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Séance en hémicycle du 14 octobre 2010 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • transparence

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle et de la proposition de loi organique de MM. Jean-Marc Ayrault, Gaëtan Gorce, Christian Eckert et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés, pour une République décente (nos 2774, 2775).

La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, j'observe que l'Assemblée a su mobiliser ses forces et son enthousiasme…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

…pour aborder un sujet dont il ne fait aucun doute que l'intitulé devait susciter sa plus large attention. (Sourires.)

Compte tenu de la qualité de mes auditeurs (Sourires),…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

…j'approfondirai donc le sujet !

Élus par le peuple, nous ne nous ferons jamais de la République une conception assez haute. Et si certains – parlementaires ou membres du Gouvernement – viennent à y manquer, alors ce doit être à la loi d'y suppléer.

La proposition de loi qui vous est présentée vise à rappeler celles et ceux qui gouvernent aujourd'hui ou gouverneront demain au respect des principes, ceux d'une « République décente ».

Le mot « décence » a fait débat en commission et suscité des réactions paradoxalement assez vives, ce mot étant pourtant moins ambitieux que l'expression « République irréprochable », inutilement offensante au regard de la situation antérieure.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Le Littré en donne une définition qui devrait nous accorder, puisqu'il s'agit simplement de l'« honnêteté qu'on doit garder dans les actions et les discours et dont la règle est tirée des préceptes de la morale ». L'indécence est ce qui offense le simple bon sens et qui suscite immédiatement indignation, réaction sans retour. L'indécence en politique, mes chers collègues, consiste à ne pas savoir accorder son vocabulaire à la qualité de sa fonction ; à ne pas savoir séparer de manière suffisamment stricte ce qui relève du public et du privé ; à ne pas respecter ses adversaires ; à ne pas suivre avec exigence les règles et les usages de la République, lesquels ne sont pas des « obstacles » à l'action publique, mais des règles destinées à garantir la sérénité de l'action et du débat publics. De nombreux exemples au cours des derniers mois ont laissé penser que ce simple rappel à la décence, qui n'est autre qu'un rappel à l'ordre républicain, était indispensable et s'adressait à tous.

La politique n'est certes pas seule en cause. Nous ne pouvons évoquer une « République décente » sans faire allusion à l'évolution plus globale de notre société et à la façon dont ceux qui exercent des responsabilités ont de plus en plus tendance à les exercer. Indéniablement, nous assistons depuis quelques années à un changement d'état d'esprit – la crise financière en a apporté le témoignage – qui nous conduit à parler d'une forme de démission des élites, une nouvelle « trahison des clercs », selon l'expression de Julien Benda, qui avait eu le mérite de souligner combien il était important d'accorder son comportement et son expression aux responsabilités que l'on exerce.

Aussi est-il urgent de réaffirmer publiquement ces valeurs de base sans lesquelles la déliquescence morale et civique peut s'installer : humilité, transparence, dévouement au bien public. Il est regrettable de devoir rappeler que les devoirs que l'on a envers la société sont proportionnels aux responsabilités que l'on détient. Et que le pouvoir, quel qu'il soit – politique, économique, financier, universitaire, scientifique –, doit s'exercer dans un but qui va bien au-delà du goût pour la puissance, du besoin de reconnaissance ou du confort de celui ou celle qui se l'est vu confier. Il est regrettable, mais nécessaire, de devoir le faire, car nos concitoyens observent ces dérives avec effarement et souhaitent que l'on y réagisse.

Ce rappel à l'ordre républicain est d'autant plus urgent que notre pays traverse une crise profonde. Nous ne pouvons espérer convaincre nos concitoyens de se mobiliser ou d'accepter les efforts qui leur sont demandés, s'ils ne font pas pleine confiance à leurs représentants et s'ils ont des doutes sur le bon fonctionnement des institutions. À cet égard, cette proposition vise à conforter le besoin de leadership que ressent aujourd'hui la nation.

L'ambition n'est pas mince et va bien au-delà de ces textes, qui ne sont qu'une première approche. On leur a reproché, en commission, d'être incomplets ; il n'était pas envisageable qu'ils soient exhaustifs.

Nous aurions certes pu y instruire le procès d'une certaine manière de présider, qui est pour beaucoup dans les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, s'agissant de la crédibilité de l'action publique et du comportement général des responsables publics. Le malaise va beaucoup plus loin : il s'agit d'un mouvement plus vaste, dont nos débats en commission ont également témoigné dans la mesure où certains ont préféré la polémique et l'affrontement à la discussion et à la réflexion sur les conséquences et les dégâts causés par certaines affaires dans l'opinion.

Nous nous garderons bien de les exploiter. Nous tentons au contraire d'apporter, pour l'avenir, les moyens de prévenir leur résurgence, de faire en sorte que ce qui devait répondre au simple bon sens puisse se traduire dans les comportements parce que la loi y invitera.

Nous ne consentirons pas, comme on nous y invite pourtant parfois, à abaisser le débat public. Nous proposons, au contraire, des solutions techniques, inspirées du simple bon sens comme de l'esprit de notre République, et qui visent garantir l'indépendance des ministres, dans le prolongement de ce qu'a prévu l'article 23 de notre Constitution. Il fallait bien commencer par un sujet ; celui-ci nous paraît aujourd'hui le plus important.

Aussi vous suggérons-nous, par une proposition de loi constitutionnelle et par une proposition de loi organique, d'en revenir à la pratique constante de la Ve République jusqu'à la première cohabitation, à savoir l'impossibilité de cumuler la charge de ministre avec une responsabilité exécutive dans un parti politique et de l'ériger en principe. En vous soumettant cette proposition, je ne cherche pas – moi qui n'ai jamais été gaulliste – à rendre un hommage posthume au général de Gaulle, fondateur de nos institutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Au regard de ce qui s'est passé au cours des derniers mois, il apparaît que l'inspiration du général de Gaulle – qu'il n'avait pas jugée utile d'inscrire dans la Constitution – doit être clairement rappelée, car ses héritiers ou ceux qui prétendent l'être l'ont oubliée ! En votant une telle disposition, nous préviendrons des situations comme celles que nous avons connues récemment, à savoir le cumul de la fonction de ministre de budget et de celle de trésorier d'un parti politique. Je ne mets nullement en cause le comportement ni la personnalité de celui qui s'est livré à ce cumul. J'observe simplement qu'il l'a jugé possible, que le Premier ministre l'a défendu à cette tribune et que le Président de la République semblait le soutenir. La simple déontologie qui s'applique dans tous les autres pays européens aurait pourtant dû suffire à l'interdire. Et, au regard des réactions suscitées par ce cumul, le simple bon sens politique aurait dû vous conduire à y renoncer. Nous voulons rétablir par le droit ce que le bon sens ou la déontologie ne suffisent plus à faire valoir dans notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Plutôt que définir le conflit d'intérêt d'une manière exhaustive, ce qui paraît extrêmement difficile, ou nous lancer dans une sorte de chasse juridique aux sorcières, nous avons préféré introduire une disposition permettant de prévenir les conflits d'intérêt qui peuvent déboucher sur une prise illégale d'intérêt, seule infraction punie par notre code pénal. Il s'agit donc d'introduire une nouvelle incompatibilité, s'appuyant sur la déclaration par les membres du Gouvernement de leurs intérêts, de façon à permettre au Conseil constitutionnel de vérifier, dans le mois qui suit la nomination d'un ministre, qu'aucun des intérêts qu'il détient – professionnels, financiers, directs, indirects – n'est en contradiction avec les responsabilités ministérielles dont il a la charge.

Cela permettrait de prévenir les prises illégales d'intérêt. Il s'agit donc un dispositif qui protège la République et les membres du Gouvernement, et qui ne consiste pas à les accuser ou à engager des procédures.

Il ne s'agit là que d'une contribution. Nous aurions pu étendre ces dispositifs aux parlementaires. Nous aurions pu élargir le débat sur le rôle de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, dont les prérogatives sont insuffisantes. Nous avons préféré nous en tenir à ce seul point, mais le débat reste ouvert.

Nous voulons croire que, par le biais des commissions dont la création a été annoncée par le Président de la République et par le Président de l'Assemblée nationale, nous pourrons aller plus loin. Mais il faut aujourd'hui que le Parlement se saisisse de cette question, donne son orientation, prenne l'initiative, quitte, ensuite, à la compléter par des dispositions qui seraient le fruit de nos réflexions communes.

Que l'on ne nous dise pas – comme ce fut le cas en commission – que cette question ne peut être traitée parce que les uns comme les autres auraient à se reprocher des attitudes et des comportements qui auraient peu à voir avec la décence politique. Nous n'avons pas, me semble-t-il, autre chose à faire aujourd'hui que de regarder vers l'avenir. Dans les années quatre-vingt, on avait tendance à condamner très fermement ce qui était supporté dans les années soixante. On condamne aujourd'hui très fortement ce qui était encore toléré dans les années quatre-vingt.

L'exigence démocratique de transparence de nos concitoyens n'a fait que se renforcer, et c'est tant mieux. C'est à cette exigence que nous vous proposons de répondre en votant nos propositions de loi, qui devraient réunir un consensus : elles visent, ni plus ni moins, à améliorer le fonctionnement de notre République, ce qui bénéficiera à tous. Elles conforteront le citoyen qui pourrait en douter – à juste raison parfois – dans l'idée que les institutions sont toujours plus transparentes et fonctionnent d'une manière plus démocratique et tournée vers le bien commun ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous sommes invités ce matin à discuter d'une proposition de loi constitutionnelle et d'une proposition de loi organique que nous soumet aujourd'hui le groupe socialiste. C'est discuter d'un sujet important pour le fonctionnement de notre démocratie : celui de la transparence de la vie publique.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Mais prenons garde à préserver la qualité de nos débats sur un sujet aussi essentiel. Je crois utile de rappeler que la Constitution est la loi fondamentale qui régit notre République. Elle ne saurait donc être l'instrument d'options politiques. Sa révision ne peut et ne doit pas constituer une occasion de susciter des polémiques inutiles.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

J'ai le droit de le dire, madame la députée !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Cela s'applique-t-il aussi au Président de la République ?

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

La transparence de la vie publique est un sujet important pour la majorité et pour le Gouvernement. Il me semble que nous ne sommes pas en arrière de la main sur la transparence de la vie publique. Vous prétendez bâtir une « République décente ». Nous préférons pour notre part parler de « République irréprochable ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Les faits et les décisions parlent d'eux-mêmes.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Le Président de la République qui a reconnu des droits nouveaux à l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

…en permettant, par exemple, à l'un de vos collègues socialistes de présider votre commission des finances s'appelle Nicolas Sarkozy !

Le Président de la République qui a reconnu des droits nouveaux au Parlement en partageant avec lui l'initiative des lois (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) s'appelle Nicolas Sarkozy !

Le Président de la République qui a permis aux citoyens de saisir directement le Conseil constitutionnel pour garantir les libertés individuelles – ils ne s'en privent pas et c'est bien ainsi –, s'appelle Nicolas Sarkozy !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

C'est une obsession chez vous. Vous devez en rêver la nuit ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

700 millions d'euros ! On pourrait les utiliser mieux !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Aujourd'hui encore, la majorité et le Gouvernement ont des projets pour améliorer les règles de fonctionnement de notre démocratie.

Je rappelle d'abord que le Gouvernement a déposé sur le bureau de votre assemblée un projet de loi organique relatif à l'élection des députés. Ce projet rénove et actualise le régime des inéligibilités et des incompatibilités parlementaires, notamment pour l'harmoniser avec celui des assemblées locales. Il précise le régime dit de « bonne foi » des candidats dont le compte de campagne est rejeté par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Je souhaite que ce texte soit inscrit rapidement à l'ordre du jour.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

À cette initiative gouvernementale s'ajoute, par exemple, une proposition de Jean-Luc Warsmann et Charles de La Verpillière, relative à la transparence financière de la vie politique. Ce texte prévoit notamment de subordonner le dépôt de toute candidature aux élections à la désignation préalable d'un mandataire financier. Il accroît en outre le pouvoir dont dispose la commission pour la transparence financière de la vie politique en vue de se faire communiquer les informations dont elle a besoin. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Le texte renforce enfin les sanctions pénales encourues par les personnes qui établissent une déclaration patrimoniale mensongère. Il s'agit d'avancées concrètes, qui permettront là encore d'accroître la transparence financière de notre vie politique.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

De plus, le rapporteur vient de le dire, le Président de la République a souhaité installer il y a peu une commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique. Cette commission est chargée de formuler toute proposition de nature à prévenir ou à dénouer les situations de conflit d'intérêts dans lesquelles peuvent se trouver, notamment, les membres du Gouvernement.

Elle est composée, vous le savez, de trois membres : le vice-président du Conseil d'État, un ancien premier président de la cour d'appel de Paris et le premier président de la Cour des comptes. C'est dire si cette instance est éminente et si elle rendra ses conclusions en toute indépendance.

Je salue au demeurant, comme l'a fait le rapporteur, l'initiative qu'a prise le président de l'Assemblée nationale de créer un groupe de travail sur la prévention des conflits d'intérêts.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Je suis convaincu que ce groupe de travail, présidé par le président de l'Assemblée nationale lui-même,…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

…et auquel sont associés tous les groupes politiques, formulera des propositions susceptibles de nourrir les initiatives législatives.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Je cite ces quelques exemples pour vous rappeler que, dans ce domaine, nous agissons. Car à nos yeux, ces sujets sont très importants, et il ne faut pas les traiter un par un,…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

…mais s'efforcer de réfléchir de manière approfondie et globale,…

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

C'est ce que nous faisons dans notre proposition !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

…ce qui nécessite un peu de temps. Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable aux deux propositions de lois qui vous sont soumises.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

En effet, avant de légiférer, nous préférons attendre que la commission des sages se soit prononcée : lorsque nous connaîtrons ses propositions, il sera temps de réfléchir à la manière de les prendre en considération – tous ensemble, naturellement.

Ces deux textes posent également des problèmes de fond.

D'abord, en interdisant aux membres du Gouvernement d'exercer quelque responsabilité que ce soit dans quelque association que ce soit, vous recourez à un dispositif excessif et sans rapport avec l'objectif de renforcement de la transparence de la vie politique.

De plus, vos propositions sont quelque peu imprécises. Ainsi, la notion d'« intérêts de nature à compromettre son indépendance » reste floue et soulève une question de fond, celle de la portée réelle des dispositions que vous proposez. Il n'est pas de bonne méthode que le législateur se prononce dans le flou et laisse au juge le soin de fixer des règles aussi importantes que celles qui régissent notre démocratie.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Enfin, il semble que vous fassiez deux poids et deux mesures : vos textes ne visent que les membres du Gouvernement ; la situation des maires et des présidents de conseils généraux et régionaux est-elle à ce point différente de la leur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Ils ne risquent pas d'être trésoriers de l'UMP !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Et qu'en est-il des fonctionnaires, pour lesquels la loi du 13 juillet 1983 fixe un régime finement conçu d'incompatibilités assorties de dérogations, dont il serait bon de s'inspirer ?

Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les raisons pour lesquelles le Gouvernement souhaite que ces deux textes ne soient pas adoptés. Notre devoir est de laisser travailler la commission des sages, d'écouter ses propositions et d'en tirer les conséquences législatives le moment venu. Notre devoir sera alors d'examiner des textes mûrement réfléchis et préparés par des acteurs divers. Notre devoir est enfin – il n'y a pas de différence entre nous sur ce point – de réfléchir sereinement aux réformes qui permettront de faire progresser notre démocratie, dans un souci partagé de transparence la plus large possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Christian Eckert.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

On va faire les comptes ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs, chers collègues, permettez-moi tout d'abord de revenir sur certains propos que vient de tenir le ministre.

Monsieur le ministre, vous avez suggéré que modifier la Constitution serait réservé à certains. Mais, en défendant aujourd'hui une proposition visant à modifier certaines de ses dispositions, nous faisons usage des droits du Parlement. Ce n'est pas un crime que de vouloir modifier la Constitution, sans quoi de lourdes charges pèseraient sur le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Notre devoir à tous est de respecter la Constitution ; celui du Président de la République est de la faire respecter, avec le Conseil constitutionnel, bien sûr – nous verrons ce que celui-ci dira notamment de l'égalité de nos concitoyens devant la nationalité.

Vous avez ensuite fait référence aux droits nouveaux du Parlement. À ce propos, je ne reviendrai que sur deux points, que vous avez brièvement évoqués. Tout d'abord, en ce qui concerne l'initiative des lois, nous avons constaté qu'en organisant nos débats, la présidence fixe systématiquement au jeudi la discussion des propositions de loi déposées par notre groupe. Or, si aujourd'hui plusieurs collègues de la majorité sont présents, bien souvent les votes sont reportés au mardi suivant, ce qui permet à chacun de vaquer à ses occupations et empêche le déroulement d'un débat dont tous ici ont pourtant reconnu la nécessité.

Sur un deuxième point, monsieur le ministre, vous avez la mémoire courte. La récente réforme de la Constitution permet entre autres l'organisation d'un référendum d'initiative populaire. À cette tribune, ou au banc du Gouvernement, vous vous étiez engagé à en présenter les modalités d'application – dans une loi organique, me semble-t-il – avant la fin 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Or, un an plus tard, nous ne voyons toujours pas venir ce texte, dont je crois même qu'il n'a pas encore été présenté au Conseil d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Le Gouvernement n'honore donc pas ses engagements et s'abstient de mettre en vigueur des modifications de la Constitution dont il fait croire par ailleurs qu'il les a fait voter pour donner plus de droits au Parlement ou au peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous avez pour habitude de renvoyer à des commissions ou à des groupes de travail. Vous le faites sur bien des sujets ; j'y reviendrai. Il est pourtant nécessaire de prendre, à certains moments, des décisions. C'est ce que nous vous proposons de faire aujourd'hui.

Enfin, vous jugez floues nos propositions de loi. Je vous signale que la définition du conflit d'intérêts s'appuie sur différentes expériences menées dans des pays étrangers, au Royaume-Uni par exemple, où cette notion est parfaitement claire,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…ainsi que sur la déclaration d'intérêts imposée aux commissaires européens, déclaration transparente puisqu'elle doit être publiée sur les sites officiels de la Commission. Vous auriez dû lire tout cela dans l'excellent rapport de Gaëtan Gorce.

Quant au fond, pour être respecté, il faut être respectable, et même irréprochable. Sur ce point, je vais mettre les pieds dans le plat. Le problème n'est pas nouveau ; il ne date pas de ces derniers mois ; il n'a pas commencé avec l'affaire dite Woerth-Bettencourt. Le problème remonte au cumul par Éric Woerth des fonctions de trésorier de l'UMP et de ministre du budget.

Dès le 9 décembre 2009, notre groupe, par ma voix, interpellait le Gouvernement sur le conflit d'intérêts créé par le cumul de ces deux fonctions. Pourquoi, monsieur le ministre ? Parce que la presse s'était fait très précisément l'écho d'une réunion du « premier cercle » – que vous devez connaître – lors de laquelle le ministre du budget, non content de recevoir avec le Président de la République les généreux donateurs de l'UMP, ce qui est après tout son droit, leur avait clairement déclaré qu'ils pouvaient continuer de donner, car il ne reviendrait jamais sur le bouclier fiscal ! Je caricature à peine ; je n'ai pas ses propos exacts sous les yeux.

C'est cela qui nous a alertés. Par essence, un don n'est pas assorti de contreparties. Or la déclaration rapportée par la presse évoquait clairement une contrepartie : « vous donnez ; en échange, je ne touche pas au bouclier fiscal ». Curieuse ironie : sur ce point, une évolution semble s'opérer ces derniers jours. Mais nous y reviendrons dans d'autres débats.

Ce qui nous choque profondément, monsieur le ministre, c'est que vous refusez, et votre majorité avec vous, de saisir la perche ou la bouée que nous vous tendons par ces propositions de loi.

Je ferai de nouveau un parallèle avec le bouclier fiscal : pendant des mois, des années, vous n'avez cessé de dire, tous à l'unisson, que l'on ne pouvait pas travailler un jour sur deux pour l'État, etc. Aujourd'hui, vous reconnaissez tous que le bouclier fiscal est injuste. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

S'agissant du cumul des fonctions de trésorier de l'UMP et de ministre du budget, chargé notamment des contrôles fiscaux, nous vous avons averti dès décembre 2009 qu'il posait des problèmes majeurs de conflit d'intérêts et de déontologie. Le ministre du budget nous a répondu que c'était une question « stupide ».

Quelques mois plus tard, étant donné l'ampleur prise par l'affaire Woerth-Bettencourt, il annonçait lui-même que son épouse démissionnait des fonctions qu'elle exerçait au service de la famille Bettencourt. Puis, en juillet dernier, le Président de la République en personne annonçait qu'Éric Woerth allait démissionner de son poste de trésorier de l'UMP. Si vous aviez tiré à temps les leçons de nos interpellations, cette affaire n'aurait pas pris de telles dimensions.

Aujourd'hui, nous vous tendons une nouvelle perche. Montrez votre bonne foi, mes chers collègues ! Le texte est clair et simple. Il oblige à déclarer ses intérêts privés de manière transparente ; il oblige les entreprises privées qui pourraient entretenir des liens, notamment financiers ou contractuels, avec des ministres en exercice à les déclarer.

Il ne prévoit pas de sanctions, mais établit les conditions d'une nécessaire transparence qui permettra, si j'ose dire, une autorégulation pour les ministres en exercice, étendue, par voie d'amendement, aux parlementaires.

Je pourrais vous citer une kyrielle d'exemples de conflits d'intérêt évidents.

S'agissant du débat sur les jeux en ligne, n'y avait-il pas, au sein de cet hémicycle ou à sa proximité, des liens évidents entre des activités à caractère privé et le projet de loi adopté ?

N'y a-t-il pas un président de groupe parlementaire au Sénat qui, à l'évidence, a entretenu des liens avec un grand groupe multinational – je veux parler de GDF-Suez ?

Le fait que l'un de nos collègues qui nous a récemment rejoints ait été auparavant salarié de la Caisse des dépôts et consignation ne représente-t-il pas un conflit d'intérêts évident, dans la mesure où cette institution est placée sous la surveillance des assemblées de notre République ?

Je m'arrêterai là mais je pourrais citer d'autres exemples, pris sur tous les bancs de notre assemblée.

Nous vous proposons aujourd'hui, par un texte clair et simple, de répondre à deux questions qui préoccupent nos concitoyens.

La première question est celle du temps : nos concitoyens ne comprennent pas qu'un parlementaire, dont l'activité est souvent lourde, puisse poursuivre ses activités dans le secteur privé, public ou parapublic.

La deuxième question, dont il ne faut pas faire un sujet tabou, est celle de l'argent. Le montant de notre indemnité pourrait certes être discuté, mais il est transparent : il figure sur le site de l'Assemblée et tous nos concitoyens peuvent savoir dans quelles conditions matérielles et financières nous exerçons notre mandat. Toutefois, si, à côté des rémunérations liées à ce mandat, il existe d'autres rémunérations qui ne sont pas transparentes, il est bien évident que cela jette la suspicion.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

C'est donc nous rendre collectivement service, vous rendre collectivement service – car, récemment, c'est plutôt du côté de la majorité qu'il y a eu des exemples –, que de prendre cette décision courageuse, simple et efficace, qui pourra être améliorée en s'enrichissant des travaux des différentes commissions et instances mises en place. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, je voudrais tout d'abord saluer au nom des députés écologistes l'initiative du groupe socialiste.

C'est un triste aveu de ce qu'est devenue la République dans notre pays que d'être obligé d'intituler une proposition de loi : « Pour une République décente ». C'est un titre qui en dit long sur la situation politique actuelle.

Quant à vous, monsieur le ministre, vous avez choisi de faire référence à la promesse faite par le président Sarkozy d'une « République irréprochable ». Étant donné ce qu'est l'éthique politique dans notre pays, franchement, à votre place, je m'en serais abstenu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour notre part, nous souhaiterions, plus simplement et plus modestement, une République transparente.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous pouvez toujours ronchonner dans votre coin, monsieur Geoffroy, mais vous ne pouvez pas nier qu'il règne aujourd'hui un mauvais climat dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

C'est l'honneur de l'Assemblée nationale que de se saisir d'un sujet qui préoccupe tant nos concitoyens.

Notre rôle de députés n'est-il pas de nous faire l'écho, dans cet hémicycle, de ce que nos concitoyens nous disent ? Si nous devons faire remonter ce qui vient du terrain, comme on nous le demande, eh bien, affirmons ici que le peuple français est écoeuré par ce qu'il voit au sommet de l'État depuis trois et demi. Et quand je dis le peuple français, c'est qu'il ne s'agit pas d'une question partisane, beaucoup de personnes ayant voté pour Nicolas Sarkozy partagent ce sentiment.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il est beaucoup question de l'affaire Woerth-Bettencourt – j'y reviendrai – mais je ne voudrais pas qu'elle soit l'arbre qui cache la forêt. Comme Christian Eckert l'a dit avant moi, nous avons été nombreux à dire, depuis trois ans et demi, qu'il était insupportable qu'un ministre du budget, ministre des comptes publics, occupe en même temps les fonctions de trésorier du parti majoritaire. Imaginons un seul instant comment nous réagirions si une telle situation se rencontrait dans d'autres pays. Nous ricanerions s'il s'agissait d'un pays du tiers-monde : regardez donc, dirions-nous, ces républiques bananières où le ministre du budget est aussi le trésorier du parti du président. C'est pourtant la situation que nous avons connue en France jusqu'au mois de juillet dernier.

Mais il existe bien d'autres problèmes en dehors de celui-ci. Comment est-il possible, dans notre pays, que le dirigeant d'un très grand groupe industriel, un groupe d'armement vivant des commandes de l'État, et qui contrôle des journaux – M. Dassault, disons-le, car je n'ai pas peur de citer des noms, – siège au Sénat et que son fils siège à l'Assemblée nationale ?

Pensons encore à l'affaire Tapie. Il y a d'abord la somme qu'il a obtenue – 200 millions d'euros – alors que les Français doivent faire face à la réforme des retraites et aux restrictions qui leur sont imposées, et que nous tentons de trouver dans la loi de finances, amendement après amendement, les moyens d'économiser 10 millions d'euros par-ci, 100 millions d'euros par-là.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il y a surtout la façon dont cette somme a été obtenue, et qui a choqué, à juste titre, beaucoup de nos concitoyens. Au sommet de l'État, il a été décidé que l'on contournerait la justice, et des instructions ont été données pour qu'une procédure d'arbitrage – privée – soit préférée à une procédure judiciaire. Si M. Tapie avait obtenu ces 200 millions d'euros devant un tribunal, il n'y aurait pas un sentiment d'injustice aussi fort.

Parlons également de M. Pérol qui, en tant que chargé des affaires économiques au cabinet du Président de la République, pilotait directement le dossier de la fusion des Banque populaires avec les Caisses d'épargne, et qui, quelques jours après la création de la nouvelle entité, en est devenu le président. C'est insupportable !

Évoquons enfin – je n'ai pas peur d'en parler – le président du groupe UMP, qui mélange les genres entre son cabinet d'avocat d'affaires et son rôle de député et de président de groupe parlementaire, et qui s'en vante.

Des conflits d'intérêt, il y en a. Toutefois, le problème primordial, à mes yeux, est le mélange des genres entre argent et politique que nous voyons à l'oeuvre depuis trois ans et demi. Voilà pourquoi l'affaire Woerth-Bettencourt est devenue ce symbole de la course à l'argent que nous observons – y compris au sein du Gouvernement et de notre Parlement, avec le président du groupe UMP.

M. Sarkozy a déclaré qu'après avoir fait de la politique, il irait « faire de l'argent ». Eh bien, il serait bon que ceux qui veulent « faire de l'argent » arrêtent de faire de la politique.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

L'absence de règles écrites claires, dont l'observation serait contrôlée – je ne me contenterai pas de règles simplement déclaratives – crée aujourd'hui des zones d'ombre, pose des problèmes éthiques et jette la suspicion sur l'ensemble des élus, donc sur la politique et sur notre République. C'est cela qui est insupportable.

Malheureusement, nous ne nous faisons pas beaucoup d'illusions. Il est fort probable, monsieur le ministre, et vous l'avez laissé entendre, que d'ici à la fin de notre législature, en 2012, nous n'adopterons aucune règle nouvelle allant dans le sens de la transparence et de l'éthique. C'est bien dommage, car nous pourrions établir de telles règles de manière consensuelle.

L'un de nos objectifs prioritaires en 2012 sera donc de restaurer la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, les quatre textes que nous examinons ce matin sont importants : par leur nature, puisqu'il y a une proposition de loi constitutionnelle et deux propositions de loi organique ; par leur objet, qui vise la moralité de la vie publique, c'est-à-dire la crédibilité même de la démocratie.

Ces différentes propositions du groupe socialiste procèdent d'une même volonté, dont on peut regretter qu'elle ne soit pas exempte d'arrière-pensées polémiques, ce que vient de nous confirmer l'intervention de M. de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Il faut vraiment que vous soyez embarrassé pour dire cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Ces textes recouvrent des problèmes très divers : les rapports des ministres avec les entreprises et les associations bénéficiant de dons ou d'avantages financiers de la part de l'État ; le cumul des mandats exercés par les parlementaires ; le financement de la vie politique, notamment le plafonnement des dons et la transparence sur l'identité des donateurs.

Pour autant, ces textes ne traitent que de manière très partielle de questions qui nécessiteraient, à l'évidence, une approche beaucoup plus globale. Ils traduisent en réalité une lecture extrêmement sélective de la vie politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Pour préciser les relations de la sphère publique avec les intérêts économiques, il faudrait ne pas seulement traiter de la situation des ministres. L'argument que les socialistes invoquent très souvent, et qui mérite en effet que l'on s'y arrête, est celui des conflits d'intérêt. Or ceux-ci peuvent concerner tous les élus, et non pas seulement les ministres.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Ils peuvent concerner les députés car, après tout, ce sont eux qui votent les budgets et qui contrôlent l'utilisation des crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Les députés sont déjà soumis à un contrôle !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Laissez-moi m'exprimer, s'il vous plaît : j'ai écouté les intervenants précédents, ayez la gentillesse de m'écouter à votre tour.

Ces conflits d'intérêt peuvent également concerner les élus locaux. Nous vivons dans une République décentralisée. Des pouvoirs importants en matière économique ont été confiés aux régions, aux départements. Les maires sont considérés par les chefs d'entreprise comme des interlocuteurs quotidiens. Il y a un risque là aussi, il ne faut pas être aveugle sur ce point.

Quant à la question du cumul des mandats, si on veut la traiter, il faudrait ne pas s'en tenir aux parlementaires. Le conflit d'intérêts ne peut-il pas exister également dans la vie politique locale ? Lorsqu'un élu, conseiller général ou conseiller régional, subventionne une commune dont il est par ailleurs l'élu, n'y a-t-il pas là également un risque ? Tout cela nécessiterait que l'on y regarde de près.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

S'agissant du financement de la vie politique, beaucoup d'améliorations ont été apportées ces dernières années, mais il reste encore des progrès à accomplir.

J'observe que, sur ce point également, les moyens que propose le groupe socialiste à travers ces quatre textes sont totalement inadéquats, en particulier en ce qui concerne la publication du nom des donateurs les plus généreux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Nous sommes tous très attachés à la protection des libertés individuelles. Comment, dans un domaine aussi important que la vie politique, la liberté individuelle ne serait-elle pas protégée par un minimum de confidentialité ? Lorsque l'électeur s'apprête à voter, il est tenu de passer par l'isoloir. Pourquoi, en matière de financement, faudrait-il livrer à examen l'ensemble des gestes accomplis par les donateurs ?

En disant cela, je ne plaide pas du tout pour l'opacité. Nous savons très bien que les dons aux formations politiques sont connus des services fiscaux, et de la commission des comptes de campagne lorsqu'ils ont pour objet de financer une campagne électorale.

Si l'on veut véritablement assurer la transparence dans ce domaine, il faut aller beaucoup plus loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Il faut mettre clairement sur la table nos revenus, nos patrimoines,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…comme cela se fait dans un certain nombre de pays du nord de l'Europe. La transparence de la démocratie, c'est cela. Je vous avoue que, si nous nous engagions dans cette voie,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…et, disant cela, je me tourne vers le président Warsmann, je n'y verrais que des avantages.

S'agissant des deux textes dont nous sommes saisis concernant la « République décente », je me limiterai à deux observations.

Première observation, quiconque lit ces textes ne peut être que profondément frappé par l'étrange décalage entre l'exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle et le dispositif proposé par le parti socialiste. « Nous avons souhaité rendre incompatibles la fonction de membre du Gouvernement avec l'exercice de toute fonction dirigeante au sein d'une association nationale déclarée d'intérêt général et susceptible à ce titre, de voir les dons ou cotisations qui lui sont adressés partiellement exemptés d'impôts », écrivent les auteurs de la proposition de loi. Clairement, l'intention était de traiter ce que vous avez appelé l'affaire Woerth à l'époque où celui-ci était trésorier de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Or le dispositif de la loi dépasse largement cette intention, comme si finalement, les rédacteurs du texte, pris du remords de traiter ce seul aspect ponctuel et polémique, s'étaient attachés à noyer l'affaire Woerth dans un ensemble plus vaste.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Vous disiez vous-même que le texte était trop restrictif !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

À l'évidence, nous sommes saisis d'un texte hâtif, inachevé et profondément contradictoire. Entre la volonté affichée dans l'exposé des motifs et le dispositif lui-même apparaissent quatre hiatus substantiels.

D'abord, ce que les auteurs voulaient dire dans l'exposé des motifs, c'est qu'un ministre ne doit pas occuper une fonction dirigeante dans une formation politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

En réalité, ce n'est pas du tout ce à quoi s'attaque le texte. Il propose, en effet, qu'un ministre ne puisse avoir aucun intérêt de quelque nature que ce soit, direct ou indirect, dans toute entreprise, publique ou privée, quel qu'en soit le domaine d'activité,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…dès lors qu'elle aurait un rapport avec l'administration.

Deuxième hiatus : du fait du risque de conflit d'intérêts, un ministre ne pourrait pas avoir de relation avec une activité à caractère économique ou social. De quel intérêt parlez-vous dès lors que vous faites apparaître la notion d'intérêt « par personne interposée » ? Qu'est-ce donc qu'une « personne interposée » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Il y a une jurisprudence colossale sur la question !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Là également, la lecture du texte est facile : vous pensiez, bien entendu, à Mme Woerth.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Mais vous n'avez pas voulu l'écrire aussi lisiblement. La rédaction que vous avez adoptée, finalement, fait que cette incompatibilité s'applique non seulement à un ministre, mais à tous ses proches : épouse, enfants, neveux, cousins, amis… Jusqu'où va-t-on aller ? Rien dans le texte ne précise les limites de cette disposition.

Troisième hiatus : l'exposé des motifs visait l'exercice de fonction dirigeante d'un ministre dans une association d'intérêt général, en réalité une formation politique, et vous l'avez étendu très largement à toutes les activités d'entreprise, quel que soit le statut de l'entreprise en question.

Le quatrième hiatus, c'est le champ même de l'incompatibilité. C'est sur ce point que l'on voit combien votre texte est inapplicable. L'incompatibilité devait, à l'origine, couvrir uniquement les formations politiques, et vous l'avez étendue à toute entreprise, quel que soit son statut, qui soit en relation avec l'administration. Or, toutes les entreprises, toutes les associations sont en relation avec l'administration ! Payant des impôts, elles sont soumises aux services fiscaux ; soumises au droit du travail, elles sont contrôlées par l'inspection du travail ; recevant du public, elles ont affaire aux commissions de sécurité. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Dans ces conditions, si le texte proposé était adopté, certains ministres, en particulier ceux de l'économie, des finances, du travail, de l'intérieur, des relations avec le Parlement puisque ce dernier s'occupe de tous les domaines d'intervention, ne pourraient détenir aucun intérêt de quelque nature que ce soit dans aucune entreprise, ne pourraient adhérer à aucune association. De surcroît, aucun de leurs proches – femme, enfants, cousins, neveux – ne pourrait plus travailler dans aucune entreprise ni dans aucune association. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Sincèrement, mes chers collègues, tout cela n'est pas raisonnable et traduit, me semble-t-il, une suspicion que j'estime profondément choquante à l'encontre des ministres, alors que ces incompatibilités ne s'appliqueraient ni aux parlementaires ni aux élus locaux.

Ma deuxième observation porte sur le titre « République décente ». Sous-entendez-vous par là que la République dans laquelle nous vivons n'est pas décente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

C'est choquant et inadmissible ! Ce qu'il y a d'intolérable dans cette démarche, c'est son côté « donneur de leçons », qui est très déplacé. Pour faire des reproches aux autres, chers collègues de l'opposition, il faudrait être irréprochable soi-même et l'avoir toujours été. Personne ne l'est, je crois.

Votre texte alimente le populisme, nourrit l'antiparlementarisme, fait, comme toujours, le jeu des extrêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Vous dites n'importe quoi ! Ce sont les Copé et les Woerth qui font ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Dans ces conditions, le groupe UMP ne pourra que rejeter ces propositions. J'ajoute, pour rebondir sur la conclusion de M. Eckert tout à l'heure, que si, par malheur, nous adoptions ce texte, vous seriez les premiers à dire qu'il s'agit d'un abominable aveu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviendrai sur un aspect tout à fait particulier d'une proposition de loi elle-même particulière. Comme tous les parlementaires un peu expérimentés, j'ai appris à connaître la manière élégante et hypocrite de repousser un texte : il faudrait, nous dit-on, traiter non pas les aspects particuliers, mais le problème dans sa globalité.

J'essayerai donc d'être plus réaliste en traitant l'aspect particulier susmentionné. Celui-ci est propre à notre pays, je n'en ai pas trouvé d'exemple dans les autres démocraties : nous avons des ministres de la République à temps partiel. Chez nous, la fonction de ministre n'est pas considérée comme une fonction exigeant que son titulaire consacre tout son temps à la République. Sur les trente-huit membres du Gouvernement, sauf erreur du site Légifrance, trente-quatre cumulent leur charge avec des responsabilités locales, dont certaines importantes. Seuls quatre d'entre eux n'ont aucun mandat local, trois autres ont des responsabilités locales mineures. Certains ont des responsabilités lourdes, gèrent des villes très importantes, des départements. Monsieur le ministre, vous avez rappelé vous-même que tout cela nécessite du temps, de l'argent.

J'ajoute, comme l'a dit le rapporteur, qu'on peut avoir cette situation curieuse que, dans un département, le préfet soit chargé de contrôler la régularité des délibérations d'une collectivité dont le patron est son supérieur hiérarchique. Si ce n'est pas à proprement parler une situation de conflit d'intérêts, elle est tout de même curieuse.

Il est indécent qu'un ministre ne consacre pas tout son temps au service de l'État…

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

…et il est indécent qu'un ministre à temps partiel soit mieux rémunéré qu'un ministre à temps complet. Car ce cumul se traduit aussi par des cumuls d'indemnités, dans la limite d'une fois et demie le traitement ministériel. En 2002, ce plafond a été sensiblement relevé, et par conséquent le cumul aussi. Vingt et un mille euros par mois, c'est le maximum qu'un ministre peut toucher lorsqu'il cumule son traitement ministériel avec des responsabilités locales. C'est indécent. Dans une période où le Gouvernement prêche la rigueur à l'ensemble des fonctionnaires et au pays, ses propres membres ne sont pas exemplaires sur ce plan-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Alors qu'ils devraient commencer par eux-mêmes !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Comme je suis réaliste et que j'ai compris que ces propositions fort pertinentes seront repoussées, je me contenterai de faire une suggestion. Puisque ce cumul d'indemnités n'est pas du tout une obligation, non plus que le montant des indemnités locales qui est un plafond fixé par la loi, je propose que chaque ministre concerné par des responsabilités locales renonce volontairement à percevoir ses indemnités locales…

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

…ou en fixe le montant à un euro, dans la mesure où leur versement est une dépense obligatoire pour les collectivités. Que les ministres soient exemplaires de ce point de vue !

Le cumul des mandats est une question complexe. Il y a des avantages, des inconvénients ; tout le monde sait que j'y suis hostile, mais on peut en discuter. S'agissant du cumul des indemnités, j'en attends toujours la moindre justification. Peut-être M. le ministre pourra-t-il m'en fournir une.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Cher collègue, Jean-Jacques Urvoas et moi-même avons récemment proposé la suppression de ce cumul, mais votre groupe l'a repoussée.

Il s'agirait d'un geste symbolique très fort que pourraient faire les ministres. Il suffirait à chacun d'eux de faire prendre par sa collectivité locale une délibération indiquant que, désormais, il n'y a plus d'indemnités locales à percevoir par un ministre. Le Gouvernement et ses membres retrouveraient une grande crédibilité vis-à-vis de leurs fonctionnaires à qui ils demandent des efforts, en montrant qu'eux-mêmes ne s'en excluent pas.

En cette année du centenaire de cette grande oeuvre de Charles Péguy qu'est Notre jeunesse, une telle décision permettrait de montrer au public que le Gouvernement est capable de retrouver la mystique républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens, comme en attestent toutes les enquêtes d'opinion, portent une appréciation particulièrement sévère sur le fonctionnement de nos institutions. Selon un sondage du mois de juillet dernier, les deux tiers d'entre eux estiment la classe politique plutôt corrompue. En 2009, 73 % d'entre eux jugeaient que la corruption est un problème majeur dans notre pays, contre 65 % en 2007.

Pour contribuer à leur redonner confiance, il est primordial de prévenir, comme on nous le propose ce matin, les conflits d'intérêts. Si le constituant a tenté d'éviter les cas les plus flagrants en créant le mécanisme des incompatibilités, qui interdit le cumul entre certains mandats, fonctions et activités, force est de constater que la notion de conflit d'intérêts est absente de notre droit constitutionnel. Or il est indubitable que certaines lacunes du droit risquent de faciliter des conflits d'intérêts. Il convient donc que notre droit prévienne de manière explicite les comportements qui ne sont pas conformes à ce que l'on peut attendre d'un dirigeant politique.

C'est l'objet de la proposition de loi présentée ce matin par nos collègues socialistes, et nous partageons avec eux la volonté de renforcer notre système d'incompatibilités afin d'aboutir à un dispositif de prévention et de sanction globale des conflits d'intérêt, associant incompatibilités, code de bonne conduite, déclarations d'intérêts et sanctions pénales. Grâce à cette avancée, notre pays rejoindrait un certain nombre de démocraties européennes.

Plusieurs pays se sont en effet d'ores et déjà dotés de règles ou d'organismes relatifs à l'éthique des dirigeants politiques et à la prévention des conflits d'intérêts, appliquant ainsi les recommandations formulées par l'OCDE en 2005. Cette organisation recommande que les responsables limitent les opérations, les intérêts privés, les relations personnelles et affiliations qui pourraient compromettre des décisions officielles dans lesquelles ils sont impliqués, et s'abstiennent de toute implication dans des décisions officielles entrant en conflit avec leurs intérêts personnels.

En 2005, la Norvège a édicté un code de conduite. En Finlande, il est d'usage, en cas de risque de conflit d'intérêts, qu'un ministre se récuse lui-même et s'abstienne de participer à une décision. En Suède, le code administratif prévoit les mêmes restrictions, incluant même l'activité des conjoints. Quant au Canada, il s'est doté d'un commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique qui dispose de pouvoir d'enquêtes.

Dans d'autres pays, comme le nôtre, le débat est récurrent, et le constat de l'absence de la notion de conflit d'intérêts en droit n'est pas nouveau. Déjà en 1992, le professeur Yves Mény, dans son livre La corruption de la République, avait souligné que les Français, à la différence des Anglo-Saxons, ignorent l'idée de conflit d'intérêts, c'est-à-dire d'une situation où l'individu, en raison de loyautés cumulées mais contradictoires, doit sacrifier l'un des intérêts qu'il devrait défendre. Loin de s'émouvoir d'une telle situation, les Français ont tendance à régler le conflit potentiel par la concentration des intérêts sur une seule personne, à charge pour elle, précise Yves Mény, d'arbitrer selon ses préférences ou de concilier tant bien que mal des points de vue antagoniques.

En droit, la notion commence lentement à s'imposer dans notre pays. Elle le fait principalement à partir du droit pénal, en particulier de l'article 432-12 du code pénal qui définit la prise illégale d'intérêts. Cette disposition sanctionne le cas où il y a un mélange de genres, une confusion qui fait que celui qui décide ne devrait pas le faire car il a intérêt à ménager une partie des destinataires de sa décision.

Les propositions de loi soumises à notre examen ce matin représentent un progrès limité mais certain, qui devrait recueillir un avis positif de l'ensemble de nos collègues, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent. C'est un double progrès puisqu'elle étend le régime des incompatibilités en interdisant à un membre du Gouvernement d'être en même temps, par exemple, trésorier d'une formation politique ou dirigeant d'une association susceptible de bénéficier de dons et de versements, et élargir aux ministres les règles applicables aux fonctionnaires en matière de désintéressement.

Certes, ce progrès est limité. Il est évident que la réconciliation des Français avec leur système politique, leur démocratie et leur République passe par une réforme d'une autre ampleur, dont nous aurons certainement l'occasion de reparler, et que beaucoup d'entre nous inscrivent dans la perspective d'une nouvelle République, la sixième du nom. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'essaierai d'apporter une contribution modeste, bien sûr, mais la plus efficace possible, à un ensemble de vrais débats.

Les textes que nous soumettent aujourd'hui nos collègues socialistes sont intimement liés. J'en veux pour preuve qu'à l'appui de ces deux propositions de loi relatives à ce qu'ils appellent une « République décente », ils ont maintes fois emprunté les chemins qu'ils auraient pu suivre pour parler des deux autres propositions de loi que notre Assemblée examinera tout à l'heure, celle sur la transparence financière de la vie politique et celle sur le cumul des mandats. C'est bien la preuve que ces sujets sont interdépendants et qu'il n'est aucunement dépourvu de pertinence de les aborder.

Mais la nature, à l'évidence utile, de ces réflexions doit-elle nous conduire à adhérer benoîtement et béatement, au nom des grands principes et de la morale à laquelle nous croyons tous, à ces textes qui, nous affirme-t-on, viendraient à leur heure, dans un cadre dépassionné, marquer un progrès pour notre République ? Je crois qu'il n'en est rien et que les masques tombent les uns après les autres. C'est un coup politique à plusieurs cartouches qui est tiré aujourd'hui, dans le cadre des séances mises à la disposition de l'opposition pour faire valoir ses points de vue et accomplir son travail d'opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Pour ma part, j'aborderai le sujet à la fois sur le fond et sur la forme.

Vous parlez de « République décente » pour frapper les esprits. Vous voulez dire par là que la République ne serait toujours pas décente, ou même qu'elle serait devenue indécente – j'ai d'ailleurs l'impression que c'est plutôt cette version des choses que vous souhaitez accréditer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La République serait devenue « indécente » parce qu'elle aurait régressé. Je pense qu'il faut un peu plus de mesure dans la présentation des choses.

On a parlé de VIe République. Revenons une seconde à la IVe République. Était-elle décente lorsqu'il y avait confusion totale des pouvoirs, lorsque l'on pouvait être, en même temps, membre du Gouvernement et parlementaire, et quitter l'un pour soutenir l'autre avant de le « dégommer » pour occuper à bref délai sa fonction ?

La Ve République a apporté des éléments de clarification, et donc de décence, dans la vie politique de notre pays, en inscrivant très clairement dans la Constitution la séparation des pouvoirs exécutif et législatif, ce qui n'est pas l'un des moindres mérites de ce texte fondateur auquel nous sommes au fond, même ceux qui s'en défendent, profondément attachés.

Il y a vingt-cinq ans, d'aucuns pouvaient cumuler toutes les fonctions, toutes les indemnités, sans que celles-ci soient soumises à l'impôt. Personne n'en était choqué. C'était le fait d'élus de droite, de gauche, du centre et d'ailleurs. Et nous pourrions citer d'autres exemples de pratiques qui étaient alors ressenties comme naturelles. Tout cela est fini parce que, étape après étape – et chacun y a apporté sa contribution –, la limitation du nombre de mandats et de fonctions est apparue, et qu'elle va encore se poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La limitation du montant des indemnités perçues est devenue une évidence, et elle est une bonne chose, de même qu'est devenu naturel le fait que ces indemnités, qui constituent un revenu, soient soumises à fiscalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

C'est ce que vous dites, monsieur Gorce, mais on pourrait reprendre le même déroulement pour le financement de la vie publique.

Va-t-on reprocher à ceux qui ont posé la première pierre de ce parcours nécessaire d'avoir autorisé le versement par les entreprises de subsides pour les campagnes électorales ? Non, et c'est pourtant ce qui a été décidé avant qu'un autre gouvernement, qui n'était pas le vôtre, choisisse d'aller plus loin dans la moralisation, vers la République « décente » ou « irréprochable », en décidant que les entreprises ne pourraient plus financer partis et campagnes – disposition toujours en vigueur.

Nous n'avons pas achevé ce chemin, auquel toutes les formations politiques républicaines auront apporté leur concours. Ce travail est le fruit d'une nécessité, et un lourd tribut a été payé par tout le corps politique pour y parvenir.

Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les noms de ceux qui, sur les bancs de la gauche comme de la droite, ont payé, au nom de leur fonction, de leur parti, le prix d'une absence totale de réglementation, qui les a conduits, comme la vie publique y conduisait tous ses responsables, à des méthodes et à des pratiques admises à l'époque, mais qui ne seraient plus tolérées aujourd'hui.

Le fait que ces sujets soient pertinents ne doit toutefois pas nous inviter à un surcroît de naïveté. Vous n'avez pas eu la peau d'Éric Woerth sur les retraites…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

…alors que votre pilonnage était incessant et indécent. Aujourd'hui, au nom de la morale dont vous voulez apparaître comme les meilleurs défenseurs tandis qu'à droite on ne le serait pas, vous proposer, par des mesurettes, d'avancer vers cette « République décente » que vous appelez de vos voeux.

Mes chers collègues, la République française n'est pas indécente, elle n'est pas en péril. Veillons à ce que la vie publique reste décente et à ce que notre République ne tombe dans pas le péril que guettent des initiatives comme les vôtres : celui du populisme (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

…de la démagogie, de la défiance des électeurs à l'égard de tous les élus, vous y compris.

Pour toutes ces raisons, et bien que le sujet soit important, le groupe UMP ne tombera pas dans le piège grossier que vous voulez tendre à la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je suis heureux d'associer ma voix à celle de tous les membres de la majorité en refusant ces propositions démagogiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur Geoffroy, nous ne voulons pas la peau d'un ministre,…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Si peu !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

…mais celle de la réforme des retraites !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les médecins hospitaliers universitaires, les scientifiques, ont une pratique habituelle, simple, non populiste de la notion de conflit d'intérêts. Ils vivent l'obligation de s'y conformer, non comme une contrainte, mais comme une démarche naturelle, en accord avec la simple morale comme avec la rigueur scientifique.

Ainsi, dans tous leurs travaux de recherche, clinique ou fondamentale, signent-ils un protocole précis garantissant que leur participation à ces travaux, les résultats qu'ils seront amenés à donner et même leur motivation d'entrer dans l'étude sont exempts de toute possibilité de conflits d'intérêts.

Pour ma part, il n'y a aucune malignité dans cette remarque, et j'ai même toujours été étonnée que ce protocole ne concerne pas tout aussi systématiquement – c'est quelquefois le cas néanmoins – leurs parents et alliés de premier degré. J'aurais pour ma part trouvé incompatible d'analyser les effets d'une molécule d'un laboratoire si mon conjoint, mon père ou mon fils avaient pu avoir quelque connivence financière que ce soit avec les résultats de la recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Le terme de conflit d'intérêts est toujours un peu surprenant quand on n'est pas habitué à ce jargon. Ces conflits sont bien souvent, en réalité, des convergences d'intérêts susceptibles de brider ou de fausser la liberté de jugement. Cette faiblesse n'est pas une obligation, mais même le meilleur ne peut jamais être assuré d'être toujours infaillible. La loi ne doit pas être là pour jeter sur lui la suspicion mais, au contraire, pour l'en débarrasser et faire que personne ne puisse soupçonner sa probité. Or c'est ce que ne semble pas percevoir la majorité, et en particulier M. Geoffroy.

Aussi cette proposition de loi, fondée sur un concept bien connu, expérimenté en médecine mais aussi en politique, me paraît-elle devoir recueillir le plus large consensus.

Comment comprendre vos remarques dès lors que nous avons tous intérêt à voter ce texte ? Ce qui est vrai pour la médecine l'est au moins autant pour l'action publique, pour chacun de nos votes. Je souscrirai sans réserve à l'amendement élargissant l'applicabilité de la loi au-delà du seul cas des ministres.

Il n'en reste pas moins vrai que ceux-ci ne sont pas indépendants de leurs engagements moraux, politiques, et c'est d'ailleurs pour cela qu'ils ont été choisis puis élus. Mais tout citoyen doit avoir la garantie qu'aucun intérêt personnel, matériel ou financier n'entache la crédibilité de celui qui prend une décision au nom de l'ensemble de ses congénères.

Ce texte n'accuse aucun d'entre nous ; au contraire, il nous décharge du poids d'une éventuelle accusation, nous évite d'être mal compris, mis en doute et, comme l'ont dit certains, harcelés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

J'ai exercé consécutivement des fonctions médicales puis ce mandat de député. Les unes ne sont aucunement supérieures aux autres, et elles impliquent de la même manière de rester crédible et de mériter une confiance dont il faut user avec conscience et esprit de responsabilité.

Quand un homme politique est incriminé, vous sentez sûrement, comme moi, que tous sont entachés. Je souhaite donc que nous votions ensemble ce texte, dans un esprit confraternel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Parce que votre proposition a été rédigée dans un esprit confraternel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, laissez-moi vous faire part de mon étonnement face à la posture du Gouvernement et de la majorité.

M. Geoffroy vient d'évoquer les progrès de notre démocratie depuis vingt-cinq ans. De réforme en réforme, il est vrai que nous avons fait progresser une certaine éthique de la démocratie. Je ne rappellerai pas à M. Geoffroy, qui a quitté l'hémicycle, qu'en 1985 Pierre Joxe, au nom du gouvernement Fabius, avait défendu la première réforme visant à limiter le cumul des mandats, et qu'entre 1998 et 2000 le gouvernement de Lionel Jospin avait poursuivi cette avancée. Nous serons les troisièmes cet après-midi en discutant le texte que présentera Jacques Valax.

En ce qui concerne la moralisation du financement de la vie publique, chaque fois que nous avons progressé, nous l'avons fait tous ensemble, que la majorité soit de gauche ou de droite. La dernière fois que c'est arrivé, le président Séguin…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

…avait pris l'initiative de réunir tous les groupes politiques pour que nous avancions collectivement en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

En améliorant légèrement la loi Sapin ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

J'allais oublier que M. Sapin avait largement contribué, en son temps, à cette évolution.

Si M. Woerth était demeuré à la fois ministre du budget et trésorier de l'UMP, on pourrait soutenir que le présent texte aurait pour vocation de réparer ce cumul scandaleux. Mais c'est M. Sarkozy lui-même qui a reconnu que ces deux fonctions n'étaient pas tout à fait compatibles et qu'il valait mieux que M. Woerth démissionne de son poste de trésorier. Cette question est donc derrière nous et nous pouvons aujourd'hui, en toute objectivité, modifier la Constitution.

Il ne s'agit par conséquent en rien d'une quelconque instrumentalisation, monsieur le ministre. Vous savez que le Parlement peut modifier la Constitution. Ne lui enlevez donc pas cette possibilité, même si la présente proposition devait être reprise par le Gouvernement pour en faire un projet de loi et, éventuellement, le soumettre au peuple si les assemblées le votaient en termes identiques. C'est donc énoncer une contrevérité que de nous appeler, du haut de la tribune, à ne pas instrumentaliser la Constitution alors que nous avons le pouvoir – ce qui n'est pas votre cas, monsieur le ministre – de proposer sa modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Je ne comprends donc pas la posture du Gouvernement.

L'article 23 de la Constitution – peut-être M. Diefenbacher ne savait-il pas très bien que c'est à celui-ci que nous nous référions – dispose que « les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire » – ce qui semble logique –, « de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national » – il paraît difficile d'être ministre de l'agriculture et président de la FNSEA (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR),…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

…chacun reconnaît qu'il y aurait là une forme de conflit d'intérêts (« Mais non ! » sur les bancs du groupe SRC) – « et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. »

Dans toutes les démocraties, il existe une règle ou un code des usages qui interdit tout conflit d'intérêts : au Royaume-Uni, lorsqu'un ministre détient des actions, il ne peut ni les vendre ni les céder durant l'exercice de ses responsabilités gouvernementales. En France, rien de tout cela. C'est pourquoi nous proposons, dans l'intérêt objectif de la République et de l'éthique que nous devrions tous partager, de renforcer les dispositions de l'article 23 de la Constitution. Nos textes fondamentaux doivent empêcher le conflit d'intérêts pour les élus, comme ils le font pour tout fonctionnaire d'autorité. Voilà qui est simple, sain et respectueux de l'éthique républicaine.

Vous soutenez, monsieur le ministre, que notre proposition est floue ; ce n'est pas le cas. Une loi définit la nature du conflit d'intérêts pour les fonctionnaires, notamment ceux d'autorité, et leur interdit d'exercer, par personne interposée ou directement, un certain nombre de responsabilités. Il existe de surcroît, en la matière, une abondante jurisprudence du Conseil d'État et, contrairement à ce que vous avancez quand vous nous demandez de ne pas laisser aux juges la capacité d'interpréter la loi, c'est bien leur mission que de préciser la règle fixée par le législateur. Il s'agit là d'un principe démocratique, celui de l'équilibre des pouvoirs. Nous vous proposons donc de fixer, à l'article 23 de la Constitution, une règle visant à prévenir le conflit d'intérêts pour les ministres lorsqu'ils sont nommés.

Il appartient au Premier ministre, par le biais du secrétariat général du Gouvernement, de décider s'il existe ou non une incompatibilité entre l'activité antérieure du ministre et son entrée au Gouvernement. Nous souhaitons ajouter une règle qui permettrait de prévenir davantage encore tout conflit d'intérêts.

Il s'agit, j'y insiste, d'une proposition sage, saine, qui va dans le sens d'une République lisible, d'une démocratie avancée. Je ne comprends pas que vous puissiez vous y opposer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur rapporteur, mes chers collègues, il s'agit ce matin, par une proposition de loi organique et une proposition de loi constitutionnelle, de clarifier et d'étendre certaines dispositions de l'article 23 de la Constitution, relatives à l'incompatibilité entre les fonctions ministérielles et d'autres fonctions.

Ledit article est assez clair : « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. »

Nous souhaitons qu'il soit en outre précisé à cet article que les responsabilités associatives et, en particulier, les responsabilités au sein d'un parti politique soient également prohibées.

Lors de l'examen de la proposition en commission des lois, j'ai été frappée par la virulence des réactions de nos collègues de la majorité, qui ont cru y voir un texte de circonstance visant à stigmatiser le ministre du travail, de la solidarité et de fonction publique pour le cumul de ses fonctions ministérielles et de celles de trésorier du parti majoritaire.

Les élus de la majorité ont ainsi taxé les élus socialistes de populisme en leur reprochant d'« agiter un chiffon rouge ». Ils nous ont reproché d'en faire trop et, paradoxalement, de n'en pas faire assez. Les membres de la majorité, toujours en commission des lois, ont trouvé que le texte était à la fois trop précis et, simultanément, qu'il manquait d'envergure en laissant de côté le cas des grands élus.

Si cette question des grands élus devra être posée, commençons par régler celle des incompatibilités entre les fonctions ministérielles et d'autres fonctions susceptibles de jeter le trouble, voire le discrédit sur l'activité des ministres de la République. Il y a en effet urgence !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

On nous reproche de faire le jeu du populisme mais, en vérité, c'est en ne légiférant pas qu'on le nourrit ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Tous ici nous avons été interpellés sur les marchés, dans nos permanences, dans notre sphère privée sur le cumul des fonctions du ministre du travail. Si les deux têtes de l'exécutif, le Président de la République et le Premier ministre, s'étaient inspirées de l'esprit des constituants de la Ve République au moment de la formation du Gouvernement, ils auraient bien vu que laisser un ministre, alors chargé du budget, demeurer trésorier du grand parti de la majorité pouvait être préjudiciable à son action ministérielle. Ce ministre aurait eu plus de latitude pour se défendre contre les accusations portées contre lui. Cela aurait été plus sain pour notre démocratie et pour notre République.

De la même manière, il est incompréhensible que les deux têtes de l'exécutif n'aient pas appliqué, pour la formation des gouvernements depuis 2007, la « jurisprudence » qui avait prévalu pour la formation des gouvernements Jospin, Raffarin et Villepin, interdisant le cumul d'une fonction ministérielle et de mandats exécutifs locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

L'opinion publique est devenue de plus en plus exigeante et elle est de plus en plus informée, même si elle l'est parfois mal – mais c'est un autre débat. Elle ne comprend plus que nous n'ayons pas les mêmes pratiques que d'autres grandes démocraties occidentales comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne.

Nous ne voulons pas, par cette proposition de loi, rouvrir les polémiques passées, mais proposer des solutions pour l'avenir.

Le Président de la République aurait-il senti le vent tourner en créant, le 8 septembre dernier, une commission de réflexion ? Toutefois, les conclusions de cette commission, outre qu'elles ne seront que des préconisations et n'auront naturellement aucun effet juridique, seront rendues en décembre 2012, c'est-à-dire après l'élection présidentielle.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Mais non, elles seront rendues fin 2010 !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Par ailleurs, cette commission n'a pas pour mission de rendre un avis sur l'incompatibilité entre fonction ministérielle et fonction partisane.

Nous pensons pour notre part qu'il n'est pas besoin de créer une énième commission pour statuer sur un tel sujet, et que le peuple souverain, représenté par les élus de l'Assemblée, dispose de toute l'expertise et de toute la légitimité nécessaires pour prendre les mesures qui s'imposent.

En outre, nous considérons que l'heure n'est plus à la temporisation mais à l'action, simple et concrète, afin d'aborder en toute sérénité les prochaines échéances électorales.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le temps n'est pas à la polémique mais à la nécessaire modernisation de nos institutions afin de les rendre plus conformes aux exigences de notre temps et à l'esprit qui prévalait lors de la rédaction de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La discussion générale commune est close.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je remercie les différents intervenants, de l'opposition comme de la majorité. S'agissant de ces derniers, je les remercie du changement de ton que manifestent leurs interventions quand on les compare aux débats en commission, qui avaient été particulièrement durs, et surtout totalement étrangers à l'objet même de ces textes. Nous entrons donc ce matin, et je m'en réjouis, dans le fond de la discussion.

Cela étant, on a encore entendu quelques arguments – dans la bouche de M. Geoffroy et dans celle de M. Diefenbacher – tendant à prouver que ce texte n'arrivait pas au bon moment,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

…et n'apportait pas les bonnes solutions.

J'observerai d'abord qu'il aurait été fort intéressant, puisque le ton a changé et que le climat de notre discussion nous a permis d'entrer véritablement dans le vif du sujet, que la majorité nous fasse connaître les idées – je ne parle même pas de propositions de loi – autour desquelles sa réflexion pouvait se construire. Dès lors que le Président de la République, d'un côté, et le président de l'Assemblée nationale, de l'autre, ont entamé une réflexion en faisant appel à des experts, il paraîtrait normal que, dans cet hémicycle, puisque l'occasion nous en est offerte, les députés de la majorité disent clairement, à l'attention de ceux qui vont travailler, dans quelles orientations il leur semble indispensable de s'engager pour clarifier notre législation. Vous ne l'avez pas fait, chers collègues de la majorité, et je le regrette.

J'en viens à nos propositions, sur lesquelles vous avez émis deux critiques.

La première est un peu contradictoire, comme l'a très bien démontré Mme Marcel. En effet, vous nous dites à la fois que notre proposition de loi est trop précise et qu'elle est trop générale. Je ne peux pas accepter une telle affirmation, dans la mesure où nous avons volontairement choisi de nous limiter à une situation particulière. Dans un débat comme celui-ci, il était impossible, je l'ai dit, d'embrasser l'ensemble de la question des conflits d'intérêt, portant sur la totalité des fonctions électives.

Mais surtout, sur le cas le plus précis, et qui est évidemment le plus symbolique puisque la fonction de membre du Gouvernement est la plus élevée de toutes celles que l'on peut exercer, à l'exception de celle de Président de la République, nous avons apporté une volonté de clarification qui fait défaut.

Ce que nous proposons est simple : c'est qu'on ne puisse pas être à la fois membre du Gouvernement et chargé d'une responsabilité exécutive dans une structure, quelle qu'elle soit, susceptible de bénéficier de dons et de versements donnant lieu à des réductions fiscales. Celles-ci sont votées par le législateur et placées, justement, sous le contrôle du Gouvernement, et en particulier du ministre chargé de ces questions. Il y a là un risque de conflit d'intérêts, dont vous avez d'ailleurs bien vu qu'il était réel, puisque vous avez vous-mêmes souhaité en tirer les conséquences – certes avec un peu de retard, et après des dégâts politiques…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

…pour lesquels vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-mêmes.

La seconde proposition a été qualifiée par M. Diefenbacher d'inapplicable. Je lui ferai observer qu'elle s'applique aux fonctionnaires, puisqu'elle résulte directement de la loi relative aux droits et obligations des fonctionnaires, lesquels sont soumis, en application de son article 25, à des obligations qui sont exactement les mêmes que celles que nous proposons. Nous avons adapté la rédaction de ces dispositions à la situation des ministres, et ce de manière assez simple : nous proposons qu'un membre du Gouvernement ne puisse exercer certaines fonctions, ni lui-même ni par personne interposée. Cette dernière notion est définie par la jurisprudence et concerne en règle générale les membres de la famille. On n'a pas trouvé dans la jurisprudence d'exemples visant, par exemple, des amitiés, qui pourraient être dénoncées sans être pour autant des amitiés « particulières ». La jurisprudence a précisé, en outre, que l'incompatibilité visait les organismes en relation directe avec le fonctionnaire en question. S'agissant d'un ministre, ces organismes sont donc évidemment ceux qui sont placés sous le contrôle, non pas du Gouvernement en général, mais de ce ministre lui-même, dans le champ ministériel qui est le sien.

Il serait ainsi mis fin, à travers ce dispositif, à des situations dans lesquelles les proches du ministre pourraient se trouver avantagés, par la position qu'ils occupent, dans le déroulement de leur carrière professionnelle, ou dans les actes qu'ils seraient amenés à passer, ou dans ceux que le ministre serait amené à passer, s'agissant du fonctionnement normal de cet organisme.

Je ne vois là rien qui soit une « usine à gaz », rien qui soit inapplicable, et ce d'autant moins que nous avons derrière nous toute une jurisprudence s'appliquant aux membres de la fonction publique.

J'ajoute que ce dispositif serait soumis, puisque nous avons déposé un amendement en ce sens, à l'interprétation du Conseil constitutionnel. Notre objectif est en effet de prévention. Il s'agit de prévenir les éventuels conflits d'intérêts, qui, en droit pénal français, ne s'appellent d'ailleurs pas conflits d'intérêts, mais prises illégales d'intérêt. Le Conseil constitutionnel, donc, serait amené à dire, au vu de la déclaration d'intérêts remplie par le membre du Gouvernement au moment de son entrée en fonction, quels sont ceux qui lui paraissent susceptibles de créer une situation préjudiciable à l'intérêt public, et, d'une certaine manière, à l'intérêt politique du Gouvernement.

Vous ne critiquez pas seulement le moment que nous avons choisi pour déposer cette proposition de loi. Vous critiquez également le terme de « République décente ». Je disais à la tribune que celui de « République irréprochable » était, d'une certaine manière, encore plus fort, et presque plus critique par rapport à la façon dont la République fonctionnait, puisqu'il semble supposer qu'elle n'a pas été, jusqu'ici, irréprochable. Si vous voulez nous faire dire qu'avant 2007, et notamment entre 2002 et 2007 – si nous devions entrer dans une polémique politique, ce qui n'est évidemment pas mon propos –, nous aurions pu partager le jugement du candidat Sarkozy, nous le disons volontiers. La République n'avait pas toujours été irréprochable sous les précédentes mandatures, et notamment pas dans la période la plus récente.

Cela étant, nous avons retenu un terme beaucoup plus modéré, et qui correspond à une situation sur laquelle je voudrais insister : ce qui était hier une évidence n'en est plus une aujourd'hui. Autrefois, il était évident que le fait d'être à la fois ministre du budget et trésorier d'un parti politique ne créait pas ipso facto une situation potentielle de conflit d'intérêts. Ce n'est plus évident aujourd'hui. Autre exemple, pris en dehors du champ politique : il était évident pour certains que leur rémunération ne pouvait pas connaître une autre évolution que celle de la situation financière ou des résultats boursiers de leur entreprise. Ce n'est plus évident aujourd'hui. Autrefois, il était évident que lorsque l'on exerçait des responsabilités, on devait rendre à la collectivité et à la société, à due proportion de ces responsabilités. Ce n'est plus évident aujourd'hui.

Le terme de « République décente » vise simplement à souligner que la décence, c'est justement de rappeler chacun à ses responsabilités et à ses devoirs. N'y voyez nulle mise en cause personnelle. N'y voyez nulle accusation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais vous pouvez toujours le faire si vous le souhaitez.

J'en viens à ma conclusion. Vous nous dites, sans discuter du fond de ce texte et sans faire de propositions particulières, qu'il n'obéirait qu'à une volonté de revanche politique. Très sincèrement, au point où vous en êtes aujourd'hui, au point où en sont aujourd'hui les personnalités concernées, je crois qu'il n'est pas nécessaire d'en rajouter. La crise provoquée par cette situation de cumul d'activités, voire de conflit d'intérêts, la crise morale dans laquelle est plongé le pays, et dans laquelle sont plongés le Gouvernement et sa majorité, est suffisamment profonde pour que nous n'ayons pas besoin d'en rajouter une once.

Ce que nous disons simplement, c'est qu'à laisser ces situations perdurer, nous donnerons le sentiment d'y consentir et d'accepter qu'elles puissent se reproduire.

Il serait pour le moins singulier de dénoncer comme « populiste » une mesure qui vise seulement à tirer les conséquences d'une situation caractérisée justement par des réactions populistes que vous créez vous-mêmes en laissant perdurer des pratiques qui choquent nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Nos concitoyens sont choqués à chaque fois qu'ils constatent que des règles qui leur paraissent évidentes, et relever du simple bon sens, ne sont pas respectées par ceux qui ont le pouvoir, qu'il s'agisse de la rémunération extravagante d'un aventurier des affaires obtenant, par un arbitrage, des sommes sans commune mesure avec celles qu'il pouvait espérer,…

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Vous voulez parler d'un ancien ministre de François Mitterrand ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

…qu'il s'agisse de l'utilisation des moyens de la police et de la justice dans des circonstances sans rapport avec les missions qui sont normalement les leurs, ou qu'il s'agisse de tout ce à quoi nous avons assisté ces derniers mois, mais aussi, parfois, c'est vrai, ces dernières années. Ce qui nourrit le populisme, c'est justement le refus de prendre conscience de cette situation et d'y apporter des réponses.

Si ces réponses pouvaient être apportées en commun, collectivement, sur une base assez simple, celle que nous vous proposons, et sans qu'il soit besoin d'en rajouter dans la polémique, je crois que ce serait la meilleure manière de combattre le populisme. Si, par un vote intervenant aujourd'hui ou mardi prochain, notre assemblée se réunissait pour faire avancer la transparence, je peux vous assurer que le populisme que vous redoutez, et que parfois vous avez malheureusement nourri, reculerait. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Je voudrais à mon tour remercier tous les orateurs qui se sont exprimés. Nous avons tous en commun le souci de contribuer à une transparence totale de la vie politique et financière. Depuis une bonne vingtaine d'années, des progrès très substantiels ont été accomplis en ce sens.

Cela étant, tout va vite, la société évolue, le monde change. Si, par conséquent, des idées nouvelles nécessitent d'adopter de nouveaux textes, d'apporter des ajustements, des évolutions, des changements, essayons d'aborder toutes ces questions de manière globale, comme cela a été parfaitement dit par un certain nombre d'orateurs. Faisons-le de manière calme et sereine,…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

…comme l'est le débat de ce matin, et essayons de le faire d'une manière organisée. C'est la raison pour laquelle nous vous donnons rendez-vous…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

…après qu'auront été remises les conclusions de la commission des sages qui a été constituée par la volonté du Président de la République. Elle rendra ses conclusions, non pas à la fin de 2012, comme vous l'avez dit, madame Marcel, mais à la fin de 2010. Attendons aussi…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

…les résultats du groupe de travail. C'est tout de même le moindre des égards que le Gouvernement doit avoir envers le Parlement,…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

…puisque celui-ci a pris la juste initiative de constituer un groupe de travail sur ces questions. Laissons le Parlement réfléchir dans sa diversité. Alors, nous trouverons certainement les moyens d'apporter les changements qui seraient nécessaires. Voilà ce que je voulais dire d'une manière générale.

Monsieur Eckert, vous avez été le premier orateur dans la discussion générale. Je salue votre empressement à voir mise en oeuvre dans l'ensemble de ses dispositifs la révision constitutionnelle de 2008 contre laquelle vous avez beaucoup bataillé. Le Parlement a d'ores et déjà adopté treize textes. Il en reste deux, sur la responsabilité pénale du chef de l'État et sur le référendum d'initiative populaire.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Cela vous arrangerait qu'ils ne soient jamais adoptés.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Non, il n'y a pas un an. C'était au mois de novembre 2009. Nous sommes au mois d'octobre. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Comme vous surveillez les comptes rendus des réunions du Conseil des ministres, je vous invite à surveiller de près ceux qui vont intervenir dans les prochaines semaines. Vous verrez que vous aurez votre réponse.

Je voudrais dire à M. Dosière, qui parle de « ministres à temps partiel », que je respecte sa conception. Mais il y a aussi des parlementaires à temps partiel. C'est toute la question du cumul. Nous allons en parler dans un instant.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Je voudrais simplement vous dire, monsieur Dosière, que la question des indemnités a été réglée pour les parlementaires : leur cumul ne peut excéder une fois et demie le montant de l'indemnité parlementaire. Il est vrai qu'en 2002, lorsqu'ont été revues les modalités de la rémunération des ministres, cette question n'a pas été tranchée d'une manière efficace. Il y a peut-être quelque chose qu'il faudrait revoir. Mais je me permets quand même de vous rappeler que certains ministres ne touchent pas leurs indemnités d'élus locaux. Vous me permettrez de ne pas insister sur ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mesdames, messieurs les députés, il est un point fondamental, sur lequel MM. Diefenbacher et Geoffroy ont insisté en des termes très éloquents, que je fais miens : nous avons, plus que le sentiment, la certitude que les deux textes que vous nous proposez ont une inspiration politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Encore heureux ! Nous sommes là pour faire de la politique !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Je veux dire qu'ils ont une inspiration politicienne. Et cela nous choque. Parce que, malgré tous les efforts que vous avez pu faire, relayés par certains médias, depuis quatre mois, pour vous acharner contre Éric Woerth, personne n'a pu, à ce jour, apporter le moindre début de commencement de preuve qu'il aurait commis quelque manquement que ce soit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

C'est normal : aucun juge d'instruction n'a été saisi !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Vous procédez par allusions pour mettre en cause son honneur. Ce n'est pas très glorieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'appelle, en premier lieu, l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, en application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve des votes sur la présente proposition de loi. (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Vous êtes le ministre des mauvaises relations avec le Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

En application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes. La réserve est de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Décidément, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, les choses avancent… Quel progrès ! Pour ce qui est du respect du débat et du travail des parlementaires en tout cas, surtout lorsqu'ils siègent dans l'opposition, c'est toujours la même chose : vous n'écoutez rien, vous ne voulez rien comprendre, rien entendre.

Nous avions écrit au Président Bernard Accoyer pour lister les dysfonctionnements de l'Assemblée nationale que la majorité et le Gouvernement imposent aux députés, en particulier à ceux de l'opposition. Mais circulez, il n'y a rien à voir, il n'y a aucun problème !

L'annonce que vous venez de faire, monsieur le ministre, est profondément indécente (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…alors même que nous débattons de la République décente. La première des choses serait de commencer à respecter le Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Ce matin, une fois de plus, l'UMP a donné consigne à ses députés de ne pas venir…

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais nous sommes là !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…et si quelques-uns sont venus, c'est pour assurer la permanence. Vous leur avez dit que ce n'était pas la peine de se déplacer, qu'il n'y avait aucun intérêt à débattre avec l'opposition, que le vote solennel était renvoyé au mardi 19 octobre, que le Gouvernement demanderait la réserve du vote, puis le vote bloqué : autrement dit, on se contentera de parler sans jamais voter ni sur les amendements ni sur les articles. C'est cela, le respect de l'Assemblée nationale, dans l'esprit du Gouvernement et de sa majorité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Non seulement la démocratie sociale est en panne dans notre pays – on le voit avec le conflit des retraites : le Gouvernement s'est fourvoyé dans une impasse dont personne ne sait pas comment il sortira, il prend un risque majeur de blocage, d'affrontement, dont il en assume seul la responsabilité –, mais, en plus, à l'Assemblée nationale on ne respecte même pas les députés de la nation. C'est le sens de l'annonce que vous venez de faire, monsieur le ministre des relations avec le Parlement. On pourrait imaginer que vous en soyez le défenseur. Pas du tout ! Comme les autres ministres, vous êtes là pour exécuter les consignes.

Je vous ai écouté avec attention. Sur le fond, il y a pourtant de quoi débattre, puis voter. Vous avez rappelé l'engagement de Nicolas Sarkozy pour une République irréprochable. Nous sommes loin de la République irréprochable, la République de la démocratie parlementaire, de la démocratie sociale.

Et pour ce qui est de l'actualité récente, vous venez de nous accuser d'avoir porté atteinte à l'honneur de M. Woerth. Nous n'avons pas porté atteinte à l'honneur de M. Woerth…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

La question posée il y a quelques mois par notre collègue Christian Eckert relevait du simple bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

N'est-ce pas un conflit d'intérêts d'être à la fois trésorier d'un parti politique et ministre du budget de la République ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Y a-t-il là une attaque personnelle ? La preuve en est que M. Woerth a démissionné de ses fonctions de trésorier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Nous faisons des propositions simples. Elles doivent s'appliquer aux ministres comme aux parlementaires. Elles visent à éviter tout soupçon. Ceux qui pensent que cette initiative peut encourager le populisme se trompent totalement. C'est par la transparence, les règles établies par la loi et respectées par tous, et en premier lieu par ceux qui la votent, que la confiance naît et se renforce.

S'il y a aujourd'hui un doute, un soupçon, si l'on tend à mettre tous les politiques dans le même sac, c'est précisément à cause de cette confusion de genres, et parfois au plus haut niveau. Ce quinquennat a commencé par fêter la victoire au Fouquet's : ce n'était pas seulement un endroit – ce n'était pas qu'un endroit ou l'on prend un verre ensemble, c'était le lieu où se retrouvent toutes les grandes fortunes, tous ceux qui avaient été les partisans et les soutiens de Nicolas Sarkozy pour son élection. Ils étaient heureux de fêter ensemble et avec lui cette victoire, pressentant qu'enfin les choses seraient encore plus favorables pour eux. C'est cela, la République indécente, la République de la confusion des genres, la République de la connivence ! Il faut y mettre fin, si vous voulez que les citoyens aient confiance, et donc éviter tout conflit d'intérêt : c'est bien la moindre des choses. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je suis très surpris par votre décision, sur la forme et sur le fond.

J'observe, qu'une fois de plus, les engagements du Président de l'Assemblée nationale ne sont en rien tenus. Hier, nous lui avons demandé, avec nos collègues du groupe GDR, à le rencontrer. Il a répondu positivement. Nous allons lui dire avec fermeté ce que nous pensons et surtout lui demander s'il est capable un jour d'assumer cette responsabilité avec un tant soit peu de courage. Le courage d'un Président de l'Assemblée nationale, ce n'est pas seulement présider les séances ; c'est défendre jusqu'au bout, quoi qu'il en coûte, même si cela déplaît au Président, au Gouvernement et à la majorité, les droits de tous les députés, c'est-à-dire aussi les droits des députés de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Enfin, monsieur le ministre, mesdames messieurs de la majorité, ce n'est sans doute pas un hasard si le président du groupe UMP, M. Copé, est absent ce matin, alors qu'il serait intéressant de l'entendre sur un tel sujet. En refusant le débat, il manifeste par son silence une gêne qui en dit long sur la volonté de la majorité d'avancer sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Votre choix est celui du déni de réalité. Le résultat, c'est une occasion manquée, une occasion de réussir ensemble, élus de gauche comme de droite, à améliorer le fonctionnement et la crédibilité de notre République. Vous l'appelez République irréprochable, nous République décente. Nous avions ce matin, l'occasion d'y parvenir, une occasion manquée. C'est votre responsabilité. Pourtant, nous, nous voulons une République, qui soit exemplaire pour les Français. Pour être en mesure de demander aux plus modestes de nos concitoyens de faire un effort, notamment de solidarité, encore faut-il commencer par ceux qui ont les plus hautes responsabilités : le Président de la République, le Gouvernement, les ministres, les parlementaires. C'est ce que nous voulions faire ce matin ; vous le refusez. C'est dommage pour la crédibilité de l'engagement qui est le nôtre, c'est-à-dire du mandat que les Français nous ont confié. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Sur l'article unique, je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je vous présente rapidement l'amendement n° 1 et par la même occasion ceux que j'ai déposé sur les articles de la proposition de loi organique : cela fera gagner du temps à la majorité… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans le prolongement des propos du président de notre groupe, je fais observer qu'en règle générale c'est avec le diable que l'on accepte de dîner, seulement avec une grande cuillère.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Mais vous, chers collègues de la majorité, c'est avec la morale publique. que vous n'acceptez de déjeuner qu'avec une grande cuillère.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Ils ont plutôt l'habitude de se servir à la louche !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Vous en voulez bien, mais le plus loin possible : une commission des débats plus tard et surtout pas de vote dans cet hémicycle, au moment où nous examinons la proposition de loi constitutionnelle pour une République décente. En tant que rapporteur, je ne peux que le regretter : quel est le sens de notre discussion si nous présentons des propositions qui ne peuvent pas être discutées et votées au fur et à mesure de leur présentation ?

L'amendement n° 1 vise à élargir la modification de la Constitution pour nous permettre d'établir des mécanismes de contrôle des incompatibilités prévues dans la loi organique.

Dans la proposition de loi organique, je présenterai un amendement organisant le mécanisme de déclaration d'intérêts que j'évoquais tout à l'heure et qui sera soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. Celui-ci disposera d'un mois pour se prononcer sur une éventuelle incompatibilité ; le ministre aura alors deux mois pour trancher le conflit d'intérêts dans laquelle il se trouverait, en choisissant ou bien de conserver ses intérêts personnels ou bien de renoncer à ses fonctions de membre du Gouvernement.

Un autre amendement vous proposera d'élargir ce dispositif aux parlementaires, à l'instar de ce qui peut exister en Grande-Bretagne, qui, à la suite du scandale auquel nous avons assisté l'an dernier, a souhaité modifier son dispositif en mettant en place un mécanisme de déclaration d'intérêts qui permette de garantir une totale transparence.

Monsieur le président, pour aller vite – puisque c'est ce à quoi on nous oblige, d'une certaine manière – je considérerai comme défendus les amendements présentés par le rapporteur sur le second texte, sauf si je suis amené à répondre à d'éventuelles interpellations sur ces sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Le Gouvernement considère que les incompatibilités prévues à l'article 23 de la Constitution ne sont évidemment pas dépourvues de contrôle. Je n'ai donc pas besoin d'aller plus loin : le Gouvernement émet un avis tout à fait défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

S'agissant d'incompatibilités nouvelles à définir et à faire définir par la loi organique, je reviens sur ce que j'ai dit dans mon intervention liminaire à propos des incompatibilités qui peuvent exister entre une fonction ministérielle et une fonction d'élu local.

J'ai donné tout à l'heure les chiffres du Gouvernement. Situation extraordinaire et tout à fait unique dans les démocraties, la fonction ministérielle n'est pas considérée chez nous une fonction à temps plein : lorsque vous exercez des responsabilités locales importantes, toute journée, toute heure, toute minute consacrée à ces fonctions locales ne l'est pas aux fonctions ministérielles.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Quand les ministres sont occupés à la gestion de leur collectivité locale, ils ne sont pas dans leur ministère. Qui décide à ce moment-là ? Lorsque les ministres sont absents, ce sont les cabinets qui décident. On comprend pourquoi il faut rémunérer fortement les membres des cabinets ministériels, puisqu'ils travaillent à la place de leur ministre… C'est un véritable problème. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le résoudre.

Monsieur le ministre, je reconnais la difficulté de traiter du cumul des mandats – j'aurai l'occasion d'en reparler cet après-midi pour ce qui est des parlementaires. On retrouvera la même problématique, et cela concerne tous les partis politiques.

J'ai posé le problème particulier du cumul des indemnités, sur lequel vous ne m'avez pas répondu, monsieur le ministre. Admettons que les ministres considèrent qu'il faut cumuler les fonctions – après tout, cela n'a pas que des inconvénients, il peut y avoir des avantages ; mais pour ce qui concerne les indemnités, dont le montant peut être élevé, comment peut-on justifier ce cumul ? Vous dites que certains renoncent à leurs indemnités locales ; c'est bien, c'est ce que je souhaite d'ailleurs que fasse la totalité des ministres. Je suggère que les membres du prochain Gouvernement annoncent tous, dès leur nomination, qu'ils renoncent totalement à leurs indemnités locales. Ce sera un bon exemple pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur Dosière, nous reparlerons cet après-midi des cumuls. Mais, puisque vous vous référez aux autres grandes démocraties, que pensez-vous de celles où les ministres conservent leur mandat parlementaire ?

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Ce n'est pas tout à fait pareil, mais c'est tout à fait le sujet : ils continuent à voter…

Plusieurs députés du groupe SRC. Nous sommes en France !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

On n'aurait pas le temps d'être ministre et responsable d'une collectivité locale, mais, dans ces pays-là, on aurait le d'être ministre et parlementaire… Le raisonnement mérite sans doute d'être étendu.

S'agissant des indemnités, je vous ai dit, mais sans doute me suis-je mal exprimé, que, lorsque la situation des ministres a été modifiée en 2002, cette question n'avait probablement pas été étudiée de façon suffisamment approfondie. Elle mériterait certainement de l'être à nouveau.

(Les votes sur l'amendement n° 1 et sur l'article unique sont réservés.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

En application de l'article 44, alinéa 3 de la Constitution, je demande à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur l'amendement et l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle pour une République décente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Nous avons achevé l'examen de la proposition de loi constitutionnelle.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'article unique de cette proposition auront lieu le mardi 19 octobre après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Un ministre des relations avec le Parlement doit être soucieux du bon fonctionnement du Parlement. Trouve-t-il que ce qui vient de se passer est normal ? Une fois la discussion générale close, l'examen de l'article unique de la proposition de loi et de l'amendement a été plutôt expéditif : en cinq minutes, tout est plié !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Est-ce décent ? J'aimerais savoir ce que vous en pensez, monsieur le ministre. Assumez-vous pleinement ce que vous avez annoncé au nom du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président Ayrault, deux heures de débat pour une proposition de loi qui ne comporte qu'un article et qu'un amendement, cela me semble parfaitement décent et tout à l'honneur du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi organique dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Sur cette proposition de loi, en application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Michel Ménard, inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

Nous ne pouvons que regretter le fait que le Gouvernement demande de nouveau la réserve sur l'examen de ce projet de loi.

Rappelons que l'article 1er de cette proposition de loi organique propose de compléter l'ordonnance portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution un article 8 ainsi rédigé : « Il est interdit à tout membre du Gouvernement, par lui-même ou par personne interposée, d'avoir dans toute entreprise publique ou privée, dans tout établissement public ou toute association, soumis au contrôle de son administration ou en relation avec celle-ci, des intérêts de nature à compromettre son indépendance. »

Chaque député pourrait se retrouver dans cette rédaction qui n'a rien d'excessif.

À entendre le ministre et certains collègues de l'UMP, ce texte serait précipité, pas assez travaillé et il faudrait le renvoyer en commission. C'est un peut fort de café ! Depuis trois ans, nombre de textes approximatifs, soumis à la hâte au Parlement par le Gouvernement, ont été adoptés sur des sujets autrement plus complexes et nécessitant une étude approfondie.

En réalité, vous ne voulez pas de cette proposition et vous trouvez tous les alibis possibles pour le repousser.

Dans la majorité des cas, et c'est heureux, les ministres ne mélangent pas les genres. Cela étant, il peut exister des risques de conflit d'intérêts, et même dans certains cas de réels conflits d'intérêts. L'existence d'un seul suffit pour que nous mettions tout en oeuvre afin de les éviter ;

Alors que les acteurs de la vie politique souffrent d'un discrédit, notre responsabilité est de combattre la défiance de nos concitoyens et donc de ne laisser planer aucun doute sur le caractère désintéressé de l'action de nos ministres.

Personne n'est contraint d'être ministre. Il est tout à fait légitime, à mon sens, qu'un ministre renonce à tout intérêt particulier pendant le temps de l'exercice de ses fonctions ministérielles. À lui de choisir : il ne peut pas à la fois vouloir servir le pays et l'État de façon désintéressée et garder des intérêts particuliers, que ce soit pour en profiter ou pour assurer son avenir post-ministériel.

L'intérêt de la République décente commande de lever toute ambiguïté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Pour éviter de faire comme le curé de ma paroisse – à force d'engueuler les ouailles qui venaient à la messe parce qu'il ne les trouvait pas assez nombreux, il en avait de moins en moins –, je veux saluer les collègues de la majorité qui ont eu le courage de rester. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ils n'en méritent pas moins d'être engueulés !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Cela dit, une phrase de notre collègue Geoffroy m'a choqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Oui, cher collègue. Vous avez tenu des propos tout à fait respectables, mais vous avez ajouté : « Vous n'avez pas eu la peau de M. Woerth sur les retraites. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

C'est vrai ! C'est ce que vous cherchiez ! C'est la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Seulement la peau de la réforme sur les retraites !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Comme j'ai pris cela un peu pour moi, je souhaite vous répondre deux choses.

Premièrement, durant tout le débat sur les retraites dans cet hémicycle, jamais nous n'avons posé aucune question d'actualité sur les affaires concernant M. Woerth et Mme Bettencourt.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Cela a même souvent pointé du doigt par certains commentateurs – y compris dans des journaux qui ne soutenaient pas a priori Éric Woerth – comme la marque d'un certain manque de courage de notre part, voire d'une certaine complicité.

Deuxièmement, mes chers collègues de la majorité, je vous rappelle que la première question d'actualité sur le conflit d'intérêts de M. Woerth remonte au 9 décembre 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

À l'époque, le Président de la République n'avait même pas annoncé qu'il renonçait à son engagement de ne pas toucher à la retraite à soixante ans. C'est seulement plusieurs mois plus tard qu'il a annoncé vouloir faire de la réforme des retraites, portée par le ministre Woerth, un enjeu fondamental de sa mandature.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Bien sûr que si ! vous avez la mémoire sélective ! Dites cela à vos électeurs, pas ici !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Voilà simplement ce que je voulais dire, en évitant de polémiquer. Nous avions pointé ce conflit d'intérêts bien avant que soit posée la question des retraites, je crois être bien placé pour le dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Nous en venons aux amendements à l'article 1er.

La parole est à M. Gaétan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 1 .

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

(Les votes sur l'amendement n° 1 et sur l'article 1er sont réservés)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

À l'article 2, je suis saisi d'un amendement no 2 .

Peut-être pourriez-vous présenter aussi l'amendement n° 3 , M. Gorce ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

D'autant plus volontiers que j'ai défendu ces amendements en même temps que celui que j'avais déposé à l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle, monsieur le président.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Défavorable, monsieur le président.

(Les votes sur les amendements nos 2 et 3 et sur l'article 2 sont réservés)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 2.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 4 .

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Cet amendement vise à étendre le dispositif aux parlementaires ; il présente la caractéristique particulière d'avoir été adopté par la commission…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Actuellement, les parlementaires doivent présenter une déclaration à la commission nationale en début et fin de mandat.

Lors de son arrivée, le parlementaire fait une déclaration sur toutes les professions qu'il exerce. Au sein du bureau de chacune des deux assemblées, il existe une délégation chargée d'examiner la compatibilité avec l'article LO 151 du code électoral.

L'amendement présenté va beaucoup plus loin que le dispositif existant, ce qui ne nous paraît pas nécessaire. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

La position du Gouvernement est assez surprenant : le ministre nous explique qu'il n'est pas nécessaire d'élargir la mesure aux parlementaires au motif existe déjà des dispositions, celles-là même dont, à l'article précédent, nous demandions qu'elles puissent s'appliquer aux ministres… Et notre demande a été rejetée !

Elles s'appliquent aux fonctionnaires, notamment aux hauts fonctionnaires des ministères auxquels on demande d'éviter les conflits et les prises d'intérêts. Les parlementaires également doivent s'engager à ne pas risquer cette prise d'intérêts. Mais dès lors qu'il s'agit de ministres, c'est terminé, cela n'a plus rien à voir ! Comment voulez-vous que l'opinion publique ait confiance dans cette manière d'aborder la question ?

Nous vous proposons tout simplement d'élargir aux ministres et aux membres du Gouvernement – c'est-à-dire aux patrons des grandes administrations – ce qu'on applique à leurs fonctionnaires et aux parlementaires. Vous refusez ! C'est aberrant !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Le ministre a réagi de façon un peu trop sommaire, en choisissant de ne pas laisser voter ce texte ce matin.

Nous proposons une déclaration qui va un peu plus loin que celle qui existe actuellement puisqu'elle est rendue publique, qu'elle s'étend à l'ensemble des revenus et qu'elle concerne aussi les revenus des proches, des conjoints, de façon à donner une vision complète de la situation.

Je voulais simplement le rappeler pour la clarté des débats.

(Le vote sur l'amendement n° 4 est réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement no 7 .

La parole est à M. Bernard Cazeneuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Monsieur le président, si vous m'y autorisez, je présenterai en même temps les amendements nos 6 et 5 , afin de ne pas avoir à prendre la parole trois fois de suite.

L'amendement n° 7 est dicté par les événements qui se sont produits et qui étaient insoupçonnés et insoupçonnables pour un très grand nombre d'entre nous, j'en suis convaincu : Il s'agit des conditions de validation par le Conseil constitutionnel des comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle.

La semaine dernière, nous avons appris une chose que certainement pas un d'entre nous n'imaginait : le Conseil constitutionnel a validé les comptes de campagne dont ses rapporteurs – magistrats indépendants du Conseil d'État et de la Cour des comptes – avaient préconisé qu'il ne les validât pas, en raison d'irrégularités constatées concernant les modalités d'alimentation du compte de campagne du candidat en question – en l'occurrence Édouard Balladur.

On ne peut pas croire une minute qu'il y ait une République décente, où la transparence financière soit la règle, si la juridiction chargée de veiller au respect des normes les plus élevées de la République – les juges des comptes des campagnes présidentielles – ne s'applique pas à elle-même des règles d'une transparence telle que ses délibérations ne sauraient être contestées dans leur fondement.

Du fait de l'ordonnance 58-1067, les délibérations du Conseil constitutionnel concernant les comptes de campagne des candidats sont couvertes par le secret du délibéré. Il ne s'agit pas de remettre en cause le secret du délibéré, mais de poser le principe suivant : la décision du Conseil constitutionnel publiée au Journal officiel est accompagnée de la publication intégrale des comptes rendus des rapporteurs. Cela permettra de mesurer un éventuel décalage entre la décision sur la validation des comptes et le rapport ayant conduit à cette décision.

L'amendement n° 6 devrait vous convenir, monsieur le ministre, et vous devriez même le soutenir avec enthousiasme, puisqu'il résulte d'un travail de sages présidé par un sage – en l'occurrence Édouard Balladur…

Au moment où il réfléchissait à la réforme constitutionnelle, Édouard Balladur avait formulé une proposition n° 40, visant à permette au Parlement de créer en son sein des commissions d'enquête, y compris sur des sujets sur lesquels des informations judiciaires sont en cours.

Or, depuis quelques mois, nous assistons à un dévoiement du principe de séparation des pouvoirs : le Parlement n'aurait jamais à connaître de sujets sur lesquels instruisent les juges, alors qu'en enquêtant sur ces mêmes sujets, il ne remet en rien en cause le fonctionnement régulier de la justice, les moyens dont il a recours pour enquêter n'ayant rien à voir avec ceux dont dispose la justice. Et si le Parlement ne peut plus enquêter sur aucun sujet sur lequel des procédures judiciaires sont en cours, il n'est plus du tout en situation d'exercer le moindre pouvoir de contrôle sur le Gouvernement.

C'est du reste ce qui avait inspiré la proposition d'Édouard Balladur, que je reprends totalement à mon compte à travers cet amendement, tout comme les arguments qu'il avait développés au moment où il engageait les réflexions sur la réforme constitutionnelle.

Cet amendement,résultat du travail d'un comité de sages présidé un sage, ne peut, monsieur le ministre, j'en suis certain, que recevoir votre approbation.

L'amendement n° 5 enfin pose le principe de l'impossibilité pour le Parlement de faire obstruction au travail de la justice, lorsque la justice lui demande des éléments concernant des missions d'information parlementaires qu'il a conduite et qui doivent permettre à la justice de poursuivre son travail après que le Parlement a achevé le sien.

Pour prendre l'exemple concret de l'affaire de Karachi, il y a quelques semaines, l'Assemblée nationale, arguant du principe de la séparation des pouvoirs, a refusé de transmettre les verbatims des auditions auxquelles nous avions procédé au sein de la mission d'information parlementaire que nous avions créée, au juge Trévidic qui les lui avait demandées,

Pendant les travaux de la mission, le Gouvernement avait refusé de transmettre à l'Assemblée nationale les documents qu'elle avait demandés, sous prétexte, dans un premier temps, que ces documents étaient couverts par le secret de l'instruction.

Nous avons donc demandé au Gouvernement de nous transmettre les pièces non couvertes par le secret de l'instruction. Nouveau refus, au nom du principe de séparation des pouvoirs, au motif qu'elles pourraient être susceptibles, un jour, d'intéresser le juge… Et c'est au nom du même principe que le Parlement, une fois nos travaux achevés, refuse de transmettre le résultat de nos investigations au juge.

Pour ma part, je n'ai pas compris que le principe de la séparation des pouvoirs autorisait le Parlement à faire obstruction au fonctionnement de la justice après qu'il a achevé ses travaux, dès lors que la demande du juge n'est en aucun cas de nature à remettre en cause le bon fonctionnement de l'Assemblée nationale dans ses prérogatives, et plus encore dès lors que la demande du juge à l'Assemblée nationale est de nature à permettre à la justice de fonctionner normalement en allant au bout de ses instructions et de ses investigations.

Le principe de séparation des pouvoirs n'est pas un principe d'obstruction du travail du Parlement lorsqu'il contrôle le Gouvernement. Il n'est pas non plus un principe d'obstruction du travail de la justice dès lors que le Parlement a terminé ses enquêtes.

Je demande donc que cet amendement soit adopté. Il est tout à fait anormal, et même indécent, pour le coup, que le Parlement ait refusé de transmettre au juge le verbatim des auditions auxquelles il a procédé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements, nos 5 , 6 et 7 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Ces amendements ont été excellemment présentés par mon collègue Cazeneuve. La commission a été convaincue puisqu'elle a émis un avis favorable.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Les documents rédigés par les rapporteurs adjoints sont des actes préparatoires à la décision du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, nous considérons qu'il s'agit de documents internes. S'agissant d'une décision juridictionnelle, il ne paraît pas nécessaire de les rendre publics. Qui plus est, la décision motivée du Conseil constitutionnel apporte tous les éléments utiles et nécessaires à sa transparence.

Par conséquent le Gouvernement émet un avis défavorable à cet amendement n° 7 .

L'amendement n° 6 porte sur les commissions d'enquête dont l'importance a été réaffirmée par le constituant lors de la révision du mois de juillet 2008. Rappelons que le nouvel article 51-2 de la Constitution dispose : « Pour l'exercice des missions de contrôle et d'évaluation définies au 1er alinéa de l'article 24, des commissions d'enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans des conditions prévues par la loi, des éléments d'information. »

Pour autant, il ne saurait être envisagé que ces commissions interfèrent ou soient en concurrence avec le fonctionnement de la justice. Pour notre part, nous tenons à la séparation stricte des pouvoirs.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à cet amendement n° 6 .

Enfin, les commissions permanentes ou spéciales qui ne sauraient entrer en concurrence avec l'autorité judiciaire. Ces commissions ne peuvent se voir conférer, par l'Assemblée nationale ou le Sénat, les pouvoirs d'une commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires. Si la commission était déjà créée, sa mission prend fin.

Par ailleurs, lorsque la commission d'enquête, en procédant à ses investigations, découvre des faits qui pourraient être délictueux, elle peut transmettre les informations recueillies au ministère de la justice, aux fins de l'ouverture d'une enquête. Par conséquent, l'encadrement juridique de la collaboration entre le pouvoir législatif et l'autorité judiciaire, dans le respect de la séparation des pouvoirs, nous paraît satisfaisant.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Monsieur le ministre, vous êtes un esprit trop subtil pour développer cette argumentation sans mauvaise conscience, notamment pour ce qui touche au Conseil constitutionnel et aux actes préparatoires à ses décisions.

Votre argumentation repose sur deux éléments. Premièrement, les actes préparatoires seraient consubstantiels à la décision, dites-vous. C'est oublier que l'ordonnance qui prévoit le secret des délibérés du Conseil constitutionnel concerne les délibérations elles-mêmes – le texte est à cet égard d'une grande clarté –, en aucun cas les documents préparatoires qui ont permis au Conseil de prendre sa décision.

Avec tout le respect que je dois à votre fonction, je me dois de vous dire que votre argument, en droit, ne tient pas une minute. Vous le savez d'ailleurs au moment où vous l'énoncez : j'ai senti dans votre voix une gêne fébrile qui témoignait de votre malaise. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Deuxièmement, vous indiquez que tout cela, au fond, n'est pas nécessaire car il ne saurait y avoir de décalage entre les documents préparatoires et la décision du Conseil. Je ne voudrais pas avoir la cruauté de vous lire…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

…la page du document préparatoire élaboré par les magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d'État, concernant les comptes de campagne de M. Balladur. Elle est accablante et se traduit par une sentence claire : les rapporteurs proposent le rejet du compte de campagne. Or le Conseil l'a validé ! Et vous nous expliquez, en guise d'argument, qu'il ne peut pas y avoir de décalage entre le rapport et la décision ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

On ne pourrait mieux démontrer que vos propos ne correspondent pas à la réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Connaissant votre rigueur et votre grande honnêteté intellectuelle, je vous demande donc de reconsidérer votre argumentation et la réponse que vous venez de me faire.

Venons-en aux commissions, aux missions d'information parlementaires et aux demandes qui leur sont adressées par le juge au terme de leurs travaux.

En réalité, vous nous expliquez que le principe de séparation des pouvoirs peut servir d'alibi au Parlement, dès lors que ses travaux sont achevés, pour ne pas permettre au juge d'instruction de poursuivre ses investigations et d'aller au bout de ses enquêtes.

Pour ma part, je considère que lorsqu'une mission d'information parlementaire est achevée et qu'un juge d'instruction demande au Parlement des éléments qui lui permettraient de poursuivre ses investigations, celui-ci se doit de lui donner une réponse positive. Sinon, cela signifie que le Parlement refuse d'apporter son concours au bon fonctionnement de la justice.

C'est bien ce qui s'est passé lorsque l'Assemblée nationale a refusé de transmettre au juge Trévidic le compte rendu des auditions dont il avait besoin pour aller au terme de ses investigations. L'Assemblée n'a pas respecté le principe de séparation des pouvoirs : elle a fait obstruction au bon fonctionnement de la justice, ce qui n'est en aucun cas son rôle.

Là encore, je remets en cause votre argumentation, en droit, et je vous demande de reconsidérer votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Au vu des deux dernières interventions, je voulais reprendre la parole.

Je ne suis pas plus que mon collègue convaincu juridiquement par la réponse du Gouvernement, en particulier sur le premier point.

Vous faites allusion, monsieur le ministre, aux travaux préparatoires. Il est de notoriété publique que les rapports rendus par les ex-commissaires du Gouvernement – désormais rapporteurs publics – devant les juridictions administratives, par exemple, et qui sont des actes préparatoires à la délibération judiciaires, sont régulièrement publiés et servent d'ailleurs à nos étudiants en droit.

On pourrait donc imaginer de traiter le rapport préparatoire aux décisions du Conseil constitutionnel relatives à la régularité des comptes de campagne de la même manière.

Cela dit, cher collègue Bernard Cazeneuve, si, faute d'avoir levé l'obstacle légal, ce document ne peut être rendu public par ses rédacteurs, il vous suffit de lire dans cet hémicycle les conclusions dont vous disposez : elles figureront ainsi au compte rendu de nos débats et les juges pourront en prendre connaissance et les utiliser le cas échéant.

Venons-en au refus de la création d'une commission d'enquête et de la communication des éléments. Très sincèrement, si la commission Balladur a fait cette proposition, c'est que, dans tous les autres pays européens, il est parfaitement possible de mener conjointement une enquête parlementaire et une enquête judiciaire : ces missions n'ont ni la même vocation – l'une est politique, l'autre judiciaire – ni les mêmes conséquences.

Dans le dispositif actuel, si le Gouvernement ouvre une instruction sur un dossier qui fait l'objet d'une enquête parlementaire, il a tout loisir, s'il l'entend, de bloquer cette enquête et donc le travail du Parlement – il est d'ailleurs parfois tenté de le faire.

Vos arguments, monsieur le ministre, mériteraient d'être reconsidérés si vous voulez aller jusqu'au bout de la démarche que vous évoquiez en exprimant votre souci de contribuer à une vraie transparence de la vie politique.

Les amendements présentés par mon collègue Cazeneuve y contribueraient très largement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Puisque vous avez présenté vos trois amendements en une seule fois, je vous redonne exceptionnellement la parole, monsieur Cazeneuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Cher collègue Gaëtan Gorce, je n'ai pas besoin de lire ce document pour deux raisons : premièrement, parce que le juge l'a déjà et qu'il n'a pas besoin que je le porte à sa connaissance de cette manière ; deuxièmement, par compassion à l'égard de nos collègues de la majorité !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Terrot

Nous vous en sommes infiniment reconnaissants !

(Les votes sur les amendements nos 7 , 6 et 5 sont réservés.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l'ensemble de la proposition de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Le ministre est là pour représenter le Gouvernement et favoriser le débat parlementaire. Ses décisions aboutissent au résultat exactement contraire, je le soupçonne donc d'éprouver un certain malaise.

Cela étant, puisque nous parlions de la nature de notre régime et de République décente, je trouve que son comportement rappelle plutôt l'Empire, où l'on avait institué une chambre qui délibérait sans voter et une chambre qui votait sans délibérer. Voilà que nous sommes contraints de délibérer aujourd'hui sans voter, et mardi, notre assemblée, réunie de manière plus large, pourra voter sans délibérer… Merci, monsieur le ministre : nous appelons à la République décente, et vous, vous inventez la République napoléonienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Nous avons achevé l'examen de la proposition de loi organique.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote communes et les votes, par scrutin public, sur l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle et l'ensemble de la proposition de loi organique, auront lieu le mardi 19 octobre, après les questions au Gouvernement.

Application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à douze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Marc Ayrault, Régis Juanico, Christian Eckert, Olivier Dussopt, Mme Michèle Delaunay et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche visant à renforcer les exigences de transparence financière de la vie politique.

La parole est à M. Régis Juanico, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, bien loin d'être irréprochable, notre démocratie souffre encore d'un manque de transparence en matière de financement des partis politiques. La France s'est pourtant dotée, par touches successives – principalement à travers les lois de 1988, 1990, 1995 et 2003 – d'une législation, complète et rigoureuse, sur le financement des partis et des campagnes électorales, qui permet à la fois d'apporter une aide publique aux partis, d'encadrer les financements privés dont ils peuvent bénéficier, de plafonner les dépenses électorales des candidats, d'imposer la transparence des ressources et des dépenses, de soumettre enfin le respect de cette législation à un contrôle et à des sanctions.

Cet été, les nombreuses révélations autour de l'affaire Woerth-Bettencourt ont mis en lumière un contournement de l'esprit de la loi du fait d'un dépassement du plafond des dons de personnes physiques fixé par celle-ci. Au-delà des conflits d'intérêt avérés, ces révélations ont mis en lumière une réalité jusqu'à ce jour ignorée des Français : l'existence d'une multitude de micro-partis en marge des formations politiques traditionnelles – pour être plus juste, d'une formation politique, l'UMP.

Cet été encore, les Français ont appris, avec stupéfaction, que le secrétaire d'État à l'emploi, M. Laurent Wauquiez, avait reconnu s'être rendu à Londres, à l'issue d'un déplacement officiel, dans le but de lever des fonds auprès de banquiers et de financiers de la City au profit de son micro-parti « Nouvel Oxygène ».

Ces révélations ont semé le trouble et la confusion chez nos concitoyens qui pensaient, à juste raison, que notre vie politique était désormais encadrée par des règles strictes et transparentes en matière de financement. Ces dérives appellent une réponse du législateur.

En vertu de l'article 4 de la Constitution, les partis et groupements politiques « se forment et exercent leur activité librement. » Il ne saurait être question de restreindre l'exercice de cette liberté constitutionnellement garantie, qui est un gage de vitalité pour notre démocratie. Néanmoins, les failles de la législation sur le financement des partis politiques méritent d'être corrigées.

Alors que le plafonnement à 4 600 euros des dons pour les campagnes électorales vaut pour toutes les campagnes électorales organisées pour la même élection, le plafonnement à 7 500 euros des dons de personnes physiques aux partis politiques est applicable parti par parti. Ainsi, il est tout à fait possible à une même personne de verser plusieurs fois 7 500 euros, à autant de partis politiques qu'elle le souhaite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

On parle de gens que vous connaissez. Cela facilite le débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

En 2006, quatre chèques ont été versés pour un montant de 30 000 euros par les époux Bettencourt : deux à l'association de financement de l'UMP, deux à l'association de soutien à Nicolas Sarkozy. Puis, en mars 2008, quatre chèques ont été versés pour un montant de 26 000 euros à l'association de financement de l'UMP, au micro-parti de Mme Pécresse, à son association de financement de la campagne des régionales et un autre au parti de M. Woerth.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Nous aimerions avoir plus d'éléments le concernant.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Cela vous chatouille, quand on parle de Mme Bettencourt !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Je cite l'exemple de Mme Bettencourt, monsieur Geoffroy, simplement pour montrer qu'on est très loin de l'esprit de la loi et du plafond de 7 500 euros qu'elle fixe, puisque les sommes versées atteignent respectivement 30 000 et 26 000 euros.

Dès son rapport d'activité pour l'année 1995, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques s'était inquiétée de cette faille.

Ainsi, la faculté de donner plus de 7 500 euros par an aux partis politiques a des effets pervers. Elle contribue à favoriser la création de micro-partis. Leur nombre est passé en vingt ans de 28 à 296 formations politiques enregistrées à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Depuis 2009, plus de quarante micro-partis ont été créés.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Ces micro-partis, ou partis de circonstance, peuvent être d'au moins deux types : les micro-partis « satellites » reversent les sommes recueillies au parti central et permettent ainsi à un même parti de percevoir indirectement de la même personne un montant supérieur à celui du plafond autorisé ; les micro-partis « prétextes » ou partis de poche ont simplement pour vocation de recueillir des fonds afin d'en faire bénéficier soit un candidat aux élections, soit un élu dans ses activités politiques locales ou nationales. Une quinzaine de parlementaires de la majorité et une dizaine de ministres sont concernés.

Je rappelle que le recueil de fonds par l'intermédiaire d'un parti permet d'obtenir des dons plus importants qu'en créant une association de financement de la campagne électorale, qui ne peut recueillir des dons que dans la limite de 4 600 euros par personne physique.

En outre, la possibilité de verser des cotisations, lesquelles ne sont pas plafonnées, offre un autre moyen de contourner l'objectif de la loi. Aussi, dès 1995, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques recommandait que le plafond des dons aux partis politiques s'entende cotisations éventuelles incluses.

C'est la raison pour laquelle l'article 1er de la proposition de loi propose que l'enveloppe de 7 500 euros soit appréciée pour l'ensemble des dons d'une personne physique à un ou plusieurs partis. Cette modification n'interdirait pas à une même personne de faire des dons à plusieurs partis, si elle le souhaite, mais elle présenterait la vertu d'empêcher que le cumul de ces dons dépasse 7 500 euros.

De la même manière, l'article 2 propose que les cotisations acquittées par les adhérents entrent dans l'appréciation du respect du plafond global de 7 500 euros pouvant être versés chaque année par une personne physique.

La rédaction de l'article 2 pourrait être améliorée, comme l'ont montré les auditions, et je présenterai un amendement en ce sens. Notre intention est claire : plafonner à 7 500 euros par an l'ensemble des dons et cotisations versés aux partis par une personne physique, tout en laissant hors plafond les cotisations versées par les élus.

Nous avons procédé à l'audition des trésoriers des principaux partis politiques – UMP, PS, PCF, Nouveau Centre et Modem –, lesquels ont porté un jugement positif sur ces deux dispositions de la proposition de loi. Il faut souligner qu'en plus de corriger des failles de la législation actuelle, celles-ci seraient également économes des deniers publics, puisqu'elles contribueraient à limiter le montant des réductions d'impôt résultant de dons ou cotisations versés à des partis politiques. La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a chiffré la dépense fiscale résultant de ces réductions d'impôts et de celles liées aux dons pour les campagnes électorales à plus de 30 millions d'euros par an.

Par ailleurs, dans un objectif de transparence, l'article 3 de la proposition de loi propose que soit rendue publique la liste des principaux donateurs de chaque parti, c'est-à-dire des personnes ayant donné à un même parti plus de 3 000 euros au cours d'une même année. Le bilan des auditions fait apparaître un scepticisme et même une réticence de la plupart des formations politiques auditionnées vis-à-vis d'une telle disposition. C'est la raison pour laquelle je proposerai de modifier cet article par amendement, en prévoyant simplement que la liste des principaux donataires soit transmise chaque année à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Enfin, je vous présenterai une série d'amendements portant articles additionnels et reprenant pour l'essentiel des propositions de nature à améliorer les règles relatives aux campagnes électorales, formulées par M. Pierre Mazeaud dans le cadre de la mission de réflexion sur la législation relative au financement des campagnes électorales.

Ces amendements proposent, premièrement, l'instauration d'une même date de dépôt pour tous les comptes de campagne à une même élection, que le candidat soit élu au premier ou au second tour,…

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

…deuxièmement, l'obligation pour les établissements bancaires d'ouvrir un compte et de mettre à disposition les moyens de paiement pour les mandataires et associations de financement désignés par les candidats à une élection, …

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

…troisièmement, l'absence d'obligation de déposer un compte de campagne quand le candidat a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés et qu'il n'a reçu aucun don de personne physique,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Par cette disposition, vous favorisez les candidatures multiples !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

…quatrièmement, l'obligation de désigner un mandataire avant de déposer sa déclaration de candidature en préfecture.

Deux autres dispositions complétant le texte vous seront proposées.

La première vise à permettre de faire certifier par un seul commissaire aux comptes les comptes des partis dont le bilan ou les produits ne dépassent pas 153 000 euros à la clôture de l'exercice.

La seconde tend à interdire pour un parlementaire de métropole de se rattacher à un parti éligible à l'aide publique au seul titre de ses résultats outre-mer.

Les rattachements de ce genre n'ont qu'un but : bénéficier de l'aide publique accordée au titre de la deuxième fraction sans s'adosser à un parti ayant droit à la première fraction au titre de ses résultats en métropole. Il s'agit manifestement d'un détournement de l'esprit dans lequel l'aide publique doit être accordée aux partis politiques.

Ces différentes dispositions n'ont pas été adoptées par la commission des lois, non plus que les articles de la proposition de loi. La commission a préféré renvoyer le traitement de l'ensemble de ces questions à l'examen du projet de loi organique relatif à l'élection des députés et à une proposition de loi de Jean-Luc Warsmann et Charles de La Verpillière portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.

J'ose espérer, monsieur le président de la commission de lois que cette réponse de pure forme que vous nous avez apportée ne constitue pas une dérobade sur le fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Je tiens à souligner que le projet de loi organique que vous évoquez n'a pas encore été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Comme le référendum d'initiative populatire !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Par conséquent, il est légitime de s'interroger sur l'opportunité de remettre au lendemain une réponse simple, et pour l'essentiel consensuelle, à des lacunes apparues dans la législation sur le financement des partis politiques.

Ce report serait d'autant plus regrettable que de nombreuses dispositions proposées se caractérisent, sur le fond, par une absence de différence avec les dispositions que tendrait à introduire la proposition de loi de M. le président de la commission des lois. Une adoption rapide permettrait d'espérer une entrée en vigueur des nouvelles règles dès le 1er janvier 2011, et donc une application possible de ces règles dès les échéances électorales de l'année 2012, les élections législatives et l'élection présidentielle, qui sont les scrutins les plus importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter la proposition de loi et les amendements que je vous soumettrai tout à l'heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Effectivement, monsieur Juanico, un projet de loi organique a été déposé par le Gouvernement en 2009. Il n'est pas en train de s'ensabler, puisque la commission des lois a désigné son rapporteur et que celui-ci est pratiquement en train d'achever ses auditions – je crois d'ailleurs que l'ensemble des formations politiques ont été reçues.

Il nous est apparu, au fil de ce travail, qu'un outil juridique complet était nécessaire, avec, d'une part, le projet de loi organique déposé par le Gouvernement et, d'autre part, une proposition de loi. En effet, les dispositions prises dans le cadre de la loi organique pour être appliquées aux parlementaires devront être décalquées dans une loi ordinaire pour être appliquées aux autres élus. La meilleure manière de travailler consiste…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

…à avancer en même temps, le même jour, sur le projet de loi organique et la proposition de loi ordinaire, les deux faisant l'objet d'une discussion générale commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Un autre texte sera également nécessaire à propos des modalités des campagnes électorales des députés élus dans les nouvelles circonscriptions des Français de l'étranger. En effet, si les candidats à ces mandats sont soumis aux mêmes règles que nous, ils ne pourront guère aller à la rencontre de leurs électeurs…

En tout état de cause, l'ensemble de ces dispositions doit être adopté définitivement au premier semestre de l'an prochain. On inscrira très rapidement ce texte à l'ordre du jour des travaux de la commission des lois ; une réunion de travail s'est d'ailleurs déjà tenue avec le Gouvernement. Je souhaite vivement que la première lecture ait lieu au plus vite, au pire en janvier, au mieux avant la fin de cette année, afin que l'Assemblée nationale puisse se prononcer sur l'ensemble de ces textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Afin surtout que cela ne s'applique pas en 2012 !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Sur le fond, je n'ai absolument rien contre la démarche du rapporteur de la proposition de loi objet de notre discussion. Il me serait d'autant plus difficile d'avoir de nombreux griefs qu'un certain nombre de ses amendements sont la reprise de celle que nous avons nous-mêmes déposée. Il n'y a donc pas de problème sur le fond : le débat de ce matin sera même, en tout état de cause, extrêmement utile. Il permettra effectivement à chacun de prendre position sur le sujet.

Pour ma part, ce n'est nullement à reculons que j'aborde ce débat. Je pense qu'un certain nombre de dispositions doivent être prises et que, lors de l'examen du projet de loi organique et de la proposition de loi ordinaire, nous passions en revue toutes les recommandations de la commission Mazeaud, de la commission pour la transparence financière de la vie politique et de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Nous devrons toutes les examiner, l'une après l'autre, pour déterminer si nous pouvons les retenir.

À titre personnel, je pense que l'immense majorité, sinon la quasi-totalité, de ces recommandations méritent d'être reprises. Vous l'avez déjà vu dans le rapport sur cette proposition de loi, et vous le constaterez avec les amendements que prépare Charles de La Verpillière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Un travail important doit donc être accompli, qui exigera encore un certain nombre d'heures. Ce débat durera effectivement, à mon avis, plus d'une séance, car il faudra vraiment passer en revue à la fois les dispositions organiques et les dispositions ordinaires.

Tels sont les engagements de calendrier que je tenais à prendre devant vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la République a consacré de grandes lois à la question de la transparence financière de la vie politique – je pense à la loi du 11 mars 1988 ou encore à celle du 19 janvier 1995.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Seulement deux grandes lois ? Vous avez la mémoire sélective !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Ces textes ont consacré les grands principes du financement public des partis et fixé les règles encadrant le financement par des personnes privées. Si ces grandes lois ont pu voir le jour, c'est parce qu'elles ont été préparées et discutées, me semble-t-il, dans un esprit de responsabilité partagée et adoptées dans un souci de consensus.

La proposition de loi qui nous est soumise ce matin vise tout d'abord à appliquer le plafond de 7 500 euros non plus seulement aux dons fait à un parti politique mais désormais à l'ensemble des dons faits à un ou plusieurs partis politiques. Il s'agit, nous dit-on, de lutter contre le développement des partis satellites.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

La disposition proposée nous paraît assez inefficace : cette évolution du plafonnement n'empêcherait aucunement un donateur d'apporter son soutien financier à de simples associations à but politique. Tout à l'heure, j'ai entendu évoquer, dans cet hémicycle, l'exemple d'une association politique largement financée, nous dit-on, par un homme d'affaires relativement aisé au bénéfice d'une ancienne et peut-être future candidate à l'élection présidentielle.

Si j'en crois la proposition étudiée ce jour, un tel cas de figure devrait être exempt de tout contrôle.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Je constate simplement, monsieur Mallot, que vous avez toujours orienté vos interventions dans un sens bien précis. Or ce qui est valable pour les uns l'est aussi pour les autres. Voilà ce que je veux simplement vous dire. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous pratiquez jour après jour le deux poids, deux mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Heureusement que le Gouvernement est là pour veiller à l'objectivité des débats ! L'affaire Bergé-Royal aussi, c'est important !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Plus fondamentalement, en cherchant à restreindre les possibilités de financement des partis politiques, la proposition de loi instille l'idée qu'un don à un parti serait d'une certaine manière un acte répréhensible voire immoral. Nous combattons cette idée, car nous considérons que donner une part de ce que l'on gagne pour défendre des valeurs auxquelles on croit est éminemment respectable.

Prenons donc garde à ce que la démagogie et l'improvisation ne contribuent pas à affaiblir la confiance de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Prenons garde à ne pas aller à rebours du but qui devrait être celui des uns et des autres. À force d'agiter le chiffon rouge, on devient des pompiers pyromanes.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

La deuxième disposition que tendrait à introduire la proposition de loi consiste à assimiler à un don des cotisations versées en qualité d'adhérent à un parti politique. Le statut des cotisations versées par les adhérents d'un parti est une question effectivement importante. La commission nationale de contrôle des comptes de campagne a d'ailleurs invité le législateur à la clarifier.

La mesure prévue par la proposition de loi est-elle la meilleure possible ? Nous en doutons. La commission nationale de contrôle des comptes de campagne avait proposé un dispositif plus respectueux de la liberté des partis de fixer le montant des cotisations, puisqu'il s'agissait d'instaurer un plafond unique de déduction fiscale, quelle que soit la nature du versement, don ou cotisation. Il s'agissait donc aussi d'une mesure d'économie budgétaire.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Votre proposition de loi n'a pas retenu cette recommandation. Vous avez préféré introduire une règle qui nous paraît extrêmement restrictive et qui présente également, il faut bien le reconnaître, le risque d'être contournée. Par ailleurs, votre proposition manque de clarté : si elle mentionne les cotisations des adhérents, qu'en est-il des cotisations des élus ? Or on voit bien dans les tableaux de financement des partis politiques, que j'ai apportés avec moi, combien elles sont différentes d'une formation politique à l'autre. Sur ce sujet aussi, c'est la liberté qui prévaut. En l'absence de précisions sur ce point, ce sont les statuts de chaque parti qui déterminent les conditions dans lesquelles une distinction peut être faite entre ces différents types de versements. Ce n'est juridiquement pas satisfaisant.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

L'article 3 de la proposition de loi rend obligatoire la publication de la liste des personnes ayant consenti un ou plusieurs dons de 3 000 euros à des partis politiques. Je pense que cette mesure risque d'être largement inopérante : un « généreux donateur », pour reprendre la phraséologie de l'exposé des motifs de la proposition, pourrait en effet faire une multitude de dons d'un montant inférieur à 3 000 euros. En outre, pourquoi ce chiffre de 3 000 euros ? Pourquoi pas 2 000 euros ou 4 000 euros ? On ne sait pas. Surtout, je veux m'élever contre ce qui n'est ni plus ni moins qu'un fichage des opinions politiques.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Pour nous, il existe, entre la transparence et Big Brother, une limite qui ne doit Parlement être franchie. Or vous donnez un côté Big Brother à la transparence. Faudrait-il mettre de côté les libertés publiques, faire fi de la liberté d'opinion et introduire un fichage des opinions éventuelles ? Je suis sûr que ce n'est pas ce que recherchent les parlementaires, quels qu'ils soient. Naturellement, le Gouvernement ne le veut pas non plus, et nous pensons que, sur ces sujets importants, la réflexion et surtout la recherche du consensus sont préférables à l'improvisation, sinon à la provocation.

Le Gouvernement et la majorité, qui travaille avec lui, ont l'intention – on vient de l'évoquer – de prendre des initiatives réfléchies en matière de transparence financière de la vie politique. Ces initiatives, je le répète, seront éclairées par les conclusions de la commission de réflexion créée par le Président de la République, qui seront rendues, je le confirme, avant la fin de l'année. Elles bénéficieront aussi de l'éclairage du groupe de travail mis en place au sein de votre assemblée.

Des initiatives législatives, que j'évoque très rapidement puisque le rapporteur et le président de la commission des lois l'ont déjà fait, ont été prises par Jean-Luc Warsmann et Charles de La Verpillière. Elles sont tout à fait pertinentes. Sans revenir sur le fond, je confirme ce qu'a dit le président Warsmann : le texte n'est certainement pas ensablé et, dans les semaines à venir, le Gouvernement va travailler, avec le président de la commission des lois et le rapporteur, en vue de déterminer dans quelles conditions et selon quel calendrier l'examiner.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Tout à fait, monsieur Mallot. Faites-nous confiance en la matière : elle sera bien placée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

J'en doute, à voir ce qui se passe avec le référendum d'initiative populaire !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Mesdames et messieurs les députés, vous l'aurez compris, le Gouvernement ne peut, en l'état, vous encourager à adopter ce texte, non parce qu'il aurait quelques difficultés à en accepter le fond, mais essentiellement pour des raisons de forme. La proposition de loi d'aujourd'hui ne saurait effectivement, nous semble-t-il, apporter les réponses globales et pertinentes que nous attendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Roman.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Une fois de plus, monsieur le ministre, il y a de quoi s'étonner : à vous entendre, vous agissez, que vous avez modifié la Constitution, même si nous avons voté contre cette révision, vous avez fait progresser les droits du Parlement en nous donnant notamment la possibilité de déposer des propositions de loi et de les faire examiner en séance : c'est le cas des trois textes dont nous débattons ce matin.

Et vous nous dites, non que vous êtes en désaccord et que vous voterez contre, mais que vous êtes d'accord… mais en votant contre parce que vous préférez la déposer vous-mêmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Si c'est ainsi que vous voulez totalement déconsidérer l'initiative parlementaire que vous avez octroyée à l'opposition, c'est réussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

N'allez pas vous prévaloir des droits que vous avez donnés à l'opposition, si vous vous empressez de les bafouer à chaque fois qu'elle les utilise. En effet, vous bafouez nos droits en prenant d'avance une posture qui vous conduit à voter contre nos propositions, même lorsque vous êtes d'accord sur le fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

D'autant que l'Assemblée ne votera que mardi et que la plupart des votants n'auront pas entendu nos débats ni nos propositions,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Terrot

Vous n'êtes pas nombreux aujourd'hui ! Vous êtes minoritaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

…ni les propos que vient de tenir M. Warsmann, d'accord avec M. Juanico, et qui votera pourtant contre notre proposition comme s'il y était opposé sur le fond…

De quoi s'agit-il ? C'est pourtant simple : il ne s'agit pas d'aides à des structures autres que les partis politiques, mais d'aides qui relèvent, d'après le code des impôts, de contreparties d'avantages fiscaux. Pour l'heure, tant pour les donateurs que pour les destinataires, on est dans un certain flou. Nous appelons à clarifier la situation, en déclarant illégal ce qui aujourd'hui est certes légal, mais n'est ni moral, ni éthique, ni transparent, ni acceptable. Notre proposition vise à permettre à tout donateur de donner une somme dont le plafond est fixé à 7 500 euros, ce qui ouvre droit à une réduction d'impôt sur le revenu de 4 500 euros – les Français doivent le savoir. Il faut limiter les dons à 7 500 euros, contrairement à la législation d'aujourd'hui qui n'impose aucune limite, sinon le plafonnement à 20 % du revenu imposable. En fixant le plafond à 7 500 euros, rendons impossible la création de ce que M. Juanico appelle à juste titre les partis satellites ou les partis prétextes, qui permettent d'alimenter par des dons le parti central : on pourrait fort bien demander à chaque député UMP de créer son parti satellite et taxer chacune de ces structures de 10 000, 15 000 ou 20 000 euros par an au profit du parti central UMP. Et faire la même chose au parti socialiste…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Ah, tout de même !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, vous devriez demander à la majorité de voter notre proposition. Elle est éthique et transparente. Elle vise à limiter les dons à 7 500 euros et à interdire la création des partis satellites ou des partis prétextes.

Vous pouvez faire allusion à Ségolène Royal sans citer son nom, en parlant d'une ancienne candidate, et je suis d'accord avec vous : si l'on touche au financement des partis politiques, il faut aussi s'occuper du financement des associations parapolitiques. Sinon, nous ne sommes pas dans la transparence. Je vous en donne acte.

Cela étant, j'ai demandé à M. Woerth, lors des questions au Gouvernement, s'il avait bien créé dans son département un parti politique qui compte trois adhérents, dont son épouse, et s'il avait reçu un chèque de Mme Bettencourt. Et si M. Woerth n'a pas pu me dire non, c'est parce qu'il a effectivement reçu un chèque – ce n'est pas moi qui le dis, cela a été publié par la presse. Certes, tout cela était parfaitement légal ; reste qu'il y avait à l'évidence un problème sur le plan de l'éthique politique, d'autant que M. Woerth, alors ministre du budget, avait la responsabilité des déductions fiscales. C'était donc légal, mais immoral. Rendons simplement les choses morales et éthiques ! Tout le monde gagnerait à ce que ce premier pas, sur la base d'une proposition présentée par M. Juanico au nom d'une partie de l'opposition, soit aujourd'hui validé par l'ensemble de l'Assemblée.

Certes, nous examinerons le texte préparé par M. Warsmann et M. de La Verpillière. D'ailleurs, nous avons déjà travaillé avec eux puisque M. de La Verpillière a fait le tour des groupes politiques. Nous nous sommes même trouvé plusieurs points communs. Mais est-ce une raison pour mépriser à ce point l'opposition…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Ce n'est pas du mépris !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

…en refusant à une proposition acceptée par tous, par les trésoriers de l'ensemble des formations politiques, au motif qu'elle a le tort d'être présentée par l'opposition ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

C'est la réalité, monsieur le président Warsmann !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Vous nous dites que vous êtes d'accord, mais que vous ne la voterez pas. Comprenne qui pourra ! En tout cas, nous, nous ne comprenons pas et nous n'acceptons pas ce simulacre de « droit nouveau » donné à l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Marc Dolez, au nom du groupe GDR, pour cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actualité de ces dernières semaines a souligné une nouvelle fois, si besoin était, la nécessité de renforcer les exigences de transparence financière de la vie politique, comme nous le proposent nos collègues socialistes avec le texte que nous examinons ce matin.

Depuis 1988 pourtant, la France s'est dotée d'une législation sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques. Les différentes lois adoptées depuis ont largement modifié les usages et habitudes des partis et ont contribué à rendre plus transparent leur financement en plafonnant le montant des dépenses électorales et les dons versés aux partis. Elles ont eu le mérite de tarir l'une des sources de la corruption ; pour autant, cette législation n'est pas exempte de faiblesses. En effet, certains partis ont trouvé le moyen de contourner les règles du plafonnement fixé à 7 500 euros en créant des micro-partis permettant à une même personne physique de financer des partis satellites et de bénéficier des avantages fiscaux correspondants.

Il est temps que cette question soit examinée, d'autant que, depuis maintenant plusieurs années, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pointent cette défaillance de notre législation. Dans son douzième rapport d'activité de 2009, elle est encore revenue sur ce point : « Rien n'interdit à un même donateur de verser le montant plafonné des dons à une pluralité de partis satellites qui reverseront les sommes ainsi recueillies au parti central, percevant ainsi indirectement de la même personne un montant nettement supérieur à celui du plafond autorisé des dons ». De même, elle rappelle la nécessité « qu'un plafond unique soit instauré cumulant le montant des dons et cotisations ».

C'est l'objet des deux premiers articles de cette proposition de loi qui va dans le bon sens et mériterait d'être adoptée par notre assemblée dans la diversité de ses opinions. Pour ce qui nous concerne, nous sommes pleinement favorables à la mise en place de tels garde-fous, d'autant que la rédaction de l'article 2 évite un élargissement contre-productif. En effet, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, il ne faudrait pas que les cotisations d'élus puissent entrer dans le champ du plafonnement, ce que préconisait à demi-mot la Commission nationale des comptes de campagne. Lutter pour une plus grande transparence du financement et empêcher le contournement de la règle du plafond de 7 500 euros ne doit pas aboutir à pénaliser les partis dont les cotisations d'élus représentent une part essentielle de leurs ressources financières. Les formations politiques, qui vivent en partie grâce aux indemnités de leurs élus, doivent être encouragées et non sanctionnées, tout comme les élus qui choisissent de soutenir financièrement leur parti pour mener la bataille politique en laquelle ils croient.

En revanche, comme le rapporteur, nous nous interrogeons sur l'opportunité de l'article 3 dans sa rédaction actuelle, partageant en cela l'analyse du professeur Carcassonne, qui considère qu'une telle disposition comporterait des « dangers tangibles », soit qu'elle dissuade certains donateurs, soit que, à l'inverse, elle joue un rôle d'entraînement pour persuader certaines personnes.

Sous réserve de cette dernière observation, nous jugeons que cette proposition de loi est de nature à corriger les dysfonctionnements observés, dans la mesure où elle vise les pratiques qui permettent les détournements en facilitant les choses aux plus aisés pour financer leur parti, sans chercher à pénaliser les milliers de souscripteurs qui, par un geste souvent modeste, participent au développement des partis, vecteur de la mise en oeuvre de l'intervention citoyenne dans notre pays.

Enfin, dans le cadre d'un débat plus global qu'appelle le Gouvernement, nous pensons qu'il serait souhaitable de repenser l'aide publique attribuée chaque année aux partis politiques et qui, en l'état actuel des choses, favorise surtout le bipartisme au détriment du pluralisme, pourtant garant de la démocratie : les deux principaux partis de notre pays se partagent aujourd'hui 75 % de la somme globale. Il en va de même pour le financement des campagnes électorales dans la mesure où le seuil de 5 % est parfois difficile à atteindre pour les petites formations politiques.

Sous réserve de ces remarques, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche voteront la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Michel Diefenbacher, au nom du groupe UMP, pour dix minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, renforcer les exigences de transparence financière de la vie politique : qui ne saurait souscrire à un objectif de cette nature ?

Reconnaissons-le, la classe politique a longtemps été d'une coupable timidité sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Pour les uns, il s'agissait de profiter de l'absence de règles juridiques précises pour développer des comportements qui n'étaient sans doute pas les meilleurs, pour d'autres – car toute la classe politique n'est pas perverse ! –, il fallait y voir tout simplement d'une sorte de pudeur, héritée probablement de notre culture judéo-chrétienne : on a du mal, dans notre pays, à admettre que la vie politique, comme la vie sociale, a un coût et que, par conséquent, il faut prévoir des financements et des règles de gestion.

Il fallait, par conséquent, beaucoup de lucidité et de courage pour s'engager, il y a un quart de siècle, dans la voie d'une législation qui aurait pour objet de clarifier les règles applicables en la matière. Il faut rappeler que la première initiative prise dans ce domaine vient de notre famille politique : c'est Jacques Chirac qui, en 1988, a fait adopter par le Parlement la première loi qui reste encore aujourd'hui le socle des règles applicables en la matière. C'est cette loi qui, la première, a plafonné les dépenses électorales, limité les dons que peuvent recevoir les formations politiques, prévu le remboursement des frais de campagne et instauré les déclarations de situation patrimoniale pour les ministres, les parlementaires et les présidents des exécutifs locaux.

C'est une fierté pour notre famille politique d'avoir posé le premier jalon d'une législation qui a ensuite évolué, à l'initiative des partis de gauche comme de droite. Cela étant, je rappelle que, dans ce domaine, c'est une loi de 1995, votée à l'initiative du Premier ministre Balladur, qui a proscrit les dons de personnes morales…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…sous quelque forme que ce soit, à l'exception des dons des formations politiques. Car les formations politiques ont pour vocation d'animer la vie politique et donc de participer à leur financement.

Ce rappel n'était pas inutile, me semble-t-il, pour éclairer nos débats d'aujourd'hui.

Que nous propose le parti socialiste aujourd'hui ? Je m'en tiendrai à trois points : le plafonnement des dons, la publicité des noms des principaux donateurs et le rôle des micropartis, que la gauche appelle désormais les partis satellites.

S'agissant d'abord du plafonnement des dons, la proposition du parti socialiste ne vise pas à plafonner les dons que peuvent recevoir les formations politiques – c'est déjà fait –, mais ceux que les personnes privées peuvent faire. J'estime qu'il s'agit en l'espèce de la contestation d'une liberté fondamentale.

Permettre à un citoyen de choisir de consacrer une partie de son patrimoine au financement de la vie politique, n'est-ce pas, en réalité, une liberté fondamentale qu'il doit incontestablement pouvoir exercer ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Supprimez carrément le plafonnement, tant que vous y êtes !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Il est bien entendu que l'on doit limiter les avantages fiscaux qui peuvent en résulter, mais la loi le prévoit déjà. Aller plus loin serait à mon sens entraver la liberté fondamentale de chaque citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Venons-en à la publicité du nom des donateurs. Nous sommes tous des responsables politiques. Nous vivons quotidiennement avec la vie publique. Nous sommes habitués à ce que notre nom figure dans les journaux. Nous avons l'habitude d'être publiquement attaqués par nos adversaires, par la presse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

C'est la règle d'un jeu que nous acceptons. Mais celui qui n'est pas dans la vie politique, et qui souhaite participer à la vie politique en contribuant à la financer et non en se présentant lui-même à des élections, n'est pas rompu à un tel combat. Il a par conséquent droit à une protection. De même que l'on assure la liberté du citoyen en lui garantissant le secret de son vote en l'obligeant à passer par l'isoloir, on doit, à l'égard de l'opinion publique, assurer la protection des donateurs. Cela ne signifie pas, pour autant, favoriser l'opacité du financement de la vie politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…puisque, comme vous le savez, à partir du moment où il y a avantage fiscal, l'administration fiscale connaît les dons et les donateurs et lorsque le don sert à financer une campagne électorale, la commission de financement des campagnes électorales est avertie et procède à des vérifications. J'émets donc une très grande réserve à l'égard de la proposition qui nous est faite.

Troisième point, les partis satellites. Je suis d'abord surpris par cette appellation. C'est ce que l'on nommait habituellement les micros-partis, expression, je le crois, beaucoup plus neutre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

La plupart de ces micros- partis créés au fil du temps n'ont pas été constitués pour recueillir des financements, mais pour une raison très simple : mettre les candidats aux élections à l'abri de recours toujours possibles contre l'appel à une structure associative, qui ne serait pas un parti politique, dans le cadre du financement d'une campagne électorale. La plupart des élus présents dans cet hémicycle ont probablement créé dans leur circonscription une structure associative qui permet, en réalité, d'aller un petit peu au-delà des limites toujours étroites des formations politiques.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non ! Pas nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

C'est un point de rencontre, c'est un lieu de débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Vous savez très bien que, dans le droit actuel, il suffit que l'une de ces associations, qui n'a pas le caractère d'un parti politique, ait organisé une manifestation pendant une période électorale, qu'elle ait engagé quelques fonds, aussi modestes soient-ils – achat de timbres pour envoyer les lettres d'invitation, location d'une sonorisation pour l'animation d'une soirée de rencontre et de débat –, pour qu'un candidat risque de voir son élection contestée et d'être condamné à une inéligibilité, sanction la plus grave à laquelle il puisse s'exposer. Les micros-partis ne sont pas, dans la plupart des cas, des outils inventés pour collecter des ressources politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Faisons preuve, ici, de davantage de sérénité et d'objectivité.

Pour conclure cette intervention, je dirai que j'ai, pour ma part, beaucoup apprécié la réponse du président de la commission des lois. Il est évident qu'en matière de financement de la vie politique, nous avons encore des progrès à faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

C'est une longue marche. On découvre toujours des imperfections dans ces mécanismes de financement. Par conséquent, nous pouvons sans cesse améliorer le dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Les réflexions sont en cours ; une commission des sages a été constituée, ses conclusions seront rendues publiques en fin d'année ; un projet de loi organique a été déposé par le Gouvernement ; la commission des lois a commencé à y travailler. Lors des travaux menés sur la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui, le président Warsmann s'est explicitement engagé à ce qu'un texte soit examiné par la commission des lois avant la fin de la présente mandature.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Alors, de grâce, travaillons en ordre, travaillons sereinement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

Rentrons chez vous ! Les décrets d'application, ce sera pour 2025 !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Évitons ces textes de circonstance et dispensons-nous également de l'inutile polémique à laquelle ils peuvent toujours donner lieu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, je reviendrai brièvement sur deux ou trois aspects de la proposition de loi qui nous est aujourd'hui présentée et, notamment, sur un des amendements qui nous sera proposé.

Tout d'abord, cher collègue Michel Diefenbacher,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…ce n'est pas parce qu'une première pierre aurait été posée – vous avez fait allusion à Jacques Chirac en 1988 – qu'il ne faut pas achever l'édifice.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Tout le monde s'accorde, ici au moins, à reconnaître qu'il n'est pas achevé.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

S'agissant de la forme, nous ne pouvons pas nous satisfaire que l'on nous renvoie, dès que nous déposons une proposition de loi, à une commission ou à un autre texte, projet ou proposition, présenté par d'autres. Ce n'est pas ainsi, monsieur le ministre, que vous revaloriserez les droits du Parlement et de l'opposition. Le rapporteur, il l'a rappelé tout à l'heure, a auditionné les trésoriers des principales formations politiques et bon nombre de ses propositions font consensus.

Pour autant, ce consensus ne m'a pas empêché d'entendre quelques voix dissonantes : ainsi M. Diefenbacher semble défavorable à la publication de la liste des donateurs. Je serai heureux d'entendre la position du président de la commission des lois ou celle du ministre sur ce point. Êtes-vous favorable, messieurs, à imposer la publication de la liste des donateurs dans les textes que vous dites vouloir sortir des sables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Cette pratique est fréquente dans un grand nombre de démocraties parlementaires. Au-delà de 3 000 euros, il me semble utile de publier la liste des donateurs. En Allemagne, par exemple, une affaire récente a montré l'utilité d'une telle disposition.

Concernant ce que j'appelle, pour ma part les micro- partis pour convenance personnelle, il est choquant qu'une même personne physique puisse faire plusieurs dons de 7 500 euros. L'existence de flux financiers entre ces micro-partis et, si j'ose dire, la « maison mère », est tout aussi scandaleuse. Je crois même savoir, mes chers collègues, que la découverte de certains flux financiers, non pas forcément ascendants, mais descendants, a surpris quelques-uns d'entre vous, l'UMP ayant alimenté plusieurs micro-partis à l'insu du plein gré de certains de ses adhérents. Multiplier les micro-partis et laisser circuler les flux financiers entre la maison-mère et ses structures satellites dans le sens ascendant, mais aussi dans le sens descendant, n'est pas sans danger.

Enfin, je reviens un instant, pour m'en tenir à mes cinq minutes, sur l'amendement qui interdit le rattachement d'un certain nombre de parlementaires à des partis d'outre-mer. Cette affaire est tout de même profondément choquante. Appelons un chat un chat : il s'agit du groupe Nouveau Centre, qui s'est rattaché à un parti polynésien…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

On en connaît la raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

À noter que le Nouveau Centre est absent aujourd'hui… Cela veut bien dire quelque chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…pour bénéficier tous les ans d'un million d'euros de dotation publique !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Pas du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le ministre, la loi a fixé des seuils pour bénéficier de l'argent public. Un parti qui n'atteint pas ces seuils échappe effectivement au financement public, point barre ! Réglez entre vous, chers collègues de la majorité, la question des liens politiques et financiers qui peuvent émaner de formations différentes ! Assumez l'espèce de pluralisme revendiqué par certains, mais n'adaptez pas la loi fixant ces seuils aux circonstances. Ce contournement de la loi est évident : il y a là quelque chose de profondément révoltant. Nous vous proposons d'y remédier par le biais de ce texte. Or vous refusez de faire ce premier pas sous prétexte que vous proposerez un autre texte demain. Mais nous pouvons adapter et enrichir cette proposition de loi. C'est en tout cas ce que nous vous proposons et ce que demandent nos concitoyens qui ont malheureusement pu observer des faits récents ou antérieurs qui discréditent, c'est vrai, le fonctionnement financier des partis politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. François de Rugy.

Ce sera le dernier intervenant de cette matinée.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

N'en rajoutez pas, cher collègue !

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je tiens à saluer l'initiative des collègues du groupe socialiste qui ont décidé d'utiliser leur niche parlementaire pour favoriser la transparence dans le financement de la vie politique. C'est une excellente chose quand on sait le mauvais climat qui règne dans notre pays. L'ère du soupçon est revenue peser sur les élus et sur la politique en général. Ce n'est ni sain ni souhaitable pour personne.

Je tiens d'ailleurs, comme d'autres collègues, même s'ils ont été plus sélectifs, à rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui, avant nous, lors de législatures précédentes, il y a déjà plus de vingt ans maintenant, ont jeté les bases de règles claires de financement de la vie politique et ont fait, en l'occurrence, le choix du financement public de la vie politique, et notamment du financement public des partis. C'était une bonne chose, même si cela a évidemment un prix. La démocratie a un coût, au demeurant modeste par rapport au budget de l'État. Je me permets d'autant plus de tenir de tels propos que j'appartiens à un petit parti – les Verts – qui n'a jamais rencontré de problème judiciaire quant à son financement. Certains esprits un peu taquins diront que c'est parce que nous sommes un parti encore jeune, qui n'a pas exercé beaucoup de responsabilités au niveau national. Mais, telle est la réalité : avoir peu de moyens est un choix. J'y reviendrai.

Je pense, pour ma part, qu'il convient de revenir sur les principes. Un principe simple a présidé à ces lois sur le financement public des partis : il fallait rendre les élus indépendants des forces de l'argent. Je sais que cette expression ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais je crois qu'elle reflète bien ce qu'il en est. Nous ne voulons pas qu'en France les élus soient dépendants parce que leur campagne électorale ou leur parti aurait été financés par des entreprises. D'où ce choix – qui ne date d'ailleurs pas de la première loi en la matière – d'empêcher le financement d'un parti ou d'un candidat par les personnes morales. Je mets dans le même paquet, si je puis dire, les grandes fortunes : il n'est pas sain d'instaurer une inégalité de traitement, non seulement entre les partis politiques, mais aussi entre les citoyens : certains d'entre eux, sous prétexte qu'ils disposeraient d'importants moyens financiers, pourraient influer beaucoup plus lourdement sur la vie politique. Heureusement que cela ne se passe pas chez nous comme aux États-Unis où l'on peut constater, mandat après mandat, à quel point ce lien de dépendance entre les entreprises, les grandes fortunes et les élus quels qu'ils soient, malheureusement, pèse sur la politique du pays.

Comme beaucoup d'autres, j'ai découvert l'existence de ces micro-partis, de ces partis individuels, comité d'action de M. Machin ou comité de soutien à Mme Truc, à l'occasion de l'épisode Woerth-Bettencourt. Et le plus grave, le plus choquant dans cette affaire, je l'ai dit dès qu'elle a commencé à être révélée, c'est que c'est une affaire de financement des partis, de financement de la vie politique et des campagnes électorales.

Je ne parle pas des accusations qui ont pu être jetées ici ou là sur des versements en argent liquide ; j'espère que tel n'est pas le cas et que la justice pourra faire toute la lumière sur ce point, comme elle pourra le faire, j'ai entendu M. Cazeneuve tout à l'heure, sur les conséquences dramatiques que de telles pratiques ont pu avoir à une autre époque avec l'attentat de Karachi. Je veux simplement souligner qu'il y a là, n'ayons pas peur des mots, un détournement pur et simple de l'esprit de la loi. La multiplication de ces micro-partis permet de se soustraire au plafond de 7 500 euros par personne et par an pour des dons à un parti politique. Il faut revenir à ce plafond et faire en sorte qu'on ne puisse pas le contourner. C'est, entre autres, l'objet de cette proposition de loi, que nous soutenons sur ce point.

Je ne pense pas qu'il faille forcément supprimer purement et simplement les micro-partis. Après tout, on peut faire de la politique à titre individuel ; je ne trouve pas cela très glorieux – je crois pour ma part à l'aventure collective en politique –, mais si quelqu'un ne se reconnaît dans aucun parti, pourquoi pas ? Mais créer un micro-parti pour contourner la loi, ça, c'est inacceptable.

Avec mes collègues écologistes, je soutiens cette proposition de loi et j'invite à mes collègues de la majorité à avancer ensemble. Nous avons l'occasion d'apporter une pierre supplémentaire à l'édifice de la transparence, la transparence de la vie politique mais, surtout, l'indépendance des élus de la politique à l'égard des forces de l'argent. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer les exigences de transparence financière de la vie politique ;

Discussion de la proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma