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Séance en hémicycle du 2 décembre 2010 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • fiscalité
  • nationaux
  • semestre
  • stabilité

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Claude Sandrier et plusieurs de ses collègues en faveur d'une fiscalité juste et efficace (nos 2914, 2980).

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, chers collègues, la crise du système capitaliste, la plus grave depuis quatre-vingts ans, appelle des mesures dont on voit bien qu'elles n'entrent pas dans les choix du Gouvernement. Un appel récent d'économistes du CNRS et de l'OFCE indique : « La crise économique et financière qui a ébranlé le monde en 2008 n'a pas affaibli la domination des schémas de pensée qui orientent la politique économique depuis trente ans. Le pouvoir de la finance n'est pas remis en cause, une forme de dictature des marchés s'impose partout ». Telle est la réalité.

Pourtant, dès le début de la crise, nombreux ont été les économistes à dire : non seulement nous ne sommes qu'au début d'une crise profonde et grave, mais le pire est à venir. Nous le voyons bien avec les épisodes grec et irlandais qui viennent nous rappeler cette réalité.

Il est donc clair que des épisodes plus lourds sont à venir ; d'où la double et absolue nécessité de connaître et de dire à nos concitoyens les causes profondes de la crise, ce que vous vous refusez à faire, en vous abritant derrière cette formule alibi : « c'est la faute à la crise ». Les retraites, c'est la faute à la crise. Le chômage, c'est la faute à la crise. Les déficits, c'est la faute à la crise.

Lisez l'excellent rapport demandé par l'ONU : vingt et un des plus grands économistes au monde ont, sous la responsabilité de Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, examiné les causes de cette crise, en notant au passage que, comme par hasard, les pays qui s'interrogeaient sur la pertinence de rechercher les causes de la crise et trouvaient même cette idée étrange étaient les pays qui occupent les positions les plus privilégiées dans le monde.

Que dit cette commission dans ses conclusions ? « La crise n'est pas un simple accident comme on n'en voit qu'une fois par siècle, quelque chose qui est seulement « arrivé » à l'économie, qu'on ne pouvait par prévoir et encore moins éviter. Nous sommes convaincus qu'elle est due, au contraire, à l'action humaine : elle a été le résultat de fautes du secteur privé et de politiques mal orientées et vouées à l'échec des pouvoirs publics.

Le présent rapport est fondé sur une conviction : pour bien remédier à la crise, nous devons en faire un bon diagnostic. Tant les politiques que les théories économiques ont joué un rôle. Des politiques défectueuses ont contribué à créer la crise et à accélérer la contagion du pays où elle est née au monde entier. Mais, derrière beaucoup de ces erreurs du secteur privé ou des pouvoirs publics, il y avait les philosophies économiques qui dominent depuis un quart de siècle, celles faisant croire que les marchés se corrigent seuls, notamment.

La proposition de loi que nous vous présentons aujourd'hui ne constitue pas à elle seule la solution à la crise pour une bonne et simple raison, c'est que cette crise a des dimensions non seulement économiques, mais aussi sociales, environnementales, institutionnelles et même morales.

Mais ce que nous vous proposons, en tirant les enseignements des causes de la crise, constitue une réponse à l'urgence et l'amorce d'un autre choix de société. Choix de société, expression qui fait peur à certains et qui n'est en fait pas autre chose que le passage d'une société où le monde financier fait de l'argent avec de l'argent à une société dans laquelle le travail est reconnu, valorisé, rémunéré, et dont les résultats bénéficient équitablement à tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Frapper la rente et le gaspillage du capital pour mieux rémunérer le travail et rendre l'argent utile, voilà ce qu'il faut entendre par « changer la société ».

Notre proposition de loi répond à cette double exigence en s'attaquant à la fois aux inégalités, « dont la montée a été une source de la crise » selon la commission Stiglitz, et en s'attaquant à l'argent inutile, voire nuisible, venant alimenter spéculation et paradis fiscaux.

Nous sommes, avec notre proposition de loi, à cent lieues de cette petite manipulation politicienne qui, devant le fiasco politique et idéologique de l'instauration d'un bouclier fiscal, rejeté par l'immense majorité des Français, voit toute la droite, son président, son gouvernement, chercher le moyen de « sauver le soldat Milliardaire ».

Et, ô miracle, vous avez trouvé la solution, car, sur ce plan, votre imagination n'a pas de limites ! Vous acceptez de supprimer le bouclier fiscal : les plus riches perdront 700 millions d'euros, mais, en proposant de supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune, vous leur redonnez 4 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Devinez qui va payer la différence ? Des catégories populaires, un peu, sans doute, et surtout une bonne partie des couches moyennes, pour ne pas dire toutes les couches moyennes.

La cohérence des douze articles de notre proposition de loi est qu'ils mêlent, de façon étroite, la justice fiscale pour nos concitoyens et une autre répartition des richesses favorisant l'investissement dans l'économie réelle, c'est-à-dire l'emploi, la formation, les salaires et la protection sociale.

Ces douze articles nous font sortir de cette spirale infernale qui consiste à faire payer toujours plus les catégories populaires et moyennes afin de permettre des cadeaux fiscaux sans fin pour les plus riches et les plus grosses entreprises. Ceci leur a permis, en dix ans, de faire passer le niveau des dividendes versés aux actionnaires et les intérêts versés aux banques de 25 % de la valeur ajoutée des entreprises à plus de 36 %.

Nous savons où nous a menés ce gavage du monde financier. Des milliards de liquidités dont les détenteurs ne savaient plus quoi inventer pour rentabiliser leur argent ! Il faut simplement avoir le courage, aujourd'hui, de sortir de ce dogme éculé du marché libre, du capital libre, dont on sait, selon la célèbre formule de Marx, qu'il ne s'agit ni plus ni moins que du renard libre dans le poulailler libre, pour faire le choix d'une société pour les êtres humains, non d'une société du fric pour quelques-uns et du fric par le fric. Ce n'est pas un marxiste qui vous le dit c'est le célèbre milliardaire américain Warren Buffett, qui, lui, a des élans de lucidité et de courage, quand il déclare, face à une catastrophe annoncée : « Je crois que les gens comme moi devraient payer plus d'impôts. Notre situation est meilleure qu'elle ne l'a jamais été. » Je répète ses propos : « notre situation est meilleure qu'elle ne l'a jamais été. » Warren Buffett ajoute : « Il n'y a qu'une solution désormais, c'est augmenter fortement les impôts des grandes fortunes. Les Républicains ont tort de croire que la baisse des impôts des plus riches favorise l'économie, » – c'est exactement ce que nous disons sur nos bancs – « ça fait dix ans que nous le faisons et ça nous a menés tout droit à l'échec. »

De ce point de vue, la suppression du bouclier fiscal, à l'article 1er de notre proposition de loi, avec le maintien de l'ISF, constitue la première mesure de salubrité publique que nous proposons.

L'article 2 vise à ce que soit respectée la Déclaration des droits de l'homme sur la nécessité d'une contribution commune également répartie entre les citoyens en raison de leurs facultés. Il y a urgence, tant ont été favorisés les impôts et taxes injustes comme la TVA ou encore la CSG,

Il va sans dire qu'une telle réforme proposée par notre article 2, donnant toute sa place à l'impôt le plus juste, c'est-à-dire une imposition sur l'ensemble des revenus, devrait s'accompagner d'une révision des taux du barème de l'impôt sur le revenu plus favorables aux revenus faibles et moyens et d'un taux marginal porté à 54,8 %.

Les articles 3, 4, 5, 7 et 9 proposent de rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée en faveur du travail, de l'emploi, des salaires, de la formation professionnelle, au détriment des dividendes, des intérêts bancaires et des cadeaux fiscaux, dont l'intérêt pour l'investissement productif non seulement n'est pas avéré, mais est même néfaste, comme pour les exonérations de cotisations sociales, dont les trois quarts, nous explique depuis plusieurs années la Cour des comptes, ne servent pas à l'emploi. Il s'agit tout de même de 25 milliards d'euros…

Aussi, nous proposons, par souci d'efficacité économique et de justice, des augmentations d'impôts ciblées sur les contribuables – que ce soit pour l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés ou les cotisations sociales patronales – aux capacités contributives les plus élevées : les grandes entreprises aux articles 3 et 5, les banques à l'article 4, les riches donataires à l'article 7, les agents de salle des marchés à l'article 9.

L'ensemble de ces mesures peut rapporter jusqu'à 50 milliards d'euros, sachant que nous proposons, que ce soit pour les cotisations sociales ou l'impôt sur les sociétés, une modulation favorable aux entreprises qui choisissent de privilégier l'emploi et les salaires, et pénalisante pour les entreprises qui privilégient le versement de dividendes.

L'article 11, en créant un pôle public national du crédit, permettrait d'orienter le crédit par des taux bonifiés vers les entreprises investissant pour l'emploi et le développement.

Enfin, les articles 10 et 12, en demandant des rapports, veulent mettre l'accent sur ce que coûtent à notre pays les techniques d'optimisation fiscale des grands groupes, notamment, et ce que coûte le dumping fiscal.

Dans les deux cas, il s'agit évidemment de dégager les solutions propres à empêcher le détournement d'argent vers la spéculation et les paradis fiscaux, et, dans le second cas, à harmoniser fiscalité et protection sociale dans toute l'Union européenne.

Naturellement l'ensemble de ces ressources nouvelles aurait, entre autres avantages, celui de contribuer à combler l'essentiel des déficits que vous avez creusés.

Comme s'il était encore besoin de justifier ce qui devrait apparaître aujourd'hui comme une évidence, je termine par deux citations, l'une de Pascal Lamy – une fois n'est pas coutume – directeur général de l'OMC : « Depuis quelques années, je m'interroge sur les racines culturelles et anthropologiques du capitalisme de marché, qui est intrinsèquement injuste et stresse toujours plus les ressources humaines et naturelles ». Le seul conseil que je puisse lui donner, puisque sa réflexion est parfaitement juste, c'est qu'il cesse de s'interroger sur cette question, puisque nous avons la réponse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

La deuxième citation est de Gandhi et elle répond à celles et ceux qui, souvent, dans cet hémicycle, se moquent, avec un rire narquois, de nos propositions. Je cite Gandhi : « D'abord ils vous ignorent, puis ils se moquent de vous, puis ils vous combattent, puis vous gagnez».

Et pour ce qui est d'une autre répartition des richesses et d'un autre choix de leur utilisation, comme sur le bouclier fiscal, croyez-moi, nous allons gagner ! Si vous avez un doute, je me dois d'indiquer à l'Assemblée que la commission des finances, le 23 novembre dernier, après avoir voté la suppression du bouclier fiscal à l'article 1er, n'a rejeté l'ensemble de la proposition de loi des députés communistes, républicains et du parti de gauche, qu'à la majorité de deux voix. Je tenais à le préciser ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Les questions que vous soulevez aujourd'hui, par votre proposition de loi, monsieur Sandrier, sont tout à fait respectables.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Vous voulez une fiscalité juste et efficace. Le Gouvernement poursuit le même objectif.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Toutefois, il emprunte – et cela ne vous surprendra pas – une voie opposée à la vôtre. Une hausse d'impôts généralisée, comme vous l'envisagez dans votre proposition de loi, n'est pas la solution choisie par le Gouvernement, pour les raisons que je vais exposer rapidement.

Je ne crois pas au grand soir fiscal, comme je l'ai annoncé à de nombreuses reprises. Je ne suis partisan ni de la méthode que vous proposez ni de mesures aussi radicales. J'ai l'impression que votre proposition de loi aboutirait simplement à cette fameuse remarque de Lampedusa : « Il faut que tout change pour que rien ne change. » M. Brard, qui se signale dès potron-minet, et dont la culture est immense, ne pourra pas me contredire, sur ce point en tout cas !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Votre volonté d'une hausse généralisée des impôts serait non seulement injuste, mais inefficace. L'augmentation des impôts : voilà votre seul projet politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Non, c'est la justice fiscale, ce n'est pas pareil !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Vous souhaitez augmenter les impôts sur les entreprises et sur les ménages, de façon massive et généralisée, alors que la crise a déjà, vous le savez, suffisamment grevé leurs finances. C'est un projet proprement irresponsable. J'ai eu maintes occasions de m'exprimer sur ce sujet ces dernières semaines devant votre assemblée : une hausse généralisée des impôts n'est pas une solution adaptée à notre pays. Pourquoi ? Parce que la France, vous le savez, est dans le peloton de tête des pays aux plus forts taux de prélèvements obligatoires et parce qu'un taux d'imposition trop élevé peut, à terme, porter atteinte au consentement à l'impôt et aux mécanismes de solidarité nationale. Nous ne souhaitons pas davantage taxer le travail. Nous ne voulons pas non plus étouffer nos entreprises. D'ailleurs, comment l'ignorer, alourdir la fiscalité des entreprises, c'est, in fine, monsieur Sandrier, nuire au pouvoir d'achat des consommateurs. Ce serait le cas, par exemple, de la création, que vous proposez, d'une taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés à destination des banques, lesquelles sont d'ailleurs, comme toujours, des boucs émissaires faciles dans ce contexte singulier.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Comme si on allait retirer l'argent des banques !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Cela ne les exonère certes pas de leurs responsabilités. Toutefois, personne ne saurait nier le caractère incontournable du dispositif d'irrigation du crédit à travers le système bancaire, qu'il faut préserver dans ses fondamentaux. Ce serait la même chose, pour ne citer que quelques exemples parmi vos propositions, de l'augmentation des cotisations patronales ou d'une contribution d'assurance vieillesse additionnelle pour les revenus financiers des entreprises.

Au-delà, je ne peux pas partager non plus votre conception de l'économie, qui n'est rien de moins que du dirigisme économique. Comme si l'État devait être la source de la croissance et de l'emploi. Non, la source de la croissance et de l'emploi, ce sont ces entreprises que vous voulez soumettre à de nouvelles taxes. L'État n'est pas là pour ponctionner l'économie ! Sans les entreprises, il n'aurait pas de ressources. Comment vouloir imposer à ces forces vives des règles excessives de gestion, comme une échelle des rémunérations ?

Une fiscalité juste ne revient pas à niveler les revenus, monsieur Sandrier, mais à imposer les acteurs économiques en proportion de leurs ressources. C'est d'ailleurs cette conception que nous défendons dans le projet de budget pour 2011, en supprimant 10 milliards d'euros de niches, tout en mettant notre point d'honneur à protéger les personnes les plus défavorisées, mesure que vous pouvez soutenir et peut-être même voter ! Vous le savez bien, puisque nous avons discuté ensemble, en ce lieu, et pendant de très nombreuses heures, de ce projet de budget.

Une fiscalité efficace, c'est une fiscalité qui n'a pas d'effet délétère sur l'économie, donc qui n'amène pas ses ressortissants et ses entreprises à fuir l'impôt. « Trop d'impôt tue l'impôt », nous le savons. Une fiscalité efficace, c'est précisément, là encore, la conception que le Gouvernement vous propose. Si je m'en tiens à la lecture de votre proposition de loi, ce n'est pas la voie que, manifestement, vous avez décidé d'emprunter.

Une fiscalité juste et efficace, c'est précisément le chemin que nous suivons, en revanche, dans le projet de budget, et c'est celui qui nous guidera dans le cadre de la réforme de la fiscalité du patrimoine qui nous attend au printemps de l'année prochaine. Cette réforme sera naturellement réfléchie et équilibrée.

Le président de la République et le Premier ministre ont pris l'engagement de mener, l'an prochain, cette réforme de notre fiscalité du patrimoine. La révision de la fiscalité du patrimoine de notre pays suscite un débat important depuis de nombreuses années. J'entends et connais les arguments des uns et des autres, tout aussi légitimes qu'intéressants. Notre débat sur des enjeux de politique et de société – qui marquera, une fois encore, les frontières qui nous séparent sur ces orientations – devrait d'ailleurs être de qualité.

L'année prochaine, il nous faudra pourtant trancher pour améliorer notre fiscalité du patrimoine. D'ici là, le Gouvernement a choisi de se laisser le temps de l'analyse, de la réflexion et de la consultation des parlementaires, notamment, ce qui est essentiel pour bâtir une réforme de qualité.

Vous proposez, monsieur Sandrier, la suppression du bouclier fiscal. C'est une des pistes que le Gouvernement a choisies pour cette réforme, mais la question du bouclier ne sera levée que si celle de l'ISF l'est elle-même. C'est le sens de la réforme fiscale souhaitée dans le cadre de la convergence avec l'Allemagne. Toutefois, une telle réforme ne peut se limiter à la suppression de l'ISF et du bouclier pour des raisons budgétaires. Une réforme en profondeur a en effet des implications multiples, c'est pourquoi nous intégrerons également dans notre réflexion le remplacement de la fiscalité sur la détention du patrimoine par une taxation des revenus du patrimoine. En d'autres termes, il conviendra de glisser d'une fiscalité qui porte sur le stock de patrimoine vers une fiscalité adaptée à l'évolution des revenus du capital et du patrimoine. Le Gouvernement s'engage, une fois encore, à déposer, au mois de juin, un projet de loi de finances rectificative. Nous aurons donc, à la fin du premier semestre 2011, un débat sur notre fiscalité, non pas pour davantage d'impôt, mais pour un impôt sur le patrimoine plus juste et plus efficace. Je ne doute pas que le débat avec la représentation nationale sera fructueux.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, c'est donc sans surprise que je demande à l'Assemblée nationale le rejet de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi en faveur d'une fiscalité juste et efficace déposée par les députés de la Gauche démocrate et républicaine met le Gouvernement au pied du mur en proposant d'en finir avec les gâchis d'argent public, les cadeaux fiscaux et les régimes d'exonération qui bénéficient au monde de la finance, au patronat du CAC 40 et aux plus hauts revenus. Elle montre, chiffres à l'appui, que les moyens existent dans notre pays pour répondre aux attentes des Français, donc réduire les inégalités criantes et accompagner fiscalement la création d'activités économiques et d'emplois. Elle intervient donc opportunément, au lendemain de l'adoption par votre majorité d'un projet de budget pour 2011 marqué du sceau de l'austérité et qui aggrave toutes les politiques mises en oeuvre depuis 2007. Le Premier ministre vient de le confirmer dans une déclaration de politique générale qui tourne le dos aux priorités de nos concitoyens. On sait donc au profit de quelles catégories vont continuer de s'additionner cadeaux fiscaux et exonérations en tous genres. Pourtant, d'ores et déjà, les 10 % des ménages les plus fortunés ont un patrimoine 2 000 fois supérieur à celui des 10 % les plus modestes. Entre 2004 et 2007, les revenus du capital ont progressé cinq fois plus que ceux du travail ; les premiers – impôts et cotisations – étant deux fois moins prélevés que les seconds. Par ailleurs, une étude récente du Crédit Suisse place la France en leader européen du nombre de millionnaires en dollars. Or, Jean-Claude Sandrier l'a rappelé, alors que le déficit public de la France avoisinera, fin 2010, les 140 milliards d'euros, la Cour des comptes souligne que l'essentiel de ce déficit résulte de la multiplication de ces cadeaux.

Des cadeaux, n'en attendez donc pas, en retour, des Françaises et des Français. Ils l'ont signifié lors des récentes élections régionales, puis dans le mouvement mobilisant des millions de salariés et les trois quarts de l'opinion contre la liquidation de notre système de retraite. Ils en ont assez de subir l'appauvrissement de la société tout entière ; assez de voir des retraités, des familles et des jeunes réduits à vivre des secours et des repas du mouvement caritatif ; assez de devoir renoncer à des soins, quand une étude publiée ces jours-ci montre que vos réformes menacent désormais le principe même de solidarité ; assez du statut de travailleur pauvre qui fait que l'on peut être salarié dans ce pays et contraint de vivre et coucher dans une voiture, faute d'avoir de quoi payer un logement. « La pauvreté des enfants et de leurs familles n'intéresse guère l'État » vient de dénoncer Dominique Versini, défenseure des enfants. La mesure est donc pleine. Emploi, logement, pouvoir d'achat, protection sociale et santé, avenir et travail des jeunes : on touche là aux questions de fond que soulève notre proposition de loi. On touche à ce qui met ce texte et les solutions réalistes et chiffrées qu'il avance pleinement en phase avec le droit à la dignité de chaque habitant de notre pays.

Une fiscalité juste socialement, efficace économiquement c'est tout l'envers d'aujourd'hui ! Cette question est donc à prendre d'urgence à bras-le-corps pour maîtriser le déficit public que vous avez laissé filer en trois ans et pour réduire la dette – 1 800 milliards d'euros en 2013 – que dix ans de gouvernements de droite ont multiplié par deux ! Mais elle doit permettre de répondre aux attentes et redresser notre économie, lutter pour l'emploi, développer les services publics au lieu de les détruire et tirer toute la société vers le haut. Enfin, elle est à prendre en compte pour peser sur les choix de l'Union européenne et pour que la France soutienne l'exigence d'en finir avec la concurrence fiscale entre les États et avec le dumping social qui laisse les groupes multinationaux jouer les peuples et les salariés les uns contre les autres, au mépris de l'intérêt général.

Le 25 septembre 2008 à Toulon, Nicolas Sarkozy se faisait fort de « refonder le capitalisme ». Il dénonçait les questions qui fâchent, comme celle des paradis fiscaux. Il annonçait qu'il allait en finir avec les dérives de la finance globale. On voit ce qu'il en reste deux ans plus tard ! La présidence française du G8 et du G20 ne changera pas la face du monde de la finance au moment où les agences spécialisées annoncent que, pendant la crise, les groupes ont amassé 3 000 milliards de dollars de trésorerie qu'ils s'apprêtent à engloutir dans des OPA et des rachats d'entreprises. Vous venez de vous faire, une fois de plus, l'avocat des banquiers. Faut-il préciser que l'argent des banques est celui des contribuables et que les banques profitent de la crise, puisqu'elles achètent à 1 % à la BCE pour vendre à 5, 6, voire parfois 10 % ?

Notre proposition vous donne donc l'occasion de passer à l'acte pour assainir la finance et la richesse, en commençant par notre propre pays.

L'évasion fiscale continue avec, chaque année, des centaines d'exilés fiscaux supplémentaires. Allez-vous supprimer le bouclier fiscal qui a coûté 700 millions d'euros en 2010 et fait tomber 362 000 euros – l'équivalent de vingt ans de SMIC – dans le portefeuille de chacun des 1 169 ménages les plus fortunés ? Mais, surtout, allez-vous y mettre fin sans supprimer l'impôt sur la fortune qui rapporte, lui, 3,3 milliards d'euros, à moins que ce ne soit un jeu de dupes profitant à nouveau aux plus nantis ? Nous savons que, grâce aux niches, exonérations et autres abattements de l'ISF, les assujettis ne déclarent, en vérité, que 60 % de leur patrimoine réel. L'impôt sur la fortune doit être moins que jamais remis en cause. Il doit au contraire être ajusté et dopé. « Si je suis Président de la République, il n'y aura pas de suppression de l'ISF » expliquait le candidat Sarkozy en janvier 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Raison de plus ! Mais vous me direz que le même candidat à la Présidence avait juré de ne pas toucher au droit à la retraite à soixante ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

L'aspiration à une ample justice fiscale grandit parmi les Français. Début octobre, selon l'institut BVA, 71 % d'entre eux réclamaient la suppression du bouclier fiscal, mais 64 % restaient hostiles à l'abrogation concomitante de l'ISF, dont, soulignons-le, 52 % de sympathisants de droite !

Il est urgent de rétablir une vraie progressivité de l'impôt sur le revenu en augmentant le nombre des tranches…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

…pour aller chercher l'argent là où il est. Les hauts revenus imposés à 50 %, c'est du vent ! Les études montrent en effet que les plus gros patrimoines ne sont imposés qu'à 20 %, ce qui est un scandale fiscal intolérable ! Il faut supprimer les stock-options qui font qu'un privilégié peut, en un jour, empocher 18 millions d'euros sur un coup de bourse, limiter l'échelle des rémunérations au sein des entreprises, taxer les profits financiers des entreprises, ce qui rapporterait 30 milliards d'euros pour la protection sociale et la santé, notamment.

Le taux réel d'imposition d'une PME de moins de dix salariés est d'environ 30 %, celui d'un groupe du CAC 40 est de 8 %. Qu'attendez-vous pour assainir cette situation et moduler l'impôt en fonction du choix des entreprises, investissement productif ou spéculation sur les marchés, quand on sait que ce sont les PME qui créent l'essentiel de l'emploi et que le CAC 40 exporte ses profits au détriment des Français ?

Le Conseil des prélèvements obligatoires évalue la fraude fiscale à 40 milliards d'euros par an. Plutôt que de supprimer 20 000 postes à la direction des finances publiques entre 2002 et 2011, mieux vaudrait y créer de l'emploi.

Il faudra aussi s'attaquer un jour à cet impôt particulièrement injuste et lourd pour les plus modestes qu'est la TVA avec son taux élevé. Depuis très longtemps, nous réclamons sa suppression pour les produits de première nécessité.

Nous le montrons donc, chiffres à l'appui, des dispositions fiscales peuvent être instaurées pour répondre à l'exigence de justice et d'égalité devant l'impôt, mais aussi pour maîtriser les déficits publics et adapter la contribution fiscale légitime des entreprises à leur stratégie.

Moraliser le capitalisme, c'est le miroir aux alouettes. Contrairement aux arguties présidentielles, le capitalisme n'est pas une éthique. Le capitalisme est amoral, il ne fonctionne pas à la vertu mais à l'égoïsme. Le philosophe André Comte-Sponville, qui dresse ce constat, ajoute aussitôt : « Plus on est lucide sur la force de l'économie et sur la faiblesse de la morale, plus on se doit d'être exigeant sur le droit et la politique. »

L'occasion vous en est donnée. Les députés du groupe GDR voteront cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'initiative de nos collègues du groupe GDR, notre assemblée est aujourd'hui saisie d'une proposition de loi à l'intitulé plutôt accrocheur puisqu'il s'agit de promouvoir une fiscalité juste et efficace.

Or force est de constater que les dispositions contenues dans le présent texte souffrent d'un certain nombre d'incohérences, et, loin de rechercher une fiscalité juste et efficace, elles relèvent davantage du catalogue…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Dans un catalogue, il y a plein de bonnes choses !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

….que de la réforme fiscale, sérieuse, crédible et ambitieuse que le groupe Nouveau Centre appelle de ses voeux depuis longtemps.

Cette proposition de loi prétend répondre à des attentes en matière de justice sociale, mais est-ce bien sérieux, dans les circonstances présentes, d'adopter des postures idéologiques alors que l'on doit mettre en oeuvre une vraie réforme fiscale ?

Mes chers collègues de l'opposition, ce n'est pas en proposant la suppression du bouclier fiscal et des stock-options ou encore la création de taxes à des taux exorbitants que notre système fiscal gagnera en justice et en efficacité, et je suis persuadé que vous le savez.

Aussi, je souhaiterais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour rappeler les propositions du groupe Nouveau Centre en vue de l'indispensable réforme de la fiscalité du patrimoine. Le Gouvernement s'est en effet engagé à lancer une telle réforme au printemps 2011, et notre groupe y est particulièrement attaché.

Pour le Nouveau Centre, cette stratégie fiscale doit répondre à un double objectif, l'équité fiscale, pour que l'impôt soit accepté par tous, et l'efficacité économique.

Comme vous le savez, notre groupe soutient avec détermination l'ambition de parvenir à une convergence fiscale entre la France et l'Allemagne afin de réduire les écarts de compétitivité entre nos deux pays.

Un véritable Grenelle de la fiscalité doit embrasser, à vrai dire, un champ bien plus large que les simples mesures contenues dans le texte qui nous est soumis ce matin, au regard notamment des défis économiques colossaux auxquels notre pays est confronté.

Une réforme pour une fiscalité juste et efficace devrait conjuguer quatre impératifs essentiels :

Un impératif économique, tout d'abord. Il faut le dire clairement, oui, le bouclier fiscal n'a pas permis le retour des exilés fiscaux, oui, l'ISF est, dans sa forme actuelle, un impôt anti-économique.

Un impératif de justice sociale. La progressivité de l'impôt et la justice fiscale sont des éléments constitutifs de la cohésion de notre tissu social.

Un impératif de convergence. Une politique fiscale moderne va en effet de pair avec les choix effectués par nos plus proches partenaires économiques, à commencer par ceux de la zone euro elle-même, et notre famille politique a toujours souhaité, à terme, une véritable convergence économique, sociale et fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Un impératif de simplification, enfin. Oui, notre fiscalité est devenue illisible.

À ce stade de la réflexion, et en attendant le rapport de la Cour des comptes, qui nous est promis pour le premier trimestre de 2011, toutes les pistes de réflexion doivent être creusées en gardant à l'esprit que convergence ne veut pas dire de facto conformité.

Cela signifie qu'il ne faudra sans doute pas supprimer de façon abrupte l'ISF et les 4 milliards d'euros qu'il procure chaque année au budget de l'État et que l'on devra réfléchir à une nouvelle forme de fiscalité patrimoniale, qui affecterait non plus le patrimoine en lui-même mais plutôt les revenus qu'il procure.

Le groupe Nouveau Centre propose depuis un certain temps d'adopter un véritable discours de tempérance fiscale.

Que proposent nos collègues du groupe GDR ? Une succession de mesures sans architecture globale. Or la fiscalité nécessite de la cohérence. Il nous est proposé de refondre totalement le barème de l'impôt sur le revenu pour parvenir à neuf tranches. Au-delà de la faisabilité d'une telle réforme dans une simple proposition de loi, ce dont je doute fortement, il me semble que l'équilibre entre justice sociale et efficacité économique n'est pas respecté au travers des différentes tranches d'imposition proposées.

Une fiscalité juste est en premier lieu une fiscalité qui n'est pas confiscatoire. Cette règle première n'est en rien respectée dans cette proposition de loi.

Le grand soir fiscal ne se fera pas au détour de quelques articles accrocheurs d'une proposition de loi. Par voie de conséquence, et vous ne serez pas surpris, le groupe Nouveau Centre votera contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

« Pour une fiscalité juste et efficace » : le titre prometteur de la proposition de loi du groupe communiste est pour le moins surprenant, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au regard des mesures avancées pour y parvenir, chacune d'elle pouvant être qualifiée d'injuste et d'inefficace.

Chaque fois qu'une proposition communiste est à l'ordre du jour de notre assemblée,…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…c'est pour réduire à néant des années de travail. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

Chaque fois qu'une proposition communiste est à l'ordre du jour de notre assemblée, je me prends à rêver : et si c'était l'occasion d'un rendez-vous conjoint avec l'intérêt général, et si c'était l'occasion de bâtir ensemble une fiscalité attractive pour gagner la bataille de la compétitivité internationale.

Et, chaque fois, lorsque je prends connaissance de vos propositions, mes chers collègues, c'est le même retour brutal à la réalité politicienne, la même déception. Vous adorez l'impôt, dans les villes, les régions, les départements, les intercommunalités où vous êtes aux responsabilités,…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…alors que l'impôt est contraire à la compétitivité.

Vous nous proposez en premier lieu de supprimer le bouclier fiscal. Depuis l'été 2007, vous n'avez qu'un argument au sujet de la loi TEPA, c'est un cadeau de 15 milliards fait aux riches.

Depuis le début de législature, nous vous expliquons que la plupart des mesures concernent les classes moyennes et que, dans leur majorité, vous n'oserez jamais revenir dessus. Je pense notamment à l'exonération de l'impôt sur les successions pour 95 % des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

C'était déjà le cas avant pour 90 % d'entre eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Aujourd'hui, vous nous donnez raison en vous contentant de remettre en cause le seul bouclier fiscal. Les 15 milliards de votre propagande fondent subitement comme neige au soleil. Le bouclier fiscal à 50 % des revenus, cela représente seulement, vous l'avez dit tout à l'heure, près de 700 millions d'euros. Aurez-vous la sincérité politique de l'expliquer aux Français, d'autant plus que 66 % des bénéficiaires de ce bouclier sont des ménages modestes ? (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Venons-en maintenant au coeur du sujet, le bouclier fiscal.

Pendant toute sa campagne électorale, le Président de la République a expliqué qu'il l'abaisserait à 50 %. C'est une garantie pour chaque contribuable qu'il ne versera pas plus de 50 % de ce qu'il gagne à l'État, qu'il ne travaillera pas plus d'un jour sur deux pour payer ses impôts. C'est un engagement pris devant tous les Français, qui ont élu Nicolas Sarkozy en connaissance de cause. Nous l'avons tenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Voilà que vous voulez revenir sur cette décision de notre assemblée en supprimant le bouclier fiscal. Votre prétexte ? La crise. Nous, nous préférons engager un débat dès le premier semestre prochain sur notre stratégie fiscale.

Comme à votre habitude, vous profitez d'une période de difficulté pour stigmatiser une partie de la population française.

Plusieurs députés du groupe GDR. Les riches !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Que se passe-t-il lorsque l'on met en place une fiscalité confiscatoire ? On se fait plaisir quelque temps en visant ceux que vous appelez « les riches » mais, comme nous sommes dans un monde ouvert, où la concurrence fiscale est une réalité, au-delà d'un certain seuil, les Français les plus taxés ne consentent plus à l'impôt confiscatoire, et ils partent payer moins d'impôts ailleurs. Nous le savons, nous, les élus du Nord, il y en a dans cette salle.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

« Tant mieux ! » crient chez vous certains jusqu'au-boutistes. Tant mieux ? Eh bien non, car les premières victimes de cet exode fiscal sont les classes moyennes. Pour compenser les manques à gagner liés aux départs fiscaux, on finit par faire peser l'impôt sur ceux qui restent.

Au groupe UMP, nous avons eu le courage de prendre une mesure de justice fiscale que la gauche n'avait jamais eu l'audace d'assumer : le plafonnement global des niches fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous en avez doublé le nombre depuis 2002 ! Quel culot !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Nous sommes ainsi cohérents : nul ne peut s'exonérer du paiement de l'impôt, mais celui-ci ne peut pas être confiscatoire.

À travers ce débat, nous voyons clairement la question qui se pose : c'est le choix entre l'idéologie et l'efficacité, entre la fausse vertu et la vraie justice.

Nous devrions au contraire nous inspirer de l'exemple de nos voisins européens, l'Espagne, le Danemark, la Suède, et de notre plus proche voisin, l'Allemagne, où une décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a institué un bouclier fiscal à 50 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Vous nous proposez ensuite d'augmenter les impôts sur les ménages et les entreprises. Je me demande si nous vivons dans le même monde. Taxer encore plus les ménages et les entreprises alors que nous avons le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé en Europe :…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…quatre points de plus que la moyenne européenne, quelle aberration économique ! Quant à la fiscalité directe sur les entreprises, elle est en moyenne supérieure de cinq points par rapport à nos voisins européens.

Comment voulez-vous que des entreprises s'installent en France et créent des emplois durables si l'on suit votre raisonnement ?

Comment voulez-vous vendre la marque France alors que les États se concurrencent pour attirer des sièges sociaux, parce que l'on n'a rien inventé de mieux que l'entreprise pour créer de l'emploi ?

Comment voulez-vous renchérir le coût du travail, en préconisant la suppression des exonérations au titre des heures supplémentaires, qui ont concerné 9 millions de salariés ? Pourquoi vous attaquez-vous ainsi à ce qui constitue un gain de pouvoir d'achat pour les Françaises et les Français, avec 100 euros de plus en moyenne par mois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Parce que nous nous intéressons aux 4 millions de chômeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

En période de sortie de crise, plus que jamais, notre pays mérite un travail législatif raisonnable et mesuré. Nous devons envoyer des signaux positifs au monde entier.

La France est une terre d'investissement et d'innovation, vous nous proposez d'en faire une terre de taxation.

C'est donc bien notre majorité qui oeuvre sans relâche à assurer aux Français une fiscalité juste et efficace, qui ne soit pas confiscatoire, qui permette la compétitivité de notre économie et le maintien de l'emploi.

Le Premier ministre l'a souligné ici la semaine dernière, la fiscalité doit servir notre compétitivité et rechercher la justice. C'est le sens des observations pertinentes de M. le ministre du budget tout à l'heure. Vos méthodes ne sont pas les bonnes. Voilà pourquoi j'invite mes collègues à voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. Gérard est polythéiste. Avant, il ne croyait qu'en Sarkozy. Maintenant, il croit aussi en Fillon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier le groupe GDR et tout particulièrement Jean-Claude Sandrier de lancer ce débat sur la fiscalité. C'est en effet un débat majeur. Nous sommes favorables à un grand nombre des douze articles de cette proposition de loi et si, sur d'autres, nous avons des points de vue différents, nous avons la même conviction, rétablir la justice dans notre fiscalité.

C'est essentiel pour deux raisons : d'une part, parce que la dette aura doublé au cours des dix dernières années et que, d'autre part, les inégalités auront également explosé.

La dette était de moins de 900 milliards d'euros en juin 2002 et elle sera, selon les propres prévisions du ministère des finances, de 1 800 milliards en juin 2012. Les intérêts de cette dette, qui représenteront 55 milliards d'euros chaque année pour les générations futures, deviendront progressivement le deuxième budget de l'État, juste après l'éducation nationale.

On sait que cette explosion de la dette n'est pas la conséquence de la crise, qui n'explique qu'un tiers du déficit de 150 milliards d'euros cette année. L'explosion de la dette tient pour l'essentiel aux cadeaux fiscaux consentis au cours des huit dernières années, souvent aux plus fortunés, et qui ont conduit à laisser dériver les déficits, quand d'autres pays les réduisaient dans cette période de croissance.

Il est vrai qu'une part de l'explosion des inégalités est due à la crise. Cette crise présente une caractéristique, déjà présente en 1929 : il s'est produit une explosion des hautes rémunérations. Les écarts de revenus dans les entreprises françaises, qui étaient, dans les années 50, 60, 70, d'un à vingt, sont passés de un à trois cents. C'est beaucoup plus que dans d'autres pays, notamment aux États-Unis. Nous avons retrouvé les inégalités qui existaient dans les années 20, avant la crise de 1929. Cette explosion est aussi l'une des raisons de la crise que nous connaissons.

Ce qui distingue notre pays, c'est que toute votre politique fiscale depuis huit ans aura consisté à accentuer les inégalités, en réduisant l'impôt sur le revenu comme une peau de chagrin – 3 % du PIB contre plus de 5 % il y a quelques décennies –, par l'abaissement des tranches supérieures sur les plus hauts revenus mais surtout par la multiplication des dispositifs dérogatoires, des niches fiscales, qui font que la base de notre impôt sur le revenu est aujourd'hui complètement mitée. Ainsi, alors que l'on s'attendrait à ce que le seul impôt un peu redistributif croisse avec les revenus, ce n'est pas le cas : pour les mille plus hauts revenus, il atteint 25 % mais, pour les dix plus hauts, qui devraient normalement entrer dans la tranche de 40 %, il est de moins de 20 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

C'est donc une courbe en cloche, d'ailleurs fort compréhensible dans la mesure où les revenus du capital sont aujourd'hui près de deux fois moins imposés que ceux du travail, à la fois parce qu'ils peuvent bénéficier du prélèvement libératoire et que l'essentiel des dispositifs dérogatoires permettent de réduire l'imposition du capital.

Vous y avez ajouté le bouclier fiscal, qui a disparu l'espace d'un instant puisque l'article 1er de la proposition de loi de notre collègue Sandrier a été voté par la commission des finances. Le bouclier fiscal conduit à ce paradoxe que les personnes possédant un patrimoine extrêmement élevé, de plus de 16 millions d'euros – les deux tiers du montant du bouclier –, et utilisant abondamment les niches fiscales de l'imposition sur le revenu peuvent parvenir à s'exonérer complètement d'impôt. Il est des contribuables de 16 millions d'euros de patrimoine qui déclarent un revenu imposable inférieur au SMIC. Du fait de ce revenu très faible, tout le reste leur est remboursé : la CSG, l'impôt de solidarité sur la fortune, naturellement, mais aussi les impôts locaux. Bref, les seuls contribuables qui arrivent aujourd'hui à s'exonérer de CSG ou d'impôts locaux, ce sont les plus riches de nos concitoyens.

Quelles réformes faut-il conduire ? Je pense qu'une réforme fondamentale pour rétablir de la justice fiscale dans notre système, c'est de taxer les revenus du capital de la même façon que ceux du travail. Il faut que tous les revenus du capital soient taxés au barème, sans bénéfice du prélèvement libératoire. Il faut également cesser le mitage de notre fiscalité. En outre, il convient de prendre en compte le fait qu'il existe en France deux impôts sur le revenu : l'IR proprement dit – 3 % du PIB – et la CSG, beaucoup plus importante, qui représente près de 5 % du PIB. Le paradoxe, c'est qu'en même temps qu'était continuellement abaissé l'impôt sur le revenu, la CSG, pour équilibrer les comptes sociaux, augmentait de façon constante, si bien que notre imposition sur le revenu n'est plus progressive. Or tous les Français payent l'impôt sur le revenu ; il n'y a rien de plus faux que d'affirmer que la moitié seulement le font, car tous payent la CSG.

Si nous voulons reconstruire un véritable impôt sur le revenu, il convient de fusionner l'IR et la CSG, rendre l'ensemble progressif et le débarrasser de toutes ces niches fiscales qui créent des injustices majeures et font que nos concitoyens ne savent pas quelle imposition ils paieront sur leurs revenus. Il faut un impôt plus simple, plus clair et plus juste, en retenant le meilleur de chacun des deux : la progressivité de l'IR et la base large de la CSG.

La même action devra être appliquée à l'impôt sur les sociétés. Nos collègues l'ont évoqué. Le taux de 33,3 % n'est en réalité payé que par les petites entreprises, qui reversent en moyenne 30 % de leurs bénéfices. Les grandes, de plus de 2 000 salariés, n'acquittent qu'une imposition de 12 % et celles du CAC 40 de seulement 8 %, parce que l'impôt sur les sociétés est lui aussi complètement mité par des niches, la plus célèbre étant la « niche Copé », qui permettent à de grandes entreprises ayant des moyens, des services spécialisés, de s'exonérer très largement d'impôt en pratiquant l'optimisation.

Nous avons besoin de ces réformes fondamentales. Ce sont celles que portent les socialistes. Sur de nombreux points, elles rejoignent les propositions de nos collègues du groupe GDR.

La réhabilitation de l'impôt est un autre aspect qui me paraît essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

À rebours de tous les discours libéraux que nous entendons depuis trente ans, ce qui caractérise le développement économique, ce n'est pas la diminution continue du rôle de l'État, mais l'inverse. Certes, dans une économie mondialisée, la compétitivité d'une nation se confond avec celle de ses entreprises, mais une entreprise moderne, performante peut être reproduite à peu près partout dans le monde aujourd'hui. Cependant, pour qu'elle fonctionne efficacement, il faut des infrastructures, un système d'éducation et de recherche performant, une protection sociale qui permette de prendre des risques, un système de santé efficace. Bref, ce qui caractérise le développement, à rebours des discours libéraux, c'est tout ce qui échappe au marché, tout ce qui est collectif, tout ce qui résulte d'une volonté publique ou collective. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

En prenant conscience de cela, nous comprenons que la solidarité est un vrai facteur d'efficacité économique, car elle crée la confiance indispensable. Sans confiance, l'économie de marché ne peut fonctionner. Cette confiance permet à nos concitoyens qui le souhaitent de prendre des risques, de changer d'emploi, éventuellement de créer leur entreprise, car ils savent que s'ils sont confrontés à des difficultés, la société ne laissera personne au bord du chemin. Ce qui caractérise donc l'efficacité économique, ce sont, à l'opposé du discours libéral, des services publics et un État performants, avec la réhabilitation de l'impôt.

En conclusion, nous partageons beaucoup des propositions de ce texte. Sur d'autres, nous avons des divergences mais pas fondamentales. Cela nous conduira à ce que j'appellerai une abstention positive.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Nous partageons l'essentiel : vous et nous, chers collègues, nous pensons fondamentalement que la solidarité est un puissant facteur d'efficacité économique. Je crois qu'il faut prolonger notre débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce matin nous propose de modifier en profondeur la fiscalité applicable aux entreprises et aux ménages, tout en encadrant certaines pratiques et rémunérations en vigueur dans les entreprises.

Comme l'a indiqué Pierre-Alain Muet, nous partageons la plupart des objectifs poursuivis par ce texte, mais nous divergeons parfois sur les moyens de les atteindre.

C'est le cas à l'article 2, par exemple, qui se contente de réviser le barème de l'impôt sur le revenu. Ce dispositif restera d'une portée extrêmement limitée tant que les niches fiscales continueront de miter en profondeur cet impôt.

Nous prônons, au groupe socialiste, un impôt sur le revenu plus clair, plus juste, avec une assiette plus large, sur les revenus du travail et du capital, en ne gardant que celles des exonérations ayant un véritable sens économique ou social, et en appliquant un niveau d'imposition minimal en fonction du revenu. L'impôt français est en effet bien trop peu redistributif mais aussi bien trop peu écologique.

La mise en place d'un « impôt citoyen sur le revenu », résultant de la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, devrait permettre d'avancer dans ce sens.

Il sera aussi nécessaire de revenir sur l'ensemble des niches fiscales et non de se contenter d'un simple coup de rabot aussi timide qu'aveugle, comme le Gouvernement nous l'a proposé dans le projet de loi de finances pour 2011. Car raboter comme nous l'a proposé la majorité, cela revient à ne pas choisir, hiérarchiser, classer les priorités ; on l'applique uniformément, modérément mais sans changer l'équilibre d'ensemble. Or le fond du problème est bien le tentaculaire, obscur et très coûteux système des niches, et l'effort proposé jusqu'ici reste trop faible.

En parallèle, nous aurons bien évidemment besoin d'une réforme fiscale majeure pour rétablir la justice fiscale. Elle doit reposer sur un principe simple : l'impôt doit traiter de la même façon les revenus du capital et du travail.

Aujourd'hui, les revenus du capital échappent très largement à la progressivité de l'impôt, qui est pourtant l'un des éléments essentiels des transferts sociaux, de la réduction des inégalités, de l'abondement des fameux amortisseurs sociaux que le Gouvernement nous vante comme ayant permis d'atténuer le choc de la crise.

La manière brouillonne, frileuse et parcellaire avec laquelle la majorité et l'Élysée sont entrés dans ce débat n'est pas pour nous rassurer.

Reconstruire l'impôt sur le revenu, imposer autrement le patrimoine, redonner son sens à la fiscalité écologique, le chantier est immense mais c'est un préalable à toute grande réforme structurelle. L'explosion de la dette, le creusement des déficits, la montée des inégalités et du chômage, les difficultés croissantes de nos industries, le retard pris dans l'économie verte sont autant de manifestations de l'échec persistant des politiques économiques menées par le pouvoir au cours de la dernière décennie. Ces réformes, loin de moderniser l'économie ou de restaurer le pouvoir d'achat, mettent en péril un système construit sur les principes de justice et de solidarité.

Une reforme fiscale menée à la seule aune – telle qu'elle nous est a été annoncée – d'une supposée compétitivité, qui se traduirait par un dumping fiscal d'où nous sortirions fatalement perdants, ne permettrait aucunement de nous réarmer face aux défis qui attendent la France. L'attractivité et la compétitivité de notre pays se fondent d'abord sur des infrastructures et une main-d'oeuvre de qualité qui supposent des investissements publics importants qu'il faut financer – par l'impôt.

Préserver l'environnement par la fiscalité écologique, favoriser l'innovation et l'investissement et tenir les promesses de notre système de protection sociale, ce sont autant d'objectifs autrement plus pertinents que le dumping fiscal.

Cette reforme fiscale que vous annoncez, monsieur le ministre, devra également donner du sens au consentement à l'impôt. C'est l'un des fondements de la citoyenneté.

Depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le citoyen est défini, en vertu de ses articles 13 et 14, comme celui qui consent à l'impôt et qui évalue la manière dont l'impôt est prélevé et redistribué par la puissance publique. Aujourd'hui, lorsque le Parlement vote les lois de finances, il accorde son consentement, celui du peuple qu'il représente, à l'impôt. Dois-je vous rappeler que les premières critiques émises à l'encontre de l'Ancien Régime ont porté précisément sur la question fiscale, en particulier sur le fait que les sujets ne pouvaient pas manifester leur hostilité ou leur consentement à l'impôt ?

L'impôt constitue un indicateur pour savoir si un système social permet à l'individu d'exister ; il est nécessaire à l'éveil de la conscience politique et établit le lien de citoyenneté. C'est pourquoi nous sommes favorables à un impôt minimal pour tous, mais aussi à un impôt pour les Français résidant à l'étranger. Montesquieu définissait la vertu politique du système républicain comme étant la passion de l'égalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Je retrouve dans la proposition de loi du groupe communiste cet attachement à la République, et cette passion de l'égalité chère à Jean-Pierre Brard. Mais celle-ci doit passer par l'impôt, et j'ai été un peu surprise d'entendre certains de nos collègues de la majorité évoquer, il y a quelques mois, un débat sur l'identité nationale – débat avec lequel, monsieur le ministre, vous aviez pris quelque distance – sans aborder la question de l'impôt. Comment envisager la notion même d'identité nationale sans parler de la contribution nationale à l'impôt, sans parler du financement de la puissance publique par l'impôt ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

L'impôt juste et équitable sur le revenu, c'est la manifestation de l'attachement du citoyen à la communauté nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Parmi les définitions de l'État, il y a évidemment celle de l'État entendu comme détenteur du monopole de la violence légitime, mais aussi comme ayant la légitimité pour recouvrer l'impôt, pour lever une contribution nationale. Par conséquent, sans impôt juste et équitable, il n'y a ni citoyenneté ni nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Nous devrions tous nous retrouver sur ce point. À cet égard, j'aimerais, monsieur le ministre, qu'à l'occasion de la grande réforme fiscale, on revalorise cette participation de chaque citoyen à la contribution nationale à travers l'impôt sur le revenu. J'espère qu'au cours du premier semestre 2011 vous reviendrez sur ce point. Vous rappelez souvent que 500 000 contribuables payent une large fraction de l'impôt sur le revenu,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

43 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…mais peut-être pourrions-nous aussi valoriser ceux qui contribuent par…

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…des dispositions spécifiques – je pense aux cérémonies de citoyenneté organisées dans les mairies pour accueillir les nouveaux citoyens français.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

D'accord pour féliciter des contribuables qui payent l'impôt et ne cherchent pas à y échapper par l'évasion fiscale, mais réhabilitons aussi l'impôt sur le revenu de manière profonde, unie et citoyenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et, à l'inverse, une cellule VIP pour les délocalisés !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Brard, c'est gentil de votre part de vouloir aider Mme Filippetti, mais je pense qu'elle n'en a pas besoin et je vous rappelle qu'elle seule a la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

je vous remercie, madame la présidente.

Un impôt juste et équitable correspond à la passion de l'égalité évoquée par Montesquieu, mais il doit aussi être progressif. Or aujourd'hui notre impôt sur le revenu est beaucoup trop mité. Il a perdu sa progressivité, et c'est bien là le problème. Pourquoi cette progressivité est-elle indispensable et pourquoi devrait-elle aussi s'appliquer à l'impôt sur le capital ? Parce que l'on a assisté au cours de la dernière décennie à une explosion des inégalités. Ce n'est pas propre à la France, tous les pays occidentaux sont concernés. Les revenus d'une très petite frange de nos concitoyens ont explosé, augmentant de plus de 42 % – je renvoie à l'étude de Camille Landais sur ce sujet –, alors que ceux de 99 % de la population, eux, stagnaient. Par le mitage de l'impôt sur le revenu dû aux niches fiscales, cette toute petite frange de la population a bénéficié d'une forte diminution de l'impôt sur le revenu ; elle a même les moyens d'y échapper.

C'est pourquoi Pierre-Alain Muet et l'ensemble du groupe socialiste proposent une réforme d'ensemble qui ferait de l'impôt sur le revenu fusionné avec la CSG un impôt réellement progressif, non seulement sur le travail mais aussi sur le capital. Au passage, je note que les inégalités n'ont jamais été un facteur de croissance. Il faut se rappeler que l'impôt sur le revenu a été créé en 1914, à un moment où, en raison des nécessités de la guerre, les inégalités étaient devenues insupportables : il n'était plus tolérable qu'une toute petite frange de la population échappe totalement à la contribution nationale à un moment où l'on avait besoin d'une union sacrée. Ce nouvel impôt a permis de compenser les inégalités de la Belle Époque, l'une des périodes les plus inégalitaires qu'ait connue notre pays. Or aujourd'hui on retrouve un niveau d'inégalité semblable à celui du début du XXe siècle, alors qu'après la guerre, c'est pendant les Trente glorieuses, quand les patrimoines et les revenus ont été très rabotés, que l'on a eu à la fois le niveau d'inégalité le plus faible et la croissance la plus haute. Aucune étude n'a jamais prouvé que de très fortes inégalités dans un pays étaient favorables à la croissance.

Pour réduire les inégalités de revenu et de patrimoine, nous ne prônons pas…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

L'appropriation collective des moyens de production !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il connaît ses classiques, le vieux bolchevique !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Nous prônons l'impôt redistributif à travers l'impôt sur le revenu mais aussi celui sur les successions. En effet, les inégalités de patrimoine sont bien plus fortes que les inégalités de revenu, et elles sont évidemment accentuées par l'héritage. Je vous renvoie, monsieur le ministre, mes chers collègues, au débat qui a lieu actuellement aux États-Unis, pays où la notion d'impôt n'est pourtant pas toujours en odeur de sainteté : des milliardaires américains disent qu'ils ne souhaitent pas transmettre à leurs enfants un capital trop important, et donnent à des fondations parce qu'ils estiment que ce choix est à la fois meilleur pour leur progéniture et pour l'ensemble de la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Il faut dire que leurs enfants ne sont pas terribles ! (Rires sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Le chantier de la réforme fiscale est un chantier immense. J'espère que nous pourrons l'aborder dans ses dimensions très techniques, mais aussi dans sa dimension philosophique pour redonner du sens à la politique et à cet engagement qui nous rassemble tous ici aujourd'hui autour de la définition de ce que sont une nation et un citoyen. Car il est évident que le consentement à l'impôt fait partie de l'identité de chaque Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

C'est bien, madame Filippetti.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est difficile de succéder à Pierre-Alain Muet et à Aurélie Filippetti tant leurs propos, à la suite des excellentes interventions de nos collègues du groupe GDR, ont été pertinents. Mais je vais tout de même essayer.

Monsieur le ministre, la fiscalité est à prendre dans sa globalité. Je ne conçois pas que nous puissions aborder, au mois de juin, la fiscalité sur le patrimoine sans examiner et revisiter l'ensemble des aspects de la fiscalité. Or c'est un débat tronqué que vous vous apprêtez à nous proposer. À cet égard, un des mérites de cette proposition de loi est d'appréhender les questions fiscales dans leur globalité, et non pas seulement sur le plan national, puisqu'elle ouvre quelques pistes sur le plan européen, voire mondial.

Je vais me contenter de compléter certains des propos qui ont été tenus.

Aurélie Filippetti a développé le lien entre la citoyenneté, voire la nationalité, et la notion d'impôt. À cet égard, je m'étonne, chers collègues de la majorité, que vous n'ayez pas voté l'amendement deJérôme Cahuzac qui visait à souligner fortement le lien qui existe entre nationalité et fiscalité. Les États-Unis semblant inspirer notre Président de la République, j'invite chacun à réfléchir sur les pratiques de ce pays qui, lui, impose les revenus perçus par les citoyens américains à l'étranger. Nous devrions nous en inspirer pour redonner du sens à la notion de citoyenneté.

S'agissant du bouclier fiscal, tout a été dit, tout et son contraire : un jour, il y en aurait un en Allemagne, le lendemain, il n'y en aurait pas, et c'est tantôt la raison pour l'instaurer, tantôt la raison pour le supprimer. Chers collègues, vous auriez dû relire les récentes déclarations du Président de la République avant d'affirmer que le bouclier fiscal existe en Allemagne, puisque son absence est la raison qu'il avance aujourd'hui pour le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Tout a été dit sur le nombre de bénéficiaires et sur ceux qui en bénéficient le plus, et tout le monde voit qu'il s'agit d'une entourloupe, de laquelle plus personne n'est dupe. Mais vouloir lier systématiquement ce dispositif à l'ISF et surtout, c'est le point central de mon propos, vouloir remplacer l'ISF par une taxation des revenus du patrimoine constitue une erreur. En effet, les revenus patrimoniaux ne proviennent que de la part active du patrimoine, celle qui contribue le plus au développement de notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Or vous êtes en train, monsieur le ministre, de faire le contraire de ce que vous prétendez rechercher, non seulement sur les questions de volume – que ce soient les 700 millions ou les 4 milliards de dépenses fiscales supplémentaires –, mais parce que vous allez remplacer un impôt qui concerne aussi le patrimoine dit dormant par un impôt sur les revenus patrimoniaux, donc sur le seul patrimoine actif. C'est une erreur fondamentale, doublée d'une autre sur les droits de succession.

En effet, le Gouvernement a décidé, en 2007, la suppression quasi-totale des droits de succession. Mais il faut sans cesse rappeler qu'avant le paquet fiscal de l'été 2007, plus de 80 % des successions étaient déjà exonérées,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…et que la frange bénéficiant de cette réforme est justement celle qui aurait pu le plus légitimement être taxée en raison du nombre de personnes concernées et de la nature même de ces possédants.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas évoquer la réforme de l'impôt sur le patrimoine, en particulier de l'ISF, sans aborder la question des droits de succession. Vous commettriez une injustice de plus.

Certains collègues ont évoqué la question européenne. Certes, il y a le dumping fiscal, et le cas de l'Irlande nous interpelle tous, mais il y a aussi bien d'autres situations. Aurélie Filippetti a en commun avec moi le fait d'être originaire de cette Lorraine sidérurgique et minière, voisine d'un pays grand par sa richesse et petit par sa taille : le Luxembourg. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Savez-vous, monsieur le ministre, quelles sont là-bas les pratiques d'ArcelorMittal ? Ce groupe produit encore un peu d'acier en France, le vend à ses filiales luxembourgeoises, évidemment à des prix tels qu'il ne fait pas de bénéfices en France et ne peut donc être imposé à ce titre, et ses filiales revendent la production, fabriquée à vingt kilomètres, avec des bénéfices substantiels qui sont alors taxés au Luxembourg. Qu'est-ce que cette Europe ? Comment voulez-vous expliquer aux 200 000 sidérurgistes lorrains qui ont perdu leur emploi qu'il n'y a pas là une injustice ? Comment pouvez-vous espérez-vous les faire voter en faveur de ce type d'Europe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Les arguments en faveur d'une telle Europe sont absolument inaudibles. Même si nous, Lorrains, avons l'habitude de franchir les frontières, même si nous avons des points communs culturels avec nos voisins belges, luxembourgeois et allemands, c'est chez nous que les taux de refus les plus massifs ont été enregistrés lors des votes sur le traité de Maastricht et sur le traité constitutionnel. Nous ne pourrons pas vendre et construire une Europe fondée sur une injustice massive, à savoir l'évasion fiscale. Pour construire l'Europe, il faut appréhender les questions économiques et sociales !

Alors, même si le sujet n'est pas complètement à l'ordre du jour, je voudrais évoquer aussi la taxe professionnelle. Je profite de votre présence et de cette occasion, monsieur le ministre, pour dire combien cette prétendue suppression de la taxe professionnelle va vous revenir en boomerang.

C'est déjà le cas. Les contribuables – commerçants, artisans, petites entreprises – reçoivent dans leur boîte aux lettres leur avis d'imposition au titre de la taxe professionnelle, la CET ou la CVAE, car les appellations diffèrent parfois. Ils ne comprennent pas ; ils nous écrivent, viennent nous voir dans nos permanences.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ils nous disent : « Le Président de la République avait promis de supprimer la taxe professionnelle,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…or nous devons payer la même chose, voire beaucoup plus qu'avant ! »

Vous nous expliquez que ça coûte cinq milliards ou huit milliards, selon les jours. On ne sait plus si c'est en année pleine, avec ou sans la taxe carbone. Enfin, on sait seulement que cela coûte beaucoup d'argent et que cela aggrave le déficit de notre budget.

Sur le terrain, les contribuables viennent à nous pour se plaindre de payer finalement plus qu'avant – je vais vous montrer les photocopies d'avis d'imposition –, contrairement à ce qu'on leur avait promis.

Qu'est-ce que cette politique de gribouille ? Comme dans les cas des droits de mutation ou du bouclier fiscal, la réforme de la taxe professionnelle ne correspond pas, dans la réalité, à ce que vous dites, à ce que vous vendez.

Où sont passés ces huit milliards prétendument rendus aux entreprises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

La majorité des contribuables, de ceux qui fondent l'économie de nos territoires, n'y comprend plus rien, sans parler des auto-entrepreneurs phénomène finalement assez marginal sur lequel nous devrons d'ailleurs revenir.

Les trois derniers articles demandent des rapports sur la délocalisation fiscale, sur la création d'un pôle bancaire public – dont il y aurait beaucoup à dire – et sur la concurrence fiscale en Europe.

Cette dernière question, monsieur le ministre, ne se résume pas à prendre ici ou là ce qui nous arrange le plus. À notre collègue du Nord, je rappelle que beaucoup de Belges viennent se domicilier fiscalement en France, ce qui devrait nous interpeller.

Élu d'une zone frontalière de la Belgique – et pas seulement du Luxembourg –, je peux témoigner que nombre de fermettes de la région sont rachetées par des Belges…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…qui ne viennent même pas les habiter mais en profitent pour se déclarer fiscalement en France, parce que la fiscalité belge comporte quelques excès qui n'existent pas dans la nôtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Il est donc urgent de revoir la fiscalité dans son ensemble et pas seulement celle du patrimoine. Avec Pierre-Alain Muet, nous avons longuement évoqué toutes nos propositions.

Bien entendu, la plupart des articles de cette proposition de loi nous inspire la plus grande bienveillance, à quelques différences près qui ont été soulignées ici ou là. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je répondrai d'abord à M. le ministre, qui a balayé nos propositions assez rapidement.

Nous proposons une augmentation généralisée des impôts, dites-vous, monsieur le ministre. Pas de chance, ce n'est absolument pas le cas, mais exactement le contraire : nous proposons une augmentation d'impôts ciblée sur les plus hauts revenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

C'est le sens de l'article 2 qui propose une révision du barème en créant davantage de tranches mais aussi et surtout une hausse du taux marginal, l'article 40 nous empêchant de prévoir un ajustement global des taux.

Rappelons que le taux marginal se situe à 40 %, taux ridicule. En outre, plus les contribuables sont fortunés, moins ils paient ; ils échappent à ce taux marginal : les 1 000 plus hauts revenus sont imposés à 25 % et les dix plus hauts revenus à 10 %.

Il serait donc juste d'augmenter ce taux marginal. Sans être un nouvel adepte, Warren Buffet se situe dans la même philosophie quand il explique qu'il faut mobiliser l'argent des plus fortunés si l'on veut vraiment relancer l'économie et rémunérer le travail.

S'agissant des revenus financiers des entreprises, nous proposons une modulation. Celles qui choisiront de verser des dividendes exorbitants et faramineux paieront davantage de taxes, d'impôt sur les sociétés et de cotisations patronales. En revanche, celles qui privilégieront l'emploi, les salaires et la formation auront un bonus.

Il ne s'agit donc pas d'une augmentation généralisée. Il s'agit de justice fiscale mais aussi d'efficacité économique, en faisant passer de l'argent de la sphère financière à la sphère de l'économie réelle, c'est-à-dire l'emploi et les salaires.

À vous entendre, monsieur le ministre, nous aurions les plus forts taux d'imposition en Europe. Je ne sais pas à quels impôts vous faisiez référence exactement.

S'il s'agit de l'impôt sur les sociétés, c'est vrai qu'il est le plus élevé ou .l'un des plus élevés d'Europe. Malheureusement, il ne s'applique pratiquement pas. D'ailleurs, on trouve plus de PME et de PMI que de grandes entreprises parmi les sociétés qui sont imposées à un taux proche du taux marginal.

Qui aidez-vous dans cette affaire ? En tout cas pas les PME et les PMI. Selon des chiffres récents, les groupes du CAC 40 sont imposés à 8 % au titre de l'impôt sur les sociétés et non pas à 33,3 %, ce qui coûte 9 milliards d'euros au budget de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Quand je pense que vous cherchez de l'argent et qu'il y en a là, à portée de la main !

Si la France affiche l'un des taux marginaux les plus élevés, le taux réel est parmi les plus faibles, pour ne pas dire le plus faible d'Europe. Il faut le savoir et ne pas tromper les gens à ce sujet.

Venons-en à nos propositions pour l'échelle des rémunérations, que vous avez l'air de trouver scandaleuses, monsieur le ministre. Le scandale c'est que l'échelle des rémunérations qui allait de 1 à 40, il y a une trentaine d'années dans notre pays, soit passée de 1 à 300 ou de 1 à 400 de nos jours. Pour quelle raison ?

Qu'y aurait-il d'incroyable à limiter l'écart des rémunérations dans une fourchette de 1 à 20, celle qui se pratique dans 80 % des PME en France ? Cela n'aurait strictement rien d'extraordinaire.

Qu'est ce qui pèse sur les entreprises ? Ce sont les charges financières plutôt que les impôts : les dividendes qu'elles sont contraintes de distribuer aux actionnaires et les intérêts qu'elles versent aux banques.

Les chiffres tout à fait officiels qui émanent de votre ministère montrent qu'en dix ans la part des dividendes et des intérêts versés est passée de 25 % à 36 % de la valeur ajoutée des entreprises.

Qu'est-ce qui plombe les entreprises ? C'est bien cette financiarisation qui conduit en définitive à la crise. Dans le même temps, la part des salaires a évidemment diminué. Ce ne sont donc ni les salaires, ni les impôts ni les cotisations sociales qui plombent les entreprises, mais les charges financières. Que cela soit dit : les charges financières des entreprises sont bien plus importantes que leurs cotisations sociales.

Dernier chiffre sur les entreprises : L'Expansion a indiqué récemment que vingt-sept entreprises du CAC 40 avaient augmenté les salaires de 8 % en cinq ans, pendant qu'elles avaient augmenté les dividendes de 101 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Et on se demande qui plombe notre économie ? C'est ce monde qui s'engraisse sur le travail de tous et qui va provoquer la crise, en raison du comportement des marchés financiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Absolument ! C'est une démonstration éclatante !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

je reviens, monsieur le ministre, à l'un de vos propos que j'ai trouvé étonnant, même s'il est philosophiquement dans le droit fil de la politique que vous menez. À un moment donné, vous n'avez pas pu vous empêcher de nous traiter un peu d'irresponsables ou de parler d'irresponsabilité.

Franchement, l'irresponsabilité, dans ce pays, c'est d'avoir accordé des cadeaux fiscaux conduisant à cette situation décrite par Gilles Carrez : une perte de recettes de 100 milliards d'euros en dix ans pour l'État, alors que notre déficit budgétaire atteint actuellement entre 130 et 140 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

L'irresponsabilité, elle est là ! Pour quel résultat ? Nous amener, comme les autres pays, à une crise telle que nous n'en avons pas connu depuis quatre-vingts ans.

Parlons de l'évasion fiscale. Elle représente de deux à trois points de produit intérieur brut – Bercy ne sait même pas d'ailleurs ! –, ce qui pose le problème des paradis fiscaux. Ce sont des questions essentielles.

Vous avez vidé les caisses de l'État pour engraisser les actionnaires et les marchés financiers qui nous ont amenés droit dans le mur. Face à ce constat, vous ne répondez pas vraiment.

Vous continuez à répondre qu'il faudrait baisser les impôts pour améliorer la compétitivité. Quel pays était le recordman du monde en la matière, le champion, le plus dynamique, le plus formidable, l'exemple ? L'Irlande !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Ce pays a le taux d'impôt sur les sociétés le plus bas : 12,5 %. Je recommande aux Irlandais de ne surtout pas l'abaisser à 2 % parce qu'ils vont exploser, les malheureux !

Le problème n'est pas là. C'est le fric pour le fric qui nous coûte cher !

En conclusion, je citerai le rapport Stiglitz, que tout le monde doit avoir lu même si personne n'en parle, rédigé à l'initiative de l'ONU, ce rapport qui réunit vingt et un des plus grands économistes du monde identifie clairement deux causes de la crise : l'augmentation des inégalités dans le monde ; la masse de liquidités qui ne trouve pas à se rentabiliser dans des conditions normales, qui fait du fric avec le fric.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Tant que vous ne voudrez pas vous attaquer à cela, il n'y a aucune chance que nous sortions de la situation dans laquelle nous sommes.

C'est pourquoi notre proposition de loi est excellente. Il est urgent de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le rapporteur, nous avons chacun notre position et aucun de nous deux ne parviendra à convaincre l'autre ce matin.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Je ne reviendrai donc pas sur vos propos, mais nous aurons l'occasion de débattre à nouveau de ces sujets dans les semaines et les mois à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mes chers collègues, j'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Madame la présidente, j'indique qu'en vertu de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, et en application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve des votes sur les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Vos compliments me vont droit au coeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, la réserve des votes n'implique pas la réserve de la discussion, n'est-ce pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Bien sûr que non, monsieur Brard. Vous êtes inscrit sur l'article 1er et vous aurez la parole dans quelques instants.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

En application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement a demandé la réserve des votes.

La réserve est de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, monsieur le ministre, il faut bien s'accrocher à quelque chose ; on prend la locomotive qu'on peut. Comme je ne prendrai pas la parole sur les autres articles, mon intervention vaudra pour l'ensemble.

Beaucoup de choses ont été dites. Il est rare d'entendre des propos aussi décapants et innovants dans cet hémicycle où ils sont souvent convenus. Pourquoi utilisez-vous si souvent la langue de bois, chers collègues de l'UMP ? Parce que, pour vendre votre salade, vous avez besoin de l'envelopper, si possible avec des plastiques un peu reflétants, comme dans les supermarchés, pour qu'on ne voie pas ce qu'il y a à l'intérieur. C'est votre pratique.

François Rochebloine parlait de rapprochement fiscal. Il a raison ! Je vous recommande un document tout à fait passionnant qui a été produit par notre ambassade à Berlin, monsieur le ministre. Les ministres conseillers produisent souvent des documents que les membres du Gouvernement – je ne parle pas de vous, François Baroin – ne lisent pas.

Jacques Mistral, lorsqu'il était ministre conseiller à Washington, a produit une analyse des crédits hypothécaires aux États-Unis. Il avait prévu la crise des subprimes !

Il est dommage que personne n'ait lu cette analyse à Bercy car, d'une part, cela aurait évité au Président de la République de prendre les crédits hypothécaires comme modèle, même s'il s'est ravisé une fois que l'orage a éclaté, et, d'autre part, cela nous aurait permis d'anticiper la crise.

Le texte que je vais citer est un document collectif produit par les diplomates et les collaborateurs divers qui travaillent à notre ambassade à Berlin. Qu'y apprenons-nous ? Des choses très intéressantes. Comme vous le savez, le rapprochement fiscal entre l'Allemagne et la France est une invention de Nicolas Sarkozy dont les Allemands ne veulent pas entendre parler. Voici ce qui est écrit dans ce rapport – écoutez bien, monsieur le ministre : « L'Allemagne applique un barème par paliers où, dès lors que le revenu net imposable dépasse un certain seuil, le taux correspondant à ce palier s'applique à l'ensemble du revenu. » Or, contrairement à ce que nos collègues veulent faire croire en expliquant que le taux de l'impôt est élevé en France en ne faisant référence qu'au taux marginal, cela produit des effets très différents. Par exemple, un couple marié disposant d'un revenu de 150 000 euros paiera en Allemagne 49 450 euros d'impôt, contre 35 096 euros en France. Nous sommes, à l'évidence, très favorables à l'harmonisation fiscale – à la bonne harmonisation fiscale.

Jean-Claude Sandrier a fait référence à l'Irlande. Nous avons vu comment le Gouvernement s'est comporté. Christine Lagarde a indiqué que, dans les discussions, la question du taux de fiscalité sur les entreprises avait été posée. Mais a-t-on fait de son relèvement une condition ? Pas du tout. En revanche, les restrictions imposées à l'Irlande vont rendre impossibles les conditions de vie du peuple irlandais. Là, on ne transige pas, on impose ! Mais quand il s'agit d'une règle de nature à assainir la situation de la fiscalité et à permettre une certaine harmonisation, on ne va pas jusqu'au bout de la démarche.

Vos références à l'étranger sont d'ailleurs curieuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Comme je l'ai indiqué en préambule, madame la présidente, je n'interviendrai pas sur les onze autres articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Il ne vous aura pas échappé que vous avez déjà bénéficié d'un temps de parole supérieur à deux minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Douze fois deux minutes font un temps beaucoup plus long !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Laissez là la table de multiplication par deux, monsieur Brard, et veuillez conclure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je m'y apprête.

Le système américain, auquel le Gouvernement fait souvent référence, n'est pas, pour le coup, évoqué. Il permet pourtant de régler le problème du rattachement fiscal puisque tous les Américains y sont soumis.

Une dernière remarque à l'attention de nos collègues du groupe SRC. Pierre-Alain Muet a dit que cette proposition de loi avait le mérite d'ouvrir le débat. Nous sommes bien loin des articles que nous pouvons lire en ce moment dans les gazettes, où il est question de la congrégation des dominicains qui a élu domicile à Washington ou encore de Diane de Poitiers – pardon, Ségolène de Poitiers. Nous sommes là dans le vrai débat, et je souhaite qu'il soit traité au fond, dans sa consistance, et non pas survolé en ne s'attachant qu'à l'apparence. Comme pour le fromage, méfiez-vous de l'étiquette ! Gardez les saveurs ! Et là, il y aura matière à échanges entre nous !

(Le vote sur l'article 1er est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Si nous avions examiné cette proposition de loi comme nous aurions dû le faire, c'est-à-dire en votant article par article, le groupe SRC aurait effectivement voté beaucoup d'articles, en particulier les articles 1er et 4.

À l'article 4 est proposée la création d'une taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés au taux de 15 % prélevée sur les établissements bancaires. Si, quand le Gouvernement a procédé – comme il le devait – au sauvetage des banques, il était entré au capital de celles-ci, cela lui aurait rapporté, selon la Cour des comptes, 5 milliards d'euros, c'est-à-dire largement plus que ce que rapporterait la taxe proposée. Dans la situation que nous connaissons, on ne peut pas ne pas faire contribuer les banques à la réduction des déficits. Je trouve très bien qu'une taxe de ce type soit proposée à nouveau dans cet article, car son instauration, comme celle de la taxation des transactions financières, est une urgence.

(Le vote sur l'article 4 est réservé.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution et de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles et sur l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est un règlement nord-coréen que vous appliquez !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de cette proposition de loi auront lieu le mardi 7 décembre, après les questions au Gouvernement.

Application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures dix.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de Mmes Martine Billard, Jacqueline Fraysse, MM. Marc Dolez, Jacques Desallangre, Roland Muzeau et Jean-Claude Sandrier garantissant la souveraineté du peuple en matière budgétaire (2983).

La parole est à Mme Martine Billard, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, mes chers et peu nombreux mais convaincus collègues, le 12 mai 2010, la Commission européenne a proposé, dans un document intitulé Renforcer la coordination des politiques économiques, la mise en place de ce qu'elle a appelé « le semestre européen de coordination des politiques économiques ».

Pour votre rapporteur, ce document ainsi que les événements et les choix relatifs qui ont suivi, doivent être étudiés avec la plus grande attention, car ils nous semblent relever d'une procédure en opposition avec les principes de souveraineté du peuple en matière budgétaire.

Les propositions avancées par la Commission le 12 mai dernier ont été adoptées le 29 octobre par le Conseil européen. Une partie de ces conclusions a d'ores et déjà amené à une modification du code de conduite régissant la mise en oeuvre du pacte de stabilité.

Selon les signataires de la proposition de loi que je rapporte, cela enclenche un processus qui conduit à soumettre a priori les procédures budgétaires nationales à une surveillance communautaire injustifiable. Pour nous, ce procédé cherche à imposer aux peuples européens des politiques libérales, celles-là mêmes qui ont conduit à la crise que nous sommes en train de vivre.

La Commission européenne a ainsi proposé, au titre du volet préventif, la mise en place de ce semestre européen, « afin que les États membres mettent en oeuvre une coordination en amont au niveau européen lors de la préparation de leurs programmes nationaux de stabilité et de convergence, y compris leurs budgets et leurs programmes nationaux de réforme ».

Pour faire valoir cette solution, la Commission a avancé l'argument selon lequel « une surveillance budgétaire et économique en amont, qui fait défaut pour le moment, permettrait de formuler de véritables orientations qui tiennent compte de la dimension européenne et qui se traduiraient par des décisions politiques nationales ». La Commission affirmait par là même, sans s'en cacher, qu'il est souhaitable d'exercer une influence directe sur les choix budgétaires nationaux.

Dès le 1er janvier 2011, le calendrier de surveillance sera le suivant : en début d'année – a priori fin février ou début mars –, sur la base d'un rapport de la Commission, le Conseil Écofin émettra des recommandations « horizontales » – par groupes de pays – sur de grandes orientations de politique budgétaire, qui devront être suivies par les États membres dans la confection de leurs programmes de stabilité.

De préférence à la mi-avril et dans tous les cas au plus tard à la fin avril, les États devront envoyer aux institutions communautaires les programmes de stabilité ainsi que les programmes nationaux de réforme.

Dans la première quinzaine de juin, la Commission rendra un avis public sur les programmes de stabilité nationaux. Sur la base de cet avis, des négociations informelles seront menées entre États pour préparer l'avis du Conseil.

Au plus tard fin juillet, le Conseil rendra son avis sur les programmes budgétaires nationaux.

La finalisation de l'élaboration des budgets nationaux interviendrait au cours du second semestre et serait donc forcée de prendre en compte les injonctions émises par les institutions européennes.

« Le rendez-vous est d'abord aux parlements nationaux », disait M. Baroin lors de la publication des préconisations de la Commission européenne. Force est de constater qu'il s'est trompé. L'agenda prévu est très clair : le premier semestre de chaque année donnera la priorité à la Commission pour juger les orientations budgétaires des pays européens selon des critères plus que discutables et éminemment idéologiques tels que le coût du travail, la réforme systémique des régimes de retraites, etc.

Par ailleurs, étant donné la date de transmission des recommandations du Conseil Écofin – en mars – et l'obligation pour les États de rendre leurs programmes de stabilité au plus tard fin avril, il sera de fait quasiment impossible d'avoir ne serait-ce qu'un débat au parlement français - comme d'ailleurs dans tous les parlements nationaux - sur la base du dépôt d'une proposition de résolution au titre de l'article 88-4 de la Constitution.

Outre cette instauration du semestre européen, c'est un paquet législatif complet qui a été proposé pour réformer la gouvernance économique européenne. Le semestre européen n'est donc pas un acte isolé mais bien un dispositif au sein d'une dynamique idéologique libérale.

Il est d'ores et déjà prévu de poursuivre cette dynamique par l'adoption d'une série d'actes communautaires de droit dérivé : la modification des règlements du Conseil pour renforcer les volets préventif et correctif du pacte de stabilité et de croissance ; l'adoption de règlements du Parlement européen sur la mise en oeuvre de la prévention et de la correction des déséquilibres macro-économiques dans la zone euro, avec son corollaire de sanctions ; l'adoption d'une directive du Conseil sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres.

Enfin, le Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010 a engagé des consultations pour modifier le traité de Lisbonne en vue d'instaurer un mécanisme permanent de gestion de crise.

Le président du Conseil, M. Herman Van Rompuy, affirme d'un côté qu'il s'agit « de la plus grande innovation », et de l'autre qualifie le processus de modification de « limité ». En réalité, ce processus a été choisi pour éviter d'avoir à soumettre la modification à la ratification démocratique, qui aurait démontré une nouvelle fois l'opposition des peuples aux politiques libérales.

En prenant prétexte de la crise économique et financière, la modification à l'oeuvre vise clairement à une mise sous tutelle budgétaire des États membres, puisqu'il s'agit de passer d'orientations générales pour l'ensemble des pays de l'Union européenne à un contrôle pays par pays. Or, si la participation française aux Communautés européennes et à l'Union a eu pour conséquence le transfert à l'échelon communautaire de certaines compétences qui relevaient à l'origine de l'exercice de la souveraineté nationale, de tels transferts ont dû, chaque fois, être expressément autorisés par la Constitution. Ce fut le cas, par exemple, pour la ratification du traité de Maastricht du 7 février 1992, pour la ratification du traité d'Amsterdam en 1997, pour la participation française au mécanisme du mandat d'arrêt européen en 1999, pour la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe en 2004.

En l'état actuel, la rédaction de l'article 88-1 de la Constitution autorise les transferts de compétences prévus par le traité de Lisbonne ou par les traités antérieurs. Mais elle ne permet pas les éventuels transferts de compétences ultérieurs qui porteraient atteinte aux conditions essentielles d'exercice de notre souveraineté. Et c'est pourtant ce qui est à l'oeuvre, en catimini, sous l'impulsion de la Commission européenne et du Conseil européen.

Bien avant la crise, la grande majorité des États membres de l'Union européenne, y compris l'Allemagne et la France, ne respectaient pas les critères de stabilité. Or, tant que les pays appliquaient la baisse des impôts recommandée par la Commission, le Conseil européen et la Commission européenne fermaient les yeux. L'Irlande était alors citée en exemple pour sa politique de dumping fiscal. À l'occasion de l'examen de la proposition de loi présentée par notre collègue Jean-Claude Sandrier, nous venons d'avoir un débat sur ces politiques fiscales et leurs conséquences. Vous voudriez maintenant instaurer un contrôle budgétaire alors qu'il n'y a aucune volonté politique de convergence fiscale. Nicolas Sarkozy l'a bien démontré ce week-end dans la gestion de la crise irlandaise. Le Premier ministre irlandais l'a même vivement remercié en déclarant : « Je suis très heureux que le président français Sarkozy ait indiqué qu'il n'était pas question de faire du taux d'imposition des sociétés irlandaises un élément de ces discussions ou négociations. »

Baisse des salaires des fonctionnaires, baisse des pensions de retraite : tant qu'il s'agit d'étrangler les peuples, pas de problème. Le projet que nous dénonçons consacrerait aujourd'hui l'austérité comme système qui prend aux citoyens pour refinancer les banques victimes de leur propre spéculation. Les établissements français sont parmi les plus exposés en Europe : ils possèdent 60 milliards de la dette espagnole, 55 milliards de la dette grecque, 33 milliards de la dette portugaise.

Pour nous, il ne peut y avoir de débat budgétaire sans débat sur la fiscalité. Or, dans tous les pays, les politiques fiscales menées depuis la mise en place du marché européen ont eu pour objectif de réduire les taux nominaux sur les sociétés – baisse de 37,5 % en Irlande, de 30 % en Allemagne. Nous déplorons les dangers que représente cette politique de dumping fiscal et, qui plus est, son inscription dans le marbre comme une orientation à suivre pour tous les pays européens.

Effectivement, les États engagés dans cette concurrence fiscale, plutôt que dans une coopération, en sont réduits à accélérer les baisses d'impôts, ce qui aggrave encore plus les déficits publics et, par contrecoup, le problème que l'on cherchait à résoudre.

De plus, en réduisant les recettes publiques, les États devront diminuer les dépenses, ce qui renforcera d'autant le creusement des inégalités et organisera partout l'austérité.

Enfin, par le renforcement du pouvoir d'institutions non démocratiques au détriment des parlements nationaux et du Parlement européen, c'est le principe même du consentement à l'impôt qui est fragilisé. Contrairement à ce que disait Mme la ministre Christine Lagarde, ce n'est pas la solidarité européenne qui est en train de s'organiser, mais bien la concurrence libre et non faussée au détriment d'un droit constitutionnel et historique des peuples. Le consentement à l'impôt est un principe inaliénable issu de la Révolution française et qui a été l'un des principaux catalyseurs des systèmes parlementaires des États démocratiques. En France, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, adoptée le 26 août 1789, comporte un article XIV en vertu duquel « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ». Or vous faites aujourd'hui des parlements nationaux des chambres d'enregistrement budgétaire de choix européens guidés par l'omniprésence des politiques libérales.

Puisque l'esprit de la Constitution n'est plus respecté, nous voulons en renforcer la lettre : aussi la présente proposition de loi constitutionnelle propose-t-elle d'y affirmer explicitement que les transferts de compétences acceptés par la France ne doivent pas avoir pour conséquence de priver le Parlement de sa souveraineté en matière budgétaire, et d'y introduire une disposition garantissant que les assemblées parlementaires aient délibéré sur le budget avant que les institutions européennes ne puissent se prononcer.

Voici, mes chers collègues, le contenu et le sens de la proposition de loi déposée par les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche, que je vous demande d'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre de la proposition de loi constitutionnelle qui a pour objectif de garantir la souveraineté du peuple en matière budgétaire.

Par cette proposition de loi, madame Billard, vous refusez l'instauration d'un « semestre européen », qui consiste, pour le Conseil européen, à donner un avis sur les grandes lignes des orientations budgétaires des États membres avant les discussions parlementaires des budgets dans chaque pays. Je rappelle que cette nouvelle procédure a été adoptée par l'ensemble des pays de l'Union européenne en septembre dernier.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Fondamentalement, nous défendons une conception similaire du vote du budget comme acte souverain par excellence. Mais la vision du Gouvernement diverge ensuite de la vôtre, et je vais vous en exposer les raisons.

En premier lieu, le Gouvernement adopte une vision plus globale, et surtout de plus long terme. C'est bien parce que nous souhaitons collectivement – en particulier les pays de la zone euro – préserver notre souveraineté, y compris budgétaire, que nous nous astreignons, par l'intermédiaire du semestre européen, à une discipline plus collective.

N'oublions pas le contexte précis de cette décision : la crise économique et ses retombées. Ce contexte n'est pas, comme vous le soutenez, madame la rapporteure, un prétexte pour prendre des mesures que vous jugez sévères, mais véritablement un révélateur des progrès à réaliser pour améliorer le fonctionnement de l'Union européenne.

Le semestre européen a d'ailleurs été l'une des premières initiatives issues des travaux d'un groupe de travail sur la gouvernance économique créé en mars dernier à la demande du Conseil européen et présidé par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.

N'oublions pas non plus que nous partageons une monnaie commune, qui est notre bien commun. La France ne vit pas isolée des autres : que l'idée plaise ou non, c'est une réalité. Dans chaque communauté, il existe des règles, et puisque nous partageons une monnaie unique, il nous faut des règles adaptées. C'est une question de bon sens que de vouloir renforcer la coordination des politiques économiques des États membres de l'Union européenne.

Enfin, veiller à la maîtrise de la dette et des déficits – une des visées du semestre européen – est un objectif absolument incontournable. C'est précisément ce qui nous permettra de conserver à terme notre indépendance vis-à-vis des marchés financiers, et donc notre souveraineté.

Deuxième idée-force : le semestre européen est le fruit d'une décision collégiale, issue d'une réflexion collective, et non un processus imposé par la Commission européenne. À l'origine du semestre européen se trouve la prise de conscience, par l'ensemble des pays de l'Union, de la nécessité de renforcer la gouvernance économique européenne. Nous souhaitons que cette gouvernance soit à la mesure du niveau d'intégration financière ayant permis de construire l'union monétaire et le marché intérieur.

L'objectif du semestre européen est double. Nous avons tout d'abord souhaité que la nouvelle procédure joue un rôle préventif, notamment dans le domaine de la maîtrise des finances publiques. Elle doit conduire à un renforcement de la discipline budgétaire des États, qui est l'un des piliers de la souveraineté nationale.

Par ailleurs, les nouvelles procédures européennes prévoient une évaluation annuelle du risque de déséquilibre et de vulnérabilité des États membres. Cet exercice annuel sera fondé sur divers indicateurs ainsi que sur une analyse économique globale, et viendra à l'appui des programmes de stabilité.

Mais la gouvernance économique ne peut se limiter à la surveillance des déficits publics – nous en sommes tous conscients et c'est aussi, je crois, un point de consensus. Par le semestre européen, nous recherchons également une coordination économique accrue entre les États. En effet, notre monnaie unique ne sera véritablement viable à long terme que si l'ensemble des pays évoluent de concert. Si les fondamentaux économiques de chaque pays sont trop différents les uns des autres, la monnaie et l'économie de toute la zone peuvent s'en trouver fragilisées.

Notre objectif est donc de réduire les écarts de compétitivité entre les États membres et d'accélérer la convergence économique dans l'Union européenne. Pour cela, nous souhaitons que les actions des uns puissent faciliter celles des autres. Nous ne souhaitons pas une Europe des individualismes, mais une Europe plus solidaire. Nous sommes en effet convaincus que la solidarité, à long terme, s'avère fructueuse et qu'un cadre favorable à une croissance forte et durable s'accommode difficilement de déséquilibres structurels importants.

Troisième et dernière idée : la mise en place de la nouvelle procédure de semestre européen nous permet d'améliorer significativement l'association du Parlement aux discussions et aux décisions européennes et son information sur celles-ci. Il ne s'agit pas d'un recul pour le Parlement, mais bien plutôt d'une avancée.

La meilleure association du Parlement doit toutefois tenir compte des contraintes du nouveau calendrier européen. Il prévoit que le programme de stabilité est dorénavant transmis aux institutions européennes par les États membres avant la fin du mois d'avril et que le conseil Écofin rend son avis sur chacun des programmes de stabilité en juillet. Dès lors, pour que le document transmis à Bruxelles engage véritablement l'exécutif et la représentation nationale, le Parlement doit intervenir en amont, avant que le programme de stabilité ne soit envoyé aux institutions européennes. Or le programme de stabilité transmis à Bruxelles fin avril doit nécessairement incorporer les informations contenues dans la notification des comptes 2010 par l'INSEE, qui a lieu le 1er avril.

C'est pourquoi le calendrier envisagé serait articulé de la manière suivante : dans la seconde quinzaine d'avril, nous informerons le Parlement du programme de stabilité avant sa transmission à Bruxelles ; fin juin, nous maintiendrons le débat d'orientation des finances publiques, qui permettra au Gouvernement d'informer le Parlement sur l'avancée des discussions européennes ; fin septembre, si les circonstances économiques le justifient, nous actualiserons éventuellement la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques pour qu'elle soit cohérente avec les textes financiers de l'automne – PLF et PLFSS.

Soyez assurés que, dès 2011, le Gouvernement informera le Parlement sur les moments pertinents de la procédure du semestre européen et l'y associera. Cette procédure nouvelle ne change rien au fait que le Parlement reste souverain pour le vote des textes financiers, PLF et PLFSS. C'est bien lui qui décide en dernier ressort.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ça m'étonnerait ! Ce n'est déjà pas le cas aujourd'hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous oubliez les 39 amendements retoqués en seconde délibération !

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

L'expertise de la Commission européenne et du Conseil en amont doit être considérée comme un avantage pour le Parlement, car il disposera ainsi d'une expertise technique complémentaire des orientations budgétaires du Gouvernement.

Cette expertise sera par ailleurs appliquée à la stratégie budgétaire envisagée de façon globale, et non pas aux mesures particulières, pour ne pas empiéter sur les prérogatives des parlements nationaux. Par rapport à la situation actuelle, ce sera donc une avancée : une information accrue du Parlement, une meilleure association du Parlement à la procédure européenne et, comme avant, en dernier ressort, un vote des parlementaires sur les textes financiers.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, la souveraineté que le Gouvernement défend pied à pied, c'est celle qui vise à renforcer l'Union européenne et à consolider les finances publiques : c'est le choix de la responsabilité. La coordination des politiques économiques dans l'Union européenne et la discipline budgétaire sont aujourd'hui indispensables dans une union monétaire ; le semestre européen tel qu'il est conçu y contribuera grandement, et dans une totale transparence.

Vous ne serez donc pas surpris que je demande à l'Assemblée nationale de rejeter cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'intérêt de la proposition de modification constitutionnelle que vient de présenter Martine Billard au nom du groupe GDR est de permettre au peuple de France de garder, par l'intermédiaire de ses représentants élus au suffrage universel, la maîtrise des choix budgétaires nationaux. Ce texte est une alternative à la proposition des dirigeants européens qui envisagent – au prétexte de créer les conditions d'une sortie de crise – ce qu'ils appellent un « paquet législatif », censé permettre une meilleure coordination des politiques économiques européennes dans la zone euro.

Dans le cadre d'un approfondissement de la construction européenne, l'idée d'une coordination n'est pas du tout infondée. En revanche, les mesures élaborées par le groupe de travail que préside M. Herman Van Rompuy au Conseil européen ne sont pas acceptables : non seulement elles ne respectent pas la souveraineté des peuples européens mais elle s'inscrivent dans une logique qui va à l'encontre de leurs intérêts. Ce que vous entendez par « coordination des politiques économiques » ressemble davantage à un transfert des pouvoirs économiques et budgétaires des parlements nationaux, et donc des citoyens, vers la Commission européenne, qui est – faut-il le rappeler ? – l'institution la moins démocratique de l'Union.

Le rapport du groupe de travail préconise en effet trois mesures en la matière.

Il propose tout d'abord la mise en place, dès le mois de janvier 2011, du semestre européen, c'est-à-dire d'une co-élaboration des budgets nationaux par les gouvernements et la Commission européenne, avant – vous l'avez confirmé, monsieur le secrétaire d'État – leur présentation devant les parlements nationaux. La Commission pourrait non seulement émettre des recommandations mais également prendre des sanctions à l'encontre d'un État qui ne serait pas « dans la ligne ».

II s'agit également d'élargir la surveillance de la commission aux équilibres macroéconomiques des pays. Dans le cas d'un « déséquilibre excessif », le Conseil européen pourrait adresser des injonctions à l'État concerné ou le sanctionner.

Enfin, il est question de renforcer les pouvoirs de la Commission européenne, qui serait donc encore plus indépendante des États et du pouvoir politique.

C'est donc encore et toujours la méthode autoritaire que vous employez, comme vous l'avez déjà fait pour organiser le passage en force du traité de Lisbonne devant le Parlement, alors que le traité constitutionnel européen avait été rejeté par référendum en 2005. Coopération et incitation ne font pas partie de votre vocabulaire : vous ne parlez que de surveillance, de contrôle et de sanctions à propos de choix qui déterminent pourtant l'avenir des citoyens européens, des États et de l'Union.

Ce déni de démocratie, vous le justifiez aujourd'hui par la nécessité de prendre des mesures pour sortir de la crise économique mais, la crise, nous n'en sortons pas ! Au contraire, nous nous y enfonçons chaque jour un peu plus car vous persistez à défendre votre modèle économique, quoi qu'il en coûte aux peuples européens.

Croyez-vous que les citoyens européens, les salariés, les familles, les jeunes, les femmes, les chômeurs, les précaires, autrement dit les premières victimes de la crise, sont prêts à se laisser déposséder de leur souveraineté au profit de ceux qui, par leur action au service des puissances financières et de la haute bourgeoisie,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

…ont conduit à cette débâcle ?

Si les États européens sont aujourd'hui à ce point en déficit et endettés, c'est effectivement avant tout lié à votre choix de ne pas augmenter leurs recettes et, même, de les diminuer. Cramponnés à vos dogmes et stimulés par votre proximité avec l'oligarchie financière des patrons du CAC40, vous refusez de revoir le système fiscal – vous l'avez encore montré ce matin – pour une répartition équitable des richesses produites. Vous n'avez cessé de réduire les recettes de l'État par les baisses de l'impôt sur les sociétés, du taux applicable aux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu et des droits de succession, par les innombrables niches fiscales, par les exonérations de cotisations sociales et par le bouclier fiscal.

Notre collègue Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, l'a très bien expliqué dans son dernier rapport : « L'accumulation des baisses d'impôts depuis 2000 semble avoir conduit à un accroissement du déficit structurel car, si le taux de prélèvements obligatoires apparaît en baisse tendancielle sur la décennie, le taux de dépenses publiques, en revanche, reste stable. » Et que proposez-vous pour combler le déficit public ? L'emprunt sur les marchés financiers plutôt que d'autres politiques monétaires, certes moins génératrices de profits pour les banques mais qui auraient été plus efficaces.

En réalité, le déficit et les dettes souveraines, vous les entretenez parce qu'ils vous sont utiles, à la fois pour justifier une politique antisociale et pour continuer à enrichir les plus riches.

Ainsi, au coeur de la crise, alors que les fonds publics étaient sollicités, ce qui invitait la décision politique à reprendre sa place, vous avez choisi de soumettre un peu plus les États et les peuples à la domination des marchés, en injectant de l'argent public dans les banques, sans aucune contrepartie, et en empruntant à nouveau sur les marchés financiers, sans hésiter à endetter encore plus l'État et la protection sociale.

Non seulement ces mesures ont relancé la spéculation financière et procuré des profits faramineux aux banques mais elles ont aussi permis aux mêmes de lancer des attaques spéculatives sur les dettes souveraines, à tel point qu'il a fallu créer un fonds de stabilité européen pour soutenir la zone euro au bord de l'implosion, à tel point qu'aujourd'hui il vous faut lancer un plan de soutien à l'Irlande de 85 milliards d'euros. Las, à peine celui-ci est-il annoncé que l'agence de notation Moody's déclare vouloir baisser la note de l'Irlande de plusieurs crans encore. Voilà le cercle vicieux dans lequel vous nous enfermez !

Avec les mesures économiques adoptées le week-end dernier, sur proposition du couple franco-allemand et sans consultation aucune des parlements nationaux et européen, il faudrait encore donner des garanties aux marchés en renforçant le pacte de stabilité par de nouvelles sanctions et en proposant non pas d'empêcher l'apparition de nouvelles crises mais de les gérer. Vous nous invitez donc, en somme, à nous habituer à la crise et à sa gestion au détriment des peuples, mais jusqu'où allez-vous pousser les politiques d'austérité qui tuent déjà l'emploi et jettent les populations les plus fragiles dans la misère ? Jusqu'à quand allez-vous laisser les marchés dicter leur loi ? Que ferez-vous lorsqu'il n'y aura plus rien à raboter ?

Aujourd'hui, et pour la quatrième fois, c'est le tour de l'Irlande. Le Gouvernement a dû faire appel au fonds de stabilisation européen abondé par la BCE, les États et le FMI. Ce que vous appelez une aide va se traduire, pour les Irlandais, par la suppression de 25 000 emplois publics, une augmentation de la TVA, une nouvelle taxe foncière et une réduction du salaire minimum, des allocations familiales, des indemnités pour les demandeurs d'emploi et des pensions de retraite. Dans le même temps, l'impôt sur les bénéfices des sociétés, lui, ne bougera pas. Merci pour elles !

La Grèce, l'Irlande, et l'on parle de l'Espagne et du Portugal… à qui le tour ? Nous sommes tous concernés.

En France, la réforme des retraites est un bel exemple de gage donné aux marchés au détriment des citoyens, qui devront travailler plus longtemps pour des pensions plus modestes, et vous annoncez déjà un gel des salaires et des dotations aux collectivités locales ainsi que la poursuite des suppressions de postes dans les services publics et du désengagement de l'État dans le logement. De ce point de vue, M. Fillon a été clair et déterminé ; le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne nous promet pas des lendemains qui chantent !

En agissant ainsi, vous vous livrez à la plus sombre des spéculations. Vous pariez sur l'exclusion des citoyens de la décision politique par la résignation et la répression autoritaire, pour mieux sacrifier leurs droits et leur dignité. Mais, les mêmes recettes produisant les mêmes effets, vous produirez les mêmes révoltes dans tous les pays.

Plus de trois millions de personnes dans la rue en France contre la réforme des retraites, des grèves inédites en Grèce, en Espagne et au Portugal, l'Irlande qui se soulève : autant de saines révoltes qui mettent en échec vos prétentions autoritaires !

La réalité est que votre système est à bout de souffle. Il est dépassé. Rendez-vous compte qu'à l'heure où les conquêtes scientifiques et techniques ouvrent des perspectives formidables pour l'humanité, à l'heure où la création de richesses n'a jamais été aussi importante, vous n'avez rien d'autre à proposer aux peuples que le chômage endémique, la remise en cause du code du travail et des droits fondamentaux au logement ou à la santé, sans parler du sacrifice de la planète aux sacro-saintes exigences de la rentabilité financière ! C'est évident, nous ne partageons pas les mêmes conceptions. Il est urgent de se mobiliser pour un nouveau modèle économique, social et environnemental dont le moteur serait la réponse aux besoins humains.

Avec un tel objectif, l'Union européenne serait un beau projet, centré sur le partage des savoirs et des cultures, fondé sur des règles de coopération mutuellement avantageuses pour les Vingt-sept et sur un socle commun de droits et de devoirs ; la Communauté européenne pourrait être enthousiasmante car source de progrès pour chacun et pour tous.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est pour servir cette ambition, pour laisser la possibilité aux Français, mais également aux autres peuples européens, de faire ces choix alternatifs que nous vous invitons à adopter cette proposition de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui saisie, à l'initiative du groupe GDR, d'une proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la souveraineté du peuple en matière budgétaire.

Cette discussion sera pour moi l'occasion de défendre, au nom du groupe Nouveau Centre, la procédure dite du semestre européen, que les auteurs de cette proposition de loi constitutionnelle qualifient de « décision antidémocratique », de « stratégie qui donne les pleins pouvoirs aux gestionnaires de capital » ou encore de « soumission du peuple à la seule sphère économique ». Je vais essayer de démontrer qu'il n'en est rien et qu'en aucun cas le repli national ne saurait tenir lieu de politique économique dans un monde complexe et interdépendant.

La crise que traverse actuellement l'Eurogroupe est en effet révélatrice d'un cruel déficit de gouvernance économique qui ampute d'autant la capacité stratégique de réaction de la zone euro, et ce dans un contexte de volatilité accrue des marchés financiers. Plus encore, la question des dettes souveraines et des risques de contagion qui lui sont inhérents rend d'autant plus prégnante la nécessité d'une harmonisation économique, fiscale et sociale de ses politiques, car la monnaie unique n'ouvre pas que des droits : elle implique aussi des devoirs en matière de convergence et de solidarité européenne.

Pour comprendre cela, il faut redire combien cette crise met en lumière des enjeux que partagent l'ensemble de nos partenaires.

Premièrement, cette crise nous montre que la soutenabilité de nos finances publiques et notre solvabilité ne sont pas des questions périphériques que l'on peut ajourner à l'infini ou que l'on pourra régler une fois le retour à la croissance acquis. C'est la raison pour laquelle nous ne devons pas, nous Français, considérer le fait que nous empruntons aujourd'hui à des taux préférentiels comme définitivement acquis. Faut-il encore le redire ? Notre signature « AAA » n'est pas une donnée intangible, c'est un construit économique et financier en lien direct avec la situation de nos finances publiques. Il nous appartient de préserver ce gage de sérieux en adressant des signaux clairs aux marchés financiers au regard de la maîtrise de nos comptes publics.

Pour cela, le groupe Nouveau Centre – et je salue la présence de mon ami Thierry Benoit – a fait une proposition très simple : l'adoption d'une règle d'or, d'une loi organique, qui interdirait le vote en déficit des budgets de l'État et de la sécurité sociale, sauf bien sûr en cas de récession ou de circonstances exceptionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Cette règle ne serait pas brutale et elle n'entraverait pas la relance actuelle puisque le retour à l'équilibre serait graduel et ne s'appliquerait qu'à partir de 2018 ou 2020.

La seconde leçon qu'il nous faut retenir de cette crise, c'est que la question de la soutenabilité des finances publiques grecques, portugaises ou irlandaises n'est pas une question isolée : l'irresponsabilité et l'absence de transparence de ces autorités en matière de finances publiques ont bel et bien des répercussions sur l'ensemble des pays de la zone euro, à commencer par la France. Hier la Grèce, aujourd'hui l'Irlande, demain le Portugal et peut-être même l'Espagne : qui peut nier l'absolue nécessité d'un signal politique et économique puissant pour stopper cette hémorragie qui, à défaut d'un projet politique cohérent, affectera un jour les plus gros contributeurs de la zone euro ?

Nous devons nous saisir de cette question pour agir de concert et fixer un horizon au terme duquel l'ensemble des pays membres de la zone euro parviendraient à un retour à l'équilibre de leurs finances publiques.

Nous devons aussi prendre conscience que l'interdépendance de nos économies n'est une faiblesse que si elle n'est pas encadrée, que le marché unique n'est un outil de développement qu'à la condition de réhabiliter l'idée même du fédéralisme économique et social.

Afin de mieux coordonner les politiques économiques et budgétaires des États membres de l'Union européenne, le calendrier d'élaboration des budgets nationaux va être modifié à partir de 2011.

Le 7 septembre dernier, le Conseil a en effet approuvé des modifications aux modalités de mise en oeuvre du pacte de stabilité et de croissance de l'Union européenne pour permettre la création d'un semestre européen, dans le cadre d'une réforme des dispositions de l'Union européenne sur la coordination des politiques économiques des États membres.

À l'inverse de ce que nous expliquent nos collègues du groupe GDR, notamment Mme Billard, la mise en oeuvre de cette initiative permettra à la fois l'amélioration de la coordination des politiques économiques et le renforcement de la discipline budgétaire, conformément à la stratégie Europe 2020 pour l'emploi et la croissance.

Comme vous le savez, ce nouveau cycle de surveillance consiste en une supervision des politiques économiques et budgétaires des pays membres sur une période de six mois, à partir du mois de mars prochain.

Concrètement, cela signifie que les États devront présenter dès le mois d'avril leurs grandes orientations budgétaires à moyen terme. En juin et juillet, la Commission européenne et les vingt-six autres États rendront un avis avant examen et adoption par les parlements nationaux.

Mes chers collègues, les critères du pacte de stabilité et de croissance, qui plafonnent le déficit et la dette publique des États européens respectivement à 3 % et à 60 % de leur PIB, ont volé en éclats au plus fort de la crise économique et financière en raison de l'indispensable relance budgétaire. Le cas irlandais le montre, ces critères de convergence doivent être réhabilités et renforcés sans délai.

En effet, les procédures de sanction financière pour déficits excessifs semblent contradictoires avec l'objectif même d'assainissement des comptes publics de l'ensemble de la zone euro. Elles n'ont d'ailleurs jamais été appliquées, la Commission se contentant la plupart du temps d'un simple rappel à l'ordre.

Au Nouveau Centre, nous avons toujours plaidé pour que les sanctions encourues ne soient plus de nature économique, de façon à ne pas entraver la reprise, mais bien de nature politique avec, par exemple, une éventuelle suspension du droit de vote lors des réunions de l'Union européenne. Il faut impérativement passer d'un contrôle répressif a posteriori à un contrôle dissuasif a priori. C'est tout le sens du semestre européen, qui démontre la volonté du Conseil européen de renforcer le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance, et non son aspect punitif.

Cela ne signifie pas pour autant que cette procédure passe outre au respect des prérogatives parlementaires nationales. On peut en effet imaginer qu'un débat suivi d'un vote se déroule devant le parlement national sur le programme de stabilité et le programme de réforme. Ensuite, le Conseil pourrait évaluer ces deux documents stratégiques au sein d'une formation élargie de l'Écofin, dans laquelle chaque ministre serait accompagné par le président de la commission parlementaire compétente, le rapporteur général du budget et un membre de l'opposition. Cette évaluation pourrait elle-même être précédée par un débat au Parlement européen, afin qu'il obtienne, lui aussi, une sorte de droit de regard sur les orientations budgétaires de l'ensemble des États membres.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Mes chers collègues, les réponses à brève échéance que les États membres de la zone euro ont adoptées pour prévenir le développement d'une crise systémique ne nous dispensent pas d'une réflexion qui s'inscrirait dans le temps et dont l'objet serait, à terme, d'offrir à l'Europe les moyens d'une véritable gouvernance économique. La démarche du semestre européen s'inscrit pleinement dans cette perspective, nous en sommes convaincus.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Je suis désolé que vous ne partagiez pas ce sentiment.

Pour ces raisons, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre votera contre cette proposition de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour discuter une proposition de loi constitutionnelle qui me semble motivée par une interprétation fausse du semestre européen.

Il n'a jamais été question de droit de veto d'une des institutions européennes, en l'occurrence la Commission, sur une quelconque décision budgétaire prise par un parlement national. Jamais ! Le semestre européen dans lequel, madame Billard, vous croyez identifier un droit de veto, ne cherche en aucune manière à usurper aux États leur pouvoir économique, qui demeurera entre leurs mains.

Ce premier pas vers un gouvernement économique européen, que la France appelle depuis si longtemps de ses voeux, sous des gouvernements de gauche comme de droite, n'a qu'une ambition, claire et respectueuse des États : la coordination. Et son résultat ne sera pas la contrainte mais, au contraire, comme l'a indiqué M. le secrétaire d'État, une souveraineté accrue parce qu'éclairée par une meilleure connaissance des données économiques des autres pays européens. La souveraineté discutée collectivement renforcera la souveraineté des pays de la zone euro, donc la nôtre.

Analysons cette proposition de semestre européen de coordination des politiques économiques, premier pas, j'y insiste, vers un gouvernement économique de l'Union. L'intention n'est pas du tout de supplanter les gouvernements dans leurs décisions en matière économique, mais bien de coordonner ces politiques pour qu'elles ne se contredisent pas, pour qu'elles ne créent pas de distorsions de concurrence, en somme pour que les politiques économiques de certains États n'aient pas de répercussions néfastes sur l'économie des autres États membres de l'Union ; des exemples graves viennent de nous être donnés de ces distorsions et de leurs conséquences.

L'intention est donc de renforcer une solidarité déjà existante entre les États membres de l'Union européenne. Nous avons l'euro en commun mais nous n'avons pas suffisamment de coordination politique et économique.

La France a toujours voulu ce rapprochement mais les réticences des autres pays, notamment de l'Allemagne, l'empêchaient. La crise économique et budgétaire que nous vivons n'est pas un prétexte pour créer ce semestre européen, comme vous semblez le suggérer, madame la rapporteure, mais bien l'occasion dont nous rêvions pour rapprocher les autres modèles économiques du nôtre. Quand on ne veut pas de délocalisations, comme l'expliquait avec tant de conviction M. Christian Eckert dans le débat précédent, quand on défend nos entreprises et leurs salariés, c'est cela même que l'on prône : un rapprochement des politiques économiques, un rapprochement des politiques fiscales, pour chasser de l'intérieur même de l'Union ces dumpings fiscaux et sociaux qui nous coûtent tant !

Ainsi a-t-il été décidé, dans une concertation des États membres et de la Commission européenne, que les États membres de l'Union européenne se livreraient, à partir de 2011, à une coordination précoce dès la préparation de leurs budgets nationaux et de leurs programmes nationaux de réforme. Vous évoquez les propositions de la Commission, mais je rappelle que le groupe de travail présidé par M. Van Rompuy a lui-même remodelé ces propositions de la Commission avant qu'elles ne soient adoptées par le Conseil européen.

Qu'a dit le Conseil Écofin le 7 septembre 2010 ? « Le nouveau cycle semestriel débutera chaque année en mars sur la base d'un rapport de la Commission. Le Conseil européen – qui réunit les chefs d'État et de gouvernement élus démocratiquement, madame Billard – recensera les principaux défis économiques et formulera des conseils stratégiques sur les politiques budgétaires à moyen terme. Dans le même temps, les États membres élaboreront des programmes nationaux de réforme décrivant les mesures qu'ils prendront dans des domaines tels que l'emploi et l'inclusion sociale. En juin et en juillet, le Conseil européen et le Conseil Écofin formuleront des conseils sur les politiques à suivre avant que les États membres ne mettent au point leurs budgets pour l'année suivante. »

Le Conseil européen ne formulera donc que des conseils. Le fait de recueillir des avis et des conseils me semble, d'une façon générale, utile et nécessaire.

Le budget est l'affaire des parlements. Et il le restera.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Notre budget national ne sera pas mis sous tutelle. Aucune proposition de la Commission ne va dans un sens restrictif de la souveraineté budgétaire des parlements nationaux et des États.

Quand, madame Billard, vous écrivez dans votre exposé des motifs que le Parlement européen n'est pas pris en compte dans le projet, c'est faux, encore une fois. La Commission, de même que le Conseil qui a adopté ces propositions de concertation budgétaire, a bien précisé la nécessité d'« associer très tôt et de manière forte les parlements nationaux au processus du semestre européen et de renforcer le dialogue avec le Parlement européen ».

La Commission laisse la liberté aux États nationaux de choisir la manière dont ils veulent intervenir dans le processus, elle ne leur impose pas la manière dont ils doivent agir, parce que justement elle considère comme inaliénable la légitimité des parlements nationaux et des gouvernements nationaux.

Le Parlement européen a décidé lui-même le 20 octobre dernier, en toute liberté et démocratiquement, qu'il proposerait un débat annuel réunissant des parlementaires nationaux et européens avant la présentation formelle des programmes de stabilité et de convergence, avant la mi-avril donc.

Je rappelle que le traité de Lisbonne a renforcé à la fois les pouvoirs du Parlement européen en matière budgétaire, puisque nous sommes sous le régime de la co-décision, et les pouvoirs des parlements nationaux. Et Mme Berès, eurodéputée socialiste, a remis un rapport préconisant des mesures importantes autour du semestre européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Ici même, en étroite association avec M. Caresche et M. Herbillon, auteurs d'un rapport sur la gouvernance économique que, je le vois, vous avez lu attentivement, madame la rapporteure, nous avons proposé, avec le président de l'Assemblée nationale et M. Lamassoure, d'organiser chaque année, dans le cadre du semestre européen, une conférence budgétaire ou une réunion interparlementaire, qui associerait les présidents des commissions parlementaires nationales des finances, les rapporteurs du budget des Seize, puis des Vingt-sept, et le président de la commission des budgets du Parlement européen, en l'occurrence M. Lamassoure. La Hongrie a prévu cette réunion pour le mois de février prochain. Nous souhaiterions qu'elle se tienne aussi au mois de mai parce que cela permettrait une discussion continue et une association continue des parlements nationaux.

Conformément au souhait du Parlement européen, j'ai également proposé, et cela a été repris dans le rapport Herbillon-Caresche, que se tienne chaque année une convention qui réunirait des délégués du Parlement européen et des délégués des parlements nationaux, de façon à pouvoir discuter des questions de l'Europe en général, avec M. Van Rompuy, M. Barroso et Mme Ashton, et des problèmes budgétaires en particulier.

Vous m'avez parfois paru un peu passéiste dans votre exposé des motifs, madame Billard. Au moment où nous traversons des crises européennes majeures, comparer l'intervention de la Commission à un veto du roi Louis XVI me paraît légèrement excessif.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Quant à la référence à Robespierre, elle m'a sidéré. Nous, députés représentant démocratiquement le peuple français, avons une responsabilité majeure : celle de trouver des solutions pour sortir notre pays et ses partenaires de cette crise que traversent l'Union européenne et le monde.

Je vous rappelle d'ailleurs que la gouvernance économique a été proposée et obtenue par la France, alors que l'Allemagne s'y est longtemps montrée réticente, souhaitant s'en tenir au strict respect des critères de Maastricht. Et c'est précisément parce que nous considérions qu'au-delà du respect de ces critères s'imposait une discussion commune sur la politique économique que nous avons plaidé pour cette gouvernance.

Nous traversons une crise gravissime, qui aurait pu être pire que la crise de 1929 si l'Europe n'avait pas réagi – grâce notamment à Nicolas Sarkozy, qui présidait à l'époque l'Union européenne – avec rapidité et détermination. Et rappelons que, face aux crises grecque et irlandaise, la réaction commune de l'Europe s'est révélée plus nécessaire que jamais.

L'idée de la gouvernance économique consiste donc, sans toucher à la souveraineté nationale, à prévenir par la concertation erreurs et dysfonctionnements. Contrairement à ce que vous affirmez, il ne s'agit pas de déchaîner les forces libérales en Europe et dans le monde, mais de mieux réguler le système bancaire, les hedge funds. Nous auditionnions hier le commissaire Michel Barnier, qui a proposé et fait adopter par l'Europe une régulation d'ensemble du secteur bancaire. Quant au Président de la République, il souhaite ouvrir ce débat au sein des instances du G20.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP – qui a d'ailleurs rédigé un document très complet sur la gouvernance économique, dont j'espère, madame Billard, que vous l'avez lu avec la même attention que le rapport précité – votera contre cette proposition de loi constitutionnelle. Elle nous paraît aussi inutile que néfaste. La souveraineté des parlements nationaux n'est pas mise en cause. Au contraire, nous souhaitons qu'ils soient pleinement associés à cette concertation plus que jamais nécessaire dans la zone euro, où l'on voit bien, avec les crises que nous avons traversées, que lorsque l'on mène des politiques antagonistes, on aboutit à des situations de grave danger pour ces pays et pour nous-mêmes. Nous plaidons donc pour cette coordination, sachant qu'après le semestre européen, ce sont de toute façon les parlements nationaux qui voteront en toute souveraineté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure. Le sujet est sensible et le débat délicat ; mon expression sera donc pondérée, et je me garderai des digressions maladroites pouvant être perçues comme d'inutiles provocations.

Cette proposition de loi se fonde sur une inquiétude légitime : le souci de préserver les prérogatives du parlement national dans l'examen de son budget annuel. Elle repose également sur un malentendu et une ambiguïté : le texte relatif au semestre européen que le groupe GDR prend comme référence de sa proposition de loi, outre qu'il n'a pas de force juridique contraignante, n'a valeur que de projet, n'ayant jamais été avalisé tel quel par les autorités décisionnaires de l'Union que sont les États membres. En effet, la version du texte finalement adoptée n'est pas celle du semestre européen tel que la Commission le souhaitait mais tel que le Conseil, représentant les États membres souverains, l'a voulu, après avoir pris en compte notamment la réaction des parlements nationaux. Le groupe GDR a pris comme fondement de sa proposition de loi le document de la Commission européenne dans sa version initiale, avant même qu'il ne soit amendé par les États membres. Ce n'est pas le texte du 30 juin qu'il faut considérer mais celui du Conseil Écofin du 7 septembre.

Dans le système institutionnel européen, ce n'est pas parce que la Commission propose qu'elle dispose, comme vous semblez le croire ou le laisser penser ! C'est en quelque sorte – et c'est le seul reproche que je serai amené à formuler – le péché originel de cette proposition de loi.

Autant il convient de critiquer la Commission lorsqu'elle produit des documents inacceptables – sur ce point-là, nous sommes d'accord –, autant il convient de ne pas diaboliser un dispositif tel que le semestre européen en lui accordant plus d'impact qu'il n'en a réellement sur le fonctionnement de la procédure budgétaire nationale. Il ne s'agit pas d'un droit d'amendement sur le budget national mais bien d'un processus itératif de consultation et de coordination, qui peut avoir de réelles vertus si l'on fait en sorte d'en empêcher les dérives potentielles. Dans la perspective qui est la nôtre, il convient de prendre au sérieux cette procédure, de l'encadrer au maximum et d'en profiter pour faire jouer au parlement national un rôle croissant dans la définition de la politique économique européenne du Gouvernement.

Que dit réellement le texte ? « Le nouveau cycle semestriel débutera chaque année en mars : sur la base d'un rapport de la Commission, le Conseil européen recensera les principaux défis économiques et formulera des conseils stratégiques sur les politiques à suivre. Compte tenu de ces conseils, les États membres réviseront en avril leurs stratégies budgétaires à moyen terme et, dans le même temps, élaboreront des programmes nationaux de réforme décrivant les mesures qu'ils prendront dans des domaines tels que l'emploi et l'inclusion sociale. En juin et en juillet, le Conseil européen et le Conseil Écofin formuleront des conseils sur les politiques à suivre, avant que les États membres ne mettent au point leurs budgets pour l'année suivante. »

Comment l'interpréter ? La Commission précise tout d'abord elle-même dans son texte initial que « l'intention n'est pas d'exiger des États membres qu'ils soumettent des budgets complets à l'Union pour “validation” avant qu'ils soient présentés aux parlements nationaux », mais qu'il s'agit de réunir, suffisamment tôt dans l'année, « des informations suffisantes pour permettre de mener en amont des discussions utiles sur la politique budgétaire ».

Reprenons le texte du Conseil Écofin. Il s'agit tout d'abord de « recenser les principaux défis économiques ». La Commission ne s'intéressera qu'aux grands agrégats de politique économique – inflation, prévision de croissance. Il s'agit notamment de s'assurer que les États membres ne basent pas leurs programmes de stabilité et de croissance ou leurs programmes nationaux de réforme sur des prévisions de croissance trop optimistes ou des objectifs de déficit irréalistes.

Suivant toujours le texte du Conseil, les États membres devront réviser ensuite « leur stratégie budgétaire à moyen terme », autrement dit leur programme de stabilité et de croissance. Il s'agit, ni plus ni moins, de s'assurer, comme le dit le rapport Van Rompuy du 21 octobre 2010, que « les États membres établiront leurs budgets et leurs programmes de réforme en tenant davantage compte de la dimension UE-Zone Euro ». C'est une réelle avancée !

Enfin, « en juin et en juillet, le Conseil européen et le Conseil Écofin formuleront des conseils sur les politiques à suivre ». Il ne s'agit que de conseils politiques et non de recommandations contraignantes.

Notre position est d'encadrer cette procédure du semestre européen, en assurant à chaque étape la participation du parlement national au processus décisionnel européen. La Commission le précisait elle-même dans sa communication : il s'agit d' « associer très tôt et de manière forte les parlements nationaux au processus du semestre européen et de renforcer le dialogue avec le Parlement européen ».

À chaque étape de la procédure a été prévue l'intervention du parlement national. En amont tout d'abord. Comme vous le savez, suite au débat du mercredi 20 octobre 2010 en séance publique, le Gouvernement s'est engagé devant la représentation nationale à lui soumettre, mi-avril, une déclaration solennelle sur un projet de programme de stabilité, suivie d'un vote sur la base de l'article 50-1 de la Constitution, avant que ce projet ne soit transmis à Bruxelles, fin avril.

En aval ensuite. Si la déclaration solennelle du Gouvernement sur le programme de stabilité est nécessaire, elle n'est pour autant pas suffisante. Le parlement français interviendra à nouveau vers la fin du mois de juin, au moment où la Commission remet son rapport sur les différents programmes de stabilité qui lui ont été transmis et avant que le Conseil Écofin de juillet ne les entérine. Dans ce cas, le Parlement pourra présenter, comme il le fait chaque année sur les perspectives financières pluriannuelles du budget européen, à l'initiative de la commission des affaires européennes et de la commission des finances, une proposition de résolution qui viendra en discussion dans l'hémicycle. Cellle-ci ne portera pas à proprement parler sur le programme de stabilité mais sur l'avis du Conseil.

Le rapport Van Rompuy souligne que « ce cycle de coordination a priori renforcée couvrira tous les éléments de la surveillance économique, y compris les politiques visant à assurer la discipline budgétaire et la stabilité macroéconomique et à favoriser la croissance ».

Il faut prendre la mesure de ce que cela signifie. Dans une perspective constructive, il pourra être possible d'utiliser cette nouvelle procédure pour exiger un certain nombre de choses concernant les orientations et la définition de la politique économique européenne du Gouvernement. Je rappelle qu'il y aura un débat et un vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Les programmes nationaux de réforme et les programmes de stabilité et de convergence, qui auparavant ne faisaient l'objet d'aucune discussion, pourront faire désormais l'objet de débats et de pressions de la part du parlement national. Ce qui, jusqu'à présent, pouvait passer pour sans intérêt, voire pour antidémocratique, sera désormais soumis au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

C'est plutôt le début d'une construction européenne vers laquelle je souhaite que nous nous tournions. Cela étant, j'ai dit, mes chers collègues, que je m'interdisais toute digression : je ne répondrai donc pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Peut-être… J'ai fait mes choix personnels, et ne les renie pas. Mais si je parle aujourd'hui au nom de mon groupe, je suis totalement en accord avec ses positions.

Ce n'est pas rien que ces programmes de stabilité et de convergence et ces programmes nationaux de réforme. Ils préfigurent les réformes à venir.

Croyez-vous que les États membres aient attendu le semestre européen pour discuter au sein du Conseil des ministres de l'économie et des finances des réformes des retraites et autres réformes structurelles ? Non, ils le font depuis longtemps. C'est de tout cela qu'il faudra parler lors des futurs débats. Les parlements nationaux peuvent ouvrir une brèche et s'inscrire pleinement dans ce débat européen et ses grandes orientations, qui souvent anticipent de plusieurs mois, voire plusieurs années, les réformes mises en place au niveau national. Nous aurons pour la première fois la possibilité d'agir en amont.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

L'enjeu est là. On donne la possibilité au Parlement de se prononcer sur l'orientation des réformes pluriannuelles au niveau européen alors que cela n'a jamais été le cas. Il n'y a pas encore de discours de l'Union qui rassemble les parlements nationaux ou de discours de politique générale sur les grandes orientations économiques de l'Union qui soit soumis à un vote.

À l'occasion de la procédure du semestre européen, ce sera la première fois, hormis les cas spécifiques que sont le contrôle du principe de subsidiarité et le vote du prélèvement européen, que les parlements nationaux vont être intégrés à la procédure décisionnelle européenne dans un domaine important des politiques publiques.

Chers collègues du groupe GDR, le parlement national – et je suis d'accord avec vous sur ce point particulier – doit rester souverain en matière budgétaire. Nous veillerons à ce que ses prérogatives soient scrupuleusement respectées. Cependant, cette proposition de loi n'apparaît pas nécessaire au vu des garanties qui ont été apportées. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC exprimera un vote négatif sur ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

D'abord, je précise que, même si la zone euro est concernée au premier chef par notre débat, les vingt-sept pays de l'Union européenne le sont aussi.

Ensuite, pour éviter les faux débats, je rappelle que les membres du groupe de la Gauche unitaire européenne, qui rassemble au Parlement européen les députés de la même tendance politique que les membres du groupe GDR, ont voté contre le rapport de Mme Pervenche Berès. Ils l'ont fait précisément, entre autres motifs, en raison de divergences sur les questions budgétaires.

Nous avons un désaccord de fond sur les causes de la crise en cours en Europe. Selon nous, elle est la conséquence des politiques fiscales menées sous l'impulsion libérale qu'ont connue quasiment tous les pays de l'Union. Les baisses systématiques de la fiscalité ont causé des déficits budgétaires, tandis que les mêmes banques dont on assure le sauvetage propagent la crise de pays en pays.

Les banques, sauvées par de prétendus programmes d'aide aux nations qui n'aident en fait que les banques, s'en prennent aux pays les uns après les autres. Une fois les établissements bancaires grecs sortis d'affaire, elles ont pu s'attaquer à l'Irlande, grâce aux profits qu'elles ont accumulés. Une fois les banques sauvées en Irlande, elles pourront s'attaquer au Portugal avant de faire d'autres victimes. La France n'est d'ailleurs malheureusement pas à l'abri car, avec une dette et un déficit élevés, elle n'est pas plus vertueuse que nombre de pays de l'Union.

Aujourd'hui, on nous tient de grands discours pour appeler à une meilleure coordination entre États européens. Pourtant, une coordination existait bel et bien ; elle visait dans tous les pays membres à baisser la fiscalité, notamment celle touchant le patrimoine et le capital. Or c'est précisément cette politique coordonnée qui nous a menés à la crise. La seule proposition des groupes politiques majoritaires en Europe consiste à nous dire qu'il faut continuer. Ils nous mènent dans le mur et, finalement, les peuples paient en subissant partout des programmes d'austérité, tandis que les banques et les institutions financières sauvent leurs dividendes et continuent à spéculer partout sur la planète.

M. Lequiller a parlé d'un premier pas vers un gouvernement économique de l'Union qui permettra de ne pas créer de distorsions de concurrence. Dans toutes les interventions, y compris celle du secrétaire d'État, j'ai remarqué deux grandes absences : celles de la question sociale et de la question environnementale.

Si, pour notre part, nous sommes partisans de meilleures coordinations au niveau européen, c'est pour que soit créée une société plus juste socialement, moins inégale, et qui prenne en compte les défis écologiques auxquels est confrontée toute la planète, comme le réchauffement climatique ou la perte de biodiversité. Tout cela est totalement absent de vos discours, qui nous fixent comme unique objectif la concurrence libre et non faussée.

En ce qui concerne la coercition, il ne faut pas se cacher derrière les mots. Une surveillance économique sera mise en place sur la base d'une batterie d'indicateurs dont le Parlement européen a déjà dressé une liste comprenant la mise en oeuvre d'une réforme des régimes de retraite, des coûts salariaux unitaires, la croissance du crédit et l'évolution des prix des actifs, l'élargissement de l'assiette d'imposition…

Or nous savons bien comment il faut comprendre ces notions dans tous les débats européens actuels. L'objectif restera la baisse du coût du travail – ce qui se traduit par une baisse des salaires déjà à l'oeuvre dans certains pays –, ou le transfert des cotisations finançant la protection sociale vers une TVA sociale ou vers l'impôt, qui sont à la charge de tous. Au final, il s'agit d'augmenter encore la part des dividendes.

À ce sujet, je rappelle que le calcul des dividendes se fait après investissement. Autrement dit, l'augmentation des dividendes ne permet même pas de faire les investissements nécessaires à la relance de la production industrielle en Europe, et en particulier en France.

Enfin, je constate que, dans le cadre du semestre européen, le Parlement français n'aura que quinze jours pour débattre. Il devra le faire dans les deux dernières semaines d'avril, avant la transmission à la Commission européenne des programmes de stabilité et des programmes nationaux de réforme. Le Gouvernement annonce qu'il fera une déclaration et qu'elle sera suivie d'un vote. Il reste, par exemple, que le Parlement ne pourra pas déposer de proposition de résolution au titre de l'article 88-4 de la Constitution : une telle démarche demande au moins un délai d'un mois. Le Parlement est donc privé d'une de ses prérogatives constitutionnelles.

De la même façon, le Parlement ne pourra pas s'exprimer sur l'avis du Conseil européen sur les programmes de stabilité qui sera rendu à la fin du mois de juillet puisque, généralement, il ne siège pas pendant cette période – même les sessions extraordinaires sont closes.

Il y a donc une coercition qui porte aussi sur le débat de nos budgets nationaux. Nous la refusons. C'est bien gentil de nous dire que le Parlement pourra s'exprimer ; dans les faits, compte tenu du calendrier annoncé, ce sera impossible.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Sans prétention aucune, je vais essayer de prendre un peu de recul. Finalement, dans la proposition de loi défendue par Mme Billard, je lis ce qui peut s'apparenter à une inquiétude. Madame la rapporteure, je crois que je ne déforme pas votre pensée en disant que vous vous inquiétez de savoir si, dans le cadre de la procédure du semestre européen, les parlements nationaux vont être dessaisis.

Personnellement, j'estime que cette question est légitime. J'ajoute que personne sur les bancs de cette assemblée ne peut être surpris qu'elle soit posée. Au demeurant, cette interrogation participe à une réflexion globale sur la façon dont se construit l'Union européenne. Elle ne suscite donc pas la moindre réticence de ma part, et je suis prêt à entrer dans ce débat avec vous. Je vous remercie d'ailleurs pour la façon dont vous défendez vos convictions : vos arguments sont solides et vous souhaitez dialoguer.

Dans ma réponse, je souhaite ne pas confondre ce qui relève de votre question et ce qui concerne les causes et l'opportunité des traitements de la crise. Ainsi, Mme Fraysse s'est livrée à un exercice d'expertise sévère de la politique économique et financière menée par les pays européens. Elle l'a fait avec beaucoup d'éloquence certes, mais j'estime qu'il ne s'agit pas du même débat que le nôtre.

J'ajoute que nous sommes au moins tous d'accord sur quelques points incontestables : la crise a été d'une violence inouïe ;…

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

…elle a mis à mal les économies ; elle a plongé dans une situation difficile des centaines de milliers de personnes dans tous les pays européens. Sur ces éléments il n'y a aucune divergence entre nous.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Monsieur Sandrier, à part les députés de votre groupe politique, nous sommes tous d'accord pour constater, comme M. Lequiller et M. Rochebloine, que, dans la logique de la construction européenne – et il est clair que vous ne la partagez pas –, il convient de renforcer la gouvernance économique.

Depuis des années, nous avons tous fait le constat que celle-ci manquait à l'Europe, et M. Valax a rappelé que le parti socialiste avait apporté sa contribution à ce débat. M. Lequiller a clairement affirmé que la gouvernance économique dont nous avions besoin n'était pas limitée aux seuls critères de Maastricht, en particulier ceux liés aux déficits, mais qu'elle allait nettement au-delà.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Elle doit être prospective et permettre d'anticiper les évolutions économiques. Elle doit aussi allier réflexion, incitation et participation des instances nationales, de manière à éviter le sentiment ressenti par Mme Billard qu'il existe un dessaisissement des parlements nationaux.

Finalement, nous divergeons sur un seul point : devons-nous nous doter d'outils supplémentaires efficaces pour éviter les crises d'une violence terrible qui font des dégâts considérables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Finalement, il vous manque l'analyse : nous, nous savons d'où vient la crise !

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Monsieur Muzeau, notre réponse, qui n'est pas la vôtre, consiste à affirmer que si nous voulons avancer dans la construction européenne, nous avons besoin de définir des règles claires du « mieux vivre ensemble » pour éviter des individualismes nationaux qui nous poussent dans des directions opposées. Cette réponse est partagée au-delà de la majorité et au-delà des frontières. Elle ne traduit que la volonté de se doter d'outils que nous réclamons depuis des années et qui s'opposent, en quelque sorte, à une vision purement technocratique de l'Europe.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Mme Fraysse s'est demandée si nous assistions à un transfert de compétence vers la Commission européenne.

M. Valax lui a apporté une réponse parfaite et détaillée en précisant que si la Commission examinait et expertisait les programmes de stabilité de chaque pays, au final, c'était bien le Conseil européen qui décidait. Or ce dernier émane directement des gouvernements nationaux. Pour répondre à la question du déficit démocratique, il suffit d'être parfaitement au clair sur les rôles respectifs du Conseil et de la Commission : l'un décide en se fondant sur les travaux de l'autre. Il n'y a donc pas de transfert de compétence vers la Commission européenne.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Une autre question a été posée : le budget national sera-t-il mis sous tutelle ? En fait, l'expertise de la Commission et du Conseil doit plutôt être considérée comme un « plus » pour les parlements nationaux.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Monsieur Sandrier, je ne suis pas de votre avis. J'ai été membre de la commission des finances pendant de nombreuses années : désormais, elle disposera d'éléments d'expertise…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ce sont les mêmes experts qui se sont trompés quand ils encourageaient l'Irlande et la Grèce !

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Nous pouvons ne pas avoir la même vision des choses : pour ma part, j'estime que la commission des finances disposera, lorsqu'elle examinera le projet de loi de finances, d'une expertise technique complémentaire sur les orientations budgétaires. Les avis recueillis donneront aussi une vision globale au niveau européen, ce qui correspond à notre volonté de mise en place d'une gouvernance économique globale. Chaque parlement sera ensuite libre de donner suite ou non aux avis qui lui auront été soumis. Si l'on considère que l'obtention d'éléments d'appréciation et d'expertises techniques supplémentaires constitue la mise sous tutelle du Parlement, alors je ne comprends plus ce que signifie le mot « tutelle ».

J'ajoute que le Gouvernement a fait en sorte que le Parlement ait la garantie d'être associé directement à toute la procédure du semestre européen. Tous les États membres n'ont pas eu la même démarche. Le Parlement français sera associé en amont de l'envoi du programme de stabilité à la Commission, à la fin du mois d'avril, puis, du mois de mai au mois de juillet, lors de la phase européenne d'examen de ce programme. Les avis et les recommandations de la Commission seront bien évidemment transmis aux parlements dès qu'ils seront disponibles. De fait, le Parlement français sera directement associé au processus, tout comme le Parlement européen. Le débat auquel participera ce dernier – cela ne m'avait pas échappé – permettra aussi aux représentants des parlements nationaux de s'exprimer.

En conclusion,…

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Non, monsieur Muzeau.

…je comprends que des inquiétudes s'expriment, et la question soulevée par cette proposition de loi me paraît à cet égard légitime. Mais nous estimons qu'il faut y répondre en privilégiant, plutôt qu'une approche technocratique, la mise en place des piliers d'une gouvernance économique, et je pense sincèrement, comme de nombreux députés, au-delà de la majorité, que nous allons dans ce sens.

S'agissant du rôle et de la place respectifs de la Commission, du Conseil et, surtout, du Parlement, nous sommes en mesure de vous rassurer. Il ne faut pas se méprendre sur la nature des avis qui nous seront transmis : il s'agit d'éléments d'information, destinés à alimenter la réflexion et à contribuer à la définition d'orientations globales – au-delà même des questions strictement liées à Maastricht –, qui laisseront au Parlement le soin de décider en dernière instance.

Mesdames, messieurs les députés, même si, comme je l'espère, mon propos vous a paru modéré, le Gouvernement se prononce, bien entendu, contre l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mes chers collègues, je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle auront lieu le mardi 7 décembre après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Proposition de loi organique relative à l'initiative législative citoyenne par droit de pétition selon l'article 11 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma