'est enfin une opportunité car l'Euro 2016 aura des retombées économiques importantes – vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur. Rappelons en effet qu'il y aura pas moins de 25 000 emplois directement liés à la construction des stades et 4 500 à 5 000 liés à leur entretien.

Face à cet enjeu, l'État participera à hauteur de 150 millions d'euros environ, mais il est important de noter que le choix des infrastructures appartient aux collectivités. Les onze villes qui sont candidates à l'accueil de l'Euro 2016 sauront à partir du 27 mai prochain qui est retenu. À cette date, les neuf villes choisies seront connues et les deux autres stades devront être placés en réserve.

Dans ce projet, on a noté une grande diversité des types de contrats : sur les onze stades, les contrats diffèrent radicalement. Il y a des partenariats public-privé pour Bordeaux, Lille, Marseille et Nice ; il y a des systèmes de maîtrise d'ouvrage publique pour Saint-Étienne et Toulouse ; il y a un projet entièrement privé pour Lyon et des baux emphytéotiques administratifs pour Lens, Nancy et Paris. Cette diversité est une bonne chose et même une très bonne chose : nous devons laisser le choix aux collectivités. C'est l'esprit de la décentralisation ; ne revenons pas dessus.

Or, vous le savez, le bail emphytéotique administratif est actuellement dans une situation d'insécurité juridique, ce qui pénalise l'avancement des rénovations de trois enceintes. Vous savez aussi que cette insécurité juridique est une certaine forme d'inégalité car il n'y a pas de raison que le système d'aide soit différent pour les baux emphytéotiques, pour les contrats de partenariat et pour les maîtrises d'ouvrage publique.

Donc, contrairement à ce que j'ai pu entendre, cette proposition de loi de Bernard Depierre a pour ambition, non de créer un régime dérogatoire, mais au contraire de rétablir une certaine neutralité entre les différentes formes de réalisation de ces enceintes.

Il n'est pas non plus question d'ouvrir une brèche dans le droit français pour régler les litiges liés à la modernisation des enceintes. Le recours à l'arbitrage qui est proposé dans ce texte est en effet très répandu dans les contrats passés entre les organismes sportifs internationaux tels que l'UEFA, et il facilite par exemple la conclusion des contrats des villes hôtes.

Enfin, il est très important de marquer que, dans cette proposition de loi, il n'y a rien, vraiment rien qui nous amène à renoncer à nos exigences, notamment en ce qui concerne la qualité de la concertation et la protection de l'environnement.

Vous le voyez, c'est un projet équilibré, qui est très utile et qui revêt un certain caractère d'urgence car le cahier des charges de l'UEFA nous impose d'avoir réalisé ces enceintes deux ans avant le début de l'Euro 2016. C'est pour cette raison que le Gouvernement a pris la décision d'engager la procédure accélérée sur cette proposition de loi, comme l'y autorise la Constitution.

Mesdames, messieurs les députés, la question sous-jacente qui nous est posée est bien celle-ci : voulons-nous, oui ou non, mettre toutes les chances de notre côté pour réussir l'organisation de l'Euro 2016 ?

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, ministre des sports

Certains, je le sais, seraient tentés de répondre par la négative. Je les appelle simplement au pragmatisme : pourquoi s'opposer à ce que des villes comme Nancy ou Lens puissent bénéficier des mêmes atouts que Lille ou Bordeaux ? Prenons bien toute la mesure de l'enjeu qui est devant nous : la valeur d'une nation sportive se juge aussi à sa capacité d'accueillir de grands événements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma