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Séance en hémicycle du 17 juin 2010 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi (nos 2499, 2582, 2571) et de la proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues tendant à réviser le règlement de l'Assemblée nationale (n°2491, 2583, 2572).

La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. Jean Mallot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Étatchargée de la politique de la ville, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour avancer ensemble dans la recherche d'un bon équilibre, d'une meilleure articulation entre démocratie sociale et démocratie politique.

Des progrès ont été accomplis. Dans le code du travail, depuis quelques années, figure un article L. 1 qui dispose :

« Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation. »

L'article L. 1 indique ensuite comment le dispositif se déploie.

Cet article, issu de la loi du 31 janvier 2007 portant modernisation du dialogue social, a été adopté à la suite notamment des difficultés rencontrées par le gouvernement de l'époque à l'occasion de l'instauration avortée du contrat première embauche.

Cette disposition a donné lieu à plusieurs applications récentes. J'en mentionnerai deux, en particulier celle portant sur la modernisation du marché du travail et la sécurisation des parcours professionnels, sur laquelle le Gouvernement avait saisi les partenaires sociaux le 18 juin 2007.

Cet échange avait abouti à l'accord sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008, signé par sept organisations syndicales. Enfin, le dépôt d'un projet de loi, lui-même discuté, amendé et adopté, avait donné naissance à la loi du 25 juin 2008 sur la modernisation du marché du travail.

Deuxième exemple : le 9 avril 2008, une position commune – selon la formule consacrée – a été adoptée par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme.

Un projet de loi a été rédigé dans la foulée et il a donné naissance à la loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Pour avoir participé aux débats, nous savons qu'il existe un certain décalage entre la position commune et la loi adoptée par le groupe majoritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est le débat dans cette assemblée. Dans l'articulation que j'évoquais entre démocratie sociale et démocratie politique, c'est évidemment la démocratie politique qui a le dernier mot. C'est ici que cela se passe, dans l'hémicycle notamment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Absolument. Aucun de nos interlocuteurs ne l'a d'ailleurs contesté. Il n'y a aucun doute.

Cela étant, l'article L. 1 concerne les projets de réforme du Gouvernement et ne traite pas du cas des propositions de loi, c'est-à-dire des textes d'origine parlementaire.

Nous avons connu récemment deux situations qui illustrent ce vide : une proposition de loi de notre collègue Richard Mallié sur le repos dominical a fait l'objet de longs et importants débats avant de déboucher sur une loi dont l'application méritera évaluation et commentaires appropriés ; la proposition de loi de Jean-Frédéric Poisson, destinée, disait-il, à faciliter le maintien et la création d'emplois, qui a été très discutée elle aussi et dont l'avenir paraît largement bloqué – à peu près à hauteur du boulevard Raspail – dans son cheminement vers le Sénat.

Ces deux propositions de loi ont suscité des commentaires négatifs des organisations syndicales de salariés en particulier, puisque ces dernières n'avaient pas pu participer – contrairement à ce que prévoit l'article L. 1 – à l'élaboration de la norme.

Notre proposition de loi a pour objet de supprimer cet angle mort. Elle indique que l'article L. 1 concernera les projets de réforme envisagés par la Gouvernement mais aussi ceux proposés par le Parlement. Elle prévoit que l'auteur communiquera sa proposition de loi aux partenaires sociaux – c'est bien le moins –, ce qui ne signifie pas que toutes les propositions de loi déposées seront soumises à ce dispositif dans sa totalité. Il ne s'agit pas d'engorger le système.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Si, le texte est très clair à cet égard. Il ne s'applique qu'aux propositions de loi dont l'inscription à l'ordre du jour est envisagée, dans le champ concerné, c'est-à-dire au maximum trois ou quatre textes par an ; tout le monde l'a bien compris.

D'ailleurs, l'article 2 de la proposition de loi le précise, puisqu'il renvoie à la sagacité de chacune des assemblées pour définir les modalités de cette concertation avant l'inscription à l'ordre du jour, notamment dans le règlement de l'Assemblée, où ces dispositions ont leur place. Ces modalités doivent en particulier prévoir le déroulement des concertations et les délais accordés, afin que les uns et les autres puissent décider de négocier ou non et, le cas échéant, puissent faire connaître leurs observations.

C'est la raison d'être de la proposition de résolution qui est également soumise à la discussion ce matin. Elle tend à insérer le dispositif que je viens d'évoquer à l'endroit où il doit se trouver : dans le règlement de l'Assemblée.

Certains m'objecteront qu'un protocole dit expérimental, adopté par la Conférence des présidents le 16 février dernier, prévoit cette concertation. Je suis ravi de l'apprendre à ceux qui l'ignorent encore. Ce protocole en reprend un autre, tout aussi méconnu des parlementaires et des partenaires sociaux, qui avait été adopté par la Conférence des présidents du Sénat quelques semaines plus tôt.

Ce protocole a au moins trois défauts que nous proposons de corriger. Le premier, c'est que personne ne le connaît. En commission des affaires sociales où, pour le coup, il aurait dû être connu, personne ne le connaissait à part Gérard Cherpion, moi-même et le président Méhaignerie…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Absolument ! Mais aucun de nos collègues ne connaissait l'existence de ce protocole, hormis les membres du bureau de la commission. C'est un fait, pas un jugement. Chers collègues, vous avez bien appris l'existence de ce protocole à cette occasion, n'est-ce pas ?

Deuxième défaut : le protocole accorde un délai de quinze jours aux partenaires sociaux pour faire connaître leurs intentions de négocier ou pas, ce qui est manifestement trop court. La résolution prévoit un mois, délai plus raisonnable même s'il reste très court.

Troisième défaut : le dispositif prévu par le protocole dit expérimental se conclut par une possibilité offerte – étrangement – au président de l'Assemblée nationale de prononcer une forme d'urgence dans le champ concerné, c'est-à-dire les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle. On voit mal ce qui nécessiterait une disposition d'urgence. En tout cas, on voit mal comment le président de l'Assemblée serait fondé pour apprécier cette urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous proposons donc de ne pas recourir à cette procédure d'urgence, d'autant qu'aucune des dispositions proposées ne fait obstacle à l'application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 48 du règlement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…puisqu'ils s'imposent à tout le monde, jusqu'à preuve du contraire. L'urgence pourrait donc être traitée de cette façon.

J'ajouterai que les auditions auxquelles nous avons procédé ont fait apparaître que nos partenaires étaient d'accord ou, du moins, n'avaient aucune objection à l'égard du dispositif envisagé. Nous avons éclairci certains points, que je viens de mentionner. Sous quelques réserves de précisions, tous les partenaires sociaux sont d'accord pour appliquer le dispositif proposé.

La commission des affaires sociales a été saisie pour avis. Ce serait discourtois de ma part de déflorer l'intervention que fera Gérard Cherpion tout à l'heure. Il vous présentera notamment l'amendement, adopté par la commission des affaires sociales, qui déplace le point d'application du dispositif. Celui-ci s'appliquerait au moment de l'examen en commission et non plus au moment de l'inscription à l'ordre du jour. Puisque, pour être inscrit à l'ordre du jour, un texte doit passer en commission – et réciproquement, mais nous y reviendrons.

Je veux mentionner un petit problème qui a été réglé mais qui a beaucoup animé nos débats : le caractère constitutionnel du dispositif proposé. Les avis des constitutionnalistes divergent, et le débat aurait pu durer longtemps.

Cela étant, je donnerai deux ou trois précisions. Le caractère constitutionnel de la proposition de loi n'a jamais été contesté par quiconque. On voit d'ailleurs mal comment il aurait pu l'être.

En revanche, le débat a porté sur la proposition de résolution : fallait-il une base explicite dans la Constitution pour prévoir dans le règlement de notre assemblée le dispositif proposé, dans la mesure où, de toute façon, cette proposition de résolution sera examinée par le Conseil Constitutionnel le moment venu, avant de pouvoir être appliquée ?

Précisons qu'en aucune manière le dispositif ne porte atteinte à l'initiative parlementaire puisque nous pouvons déposer toutes les propositions que nous voulons. Le dispositif ne porte que sur l'inscription à l'ordre du jour. Or notre règlement contient déjà énormément de dispositions, de précisions et de conditions concernant l'inscription à l'ordre du jour des textes. En quoi cette disposition-là serait-elle plus inconstitutionnelle qu'une autre ? Notre règlement comporte, je le répète, beaucoup de dispositions analogues.

Je conclurai sur ce point par une question : si l'on contestait le caractère constitutionnel de la modification du règlement, qu'en serait-il de celui du protocole expérimental adopté par la Conférence des présidents ?

Mais ce risque non avéré fait l'objet du principe de précaution. Nous proposons donc un amendement qui va de soi mais qui va peut-être mieux en le disant. Après tout, si cela peut rassurer tout le monde ! Il indique simplement que tout cela se fait sans préjudice du respect de l'article 48 de la Constitution et de l'article 48 du règlement.

D'ailleurs, la saisine du Conseil d'État, en application de l'article 39 de la Constitution, a été envisagée par le président de l'Assemblée nationale, qui y a finalement renoncé. Le rapport fournit toutes les explications concernant cet épisode.

Mon dernier point concerne la chronologie entre les textes. Certains s'interrogent sur l'opportunité de modifier le règlement avant que la proposition de loi ne soit définitivement adoptée.

Juridiquement, rien n'empêche, s'agissant de la procédure d'examen des propositions de loi, de modifier le règlement avant la loi. Mais si l'on veut vraiment respecter la chronologie, on peut voter la proposition de loi, qui permet d'appliquer les principes de l'article L. 1 du code du travail aux propositions de loi d'origine parlementaire, disposition que le Sénat pourra adopter à son tour. Il suffirait en ce cas de suspendre la transmission de la proposition de résolution, une fois qu'elle aura été adoptée, au Conseil constitutionnel, et, à défaut, de subordonner l'entrée en vigueur de la modification du règlement à l'adoption définitive de la proposition de loi : tout cela est assez simple et courant.

J'évoquerai pour conclure quelques sujets qui restent en suspens, en commençant par celui des amendements. Le Gouvernement envisage des réformes, qui pourront se traduire soit par des projets de loi, soit par des décrets, soit par des propositions de loi,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Allons, les propositions de loi sont d'origine parlementaire, pas gouvernementale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…inscrites, mon cher collègue, au titre de l'ordre du jour prioritaire. Les dispositions de l'article L. 1 s'appliquent alors puisque le vecteur, même s'il est un peu compliqué, est bel et bien choisi par le Gouvernement.

Pour ce qui concerne les amendements, il ne nous a pas semblé opportun de prévoir une concertation préalable. La démocratie politique peut bien sûr s'exercer librement, notamment via les amendements, mais la question qui reste posée est celle des amendements qui, modifiant le texte en profondeur, pourraient être jugés contraires à l'article L. 1.

Je ne reviens pas sur l'inscription d'une proposition de loi par le Gouvernement au titre de l'ordre du jour prioritaire. Autre sujet évoqué, notamment par les organisations syndicales de salariés : le champ d'application. Nous parlons bien sûr des organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel. Or un certain nombre de dispositions, qui intéressent beaucoup de salariés, dépassent le cadre de l'interprofession. Il faudra sans doute revenir sur les dispositifs prévus, car ils ignorent cette question.

Dernier point important, que la proposition de loi ne prend pas en compte : le cas de la fonction publique. Comment organiser la concertation entre l'exécutif et les syndicats de fonctionnaires ? Nous ferons des propositions le moment venu ; mais à chaque jour suffit sa peine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour l'heure, l'enjeu est d'adopter cette proposition de loi qui permettra de mieux articuler démocratie sociale et démocratie politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, mes chers collègues, la commission des affaires sociales, saisie pour avis, s'est réunie le 2 juin pour examiner la proposition de loi et la proposition de résolution. Nous ne pouvions faire moins, puisqu'il s'agit d'établir une concertation préalable avec les partenaires sociaux sur les initiatives parlementaires dans l'un de nos champs de compétence, celui du droit du travail, et que le président Méhaignerie devrait avoir un rôle majeur dans la nouvelle procédure. Nous avons émis un avis favorable à la proposition de loi n° 2499, sous réserve d'une large réécriture, et défavorable à la proposition de révision du règlement n° 2491.

La commission des lois ayant bien voulu reprendre à son compte la rédaction que nous avions élaborée pour la proposition de loi, la commission des affaires sociales vous propose donc de l'adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

S'agissant de la proposition de résolution, trois raisons motivent notre avis défavorable.

En premier lieu, il existe un doute pour le moins sérieux sur sa conformité à la Constitution, comme le professeur Bertrand Mathieu, président de l'Association française de droit constitutionnel, l'a indiqué lorsque je l'ai auditionné avec Jean Mallot. De mon point de vue, la rédaction qui nous est proposée n'est pas compatible avec l'article 48 de la Constitution, relatif à l'établissement de l'ordre du jour des assemblées, article qui institue un droit en quelque sorte inconditionnel à l'inscription à l'ordre du jour au bénéfice du Gouvernement, ainsi que des groupes parlementaires dans le cadre des « niches ».

La deuxième raison du rejet de la proposition de résolution par notre commission tient à ce qu'il est demandé à l'Assemblée nationale d'adopter le même jour une proposition de loi qui n'entrera en vigueur qu'une fois adoptée dans les mêmes termes par le Sénat, et une révision de son règlement qui serait immédiatement applicable. Or une révision du règlement ne devrait logiquement être envisagée qu'après l'adoption définitive par le Parlement d'une nouvelle loi, dont elle constituerait la mesure d'application à l'Assemblée nationale. La révision du règlement apparaît donc prématurée, d'autant plus qu'à l'heure actuelle, nous ne savons pas ce que voudra faire le Sénat. L'avantage d'une base légale est d'imposer une même obligation générale aux deux assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Enfin, certains éléments de la proposition de révision du règlement s'écartent du protocole expérimental adopté en Conférence des présidents le 16 février dernier à l'initiative du président Méhaignerie.

La procédure de concertation que nous envisageons, totalement nouvelle, révolutionnera nos modes de fonctionnement. Dans ces conditions, se donner un temps d'expérimentation avant de la finaliser dans les détails me semble nécessaire.

La commission des affaires sociales soutient en revanche la proposition de loi réécrite, avec un double souci : d'une part, définir un cadre général qui laisse la plus grande liberté à chaque assemblée ; d'autre part, limiter les risques juridiques, en particulier par rapport à l'article 48 de la Constitution, d'où le choix de placer la concertation en amont de la réunion de la commission, et non d'en faire une condition de l'inscription à l'ordre du jour des propositions de loi.

Si nous pensons que cette proposition de loi ainsi réécrite doit être votée, c'est parce qu'elle s'inscrit dans une démarche que notre majorité a engagée et soutenue avec le vote de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Vous avez certes engagé cette démarche, mais avec beaucoup de retard !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

…laquelle a institué une obligation de concertation préalable du Gouvernement avec les partenaires sociaux sur les projets de réforme de l'exécutif en matière de droit du travail, puis avec l'adoption successive, au Sénat le 16 décembre 2009 et à l'Assemblée le 16 février 2010, de protocoles expérimentaux étendant cette concertation aux propositions de loi.

Trois ans après, le bilan de la loi du 31 janvier 2007 est remarquable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

La nouvelle procédure a abouti à trois grandes réformes sur lesquelles les partenaires sociaux ont passé des accords suivis d'une transposition législative. Ces réformes sont à la fois audacieuses et efficaces, et je ne suis pas sûr que, sans l'appui des partenaires sociaux, un gouvernement aurait pris l'initiative de modifier en profondeur les règles de la représentativité syndicale, qui étaient figées depuis plus de quarante ans, ni de créer un nouveau mode de rupture du contrat de travail, la rupture conventionnelle, laquelle correspondait à un vrai besoin si l'on en croit son succès, avec plus de 200 000 procédures par an. Les observateurs s'accordent à penser qu'en s'appuyant ainsi sur les partenaires sociaux on obtient des lois mieux rédigées – car on a accepté de prendre plus de temps pour les élaborer –, plus consensuelles – car un accord collectif est par construction un compromis – et plus stables dans le temps.

Certains d'entre nous, en commission des lois, se sont inquiétés de la portée de la proposition de loi, s'interrogeant sur la sanction d'un éventuel non-respect de la nouvelle procédure. Les mêmes interrogations existaient en 2007 quand nous avons institué l'article L. 1 du code du travail, car il s'agit d'une loi simple, qui ne peut donc pas lier les lois futures compte tenu du parallélisme des formes. Plus généralement, l'article 3 de la Constitution est clair : « La souveraineté nationale appartient an peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. » Les syndicats ne sont pas des co-législateurs ; leurs accords éventuels ne sauraient lier le Parlement, comme le Conseil constitutionnel l'a dit à plusieurs reprises. Nous ne sommes donc pas dans le domaine de la contrainte juridique mais dans celui de l'engagement politique sur une méthode de travail avec les partenaires sociaux, méthode qui donne toute leur place au dialogue social et au contrat collectif. Le Gouvernement et les partenaires sociaux la mettent en oeuvre efficacement, et nous ne pouvons aujourd'hui donner l'apparence de la désavouer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.

Debut de section - PermalienFadela Amara, secrétaire d'état chargée de la politique de la ville

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée s'apprête à examiner une proposition de loi et une proposition de résolution sur un sujet essentiel : l'articulation entre l'intervention du législateur et celle des partenaires sociaux.

Si nous voulons donner plus de force et plus d'efficacité à notre démocratie sociale, il convient de poser des règles du jeu claires pour que chacun connaisse son rôle. Cela suppose aussi que tous les acteurs voient leur légitimité renforcée, afin que nous abordions ensemble les enjeux posés par les transformations de notre modèle économique et social.

Par une tendance de fond et de long terme, la place réservée à la négociation collective ne cesse de croître, et nous lui avons donné son plein essor depuis le 31 janvier 2007. La loi de modernisation du dialogue social constitue en effet une pièce maîtresse de l'édifice ; elle a été voulue et appliquée par la majorité parlementaire et le Gouvernement. Aujourd'hui, je me réjouis que nous puissions encore améliorer ce texte, et que nous nous apprêtions à le faire de manière consensuelle.

En premier lieu, l'accroissement de la place de la négociation collective est essentiel à la cohésion et au dynamisme de notre société. Depuis les années soixante-dix et la fameuse nouvelle société de Jacques Chaban-Delmas, on a constaté une tendance de fond à l'accroissement de la place du contrat et de la négociation collective par rapport à la loi. Amorcée avec la formation professionnelle, au fil des années, la négociation collective a investi de plus en plus de sujets. Elle a précédé la loi ou a trouvé de nouveaux terrains d'expression grâce à la loi.

Tout d'abord, donc, elle a souvent précédé la loi. Des textes ont été adoptés pour rendre applicables des accords qui leur étaient antérieurs, par exemple en matière de formation professionnelle – en 1972, 2004 et 2009 –, de mensualisation des salaires – en 1978 –, de contrat de travail à durée déterminée – en 1990 –, ou pour donner de nouveaux espaces à la négociation collective, par exemple en matière d'aménagement du temps de travail – en 1993 et 2008 – et de gestion prévisionnelle de l'emploi - en 2005.

En matière sociale, l'histoire des quarante dernières années est celle d'un accroissement du rôle des partenaires sociaux. La raison en est simple : les changements qui reposent sur un minimum d'adhésion, ou au moins de compréhension, de ceux qu'ils concernent se mettent en place avec plus de facilité et de succès ; ils prennent mieux en compte les besoins des acteurs sur le terrain.

Depuis 2007, nous avons voulu donner plus de place au dialogue social, ce qui était une priorité du Président de la République. Nous avons donc mis en oeuvre un mode d'élaboration des lois qui associe étroitement les partenaires sociaux, le cas échéant par la voie de négociations préalables : c'est ainsi l'application de la loi de modernisation du dialogue social qui a conduit à la signature de plusieurs accords interprofessionnels et à l'adoption de lois importantes sur le contrat de travail, la représentativité des syndicats ou la formation professionnelle ; j'y reviendrai.

Mais la négociation a aussi, souvent, suivi la loi. Si nous avons voulu développer la négociation collective en aval des réformes, c'est pour plusieurs raisons fondamentales souvent rappelées par le Président de la République. En premier lieu, nous pensons que la loi et le règlement ne doivent pas limiter indûment le champ du contrat, mais au contraire lui donner l'espace nécessaire. Par ailleurs, nous croyons en une société qui privilégie les solutions élaborées par les acteurs sur le terrain. Enfin, nous voulons réformer notre pays sur la base de compromis constructifs plutôt que dans l'affrontement stérile et déconnecté du réel.

Cette rénovation a porté ses fruits. L'espace de la négociation d'entreprise s'est accru au cours de ces dernières années, et l'on constate une tendance à l'augmentation du nombre d'accords : 30 000 accords d'entreprise chaque année environ et 1 200 accords de branche. Il faut conforter ces tendances.

Cela vaut également pour la fonction publique : ainsi, en tant que ministre de la fonction publique, Éric Woerth a signé, le 20 novembre 2009, un accord sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique avec toutes les organisations syndicales de la fonction publique, à l'exception de Solidaires. Cet accord est le troisième signé entre le Gouvernement et les organisations syndicales dans les deux dernières années. Il marque le succès d'une méthode, celle de l'écoute et du respect des partenaires sociaux. Certaines dispositions de l'accord ont d'ores et déjà été reprises dans la loi portant rénovation du dialogue social dans la fonction publique.

Mais, si l'on veut donner plus de place au dialogue social, il faut que chacun prenne ses responsabilités. C'est la raison pour laquelle nous avons également voulu rénover la démocratie sociale : il fallait que les règles de représentativité des syndicats leur donnent une nouvelle légitimité et que les accords conclus reposent sur un socle d'adhésion minimal, surtout quand ils aboutissent à des règles profondément innovantes. C'est tout l'objet de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale. Le projet de loi complétant la loi du 20 août 2008, que votre assemblée examinera prochainement, relève également de cette logique et est indispensable pour assurer la pérennité de la réforme de la représentativité.

Il existe désormais, depuis 2007 et de manière structurée, un dialogue et des interactions entre la politique gouvernementale et les discussions entre les partenaires sociaux : c'est l'apport de la loi du 31 janvier 2007.

Je crois au dialogue social pour trouver les solutions qui prennent au mieux en compte les intérêts de chacun. Une société de dialogue, c'est une société où les acteurs ont la maturité nécessaire pour trouver ensemble les compromis les plus adaptés.

La loi du 31 janvier 2007 a été une avancée majeure. En fixant les responsabilités de chacun, elle a permis de structurer, depuis trois ans, les relations entre pouvoirs publics et partenaires sociaux. Cela signifie que chacun garde ses prérogatives de faire prévaloir ce qui lui semble correspondre à l'intérêt général, dans le cadre d'un agenda social.

Personne n'est autonome par rapport à personne et chacun articule son action avec les autres, avec sa propre légitimité. L'État est légitime pour mettre en avant les priorités qui lui semblent incontournables et les partenaires sociaux choisissent leur mode d'action dans ce contexte. Ils gardent bien évidemment la possibilité de développer par ailleurs des négociations autonomes sur d'autres sujets. De la même manière, les pouvoirs publics ne sont pas forcément liés par les accords conclus, même s'ils peuvent s'engager à reprendre le contenu de textes négociés dont la large assise conforte la légitimité.

Les partenaires sociaux ont toute légitimité pour négocier et conclure des accords dans le cadre des règles légales et les pouvoirs publics ont la légitimité pour modifier les lois, après qu'ils ont pu négocier, et les faire appliquer.

Ainsi, l'esprit de la loi Larcher, c'est la négociation préalable et la recherche d'échanges permanents. C'est aussi pour cela que, depuis 2007, nous élaborons avec les partenaires sociaux un agenda social, qui constitue la feuille de route annuelle des discussions et des réformes à mener. Chacun y contribue ; l'an passé, les partenaires sociaux ont mis en avant la notion de « délibération sociale », qui fait référence aux discussions avancées préalables à des négociations. Le Président de la République rencontre régulièrement les partenaires sociaux de manière informelle. N'oublions pas non plus les moments officiels et les échanges réguliers qui rythment désormais depuis 2007 le programme des réformes en matière sociale ; c'est un dialogue permanent et durable.

J'en veux pour preuve que, depuis 2007, les partenaires sociaux ont été saisis à dix reprises dans le cadre de la loi Larcher. Quatre de ces saisines ont donné lieu à des accords puis à des réformes législatives dans les domaines du marché du travail, de la représentativité syndicale et de la formation professionnelle.

D'autres ont conduit à des négociations sans toutefois aboutir à un accord, comme sur la réforme des services de santé au travail. D'autres enfin ont conduit les pouvoirs publics à prendre des textes réglementaires, par exemple sur l'actualisation du contenu du rapport de situation comparée en matière d'égalité professionnelle.

Cette loi est incontestablement un progrès. Plusieurs acteurs ont salué son rôle pour rendre les réformes plus visibles, plus légitimes et plus durables. Elle permet notamment d'éviter de légiférer trop rapidement, sous le coup de l'émotion, ou de prendre des décisions qui ne seraient pas suffisamment étayées par des justifications solides.

Il est encore possible d'aller plus loin dans cette logique. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre avait lancé l'idée d'une charte sociale permettant de définir un certain nombre de principes de méthodologie. En effet, la pratique de l'esprit de la loi du 31 janvier 2007 dépasse son champ d'application strict. Par exemple, les textes d'application des réformes lancées dans le cadre de la loi Larcher à la suite d'un accord des partenaires sociaux font l'objet de concertations entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux signataires des accords concernés. L'exemple le plus abouti de ce principe est la réforme par décret des règles de tenue et de publicité des comptes des organisations professionnelles et syndicales, fruit d'une concertation approfondie de plus d'un an.

Mais la loi du 31 janvier 2007 ne concerne que les projets de réforme engagés à l'initiative du Gouvernement. Il était donc naturel de s'interroger sur l'opportunité d'y inclure ceux qui sont engagés par les parlementaires. Certains des partenaires sociaux ont fait part de leurs remarques en ce sens à l'occasion de l'examen des deux propositions de loi sur l'emploi et sur les dérogations au repos dominical. Le Premier ministre a donc écrit, dès juillet 2009, aux présidents des deux assemblées pour les solliciter sur ce point. Ils ont répondu par l'adoption, les 16 décembre 2009 et 16 février 2010, de deux protocoles expérimentaux, qui permettent d'appliquer les modes opératoires prévus par la loi du 31 janvier 2007 aux textes d'origine parlementaire lorsque leur inscription à l'ordre du jour est envisagée.

La proposition de loi que vous examinez aujourd'hui entend poser dans la loi le principe de l'application de l'obligation de concertation préalable auprès des partenaires sociaux pour les propositions de loi. La version amendée par la commission est souple et conforme à l'esprit de la loi du 31 janvier 2007. Son champ est identique sur le fond et elle renvoie la détermination des modalités pratiques aux assemblées, ce qu'elles ont fait par anticipation avec les protocoles.

Le Gouvernement soutient donc ce texte, car il permet de marquer officiellement une nouvelle étape dans la construction de notre démocratie sociale et dans la formalisation du dialogue constructif entre pouvoirs publics et partenaires sociaux. Il salue le travail commun de l'opposition et de la majorité.

En ce qui concerne le projet de résolution, il nous semble en revanche tout d'abord illégitime d'écarter pour les propositions d'origine parlementaire l'exception en cas d'urgence prévue pour les projets de loi.

Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout du parallélisme entre projets et propositions de loi, d'autant plus que les situations d'urgence seront exceptionnelles, liées par exemple à des motifs d'ordre public ou de santé publique ?

Enfin, je ne conçois pas bien ce qu'apporterait une telle résolution, alors même que des protocoles expérimentaux existent déjà, avec des règles dans chaque assemblée. J'ai bien noté le débat sur la constitutionnalité de ce texte et je ne veux pas y entrer.

Debut de section - PermalienFadela Amara, secrétaire d'état chargée de la politique de la ville

Néanmoins, l'existence de ce débat montre qu'il serait sans doute hasardeux d'aller sur ce terrain.

Enfin, le plus important est l'adoption de la loi, qui permettra ensuite – et ensuite seulement – des adaptations éventuelles des règlements.

Le Gouvernement n'est donc pas favorable à cette résolution qui, non seulement n'apporte rien de nouveau, mais est loin de clarifier les choses.

Mesdames et messieurs les députés, votre légitimité est incontestable pour élaborer la loi. Nous avons réussi à prendre en compte une autre légitimité, celle des partenaires sociaux, dans l'élaboration de la norme de droit, sans remettre en cause la vôtre. Aujourd'hui, nous allons ouvrir une nouvelle étape dans cette voie et je suis satisfaite de constater que cela va se faire de manière consensuelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Michel Liebgott. (M. le président prononce le nom à la française.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Monsieur le président, mon patronyme est germanique et se prononce à l'allemande : il n'est pas mauvais de s'inspirer de Bismarck et du droit social allemand pour faire la leçon à la majorité actuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, mes chers collègues, il faut remercier Jean Mallot de nous soumettre, avec quelques autres, cette proposition de résolution. Il faut également se féliciter que, dès 1992, le droit communautaire nous ait rappelé ces dispositions qui ont vocation à s'appliquer dans l'ensemble des pays européens.

En réalité, ces dernières années, les gouvernements successifs ont souvent été porteurs d'intentions mais ont rarement mis en oeuvre leurs préconisations. En 2003, déjà, le Gouvernement disait qu'il prenait l'engagement « solennel » de renvoyer à la négociation salariale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. Il n'en fut rien, et les exemples ne manquent pas pour le prouver. Certains, à l'époque, auraient pourtant été bien inspirés de discuter avec les syndicats : je pense notamment au CPE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

S'il y avait eu débat, peut-être le gouvernement de l'époque n'aurait-il pas été contraint de battre en retraite. Mais le CPE n'est pas le seul exemple, et mes amis reviendront sans doute sur la loi TEPA ou sur la loi Poisson visant à faciliter le maintien et la création d'emplois ; si on les avait consultés, les partenaires sociaux auraient sans doute dit que cette dernière loi ne facilitait ni la création ni le maintien des emplois. Il vaut mieux, parfois, ne pas consulter, pour éviter de prendre une claque avant même que le texte n'arrive devant l'Assemblée nationale. À l'occasion de quelques coups bas – Christian Eckert y reviendra sans doute plus en détail –, notamment en ce qui concerne le travail du dimanche, les dispositions annoncées n'ont de même pas été respectées.

Sans doute, nous pouvons nous féliciter d'aller vers un consensus, mais c'est au forceps que nous l'obtenons – et nous n'aurons d'ailleurs aucune garantie absolue que le Gouvernement le mettra systématiquement en oeuvre car, entre les textes et la réalité, il y a parfois un abîme.

Je voudrais néanmoins vous rappeler que la conceptualisation de cette pratique de la démocratie sociale ne date pas d'aujourd'hui. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, rappelle ainsi dans un ouvrage que, depuis la naissance des conventions collectives en 1919, la négociation collective n'a jamais cessé de s'affirmer comme une source de plus en plus importante du droit du travail. Si les députés socialistes y contribuent aujourd'hui avec Jean Mallot, ils en seront très fiers.

À titre personnel, je voudrais dire quelques mots de l'expérience que j'ai vécue en Lorraine, à Gandrange, exemple emblématique de ce que nous aurions pu faire si ce type de disposition avait existé. On néglige souvent la capacité d'expertise des syndicats, leurs connaissances. Pourtant, dans cette affaire, s'ils avaient été consultés en temps utile, si on les avait écoutés, ils nous auraient expliqué qu'il y avait déjà des problèmes de renouvellement des générations, de transition générationnelle, de transfert des compétences, mais également d'investissements non réalisés dans l'entreprise, qui aboutissaient inéluctablement à la fermeture de l'aciérie électrique dont vous connaissez aujourd'hui le sort. Cela nous aurait évité le ridicule de la visite du Président de la République et de cette annonce encore plus farfelue du maintien de l'usine.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Certes, nous, hommes de gauche, nous écoutions les syndicats, nous les rencontrions, mais, en l'absence de procédure officielle, ces rencontres, ces comptes rendus, ces conseils n'ont pas été suivis d'effets : ils ont même été tournés en dérision.

Les dispositions que nous allons sans doute adopter aujourd'hui vont pouvoir s'appliquer à la fois aux petites entreprises et aux groupes multinationaux qui, souvent, hélas, s'exemptent de la moindre concertation, alors même qu'ils sont les premiers employeurs dans nos collectivités territoriales ou dans nos régions. Si nous ne pouvons donc qu'être heureux des propos entendus tout à l'heure, nous restons néanmoins un peu méfiants car, entre la théorie et la pratique, on sait qu'il y a un gouffre : cela n'est d'ailleurs pas propre à ce gouvernement, mais caractérise tous les gouvernements successifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Je fais référence à ceux qui se sont succédé depuis huit ans. Il est vrai que

l'hyperparlementarisme dont le président du groupe UMP nous parle depuis la réforme constitutionnelle rend aujourd'hui la réforme que nous proposent Jean Mallot et les députés socialistes encore plus nécessaire. En effet, nous serons de plus en plus souvent amenés à débattre de propositions de loi, et nous entendons leur appliquer cette procédure, que le Gouvernement n'applique pas aux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce matin vient compléter un dispositif que nous avons défini ensemble à la fin de la précédente législature et qui avait pour ambition de mieux articuler démocratie politique et démocratie sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

La qualité d'une réforme sociale tient particulièrement à la qualité du dialogue qui l'a précédée.

Cela peut être discuté, mais c'est en tout état de cause cette conviction qui a conduit le gouvernement de l'époque à instaurer une concertation préalable des partenaires sociaux avant tout projet de réforme portant sur les relations individuelles et collectives de travail, l'emploi et la formation professionnelle.

Notre famille politique, le Nouveau Centre, a toujours été attachée à la démocratie sociale et à la négociation collective. Nous pensons en effet que les partenaires sociaux ont toute légitimité pour traiter des questions touchant au travail et aux relations sociales, dans l'entreprise comme dans la branche professionnelle. Leurs représentants ont l'expérience des domaines pour lesquels ils négocient. Leur connaissance pratique et leur pragmatisme leur permettent d'éviter les écueils auxquels se heurtent fréquemment les dispositions trop larges d'un texte d'ordre général, et un accord collectif adapté aux réalités des relations individuelles ou collectives du travail vaut souvent mieux qu'une loi.

L'architecture de notre droit social pourrait ainsi reposer sur un équilibre entre, d'un côté, la loi et l'État, garants de l'ordre public social et des principes généraux de la législation du travail, et, de l'autre, les partenaires sociaux responsables de la mise en oeuvre de ces principes.

Certains voient là une vision libérale. Je suis plus enclin à y voir une conception démocratique de la société, qui place sa confiance dans l'esprit de responsabilité des corps intermédiaires, en l'occurrence des partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Il est cependant vrai que notre histoire nationale reconnaît à l'État un rôle plus prononcé. Celui-ci n'est pas seulement un garant, il est aussi celui qui édicte de nouvelles règles, celui qui lance les initiatives et invite les partenaires sociaux à négocier.

C'est donc dans ce cadre qu'il convenait de rechercher un équilibre assez délicat entre l'État et les partenaires sociaux, de manière à franchir une étape décisive du dialogue social dans notre pays. Cet équilibre a pu être trouvé avec la loi du 31 janvier 2007. Je le dis d'autant plus volontiers que j'ai fait partie de ceux qui soulignaient les dérives permises par le projet de loi de l'époque.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Le groupe UDF l'avait néanmoins approuvé parce que, permettant de quitter la logique, jusqu'alors traditionnellement conflictuelle, des rapports sociaux pour une conception plus apaisée de la démocratie sociale, il constituait un premier pas sur la voie d'un changement de mentalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Du reste, les risques de dérives demeurent, et, lorsque le rapporteur fait remarquer à juste titre que Gouvernement, Parlement et partenaires sociaux ont joué le jeu de la mise en oeuvre de cette réforme, il souligne aussi, en creux, combien l'esprit de ce texte est tributaire de la pratique qui en est faite. M. Liebgott, l'héritier de Bismarck (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vient de nous le faire remarquer.

Or la pratique peut changer même si, avec le temps, j'en conviens, elle institue des précédents qui font jurisprudence.

Ainsi le dispositif de la loi du 31 janvier 2007 a-t-il permis d'aborder de façon relativement consensuelle des enjeux aussi essentiels que ceux des lois de modernisation du marché du travail, de réforme de la représentativité syndicale et de réforme de la formation professionnelle. Avec ces différents textes, c'est un véritable travail de coproduction de la loi qui s'est affirmé peu à peu. Les accords interprofessionnels et la position commune élaborée par les partenaires sociaux constituaient les fondations sur lesquelles se construisaient les projets de loi que le droit d'amendement pouvait encore perfectionner.

Toutefois, l'attitude du Gouvernement à propos des dispositions relatives au temps de travail de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a été différente. Il a en effet substitué ses propres orientations aux propositions formulées par les partenaires sociaux à l'article 17 de la position commune du 9 avril 2008.

Cette décision n'a pas manqué de susciter les interrogations de ces derniers quant à l'utilité d'une concertation qui n'est pas respectée. Il ne s'agit pas de dénier au Gouvernement le droit de prendre des décisions qui ne cadrent pas avec les orientations des partenaires sociaux car, comme le souligne le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, la primauté du politique reste un principe essentiel et l'expression du désaccord est aussi un élément de la démocratie.

Notre attachement au dialogue social nous incline cependant à penser qu'il est possible, avant le constat de désaccord, de donner une deuxième chance à la concertation. Or, si la loi de janvier 2007 organise la concertation et la négociation avec les partenaires sociaux préalablement à toute réforme de la législation du travail, elle ne dit pas comment peut se régler un désaccord intervenant entre les partenaires sociaux et le Gouvernement sur le résultat de cette concertation. Selon nous, le dispositif pourra donc être encore amélioré.

Notre groupe avait proposé que le Gouvernement formule, en cas de désaccord, ses propres propositions et qu'il les soumette à la négociation, pendant un délai fixé par ses soins pour éviter que la concertation ne dure trop longtemps. Il s'agissait en quelque sorte d'établir, entre partenaires sociaux et Gouvernement, un dispositif qui s'apparente à une navette paritaire et permette aux partenaires sociaux de travailler sur les contre-propositions avancées par le Gouvernement, étant entendu que c'est de toute façon le pouvoir politique qui garde le dernier mot.

C'est une voie sur laquelle il pourra être opportun d'avancer ultérieurement.

Le texte qui nous est présenté aujourd'hui, largement remanié en commission grâce à notre rapporteur pour avis,…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

…tend à soumettre les propositions de loi qui interviennent dans le champ de l'article L.1 du code du travail à la même obligation de concertation préalable des partenaires sociaux que les projets de réforme du Gouvernement.

Ainsi vient-il en quelque sorte parachever le dispositif adopté en 2007, dans un sens auquel le groupe Nouveau Centre est bien sûr favorable. J'avais d'ailleurs souligné en son nom, à l'occasion de l'examen du projet de loi portant modernisation du dialogue social en décembre 2006, que l'un des problèmes posés par le texte était justement que les propositions de loi n'étaient pas concernées par cette phase de concertation préalable.

Plusieurs députés, dont je faisais partie, s'inquiétaient de la place laissée au Parlement dans le dispositif de concertation avec les partenaires sociaux. Notre collègue Maxime Gremetz avait lui-même avancé quelques propositions de nature à nourrir le débat sur ce que pouvait être ce qu'il appelait un temps du Parlement.

Le groupe socialiste avance, aujourd'hui, ses propres propositions. C'est certainement sa façon d'apporter sa pierre à l'édifice d'une avancée sociale qu'il a refusé de soutenir il y a maintenant trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

M. Liebgott, l'héritier de Bismarck, a dû passer par là et faire don de ses convictions au parti socialiste, qui nous propose maintenant de souscrire à la démarche instaurée par la loi de 2006.

Au passage, cher collègue, si le Gouvernement ne respecte pas toujours le dialogue social, je ne sache pas que les 35 heures aient fait l'objet d'une telle concertation. Cette absence de concertation avait d'ailleurs fait grand bruit.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Je ne suis d'ailleurs pas sûr que les propositions de loi déposées depuis lors par le groupe socialiste en matière de droit du travail aient toutes fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux avant leur discussion en séance.

Certains de nos collègues posent la question de la conformité de ces dispositions à la Constitution. Peut-être les débats permettront-ils de clarifier les positions des uns et des autres, mais j'ai cru comprendre que certains s'inquiétaient des limitations apportées aux pouvoirs du Parlement par le principe même d'une concertation préalable avec les partenaires sociaux.

Pour légitime qu'elle soit, cette inquiétude ne me paraît pas fondée.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

En effet, organiser ces pouvoirs n'implique pas forcément que ceux-ci soient limités.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Il s'agit d'éviter qu'une proposition de loi intervienne sans tenir compte des positions des partenaires sociaux sur des sujets qui relèvent de la négociation collective et d'établir un temps d'échange qui n'enlève rien de sa liberté à l'initiative parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

En outre, l'amendement, adopté par la commission, de notre rapporteur pour avis a levé toute ambiguïté quant au risque de voir les dispositions de cette proposition de loi et de la proposition de résolution restreindre l'application des règles de détermination de l'ordre du jour de l'Assemblée telles qu'elles sont définies à l'article 48 de la Constitution.

Enfin, la révision constitutionnelle ayant redonné à l'initiative parlementaire une place plus conséquente dans l'élaboration de la loi, il nous semble raisonnable de prévoir, dans le champ de l'article L. 1 du code du travail, des règles similaires à celles qui s'appliquent au Gouvernement, comme l'a fait observer Mme la secrétaire d'État.

La proposition de résolution, qui détaille les modalités de la procédure de concertation avec les partenaires sociaux avant l'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de loi, a pu étonner par son caractère quelque peu précipité. Elle est effectivement présentée alors même que la proposition de loi n'a pas achevé son parcours législatif.

Par ailleurs, son opportunité est remise en cause par le texte de l'amendement déposé par notre collègue Cherpion, qui confie à chaque assemblée le soin de définir les modalités de mise en oeuvre de la procédure de concertation.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Nouveau Centre soutiendra cette proposition de loi, dans sa version issue des travaux de la commission des affaires sociales, amendée par M. Cherpion. En revanche, il votera contre la proposition de résolution qui l'accompagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui deux textes déposés par le groupe SRC.

La proposition de résolution tendant à réviser le règlement de l'Assemblée nationale a pour objet d'y insérer diverses dispositions relatives au dépôt des projets et propositions de loi. Elle soulève un certain nombre de difficultés. Comme nous le savons, monsieur Mallot, il existe déjà un protocole expérimental, adopté par la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale le 16 février 2010, qui doit être évalué d'ici au mois de septembre 2011. Par ailleurs, la logique voudrait qu'elle ne précédât point l'adoption définitive de la proposition de loi. Surtout, elle diffère du protocole sur trois points importants.

Même s'il n'est pas question ici d'entrer dans le détail des dispositions du protocole, il convient de signaler deux différences principales.

Tout d'abord, le délai laissé aux organisations syndicales par la proposition de résolution pour qu'elles fassent part de leurs observations sur les propositions de loi transmises et de leur éventuelle intention de négocier serait d'un mois, et non de quinze jours comme le prévoit le protocole.

Ensuite, l'exception permettant de se dispenser de l'obligation de concertation préalable en cas d'urgence serait supprimée

La différence essentielle entre les deux textes tient donc à leur nature : d'un côté, un protocole expérimental ; de l'autre, une nouvelle disposition du règlement de l'Assemblée nationale.

La proposition de résolution ne reprend pas une précaution significative du préambule du protocole du 16 février 2010, selon laquelle ce dernier « s'applique sans préjudice des dispositions de la Constitution et du règlement de l'Assemblée nationale relatives au droit d'initiative des députés et à la fixation de l'ordre du jour ». C'est évidemment à ce niveau que se situe la difficulté.

La proposition de résolution subordonne en outre clairement l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale des propositions de loi entrant dans le champ de l'article L. 1 du code du travail à la tenue d'une concertation préalable avec les partenaires sociaux. Le dispositif proposé accorde un premier délai d'un mois aux partenaires sociaux consultés pour faire savoir s'ils souhaitent éventuellement ouvrir une négociation sur la question en cause. Le cas échéant, ils bénéficient d'un nouveau délai dit « raisonnable » pour conduire cette négociation. Durant tout ce temps, l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi en cause paraît exclu.

La constitutionnalité d'une telle restriction dans l'établissement de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale nous semble tout à fait douteuse au regard du strict contrôle exercé par le Conseil constitutionnel sur les règlements, des assemblées, en particulier quant à leur respect des dispositions de l'article 48 de la Constitution.

Il semble par ailleurs y avoir une contradiction : tant l'exposé des motifs que l'alinéa 2 de l'article 1er de la proposition de loi évoquent l'ensemble des propositions de loi, alors que la proposition de résolution ne traite que de celles dont l'inscription à l'ordre du jour est envisagée.

En outre, la proposition de résolution allonge les procédures en portant le délai de réponse des organisations syndicales de quinze jours à un mois.

Surtout, la procédure d'urgence doit, selon nous, être maintenue.

Les propositions soumises aujourd'hui à notre assemblée soulèvent des difficultés techniques et juridiques du fait d'options divergentes entre la proposition de loi et la proposition de résolution.

On relève d'abord que certains éléments des deux propositions en examen apparaissent contradictoires. La proposition de loi met ainsi à la charge de l'auteur d'une proposition de loi, en matière de droit du travail, l'obligation de communiquer son texte aux organisations syndicales – à l'alinéa 3 de l'article 1er –, alors que la proposition de résolution révisant le règlement confie cette mission au président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.

En outre, la saisine des organisations syndicales semble concerner, dans la proposition de loi, toutes les propositions de loi relevant des matières de l'article L. 1 du code du travail, alors que, dans la proposition de résolution, on ne sait plus si ne sont visées que celles dont l'inscription à l'ordre du jour est envisagée par un président de groupe ou de commission. Même dans ce cas, seraient alors exonérées de l'obligation de concertation préalable les propositions de loi non destinées à être inscrites à l'ordre du jour – nous en avons quelques-unes –, mais aussi celles dont le Gouvernement, et non un président de groupe ou de commission, demanderait l'inscription à l'ordre du jour prioritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Très compliqué.

Un parallélisme ambigu est par ailleurs établi par la proposition de loi entre projet de réforme gouvernemental et initiative parlementaire.

Mes chers collègues, la manière dont cette proposition de loi se greffe, s'agissant des initiatives parlementaires, sur l'actuel article L. 1 du code du travail apparaît incertaine, cela a été rappelé notamment par notre rapporteur pour avis.

Il convient de rappeler que l'objet de la procédure de concertation de l'article L. 1 du code du travail est un « projet de réforme envisagé par le Gouvernement ». Or un projet de réforme n'est pas un projet de loi. On se place bien en amont, comme le montre la procédure dite de l'agenda social, établie en application de l'article L.3 du code du travail ; le Gouvernement communique une ou plusieurs fois par an des documents aux partenaires sociaux pour les inviter à négocier sur tel ou tel sujet, ou à réfléchir sur de grands thèmes, sur des éventualités de réforme. C'est seulement après cette étape que le projet de loi est représenté aux partenaires sociaux, puis discuté au Parlement.

La proposition de loi ne se situe pas dans la même échelle de temps : lorsqu'elle est déposée, elle est déjà finalisée. Il n'y a pas de négociation en amont. C'est pourquoi la rédaction de l'article L. 1 que vous proposez ne nous semble pas correcte.

La proposition de loi établit dans un premier temps un parallélisme entre la procédure décrite ci-dessus et la procédure parlementaire : selon l'alinéa 2 de l'article 1er, l'obligation de la concertation préalable devrait porter également sur tout projet de réforme en matière de droit du travail proposé par le Parlement. Mais qu'est-ce qu'un projet de réforme proposé par le Parlement ?

Les membres du Parlement et ses groupes politiques, ont des projets de réforme, éventuellement concrétisés dans des propositions de loi, mais non le Parlement lui-même. Un texte ne devient l'expression du Parlement qu'une fois adopté et, dans ce cas, ce n'est plus un « projet ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est compliqué, mes chers collègues, mais il faut savoir décortiquer la loi et les mots.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Dans la suite de la proposition n° 2499, on observe un glissement, puisque l'objet de la concertation avec les partenaires sociaux aux alinéas 3 et 4 de l'article 1er, puis à l'article 2, est désormais mieux défini : il s'agit des propositions de loi. Il faut bien voir qu'une proposition de loi, texte finalisé, est de nature très différente d'un projet de réforme évoqué dans l'agenda social du Gouvernement, dans les conditions qui ont été décrites.

Cela entraîne plusieurs conséquences.

Sachant qu'en pratique de nombreuses propositions de loi visent à régler des problèmes très spécifiques, se posera inévitablement la question du degré de substance, de contenu, qui justifie qu'une proposition de loi soit assimilable à une réforme d'ampleur suffisante pour justifier une concertation préalable obligatoire avec les partenaires sociaux, qui ne souhaitent sans doute pas être sollicités sur des mesures d'enjeu très limité.

À partir du moment où la concertation obligatoire ne se situe plus en amont, avant même l'élaboration d'un éventuel projet de loi, mais beaucoup plus en aval, sur une proposition de loi déposée, au moment où son inscription à l'ordre du jour est envisagée, cette concertation est inévitablement enserrée dans des délais courts, car l'examen parlementaire de la proposition de loi en cause doit pouvoir continuer, alors que la procédure en amont de l'article L. 1 du code du travail permet de laisser du temps aux partenaires sociaux.

Enfin et surtout, nous sommes confrontés à une véritable difficulté par rapport aux prescriptions de la Constitution quant à la fixation de l'ordre du jour des assemblées.

Il existe une différence entre la démocratie sociale et la démocratie politique, cela a été clairement rappelé par les différents orateurs. La démocratie sociale est une nécessité et l'évolution de tous les textes qui la promeuvent montre combien notre majorité y est attachée, comme l'ensemble des groupes politiques de notre assemblée. Mais les partenaires sociaux eux-mêmes ont conscience de la limite de la démocratie sociale. Ils comprennent parfaitement qu'en fin de compte, la responsabilité est de l'ordre du politique et qu'il revient au Parlement de trancher.

Il n'apparaît pas nécessaire de réserver un traitement différencié aux projets et aux propositions de loi, hormis le fait qu'ils ne se situent pas sur la même échelle de temps. Quant au passage du délai de quinze jours à un mois, l'ordre du jour est fixé par la Conférence des présidents pour quatre semaines, selon le règlement en vigueur. Si procédure de concertation il doit y avoir au stade de l'inscription à l'ordre du jour, elle doit évidemment être inférieure à quatre semaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Un mois est en général plus long que quatre semaines, monsieur Mallot !

Cependant, il est toujours agréable d'examiner une proposition socialiste que nous allons soutenir…Nous sommes d'autant plus heureux de le faire qu'elle reprend en grande partie un protocole expérimental adopté en Conférence des présidents à la demande du Premier ministre. Puisque nous disposons d'un protocole expérimental, il faut s'en servir. Et, si ce protocole a été adopté, c'est bien parce que notre règlement est soumis au contrôle du Conseil constitutionnel.

Nous avons, certes, quelques réserves, à commencer par le fait que des projets gouvernementaux inscrits dans l'agenda social de l'année soient placés au même niveau que des propositions de loi, qui sont des initiatives strictement individuelles…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

…portant généralement sur des points beaucoup plus spécifiques. Mais nous pourrons adopter cette proposition de loi grâce aux amendements dits Cherpion, qui permettent d'améliorer largement le texte. Nous voterons donc la proposition de loi, mais nous rejetterons la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'objectif de notre proposition de loi est simple : étendre aux textes d'origine parlementaire les dispositions de l'article L. 1 du code du travail, issues de la loi du 31 janvier 2007.

Nous avions dès l'origine soutenu ces dispositions qui obligent le Gouvernement à saisir les partenaires sociaux avant toute modification de la loi portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle.

Je précise que nous sommes favorables à l'extension du champ d'application de l'article L. l à la protection sociale, extension qui, par exemple, dans le dossier d'actualité des retraites,…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

…aurait laissé un temps de négociation obligatoire entre les partenaires sociaux au lieu d'une simple concertation sur le seul projet du Gouvernement.

Le constat que, nonobstant les dispositions de l'article L. l, il subsistait un angle mort permettant de s'exonérer de cette obligation n'est pas une simple analyse juridique théorique.

Nous avons constaté que, depuis l'adoption de la loi du 31 janvier 2007, des initiatives majeures touchant au droit du travail avaient emprunté le chemin de la proposition de loi. Ce fut principalement le cas de la proposition de loi portant extension du travail le dimanche, ou de celle relative au maintien et à la création d'emplois, adoptée en première lecture par notre assemblée le 9 juin 2009.

Ces propositions, déposées par des députés de la majorité et soutenues par le Gouvernement, auraient pu faire l'objet d'une concertation préalable entre les partenaires sociaux, même s'il n'existait aucune obligation légale. Je suis certain que l'attachement de la majorité et du Gouvernement à l'idée de la négociation préalable ne dépend pas de son inscription dans le code. Cette conviction aurait normalement dû vous conduire, chers collègues, à engager ces négociations, même dans le cas d'une proposition de loi.

Or force est de constater que ce ne fut pas le cas et que ces initiatives, en l'absence de négociation préalable, furent marquées, à tort ou à raison, par la suspicion du choix d'une initiative parlementaire pour contourner, de fait, les dispositions de l'article L 1.

Pourtant, la procédure expérimentale engagée par la présidence de l'Assemblée nationale et les débats devant la commission des lois et la commission des affaires sociales semblent révéler qu'il existe un consensus sur l'objectif affiché par le groupe SRC. L'extension aux propositions de loi de l'obligation préalable de négociation répond à une exigence de loyauté envers les partenaires sociaux. Naturellement, sur les propositions de loi demain, comme sur les projets de loi aujourd'hui, il n'existe aucune contrainte qui impose au législateur de devenir une chambre d'enregistrement des accords entre partenaires sociaux. Nous ne sommes pas favorables à une telle évolution qui supposerait au surplus une modification constitutionnelle.

Mais l'enseignement que peuvent tirer tous les gouvernements de la pratique du pouvoir est que cette négociation préalable peut aboutir à un compromis social, source d'apaisement et parfois d'innovation, qui enrichit le débat politique.

Comment ne pas évoquer la crise politique et sociale engendrée par le projet créant un contrat de travail spécifique pour les jeunes, le CPE ? Cette loyauté vis-à-vis des partenaires sociaux n'est d'ailleurs pas seulement une question de pratique, elle a aussi un contenu juridique. Dans sa décision du 7 août 2008 portant sur la rénovation de la démocratie sociale et la réforme du temps de travail, le Conseil constitutionnel a utilement rappelé le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui dispose : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail. »

Au vu de cet article et des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel a censuré la disposition de la loi qui prétendait écarter d'un trait de plume les accords collectifs préexistants sur le temps de travail. Notre proposition de loi s'inscrit dans la démarche issue de la loi du 31 janvier 2007. Il s'agit seulement d'exclure la tentation ou d'éviter la suspicion d'utilisation de la procédure parlementaire pour contourner les dispositions de l'article L. l du code du travail.

Si, comme je le pense, nous sommes d'accord sur l'objectif politique, la déclinaison rédactionnelle de cet objectif partagé n'est pas pour nous un obstacle et il serait dès lors incompréhensible que nous ne parvenions pas à un accord.

Pour conclure, je rappellerai qu'il n'y a pas de démocratie sociale sans syndicats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Dès lors, il n'existe aucune justification au combat d'arrière-garde qui s'annonce, mené par certains députés du groupe UMP, au premier rang desquels le président Copé, contre la représentation des syndicats dans les très petites entreprises. Si, comme tout le monde le dit aujourd'hui, la démocratie sociale est importante, elle l'est pour tout le monde, y compris pour les 4 millions de salariés qui travaillent dans les très petites entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il est difficile de parler après Alain Vidalies et d'apporter davantage de précisions, celui-ci étant sans doute le spécialiste de la question, quasiment à égalité avec Jean Mallot, dont il faut saluer le travail.

J'interviens pour rappeler brièvement l'expérience du vote de la loi sur l'extension du travail le dimanche. Ce texte, au départ anodin, a fait beaucoup parler. Il avait trois originalités – il n'en a plus que deux aujourd'hui.

D'abord, c'était la première fois qu'un texte sur les relations du travail échappait à la procédure de concertation avec les organisations syndicales.

Ensuite, c'était, jusqu'à il y a peu, le texte le moins bien voté par la majorité actuelle. Ce record a en effet été battu lors du vote du projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales. Enfin, c'était la première fois que s'appliquait, mes chers collègues, et nous en avons été les victimes, la procédure du temps législatif programmé.

Ce texte, permettez-moi d'y revenir un instant, était le premier à échapper, par le contournement de la loi de 2007, à l'obligation de concertation. Était-il une initiative purement parlementaire ? Permettez-moi d'en douter. Souvenons-nous des déclarations du Président de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…qui, lui-même, s'était impliqué, au travers d'exemples d'ailleurs contestables : les lunettes de soleil, les lunettes de vue, le côté droit et le côté gauche des Champs-Élysées. Il s'agissait donc en réalité d'un projet d'initiative présidentielle, donc gouvernementale. Comment alors ne pas s'étonner que ce texte ait été soumis à notre assemblée, après d'ailleurs plusieurs péripéties et reports, sous la forme d'une proposition de loi ? Il y avait bien une volonté claire d'échapper à la règle qui s'applique aux projets de loi.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ce texte a été victime de la procédure du temps programmé puisque, pour la première fois, tard le soir, d'ailleurs, nous n'avons plus eu le droit de nous exprimer. Le fait de coupler ces deux dispositions – concertation non obligatoire et application du temps programmé – affaiblit nettement le pouvoir de notre assemblée, ce que nous regrettons.

Jean Mallot a eu l'intelligence, comme à son habitude, de combler un vide puisqu'il ne sera plus possible, si ce texte est adopté, d'échapper à cette obligation de concertation dont chacun salue l'utilité.

Je suis enfin quelque peu lassé d'entendre, ici ou là, que nous n'avons pas voté tel ou tel projet. Plusieurs raisons nous conduisent à ne pas voter des textes. Nous agissons souvent ainsi parce que nous les estimons insuffisants. Ce fut d'ailleurs le cas concernant cette obligation de concertation. Alain Vidalies avait à l'époque dénoncé que, pour la contourner, vous ayez préféré la voie de la proposition de loi à celle du projet de loi. Nous avons parfois d'autres motifs. Vous nous avez par exemple reproché de ne pas avoir voté le texte sur la représentation syndicale dans les entreprises. Rafraîchissons-nous la mémoire : si nous ne l'avons pas voté, c'est parce que vous avez eu alors l'indélicatesse, pour ne pas employer un mot plus violent, d'associer à un texte censé retranscrire plus ou moins fidèlement un accord national intersyndical une disposition sur le temps de travail. Ne nous reprochez pas de ne pas voter des textes lorsqu'ils sont mauvais, incomplets ou lorsqu'ils mélangent des choux et des navets, ce qui était le cas s'agissant du projet sur la représentation syndicale.

En tant que témoin à charge ou à décharge, je ne peux néanmoins que me réjouir qu'un consensus semble se dégager, sous réserve de quelques adaptations, et saluer l'ouverture de mon ami et collègue Gérard Cherpion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous portons aujourd'hui, par la voix de notre excellent rapporteur, Jean Mallot, semble accueilli dans un large consensus ce dont nous nous réjouissons très vivement, parce que c'est tout de même relativement rare.

Codifiant la relation entre les partenaires sociaux et le législateur exerçant son droit d'initiative, il vise à parachever la modernisation du dialogue social initiée par la loi du 31 janvier 2007, cela a été rappelé à plusieurs occasions.

S'agissant du champ des relations individuelles et collectives du travail, de l'emploi ou de la formation professionnelle, ce texte permettra d'étendre le dispositif de concertation en vigueur pour les projets de réforme gouvernementaux à toute proposition de loi d'origine parlementaire. Cette mesure est avant tout un garde-fou contre les tentatives d'instrumentalisation de l'initiative parlementaire par l'exécutif ; Christian Eckert l'a souligné en évoquant le travail du dimanche. Il sera désormais plus délicat d'utiliser la proposition de loi pour faire adopter une mesure très largement décriée par le monde du travail. Rappelons que l'aménagement à la règle du repos dominical, à laquelle les salariés étaient très hostiles et qui a divisé jusque dans les rangs de la majorité, n'a jamais fait l'objet d'une négociation entre les partenaires sociaux.

Si nous sommes heureux du ralliement de la majorité et du Gouvernement à notre proposition, il est regrettable que vous n'en ayez pas eu l'initiative. Votre inertie en la matière rappelle étrangement les trois longues années écoulées avant le vote de la loi de modernisation du 31 janvier 2007, alors que cette dernière était dans les cartons depuis 2004.

Bien que tardif, l'élargissement du dialogue social aux textes d'origine parlementaire est une avancée démocratique incontestable. Permettant au législateur d'inciter les partenaires sociaux à engager la négociation, elle peut offrir à nos assemblées la possibilité d'influer sur l'agenda social. S'agissant du travail parlementaire, elle donnera aux propositions de loi, qui auront été débattues et nourries par les organisations syndicales, une légitimité nouvelle.

Naturellement, la majorité et le Gouvernement conserveront le privilège du dernier mot. Libre à vous de refuser la saisine des partenaires sociaux en misant sur le caractère non contraignant du dispositif. Libre à vous de prévoir une exception en cas d'urgence et d'en faire usage de façon discrétionnaire. Et concernant les propositions de loi, libre à vous de court-circuiter les débats par le vote d'une motion d'irrecevabilité ou de vider un texte de ses principales dispositions par le vote d'amendements de suppression. Ces droits existent et seront encore les vôtres.

Pour tenter de prédire l'utilisation que vous ferez de ce dispositif, intéressons-nous au passé. Essayons en particulier de dresser un rapide bilan de la mise en oeuvre de la loi de modernisation du 31 janvier 2007. Travail dominical mis à part, reconnaissons que le Gouvernement a joué le jeu du dialogue avec les partenaires sociaux pour trois projets de réforme traduits en lois au cours de ces derniers mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Nous le reconnaissons de temps en temps, monsieur Cherpion !

À l'initiative du Gouvernement, les négociations collectives sur le marché du travail, sur la représentativité syndicale et sur l'orientation et la formation professionnelle se sont vu donner un cadre et une échéance. Même si les organisations syndicales ont parfois eu le sentiment de discuter avec un pistolet sur la tempe – c'est elles qui l'ont dit –, les résultats de cette méthode doivent être salués. Elle leur a permis de s'entendre sur plusieurs mesures fortes inscrites dans deux accords nationaux interprofessionnels et d'avoir une position commune. Certains aspects saillants de ces compromis ont trouvé leur traduction dans la loi : mentionnons notamment la rupture conventionnelle, qui donne un cadre aux fins de contrat à durée indéterminée, et la portabilité du droit individuel à formation. D'autres ont hélas été ignorés, comme l'amélioration du régime d'indemnisation du chômage ou le droit à la formation différée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Bien que partielles, les transpositions des accords entre partenaires sociaux ont, semble-t-il, été payées au prix fort par l'introduction dans ces mêmes lois de dispositions particulièrement préjudiciables aux salariés. Nous n'avons pas manqué de dénoncer la remise en cause permanente des 35 heures par la majorité ou celle du repos compensateur, ainsi que l'abandon du principe de faveur avec la possibilité pour un accord d'entreprise de déroger à un accord de branche.

À dire vrai, votre attachement au dialogue avec les syndicats et à la négociation collective relève trop souvent de l'exercice de communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Là où des mesures pragmatiques vous sont proposées, vous préférez la dérégulation dogmatique du monde du travail. Bref, vous nous servez beaucoup de flexibilité et bien trop peu de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Convenons que nos assemblées ne sont pas tenues à la reproduction exacte des accords entre les partenaires sociaux. La souveraineté du tandem législatif-exécutif dans l'élaboration et le vote de la loi ne saurait en effet être contestée ou limitée. Comme le propose le texte dont nous débattons aujourd'hui, le respect par la loi des équilibres atteints au terme de la négociation collective nous semble relever de la bonne gouvernance. C'est ce principe que nous ne manquerons pas de vous rappeler lorsque cette proposition de loi du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche produira ses effets. Nous serons très vigilants quant à sa mise en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux tout d'abord saluer le choix du groupe SRC d'avoir inscrit le texte dont nous discutons à l'ordre du jour de cette séance d'initiative parlementaire. Je veux aussi bien évidemment saluer le travail de Gérard Cherpion et le travail remarquable, méticuleux et rigoureux, comme à son habitude, du rapporteur, notre collègue Jean Mallot. Nous sommes très heureux de débattre de cette proposition de loi dont il a pris l'initiative et qui vise à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi. Ce texte est complété par la proposition de résolution tendant à réviser le règlement de notre assemblée.

La proposition de loi Mallot, n° 2499, a pour objet de compléter l'article L. l du code du travail afin de prévoir explicitement que les projets de réforme proposés par le Parlement, lorsqu'ils portent sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle, et qu'ils relèvent du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, doivent faire l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs.

Ce texte constitue de mon point de vue une avancée considérable, de nature à renforcer encore la négociation collective, à raffermir le dialogue social dans notre pays et, par conséquent, à accentuer le rôle des partenaires sociaux dans l'élaboration des normes et lois sociales, dans le respect bien évidemment – et cela a été rappelé par de nombreux orateurs – de la volonté souveraine du législateur et du principe de primauté de la loi, auquel nous sommes tous attachés.

La loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007 prévoit déjà, sauf urgence déclarée, la concertation préalable avec les partenaires sociaux avant tout projet de réforme d'origine gouvernementale portant sur le travail, l'emploi et la formation professionnelle. Je veux, après Alain Vidalies, regretter que la protection sociale n'entre pas dans le champ d'application de ce principe de concertation préalable. On le constate, s'agissant de l'actuel débat sur les retraites. Nous aurions ainsi souhaité que cette période de concertation préalable ait pu déboucher sur autre chose que la contestation unanime des syndicats de salariés. J'ai même cru comprendre que Mme Parisot avait émis des réserves sur un certain nombre de dispositions contenues dans le projet de M. Woerth. Nous aurions donc apprécié que les dispositions touchant aux retraites puissent aussi entrer dans le champ d'application de la concertation préalable. C'est également particulièrement vrai d'un sujet qui nous est cher : l'article 12 de la loi de 2003 de M. Fillon sur la pénibilité du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

En effet, après un cheminement assez long et tumultueux, il ne débouche finalement, aujourd'hui, sur aucun dispositif concret, alors que la loi de 2003 prévoyait une négociation interprofessionnelle après l'intervention du législateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Comme l'ont dit mes collègues, il y a eu, en juin 2008, un premier acte avec la modernisation du marché du travail. Ce texte est à l'origine d'avancées sociales importantes, comme la décision d'inscrire dans le code du travail que le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail.

Ce texte abrogeait également le funeste contrat nouvelle embauche instauré en août 2005 par la majorité, qui permettait aux employeurs de licencier un salarié sans motif pendant une période de deux ans.

On voit donc l'importance d'une concertation préalable, qui permet de déboucher sur des textes de progrès.

Le débat a été plus difficile et plus heurté à l'occasion de la loi sur la rénovation de la démocratie sociale, qui transposait la position commune de quatre organisations datée du 9 avril 2008 et ajoutait un codicille sur la réforme du temps de travail. Sur le premier point, le Gouvernement n'a pas totalement respecté l'esprit de l'accord mais, sur le second, il a méconnu le principe de concertation préalable. Contre la volonté des organisations syndicales, il a profité de ce texte pour mettre à bas de nombreuses garanties fondamentales et protections élémentaires des salariés, comme le principe du repos compensateur.

Pour la loi relative à la formation professionnelle, le Gouvernement a globalement respecté l'équilibre de l'accord conclu par les partenaires sociaux, même s'il y a eu quelques oublis, comme le droit différé à la formation.

La loi du 31 janvier 2007 n'impose la concertation préalable qu'au seul Gouvernement. Les initiatives des membres du Parlement en restent dispensées. C'est tout l'intérêt de la présente proposition de loi de combler cette lacune dommageable à la qualité de la démocratie sociale.

Que s'est-il finalement passé à la suite des accrocs répétés constatés lors de l'examen de la loi relative à la représentativité et au temps de travail ? Face à des syndicats de salariés légitimement échaudés, le Gouvernement a été tenté de biaiser, de contourner le principe de concertation préalable, en incitant les députés de la majorité à déposer des propositions de loi UMP, qui n'étaient pas des textes anodins mais qui modifiaient en profondeur le droit du travail. Nous les avons citées tout à l'heure : la proposition de loi Mallié sur le travail du dimanche et la proposition de loi Poisson sur la création d'emplois, mais plus spécifiquement sur l'extension des groupements d'employeurs et du prêt de main-d'oeuvre. Ce sont deux textes auxquels les syndicats de salariés se sont farouchement opposés. Ce n'était donc pas une bonne méthode, d'autant plus que ces deux textes conduisaient à renforcer l'individualisation des relations de travail et l'éclatement des collectifs de travail, et qu'ils étaient, notamment celui concernant le travail le dimanche, fortement attentatoires aux droits fondamentaux des salariés.

Pour ne pas reproduire les erreurs qu'ont constituées ces deux propositions de loi, sans concertation préalable des partenaires sociaux, le texte que nous proposons ce matin, qui, j'espère, sera voté dans le consensus le plus large possible, permettra, je pense, de raffermir le dialogue social dans notre pays. Je m'en félicite au nom du groupe socialiste, radical et citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je vous remercie tout d'abord, madame la secrétaire d'État, d'avoir approuvé notre proposition de loi et notre démarche. Je regrette un peu la seconde partie de votre discours où vous portez une appréciation sur l'opportunité de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée. Lorsque l'Assemblée se dote d'un dispositif prévoyant la façon dont on discute les propositions de loi, dont on se concerte éventuellement avec les partenaires sociaux avant leur inscription à l'ordre du jour, ces dispositions se doivent de figurer dans le règlement de l'Assemblée nationale. Sinon, à quoi sert-il ? Que le Gouvernement se permette de préférer le protocole dont nous avons beaucoup parlé mais que personne ne connaît est un peu étrange, mais restons-en sur la bonne impression quant à la proposition de loi.

Monsieur Cherpion, votre amendement, qui sera probablement adopté puisqu'il représente désormais à lui seul la proposition de loi, ne fait que déplacer le point d'application du dispositif. Au lieu de considérer l'inscription à l'ordre du jour, on prend en compte l'examen en commission. Jusqu'à preuve du contraire, on ne peut pas avoir l'un sans l'autre, mais nous voulons bien vous faire plaisir.

Vous prévoyez que « les modalités de mise en oeuvre de cette concertation sont définies par chaque assemblée ». Il tombe sous le sens que c'est en adaptant le règlement de l'Assemblée que l'on mettra en oeuvre les modalités de cette concertation.

Monsieur Lefrand, je vous ai répondu par avance dans mon intervention. Vous êtes dans votre rôle, il faut bien que vous trouviez des éléments à contester,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…mais il suffit de lire les deux articles de la proposition de loi telle qu'elle était déposée.

Lorsqu'il s'agit d'une proposition de loi, l'auteur communique aux partenaires sociaux le texte déposé. Cela vaut pour toutes les propositions de loi et c'est tout de même le moins que, lorsqu'une proposition de loi traite des relations individuelles et collectives du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, elle soit transmise aux partenaires sociaux, au moins pour information.

Cela dit, il suffit de lire le second article pour voir que seules les propositions dont l'inscription à l'ordre du jour est envisagée font l'objet du dispositif de concertation proposé. Il n'y a donc aucun risque d'engorgement, voire de contradiction, mais vous le saviez déjà.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

J'appelle en premier lieu, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de loi visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La Conférence des présidents a décidé que la proposition de loi ferait l'objet d'un vote solennel. Les explications de vote et le vote sur l'article unique auront lieu le mardi 22 juin, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Article unique

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Sur l'article unique, je suis saisi d'un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Cet amendement, que j'ai déjà présenté rapidement dans mon intervention, répond au sens véritable du principe de précaution, à savoir se prémunir contre le risque, non avéré, d'inconstitutionnalité soulevé par le groupe UMP.

La proposition de loi n'a jamais été contestée sur ce point. Pour certains constitutionnalistes en revanche, la proposition de résolution n'aurait pas de base constitutionnelle et le Conseil constitutionnel pourrait froncer les sourcils.

Si tous les textes que nous discutons, si tous les articles du règlement devaient avoir une base explicite dans la Constitution, celle-ci aurait non plus 89 articles mais 5 000 ou 6 000, ce qui serait un peu gênant.

Je rappelle qu'il n'y a aucune atteinte au droit d'initiative parlementaire dans notre démarche, à moins d'incriminer à peu près tous les articles du règlement, puisque tous organisent les débats et, d'une certaine manière, mettent des conditions à l'élaboration des propositions de loi, à leur discussion, voire, le moment venu, à leur adoption. Tous les articles du règlement ou à peu près seraient donc inconstitutionnels si l'on entrait dans cette démarche. Toutes les propositions de loi peuvent être déposées. Il s'agit simplement de prévoir les conditions de leur inscription à l'ordre du jour, ce qui concerne malheureusement trop peu de propositions de loi.

Il n'y a donc évidemment pas de contestation possible de la constitutionnalité du dispositif mais, par précaution et pour vous être agréables, nous avons rédigé cet amendement, qui reprend d'ailleurs le début de l'article 48 de notre règlement, c'est-à-dire la référence aux articles 29 et 48 de la Constitution, relatifs à l'inscription à l'ordre du jour et aux sessions extraordinaires, de manière que les choses soient tout à fait claires.

Il y aurait quelque contradiction de la part de nos collègues de l'UMP à prétendre que la disposition est anticonstitutionnelle et à ne pas voter l'amendement qui règle le problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Il n'est pas du tout certain que cet ajout règle le problème de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Nous avons auditionné ensemble le professeur Mathieu, qui a attiré notre attention sur les difficultés que soulève ce texte.

En dehors des autres aspects qui ont été soulignés, comme le fait qu'adopter une révision du règlement avant la loi dont elle constituerait la mesure d'application me paraissait déjà être une raison de rejeter cette proposition, on ne règle pas tous les problèmes de droit, à moins de priver de toute portée la proposition de résolution, que l'on ne pourrait alors plus opposer à une demande d'inscription à l'ordre du jour d'un texte n'ayant pas respecté la concertation préalable.

Mieux vaut en rester au protocole expérimental en vigueur, qui est un engagement politique fort.

La proposition de loi telle que nous l'avons amendée place la procédure en amont de l'examen en commission, pas formellement avant l'inscription à l'ordre du jour. En outre, elle concerne l'article L.1 du code du travail, qui impose l'existence d'une procédure dérogatoire pour l'urgence. Sur ces deux points, la rédaction du règlement qui est proposée est incompatible avec la proposition de loi. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienFadela Amara, secrétaire d'état chargée de la politique de la ville

Votre amendement, monsieur le rapporteur, prévoit que l'application de la procédure de concertation avec les partenaires sociaux se fera dans le respect des dispositions constitutionnelles relatives à l'inscription des textes à l'ordre du jour de votre assemblée. En d'autres termes, le dispositif que vous proposez vise à préserver le droit d'initiative des députés pour les propositions de loi.

Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer, je m'interroge en réalité sur la valeur ajoutée de votre résolution alors même que votre Conférence des présidents a adopté un protocole expérimental très explicite et très clair à ce sujet le 16 février dernier. Il est d'ailleurs prévu une évaluation de ce protocole avant le 30 septembre 2011.

Enfin, votre amendement soulève une question constitutionnelle qui fait toujours débat entre experts. Il serait donc inopportun de mettre l'accent sur ce point.

Pour cette raison, je suis défavorable à votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Je ne reviens pas sur la brillante démonstration de M. le rapporteur pour avis, mais l'existence même de cet amendement montre que M. Mallot lui-même n'est pas certain de la constitutionnalité de sa proposition de résolution. C'est ce qu'on appelle en langage un peu vulgaire mettre la ceinture et les bretelles. Nous devons donc évidemment rejeter la proposition de résolution et l'amendement.

(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Nous avons achevé l'examen de la proposition de résolution.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote communes et les votes, par scrutin public, sur la proposition de loi visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi et sur la proposition de résolution tendant à réviser le règlement de l'Assemblée nationale auraient lieu le mardi 22 juin, après les questions au Gouvernement.

Article unique

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l'accès des travailleurs étrangers à l'exercice de certaines professions libérales ou privées (nos 1450, 2594).

La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous allez être amenés à examiner aujourd'hui une proposition de loi, adoptée par le Sénat le 11 février 2009, visant à supprimer les conditions de nationalité concernant l'accès à l'exercice de certaines professions libérales.

Ce sont sept professions libérales qui sont concernées, quatre relevant du secteur médical au sens large : les médecins, les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes, pour la médecine humaine, les vétérinaires, pour la médecine animale, et trois relevant du secteur technique et du cadre de vie : les architectes, les géomètres-experts et les experts comptables.

Par l'intervention de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital, dite loi HPST, la mesure relative aux trois professions médicales – médecins, sages-femmes et chirurgiens-dentistes – a été introduite dans notre législation. Le texte que nous examinons aujourd'hui ne porte donc plus que sur la suppression de la condition de nationalité de quatre professions libérales : les vétérinaires, les géomètres-experts, les experts comptables et les architectes.

Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer devant la Haute assemblée, les auteurs de cette proposition de loi souhaitaient provoquer une réflexion générale sur la pertinence des règles qui imposent d'être ressortissant communautaire pour accéder à certaines professions libérales.

Ce débat est légitime, et la position du Gouvernement n'a pas varié sur ce point, mais le texte qui nous est proposé aujourd'hui présente malgré tout certaines limites.

Dans un premier temps, je rappellerai les termes du débat relatif aux conditions de nationalité. Je préciserai ensuite le cadre de la politique d'immigration professionnelle dans lequel s'inscrit la proposition de loi. Je donnerai enfin la position du Gouvernement sur l'extension à de nouvelles professions proposée par le rapporteur.

De manière générale, l'exercice des professions libérales couvertes par la proposition de loi est soumis à deux conditions. La première concerne la qualification, c'est-à-dire les diplômes et la formation, la seconde, qui est l'objet de cette proposition de loi, concerne la nationalité.

L'exercice de ces professions est tout d'abord soumis à la détention d'un titre ou d'un diplôme approprié. En application notamment de la directive européenne du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, la plupart des diplômes délivrés par les États de l'Union européenne pour l'exercice de professions comparables permettent de satisfaire à la condition de diplôme en France. De ce point de vue, il n'y a donc pas de problème.

L'exigence d'un diplôme français ou communautaire peut en outre être atténuée dans certains cas par des procédures de vérification des connaissances acquises. Le passage devant une commission ad hoc chargée d'examiner chaque demande individuelle est alors la procédure habituelle.

S'agissant maintenant du critère de nationalité, il ne contraint pas l'accès des professions concernées aux ressortissants communautaires : il ne s'applique pas à eux, conformément au droit européen. La question de la nationalité se pose dès lors pour les seuls ressortissants extracommunautaires.

La proposition de loi votée au Sénat propose de supprimer les barrières liées à cette condition de nationalité pour un certain nombre de professions, tout en maintenant les conditions d'accès à ces professions tenant à la qualification.

Du point de vue de notre politique d'immigration, la position du Gouvernement sur la proposition de loi peut être ainsi résumée : l'objectif de ses auteurs est légitime, mais la réflexion qui sous-tend leur démarche nécessite d'être approfondie.

L'intention est louable, et il n'apparaît absolument pas illégitime – bien au contraire – de s'interroger sur la suppression des conditions de nationalité qui restreignent l'accès des étrangers extracommunautaires à l'exercice de certaines professions, dès lors qu'ils disposent d'un diplôme français.

La démarche n'est d'ailleurs pas incompatible avec les axes de la politique menée par le ministre de l'immigration : la promotion de l'immigration professionnelle, d'une part, et l'intégration par le travail des immigrés en situation régulière, d'autre part. Le Gouvernement note par ailleurs que la proposition de loi ne remet pas en cause les règles applicables aux ressortissants extracommunautaires en matière d'entrée et de séjour sur le territoire ; les conditions de délivrance et de renouvellement des titres de séjour et des autorisations de travail restent parfaitement inchangées.

Toutefois, la réflexion qui sous-tend la démarche des auteurs de la proposition nécessite, pour le Gouvernement, un approfondissement, car, comme je l'ai indiqué au Sénat, elle me paraît insuffisamment aboutie.

Tout d'abord, le Gouvernement est préoccupé par l'absence de prise en compte des risques réels de fuite des cerveaux pour les pays en développement.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

C'est un point important, qu'il faut garder à l'esprit.

Ce que j'avais rappelé devant le Sénat, je le réaffirme devant vous : la politique d'immigration de notre pays doit être équilibrée. Or l'un des éléments majeurs de cet équilibre, c'est la prise en compte, au même titre que les capacités d'accueil de notre pays et ses besoins en main-d'oeuvre qualifiée, de l'intérêt des pays d'origine. Respecter les besoins en main-d'oeuvre très qualifiée des pays d'émigration paraît indispensable pour assurer leur développement. Sans cette prise en compte, la notion même de développement solidaire resterait lettre morte.

Le ministre Brice Hortefeux, lorsqu'il était en charge de cette politique, a mené une politique d'accords bilatéraux de gestion concertée entre la France et nombre de pays d'émigration, accords qui ont vocation à satisfaire les besoins des deux parties : la formation de leurs étudiants est assurée par la France mais destinée à ce que ces étudiants formés puissent exercer leur métier dans leur pays d'origine. L'ensemble de ces accords apparaissent exemplaires.

Par ailleurs, et surtout, aucune étude d'impact préalable permettant d'apprécier la portée de la proposition de loi n'a été réalisée. Votre rapport, monsieur le rapporteur, est certes très intéressant, mais une étude d'impact aurait dû être conduite préalablement pour nous permettre d'apprécier cette proposition de loi. Compte tenu des implications potentielles d'une telle évolution, il conviendrait en effet de disposer d'évaluations précises des besoins de main-d'oeuvre dans les professions concernées par ce texte sur les territoires français et dans les pays d'émigration.

Il paraît difficile de faire évoluer la législation sur ces sujets, potentiellement lourds de conséquences pour les professionnels concernés, sans envisager les impacts économiques et sociaux qui en résulteraient. Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, la nécessaire préservation de l'équilibre entre l'intérêt de notre pays et celui des pays d'émigration doit aussi guider la réflexion du législateur.

J'en viens aux amendements déposés sur ce texte, qui visent à étendre cette proposition, initialement consacrée à quelques professions libérales réglementées, à d'autres activités de service, comme celles des entreprises exploitant un débit de boissons à consommer sur place ou des entreprises de pompes funèbres, ainsi qu'à la fonction publique.

Comme le rapporteur l'a rappelé dans son rapport, la liste des professions pour lesquelles l'accès demeure subordonné à des conditions de nationalité est encore importante. Cette liste, parce qu'elle est importante, nécessite un examen au cas par cas afin de vérifier que les conditions qui ont, à un moment donné, justifié une restriction ont suffisamment évolué pour proposer d'abandonner cette restriction.

Pour certaines professions, la loi exige – je m'y arrête un instant pour vous faire toucher du doigt certaines difficultés pouvant survenir faute d'une analyse approfondie – que les antécédents pénaux du professionnel souhaitant exercer soient connus. Or il est évident que tous les pays extracommunautaires n'offrent pas les mêmes garanties en matière de capacité à fournir les éléments d'antécédents pénaux de leurs ressortissants. Ce n'est pas leur faire injure que de le reconnaître. Si nous devions renoncer à cette condition, cela conduirait à une pénalisation à rebours des communautaires et en particulier de nos compatriotes, dont les antécédents pénaux sont connus.

De même, il est parfois légitime de maintenir des conditions de réciprocité pour garantir un traitement non discriminatoire à nos propres ressortissants. À défaut de cette réciprocité, nos ressortissants seraient défavorisés dans les pays d'émigration en question.

Cet exemple, parmi d'autres, illustre le fait que les conséquences d'une ouverture doivent être bien appréhendées avant d'ajouter de nouvelles professions ou de nouvelles activités à la liste résultant de cette proposition de loi.

C'est la raison pour laquelle, dans un souci de pragmatisme, le Gouvernement s'en tiendra à la position qu'il avait adoptée en février 2009, lors de l'examen de la proposition de loi par la Haute assemblée, en s'en remettant à la sagesse des parlementaires. À ce stade de la réflexion, il émettra un avis défavorable sur les amendements visant à élargir le champ d'application du texte.

J'ai bien conscience que cette position ne satisfera pas les auteurs de la proposition de loi, mais je voudrais attirer leur attention sur le point suivant : en l'absence d'études prospectives, nous pourrions déclencher un appel d'air d'étrangers venant faire des études en France dans le but principal de s'y installer. Cela doit être mis en regard tant de la situation de notre marché de l'emploi que des besoins correspondants dans les pays d'origine.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Par ailleurs, comme vous le savez, le Parlement examinera à la rentrée un projet de loi relatif à l'immigration qui permettra d'envisager de manière plus globale les conditions d'accès aux emplois.

Mesdames, messieurs les députés, vous l'aurez compris, le Gouvernement est attentif à votre proposition, mais il estime que sa mise en oeuvre suppose à la fois des études d'impact, qui nous manquent à l'heure où nous débattons, et qu'elle devrait s'opérer dans le cadre plus large de la politique concertée que nous construisons avec les partenaires à part entière de l'immigration choisie que sont les pays en développement.

Ayant rappelé l'intérêt des questions soulevées par la proposition de loi, mais également les réserves de méthode qu'elle inspire, le Gouvernement, je le répète, s'en remettra à la sagesse de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Monsieur le secrétaire d'État, même si vous avez choisi d'intervenir avant que je ne présente mon rapport sur cette proposition de loi – et c'est votre droit le plus strict –, je souhaite que nous puissions avoir un véritable échange au cours de ce débat.

Mes chers collègues, le sujet qui nous réunit aujourd'hui, relatif aux emplois fermés aux ressortissants non-européens dans notre pays, est hautement symbolique. Il a fait l'objet l'an passé, au Sénat, d'un débat et d'un vote consensuels, c'est-à-dire, in fine, de l'adoption d'un texte à l'unanimité.

Eu égard à la convergence de vues des sénateurs et à la relative bienveillance dont le Gouvernement avait fait preuve en février 2009, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a souhaité permettre à la proposition de loi initialement déposée par Mme Bariza Khiari au Sénat de poursuivre son parcours législatif en l'inscrivant à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Je regrette que le climat de nos travaux en commission des lois, la semaine dernière, ait été bien différent de celui qui avait régné lors des débats de nos collègues de la Haute assemblée. En effet, à la différence de leurs homologues sénateurs, les députés UMP de la commission des lois ont refusé de laisser à ce texte la possibilité d'aboutir, ne serait-ce que dans son champ premier d'application qui, comme l'un d'entre vous l'a souligné, et je l'en remercie, est assez équilibré.

Une partie de la majorité de l'Assemblée nationale a ainsi justifié son opposition par quelques arguties pour le moins surprenantes, certains critiquant le contenu d'un texte sans visiblement avoir pris le temps d'un examen sérieux et rigoureux. Fort heureusement, leurs déclarations figurent au procès-verbal de la commission, ce qui en laissera un témoignage pour la postérité.

D'autres ont regretté, comme le secrétaire d'État vient de le faire à l'instant, l'absence d'étude d'impact. Je tiens à leur rappeler qu'à cet égard, toutes les propositions de loi, y compris celles émanant de la majorité, sont logées à la même enseigne. Cela dit, on peut considérer que le rapport du sénateur Charles Gautier et celui que j'ai rédigé, avec l'aide des administrateurs de notre commission des lois, sont au moins équivalents à une étude d'impact.

Je précise par ailleurs que la présentation en commission des lois a respecté à la lettre nos procédures. M. le président de la commission m'en a d'ailleurs donné acte, et je l'en remercie. Nos procédures veulent en effet qu'un texte examiné au Sénat nous parvienne sans l'exposé des motifs préliminaire qui permet d'en saisir la philosophie.

J'ajoute qu'un document destiné à éclairer nos échanges, précis et détaillé, avait été adressé aux commissaires aux lois plusieurs jours avant la réunion de la commission, conformément aux prescriptions de notre règlement. Il est vrai que cela a été fait par la seule voie électronique, mais je ne pense pas que l'outil numérique soit un obstacle au fait que nos collègues de la majorité puissent se saisir d'un texte au fond.

Certains collègues du groupe UMP se sont aussi livrés à des interprétations diverses de l'intitulé de la proposition de loi ; ils y ont vu une remise en cause de l'ensemble des professions réglementées, alors que tel n'est assurément pas son objet. Afin que personne ne se méprenne sur la portée du texte adopté par le Sénat, je rappelle qu'il concerne seulement sept professions libérales ou privées : celles de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, vétérinaire, géomètre-expert, architecte et expert-comptable. Si, rapportant ce texte, j'ai choisi avec mes collègues du groupe SRC d'en étendre l'objet, libre à mes collègues de l'UMP et du Nouveau centre qui souhaitent un vrai débat d'en accepter une partie plutôt que de repousser l'ensemble.

Je précise également qu'il s'agit de lever des conditions de nationalité à qualification égale reconnue par les professions françaises. Cela permettrait, par exemple, à un médecin étranger ayant étudié en France, titulaire d'un doctorat de médecine français, d'exercer de plein droit alors qu'il ne peut le faire aujourd'hui

D'autres collègues de la majorité ont demandé que la réflexion soit encore approfondie, et le secrétaire d'État vient de reprendre cet argument. Approfondir le sujet : j'ai la faiblesse de croire que c'est justement ce que je me suis déjà efforcé de faire, après tout le travail déjà accompli au Sénat, au cours des semaines qui ont précédé nos débats. C'est encore ce à quoi je suis prêt aujourd'hui, pour ce qui concerne chacune des professions citées. J'espère que, du côté de la majorité et du Gouvernement, il en sera de même.

Enfin, certains collègues de la majorité ont choisi une logique de fermeture absolue. Je leur reconnais une constance dans le raisonnement, même si, bien entendu, je ne le partage pas. Ils lient étroitement condition de nationalité et possibilité d'exercer une profession. Cette vision me paraît en partie décalée et datée par rapport au monde du travail tel qu'il est aujourd'hui en France – sans qu'il s'agisse, bien entendu, de piller les ressources des pays d'émigration. Si je ne peux que regretter que cette ligne dure l'ait emporté en commission des lois, j'espère encore qu'il en sera autrement aujourd'hui.

Au cours des dernières semaines, j'ai procédé à l'audition de quelque quarante-trois personnes, et j'ai écouté attentivement l'ensemble des professions directement concernées, ainsi que celles susceptibles de l'être par voie d'amendement. J'aurais aimé que ceux qui tentent de faire croire à un débat hâtif aient pris la peine de venir assister à ces auditions, comme ils en avaient la possibilité, puisque le programme de celles-ci leur avait été adressé.

Mais le rapport que je vous propose étant aujourd'hui publié, ce débat de forme est derrière nous. Pour aller au plus important, donc, c'est-à-dire au fond du texte, dont chacun s'accordera à reconnaître le champ d'application restreint, il me semble indispensable de rappeler un certain nombre de faits tangibles.

Actuellement, à qualification égale, une dizaine de professions restent soumises, pour leur exercice en France, à une condition de nationalité française. Cette situation se justifie dans la plupart des cas par l'exercice de prérogatives de souveraineté et de puissance publique, mais pas toujours. En effet, relèvent encore de cette catégorie, en totale contradiction avec nos obligations communautaires, les membres des comités de rédaction d'une édition de publications destinées à la jeunesse et les directeurs de société coopérative de messagerie de presse.

Un peu plus d'une vingtaine d'autres professions libérales et privées demeurent ouvertes aux seuls Français et ressortissants d'États membres de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. Tous les secteurs sont concernés, qu'il s'agisse des professionnels de santé – dont la condition de nationalité a récemment été assouplie par vous-mêmes, chers collègues de la majorité, à l'occasion de la loi HPST proposée par Mme Bachelot, dans un sens proche de celui de la proposition de loi – ou de professions du droit, d'activités liées au tourisme et aux loisirs, ou encore d'activités commerciales spécialisées, comme la vente de tabac et de boissons.

Enfin, l'exercice de moins d'une dizaine de professions libérales ou privées est ouvert aux étrangers non européens sous réserve d'une réciprocité à l'égard des Français dans leurs États d'origine. Se trouvent notamment régies par ce mécanisme des professions importantes comme celles d'avocat, d'architecte, de médecin et de pharmacien, d'expert-comptable et de commissaire aux comptes.

Bien souvent, les règles qui fondent de telles discriminations, car il s'agit bien de discriminations mêmes si elles sont légales, sont l'héritage ou la réminiscence de moments troublés et sombres de notre histoire, liés à un contexte de protectionnisme ou de xénophobie exacerbés. D'autres règles encore, sans bien sûr que je fasse de parallèle entre les périodes, ont été mises en place au moment de la Libération, afin de contrôler les déplacements de main d'oeuvre.

Du point de vue juridique, il est permis de s'interroger sur la solidité d'un tel édifice normatif, tout particulièrement depuis l'entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité. Si le législateur n'y met pas bon ordre, le Conseil constitutionnel pourrait se pencher sur la question.

Il est notable que sa première censure, le 28 mai dernier, dans le cadre de cette nouvelle procédure ait porté sur un sujet différent mais néanmoins lié : la rupture d'égalité entre anciens combattants français et anciens combattants étrangers issus des anciennes colonies en matière de pensions versées par l'État.

Dans le même temps, et je m'en félicite, pour ce qui concerne les chambres consulaires – chambres des métiers et chambres de commerce et d'industrie –, le Conseil d'État, pour les premières, et un projet de loi en cours de discussion, pour les secondes, permettent aux étrangers non européens d'être électeurs et éligibles.

D'après les études menées par le cabinet Bernard Brunhes Consultants en 1999 et, en 2000, par le groupe d'étude sur les discriminations, au total près de 600 000 emplois privés seraient fermés aux étrangers qui ne sont pas ressortissants d'États membres de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. Cette estimation apparaît encore pertinente aujourd'hui au regard de l'actualisation que je me suis efforcé d'opérer.

Je ne peux omettre de souligner qu'à ces professions privées fermées s'ajoute le cas particulier de la fonction publique, avec plus de 5 millions de postes au total, et du secteur public, qui compte environ un million d'emplois statutaires. Il s'agit, bien entendu, de conditions de nationalité ne portant que sur le statut de ces emplois et non, bien souvent, mais nous y reviendrons, sur les fonctions exercées.

Si les grandes lois de 1983, 1984 et 1986 ont maintenu la condition de nationalité française pour l'accès aux trois fonctions publiques, le législateur a d'ores et déjà introduit des brèches dans ce principe.

Tout d'abord, il a autorisé l'accès des étrangers extracommunautaires à certains emplois précis de fonctionnaires, comme les enseignants-chercheurs, sans que personne y trouve à redire.

Ensuite, avec la loi du 26 juillet 1991, il a ouvert aux ressortissants des pays de l'Union européenne la possibilité d'accéder aux corps, cadres d'emplois et emplois dont les attributions sont séparables de la souveraineté ou ne comportent aucune participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'État et des autres collectivités publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

La distorsion qui subsiste à l'égard des étrangers en situation régulière pose une question de principe et représente un enjeu d'intégration. En effet, les étrangers sont cantonnés à des statuts de contractuels précaires, alors même que, bien souvent, ils remplissent des fonctions similaires à celles exercées par les nationaux et les Européens sous statut.

Une évolution apparaît d'autant plus souhaitable que, dans le secteur public, les choses ont sensiblement évolué depuis 1999. En décembre 2002, il y a déjà huit ans, la RATP a unilatéralement aboli la condition de nationalité qui présidait à ses recrutements. Résultat : alors que les étrangers non communautaires représentaient 1 % des recrutements de l'entreprise en 2003, cette proportion a dépassé les 5 % en 2009. Ne menons pas des combats d'arrière-garde !

Toutefois, il convient d'admettre que l'exemplarité de la RATP n'est pas la règle générale dans le secteur public. À cet égard – et cela relève de votre responsabilité, monsieur Novelli – la SNCF constitue l'un des derniers bastions publics des emplois pleinement statutaires fermés aux étrangers. Il apparaît hautement souhaitable qu'un changement puisse intervenir sur ce point, ce à quoi ne semblent opposées ni la direction, ni les principales organisations syndicales de l'entreprise. C'est en tout cas ce qui ressort des auditions que j'ai pu mener.

Fort de ces constats, j'avais déposé des amendements en commission des lois visant à améliorer le contenu de la proposition de loi. Ils étaient notamment liés à des évolutions intervenues entre-temps du fait du Gouvernement lui-même, telle l'adoption de la loi HPST du 21 juillet 2009. J'avais aussi déposé des amendements ayant pour ambition d'élargir le champ d'application du texte.

La majorité a décidé d'y opposer une fin de non-recevoir globale ; c'est assez regrettable. Regrettable d'abord quant au fond de ce nous proposons, et j'inclus dans ce « nous » les sénateurs de la majorité qui s'y étaient associés. Regrettable également car j'ai la faiblesse de penser que si les mêmes propositions que celles votées au Sénat avaient été présentées par un député de la majorité, elles auraient pu avoir un avenir meilleur en commission.

Il nous reste donc, ce n'est pas rien, ce débat dans l'hémicycle pour faire avancer le sujet et ne pas donner, une fois de plus, l'image d'une France crispée et repliée sur elle-même, voyant tout étranger comme un problème plutôt que comme un atout permettant à l'ensemble du pays de progresser.

En effet, je crois que ce débat mérite mieux que les échanges que nous avons eus jusqu'à présent. Le Sénat, en première lecture, a fait un travail de qualité, de sorte que notre assemblée est appelée aujourd'hui à se prononcer sur des dispositions pertinentes. S'il n'est pas possible de nous rejoindre sur l'ensemble des amendements, il me semble que nous pourrions au moins nous entendre sur les dispositions adoptées par les sénateurs, dont les professions concernées se satisfont : je tiens à le préciser.

Cela montrerait non seulement que notre assemblée est capable de s'accorder sur une question importante pour l'intégration des étrangers en France, mais aussi que la journée d'initiative parlementaire réservée à l'opposition peut avoir une quelconque utilité, au-delà de l'affichage médiatique d'une ouverture.

Ce message aurait aussi un intérêt dans les quartiers populaires où vivent de nombreux résidents étrangers, mais aussi beaucoup de citoyens français nés de parents étrangers. Ils connaissent les uns comme les autres des discriminations liées à leur couleur de peau, à leur religion réelle ou supposée, à leur sexe, et même parfois à leur adresse, et ce quelle que soit leur nationalité. Cette avancée aurait ainsi une valeur d'exemplarité pour les enfants français de parents étrangers, qui verraient les compétences de ces derniers pleinement reconnues.

Enfin, je sais, comme nous tous ici, que la République exemplaire à laquelle s'était engagé Nicolas Sarkozy va se traduire par la disparition de fait d'autorités indépendantes : je veux parler de la HALDE, du Défenseur des enfants et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Elles sont regroupées, elles ne disparaissent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Ce travail l'a conduite, le 30 mars 2009, à prendre une délibération visant à supprimer les conditions de nationalité liées à tous les emplois, dès lors qu'ils ne recouvrent pas de prérogatives de puissance publique ou ne sont pas liés à l'exercice de la souveraineté nationale.

L'occasion nous est fournie d'emprunter cette voie et d'établir une règle simple, précise, claire et légitime : tout emploi n'incluant pas l'exercice de ce type de prérogative doit être exempt de condition de nationalité. C'est également le sens du droit européen, notamment de la directive du 25 novembre 2003. Cela permettrait aussi de se mettre pleinement en conformité avec l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui appelle à ne distinguer dans l'accès à l'emploi qu'en fonction des talents et des vertus de chacun.

Aussi, même sans aller aussi loin aujourd'hui, j'espère que, comme au Sénat, nous pourrons faire ensemble un pas en direction de quelques professions libérales ou privées ; un pas qui sera jugé sans doute important par les uns, insuffisant par les autres, mais un pas dans la bonne direction plutôt qu'un sur-place qui serait préjudiciable à notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 11 mai dernier, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité une résolution, proposée par le groupe UMP, rappelant son attachement au respect des valeurs de la République. Puisant aux sources de l'histoire de la République, cette résolution rappelle l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Elle rappelle également l'article 1er de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, article qui affirme solennellement que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », au lendemain de la Seconde guerre mondiale et de la Shoah, dans un monde qui venait d'apprendre au prix de 60 millions de morts ce qu'entraînent la xénophobie, le racisme, le nationalisme.

Cette résolution rappelle aussi la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, qui interdit toute discrimination, ainsi que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 novembre 2000, qui stipule dans son article 20 que « toutes les personnes sont égales en droits ». Toutes les personnes sont égales en droits, et non pas tous les communautaires, ou tous les Français.

Cette résolution, adoptée à l'unanimité, réaffirme en son alinéa 11 que « le principe d'égalité et la lutte contre toute forme de discrimination sont au coeur de notre ordre juridique et notre projet de société ». En son alinéa 16, la résolution propose que « la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité […] soient une priorité des politiques publiques menées en matière d'égalité des chances, en particulier au sein de l'éducation nationale ».

Si je fais ce rappel de trois siècles d'histoire, c'est pour que chacun ici se souvienne que, décidément, la préférence nationale n'est pas républicaine, je dirai même n'est pas française.

Le 11 mai dernier, la représentation nationale a ainsi jugé comme relevant du désordre la persistance dans notre droit de dispositions surannées et parfaitement discriminatoires. Il y a un mois, monsieur Mariani, monsieur Bodin, vous avez solennellement souhaité avec vos collègues de l'UMP que la lutte contre les discriminations soit une priorité. Eh bien, vous voilà exaucés par Daniel Goldberg et le groupe SRC !

En effet, dans son remarquable et passionnant rapport, Daniel Goldberg rappelle qu'aujourd'hui les étrangers non communautaires sont massivement victimes de discriminations : un tiers des emplois leur sont interdits. Il était temps d'y mettre bon ordre. Si l'on peut comprendre que l'accès à des emplois effectivement liés à l'exercice de la sûreté, de la sécurité ou de la souveraineté nationale soit conditionné par l'allégeance et donc la nationalité, cela ne représente en aucun cas une masse de 7 millions d'emplois.

Nos collègues sénateurs ont ainsi unanimement décidé de commencer modestement à remettre un peu d'ordre et de rationalité, en supprimant les conditions de nationalité qui restreignent encore aujourd'hui sans la moindre justification l'accès des travailleurs étrangers à l'exercice de certaines professions libérales ou privées. Monsieur le secrétaire d'État, vous venez de rappeler la portée de cette proposition de loi adoptée à l'unanimité au Sénat, qui concerne 7 professions, et ne remet absolument pas en cause les réglementations qui leur sont afférentes.

C'est un modeste mais bon début, puisque le champ couvert par la proposition de loi adoptée au Sénat ne concerne que 2,8 % de l'emploi en France, alors que les étrangers sont exclus de 30 % des emplois. On souligne leur taux de chômage, qui serait supérieur à la moyenne, alors qu'un tiers des emplois leur est interdit d'accès.

Depuis l'adoption de cette proposition de loi au Sénat, la loi Hôpital, patients, santé et territoires est venue corriger un certain nombre d'irrégularités de situation qui concernaient les professionnels de santé. Il y a eu quelques oublis, qui seront corrigés par des amendements du groupe socialiste.

Notre groupe est parfaitement d'accord avec la proposition de loi adoptée par le Sénat, mais souhaite mettre davantage d'ordre et, au lieu de se contenter des 2,8 % d'emplois, il propose que la résolution de l'Assemblée du mois dernier soit effectivement mise au coeur des politiques publiques. Nous avons donc décidé de nous attaquer à cette immense discrimination dont sont victimes les étrangers non communautaires en France, en soumettant à l'Assemblée plusieurs amendements qui sont conformes aussi bien à la délibération de la HALDE du 30 mars 2009…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…qu'au droit communautaire. Sont concernés les débits de boissons, les pompes funèbres, les directeurs de coopérative de messagerie de presse et les comités de rédaction de publications destinées à la jeunesse. Mais nous proposons aussi, et cela pourrait faire l'objet d'un débat, que les emplois statutaires des trois fonctions publiques soient ouverts aux étrangers non communautaires résidant depuis cinq ans en France, après avis des organisations représentatives des fonctionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

J'ai bien entendu les objections avancées par nos collègues de l'UMP lors de l'examen de cette proposition en commission des lois la semaine dernière.

Il y a ceux – je me demande dans quel monde ils vivent –, qui considèrent que pour avoir accès à l'emploi en France, il faut être national. En dehors du fait que ce n'est pas vrai pour deux tiers des emplois, imaginez que ce critère s'applique à tous ceux de nos compatriotes qui vivent et travaillent à l'étranger. Nous avons besoin d'expatriés qui se lancent à l'assaut des marchés extérieurs, et il est souhaitable qu'il y en ait encore davantage demain pour rétablir notre balance commerciale, qui en a bien besoin. Imaginez, donc, qu'on leur demande de prendre la nationalité du pays dans lequel ils travaillent. Ce serait ridicule, et vous ne le souhaiteriez pas, j'en suis sûr. Ce serait comme demander que la moitié des joueurs de l'équipe de France prennent la nationalité du pays où ils exercent habituellement leurs talents. Alors, on se priverait d'Anelka, de Ribéry, de Diaby, d'Evra, de Squilacci…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

C'est comme si le Cameroun avait demandé à Paul Le Guen, qui entraîne la sélection nationale du Cameroun, de prendre la nationalité camerounaise. Souhaitez-vous que Paul Le Guen renonce à sa nationalité ? Je ne le crois pas, et nous ne le souhaitons pas plus.

Vous évoquez souvent la réciprocité. C'est un vrai sujet, mais la réciprocité se fait dans le cadre d'accords bilatéraux, et c'est extrêmement compliqué. Thierry Mariani a souvent pointé le nombre et l'extraordinaire complexité, qui aboutit à une extraordinaire inefficacité, des clauses dérogatoires, des exceptions, des exclusions. Je crois qu'il ne faut pas rechercher la réciprocité, mais s'orienter vers des accords multilatéraux, des conventions internationales pour protéger les droits des travailleurs migrants. Il se trouve qu'une convention de l'ONU existe à ce sujet. Bizarrement, ni la France ni aucun des pays de l'Union européenne ne l'a ratifiée. Nous proposons de sécuriser nos nationaux et les étrangers non communautaires qui souhaitent travailler à l'étranger, et de réfléchir à la manière d'assurer la réciprocité universelle en signant cette convention.

Enfin, il y a le subtil argument de la fuite des cerveaux.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Pas subtil, réel !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Éviter la fuite des cerveaux pour aider au développement de nos partenaires, pays moins avancés ou pays émergents, n'est absolument pas la marque de la politique européenne en matière d'immigration. Ce n'est certainement pas non plus la marque de la directive « carte bleue européenne » à laquelle vous faisiez allusion, monsieur le ministre, qui sera transcrite en droit français dans le texte que vous nous annoncez pour l'automne. Je vous remercie d'ailleurs de nous préciser le calendrier d'examen de ce projet de loi de M. Besson.

Lorsqu'on examine la réalité de l'impact de ce qu'il est convenu d'appeler improprement la « fuite des cerveaux », on se rend compte que les pays émergents ont émergé parce qu'une part de leurs nationaux qualifiés travaillent à l'étranger. Tout est question de taux. Quand 10 à 15 % des diplômés d'un pays travaillent à l'étranger, c'est bon et cela accompagne le décollage de ce pays. Il ne s'agit donc pas de fuite des cerveaux, mais de coopération, d'accompagnement et de circulation des personnes. En revanche, quand 80 % des diplômés s'expatrient, comme c'est le cas en Haïti, c'est une catastrophe. Pourtant, rien, dans les politiques européennes ou françaises, ne contribue à définir un taux à l'échelle internationale ou un dédommagement pour les pays dont nous pillons les cerveaux. Nous pourrions mener une réflexion intéressante à ce sujet.

Enfin, les politiques de co-développement du Gouvernement ne visent aucunement à utiliser les personnes qualifiées de manière intelligente. J'en veux pour preuve le caractère famélique des programmes d'aide au retour des migrants, qui concernent très peu de personnes. Quant à l'OFII, il n'a pas les moyens d'accompagner le développement d'entreprises créées ici et installées dans les pays d'origine. Bref, qu'il s'agisse d'endiguer la fuite des cerveaux ou de faire profiter de manière équitable l'ensemble de l'humanité des compétences acquises en France et ailleurs, ces préoccupations me paraissent tout à fait étrangères aux priorités de la politique du ministre Éric Besson et du Gouvernement.

Soyons modestes mais ambitieux, et appliquons les résolutions que nous avons votées à l'unanimité. Pour cette raison, je suis certaine, mes chers collègues, que vous voterez la proposition de loi et les amendements présentés par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi émanant du groupe socialiste du Sénat a le mérite d'ouvrir un débat sur la pertinence du maintien dans notre droit positif de règles qui imposent d'être ressortissant français ou communautaire pour accéder à certaines professions libérales.

De toute évidence, ce texte pose la question de notre politique d'immigration professionnelle, et la démarche est intéressante. Il existe en effet de nombreuses professions dont l'accès est difficile ou impossible aux étrangers. Deux niveaux de restriction peuvent être distingués dans le droit actuel : la condition de nationalité et la condition de qualification.

La condition de nationalité est celle dont l'effet est le plus direct sur l'accès à certaines professions. Le plus souvent, les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen n'y sont pas soumis. Notre législation ainsi que plusieurs dispositions réglementaires comportent actuellement des restrictions à raison de la nationalité pour une quarantaine de professions libérales ou privées, dont une dizaine restent soumises à une condition de nationalité uniquement française.

Les emplois fermés aux étrangers se dénombrent avant tout dans le secteur public. Les postes de titulaire dans les trois fonctions publiques – d'État, hospitalière et territoriale – sont interdits aux étrangers non communautaires et représentent près de 5,2 millions d'emplois. Dans les faits, les règles sont souvent contournées. Ainsi, des étrangers non communautaires exercent également au sein des fonctions publiques, par exemple des enseignants ou des médecins ayant un statut de contractuel. Quant aux professions libérales, leurs statuts contiennent le plus souvent des procédures permettant d'admettre, au cas par cas, des étrangers non communautaires au sein de l'ordre concerné.

S'agissant de la condition de diplôme et de formation, la réglementation européenne invite désormais, en vertu de la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, à reconnaître comme ayant une valeur équivalente à celle des diplômes nationaux les diplômes des ressortissants communautaires délivrés par les universités de leur pays d'origine et à leur assurer la liberté d'exercice de la fonction à laquelle leur diplôme ouvre droit.

À l'extérieur de l'Union européenne, l'exigence d'un diplôme français ou communautaire peut, dans certains cas, être atténuée par des procédures de vérification des connaissances acquises. Le passage devant une commission ad hoc chargée d'examiner chaque demande individuelle est alors la procédure habituelle.

La présente proposition de loi – qui a été adoptée par le Sénat avec de substantielles modifications par rapport au texte d'origine – maintient les conditions d'accès aux professions concernées tenant à la qualification, mais vise à assouplir les conditions de nationalité posées pour l'exercice de sept professions : quatre relèvent du secteur médical ou paramédical – médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et vétérinaires –, les trois autres étant les géomètres-experts, les architectes et les experts-comptables.

Le groupe UMP est sensible à la nécessité de promouvoir dans toute la mesure du possible l'intégration des immigrés par le travail, qui constitue, nous le savons, le vecteur le plus puissant d'insertion dans la société. Il peut donc paraître légitime de s'interroger sur la suppression des conditions de nationalité qui subsistent encore dans certains domaines de notre droit et restreignent l'accès des travailleurs étrangers à l'exercice de certaines professions libérales, en particulier lorsque les travailleurs concernés ont fait leurs études en France.

Toutefois, cette proposition de loi aurait dû s'accompagner d'études d'impact plus détaillées, permettant d'en mieux mesurer la portée. Nous sommes actuellement dans l'impossibilité d'évaluer les conséquences exactes de son adoption et c'est la raison pour laquelle la commission des lois a décidé de rejeter ce texte. Avant toute chose, il serait préférable de procéder à une évaluation prospective préalable de nos besoins dans les différents secteurs d'activité concernés. Si nous voulons faciliter l'accès des étrangers non communautaires aux professions libérales réglementées, il nous faut inscrire notre démarche dans une politique d'immigration d'ensemble, fondée sur des évaluations à court, moyen et long terme de nos besoins de main-d'oeuvre et de nos capacités d'accueil, en concertation avec les pays d'émigration.

Cette politique doit être en rapport étroit avec les besoins et les capacités d'accueil de notre pays. C'est la condition d'une bonne intégration et d'une bonne insertion dans l'emploi. Elle doit tenir compte de l'intérêt de la France, certes, mais aussi de celui des pays d'origine. Ainsi, nous devons veiller à ne pas gêner leur développement en favorisant ce que l'on appelle la « fuite des cerveaux ». Les personnes étrangères qui ont effectué leurs études en France, avec le soutien financier de leur pays d'origine, doivent faire profiter celui-ci des connaissances et de la formation qu'ils ont acquises dans notre pays. Je suis à cet égard très étonné que nos collègues de gauche, qui prônent l'aide au développement, soutiennent un texte qui peut aller à l'encontre du développement de certains pays.

Pour être comprise et acceptée par nos concitoyens et être conforme à l'intérêt général, la politique d'immigration de la nation doit être équilibrée. C'est tout le sens de la notion d'immigration choisie que le Gouvernement met en oeuvre, sous l'impulsion du Président de la République.

Parmi les nombreuses réserves émises lors de l'examen de ce texte en commission des lois, l'absence de condition de réciprocité a par ailleurs été plusieurs fois évoquée.

Le groupe UMP estime donc préférable que nous reportions l'examen de cette proposition de loi, quel que soit l'intérêt de son contenu, afin de travailler préalablement avec des membres de la majorité à l'élaboration d'un texte cohérent, dont chaque disposition aura été étudiée avec soin. Nous ne souhaitons pas examiner à la va-vite des dispositions d'une grande approximation, qui ont des conséquences importantes sur la fonction publique et sur certaines professions libérales.

En conséquence, le groupe UMP votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte est sympathique (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), symbolique, sans importance. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous pouvez le voter, comme l'a fait le Sénat : il aura peu d'impact. En effet, la proposition de loi adoptée par le Sénat, qui est composée de cinq articles, se contente d'assouplir les conditions de nationalité posées pour l'exercice de sept professions : médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, vétérinaire, géomètre expert, architecte et expert-comptable.

Néanmoins, je voterai résolument contre ce texte,…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

…car, sous des dehors sympathiques, ses auteurs veulent mettre un pied dans la porte. Au reste, je reconnais que le groupe socialiste, notamment son rapporteur et sa principale oratrice, a l'honnêteté de dire jusqu'où il veut aller.

Je voterai contre cette proposition de loi pour trois raisons : l'une tient à la forme, les deux autres au fond.

Tout d'abord, ainsi que l'a très bien dit M. le secrétaire d'État, ce texte est insuffisamment abouti, puisque, Claude Bodin l'a rappelé, il n'est assorti d'aucune étude d'impact. Or, les professions visées représentant un nombre d'emplois important, les conséquences des mesures envisagées méritent d'être étudiées. La France mène une politique d'immigration choisie, ce qui signifie que notre pays est ouvert aux travailleurs immigrés, mais pour les métiers en tension. Les professions concernées par le texte le sont-elles ? Je n'en suis pas persuadé. J'ajoute que, si, en France, nous manquons de chirurgiens-dentistes, de vétérinaires ou d'architectes, il me semble préférable d'ouvrir les numerus clausus afin qu'un plus grand nombre d'étudiants puissent être formés dans notre pays, plutôt que de solliciter les étrangers pour qu'ils viennent exercer ces professions chez nous.

L'impact de ce texte aurait donc mérité d'être mesuré : telle est la raison de forme pour laquelle je m'oppose à cette proposition de loi. Quant aux deux raisons de fond, elles sont primordiales.

Quel est le raisonnement du groupe SRC ? Certes, comme le rapporteur et Sandrine Mazetier nous l'expliquent, les étrangers concernés ont fait leurs études en France. Mais les études de médecine ou d'architecture sont longues ; les étudiants vivent donc plusieurs années sur notre territoire. Or la France est le pays d'Europe dont le droit d'acquisition de la nationalité est le plus généreux : on peut devenir français au bout de quatre ans par mariage et au bout de cinq ans par résidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Un étranger qui a fait ses études en France peut donc acquérir très facilement la nationalité française.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Je respecte la décision de la personne qui réside en France depuis dix ans et préfère garder sa nationalité ; c'est un choix respectable. Mais elle doit assumer ce choix. Elle n'est pas victime de discrimination, monsieur le rapporteur : si elle veut exercer certaines professions, libre à elle d'entamer les démarches pour devenir française.

Enfin, la proposition socialiste est une fausse bonne idée. C'est en effet le meilleur moyen d'encourager la fuite des cerveaux et le pillage des élites. Le parti socialiste – je le dis sans agressivité aucune – manque de cohérence sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Monsieur le rapporteur, quelle est la différence de revenu entre un vétérinaire exerçant à Nouakchott, en Mauritanie, et un vétérinaire exerçant en France ? Croyez-vous que celui qui a fait l'effort de poursuivre ses études en France pendant six ou sept ans retournera dans son pays ? On peut penser qu'il préférera rester en France, où il gagnera quatre fois plus d'argent. J'aurais souhaité que vous auditionniez le ministre de l'agriculture de Mauritanie, afin qu'il nous dise s'il préfère que les vétérinaires de son pays formés en France soignent les vaches normandes plutôt que les vaches mauritaniennes.

Quel est le revenu d'un médecin exerçant à Lubumbashi, en République démocratique du Congo ? Croyez-vous qu'une fois formé en France, grâce à une bourse, il retournera joyeusement dans son pays, où il gagnera entre trois et cinq fois moins et où les conditions matérielles d'exercice sont, hélas ! beaucoup moins intéressantes ? J'aurais aimé, monsieur le rapporteur, que vous interrogiez le ministre de la santé congolaise pour qu'il nous dise s'il préfère que les médecins congolais exercent au CHU de Marseille ou de Montpellier ou bien à l'hôpital de Kinshasa ou de Lubumbashi.

La santé, le bâtiment, ce sont des métiers importants. Quel est le salaire d'un architecte à Ouagadougou ? J'aurais aimé auditionner le ministre de la construction du Burkina Faso, afin qu'il nous dise ce qu'il pense du fait que les étudiants ayant perçu des bourses de leur pays restent finalement en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

À mon sens, c'est le plus mauvais service que l'on puisse rendre aux pays en voie de développement. Au-delà des grands discours, chaque être humain recherche son bien-être et son épanouissement personnel. Un étudiant étranger, même très amoureux de son pays, se demandera toujours ce qu'il doit faire une fois son diplôme obtenu : pour moi, il est impossible qu'il ne soit pas tenté de rester en France, où il gagne quatre fois plus et où il a fondé une famille. Je le dis solennellement, ce texte pourrait se révéler catastrophique pour les élites des pays en voie de développement.

Je reconnais que le parti socialiste a l'honnêteté d'assumer ses conceptions, qui sont radicalement différentes des nôtres. Ainsi, vous souhaitez que la fonction publique soit ouverte à tous les étrangers non communautaires, ce qui n'est pas mon cas. La fonction publique n'est pas qu'un statut, c'est aussi une vocation : celle d'être au service des citoyens français, payé par les contribuables français. Il y a, dans le fait d'appartenir à la fonction publique, quelque chose de symbolique, qui ne saurait se résumer au fait d'occuper un poste. Comme la majorité du groupe UMP, je veux qu'un fonctionnaire de la République soit avant tout un Français de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Certes, mais dans ce cas, il y a réciprocité ! S'il y a réciprocité, je suis d'accord !

J'ai bien entendu ce que disait Sandrine Mazetier à propos de nos concitoyens travaillant à l'étranger. Au sein du parti du Président de la République, j'ai la responsabilité des Français de l'étranger. Savez-vous quelles sont les conditions imposées aux Français pour travailler en Chine, en Algérie ou en Russie ? Dans ce dernier pays, par exemple, il est exigé de nos concitoyens qu'ils passent un examen afin de montrer qu'ils ne sont pas séropositifs – et je ne parle pas de tout le reste, notamment des vérifications portant sur les diplômes. Pensez-vous que ce soit facile pour nos concitoyens de travailler à l'étranger ? La générosité ne doit pas être à sens unique ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C'est un fait, nous avons des positions différentes, et vous avez la cohérence d'assumer la vôtre. Ainsi, comme vous l'avez déjà fait il y a quelques semaines, vous défendez l'attribution du droit de vote aux citoyens non communautaires. Je respecte votre choix, mais j'attends en retour que vous respectiez le nôtre, puisque nous avons une conception différente de ce que doit être l'avenir de la France. Votre groupe n'est pas l'arbitre des élégances !

Vous voulez ouvrir à l'ensemble des étrangers non seulement l'exercice de certaines professions, mais aussi – merci pour votre honnêteté – l'accès à la fonction publique. Telle n'est pas notre conception : nous estimons que dans le contexte de crise que nous connaissons, où nombre de nos concitoyens – ou d'étrangers en situation régulière sur notre territoire – sont au chômage, il faut peut-être penser d'abord à eux.

Pour toutes ces raisons de fond, comme la majorité des députés UMP, je voterai contre ce texte qui n'a rien d'anodin, et je vous remercie encore une fois pour votre honnêteté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Je remercie Sandrine Mazetier pour son intervention. Il va sans dire que j'approuve tout ce qu'elle a dit, notamment sur les joueurs de football.

M. le ministre, M. Bodin et M. Mariani ont évoqué l'absence d'étude d'impact préalable. Je vous rappelle qu'en janvier, vous avez choisi de modifier le statut de La Poste. Indépendamment du fait que nous n'étions pas et ne sommes toujours pas d'accord avec ce changement de statut, vous savez qu'il s'est accompagné d'une innovation : la suppression de toute condition de nationalité pour être salarié de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Ce n'est pas une petite entreprise, La Poste ! Or, bien qu'il s'agisse d'un gisement d'emplois considérable, vous avez choisi de l'ouvrir aux étrangers non communautaires, sans procéder à aucune étude d'impact. Comment se fait-il qu'en contradiction avec vos principes, vous ayez accepté que des « hordes d'étrangers » puissent venir trier et distribuer le courrier en France, sans vous poser aucune question ?

De même, vous avez modifié le statut d'autres entreprises du secteur public au cours des dernières années – je pense à France Télécom, EDF ou Air France – sans aucune étude préalable. Des Mauritaniens, des Vénézueliens ou des Asiatiques peuvent venir prendre les emplois des citoyens français, voire des citoyens européens bénéficiant de la réciprocité, sans que cela vous choque, sans même que vous vous interrogiez sur les problèmes que cela peut poser en termes de sécurité ! Et je ne parle que des entreprises du secteur public ou parapublic !

Où sont les études d'impact relatives à l'entrée dans l'Union européenne d'États dont le niveau de vie n'a rien à voir avec celui de la France ? Certes, l'ouverture du marché de l'emploi aux ressortissants de ces pays s'accompagne de la réciprocité, mais on sait bien que certaines professions auraient pu voir leur équilibre menacé par l'arrivée massive d'une main-d'oeuvre venant des pays de l'Est. J'estime que nous devrions au moins nous mettre d'accord au sujet de certaines professions du secteur privé – je pense aux géomètres-experts, aux experts-comptables, aux architectes et aux vétérinaires – en procédant à des études sérieuses. Nous pourrions faire aussi bien que ce qui a été fait pour La Poste, en examinant de façon approfondie les questions qui se posent et leurs implications.

Comme l'a dit M. le ministre, cela a été fait pour les médecins. M. Mariani a évoqué le différentiel de salaire pour les professionnels de santé originaires de certains pays d'Afrique. Mais je vous rappelle que, pour tous ces professionnels, la question a été réglée par la loi HPST du 21 juillet 2009 et l'ordonnance de décembre 2009. Je suis heureux que Mme Bachelot l'ait réglée conformément à la proposition de loi votée au Sénat et, puisque c'est le cas, vous n'avez aucune raison de continuer à l'évoquer. Je crois savoir que, de la même façon, le cas des vétérinaires sera réglé par la loi de modernisation de l'agriculture. C'est ainsi qu'il faut procéder, étape après étape.

J'ai entendu dire qu'il fallait mener des études approfondies, au cas par cas. Mais alors à quoi servons-nous ? Au Sénat, le rapporteur Charles Gautier a procédé à des auditions, et le texte a été examiné en commission. Ce travail a notamment abouti à retirer certaines professions du champ d'application de ce texte – je pense à la profession d'avocat, que je n'ai pas souhaité reprendre. À quoi sert-il de nommer des rapporteurs, de travailler en commission et de débattre au sein des deux assemblées si tout cela n'est d'aucune valeur à vos yeux ?

Je vous ai entendu critiquer la HALDE, monsieur Mariani,…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

…mais vous devez reconnaître que les études d'impact ne relèvent pas de la compétence des parlementaires. Les études effectuées par une autorité indépendante ont donc une valeur au moins aussi importante que le travail effectué par un rapporteur au Sénat, l'ensemble des sénateurs et un rapporteur socialiste à l'Assemblée nationale.

Les antécédents pénaux, évoqués par M. le secrétaire d'État, posent un vrai problème. Je me suis interrogé au sujet de la profession de dirigeant de casino, aujourd'hui réglementée et soumise à des conditions de nationalité, et me suis finalement rangé à certains arguments qui m'ont conduit à admettre qu'il était nécessaire de connaître le passé des personnes s'apprêtant à ouvrir un casino en France, compte tenu des particularités de cette profession. À mon sens, du reste, alors que vous venez de décider de libéraliser l'accès aux jeux en ligne, la question se pose à nouveau. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est possible, en effet, que des personnes étrangères à l'Union européenne cherchent à ouvrir des sites de jeux en ligne, éventuellement par l'intermédiaire d'un prête-nom, afin d'avoir accès à une clientèle captive, alors qu'ils ont des antécédents pénaux.

Pour ce qui est de la réciprocité, comme cela a été dit à plusieurs reprises, cette question n'a jamais été évoquée au sujet des professions médicales dans le cadre de la loi HPST : je ne pense pas, monsieur Mariani, que vous ayez contacté Mme Bachelot à ce sujet. Depuis le 21 décembre 2009, un étudiant en médecine ayant validé ses examens pourra exercer dans le privé quelle que soit sa nationalité.

Quant à l'argument de la fuite des cerveaux et de l'aide au développement, je vous cite le journal Les Échos du 15 juin : « Éric Besson pousse au recrutement des immigrés en situation régulière. » Nous ne sommes donc pas les seuls à poser cette question. Ne croyez pas que tous les étrangers non européens vivent actuellement à l'étranger ! Contrairement à ce que vous semblez penser, il y a des étrangers qui vivent en situation régulière en France ! Vous savez la sympathie que nous pouvons avoir pour Éric Besson, mais c'est un fait : au sein même du Gouvernement, on réfléchit à d'éventuelles avancées en matière de recrutement des immigrés en situation régulière. Il est donc inutile de lancer de faux débats. Sandrine Mazetier a rappelé qu'en transposant la directive « carte bleue européenne », vous allez pousser au recrutement en France d'étrangers dits hautement qualifiés, comme cela a été le cas par le passé avec le titre de séjour « compétence et talent ».

Je remercie M. Bodin pour l'équilibre de son intervention et pour avoir avoué que, dans la fonction publique, les règles étaient contournées. Si elles le sont, c'est la preuve que le débat mérite d'être ouvert ! Il vous suffit de voter les dispositions déjà adoptées au Sénat – comme M. le ministre, j'en appelle à la sagesse des parlementaires – et d'accepter que nous ayons un vrai débat sur les autres questions, notamment celle de l'ouverture des postes statutaires de la fonction publique. Si vous prenez le temps de lire l'amendement relatif à la fonction publique que nous avons déposé, vous constaterez qu'il pose la condition de cinq ans de résidence légale et ininterrompue sur le sol français.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

La personne concernée peut devenir française : c'est un choix !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Elle peut effectivement devenir française, je vais y venir.

Je le répète, nous ne proposons pas de permettre à des étrangers non communautaires vivant dans leur pays d'origine de venir en France pour y passer des concours de la fonction publique territoriale, hospitalière ou d'État.

Vous qui avez parlé de « grande approximation », monsieur Bodin, j'aurais aimé que vous soyez vous-même moins approximatif dans ce que vous dénoncez !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Votre raisonnement est cohérent, mais quelque chose, dont il faut peut-être voir l'origine dans le débat sur l'identité nationale, m'a tout de même étonné, voire interloqué dans votre intervention : j'ai l'impression qu'à vous entendre il faudrait supprimer toutes les bourses destinées aux étudiants étrangers dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

J'ai demandé qu'on leur donne des bourses pour qu'ils retournent ensuite dans leur pays afin de contribuer à son développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

J'ai bien compris, mon cher collègue, et ce mouvement doit évidemment être encouragé. Mais les personnes ayant fait de longues études en France – notamment les professionnels de santé, puisque c'est l'exemple que vous avez mis en avant –, validées par un diplôme de médecin, de chirurgien-dentiste, de pharmacien, d'infirmière ou de sage-femme, peuvent se dire qu'elles ne veulent pas retourner immédiatement dans le pays qui les a vues naître. Eh bien, la meilleure solution pour éviter ce type de travers – si vous tenez absolument à considérer que c'en est un –, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait plus de bourses d'études en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

À un moment donné, la question se posera dans ces termes.

Quant à savoir si l'acquisition de la nationalité française est facilitée aujourd'hui,…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Peut-être, mais je vous invite à étudier le cas de mon département, la Seine-Saint-Denis, où il faut plus d'un an et demi pour pouvoir déposer son dossier ! Et après cela, il faut compter au moins deux ans d'examen pour savoir si les conditions requises pour la naturalisation sont réunies. Je vous propose que nous menions une étude conjointe sur le sujet.

Il y a en outre une chose dont on a peu parlé : c'est que les représentants des professions visées sont d'accord. L'ordre des médecins, de même que ceux des architectes, des sages-femmes, des vétérinaires, des géomètres-experts ou des experts-comptables, que nous avons auditionnés au Sénat comme à l'Assemblée nationale, sont d'accord avec ces évolutions, y compris celles qui font l'objet des amendements portant articles additionnels que je vous soumets. Ces amendements ont été écrits conjointement avec les ordres, dont vous savez qu'ils ne sont pourtant pas les plus faciles à convaincre dès lors qu'il s'agit de modifier les textes qui les concernent.

Venons-en donc à nos propositions, profession par profession. Pour ma part, je suis prêt à entendre vos arguments pour certaines d'entre elles, mais allons au fond du débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Mesdames et messieurs les députés, je remercie d'abord ceux d'entre vous qui ont pris part au débat. Ce débat étant légitime et important, je me réjouis que les différentes positions aient pu s'exprimer.

Votre rapporteur, M. Goldberg, a évoqué le fait que l'examen en commission avait dépassé le cadre de la proposition de loi initiale, telle qu'elle avait été transmise par la Haute assemblée. C'est évident et cela témoigne du fait que le sujet est sensible, comme nous avons eu l'occasion de le voir tout au long de cette matinée.

Pour sa part, vous l'avez compris, le Gouvernement souhaite en rester au cadre initial de ce texte. C'est pourquoi je suis hostile à son extension, mais je répète que l'intention du Gouvernement est de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.

Je prendrai un peu de temps pour parler du problème de l'évaluation, puisque les orateurs de la majorité ont insisté sur ce point. Il n'est pas, en effet, illégitime que le Gouvernement s'interroge, comme je l'ai fait à la tribune, sur l'impact des modifications législatives qu'entraînerait l'adoption de cette proposition de loi. On a souvent reproché aux gouvernements successifs, quels qu'ils soient, d'avoir pris des dispositions hasardeuses, alors que des études d'impact préalables auraient évité telle ou telle expérimentation qui s'est révélée négative. Il est donc important qu'une évaluation puisse être faite, et je répète qu'en l'occurrence les études d'impact n'ont pas été suffisantes, nonobstant votre rapport, monsieur Goldberg.

Je vous donnerai deux exemples pour montrer que votre rapport souffre d'insuffisances – ce n'est pas une critique sur le fond, mais une constatation. Ainsi, comme vous l'avez reconnu vous-même, et je vous en remercie, il n'y a rien dans votre texte sur la reconnaissance des antécédents pénaux…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

…et on s'est légitimement ému de cette importante lacune, qui conduirait nos propres compatriotes à une discrimination à rebours ! Il serait paradoxal que ce soient eux qui subissent les conséquences de cette méconnaissance des antécédents pénaux des ressortissants extracommunautaires.

L'inventaire des conventions bilatérales n'est pas, lui non plus, très documenté dans votre rapport. Cela montre également combien les études d'impact sont nécessaires.

Vous avez évoqué La Poste, mais il faut tout de même faire la distinction entre entreprises publiques et fonction publique.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Ce n'est pas la même chose et l'intervention forte de M. Mariani sur la spécificité de la fonction publique et l'engagement qu'elle suppose est très pertinente. On sait bien que La Poste, depuis la modification de son statut, n'est plus partie prenante de la fonction publique.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Je voulais également remercier les députés de la majorité d'avoir rappelé des réalités qui, qu'on le veuille ou non, s'imposent.

Je remercie en premier lieu M. Mariani pour son réalisme, qui l'a conduit à afficher ses positions avec force.

Je remercie aussi M. Bodin, qui a soulevé avec raison la question de l'impact qu'aurait cette proposition de loi sur les élites, ou en tout cas les ressources humaines de pays qui en ont souvent cruellement besoin. Là aussi il faut être cohérent : on ne peut pas à la fois se plaindre que les élites des pays en développement ne soient pas sur place et regretter qu'elles n'aient pas leur place ici !

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

La prise en compte de cet impact sur les pays en développement est l'une des préoccupations du Gouvernement : je l'ai dit clairement, au Sénat comme ici.

Nous avons donc besoin d'évaluer de telles ouvertures, et pas seulement pour les professions liées à la souveraineté nationale, à la fois pour apprécier s'il existe ou non un risque de tensions dans certaines activités sur notre territoire et pour s'assurer que l'on ne risque pas d'assécher les ressources des pays d'origine.

En ce qui concerne les quelques professions libérales concernées, dont vous savez comme moi qu'elles sont très réglementées et pour lesquelles j'ai de nouveau rappelé que les conditions de diplômes et de qualification professionnelle demeuraient pleinement applicables à tous, je vous accorde que l'impact ne sera pas substantiel. Mais je reconnais, là aussi tout comme vous, que des études préalables sont nécessaires. Pour toute nouvelle ouverture, de telles études d'impact sont indispensables.

Mme Mazetier a rappelé son attachement, qui est aussi le nôtre, au principe d'égalité, sur lequel elle s'est longuement attardée. Sur tous les bancs de cette assemblée, nous sommes attachés à ce principe. Mais, comme l'ont rappelé les orateurs de la majorité, pour beaucoup de professions, l'ouverture est fondée sur la réciprocité, qui me semble précisément répondre au principe même d'égalité.

Vous avez regretté qu'un grand nombre de professions imposent des conditions de nationalité, mais la lecture du rapport de M. Goldberg nous éclaire sur le fait que, pour certaines d'entre elles, les justifications relèvent des exigences de l'ordre public. Pour d'autres, elles répondent à la nécessité de pouvoir accéder aux antécédents pénaux, garantie qui n'est pas offerte par tous les pays extracommunautaires.

Madame Mazetier, vous avez fait référence à l'équipe de France de football,…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

…mais je tiens à vous rassurer : nous nous réjouissons tous de la voir représentée par des talents multiples et divers.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Encore que, s'agissant des talents de notre équipe, on espère qu'ils auront l'occasion de s'exercer brillamment, ce soir, après le match avec le Mexique. (Sourires.)

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Pendant et après !

Plus sérieusement, je n'ai pas vraiment perçu le rapport entre la composition de l'équipe de France et l'exercice de certaines professions par des ressortissants extracommunautaires.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

J'attends donc vos explications.

Vous avez, monsieur le rapporteur, regretté à plusieurs reprises que les débats dépassent le cadre du texte, mais je relève que votre ton n'était pas non plus très serein,…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

comme le prouvent les débats de la commission, que j'ai relus avec intérêt.

S'agissant des agents ou des cadres permanents de la SNCF, je vous rappelle qu'aucune condition de nationalité n'est imposée pour entrer dans l'entreprise. Cette condition ne joue que pour l'obtention du statut de cheminot.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Je vous indique, par ailleurs, que la direction de la SNCF n'est pas opposée à travailler à la suppression de cette condition de nationalité.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Aujourd'hui, 580 ressortissants extracommunautaires exercent une activité à la SNCF. L'ouverture du statut aux extracommunautaires pourrait être envisagée, dès lors qu'il ne serait pas donné un caractère rétroactif à cette mesure.

Pour ce qui concerne, enfin, la directive RH 0254, anciennement PS25, qui s'applique aux ressortissants extracommunautaires, je tiens à préciser qu'il s'agit de contrats à durée indéterminée de droit privé, et non pas de statuts précaires.

Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les observations du Gouvernement, qui justifient son choix de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

En application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve des votes sur les articles et amendements de la présente proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Si vous le permettez, monsieur le président, je vous indique d'ores et déjà, pour ne pas y revenir par la suite, que, lorsqu'il s'agira de simples amendements rédactionnels, je me contenterai de le signaler, sans rappeler que tous les amendements examinés par la commission la semaine dernière ont été rejetés, à l'instar de celui-ci.

L'amendement n° 7 vise simplement à corriger un oubli de la loi HPST et de l'ordonnance du 17 décembre 2009. S'il n'était pas adopté, si la loi n'était pas changée, les titulaires d'un diplôme français d'État en chirurgie dentaire ne pourraient pas exercer, alors que les docteurs en chirurgie dentaire le peuvent.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Cette proposition de loi a déjà été longuement étudiée par le Sénat, à commencer par le groupe socialiste, qui l'a déposée. Il a été largement modifié par le Haute assemblée. Et pourtant l'on voit arriver aujourd'hui toute une série d'amendements qui émanent tous du rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Cela conforte le groupe UMP dans l'idée que ce texte se caractérise par beaucoup d'improvisation et d'impréparation.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Bien évidemment, nous ne voterons ni cet amendement ni l'ensemble de ceux qui sont proposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Monsieur Bodin, je vous rassure : vous n'aurez même pas à voter aujourd'hui, puisque le secrétaire d'État vient de demander la réserve. Alors, pour l'examen au fond du texte, c'est manqué ! Je le regrette une nouvelle fois.

Quant aux approximations que vous me reprochez, je vous demande une fois encore d'être moins approximatif et plus précis dans leur description.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Un examen pas du tout approximatif de l'état de la législation, notamment de l'article L.4111-1 du code de la santé publique, vous aurait permis, mon cher collègue, de pointer le fait qu'en raison de la loi HPST, la disposition prévue à l'article 1er de la proposition de loi est devenue caduque, mais à une exception près : les étrangers non européens titulaires du diplôme français d'État de chirurgien-dentiste doivent, eux aussi, être pris en compte dans le champ de la dispense de nationalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Les votes sur l'amendement n° 7 et sur l'article 1er sont réservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi de deux amendements portant articles additionnels après l'article 1er.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 8 .

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cet amendement nous permet de revisiter l'histoire. C'est un des charmes de la proposition de loi rapportée parDaniel Goldberg. En effet, l'interdiction pour les étrangers d'exercer la profession de débitant de boissons remonte à une loi du 9 novembre 1915. On voit bien le contexte : c'est la guerre, et on ne veut pas que nos soldats soient saoulés par l'étranger ! Mais nous ne sommes plus du tout dans le même contexte, et notre amendement vise donc à supprimer cette disposition qui n'a plus lieu d'être. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

L'avis de la commission est défavorable, mais j'y suis favorable à titre personnel.

Actuellement, un étranger non européen peut ouvrir un débit de boissons, un café ou un cabaret dès lors qu'existe un accord de réciprocité entre la France et l'État dont il est le ressortissant. Mais pourquoi réserver ce droit à quelques nationalités liées à notre histoire, notamment à l'histoire de la décolonisation – je pense aux accords d'Évian pour les ressortissants algériens –, et le refuser aux autres ?

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Le vote sur l'amendement n° 8 est réservé.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l'amendement n° 20 .

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cet amendement vise à corriger un effet rétroactif de la loi HPST. Il est de faible portée puisque seules treize personnes sont concernées : il s'agit de diplômés non européens lauréats du concours permettant d'exercer la profession de chirurgien-dentiste, à qui on oppose une nouvelle disposition de cette loi alors que celle-ci n'avait pas été promulguée ni même votée quand ils se sont inscrits au concours.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Défavorable. L'article 19 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital prévoit que les lauréats candidats à l'exercice de la profession de chirurgien-dentiste doivent justifier d'une année de fonction dans un organisme ou un service agréé pour la formation des internes. L'application de cette obligation aux lauréats de la session 2009 n'a pas pour conséquence de donner un effet rétroactif à la loi. En effet, la procédure d'autorisation comporte plusieurs phases bien distinctes : les épreuves de vérification des connaissances, puis le passage devant la commission d'autorisation d'exercice. Cette dernière démarche est distincte de la précédente et nécessite le dépôt d'un dossier d'inscription spécifique. L'article 19 a modifié uniquement le cadre de la dernière étape d'autorisation d'exercice, et s'applique donc incontestablement aux lauréats de la session 2009. Cette disposition constitue une avancée importante pour la sécurité des patients.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il est étonnant que les dispositions prévues par la nouvelle loi, qui n'ont pas été appliquées lors des inscriptions des candidats à la session de 2009, leur soient pourtant opposées. Les épreuves se sont déroulées selon les règles en vigueur au 31 mars 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

En outre, le bilan publié par le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière précise que l'article 19 sera mis en oeuvre « lors de la prochaine session de la procédure d'autorisation d'exercice, prévue en 2010 ».

En droit français, nulle loi n'est rétroactive. Si cet amendement n'est pas adopté, ces treize personnes ne pourront pas exercer pendant plusieurs années, mais l'État finira par être condamné ; et surtout, à l'heure de l'austérité, on serait obligé de créer treize postes non prévus dans le budget 2009 pour permettre aux treize lauréats d'exercer un an à l'hôpital puisque c'est désormais une obligation. Faites faire des économies à Mme Bachelot en votant cet amendement !

(Mme Danielle Bousquet remplace M. Tony Dreyfus au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Monsieur le rapporteur, le débat est d'une excellente tenue, avec des divergences qui vont de soi. Vous avez bien compris que je n'ai jamais demandé la restriction des bourses pour les étudiants étrangers, mais il faut que leur pays d'origine puisse, lui aussi, en tirer bénéfice.

S'agissant de l'amendement no 8 , je rappelle que je suis président du groupe d'études sur l'hôtellerie-restauration : j'ai passé un coup de fil tout à l'heure aux deux syndicats concernés, et aucun n'a été contacté par ses signataires. Madame Mazetier, je serais curieux de savoir si vous avez eu une réponse de l'UMIH ou du Synorca suite à votre proposition. Il y a un réel manque d'études préparatoires.

Je regrette par avance de ne pas pouvoir être présent lors de l'examen de l'amendement n° 4 , parce qu'il a une portée énorme : l'ouverture des trois fonctions publiques à l'ensemble des étrangers extracommunautaires. En tout cas, vous êtes cohérents. Notre choix est différent, mais de tels amendements sont utiles parce qu'ils montrent qu'au-delà de rapprochements momentanés, il y a une véritable différence entre la gauche et la droite.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Je rappelle que le rapport mentionne, parmi les personnes auditionnées, un représentant de la Confédération des buralistes et un représentant de l'Union patronale de l'industrie hôtelière.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n° 10 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Cet amendement de précision rédactionnelle vise à permettre aux professionnels de santé, en l'occurrence les vétérinaires, de passer un accord particulier avec le Québec. À cet effet, il tend à substituer au mot : « infra-étatique », l'expression juridiquement plus exacte : « [entité] territoriale constituante d'un État fédératif ».

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Le vote sur l'amendement n° 10 est réservé.

Je suis saisie d'un amendement n° 11 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Le vote sur cet amendement est réservé.

Je suis saisie d'un amendement n° 12 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Le vote sur cet amendement est réservé.

L'amendement n° 13 est rédactionnel.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Les votes sur l'amendement n° 13 et sur l'article 2 sont réservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n° 19 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

En dépit de sa longueur, cet amendement n'a qu'une portée rédactionnelle. Il est le fruit de contacts avec l'ordre des architectes, dans le cadre des auditions et du travail très sérieux que nous avons menés. Il vise à placer à l'article 11 de la loi du 3 janvier 1977 plutôt qu'à l'article 10 les dispositions votées par les sénateurs.

Par ailleurs, l'amendement prend en compte les accords de réciprocité. L'ordre des architectes nous a fait part d'un accord de coopération avec l'école d'architecture de Lomé, et il souhaite faciliter le travail en France d'étrangers non européens dont le diplôme délivré par cette école aurait été validé dans notre pays.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Défavorable. Certes, cet amendement a fait l'objet d'échanges avec la profession, mais il manque de précision, notamment s'agissant du mandat des conseillers ordinaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Nous vous avons déjà précisé, monsieur le secrétaire d'État, que les mandats des professions ordinales ne sont pas concernés. Nous nous cantonnons aux dispositions relatives aux conditions de nationalité, mais vous pouvez étendre la portée du texte si vous le souhaitez.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Les votes sur l'amendement n° 19 et sur l'article 3 sont réservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 15 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Dans le respect du principe de réciprocité dont il a été longuement question, cet amendement vise à permettre aux personnes étrangères titulaires d'un diplôme d'expert-géomètre délivré par un État tiers à l'Union européenne d'exercer leur profession en France dans le cadre des accords bilatéraux conclus.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Le vote sur l'amendement n° 15 est réservé.

Je suis saisie d'un amendement n° 14 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Les votes sur l'amendement n° 14 et sur l'article 4 sont réservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n° 16 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Le vote sur l'amendement n° 16 est réservé.

L'amendement n° 17 est également de coordination.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Le vote sur l'amendement n° 17 est réservé.

Je suis saisie d'un amendement n° 18 , lui aussi de coordination, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Les votes sur l'amendement n° 18 et sur l'article 5 sont réservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 5.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l'amendement n° 1 .

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il fait partie des propositions d'ouverture de diverses professions aux professionnels extracommunautaires. Il s'agit ici des entreprises , associations et établissements de pompes funèbres. Aujourd'hui, la direction en est réservée aux personnes de nationalité française ou aux ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, en raison de restrictions liées à l'histoire et à une vision de la salubrité publique largement surannée. Plus rien ne justifie qu'un étranger non communautaire ne puisse pas diriger une entreprise de pompes funèbres.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

L'avis de la commission est défavorable, mais j'y suis favorable à titre personnel. Il me semble qu'une évolution du droit est possible en ce domaine. J'entends bien qu'il peut paraître nécessaire de prévoir des garanties en termes d'antécédents pénaux, mais il reste à prouver que cela à vraiment à voir avec l'activité d'une telle profession.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Le vote sur l'amendement n° 1 est réservé.

Je suis saisie d'un amendement n° 2 .

La parole est àMme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l'amendement n° 3 parce que tous deux concernent des activités liées à l'édition ou à l'information.

L'amendement n° 2 vise à supprimer la condition stricte de nationalité française pour les fonctions de directeur d'une société coopérative de messagerie de presse ; l'amendement n° 3 fait de même pour les membres du comité de rédaction d'une édition de publications destinées à la jeunesse.

Les dispositions exigeant strictement la nationalité française datent de 1947 et 1949 : elles ne nous semblent pas conformes au droit communautaire, et à l'ère de la dématérialisation de l'information et d'internet, elles sont de toute façon parfaitement surannées.

Nous proposons donc d'ouvrir ces professions aux étrangers, communautaires ou non.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Comme je l'ai indiqué, le Gouvernement sera défavorable à tout amendement s'écartant du strict objet de la proposition de loi initiale, pour une raison simple : nous ne disposons pas d'une évaluation approfondie des conséquences d'une ouverture de ces professions.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

La commission a donné un avis défavorable ; à titre personnel, je suis bien sûr favorable à ces deux amendements dont je suis cosignataire.

Il ne s'agit pas ici de prérogatives de puissance publique ou de souveraineté nationale ; de plus, depuis 1947 et 1949, la loi pose une condition stricte de nationalité française. J'entends bien l'avis défavorable du Gouvernement, mais il serait bon que notre pays ne soit pas condamné par la Cour de justice des Communautés européennes ; or la France n'ouvre même pas ces deux professions aux citoyens de l'Union européenne et de l'Espace économique européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Le vote sur les amendements nos 2 et 3 est réservé.

Je suis saisie d'un amendement n° 4 .

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

L'amendement n° 4 aurait pu, si sa discussion n'intervenait pas à treize heures quinze, permettre des échanges de fond.

Il vise à modifier la loi du 13 juillet 1983 pour supprimer un symbole de discrimination : les travailleurs extracommunautaires n'ont pas le droit d'accéder au statut de la fonction publique – même s'ils peuvent en exercer les métiers. Dans les trois fonctions publiques, tous les jours, des étrangers s'occupent de la propreté et de la sortie des écoles, aident nos enfants scolarisés, mais ils n'ont pas le statut de fonctionnaires. Ils forment les rangs, immenses, des précaires des trois fonctions publiques : nationale, territoriale et hospitalière.

On ne leur interdit pas d'exercer les métiers ; on leur interdit d'accéder au statut – protecteur – de fonctionnaire.

Nous souhaitons ouvrir le débat sur cette discrimination, et nous proposons d'abord une concertation. Il y a, dans les trois fonctions publiques, des centaines, voire des milliers de métiers qui ne mettent pas en jeu la sûreté, la sécurité et la souveraineté nationales : pour ceux-là, nous proposons d'engager le débat sur l'ouverture du statut protecteur de fonctionnaire aux étrangers non communautaires résidant de manière ininterrompue en France depuis au moins cinq ans, et ce sous réserve de l'avis de l'instance prévue par l'État : le Conseil commun de la fonction publique, inscrit à l'article 9 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Le Conseil commun de la fonction publique, présidé par le ministre chargé de la fonction publique, comprend des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires désignés par celles-ci, des représentants des administrations et employeurs de l'État et de leurs établissements publics, des représentants des employeurs publics territoriaux, dont le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, ainsi que des représentants des employeurs publics hospitaliers.

Nous posons le problème de ces 3,5 millions d'emplois publics qui ne relèvent pas de la souveraineté, de la sûreté et de la sécurité nationales, et qui sont aujourd'hui fermés aux étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Nous le faisons en proposant une concertation avec les organisations représentatives des fonctionnaires, dans des conditions de grande clarté, de transparence et de cohérence, et dans le plein respect de la résolution que vous avez votée le 11 mai dernier, qui souhaite faire de la lutte contre les discriminations et pour l'égalité une priorité des politiques publiques.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

La commission a émis un avis défavorable ; je suis bien sûr favorable à l'amendement à titre personnel.

Mme Mazetier a bien développé notre argumentation. Nous avions souhaité prolonger ici le débat consensuel qui a eu lieu au Sénat sur les professions libérales ou privées – et je regrette encore, monsieur le secrétaire d'État, que vous jugiez le travail du Sénat approximatif et dépourvu d'étude d'impact.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Dans ce cadre, l'amendement n° 4 était évidemment un amendement d'appel : nous ne pensions pas qu'il serait voté aujourd'hui.

M. Bodin, que je remercie de son honnêteté et de sa franchise, l'a bien dit tout à l'heure : dans la fonction publique, les règles sont aujourd'hui contournées. S'il s'agit d'empêcher tous ceux qui ne possèdent pas la nationalité non seulement française mais européenne d'entrer dans la fonction publique, alors il faut voter l'interdiction à tout ressortissant non européen d'exercer quelque métier que ce soit au sein de la fonction publique, tout simplement parce que c'est la fonction publique !

Si ce n'est pas ce que nous voulons, alors il faut changer les règles qui – Sandrine Mazetier l'a rappelé – sont contournées tous les jours dans toutes nos mairies, de quelque bord qu'elles soient, comme dans un certain nombre de services de l'État. Dans mon département, on dit par exemple aux proviseurs des lycées et aux principaux des collèges qui ont besoin d'embaucher des enseignants remplaçants d'aller à Pôle Emploi recruter des gens qui ont une licence par exemple de mathématiques ou de géographie : ils font alors fonction d'enseignants dans ces collèges et dans ces lycées, sans qu'on se pose à aucun moment la question de leur nationalité ! Le problème est donc posé pour les enseignants.

Tout à l'heure, nous avons longuement débattu des professions de santé. Chacun s'accorde à reconnaître que, depuis le vote du présent texte au Sénat, la loi Hôpital, patients, santé et territoires a réglé le problème. Mais les professionnels de santé vont se trouver dans une situation particulière : la loi HPST autorise les médecins non communautaires titulaires d'un diplôme français à exercer normalement dans le secteur privé ; ceux qui ont le statut d'enseignant-chercheur dans les domaines des professions médicales pourront exercer à l'université ; en revanche, sauf statut dérogatoire dans le cadre des filières qui existent aujourd'hui, les médecins étrangers ayant un diplôme français ne pourront pas exercer là où nous avons le plus besoin d'eux : dans les hôpitaux.

Nous voulions donc ouvrir le débat. Sandrine Mazetier l'a dit : il ne s'agit pas de permettre à des gens qui n'habitent pas aujourd'hui en France de se porter candidats aux concours de la fonction publique, mais d'autoriser à concourir les personnes qui ont résidé ici de manière légale et ininterrompue depuis plus de cinq ans. Il n'y a donc pas d'appel d'air.

Enfin, une récente délibération de la HALDE et la directive européenne 2003109CE du 25 novembre 2003 nous incitent à nous engager sur ce terrain.

On nous dit que le débat n'a pas eu lieu. Mais nous avons posé la question aux organisations syndicales, et si je reconnais que nous n'avons pas reçu l'accord de toutes, certaines – la CGT-Fonction publique, Solidaires, la FSU – sont prêtes à examiner le texte. Ce ne sont pas les plus négligeables !

Si jamais cet amendement avait été voté, il ne se serait pas appliqué tout de suite, mais il aurait permis que s'engage une concertation dans un délai de deux ans, dans le cadre du Conseil commun de la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Le vote sur l'amendement n° 4 est réservé.

Mes chers collègues, puis-je me permettre de vous rappeler qu'il est souhaitable que, compte tenu de l'heure tardive, vous respectiez le temps de parole qui vous est imparti ?

Je suis saisie d'un amendement n° 5 .

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Ce n'est pas la loi qui modifie le statut des cheminots : c'est à la SNCF qu'il revient de le faire. Nous proposons simplement qu'un rapport soit remis au Parlement pour que la question soit posée. Comme Daniel Goldberg l'a rappelé, la SNCF est en effet la seule grande entreprise publique qui réserve son statut aux nationaux ; ce n'est plus le cas ni de La Poste, ni d'EDF.

Cette persistance un peu étrange est sans doute liée à son excellent statut d'entreprise publique vraiment publique. Il serait néanmoins souhaitable que le débat s'engage à la SNCF comme cela a été le cas ailleurs : tel est l'objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

La commission, réunie ce matin en vertu de l'article 88 du règlement, a accepté cet amendement.

M. le secrétaire d'État a émis un avis de sagesse, et non un avis défavorable, et j'ai entendu sa réponse tout à l'heure. Les chiffres qu'il a cités sont effectivement ceux qui m'ont été transmis par la SNCF dans le cadre des auditions que j'ai réalisées.

Dans la maison, les agents en CDI qui dépendent de la directive RH0254, anciennement PS 25, sont appelés « les Marocains » ; cela dit bien ce que cela veut dire : ce cadre d'emploi avait, à l'époque, été créé pour les ressortissants d'Afrique du Nord. Il semblerait, comme M. le secrétaire d'État l'a dit, que la direction et les principaux syndicats soient d'accord pour engager une réflexion à ce sujet. Je crois avoir entendu que le Gouvernement est favorable à ce que la négociation s'engage – sans préjuger de son aboutissement. Si c'est bien le cas, je m'en satisfais.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n° 6 , portant sur le titre de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Le vote sur l'amendement n° 6 est réservé.

Nous avons ainsi achevé l'examen des articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur l'ensemble des articles de la proposition de loi, à l'exclusion de tous les amendements.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Il n'y en a pas eu.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi, auront lieu le mercredi 23 juin, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Proposition de loi tendant à suspendre la commercialisation de biberons à base de bisphénol A.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma