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Séance en hémicycle du 31 mai 2010 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (nos 2518, 2551).

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, il y a quelques semaines, votre assemblée a adopté le projet de loi de finances rectificative permettant le prêt de la France à la Grèce. Je viens aujourd'hui vous présenter un nouveau projet de loi de finances rectificative, qui a notamment pour objet d'autoriser la France à participer au mécanisme européen de stabilité financière qui vient d'être adopté.

Permettez-moi, au préalable, de vous transmettre les excuses de Christine Lagarde, qui se trouve actuellement aux côtés du Président de la République, au sommet Afrique-France qui se tient à Nice.

Je pense que cette période difficile de l'histoire européenne prendra la signification que nous lui donnerons par nos actes.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Les plus pessimistes – dont, à l'évidence, vous faites partie, monsieur Brard – la considèrent certainement comme un obstacle majeur, voire la preuve d'un échec de la construction européenne. Ceux dont je fais partie, et dont le Gouvernement fait partie, pensent, au contraire, que cette épreuve est l'occasion d'un resserrement durable des liens entre les pays européens.

Faire le constat des incertitudes et des faiblesses de l'Europe ne doit pas nous décourager. Au contraire, nous devons saisir cette occasion pour prendre conscience des difficultés et avancer. L'Histoire est jalonnée d'une succession de crises qui ont permis des progrès.

Nous souhaitons, par le mécanisme qui vous est proposé, mettre un terme aux tensions sur les marchés financiers car celles-ci menacent la stabilité, l'unité et l'intégrité de la zone euro. Nous agissons de façon solidaire car, comme je l'ai déjà dit il y a quelques semaines dans cet hémicycle, attaquer un pays de la zone euro, c'est s'en prendre aux États membres dans leur ensemble et s'exposer à une réponse ferme et déterminée.

Les difficultés rencontrées par la Grèce ont notamment été révélatrices de l'absence d'un dispositif de nature à aider à un État membre de la zone euro en difficulté financière. Certes, il existe un dispositif communautaire opérationnel d'aide aux États membres de l'Union européenne, mais il ne concerne que les États n'appartenant pas à la zone euro.

Les États de la zone euro ont donc voulu se prémunir contre l'éventualité d'une spéculation des marchés sur une possible contagion de la crise grecque à d'autres États membres, le fameux effet domino. La réponse des États ne pouvait que dépasser la logique du cas par cas au profit d'une approche globale, coordonnée et rapide.

Les chefs d'État et de Gouvernement européens ont agi avec rapidité, détermination, sens de la responsabilité et volonté d'exemplarité et ont choisi, début mai, de doter l'Europe de moyens financiers conséquents, mobilisables par l'ensemble des pays membres de la zone euro en cas de besoin.

Cette réponse européenne fait d'ailleurs partie d'un plus vaste ensemble de résolutions qui visent à tirer de façon durable les leçons, en particulier, de la crise grecque et, plus généralement, de la crise mondiale que nous traversons depuis de nombreux mois.

Les États membres sont ainsi convenus d'assurer rapidement la consolidation des finances publiques et la mise en oeuvre de réformes structurelles. Au-delà, l'Union européenne s'est engagée à améliorer la gouvernance économique européenne pour éviter qu'une crise de cette nature ne se reproduise.

Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui doit permettre à la France de se doter rapidement des outils budgétaires nécessaires pour pouvoir agir de façon exemplaire.

Pendant une quinzaine de jours, plusieurs épisodes de tensions sur les marchés financiers ont précédé la mise en place de ce mécanisme européen de stabilisation financière.

Ces tensions se sont très fortement accentuées dans les jours qui ont suivi la demande par la Grèce de l'activation du plan d'aide le 23 avril dernier. Elles ont notamment été entretenues par les dégradations, les 27 et 28 avril, de la notation souveraine de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal par Standard & Poor's, qui ont accrédité et aggravé le risque d'une contagion de la crise grecque à d'autres États membres de la zone euro, alors même que les fondamentaux économiques et la sincérité des comptes de ces derniers étaient très différents de ceux de la Grèce.

Ces tensions ont atteint leur paroxysme au cours de la semaine du 3 au 7 mai. Les craintes d'une contagion de la crise grecque se sont alors fortement amplifiées, tandis que les écarts de rendement des obligations souveraines d'autres États – la Grèce, le Portugal, l'Espagne, l'Irlande et l'Italie – avec l'Allemagne atteignaient des niveaux historiques.

Ces tensions se sont propagées aux marchés interbancaires ainsi qu'aux marchés d'actions, qui ont fortement chuté au cours de cette semaine, à l'instar de la place financière parisienne. Le CAC 40 a effectivement chuté de 11 %.

Sur le marché des changes, l'euro s'était fortement déprécié au cours de la même période face au dollar. Une baisse de 4 % avait ainsi été enregistrée.

Les rendements exigés par les marchés ont alors placé ces États de la zone euro dans une position où le coût de refinancement de leur dette leur fermait quasiment l'accès au marché. Oui, c'est bien cela qui s'est produit.

Au cours de la semaine du 3 au 7 mai, le Portugal et l'Espagne ont été contraints d'émettre des obligations à des taux entre deux et quatre fois supérieurs à ceux de leurs émissions précédentes au mois de mars.

Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, les chefs d'État et de Gouvernement de la zone euro ont demandé à la Commission européenne de proposer l'instauration d'un mécanisme européen destiné à préserver la stabilité financière.

La présidence espagnole du Conseil de l'Union a réuni un conseil ECOFIN exceptionnel le 9 mai afin d'examiner la proposition de la Commission. Les ministres des finances européens ont alors décidé la mise en place d'un dispositif doté de 500 milliards d'euros – j'insiste sur ce chiffre – pour préserver la stabilité financière. Ce dispositif doit être complété par des financements additionnels du Fonds monétaire international à hauteur de 50 % des montants mobilisés, soit potentiellement jusqu'à 250 milliards d'euros. Ainsi parvenons-nous à un montant global de 750 milliards d'euros. Le G7 et le G20 ont salué ce dispositif. Naturellement, nous nous en réjouissons.

Nous avons également souhaité que le mécanisme européen repose sur deux piliers : d'un côté, un volet communautaire ; de l'autre, un volet intergouvernemental prenant la forme d'un fonds européen de stabilité financière.

L'assistance financière de l'Union européenne permet de mobiliser jusqu'à 60 milliards d'euros. Cette somme doit pouvoir aider un État qui fait face à des difficultés liées à des événements exceptionnels échappant à son contrôle.

Activée dans le contexte d'un soutien conjoint de l'Union européenne et du FMI, cette assistance peut être apportée à tous les États membres de l'Union, y compris les États membres de la zone euro. En pratique, la Commission européenne empruntera sur les marchés financiers avec la garantie du budget communautaire et prêtera ces sommes à l'État en difficulté. Cette première tranche de 60 milliards d'euros est mobilisable immédiatement.

Deuxième élément soumis à votre approbation, cette assistance financière est complétée par la mise en place d'un fonds européen de stabilité financière. Son objet est de permettre le refinancement des États membres de la zone euro en difficulté.

Jusqu'au 30 juin 2013, cet instrument pourra consentir aux États membres des prêts ou lignes de crédits, dans la limite d'un montant de 440 milliards d'euros. Les financements ainsi octroyés devront être remboursés sous cinq ans, avec un délai de grâce de trois ans avant le début des remboursements.

Ce fonds devrait bénéficier, à cet effet, de garanties apportées par l'ensemble des États membres de la zone euro : chaque État membre doit octroyer une garantie proportionnelle à sa quote-part dans le capital libéré de la Banque centrale européenne, les BCE. Les garanties ouvrent droit à rémunération des États membres y participant.

Les modalités juridiques de création et de fonctionnement de ce fonds sont actuellement en cours de finalisation, en lien avec la Commission européenne.

Pour s'assurer que l'assistance et les prêts de ce nouveau fonds permettront à l'État bénéficiaire de faire face aux défis économiques et budgétaires auxquels il est confronté, l'octroi de ces financements s'accompagnera de contreparties exigeantes.

En effet, la solidarité et la confiance n'excluent pas l'exigence et le contrôle. Les pays faisant appel à cette aide devront notamment mettre en oeuvre des réformes structurelles pour retrouver rapidement et durablement l'accès au refinancement de leur dette sur les marchés. Le fonds européen de stabilité financière est avant tout un dispositif de précaution à vocation dissuasive, dont la mise en oeuvre doit rester exceptionnelle. Il ne peut avoir d'impact budgétaire qu'en cas d'appel effectif de la garantie, c'est-à-dire en cas de défaut de remboursement d'un État bénéficiaire.

Il est toutefois nécessaire – et c'est ce qui nous rassemble aujourd'hui – qu'une disposition de loi de finances autorise l'octroi de la garantie de l'État et fixe son régime, conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Tel est précisément l'objet de l'article 3 du projet de loi que je vous présente aujourd'hui. Je tiens d'ailleurs à vous préciser que l'ensemble des États membres est en train de lancer les procédures nationales nécessaires à l'octroi de cette garantie.

Le montant de la garantie maximale apportée par la France correspond – je ne vous apprends rien, car nous avions évoqué ce point en commission des finances et nous l'avons publiquement développé, avec Christine Lagarde, à de nombreuses reprises – à la quote-part de la Banque de France dans le capital libéré de la Banque centrale européenne, majorée de 20 %. Cette majoration est une marge de précaution nécessaire car un État membre de la zone peut ne pas être en mesure d'apporter sa garantie, notamment s'il bénéficie lui-même du dispositif. Il est assez logique et assez normal qu'un État qui rencontre lui-même des difficultés ne soit pas appelé à financer la garantie lui permettant de les surmonter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

De toute façon, ce sont des dons, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

L'Allemagne prévoit aussi une telle majoration. Ce raisonnement conduit à retenir, pour la France, un plafond de garantie de 111 milliards d'euros dans le cadre du projet de loi examiné aujourd'hui.

Par ce projet de loi de finances rectificative, nous vous proposons également – c'est le troisième pilier de ce texte – de tirer les conséquences de l'accord du G20 qui vise à octroyer de nouvelles capacités d'emprunt au Fonds monétaire international. Il placerait ainsi ce dernier dans des conditions optimales pour, en cas de besoin, participer au mécanisme de stabilisation que je viens de vous présenter.

Le FMI, vous l'avez compris, sera pleinement partie prenante du dispositif européen de stabilisation financière, en intervenant aux côtés de l'Union et des États membres. Ces financements nécessitent une augmentation de la capacité d'action du FMI. À hauteur de 500 milliards de dollars de capacités d'emprunts supplémentaires, cette augmentation, je vous le rappelle, avait déjà été décidée à l'occasion des sommets du G20 de Londres et de Pittsburgh en 2009. Elle s'inscrivait pleinement dans l'ambition française d'une mondialisation mieux régulée et d'un renforcement des institutions financières multilatérales. Les modalités de mise en oeuvre de la décision des chefs d'État ont été discutées dans les enceintes du FMI jusqu'en avril 2010.

Par ce projet de loi de finances rectificative, nous proposons de traduire maintenant cet engagement international de la France dans notre droit interne, pour un montant conforme à notre participation au FMI, soit environ 21 milliards d'euros. Nos principaux partenaires du G20, notamment les pays européens, feront de même. Le FMI aura ainsi les moyens d'intervenir, dans le cadre du dispositif global de stabilisation, dès l'éventuelle activation de ce dispositif.

Je précise que le relèvement de la contribution de la France aux nouveaux accords d'emprunt au sein du FMI n'a pas d'incidence sur le solde budgétaire. Des mécanismes de compensation entre l'État et la Banque de France permettent en effet d'assurer la neutralité de cette opération.

Plus largement, ce nouveau projet de loi de finances rectificative a la singularité, sans précédent je crois, de ne modifier aucun des équilibres budgétaires tels qu'ils ont été fixés lors du dernier collectif.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Les ressources et les charges de l'État demeurent inchangées ; le solde budgétaire reste par conséquent à son niveau actuel de moins 152 milliards d'euros. Il n'y a pas non plus de modification du tableau de financement, donc pas de modification du programme d'émission français.

Je conclurai brièvement.

Ce projet de loi témoigne de la détermination de la France, et plus généralement de l'Europe, à faire face aux tensions actuelles.

La France est l'une des plus anciennes nations de l'Union. Nous avons fait grandir l'Europe, parce que les hommes de l'après-guerre avaient la vision de fonder la paix sur la coopération économique entre les deux ennemis d'antan. Les défis d'aujourd'hui sont différents, mais tout aussi complexes. À nous d'être aussi audacieux, créatifs et solidaires que les pères de l'Europe pour inventer les outils qui nous permettront de préserver l'Europe, et par là même nos valeurs communes.

Je suis convaincu que l'Europe survivra à cette crise comme aux autres.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

L'Europe est une longue histoire, vieille de plusieurs siècles ; elle a déjà survécu à beaucoup d'épreuves.

Il est de la responsabilité de la France, comme de celle des autres États membres, que d'aider à tracer ce chemin que nous avons encore à parcourir ensemble.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, je me réjouirais de voir, à travers ce débat que je sais par avance de qualité, que ces convictions sont aussi les vôtres. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, depuis septembre 2008, la crise économique et financière nous a obligés à multiplier les collectifs.

Dès l'automne 2008, nous avons examiné un collectif destiné à sécuriser le système de financement face à la crise bancaire.

Début 2009, sont venus en discussion deux collectifs successifs pendant le premier trimestre pour mettre en oeuvre toutes les mesures du plan de relance.

Au début de cette année, même si le texte n'était pas directement lié à la crise, nous avons débattu d'un collectif visant à mettre en place l'emprunt national pour essayer, dans un contexte difficile, de maintenir un niveau élevé en matière d'investissements d'avenir.

Il y a à peine un mois, dans le cadre d'un deuxième collectif, nous avons dû faire face à la crise grecque en prévoyant un financement direct, avec d'autres pays européens, notamment de la zone euro.

Enfin, nous examinons aujourd'hui, à un rythme quasi mensuel, mes chers collègues, le troisième collectif de l'année. Mais la nature de notre démarche, cet après-midi, avant tout préventive, est à ce titre profondément différente. Elle vise à assurer, face à une spéculation qui s'est déchaînée ces dernières semaines, un minimum de visibilité, de sécurité, et donc, la stabilisation du système financier de la zone euro.

Avant d'évoquer les mécanismes de cette stabilisation, je veux m'arrêter sur deux conditions que nous devrons remplir dans les prochaines années, car c'est de celles-ci que dépendra véritablement le succès de la stabilisation de la zone euro, dans l'intérêt du développement économique.

La première condition est vraie pour notre pays comme pour nombre d'États. Il s'agit, petit à petit, selon un rythme adapté, de réduire nos déficits. Cela fait trente-cinq ans que le France est en déficit et cela finit par se voir ! Il faut maintenant prendre le taureau par les cornes…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…et, sans pour autant étouffer le début de croissance économique que nous connaissons à nouveau, nous contraindre, petit à petit, à rééquilibrer nos comptes. Notre collègue Jacques Myard, qui est un bon gestionnaire, sait parfaitement, indépendamment de toute autre considération, que l'on ne peut pas durablement dépenser plus que ce que l'on gagne. Donc, réduisons nos déficits !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

C'est évident ! Nous sommes d'accord sur ce point !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La deuxième condition, elle aussi extrêmement importante, est apparue récemment. Nous avons mis en place, depuis une dizaine d'années, une monnaie commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nous n'avons pas été attentifs aux déséquilibres – notamment en termes de compétitivité – qui se sont produits entre les pays de la zone euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Il faut avoir les données en tête. Aujourd'hui, près de 60 % de notre commerce extérieur – importations et exportations –se fait au sein de la zone euro. Par exemple, 60 % quasiment des exportations de la France se font dans la seule zone euro. Par conséquent, s'il existe un déséquilibre en matière de compétitivité…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Aujourd'hui, il y a un risque majeur de spéculation. Or la spéculation sur telle ou telle dette souveraine peut conduire à un problème de liquidités – on l'a vu récemment dans le cas de l'Espagne ou du Portugal – et à la mise en danger des établissements financiers dudit pays. Face à cette crise de confiance, il est donc indispensable d'avoir des moyens de stabilisation relèvant d'une idée très simple : comment sortir un État en difficulté de la contrainte des marchés financiers et de la spéculation ? Comment lui assurer, pour le temps nécessaire, la pérennité de ses financements ? Un État endetté a besoin, non seulement de couvrir ses déficits, mais aussi de refinancer sa dette. Chaque année, chaque mois, voire chaque semaine, une partie du capital de la dette qu'il a contractée vient à échéance ; il doit pouvoir la refinancer. Toute l'idée du plan de stabilisation est de donner l'assurance aux différents pays de la zone euro, quels qu'ils soient, qu'ils pourront se refinancer.

Il fallait, pour ce faire, mobiliser des moyens massifs. Et qui dit moyens massifs portant sur des centaines de milliards d'euros dit évidemment délais. Il est normal, quand on met en place un système de stabilisation pour 750 milliards d'euros, que les différentes décisions prennent du temps. Comme l'a dit le ministre, nous allons contribuer au dispositif à hauteur de notre quote-part, liée à notre participation au capital de la Banque centrale européenne. Mais, à côté de la France, il y a tous les autres pays de la zone euro et, pour la plupart d'entre eux, il faut passer par une autorisation parlementaire. Tout cela prend donc du temps.

En France, nous connaissons bien le système proposé. Il ressemble en effet profondément à ce que le Gouvernement, il y a deux ans, avait mis en place en quelques jours – j'en profite pour saluer son efficacité sur ce point –, je veux parler de la Société de financement de l'économie française. Comme les banques ne se prêtaient plus entre elles et qu'elles avaient par conséquent des problèmes de financement pour pouvoir prêter, on avait imaginé de mettre en place une structure pouvant emprunter dans de bonnes conditions grâce à la garantie de l'État. En novembre 2008, nous avions donc voté une garantie de l'État.

Pour ce qui est des chiffres, je tiens à vous rassurer. J'ai entendu dire par certains que la France allait être conduite, au titre de sa quote-part dans le capital de la Banque centrale européenne, à apporter une garantie pour 111 milliards d'euros. Mais quelle garantie théorique avons-nous votée ici même il y a bientôt deux ans pour le refinancement de l'économie ? Il s'agissait alors de 360 milliards d'euros. Qui plus est, la SFEF a emprunté et donc, la garantie a effectivement été mise en jeu pour environ 75 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur Myard, il s'agit là aussi de notre économie. Si vous voulez que nos entreprises exportent, par exemple, en Espagne et au Portugal, il faut que les systèmes financiers espagnol et portugais fonctionnent correctement. Tout est lié !

La formule proposée est souple. Vous aurez, monsieur le ministre, à répondre à quelques questions posées en commission des finances sur la nature de la société qui va être créée, le « véhicule ad hoc ». Je n'ose pas le dire en anglais en présence de Jean-Pierre Brard ! (Sourires.) Il devrait s'agir d'une société de droit luxembourgeois et la Banque européenne d'investissement devrait en assurer la gestion. Pourrez-vous nous en dire un peu plus au cours du débat ?

Ce véhicule ad hoc pourra intervenir de façon très souple – je vous renvoie à l'article 3 du texte. Il pourra ainsi faire directement un prêt à l'État qui a besoin de liquidités et qui ne peut pas se refinancer ailleurs. Cela étant, il peut s'agir, non d'un prêt à moyen ou long terme, mais d'une simple avance de trésorerie, ou encore du rachat d'obligations dudit État sur le marché secondaire.

Le point le plus important – et cela répond à la volonté partagée de l'Allemagne et de la France – est que l'intervention de l'Union européenne se fait conjointement avec le Fonds monétaire international, dans un rapport de deux tiers-un tiers : deux tiers au titre de la mise en place de la garantie des États de la zone euro à cette société particulière, et un tiers – 250 milliards d'euros – mis en place par le Fonds monétaire international. En outre, l'Union européenne met en place, à hauteur de 60 milliards d'euros, un financement direct, et ce, en conformité avec l'article 122 du traité organisant l'Europe.

Il faut également souligner l'effort consenti par les banques centrales, et en particulier par la Banque centrale européenne, qui est autorisée à intervenir sur le marché secondaire. Dans le traité européen, à la suite d'une demande très forte – et très saine – de l'Allemagne, il est interdit à la Banque centrale européenne d'acheter directement de la dette émise par tel ou tel État. Monsieur Bouvard, vous le savez mieux que quiconque…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Mais, depuis le 10 mai, la Banque centrale européenne est autorisée à acheter de la dette qui circule déjà sur le marché, c'est-à-dire à intervenir sur le marché secondaire. Ce faisant, cette autorisation ne fait que reprendre ce qui vaut déjà depuis presque deux ans pour la Federal Reserve américaine ou pour la Banque d'Angleterre. Cette intervention est tout à fait conforme au mandat de la Banque centrale. Mais tout cela ne pourra fonctionner dans la durée que si nous sommes capables de réduire progressivement les déséquilibres macro-économiques liés aux écarts de compétitivité et de rétablir l'équilibre de nos finances publiques.

À ce stade, monsieur le ministre, je voudrais vous faire passer un message particulier à propos de l'Allemagne. Nous devons la comprendre. J'ai entendu, ces derniers jours, beaucoup de critiques selon lesquelles l'Allemagne ferait cavalier seul et prendrait telle ou telle initiative de régulation sur les marchés financiers. Il y a deux mois, avec le président de la commission des finances et Jean-Pierre Brard, nous avons rencontré nos collègues du Bundestag. Il faut comprendre que, pour les Allemands, ces décisions sont très difficiles à prendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

En effet, les Allemands n'ont accepté d'abandonner le mark au profit de l'euro qu'à deux conditions. Premièrement, il ne fallait pas organiser un système dans lequel la fourmi serait systématiquement appelée à honorer les dettes de la cigale. Ce principe est profondément ancré dans la mentalité allemande. La clause dite de « no bail out » – clause d'interdiction du renflouement d'un État par un autre et a fortiori par l'Union européenne – préoccupe véritablement les Allemands. Deuxièmement, les Allemands, qui sont également très sensibles à une histoire plus ancienne, ne veulent pas de création monétaire artificielle autorisée par des banques centrales permettant d'acheter la dette nationale, voire celle de tel ou tel autre pays. Il importe donc que, dans toutes ces discussions, le couple franco-allemand fonctionne de la manière la plus harmonieuse possible. Chacun doit être conscient des préoccupations de l'autre.

Je terminerai mon propos en abordant la réforme du pacte de stabilité. Ce pacte, qui relève d'une idée de bon sens – le rééquilibrage des comptes – doit être mieux intériorisé. Nous avons aujourd'hui la possibilité de le mettre en oeuvre à l'échelle de notre pays, grâce à la réforme de la Constitution d'il y a deux ans, qui a créé l'instrument des lois de programmation pluriannuelles. Dans ce cheminement vers le rétablissement des comptes, nous devons absolument nous obliger à respecter davantage nos engagements pluriannuels. La proposition du Président de la République d'inscrire dans la Constitution l'obligation pour le Gouvernement de s'engager, en début de législature, sur une loi de programmation annuelle, dont les budgets annuels devront tenir compte, me paraît excellente.

Mais, monsieur le ministre, comme je l'ai fait observer lors de la dernière réunion de commission, rien ne nous interdit, aujourd'hui – ni la Constitution ni la LOLF – de renforcer le plus rapidement possible notre programmation pluriannuelle. Rien ne vous interdit de soumettre au Parlement le programme de stabilité. Rien ne vous interdit de remplacer, dès la fin juin, le débat d'orientation budgétaire par une actualisation de la loi de programmation pluriannuelle que nous avons votée le 9 février 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Cette articulation, loi de programmation actualisée-programme de stabilité, nous permettrait, en attendant la réforme de la Constitution, de donner beaucoup plus de force à nos engagements qui, je le dis à nouveau, sont moins des engagements vis-à-vis de l'Europe que vis-à-vis de nous ! C'est par égard pour les générations qui nous suivent – pour nos enfants et petits-enfants – que nous devons nous contraindre à restaurer nos comptes (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

En conclusion, je vous propose d'adopter, compte tenu de quelques amendements de précision, ce projet de loi de finances rectificative, qui témoigne de l'absolue solidarité européenne. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte dans lequel nous examinons cette troisième loi de finances rectificative est bien connu : c'est celui qui a vu des dettes privées d'un montant absolument considérable transférées à la sphère publique. Si ces lois de finances rectificatives sont nécessaires, c'est parce que les investisseurs, les marchés, commencent à mettre de plus en plus en doute la soutenabilité des dettes publiques constituées auparavant, le rapporteur général y a fait référence et j'y reviendrai, et évidemment aggravées par la reprise de ces dettes privées.

Le contexte est, bien sûr, celui dans lequel nous nous inscrivons après le vote de la deuxième loi de finances rectificative, le « plan de soutien à la Grèce », lequel fut voté largement au-delà des bancs occupés par l'actuelle majorité présidentielle. Cette troisième loi de finances rectificative obéira, je le crois, au même précepte : il s'agit, oui, de défendre l'euro, de défendre la zone euro au sein de laquelle nous nous inscrivons, et de respecter des traités internationaux – et un grand pays comme le nôtre se doit de le faire. Il s'agit, non pas surtout, mais aussi, de mettre un terme le plus efficacement et le plus rapidement possible à des phénomènes spéculatifs qui appauvrissent l'ensemble des populations, si elles permettent à certains de prospérer au-delà du raisonnable.

Dans ce contexte, cette troisième loi de finances rectificative ne soulève pas de difficultés particulières. Pour autant, elle est tout de même l'occasion de s'interroger sur un certain nombre de points et de tenter d'apporter quelques réponses. La première question porte non pas sur la régulation – encore qu'on pourrait l'évoquer – mais sur la situation économique, en Europe et aux États-Unis, qui engendre une politique monétaire extrêmement laxiste car, sans elle, la consommation serait impossible puisque les simples revenus du travail ne suffisent pas à l'assurer. On le sait, c'est l'endettement excessif des particuliers et des ménages – aux États-Unis et en Grande-Bretagne surtout, mais ailleurs aussi même si ce fut dans une moindre mesure – qui a conduit à cette situation intolérable et amène à s'interroger sur la soutenabilité de la dette publique. C'est bien la question du pouvoir d'achat et des moyens d'existence des ménages et des agents individuels que nous devons poser et à laquelle personne, en tout cas en France, n'a à ce jour apporté de réponse satisfaisante.

Cette soutenabilité de la dette pose des problèmes immédiats, on l'a constaté avec la Grèce, avec le Portugal et l'Espagne et peut-être le reverra-t-on avec l'Espagne. Pour l'instant aucun autre pays de la zone euro n'est concerné. Dès lors, gagner du temps, car tel est bien l'objet de cette troisième loi de finances rectificative, est absolument indispensable en France comme partout en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Encore un petit quart d'heure, monsieur le bourreau !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

C'est la raison pour laquelle cette troisième loi de finances rectificative se devait d'être rapidement présentée et, je l'espère, vite adoptée par notre Parlement. Il faut gagner du temps pour régler la question des liquidités, pour permettre aux pays de convaincre de la soutenabilité de cette dette, c'est-à-dire de convaincre que la restauration des finances publiques est une oeuvre effectivement entamée, faute de l'avoir été auparavant.

À cet égard, j'entends bien le discours, monsieur le rapporteur général, qui consiste à banaliser ce qui s'est fait depuis 2002, au motif que tous l'auraient fait auparavant. Je tiens tout de même à souligner de cette tribune que cette vision des choses, si elle peut être commode, ne correspond pas exactement à la réalité. Tous les gouvernements, en effet, n'ont pas accru l'endettement du pays en proportion du PIB. Il s'est trouvé des gouvernements – trois – qui, eux, l'ont fait. Le dernier fut celui de Dominique de Villepin – je le dis, non pas pour faire plaisir ou chagrin à tel ou tel, mais parce que ce fut la réalité. En remontant dans le temps, le gouvernement de Lionel Jospin l'a fait pendant trois ans – et chacun sait ce qu'était l'endettement du pays rapporté au PIB en 2001 : un peu moins de 57 % à comparer aux 85 % qui nous attendent en fin d'année…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Le premier fut le gouvernement de Michel Rocard. Il va de soi que, quand un gouvernement parvient à désendetter le pays en proportion du PIB, c'est qu'effectivement, la croissance le permet. Croyez-vous vraiment, mes chers collègues, que, depuis 2002, notre pays ait à ce point manqué de croissance que l'endettement du pays ait pu se justifier ? Je pense, en particulier, à la période de 2002 à 2007. Puis-je vous rappeler que, lorsque la crise éclate, notre déficit structurel est déjà de 3,6 % du PIB, quand il est de 0 % en Allemagne, alors que, deux ans avant, la situation de nos deux pays était rigoureusement identique ? Oui, il y a des pays et des gouvernements qui ont su profiter de la croissance pour procéder au désendettement, et il y a eu des pays et des gouvernements qui, nonobstant la croissance, ont poursuivi sur la voie de l'endettement.

Donc, cette banalisation, monsieur le rapporteur général, si, encore une fois, je peux en comprendre l'objectif ou la raison, gagnerait à ne pas être trop souvent évoquée, surtout à un moment où – et c'est probablement souhaitable – vous en appelez, sinon à un consensus, en tout cas à une union assez large pour adopter des règles qui préviendraient, dans notre pays, des situations analogues.

Cela dit, avant d'en venir au texte lui-même, et puisque vous avez terminé par ce sujet, parlons effectivement gouvernance des finances publiques. Dès règles existent déjà. Le rapporteur général a indiqué que, le 9 février 2009, le Parlement français a voté une loi de programmation pluriannuelle, une loi qui fut violée, bafouée, en tout cas qui n'a pas été respectée, le mot est faible, dans les semaines qui ont suivi son adoption. Cela fait maintenant plus d'un an et, que je sache, c'est toujours sous l'empire de cette loi que les finances publiques sont censées être conduites quand on sait qu'en réalité, il n'en est rigoureusement rien. Non seulement les finances publiques ne sont pas respectées, mais il me semble que le Parlement lui-même ne l'est pas !

Puisque nous en sommes à parler de la revalorisation du Parlement – et c'est en tant que président de la commission des finances que je m'exprime ainsi, que personne ne s'y trompe –, je souhaite alors que, très vite, le Gouvernement, par respect pour le Parlement, parce qu'il sait l'importance des votes émis dans cette enceinte, nous propose autre chose. Cela a été indiqué par le rapporteur général et je souscris à sa proposition. Je ne comprendrais pas non plus qu'au mois de juin, le programme de stabilité transmis par les autorités françaises aux autorités communautaires ainsi qu'à nos partenaires ne soit pas soumis au Parlement, quelle que soit la forme que le Gouvernement décidera de donner à cette consultation. Informer le Parlement au-delà des propos tenus en commission des finances et faire que cette information soit sanctionnée par un vote, quel qu'il soit, me paraît relever du respect élémentaire du Parlement, comme de la nécessaire pédagogie à laquelle, semble-t-il, le pouvoir exécutif de ce pays a décidé de se livrer auprès de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Peut-être l'article 34 de la Constitution sera-t-il alors respecté, lui qui est constamment violé depuis le 9 février 2009. Adopter une nouvelle règle constitutionnelle, pourquoi pas, mais peut-être pourrions-nous commencer d'abord, mes chers collègues, par respecter celle qu'en tant que constituants, nous avons déjà adoptée !

Puisque nous en sommes à la gouvernance, permettez-moi aussi d'aborder l'article 10 de la loi de programmation des finances publiques, lequel prévoit très explicitement que toute nouvelle dépense fiscale se doit d'être gagée par une économie à due concurrence. Mes chers collègues, rien de tout cela n'a été fait, que ce soit l'année dernière ou cette année. Ni la baisse de la TVA dans la restauration ni la réforme de la taxe professionnelles, qui sont autant de dépenses fiscales, n'ont été gagées en quoi que ce soit par des économies de même nature. Encore une fois et, avant de proposer aux constituants de nouvelles règles constitutionnelles, peut-être serait-il plus crédible pour le pouvoir exécutif de respecter celles qu'au demeurant il a voulues.

Troisième exemple de gouvernance, enfin, qui gagnerait peut-être en amélioration si les règles en étaient respectées : celle qui prévoit, vous la connaissez bien, cher collègue Bouvard, que le surplus de recettes se doit d'être affecté d'abord au désendettement. En effet, cet article 34 de la loi organique fut adopté à la demande du ministre de l'économie et des finances qui s'appelait, à l'époque, Nicolas Sarkozy. Nous le savons, au début de cette année, un surplus de recettes de 900 millions d'euros a été constaté au titre de la TVA ; il n'a été affecté, comme la loi le prévoyait, ni au désendettement ni au financement du plan d'aide à la Grèce. Encore une fois, je ne conteste pas ce plan d'aide à la Grèce : je dénonce simplement le fait que des décisions librement consenties par le Parlement ne sont délibérément pas respectées par le pouvoir exécutif sans que le Parlement ne s'en émeuve. La chose n'est pas convaincante, surtout quand on entend que de nouvelles règles de nature constitutionnelle devraient être adoptées.

En la matière, le rapporteur général a indiqué son accord de principe à l'idée qui voudrait que soit inscrite dans la Constitution l'obligation de présenter au Parlement, en début de législature, une trajectoire de finances publiques sanctionnée par un vote. Sur le principe, je crois qu'il est difficile d'aller contre, à condition de prendre tout de même quelques précautions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Il convient d'abord de prévoir, à tout le moins, la possibilité d'une présentation rectificative. Imaginez, en effet, que cette règle ait existé à l'été 2007, quand, pleine d'enthousiasme, la majorité de cette assemblée votait le paquet fiscal alors que la crise avait, en réalité, déjà commencé aux États-Unis et qu'en dépit des manifestations, des propos et des avertissements donnés par certains, le Gouvernement prétendait que cette crise ne toucherait qu'un secteur et que les États-Unis et que jamais, en tout cas, elle ne traverserait l'Atlantique !

Qu'aurait fait le Gouvernement au moment de l'éclatement de la crise financière lorsque la banque Lehman Brothers a fait faillite ? Imaginez que cette règle ait empêché le Gouvernement de mettre en oeuvre le plan de relance et d'abord le plan de sauvetage du secteur financier. Comment aurions-nous pu, en France, prendre notre part dans le sauvetage d'une économie affectée sur le plan mondial si une telle trajectoire avait été définie de façon constitutionnelle et si toute loi de finances soumise au Conseil constitutionnel se devait de la respecter ?

Il me semble que l'histoire est tout de même très récente, qui doit nous convaincre que, si un effort est clairement à engager, si le niveau constitutionnel n'est pas à rejeter a priori, si l'idée d'une trajectoire quinquennale en début de législature est plutôt une bonne chose, ne serait-ce que pour mettre de la transparence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, nous devons au moins prévoir quelques échappatoires dans l'hypothèse où ce serait nécessaire à la préservation de l'intérêt général.

Le rapporteur général a défendu cette règle avec sincérité, je crois, et enthousiasme. S'il est envisageable d'adopter ce type de mesures, n'injurions tout de même pas trop l'avenir et anticipons, le cas échéant, des situations délicates qui nous contraindraient à ne pas les respecter scrupuleusement.

Pour le reste, faut-il vraiment constitutionnaliser le fait que toute disposition de finances doit être réservée aux lois de finances ? Mes chers collègues, nous savons que ce ne sont pas les parlementaires qui, même s'ils votent, prennent les décisions. Les dispositions fiscales les plus coûteuses furent rarement prises à l'initiative de parlementaires qui, par ailleurs, sont tenus de respecter l'article 40. Elles ont presque toujours été prises à l'initiative des gouvernements, qui ont les moyens de contraindre leur majorité à les voter. Celles-ci ne se font d'ailleurs pas trop prier parfois. Je me souviens ainsi de la baisse de la TVA dans la restauration, mesure coûteuse, 3 milliards d'euros, et intégralement financée par l'endettement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Oui, il faut gagner du temps. Oui, il faut rendre la dette soutenable, ce qui suppose de la réduire sans méconnaître les dispositions à prendre pour relancer notre économie et retrouver la croissance. Ce ne sera possible, j'en suis convaincu, qu'à la seule et unique condition que l'effort soit justement réparti.

On nous annonce à propos de la réforme des retraites que les hauts revenus seront taxés, sans que l'on sache cependant très bien ce qu'on entend par hauts revenus. J'ai cru comprendre en lisant la presse que, pour le pouvoir, c'était 6 500 euros par mois pour un couple biactif avec deux enfants à charge, soit un revenu par personne de 3 500 euros par mois. Je me souviens des cris d'orfraie qui avaient accompagné les propos de François Hollande indiquant qu'un revenu était haut à partir de 4 000 euros. Crise aidant, il semble que, sur ces bancs, on estime que ce soit un peu plus bas. Quoi qu'il en soit, le niveau étant fixé, c'est-à-dire l'assiette, et le taux déterminé, c'est-à-dire le rendement, nous verrons si ces mesures sont justes et si elles permettent au pouvoir d'expliquer au pays que, si des efforts sont nécessaires, ceux-ci seront justement répartis.

Gagner du temps, c'est ce que nous nous apprêtons à faire en adoptant cette troisième loi de finances rectificative, mais cela ne servirait à rien si, en Europe et en France, des politiques adaptées n'étaient pas mises en oeuvre pour rendre notre dette soutenable. Si nous ne le faisions pas, nous ne gagnerions du temps que pour rien avec un rendez-vous cruel dans deux à trois ans.

C'est pour éviter la cruauté de ce rendez-vous qu'au-delà de cette loi de finances, je vous engage à convaincre ceux qui ne seraient pas encore convaincus que, si ces efforts sont nécessaires à terme, ils doivent être le plus équitablement répartis. Qu'il me soit permis de dire qu'après avoir lu certaines déclarations et entendu les propos du pouvoir exécutif, ce n'est pas exactement le sentiment qui est le mien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Gilles Carrez a extrait de son bestiaire la fourmi et la cigale. Qu'il me permette de lui faire remarquer en préalable à mon propos que la comparaison n'est pas très légitime. Faut-il compter la Grèce, l'Italie, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et la France parmi les cigales et mettre l'Allemagne dans les fourmis ? Si comparaison il doit y avoir, je penserais plutôt à la pie pour l'Allemagne. Pourquoi la pie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Absolument ! L'Allemagne, en effet, du temps de la tyrannie nazie, a martyrisé la Grèce, l'a pillée, détruite et il existe un accord germano-grec pour régler les dettes qui n'ont jamais été payées jusqu'à présent. Il n'est donc pas légitime de ranger l'Allemagne du côté des fourmis. Le gouvernement français se grandirait en exigeant du gouvernement allemand qu'il respecte la morale : il serait bon que l'Allemagne paie ses dettes à la Grèce, conformément aux accords signés par la République fédérale.

Quant à vous, monsieur le ministre, pour rester dans les comparaisons animales, je pensais en vous écoutant aux gros hannetons qui gravissent avec difficulté les plans inclinés glissants. Avec de nombreux efforts, le hanneton grimpe, grimpe, grimpe, et, arrivé enfin à la crête, il glisse, et doit recommencer son ascension. C'est exactement ce qui vous arrive. En loi de finances rectificatives, vous grimpez, vous grimpez, et vous redégringolez sans jamais comprendre ce qui vous arrive. Vous risquez l'épuisement ! Le problème, c'est que c'est la ruine pour le pays qui est en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Moins d'un mois après le dernier collectif, nous nous retrouvons aujourd'hui réunis pour sauver une nouvelle fois – vous avez vraiment une psychologie de Saint-Bernard ! – les économies européennes, la stabilité de l'euro et l'avenir de l'Union, sinon du monde.

Après avoir sauvé les banques françaises, suisses et allemandes d'un défaut de paiement de l'État grec, après avoir garanti de juteux marchés aux industriels franco-allemands de l'armement et ouvert de nombreux et très lucratifs segments de marché au secteur privé en imposant un plan d'austérité sans précédent aux Grecs, après avoir plumé le peuple grec au profit des banques et des grands groupes privés, après avoir monnayé la pseudo-solidarité de l'État français envers la Grèce contre un chèque, mesquin, de plus de 160 millions d'euros d'intérêts d'emprunt, vous persistez aujourd'hui dans cette voie.

En réalité, tout ce que vous cherchez à sauver et à stabiliser, ce sont les profits et les intérêts des banques et des grands groupes. Pourtant, l'intérêt national voudrait que les moyens utilisés pour sécuriser ces grands groupes soient consacrés à nos services publics de la santé, de l'éducation, du gaz, de l'eau, de l'électricité, des transports et, bien sûr, aux retraites.

Vous cherchez à profiter de la crise financière qui a commencé il y a plus de deux ans et dont nous vivons les derniers avatars pour imposer définitivement et totalement un système économique qui a failli et qui est à l'origine de cette même crise.

Ce système, c'est la toute-puissance des marchés. On vous a entendu tout à l'heure, vous voulez mettre un terme aux tensions sur les marchés financiers et, pour cela, vous observez et remettez de l'argent sur le tapis vert, comme au casino. Vous faites tourner la roulette, mais cela ne marche toujours pas. Et vous recommencez encore et encore, sauf qu'un jour vous allez faire sauter la banque, et que cette banque n'est pas la vôtre, c'est la nôtre, c'est celle du peuple français qui, lui, hélas, n'a pas voix au chapitre. Ce système, c'est la toute-puissance des puissants. Ce système qui enfonce les plus démunis et les classes moyennes chaque jour un peu plus dans la difficulté, c'est votre système et, avec chaque nouveau plan, vous progressez d'un pas au-dessus du gouffre. Vous êtes déjà en état d'apesanteur et, quand vous vous réveillerez, vous tomberez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Malheureusement, c'est en vain que nous vous demanderons d'être lucides sur la situation de l'économie mondiale et sur les risques que vous faites courir à notre pays, à l'Europe et à l'humanité tout entière en vous entêtant dans votre voie, qui est une impasse dramatique.

L'un des termes qui décrit sans doute le mieux cette voie choisie par votre gouvernement et votre majorité est celui d'aveuglement, encore que votre majorité n'ait rien choisi du tout, elle marche au sifflet. Vous choisissez pour elle, et elle obéit, n'est-ce pas, monsieur Vigier. Vous qui êtes du centre, c'est-à-dire qui tournez en rond tout le temps pour finir par suivre l'UMP, vous savez bien que vous n'avez rien choisi mais que vous obéissez le petit doigt sur la couture du pantalon.

Vous semblez être aveugles, mesdames, messieurs de la majorité, en ce qui concerne l'ampleur de la crise que nous traversons depuis plus de deux ans et qui n'est qu'un aboutissement du déséquilibre de plus en plus grand dans la répartition des fruits du travail, des richesses produites par nos concitoyens qui triment pendant que d'autres se remplissent les poches. Vous êtes aveugles, et vos mentors sont menteurs quand vous vous obstinez à ne pas voir le lien direct qui existe entre la faillite de Lehman Brothers, la crise des subprimes et la crise monétaire et obligataire actuelle.

(Mme Danielle Bousquet remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Est-ce de la langue de bois ou de l'aveuglement lorsque vous affirmez dans ce projet de loi que les politiques de relance ont permis à l'économie française de se redresser durablement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous avez vraiment les yeux de la foi. C'est vrai que c'est l'heure des vêpres et, lorsque l'on est un peu endormi après un bon repas, on peut y croire !

Ce redressement s'est traduit par 600 000 chômeurs supplémentaires et par une dette de près de 1 500 milliards d'euros, en progression de 25 % depuis 2007, tandis que le déficit est passé de 2,5 à 7,5 % du PIB sur la même période. Pensez-vous vraiment que l'économie française se soit durablement redressée, monsieur le ministre ? Avec ça, on va finir à plat ventre !

C'est encore le terme d'aveuglement qui décrit le mieux votre approche lorsque l'on regarde les mesures que vous nous proposez aujourd'hui. Totalement aveuglés par les paillettes de la finance et fascinés par le monde virtuel qu'elle entretient, vous et les vôtres suivez les conseils des banquiers, du FMI et des autres pseudo-experts en casino mondial, intoxiqués par leur idéologie et leurs intérêts.

Vous-même et votre gouvernement ne comprenez pas le fonctionnement des marchés financiers, leurs produits dérivés, leurs montages financiers complexes ou l'informatisation croissante des échanges.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Si vous comprenez, monsieur Chartier, vous êtes alors coupable, et vous aurez à répondre devant le peuple français de vos politiques.

Vous êtes plus démunis, mesdames, messieurs, que le commun des mortels qui bénéficie de son expérience de la vie quotidienne et subit les dramatiques conséquences de votre crise. Vous faites confiance aux marchés, aux banquiers, aux spéculateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Bien sûr ! Vous ne faites confiance qu'à ceux-là, qui profitent de la crise provoquée par l'appétit insatiable du capital pour sa propre accumulation et la garantie de son taux de profit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Que vous fassiez référence à Marx supposerait que vous l'ayez lu…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…et j'ai quelques doutes en la matière car je n'ai offert que le livre II du Capital à Mme Lagarde. À moins qu'elle ne vous l'ait prêté pour que vous le défrichiez un peu et que vous lui fassiez un résumé, ce qui lui ferait gagner du temps, le volume que je lui ai remis faisant près de 1 500 pages. Entre deux crises financières, elle n'a sûrement pas eu le temps de tout lire,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Ça l'aurait achevée ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…surtout que, quand on lit Marx, il ne faut pas seulement lire : il faut aussi comprendre.

Quant à la mise en oeuvre, c'est encore plus délicat,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Cela a déjà été fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…parce que, pour cela, il vaut mieux comprendre la vie réelle et l'avoir vécue soi-même, pour savoir de quoi l'on parle. Et, monsieur le ministre, ce n'est pas au bord des Grands Lacs qu'on apprend cela !

Je reviens à mon propos. Passons aux citations, monsieur Chartier ! Je commencerai par citer quelqu'un qui, peut-être, est plus proche de Mme Lagarde que de M. Baroin. Saint Luc remarquait déjà, dans l'Évangile : « Si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou ». Quant à moi, je dirais plutôt que ce sont les autres, c'est-à-dire la grande majorité de nos concitoyens français et européens, que vous êtes en train de pousser dans le trou !

En ce sens, William Shakespeare avait vu plus juste, en disant : « C'est un malheur du temps que les fous guident les aveugles. » Les fous, ce sont les spéculateurs ; les aveugles, ce sont vos collègues du Gouvernement et vous, monsieur le ministre.

La finance est devenue folle et vous, votre gouvernement, votre majorité, la suivez avec l'aveuglement des vieux-croyants ou – nous avons vu, récemment, le pèlerinage à Fatima – de ces croyants qui suivent à genoux leur chemin de croix ; vous êtes un peu dans cette situation, à cette différence près qu'à l'arrivée ce n'est pas vous qui êtes crucifiés, mais le peuple français, qui souffre pendant que vous n'êtes que spectateurs, après avoir été acteurs de ces politiques.

Aveuglés par votre idéologie, vous capitulez devant les exigences du marché, et votre servitude, votre servilité, votre zèle empressé à l'égard des intérêts des banques est volontaire, consenti. Vous avez perdu tout sens critique. Prenons-en pour exemple, une fois de plus, ce projet de loi de finances rectificatives. Détaillant le contexte qui a, selon vous, « présidé à l'adoption du mécanisme européen de stabilisation pour préserver la stabilité financière », vous nous expliquez que « les tensions sur les marchés financiers se sont très fortement accentuées dans les jours suivant la demande d'activation par la Grèce du plan d'aide, le 23 avril dernier ». Jusque-là, nous sommes bien évidemment d'accord, dans la mesure où nous avions dès le départ dénoncé non seulement l'injustice sociale de ce plan mais également son inefficacité économique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avions voté contre ce plan d'aide aux créanciers, aux banquiers et aux marchands d'armes.

Mais comme il ne sert à rien d'insister sur le fait qu'alors que vous étiez encore aveugles, nous avions vu juste il y a un mois, comme nous avions vu juste à l'automne 2008, c'est la phrase suivante qui m'intéresse ici. Vous affirmez que « ces tensions ont été alimentées par les dégradations par Standard & Poor's de la notation souveraine de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal, alors même que leurs fondamentaux économiques et la sincérité de leurs comptes étaient très différents de ceux de la Grèce ».

En résumé, vous reconnaissez donc vous-même l'irrationalité des marchés financiers ou, du moins, leur déconnexion totale d'avec les besoins réels de l'économie. D'une économie au service des hommes. Non, monsieur le ministre, pour nous, les peuples ne doivent pas être au service des marchés financiers. Le système économique de la société doit être au service de la plénitude des hommes. Oui, nous croyons en un projet d'humanité. Non, nous n'adhérerons jamais aux lois bestiales du marché qui broient les hommes et subsistent grâce à ces homicides sans cesse répétés.

Quant à vous, il suffît de lire ce projet de loi pour comprendre quelles sont vos options, pour comprendre que vous avez abdiqué devant les diktats de la finance mondiale.

En vous écoutant, monsieur le ministre, je regrettais François Baroin « le Vieux »,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…si je compare à Dürer ou à d'autres. « Le Vieux », madame Brunel, c'est affectueux et pas du tout péjoratif. J'entends par là le François Baroin avec sa coloration gaulliste. Mais voilà que le printemps venu, la sève monte, la carapace éclate, et c'est un nouveau François Baroin qui apparaît, coloré de sarkozysme (Rires) ; les traces restant encore du gaullisme traditionnel, qui fait honneur à notre pays, disparaissent.

Aussi, pour continuer votre édification, je vous propose de poursuivre notre petite lecture commentée de ce projet de loi de finances rectificatives. Toujours dans la partie consacrée au contexte ayant présidé à l'adoption de votre plan de stabilisation des profits bancaires, vous expliquez à la représentation nationale et à l'ensemble de la nation : « Les rendements exigés par les marchés ont placé certains États de la zone euro dans une position où le coût de refinancement de leur dette leur avait quasiment fermé l'accès au marché. Au cours de la semaine du 3 au 7 mai, le Portugal et l'Espagne ont été contraints d'émettre des obligations à des taux entre deux et quatre fois supérieurs à ceux de leurs émissions précédentes au mois de mars. »

Je n'insisterai pas davantage sur le fait que, selon vous, « les marchés exigent des rendements » et qu'ils « contraignent les États ». Je n'insisterai pas davantage sur ce que ces formulations révèlent de renoncements et de capitulations du pouvoir démocratiquement élu vis-à-vis du pouvoir des banques. Pour un marxiste, l'économique l'emporte, en dernière analyse, sur le politique, mais certainement pas la finance, qui ne doit rester qu'un levier au service du développement économique et non pas assujettir celui-ci à la logique autodestructrice du capital qui tourne sur lui-même et devient fou par l'abdication religieuse, intégriste du politique devant les exigences de la réalisation du taux de profit de la finance internationale.

Le 9 décembre 2002, Sa Majesté Impériale, Nicolas Sarkozy, avait pourtant déclaré : « Ça fait trop longtemps que, dans notre pays, on laisse faire les choses ». Fin de citation : après, il y aurait peut-être eu des fautes de français !

Voyons donc en détail ce que vous nous proposez de voter aujourd'hui. Avec vos homologues européens et les dirigeants du Fonds monétaire international, vous avez concocté un nouveau « plan d'aide » qui atteint la somme, à première vue faramineuse, de 750 milliards d'euros.

Ces 750 milliards d'euros de « garanties » que vous mettez sur la table seraient destinés à permettre aux États en situation de quasi-surendettement de retrouver la « confiance des marchés ». Parce que les nouveaux prêts que ces États solliciteront auprès des banques seront garantis par l'Union européenne, ils pourront être « consentis » à des taux d'intérêt plus abordables. Cela est censé rassurer les marchés quant à la capacité des États à rembourser leurs dettes. Cela est censé « ramener le calme » sur les places boursières. Alors certes, vous rassurez les spéculateurs, vous leur dites : « Continuez, nous paierons ! » Pourquoi arrêteraient-ils puisque vous déférez à leurs diktats ?

Votre approche est exactement celle des spéculateurs de la finance, monsieur le ministre. Comme eux, vous vous contentez de faire un pari : le pari est de dire que ces 750 milliards d'euros doivent suffire pour rassurer les banquiers. Ces 750 milliards ne devront de fait pas être totalement consommés par les États qui sollicitent ce mécanisme de garantie. Si l'ensemble de cette somme était en effet utilisé pour garantir les prêts des États, alors on se retrouverait à nouveau, peut-être le mois prochain, dans une situation où les marchés auront perdu « confiance ».

Vous faites donc un très mauvais pari. En vous alignant sur les méthodes de l'économie casino, vous préparez la prochaine crise, qui sera, nous le craignons, bien plus grave encore.

Vous ne faites que répondre aux exigences des marchés financiers en injectant toujours plus de liquidités dans les circuits du casino mondial. Vous encouragez les pratiques qui, depuis deux décennies, favorisent systématiquement la recherche du profit facile au détriment des investissements productifs, créateurs d'emplois et de richesses pour l'ensemble de la société.

À dire vrai, certains d'entre vous, à commencer par le président Sarkozy, n'agissent pas tant par aveuglement que par intérêt. Vous défendez avec zèle les intérêts des compagnons de table du Fouquet's tout en essayant de camoufler cet objectif.

Toutefois, il vous reste encore une marge de progression dans le camouflage de vos intentions réelles. Ainsi, ce projet de loi de finances rectificatives indique sans détour que « l'octroi de ces financements s'accompagnera de fortes conditionnalités » et que les États se sont engagés, en contrepartie, à « mettre en oeuvre des politiques économiques soutenables ». En revanche, lorsqu'il s'agit de préciser, au-delà de la langue de bois que vous maîtrisez à merveille, ce qu'il faut entendre par des expressions comme « fortes conditionnalités » ou « politiques économiques soutenables », vous préférez vous dédouaner de votre responsabilité en confiant l'exécution de votre projet à la Commission européenne et au Fonds monétaire international.

Plutôt que d'assumer vos choix et de dévoiler vos intentions, vous, monsieur le ministre, ainsi que l'ensemble des gouvernements européens, préférez confier la gestion de votre « plan de stabilisation » à des instances dont la contestation est, en pratique, d'autant plus difficile qu'il s'agit d'instances que le citoyen lambda a beaucoup plus de mal à situer sur l'échiquier politique, et qui sont par conséquent beaucoup moins contestées et sanctionnées électoralement.

C'est pourquoi, d'ailleurs, lorsque vous avez des choses à changer dans l'Union européenne, vous n'avez plus recours au référendum, vous piétinez la démocratie quand elle a parlé, et vous y substituez des décisions parlementaires, comme si le Parlement souverain avait une légitimité plus forte que le peuple tout entier.

Vos intentions sont pourtant claires. Vous cherchez à profiter de la crise pour promouvoir un modèle de société qui met les intérêts des grands groupes privés au centre de l'action politique. Vous voulez encore aggraver la répartition inégalitaire des fruits du travail au bénéfice de la rentabilité du capital. Je ne sais pas, monsieur Chartier, si la rentabilité du capital est une notion claire pour vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela renvoie au taux de profit. Si vous voulez que je développe, nous pouvons en venir à la loi de la valeur et à la façon dont le juste salaire devrait être la rémunération du renouvellement de la force de travail, en anticipant le développement de la société, à l'inverse de que vous faites aujourd'hui, passant les salaires et les salariés à l'essoreuse. Préparer l'avenir, c'est pourtant investir dans l'intelligence, n'est-ce pas, monsieur Fourgous ? M. Fourgous est natif du Bel Air à Montreuil et a bu de ce lait quand il était enfant, mais il l'a mal digéré ! (Rires sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Il n'a pas tout compris à la logique qu'il a pourtant apprise tout jeune, quand il était encore Montreuillois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il n'y a pas de lait communiste ; il y a du lait avec un taux suffisant de matière grasse et de calcium ou il n'y a pas de lait du tout. Vous, votre lait, le lait que vos vaches fabriquent, sécrète le rachitisme pour le peuple tout entier. Mais vous avez encore une autre sorte de lait, un lait spécial qui nourrit la Société générale, la BNP, le Crédit agricole, le Crédit lyonnais et quelques autres, et surtout les actionnaires, qui réalisent des profits de plus en plus élevés tandis que les salariés sont livrés à leur triste sort, avec des situations dramatiques. Je n'évoquerai pas plus en détail les suicides à France Télécom, qui sont aussi le résultat de cette logique. Cela va jusqu'à la mort, parce que le système que vous soutenez est un système cruel, barbare, sans pitié, qui, pour accumuler le profit, n'hésite pas à sacrifier des vies humaines, vous le savez bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Fourgous

Il n'y a pas eu cent millions de morts à France Télécom !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Fourgous, il y a des allusions qui sont tout à fait déplacées. Chaque mort à France Télécom, chaque mort à Renault, quand il résulte de la pression pour extraire de la plus-value, est un crime, quelle que soit l'appellation que vous lui donnez. Et les patrons qui président à ces politiques sont des criminels, ne vous en déplaise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Chartier, allez-vous expliquer aux familles dont des parents sont morts dans de telles conditions que ce que je dis est excessif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est indigne, indécent de la part d'un parlementaire de ne pas comprendre la souffrance, et de justifier le lucre et l'appât du gain qui débouchent sur la mort de salariés ! Mais vous ne voulez pas l'entendre parce qu'à la place du coeur, vous avez un coffre, pas pour vos sous, parce que vous ne mangez pas de ce pain-là, mais pour y placer les intérêts que vous représentez et que vous défendez avec zèle, avec aveuglement, au détriment des intérêts du peuple français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je ne suis pas d'accord pour traiter un patron de criminel ! Il faut avoir une vision juste de la société, et ce n'est pas toujours votre cas, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Si votre vision des rapports sociaux se traduit par le rapport existant entre le cheval et son cavalier, vous avez une notion de la justice qui n'est pas la mienne, j'en conviens volontiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Tout ce qui est excessif est insignifiant, monsieur Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'en reviens à mon propos, monsieur le ministre. Après la Grèce, c'est en Italie, en Espagne, au Portugal, au Royaume-Uni ou encore en Irlande que la déferlante des plans d'austérité est en train de s'abattre, et la spirale de la récession qu'elle déclenchera inévitablement provoquera encore plus de misère, de chômage, de destruction de pouvoir d'achat et des services publics.

En France, votre gouvernement a déjà annoncé la vente du système de retraite aux assurances privées – certes, ce n'est pas ainsi que vous le présentez, mais c'est la fin que vous poursuivez – ; la privatisation, en douceur pour l'instant, de la SNCF est en marche et, dès le 1er juillet, une nouvelle hausse du prix du gaz frappera les ménages.

Mes chers collègues, j'entends bien sûr vos objections médiatiques : « Il faut arrêter de vivre au-dessus de nos moyens », « Nous sommes en train d'hypothéquer l'avenir de nos enfants » – on entend les trémolos de la voix de M. Woerth. Mais il ne s'agit pas pour nous de nier la gravité de la crise dans laquelle vous avez plongé les finances de notre pays. Les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine, eux aussi, savent lire. Nous savons que cette crise est extrêmement grave pour l'avenir du pays et des jeunes générations. Mais nous savons aussi que cette dette a été savamment creusée par les gouvernements de votre majorité afin de pouvoir présenter leurs plans d'austérité comme des mesures incontournables.

Oui, nous vous accusons d'avoir consciemment et consciencieusement asséché les finances publiques de notre pays au profit des plus riches, par exemple avec le paquet fiscal, y compris le dernier avatar du bouclier fiscal – je sais que cela vous donne de l'urticaire rien que de l'entendre –, afin de rendre ces mêmes riches toujours plus riches. Pour vous, si la santé coûte trop cher, c'est qu'il faut démanteler les soins publics pour permettre aux intérêts privés de s'emparer de ce marché extrêmement juteux ; si les retraites coûtent trop cher, c'est parce que les assurances privées n'y gagnent rien... ou si peu, monsieur le ministre. L'origine de la dette, mes chers collègues, n'est pas de nature arithmétique. L'origine de la dette est de nature politique.

Tout ce que je vous dis là n'est pas le fruit d'une réflexion idéologique ni l'opinion d'un dangereux gauchiste irresponsable : tout cela figure, comme chaque année, dans les rapports de la Cour des comptes. Il y a quelques jours seulement, le Premier président de la Cour, Didier Migaud, nous a expliqué que la baisse des recettes fiscales nettes a représenté 50,9 milliards d'euros en 2009, soit une diminution sans précédent. Écoutez bien : hors inflation, les recettes fiscales nettes ont été d'un montant équivalent à celui de l'année 1979 ! L'État dispose d'autant, ou plutôt d'aussi peu de moyens, qu'il y a trente ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'ai presque terminé, madame la présidente.

Le produit intérieur brut, quant à lui, a augmenté dans le même temps de 70 % ! Quelles sont les raisons de ce décalage ? Les niches fiscales représentent chaque année la bagatelle de 74,8 milliards d'euros ; la fraude fiscale prive l'État d'au moins 25 milliards ; la suppression de la taxe professionnelle coûtera 11 milliards chaque année ; le taux préférentiel de la TVA dans la restauration représente un manque à gagner de presque 2,5 milliards ; et tout cela sans compter le bouclier fiscal. Le Gouvernement aura donc procédé à des cadeaux fiscaux d'une hauteur d'environ 150 milliards d'euros, soit cinq fois le trou de la sécurité sociale, ou l'équivalent du déficit de l'État, et toute cette générosité sans effet positif sur l'économie nationale.

Une autre politique est possible. Une autre politique est nécessaire. Vous l'aurez compris, mes chers collègues, monsieur le ministre, les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine ne cautionneront pas cette déferlante contre les services publics, déferlante intrinsèquement liée à votre pseudo-plan de stabilisation. Je vous demande, aux uns et aux autres, de prendre vos responsabilités et de ne pas nous obliger à nous revoir dans un mois pour un nouveau projet de loi de finances rectificative où, de nouveau, nous serions amenés à dire que nous avions vu juste avant les autres. Voyez juste dès aujourd'hui avec nous : votez notre motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est toujours un plaisir d'écouter les interventions de Jean-Pierre Brard parce qu'elles sont toujours nourries d'humour et de brillantes citations. Mais nous ne voterons pas cette motion de rejet préalable car, dès le début des réunions de la commission, j'ai dit que nous voterions ce collectif budgétaire pour une raison très simple : le parti socialiste a l'habitude de répondre aux questions qu'on lui pose. Or la question qui nous est posée ici est : faut-il mettre en place un mécanisme de solidarité entre les pays européens pour faire face à la crise ? Évidemment oui. Les partis socialistes européens depuis plus de trois mois, c'est-à-dire depuis le début de cette crise, appellent de leurs voeux un tel mécanisme. Nous avons demandé, dans nos textes, à l'Europe de le mettre en place. Dès lors, quand il s'agit de le créer, nous soutenons une telle mesure.

On voit bien que l'Union monétaire a souffert de ne pas pouvoir répondre rapidement à la crise grecque. Il a fallu deux mois entre la décision de soutenir la Grèce et son application, deux mois pour que l'Europe se mettre en marche. Résultat : la spéculation s'est développée sans aucun contrôle, sans aucune réponse de la part de l'Union euroépenne. Il a fallu encore un mois pour qu'on passe d'un dispositif baroque d'aide à la Grèce, fondé sur des prêts intergouvernementaux à des taux d'intérêt que nous avons toujours trouvé trop élevés, à un mécanisme de prêts aux pays en difficulté aux taux d'intérêt les plus bas – je l'espère – auxquels peut s'endetter l'Union. C'est la seule façon de résoudre des problèmes de dette souveraine.

Cela étant, je partage évidemment beaucoup des points de vue développés par Jean-Pierre Brard. Ainsi, quand il fait cette citation : « C'est un malheur du temps que les fous guident les aveugles », je pense que c'est un résumé très juste et très pertinent de ce qui s'est passé en Europe depuis plusieurs années sous la domination des gouvernements conservateurs majoritaires. Que s'est-il passé ? On a dérégulé complètement les économies en période de croissance quand aurait fallu au contraire les réguler pour éviter qu'une bulle ne se forme. Chacun voit bien à quoi à conduit l'exubérance des marchés financiers : à la crise que nous avons connue. La plupart des gouvernements européens ont réduit les impôts. Chez nous, cela a été des réductions d'impôts pour les plus fortunés, accompagné d'un creusement massif du déficit. De ce fait, la France a abordé la récession en étant dèjà en déficit excessif. C'était évidemment l'inverse qu'il fallait faire : réduire les déficits dans une période de croissance pour avoir les moyens de répondre à une crise quand elle se présente.

Aujourd'hui, sous la pression des marchés financiers, l'Europe applique des politiques d'austérité partout, qui vont avoir pour effet de remettre en cause la reprise et de casser les perspectives de croissance. Nous avons bien sûr besoin d'une coordination des politiques économiques en Europe, mais pas d'une coordination aveugle. Il faut éviter que tous les pays ne se précipitent dans des politiques d'austérité qui non seulement ne résoudront rien globalement, mais risquent d'aggraver les difficultés.

Il est certain que les marchés financiers sont un très mauvais guide des politiques économiques. J'ai dit lors du débat sur le précédent collectif budgétaire, il y a presque un mois, que les marchés financiers faisaient pression sur les États pour qu'ils conduisent des politiques d'austérité, et qu'ils allaient s'appuyer sur leur mise en oeuvre pour annoncer que la croissance serait très faible et qu'il y avait donc un risque que les déficits ne soient pas réduits. C'est très exactement ce qui s'est passé. La dégradation de la note de l'Espagne en raison de sa politique d'austérité qui risque de nuire à la croissance montre bien que les marchés financiers n'ont qu'une logique : prévoir ce qui va arriver la semaine suivante, non pas dans la réalité mais dans la tête des opérateurs de marché. Se laisser guider par les marchés financiers, c'est sûrement mener la politique la plus néfaste qui soit.

S'agissant du sujet qui nous occupe aujourd'hui, nous, nous n'avons pas de doute : il faut que l'Europe mette très vite en place un mécanisme de solidarité entre États. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Mon collèguePierre-Alain Muet a raison de rappeler que se laisser guider par la dictature des marchés est particulièrement dangereux et irresponsable. Mais c'est pourquoi la première question que nous voulons poser n'est pas sa question initiale, mais celle-ci : faut-il continuer à soutenir des banques irresponsables ? Il faut tout de même rappeler qu'au départ, il y a eu la crise des subprimes, et que la crise systémique a ensuite été évitée grâce à l'intervention massive des États. La dette privée a donc été transférée au public. Les créances pourries des banques, qui provenaient de cette spéculation effrénée, favorisée par la titrisation – phénomène dont on ne parle plus maintenant mais qui a tout de même existé –, ont été neutralisées. Mais pour y parvenir, les États se sont encore plus endettés, et leur note a donc été dégradée, ce qui, par un effet de rebond, a entraîné encore plus de spéculation.

Comment répondre à une telle situation ? Je rappelle que lors de la séance du lundi soir 3 mai, quand nous mettions en question l'inaction de la BCE, on nous répondait qu'en vertu de l'article 123 du traité de Lisbonne, elle ne pouvait intervenir. Aujourd'hui, le projet du Gouvernement nous explique que, grâce à l'article 122-2 du même traité, il est possible d'intervenir. Nous nous en réjouissons car c'est ce que nous proposions à l'époque. De même, certains hurlaient : « Pas possible de dévaluer l'euro, ce serait particulièrement dangereux ». Aujourd'hui, il est dévalué de fait. C'est une bonne chose. Cette évolution est même saluée par nombre d'économistes.

Monsieur le ministre, nous espérions que vous continueriez à mieux écouter ce qu'on a dit précédemment et que vous êtes aujourd'hui obligé d'approuver. Par exemple, vous auriez pu nous suivre sur la lutte contre la spéculation – un de nos nombreux points de désaccord énoncés par mon collègue Jean-Pierre Brard. Or votre projet, une fois de plus, consiste à sauver les banques, sans rien de sérieux contre la spéculation.

En conclusion, quand on sait que la personnalité chargée de réfléchir aux questions de régulation budgétaire, c'est Michel Camdessus, ancien directeur du FMI, responsable de la plus grande débâche qui ait eu lieu en Argentine, avec toutes les conséquences sociales dramatiques qui s'en sont suivies, on ne peut qu'être inquiet sur ce qui va se passer en France.

C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai bien écouté Jean-Pierre Brard : si cela avait été une épreuve du concours général, je lui aurais mis 1820 pour l'éloquence, mais malheureusement 220 pour les propositions et pour le contenu. (Sourires.) Ce fut une plaidoirie dont il a l'habitude, passant facilement, d'un instant à l'autre, de la Bible à Marx. Bref, il y a eu des raccourcis rapides. Mais j'ai vu qu'il avait des connaissances particulièrement étendues en botanique et en zoologie puisqu'il a passé en revue un certain nombre d'animaux.

Plus sérieusement, je voudrais dire à Jean-Pierre Brard que nous ne voterons pas en faveur de sa motion pour au moins deux raisons. D'abord, nous devons réagir dans l'urgence – comme l'ont aussi expliqué le ministre et Pierre-Alain Muet – sauf à faire, une fois de plus, le lit des spéculateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Or ils attendent une réponse politique que nous devons apporter le plus rapidement possible.

Ensuite, Jean-Pierre Brard, vous qui défendez toujours les peuples opprimés, ne voyez-vous pas que, plus nous attendrons, plus ces économies seront déstabilisées ? Que se passera-t-il alors ? Des pans entiers de ces économies disparaîtront, avec pertes d'emploi et misère pour ces peuples-là à la clef.

Nous connaissons les insuffisances de la solidarité européenne, de cet idéal que nous avons bâti depuis 1945. Nous avons notamment répété qu'il fallait imposer des contraintes aux marchés financiers ; nous n'avons cessé de faire des propositions en ce sens depuis 2007. Je souhaite que nous allions plus loin sur les pistes qui ont été explorées, notamment en ce qui concerne les taxes sur les banques, les agences de notation, l'insuffisance des instruments de régulation, ou la titrisation que nous avons dénoncée à une époque, comme vous venez de le faire, madame Billard.

Il nous faut donc réagir sans tarder. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous repousserons cette motion et nous soutiendrons la proposition que vous nous faites. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Le groupe UMP ne suivra évidemment pas le groupe GDR, et chacun aura bien compris qu'il n'approuvera pas cette motion. C'est une histoire, non pas de posture, mais de point de vue. Nous pensons que ce fonds européen de stabilité financière aurait dû être créé en même temps que l'euro.

Reprenons les choses dans l'ordre. À la création d'une monnaie, on se dote de tous les outils en mesure de la promouvoir, de faire croître sa valeur et, le cas échéant, de la défendre.

S'agissant de l'euro, que s'est-il passé ? Une monnaie unique a été instaurée sans que fussent créés des instruments communs de politique économique. Deux principes ont été édictés : la convergence des déficits budgétaires limités à 3 % du PIB ; l'indépendance totale de la Banque centrale européenne. Cette dernière a été interdite d'intervention sur le marché secondaire obligataire, pour éviter la création de monnaie et donc les risques d'inflation.

Tout cela était parfait, sauf que les attaques contre l'euro n'étaient pas prévues. Or la monnaie européenne est attaquée depuis plusieurs mois parce que la dette globale générée par les pays de la zone euro est devenue tellement importante que des opérateurs de marché se sont mis à douter de la capacité de remboursement de certains pays.

C'est assez frappant pour être souligné : sur le marché secondaire, un titre de dette souveraine – c'est-à-dire le type réputé le plus sûr du monde – a été assimilé au titre de dette d'une entreprise en situation de quasi-dépôt de bilan ! Voilà ce qui s'est passé sur les marchés, il y a quelques jours encore.

Bien sûr nous aurions dû prendre ces mesures depuis longtemps. C'est la raison pour laquelle il ne faut plus tarder à mettre en place ce fonds européen de stabilité financière, associé au début de convergence de politiques économiques que représente le pacte de stabilité – ajoutons « et de croissance » – qui pourra peut-être créer une solidarité au moins entre les pays de la zone euro sinon entre les vingt-sept pays de l'Union européenne.

Cela sera-t-il suffisant ? C'est un excellent départ qu'il faut saluer, même s'il est tardif. C'est vrai, monsieur Brard, que nous sommes passés dans un autre système, mais cela ne date pas d'aujourd'hui : nous y sommes passés lors de la création de l'euro.

Aurions-nous pu avoir la lucidité d'y passer totalement lors du lancement de l'euro ? Voilà l'enseignement de l'histoire : nous laissons trop les événements dicter notre conduite alors que la responsabilité du politique est d'initier, de lancer des stratégies et surtout de les mettre en oeuvre et de les faire respecter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

En l'occurrence, je pense que nous aurions dû, dès le départ, nous doter d'outils de politique économique. Reste le débat sur le rôle de la Banque centrale européenne. Elle doit, en principe, éviter tout retour de l'inflation, mais elle pourrait aussi défendre l'emploi et la croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

C'est la moindre des choses !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

J'ai reçu de M. Nicolas Dupont-Aignan une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour examiner les conséquences sur notre loi de finances du deuxième plan de sauvetage européen soutenu par le Gouvernement.

Après nous avoir demandé, il y a un mois à peine, l'engagement de la France en faveur de la Grèce pour 17 milliards d'euros, vous nous demandez, monsieur le ministre, d'engager la garantie de notre pays pour 110 milliards d'euros supplémentaires.

Pour nous rassurer, vous nous expliquez qu'il ne s'agit que d'une garantie que vous ne serez pas obligé de mettre en oeuvre. Vous voulez nous convaincre que, grâce à cette garantie, nous allons à la fois désamorcer la crise de l'euro et sauver notre argent.

Je veux vous démontrer, par cette motion de renvoi en commission, que vous allez tout au contraire gaspiller des sommes considérables, creuser notre dette, accabler un peu plus le peuple français, sans bien sûr résoudre la crise structurelle de l'euro.

Vous croyez gagner du temps et éviter le chaos. Vous allez tout au contraire accélérer la décomposition de la zone euro, et cela pour deux raisons majeures. D'une part la politique économique et financière des dirigeants européens est totalement incohérente ; d'autre part le système monétaire sur lequel elle s'applique est frappé d'un vice de conception.

Tout d'abord, vous ne voulez pas reconnaître ce vice de conception de la monnaie unique. Vous ne voulez pas porter le bon diagnostic sur la crise de la zone euro. Vous voulez croire que la crise est seulement conjoncturelle et qu'il suffirait de remettre un peu de raison dans la gestion des finances publiques grecques – ou même françaises – pour repartir du bon pied.

La vérité est bien différente et tant que vous ne le reconnaîtrez pas, vous n'appliquerez pas le bon remède.

La crise de l'euro n'est pas conjoncturelle, elle est bien sûr structurelle. Vous faites mine d'avoir affaire à un problème transitoire de liquidités des économies du Sud et de la France, alors que vous faites face à un problème durable de solvabilité, conséquence même de l'existence de la monnaie unique.

Cette crise structurelle de la zone euro est connue depuis des années. Nombreux sont les économistes qui l'ont pointée du doigt. De surcroît, la surévaluation de l'euro, fruit du dogmatisme de la Banque centrale européenne, a aggravé les difficultés.

Jean-Jacques Rosa, Jacques Sapir, Michel Aglietta, deux prix Nobel – Maurice Allais et Joseph Stiglitz – et beaucoup d'autres ont mis l'accent sur la divergence de plus en plus forte des principaux pays de la zone euro. Elle se manifeste par des faits : un accroissement depuis 2000 des différences dans le domaine de l'emploi, de l'épargne, de l'investissement, de l'inflation, de la croissance et de la balance des paiements.

Alimenté par les différences de dynamiques économiques et accentué par la politique allemande qui a cherché à profiter de sa position dans la zone euro en transférant une partie des charges de ses entreprises vers les ménages, ce phénomène a induit des distorsions de productivité considérables.

On a vu le déficit du commerce extérieur de pays comme l'Espagne, l'Italie, l'Irlande et la Grèce augmenter de manière très importante. Sans parler de la France dont le déficit extérieur approche les 50 milliards d'euros.

Ce sont bien ces différences de dynamique qui sont à la base de l'endettement de la majorité des pays de la zone euro. Vous connaissez bien le schéma qui compare l'évolution des balances commerciale vis-à-vis du PIB et qui prouve cette divergence : l'augmentation continuelle de celle de l'Allemagne, la baisse de celle de tous les autres pays. Il est très clair, limpide.

Lors du débat sur le traité de Maastricht, on nous disait : « Dormez tranquille : l'euro va apporter la croissance, faire converger les économies, nous protéger de la spéculation, nous permettre d'assainir nos finances publiques. »

Il n'en a rien été, bien évidemment, pour la raison simple que la zone euro n'est en rien une zone monétaire optimale : sans mobilité des travailleurs, pas de transferts financiers.

Dans ces conditions, ce qui devait arriver est arrivé : les pôles les plus compétitifs n'ont fait que se renforcer, surtout quand ils profitaient des commandes et de l'endettement facile des pôles les moins compétitifs qui ont pu sans souci – au moins dans un premier temps – laisser se développer un déséquilibre de leur balance commerciale.

L'Allemagne était bien contente de gonfler son excédent commercial vis-à-vis des pays du sud qu'elle accuse à présent de mauvaise gestion.

Si les dirigeants grecs ont mal géré leurs finances publiques, on n'a pas le droit de dire la même chose des dirigeants espagnols. Leur budget était toujours équilibré et même cité en exemple. C'est bien l'application d'une monnaie unique, d'un taux d'intérêt unique, à des structures économiques différentes qui a généré, en Espagne, une bulle immobilière et une dette privée considérable.

De même, c'est l'absence d'ajustement monétaire comme par le passé qui, en Italie et en France, a asphyxié les entreprises, a entraîné les délocalisations, a fait exploser le coût social et financier du chômage et réduit les recettes fiscales et sociales, aggravant les déficits et la dette.

Insuffisance de croissance liée à un euro surévalué, concurrence exacerbée entre des pays qui ne jouent pas dans la même division économique, telles sont les raisons qui ont naturellement conduit à compenser le manque de création de richesse par les déficits.

La monnaie européenne a aussi été un « euro morphine » qui a permis – au moins au début – de s'endetter sans douleur pour payer les dépenses courantes. S'il a servi de bouclier, ce n'était que pour protéger nos vices ! En effet, comment donner le moindre crédit au mythe de l'euro bouclier ? Cet euro, qui ne nous a pas prémunis contre nous-mêmes, ne l'a pas fait davantage contre l'extérieur.

L'Europe a connu une récession plus violente que les États-Unis d'où la crise est pourtant partie, et elle est en train d'en sortir beaucoup plus tardivement et difficilement qu'eux. La comparaison des performances économiques en atteste : en 2009, la récession était de 4 % en Europe et de 2,5 % aux États-Unis ; en 2010, la croissance prévue est de 1 % en Europe et de 3,5 % aux États-Unis. Joli bouclier !

Puis, les marchés ont attaqué la zone, faisant mentir la dernière promesse d'un euro stabilisateur des économies européennes.

Échec sur la croissance, échec sur la convergence, échec sur la dette, échec sur la spéculation : quatre échecs pour quatre promesses, cela fait beaucoup !

C'est cette zone monétaire anti-optimale que les marchés mettent actuellement à l'épreuve. Certes, ils amplifient les phénomènes, mais vous n'avez ni voulu ni pu les dompter car, tout simplement, au-delà de leurs excès, ils ne font que traduire une certaine réalité à un moment donné.

Même groggy à force de se fracasser la tête contre le mur de la réalité, l'Union européenne prétend encore jouer les passe murailles ! Vous avez tellement fait de l'euro, à tort, le symbole de l'Union européenne, un véritable dogme d'une nouvelle religion, que vous n'arrivez pas à admettre son échec.

Le comble c'est que les dirigeants européens ne se donnent même pas les moyens de mener une politique cohérente pour au moins en adoucir les effets les plus néfastes. Vous prétendez vouloir sauver l'euro, mais votre politique va le tuer et l'enterrer définitivement.

À un système déjà difficilement tenable, vous ajoutez une politique économique et financière totalement incohérente. C'est la deuxième raison pour laquelle votre plan ne peut qu'échouer. Vous êtes comme des enfants qui veulent toujours ajouter une brique supplémentaire à une construction qui penche déjà dangereusement, jusqu'au jour où, patatras, tout s'écroule.

En effet, votre plan de 750 milliards d'euros n'est qu'un leurre. Vous ne cessez de dire qu'il n'y a pas d'autre solution, mais cela est tout sauf une solution. C'est une ineptie économique et politique. La potion amère que vous infligez aux pays du sud – maintien dans la monnaie unique sans dévaluation et déflation interne pour soi-disant rétablir leur activité – ne peut mener qu'au désastre, comme vous le savez.

Le processus est bien connu. La diminution de la dépense publique en période d'assèchement de la dépense privée plonge l'économie dans une récession cumulative, faisant exploser le chômage et les dépenses d'assistance sociale, tarissant parallèlement les recettes fiscales et faisant au final exploser encore plus les déficits et la dette.

Faut-il donc que les leçons du XXe siècle aient à ce point été mal apprises ou oubliées ? Souvenez-vous, ce n'est pas l'inflation qui a mené au désastre à la fin des années trente, mais bel et bien la déflation, cette cure d'amaigrissement qui affaiblit tellement le sujet à qui on l'applique qu'il manque d'en mourir, au prix d'un lourd retard économique et d'importants.

C'est ainsi que Pierre Laval et ses amis ont mis la France au supplice entre 1931 et 1936, affaiblissant son industrie jusqu'à un niveau jamais atteint. La politique de relance menée par le Front populaire à partir de 1936, outre ses inconvénients – telle la loi des 40 heures –, ne fut pas assez vigoureuse, en effet, pour réparer les dégâts énormes de cette déflation mortifère. D'ailleurs, il est particulièrement cocasse de voir aujourd'hui le parti socialiste voler au secours d'une politique européenne archaïque, anti-sociale et anti-économique, dont il avait logiquement et heureusement pris le contre-pied il y a soixante-quatorze ans. Bravo, chers collègues socialistes, pour le progrès de votre pensée économique !

La déflation fut aussi, en Allemagne, le carburant le plus efficace, comme vous le savez, pour hisser Hitler au pouvoir. La preuve : la politique de déflation engagée par Brüning en 1932 permit au parti nazi de doubler ses voix aux élections de juillet de la même année.

Cette impasse économique de l'austérité se double toujours, en effet, d'une impasse sociale puis politique. Les cures d'austérité vont mettre au supplice des peuples qui ne les supporteront pas longtemps et se révolteront à juste titre contre des politiques sacrificielles, dignes des prescriptions du célèbre Diafoirus de Molière, politiques qui ne résolvent même pas les problèmes qu'elles prétendent traiter. Avez-vous entendu parler, aujourd'hui même, de ces entreprises pharmaceutiques qui retirent du marché grec certains médicaments dont l'État veut voir baisser les prix ? Ces politiques seront d'autant plus mal supportées qu'elles sont imposées aux gouvernements légitimes par des autorités illégitimes. Comment imaginer fonder une gouvernance économique via les mesures autoritaires d'une Commission de Bruxelles et d'une Banque centrale européenne toutes deux incapables, depuis dix ans, de forger un horizon commun aux peuples d'Europe ?

En effet, on va soumettre l'ensemble des pays de la zone aux politiques de déflation, dont la Grèce – et bientôt l'Espagne – n'est que le laboratoire. Comment nous, élus de la nation, pourrions-nous accepter d'être dépossédés par une autorité non élue, sans autorisation ni mandat exprès du peuple français, de la souveraineté budgétaire ? En aurions-nous seulement le droit ? Et que signifierait d'autre la constitutionnalisation de l'interdiction du déficit public, que veulent aujourd'hui nous imposer Berlin et Bruxelles ?

Lorsque l'on prend ainsi le pouvoir par la force, c'est manifestement que l'on veut mettre en oeuvre des politiques qui ne seront pas acceptées par les citoyens et leurs élus. C'est bel et bien le cas en l'occurrence, puisque le « gouvernement économique européen » que l'on nous promet n'est rien d'autre qu'un hyper-pacte de stabilité. Et peu importe que son prédécesseur ait déjà échoué par le passé ; peu importe qu'il ait été contourné par ceux-là mêmes qui prétendent aujourd'hui le renforcer ; peu importe que les politiques qu'il induit soient, encore une fois, contreproductives. Je vous le demande : à quoi bon créer un gouvernement économique européen si c'est pour reproduire, en pire, les erreurs du passé ?

En définitive, monsieur le ministre, comment pouvez-vous nous demander d'apporter la garantie de la France pour 110 milliards d'euros – excusez du peu –, tout en soutenant une politique d'ajustement qui empêchera les pays que vous prétendez aider de s'en sortir, donc de nous rembourser ? La Grèce, vous le savez déjà, ne pourra pas nous rembourser. Mais les banques sont habiles : elles seront remboursées, elles, et c'est le contribuable qui sera une nouvelle fois le dindon de la farce.

Vous le voyez, mes chers collègues, ce n'est pas en plaquant un mauvais plan de sauvetage sur un système monétaire vermoulu que l'on pourra sortir les pays de la zone euro du piège dans lequel ils se sont mis.

Quelle est donc la solution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Dommage ! Nous aurions pu faire équipe ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

J'entends d'ici l'incantation fédérale de ceux – n'est-ce pas, monsieur Vigier – qui ont toujours rêvé de cette fameuse Europe politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Les mêmes ont d'ailleurs conçu l'euro comme un accélérateur de fédéralisme.

Leur rêve est, il faut le reconnaître, cohérent – beaucoup plus que votre politique, monsieur le ministre. Mais, parce qu'il nie l'histoire, les nations, les différences structurelles et les démocraties, il reste un rêve,…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…à moins de l'imposer de manière autoritaire, comme M. Trichet, qui parle aujourd'hui de « fédéralisme budgétaire »,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Ce n'est pas grave ! Il va finir à Pôle emploi !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…idée dictée par des gardiens du temple qui ne sont élus par personne. Oui, pour que l'euro puisse tenir, encore faudrait-il d'immenses transferts financiers entre les régions qui concentrent l'activité vers celles qui souffrent de déficit de compétitivité et perdent tous les jours des emplois. Pour cela, il faudrait prélever un impôt européen équivalent à 5 %, voire à 10 % du PIB. Mais quelle autorité politique le déciderait ? Avec quelle légitimité ? Nul ne le sait, puisqu'il n'existe ni démocratie commune, ni langue commune, ni opinion commune, pour la simple et bonne raison qu'il n'existe pas de peuple européen mais des peuples amis désireux de travailler ensemble, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Mme Merkel a déjà perdu la majorité au Bundesrat car elle a décidé d'aider la Grèce. Elle a d'ailleurs sifflé la fin de la récréation – et, à moyen terme, la fin de l'euro lui-même – en indiquant clairement que la zone euro ne serait jamais une union de transferts financiers. Les Allemands n'accepteront jamais, bien sûr, ni les transferts financiers, ni la monétisation des déficits par la Banque centrale européenne, ni des investissements massifs, sur crédits européens, pour les pays du sud. Or, nous le savons bien, on ne dégonflera pas l'extravagante bulle d'endettement sans un plan à long terme, non de quatre ou cinq ans – plan impossible à tenir, comme vous le savez au fond de vous-même, monsieur le ministre –, mais de dix à quinze ans, accompagné d'une politique de croissance : un plan comparable à celui que les États-Unis sont parvenus à mettre en oeuvre après la Seconde guerre mondiale.

L'Allemagne ne peut accepter le programme qui permettrait aux autres pays de la zone euro de redémarrer doucement mais sûrement ; mais, de leur côté, les pays du sud et la France ne pourront pas supporter le traitement de choc que l'Allemagne considère comme indispensable à la survie de la zone euro et conditionnel à toute solidarité envers les plus faibles. Qui peut croire un instant que des pays comme l'Espagne, l'Italie et la France puissent se résigner à voir leur substance industrielle s'étioler pour devenir le parc d'attraction d'une zone euro-mark qui correspond peut-être à la vision d'une Allemagne en recul démographique, mais certainement pas au besoin d'un pays comme la France, en plein renouvellement démographique ? Ces positions ne sont pas conciliables, non parce que les Allemands seraient égoïstes, la Grèce dépensière ou les Français pas assez sérieux ; mais tout simplement parce que les situations des pays concernés sont trop différentes pour être valablement et équitablement rapprochées au sein d'une politique unique. Les structures industrielles et économiques, les méthodes de travail ou la démographie – donnée fondamentale mais toujours oubliée –, ne le permettent pas. Un tiers des naissances dans notre pays se situent dans les quartiers difficiles, où le taux de chômage des jeunes hommes atteint 40 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Vous allez le voir, chère collègue.

Alors que nos banlieues craquent de partout et que le chômage de masse gangrène notre pays, croit-on sincèrement pouvoir infliger aux Français une cure de rigueur sans aucune perspective de croissance ? Quel avenir donnez-vous à la jeunesse de notre pays ? Bien évidemment, nous devons réduire notre endettement, maîtriser nos dépenses publiques et réformer nos structures publiques. Mais croyez-vous sincèrement que vous y arriverez par une politique malthusienne qui nous condamne au sous-investissement, au départ des talents, aux délocalisations vers un nouveau monde, comme la Chine ? Chine qui, d'ailleurs, ne se gêne pas, elle, pour laisser filer sa monnaie, éponger ses déficits par la planche à billets, imposer un protectionnisme déguisé, se livrer à la contrefaçon et au pillage technologique et investir massivement dans la science. Comment pouvez-vous refuser à la France et à l'Europe les politiques qu'utilisent les pays émergents pour gagner à nos dépens la guerre économique et scientifique du XXIe siècle ?

Voilà pourquoi il est préférable de concevoir une Union européenne souple, qui permette aux nations de coopérer ensemble pour dynamiser leurs atouts sans les étouffer. Or la monnaie unique n'est qu'un carcan uniformisateur, qui appauvrit la plupart des pays où elle a cours. Si l'on veut remettre sur pied notre pays, il faut donc en sortir au plus vite.

D'ailleurs, dans l'histoire économique et monétaire, aucun pays n'a pu faire preuve de rigueur sans, parallèlement, dévaluer sa monnaie pour redémarrer son moteur économique. Expliquez-moi, monsieur le ministre, comment l'Espagne et la Grèce rattraperont un retard de compétitivité de 40 % par rapport à l'Allemagne. J'attends votre réponse avec impatience. Expliquez-moi comment la France même rattrapera son retard de 20 %, soit à peu près la différence de croissance du taux de salaire depuis la naissance de l'euro. C'est impossible, et, au fond de vous-même, vous le savez.

En 1931, alors que la France s'accrochait aveuglément, et déjà pour le pire, au dogme du franc-or, la Grande-Bretagne avait dévalué sa monnaie de 40 % pour redémarrer. Le général de Gaulle, de retour au pouvoir en 1958, a dévalué le franc de 18 %, et a ainsi rétabli l'équilibre des comptes publics en très peu de temps. Songeons aussi aux précédents de la Suède en 1992 et de l'Argentine en 2001, qui, après s'être accrochée pendant trois ans au dollar, comme on l'y obligeait, a bien évidemment été obligée de dévaluer pour sauver les meubles. Dernier épisode en date : Londres, depuis un an, a recommencé à laisser filer sa monnaie de moins de 25 % – et même davantage –, et voit déjà son commerce extérieur redémarrer.

Oui, la rigueur est nécessaire ; mais le moteur économique doit aussi pouvoir fonctionner. Mme Lagarde me cite toujours l'exemple du Canada, et peut-être, monsieur Baroin, ferez-vous de même. Mais je me suis renseigné. Le Canada a pu redresser ses comptes grâce à une forte augmentation des recettes pétrolières au moment où le prix du baril augmentait. Il a été possible, bien sûr, de faire preuve d'une gestion économe et intelligente, mais il existait aussi des ressources extérieures.

Voilà pourquoi, que vous le vouliez ou non, il n'y a pas d'autre issue que le retour aux monnaies nationales pour permettre aux pays du sud et à la France de rattraper leur retard de compétitivité. Le choix est en vérité très simple : soit préparer la retraite en bon ordre et dans le calme, hors de l'euro, soit subir la déroute de la fin de l'euro dans des difficultés sociales considérables, et mettre en péril la construction européenne elle-même, dont certains acquis méritent évidemment d'être conservés.

Alors, je le sais, on va encore me dire que c'est impossible, que ce serait la fin du monde. Je veux répondre à ces mauvais arguments, qui relèvent souvent du sophisme, pour ne pas dire du syllogisme. On entend dire que la situation serait pire sans l'euro. Balivernes ! Tout d'abord personne n'en sait rien, puisqu'il est impossible de savoir quelle aurait été la trajectoire des économies européennes depuis vingt ans sans l'euro. Ce dont on est sûr et que l'on constate, en revanche, c'est la désindustrialisation massive, le chômage de masse ; ce que l'on voit, ce sont toutes ces jeunes générations qui, dans nos cités, sont sans avenir et condamnées au chômage. Voilà ce que l'on connaît depuis la politique du franc fort et l'euro, ce fameux Munich social dont parlait Philippe Séguin.

En retrouvant la maîtrise de notre politique monétaire, nous pourrions, comme d'autres pays, gérer enfin notre taux de change, monétiser certains de nos déficits, comme l'ont fait discrètement la Banque d'Angleterre ou celle du Japon, relancer l'investissement dans l'économie productive, relocaliser les activités, résorber le chômage, réduire les déficits sociaux et la dette. Ce ne serait pas de trop pour notre pays, qui se paye le luxe incroyable de cumuler un déficit chronique du commerce extérieur et une réserve immobilisée de bras qu'il doit payer à ne rien faire.

Bien sûr, il y aura des gagnants mais aussi des perdants ; et ce sont eux qui font pression pour éviter le scénario que je viens de décrire : je veux parler des banques qui, personne ne peut le nier, ont fait main basse sur la création monétaire. Elles verraient bien sûr d'un très mauvais oeil l'abrogation de l'article 104 du traité de Maastricht et, pourquoi pas, le rétablissement du pouvoir exclusif de la Banque de France de frapper monnaie, grâce à la révision de la loi de 1973. Mais comment peut-on accepter un système dans lequel les banques se refinancent à 1 % et prêtent à 3 % ? Pourquoi a-t-on privatisé la création monétaire ? Sujet tabou entre tous.

D'autres aussi pleureraient sur la disparition de l'euro : les plus grosses entreprises, qui assomment les sous-traitants et se jouent des normes sociales, fiscales et environnementales en délocalisant toujours plus ; les plus aisés, qui profitent d'une monnaie chère et vantent la rigueur car elle s'applique toujours aux autres ; les gros détenteurs de capital également ; bref, tous les rentiers, et ce alors que les actifs s'appauvrissent en travaillant, quand ils ont encore la chance de travailler.

La sortie de la France de l'euro ferait couler quelques larmes, mais susciterait la joie du plus grand nombre, de ces 69 % de Français qui, selon les sondages, regrettent le franc et de ces 38 % – dont 47 % des classes actives – qui veulent d'ores et déjà son retour.

Notre rôle est de répondre aux besoins du pays, de privilégier l'intérêt national, de relancer le moteur économique, d'aider nos PME, nos agriculteurs, d'offrir un avenir aux jeunes et de pouvoir payer nos retraites. Pour cela, nous le savons tous, il faut non seulement une gestion plus rigoureuse des finances publiques, mais il faut pouvoir la décider.

Si nous sortions de l'euro, ce ne serait pas la France – ni l'Italie d'ailleurs – qui en pâtirait, mais bel et bien certains de ses fournisseurs et clients, à commencer par l'Allemagne, dont l'excédent commercial fondrait enfin. C'est donc l'Allemagne qui en ferait les frais, au moins dans un premier temps. Mais nous laisse-t-elle le choix, elle qui veut nous imposer l'euro-déflation pour prix de son engagement européen ? Peut-elle continuer à faire cavalier seul sans comprendre que nous ne pouvons pas perdre plus longtemps notre vitalité économique ?

On me dit aussi que la sortie de l'euro serait techniquement impossible. Encore un énorme mensonge : la France est parfaitement capable de sortir de l'euro comme elle y est rentrée. Ce ne serait pas le premier pays dans l'histoire monétaire à changer de monnaie. De surcroît, la Grèce, le Portugal et l'Espagne vont à coup sûr la précéder : je ne vois pas comment la Grèce, en particulier, pourra ne pas sortir de la monnaie unique dans les années qui viennent. Même des économistes très favorables à l'euro – comme, ce matin, dans Les Échos, Kenneth Rogoff – imaginent aujourd'hui que certains pays devraient se mettre en « congé sabbatique » de l'euro – la belle expression ! – pendant dix à quinze ans. C'est élégamment dit pour sauver la face des défenseurs du dogme.

Il faut aussi bien sûr imaginer un système de coordination monétaire, qui pourrait d'ailleurs inclure la livre et les monnaies des pays qui ne font pas partie de la zone euro.

De ce que vous croyez être une catastrophe peut donc sortir un bien. Car pourquoi ne pas rebâtir un système monétaire européen coordonné ? La monnaie commune – et non pas unique –, évoquée par de très nombreux économistes – et récemment par Jacques Sapir –, peut être une intelligente solution de compromis pour sortir de la crise. Ce serait le principe d'un euro monnaie non unique, venant chapeauter les monnaies nationales dans un cadre où les parités seraient fixes mais régulièrement révisables. Ce serait la seule solution pour gérer l'hétérogénéité des dynamiques économiques, en dehors de l'hypothèse d'un budget européen vraiment important, qui est aujourd'hui une impossibilité politique totale.

Enfin, il conviendrait de protéger cet ensemble contre de nouvelles attaques spéculatives et, pour cela, d'introduire des mécanismes de contrôle sur les mouvements de capitaux à court terme.

Mais cela impliquerait que l'on prenne enfin acte de la diversité de l'Europe pour bâtir la seule construction européenne possible, celle des nations et des projets. Car, contrairement à ce qui est répété en boucle pour impressionner les âmes faibles, l'Union ne fait la force que si elle s'appuie sur des réalités et les valorise. L'Europe supranationale, boulimique, bureaucratique est condamnée par l'histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

L'Europe à la carte, qui s'appuie sur les volontés populaires et les talents des nations, est la seule qui puisse marcher. Engageons des coopérations industrielles, scientifiques, culturelles à deux, quatre, huit, onze ou quinze. Créons des réseaux de transport écologique, disciplinons les marchés, contrôlons les banques, investissons dans les technologies d'avenir.

En liant l'Union européenne à l'euro, vous croyez sauver l'une et l'autre, mais vous allez en vérité les perdre toutes, car l'Europe mérite mieux que ce carcan inutile et dangereux qui éloigne les peuples les uns des autres, qui – pis encore – en vient à les opposer : il suffit de lire en ce moment les journaux allemands et grecs pour s'en convaincre.

Mes chers collègues, je vous demande de voter la motion de renvoi en commission afin que notre assemblée se donne vraiment le temps de réfléchir aux sinistres conséquences de ce nouveau plan de sabordage de la France et de l'Europe. Réfléchissez, prenez votre temps. Comment allez-vous expliquer à nos compatriotes que, au moment où vous allez le leur demander un effort considérable – 100 milliards d'euros sur quatre ans, si j'ai bien compris votre plan de rééquilibrage des finances publiques –, vous allez engager et risquer de perdre une somme encore plus gigantesque dans une aventure sans lendemain ? Vous prétendez boucher un trou et vous en creusez un autre pour sauver un système qui ne marche pas et qui épuise le pays. Vous engagez un grand débat sur les retraites, vous voulez faire payer les Français pour économiser 10 milliards d'euros et vous allez faire voter, en quelques heures, dans la précipitation, un chèque en blanc dont le montant est onze fois plus élevé pour remplir le panier percé des dettes en Europe ! Vous prétendez sauver nos amis espagnols, alors que, en vérité, vous nous demandez une fois de plus de payer pour des banques qui sont devenues un État dans l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Le résultat de cette gabegie est prévisible : la France va se ruiner et s'enchaîner à des politiques absurdes, sans pour autant rétablir l'économie des pays en faillite, dont elle risque d'ailleurs, in fine, de rejoindre le malheureux club. Pourquoi vous entêtez-vous à sauver un système qui ne fonctionne pas ? Pourquoi continuez-vous d'obéir aux injonctions d'une oligarchie jamais élue et illégitime qui conduit chaque jour un peu plus l'Europe dans la récession, et qui fait que nous sommes aujourd'hui, de tous les continents, celui qui perd le plus pied dans la mondialisation ?

Mes chers collègues, allez-vous continuer indéfiniment à approuver ce système, à jouer – l'expression est, je crois de Karl Marx – les « idiots utiles » d'un système qui ne profite qu'à quelques-uns…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…alors que vous siégez dans cet hémicycle par la volonté et au nom du peuple français que vous représentez ?

Car au fond, monsieur Baroin, vous connaissez parfaitement les exemples historiques, vous avez lu Maurice Allais et Joseph Stiglitz, vous savez les ravages de la déflation. Pourquoi cet aveuglement ? Pourquoi n'avez-vous pas le courage de vous opposer au lobby bancaire qui a pris le pouvoir sur notre économie ? Pourquoi n'avez-vous pas le courage de remettre en cause ces avantages d'une petite élite qui est devenue une oligarchie et qui nous conduit à la catastrophe ? L'euro favorise la rente au détriment de la production. L'euro favorise les grandes multinationales qui échangent entre elles. L'euro favorise outrageusement les banques privées qui prêtent aux États et font du bénéfice sur le taux de la Banque centrale européenne. Mais ne vous rendez-vous pas compte de la souffrance du peuple, de la souffrance des peuples ? Comment pouvez-vous raisonner à si court terme ? Comment pouvez-vous déplorer l'abstention et tout faire, dans le même temps, pour y conduire nos concitoyens ?

Aujourd'hui, mes chers collègues, en raison de votre unanimité – UMP et PS confondus – à sauver un système à la dérive, le peuple n'a plus les moyens de se faire entendre et nous ne sommes plus qu'une poignée à résister, ici, à vos projets de gouvernance européenne autoritaire. Jaurès proclamait : « La nation, c'est le seul bien des pauvres. » Je me souviens du Président de la République redécouvrant Jaurès.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Aujourd'hui, mesdames et messieurs du Gouvernement, en plus d'infliger aux peuples européens des années supplémentaires de chômage et de récession en refusant de quitter un système mortifère, en les privant du pouvoir de battre leur monnaie, vous les privez de leur patrie, vous les privez de leurs âmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Pierre Moscovici, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, autre motion, autre style. Nous discernons certes des points de ressemblance avec celle défendue par Jean-Pierre Brard : les deux orateurs ont cité Karl Marx. M. Dupont-Aignan a même cité Jaurès…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

…le malheureux Jaurès, devenu un tenant du nationalisme le plus étroit.

Ces deux motions, également défendues avec cohérence, l'ont été dans des styles différents, moins truculent sans doute, plus austère, de la part de M. Dupont-Aignan. On vous sait, mon cher collègue, avocat convaincu, presque obsessionnel parfois, du souverainisme : au cours d'une assez longue démonstration, vous avez ainsi brossé une fresque géopolitique et économique dans laquelle on se perd un peu, avec, au passage – pourquoi s'en priver ? – un peu de populisme, du type « UMP-PS ».

Pour ma part, je trouve que vous êtes toujours dans l'excès. Avec vous, c'est tous les jours Apocalypse now – que Jean-Pierre Brard me pardonne ces quelques mots d'anglais –, tout va toujours mal. Je ne nie pas que vous posiez des questions sérieuses, notamment lorsque vous affirmez que la zone euro n'est pas une zone monétaire optimale. C'est l'évidence : si elle l'était, nous ne serions pas là. Ce que cette crise – la crise grecque, d'abord, la crise européenne ensuite, la crise mondiale – met en valeur, c'est une asymétrie dans la construction de l'Europe entre, d'un côté, tout ce qui relève de la monnaie unique, notamment le système de banque centrale, ses objectifs précis, et, de l'autre, ce qui aurait dû être le gouvernement économique, la coordination des politiques économiques, et qui fait défaut. C'est précisément cette dissymétrie qui explique que les spéculateurs aient pu s'attaquer à certains maillons faibles, dès lors que nous avions des politiques économiques nationales et une monnaie unique.

Mais qui dit questions justes ne dit pas bonnes réponses. Votre propos, monsieur Dupont-Aignan, se caractérise par une grave illusion d'optique, cette idée que tout va mal, ce pessimisme noir qui voudrait que l'euro soit un échec en tout. Je n'ai pas le temps de développer l'idée contraire, et je me contenterai de reprendre la phrase de Jacques Delors : « L'euro protège, mais il ne dynamise pas. » Et c'est ce qui lui manque. Voilà pourquoi la réponse que vous apportez est mauvaise. Il ne s'agit absolument pas de démanteler, mais de renforcer, et c'est ce que nous commençons à faire aujourd'hui.

Vos fausses réponses se déploient dans trois directions. Vous commettez d'abord une erreur de diagnostic. Vous parlez de la déflation et des années trente, mais nous ne sommes pas dans les années trente, et les remèdes à la crise ne sont pas ceux utilisés à l'époque. On injecte des centaines de milliards d'euros, l'année dernière dans le système bancaire et cette année dans la défense de l'euro :c'est exactement le contraire de ce qui avait été fait alors.

Vous avez d'autre part une curieuse nostalgie pour les changes flottants et les dévaluations compétitives. Je ne me souviens pas que cela ait beaucoup profité à la France. Au contraire, notre économie avait alors des taux d'intérêt plus élevés que celles de nos voisins – notamment l'Allemagne – et, par conséquent, un potentiel de croissance beaucoup plus faible. C'est pourquoi nous avons connu une situation de chômage de masse aggravée.

Enfin, vous avouez une certaine convoitise pour ce qui se produit hors de la zone euro. Mais voyez la politique mise en oeuvre par le nouveau gouvernement conservateur libéral de Grande-Bretagne : il ne semble pas que la situation de ce pays soit très enviable.

Au fond, vous avez brossé un scénario du pire, qui ramène toujours, de manière obsessionnelle, à la nation. C'est votre credo, votre boussole – et c'est votre droit. Mais vous devriez réfléchir au fait que votre système présente un risque paradoxal : aboutir à ce que vous voulez combattre, c'est-à-dire à une petite monnaie unique, réduite autour de l'Allemagne – pays sur lequel, soit dit en passant, vous tenez des propos un peu étranges –, qui serait un noyau dur monétaire de monnaies fortes et qui, pour le coup, entraînerait une forme de déflation.

Pour ma part, je ne crois pas au repli sur soi national. Le moment est venu, au contraire, d'avancer dans la construction européenne. Vous avez tout à l'heure évoqué le fédéralisme, comme si c'était un gros mot. Ça n'en est pas un, à mes yeux. Nous avons besoin d'un budget fédéral, comme en ont les États-Unis, avec des politiques de solidarité, car c'est ainsi, et ainsi seulement, que nous pourrons construire l'Europe. Une Europe qui serait réduite aux nations serait une Europe affaiblie, dans un monde qui appelle de plus en plus les grands ensembles. Nous avons besoin de cette union qui fait la force et qui représente l'euro.

Le temps n'est pas venu de défaire l'euro mais, au contraire, de construire l'Europe. C'est précisément parce que nous avons avec vous une divergence de vues absolue que nous voterons contre votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand on entend la description clinique que le docteur Dupont-Aignan fait de la maladie, on n'a aucun mal à en reconnaître les symptômes. C'est sur le diagnostic et sur la thérapie à mettre en oeuvre que l'on peut diverger. Y a-t-il une crise de l'euro ? Personne ne peut le contester. Faut-il renforcer l'euro ? Pour ma part, je ne sais pas ce que cela veut dire si l'on néglige d'expliquer à quoi sert la zone monétaire unifiée.

J'ai en mémoire les propos de Michel Bouvard, lors de la réunion de la commission des finances de la semaine dernière : « Nous payons aujourd'hui les insuffisances du traité de Maastricht. » À sa place, j'aurais plutôt parlé des errements de ce traité contre lequel nous avons voté, mais, cela mis à part, il est clair qu'une analyse honnête et sérieuse de la situation peut nous mettre d'accord. Pour l'essentiel, le traité a été imposé aux forceps à la majorité des peuples de l'Union européenne. En France, il a été adopté d'un souffle. Il y a bien un problème.

M. Dupont-Aignant propose que nous sortions de la zone euro. Nous n'y sommes pas favorables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Vigier, pour notre part, nous ne faisons pas partie des adeptes du veau d'or ! Nous ne sommes donc pas dans votre camp : nous sommes libres et, pour nous, seul compte l'intérêt de ceux qui créés les richesses. Cela fait une différence essentielle entre nous.

La solution consiste à revenir sur l'indépendance de la Banque centrale européenne. Les responsables politiques doivent se réapproprier le pouvoir dont ils se sont délibérément dessaisis pour que les politiques qu'ils voulaient mener soient mises en place sans qu'ils aient à les assumer. Ils ont confié cette responsabilité à d'autres qui défendent l'intérêt des marchés. Aujourd'hui, au contraire, il faut mettre en place une banque centrale assujettie au pouvoir politique, dont les critères pour agir favoriseront le développement – ce pourrait être par exemple l'emploi plutôt que la lutte contre l'inflation. Cette banque centrale devrait également prendre ses décisions en tenant compte de l'indice de développement humain, aujourd'hui totalement ignoré par les bourses.

Il est vrai que les cures d'amaigrissement qui sont imposées en ce moment aux peuples ne peuvent qu'aggraver la situation. Elles créeront des troubles sociaux, seulement, à la différence de M. Dupont-Aignan, cela ne nous effraie pas. Pour nous, ces troubles sont l'expression du peuple qui se réapproprie la politique et qui, en défendant ses intérêts, établit un nouveau rapport de force, dépossédant les possédants des pouvoirs qu'ils ont accaparé à son détriment. Voir les peuples en mouvement, les voir descendre dans la rue : voilà une raison d'espérer !

Madame Aurillac, je constate que mes propos vous effraient.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Évidemment, vous représentez vos électeurs comme je représente les miens, et ce ne sont pas les mêmes. Dieu merci pour les miens !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Nous avons relevé des signes très encourageants : le peuple grec est descendu dans la rue, 300 000 Portugais ont fait de même et les Espagnols commencent à se mobiliser. La semaine dernière, autour de la question des retraites, c'était le tour des Français. Certes, ce n'est que le début d'un mouvement. Mais croyez-vous, malgré « l'embrumage » auquel vous consacrez tant d'effort sur plusieurs fronts – à ce titre, la superposition du calendrier à propos de la burqa et de la réforme des retraites est significative – que les peuples d'Europe vont se laisser faire ?

Nous, Français, avons un rôle particulier à jouer car, dans notre histoire, nous avons contribué à plusieurs reprises à montrer la voie de l'émancipation, et à donner l'exemple de l'union, indispensable pour abattre les privilèges. Il reste à organiser la nouvelle nuit du 4 août dont nous avons besoin pour mettre à genoux les privilégiés et leur faire rendre gorge.

Nous ne partageons pas l'opinion de M. Dupont-Aignan concernant la sortie de l'euro. Si j'osais reprendre les propos de M. Moscovici, je dirais que nous croyons que, pour renforcer l'euro, il faut permettre aux responsables politiques de se réapproprier leur pouvoir au service des peuples.

Nous ne participerons pas au vote sur cette motion de renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur Dupont-Aignan, vous le savez, je suis un européen convaincu,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

…mais ce n'est pas pour cela que je suis aveugle.

Lorsque nous étions, vous et moi, en culottes courtes, il y avait des dévaluations. Je me souviens des années 70 et 80, dont vient de parler Pierre Moscovici, durant lesquels le franc s'était effondré par rapport au mark allemand. Dans les années 1980, je me souviens aussi du rétablissement du contrôle des changes et du blocage des salaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Je constate qu'en Europe, depuis dix ans, nous bénéficions d'une stabilité financière indéniable, même si, je vous le concède, elle n'a pas été accompagnée d'une croissance suffisamment forte. Cela s'explique aussi par le fait qu'un certain nombre de pays n'ont pas su faire les réformes structurelles que nous avons entreprises il y a quelques années. Un pays comme l'Allemagne, fortement exportateur, a su, depuis dix ans, se moderniser considérablement. Les prix de revient allemands pour ce qui concerne le travail sont inférieurs aux nôtres.

Contrairement à ce que vous avez dit : c'est précisément parce que nous manquons d'Europe qu'il faut une gouvernance économique européenne. Je ne pense pas à celle de la Commission européenne. Vous m'accorderez d'ailleurs qu'on ne l'entend pas beaucoup : les fameux technocrates auxquels vous faites référence parlent peu ou ne parlent pas. Les ministres, les responsables politiques, qui représentent légitimement le peuple doivent, selon moi, bâtir la gouvernance économique de l'Europe.

À ce sujet, on ne peut pas dire que les pays n'ont rien fait depuis trois ans pour établir des règles financières nouvelles – M. Brard le sait bien puisqu'il a participé avec moi à plusieurs réunions autour du Président de la République pour que le G 20 agisse en ce domaine. Certes, il a fallu attendre l'explosion de la bulle financière et la spéculation à tout va pour que les pays prennent leurs responsabilités et disent : « Cela suffit ! » Mais ils l'ont fait.

Je ne crois pas une seconde à l'isolationnisme. Vous l'avez dit vous-même : les pays émergents ne sont pas soumis aux mêmes règles que les nôtres, comme le montrent les exemples de la Chine, de l'Inde ou du Brésil. La compétition mondiale est tellement forte que seule la solidarité européenne est capable de sauver l'euro.

J'ai été surpris de vous entendre évoquer le modèle américain. Que je sache, vous parlez des États-Unis, État fédéral s'il en est ! Il est vrai que ce pays retrouve une croissance considérable, malgré un endettement beaucoup plus important que le nôtre.

Finalement, le problème en Europe, c'est qu'il n'y a pas assez d'Europe. C'est parce que nous n'avons pas d'harmonisation fiscale et sociale…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

…que l'Europe connaît des difficultés. Le programme de stabilité financière doit être l'occasion d'envoyer un message politique fort. Les chefs d'État, les ministres des finances, les ministres des budgets doivent prendre à bras-le-corps le sort de l'euro ; je suis persuadé qu'il s'agit du seul moyen pour sortir de l'ornière.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Monsieur Dupont-Aignan, nous ne sommes pas convaincus par votre cours d'histoire économique et monétaire.

Vous avez essayé de démontrer que l'euro était la cause de tous les maux que connaissent les pays européens ayant décidé de se doter d'une monnaie commune. Selon vous, il s'agit d'un vice de conception qui remonte à sa création et à son origine.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Dans ce cas, les problèmes auraient dû apparaître dès la création de l'euro. Au contraire, à l'époque, on a constaté combien cette monnaie avait permis un certain nombre de convergences.

Certes, aujourd'hui, nous devons nous interroger sur la façon dont cette convergence doit être renforcée par des politiques économiques mieux coordonnées.

Vous avez décrit les écarts de compétitivité entre pays dotés d'une même monnaie. Précisément votre argument n'est pas convaincant puisque l'Allemagne a réussi à faire progresser son commerce extérieur, non seulement par rapport à la zone euro, mais aussi par rapport au reste du monde. La monnaie n'est donc pas en cause : c'est plutôt la façon dont les pays – qu'ils appartiennent ou pas à la zone euro, comme l'illustre l'exemple britannique – affrontent les périodes de difficultés économiques et s'adaptent aux enjeux de la mondialisation et de la compétitivité.

Vous avez fait des rappels historiques, mais il faut aussi évoquer la République de Weimar, lorsque la dévaluation totale d'une monnaie a entraîné un pays et le continent européen entier vers les conséquences que nous savons.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Monsieur Brard, vous avez raison d'intervenir ; je sais que vous êtes un expert de l'histoire allemande.

C'est d'ailleurs ce passé qui explique l'attachement très fort de l'Allemagne à la stabilité de la monnaie. On peut comprendre cela de la part d'un peuple qui a connu une telle histoire.

Monsieur Dupont-Aignan, vous posez la question du fédéralisme budgétaire. Il est surtout important de faire la différence entre les pays qui ont choisi de rentrer dans la zone euro et les autres. Les cas de l'Irlande et de la Grande-Bretagne sont révélateurs : ce n'est pas la dévaluation de la livre qui reconstruit l'industrie britannique.

Ne transformez pas l'euro en bouc émissaire ! Ne dites pas que l'euro favorise les multinationales et la rente, qu'il génère la souffrance des peuples ! Tout cela existe en dehors de la zone euro, et nous en avons des exemples qui montrent que ces situations sont sans rapport avec notre monnaie commune.

Évidemment, nous ne vous suivrons pas sur cette pente dangereuse et illusoire. Faisons plutôt de la crise que nous traversons un facteur de convergence économique européenne, l'occasion de retrouver une solidarité nécessaire entre les pays d'Europe, et l'opportunité de mieux analyser les atouts et les faiblesses d'une Europe encore en construction.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Très bien

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Moscovici.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous sommes appelés à discuter aujourd'hui du plan européen de stabilisation financière, qui doit permettre de sortir de l'ornière cette formidable construction qu'est l'euro, dont la crise grecque aura révélé avec cruauté les fragilités initiales.

Le groupe socialiste est attaché à la monnaie unique, qui est une réussite sans précédent, celle de la mise en commun, par de vieilles et puissantes nations, de leur souveraineté monétaire. L'euro est la principale réalisation de l'intégration économique de l'Europe. Il en est l'emblème et il apparaît comme la politique européenne la plus aboutie, alors qu'il ne figurait pas dans le projet initial des pays fondateurs, qui visaient plutôt une coopération commerciale, avec, comme objectif, l'union douanière et le marché intérieur. Il a fallu vingt ans pour construire cette communauté d'intérêts privilégiés. La zone euro représente également une avancée institutionnelle remarquable et reste le seul exemple d'unification monétaire au xxe siècle et en ce début de xxie siècle.

Je le dis à ceux qui s'interrogent, notamment à notre collègue Dupont-Aignan : oui, l'euro est une réussite et il nous protège. Je n'ose en effet imaginer la situation dans laquelle nous serions aujourd'hui, en pleine tourmente économique et financière, si, à la spéculation sur les dettes publiques ou sur la situation des États, s'était ajoutée une spéculation sur les monnaies. Rappelons-nous en effet la période, bénite selon certains, des taux de change flottants et des dévaluations compétitives : elle était marquée par des fluctuations de taux d'intérêt extrêmement brutales qui généraient une instabilité chronique et, s'agissant de la France, par une situation où les taux d'intérêt étaient en général beaucoup plus élevés que dans le reste de ce qui est aujourd'hui la zone euro, ce qui n'a cessé de nous pénaliser dans la recherche de la croissance et de l'emploi.

L'euro est donc un succès, une véritable protection pour nos économies, mais il n'est pas pour autant une garantie de croissance, d'autant qu'il s'agit d'un processus asymétrique. En effet, d'un côté, la politique monétaire et la gestion des taux d'intérêt sont confiées à une banque centrale indépendante, dotée de missions claires et univoques – la stabilité des prix et la lutte contre l'inflation – ; de l'autre, la zone euro demeure en grande partie dépourvue de coordination effective des politiques économiques et de gouvernance forte, permettant par là même le paradoxe qui a frappé la Grèce, celui d'une monnaie commune à plus de quinze nations, libres de poursuivre chacune leur politique économique propre – désormais orientée, hélas, vers la rigueur et l'austérité généralisées – et dès lors vulnérables.

Face à la spéculation qui a touché la Grèce puis qui s'est étendue à l'ensemble de la zone euro, les Européens ont cherché des réponses en tâtonnant ; ils ont choisi, à chaque fois, une solution hybride. Les montants en cause dans ce mécanisme communautaire d'intervention sont considérables : 750 milliards d'euros, dont 60 milliards seraient fournis par la BCE, 440 milliards par des prêts bilatéraux des États membres de la zone euro et 250 milliards par le FMI. Le montant des garanties revenant à la France s'élève, dans le présent projet de loi, à 111 milliards d'euros : c'est très loin, d'être négligeable, surtout lorsqu'on connaît le mauvais état de nos finances publiques.

Au reste, on ne peut que s'étonner de la décision du Gouvernement de laisser inchangé le calcul des conditions de l'équilibre financier de l'État figurant dans le projet de loi de finances initiale. Permettez-moi donc, monsieur le ministre – et je souhaiterais que vous me répondiez sur ce point – d'exprimer quelques doutes sur la sincérité des comptes publics.

Néanmoins, l'Europe ne pouvait pas, et ne peut pas, se dérober à la solidarité. Mais les Européens ont perdu un temps considérable ; ils ont réagi tardivement et de façon insuffisante. Ils sont restés en retrait dans la crise grecque, n'ont à aucun moment émis les bons signaux et ont mis beaucoup trop de temps pour envoyer un message de solidarité fort, de nature à calmer les marchés financiers et à enrayer la course spéculative. Ce sont précisément ces retards qui ont laissé se développer des risques de contagion, en révélant au grand jour les dysfonctionnements dont souffre l'Europe : manque de réactivité, incapacité du président de la Commission à mener ou à faire mener une action coordonnée, longues tergiversations du couple franco-allemand. Au total, il aura fallu attendre quatre longs mois pour que nous passions du principe à l'action. Il faut donc constater que la solidarité s'est exercée de manière très faible et contrainte et que la mollesse de la mobilisation ne semble pas suffire à décourager les spéculateurs. Bref, l'Europe en tant qu'espace politique de solidarité est encore à construire.

L'intégration économique n'est donc pas satisfaisante, loin de là, et elle doit encore être approfondie. Si je devais résumer ce qu'il convient de faire, je dirais que la gouvernance économique doit céder le pas au gouvernement économique. Les pouvoirs publics européens doivent assumer leur rôle et leurs responsabilités. Ils doivent instaurer un gouvernement économique afin de mener une politique commerciale volontariste, harmonieusement articulée à une politique macro-économique enfin définie à l'échelle européenne et fondée sur une véritable coordination des politiques nationales. Cette politique implique l'existence d'un budget communautaire notablement augmenté donnant des impulsions, une coopération entre les États membres, avec une véritable surveillance multilatérale, et un dialogue – ce n'est pas un gros mot – avec la BCE – qui a commencé il y a quelque temps – chargée d'une politique monétaire qui devrait prendre en compte, parmi ses objectifs, non plus seulement la lutte contre l'inflation et la stabilité des prix, mais aussi la croissance et l'emploi.

Ce plan de secours, bien que bienvenu, ne règle pas une autre question essentielle : il ne tire pas toutes les conséquences de l'instauration de l'euro. Puisqu'il y a une monnaie européenne, monsieur le ministre, il faudrait également un véritable budget européen appuyé sur un impôt européen et sur une capacité d'emprunt européen, avec la création de titres de dette européens que l'on pourrait appeler les « eurobonds ».

En effet l'Europe n'a pas, à ce jour, le budget nécessaire aux ambitions qu'elle doit porter. Elle n'a ni des dépenses adaptées aux défis du moment – modernisation de l'appareil productif, solidarité face aux disparités engendrées par les mutations en cours, amélioration de la compétitivité – ni les ressources indispensables à son ambition. D'où ce paradoxe qui nous rend vulnérables et explique le scepticisme par rapport à certaines paroles politiques : l'Europe affronte l'avenir avec les politiques communes héritées du passé, parfois relookées, mais globalement inchangées. Il s'agit d'une limite sérieuse, une limite à lever. Le budget de l'Union européenne, on ne le dit pas assez, est toujours plafonné à 1 % du PIB communautaire. Cette limite, qui a, certes, toujours existé, devient un handicap majeur au moment où nous devons faire face à la crise.

Loin d'être un sujet consensuel, la construction politique de l'Union a toujours fait l'objet d'un combat. Elle a connu des coups d'arrêt et des phases de ralentissement, parfois prolongées. Pourtant, comme le disait Galilée au sujet de la Terre, elle tourne ! Plus elle avance, plus elle progresse, plus elle élargit à la fois son périmètre et son champ, plus elle perd aussi, petit à petit, sa cohésion, plus elle devient hétérogène et inégale, moins gouvernable, moins lisible. Disons-le, l'Union est trop souvent dans la réaction ; elle ne se construit politiquement que dans la crise, dans l'urgence, dans la difficulté. Elle ne s'approfondit que lorsqu'elle est vraiment en danger.

J'ai le sentiment que la dérive intergouvernementale et le manque cruel de leadership européen font que nous assistons à un sursaut, à un réflexe de survie, et non à un nouveau départ, qui serait pourtant vital. Il est temps, mes chers collègues, et même grand temps, que l'Europe transforme ce nouvel outil de stabilité – que nous allons approuver – en véritable Fonds monétaire européen, comme l'Allemagne l'avait d'ailleurs proposé à un moment donné. Il est plus que temps qu'elle fasse de l'Eurogroupe un véritable gouvernement économique, articulé avec un Conseil ECOFIN lui-même renforcé, et qu'elle lui confie le pilotage de politiques économiques mieux coordonnées.

Enfin, il est indispensable que l'Union exploite sa capacité d'emprunt à des fins non seulement défensives, comme elle vient de le faire – la stabilité financière –, mais aussi offensives – le financement des grands travaux, des grands investissements – sans lesquels notre continent n'accrochera pas le train de l'économie de la connaissance. Il est nécessaire que se noue la discussion, si longtemps différée, sur un budget fédéral d'ampleur, financé par un impôt européen, consacré pour l'essentiel à la solidarité avec les régions en difficulté et à la modernisation de notre économie. Il est indispensable, aussi, que l'idée d'une agence publique européenne de notation voie le jour.

Autrement dit, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà de l'approbation du plan de stabilisation financière qui nous est demandé aujourd'hui, il faut poursuivre l'action en faveur de la construction européenne. Comme je l'ai indiqué en répondant à M. Dupont-Aignan, il ne faut pas défaire l'euro, mais construire l'Europe. Celle-ci, c'est vrai, est toujours en mouvement et jamais achevée. Néanmoins nous devons être conscients du fait que la crise traversée actuellement par l'Europe n'est pas un banal accident de parcours ; elle n'est pas l'un de ces moments difficiles que nous avons déjà connus, mais un véritable tournant : nous avons le choix entre la refondation de l'Europe ou son déclin. Ce choix, nous ne l'avons pas fait, vous ne l'avez pas réellement fait. Il est temps, pour faire référence à la devise des Jeux olympiques, d'aller plus loin, plus vite, plus fort. C'est ce à quoi le groupe socialiste, qui votera ce projet de loi, vous invite.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

C'était très bien, monsieur Moscovici !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, cette nouvelle loi de finances rectificative a pour objet l'octroi d'une garantie de 111 milliards d'euros de la France, dans le cadre du mécanisme européen de stabilisation censé préserver la stabilité financière.

Ce débat, pourtant fondamental, se déroule – comme le précédent, relatif à l'aide à la Grèce – un lundi après-midi, « à la sauvette », selon la formule si justement employée par vous, monsieur le ministre, devant la commission des finances. C'est d'ailleurs parce que nous considérons inouï que le peuple français soit tenu à l'écart d'une décision d'une telle importance que le groupe GDR a demandé un vote solennel, demain, sur ce projet de loi.

Cela paraît d'autant plus légitime au moment où il est question de faire contrôler en amont, par la Commission de Bruxelles et la BCE, les choix budgétaires des États. Comment ne pas réagir vivement à la dérive en cours en matière budgétaire, qui consiste à déposséder les peuples de leur souveraineté politique, au-delà des délégations prévues par les traités, en donnant un droit de regard sur le détail des budgets nationaux ? Cela entre en contradiction avec notre Constitution et le bloc de constitutionnalité.

Ainsi, l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 proclame : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».

Ce principe du libre consentement à l'impôt, au moyen du contrôle citoyen sur les politiques fiscales et budgétaires, est la base de toutes les démocraties parlementaires contemporaines, fondées sur la souveraineté populaire et celle de leurs représentants légitimement élus. Nous ne pouvons donc accepter la dépossession en cours de la souveraineté des peuples d'Europe par des instances sans légitimité électorale. De la même façon, il nous paraît inadmissible que le programme de stabilité transmis par le Gouvernement français à la Commission le soit sans présentation préalable devant le Parlement.

L'Allemagne demande aussi la constitutionnalisation des plafonds des déficits publics, ce que le Gouvernement français s'est empressé d'approuver. Je tiens à dire notre désaccord avec cette proposition. Alors que l'idéologie monétariste dominante de ces dernières années nous a longtemps vanté l'indépendance de la Banque centrale européenne, le débat sur une régulation politique des choix économiques, notamment monétaires, au sein de l'Union européenne et de la zone euro, est nécessaire. Je tiens cependant à rappeler que ce sont les gouvernements libéraux qui ont toujours refusé d'inscrire l'harmonisation fiscale et sociale dans les traités, afin de lutter contre le dumping entre États.

Le dispositif dit de stabilisation a été accueilli avec euphorie, le temps d'une journée, par les marchés et les banques de la planète. Ces dernières se faisaient ainsi payer leurs indulgences par les gouvernements européens, suite aux attaques spéculatives qui s'étaient abattues sur la Grèce ainsi que sur d'autres pays européens, tels que le Portugal et l'Espagne. La décision de la BCE de racheter des titres de dettes publiques et privées de pays fragilisés de la zone euro permet aux banques de se délester de leurs « actifs pourris », sans contrepartie, ce qui est inacceptable. Le 10 mai dernier, les valeurs bancaires s'envolaient à la suite de l'annonce du plan, avec une pointe de 23,89 % d'augmentation à Paris pour la Société Générale.

Pourtant, les illusions n'auront guère duré et les sacro-saints marchés financiers, qu'aucun gouvernement ne se décide réellement à contrôler, ont repris leurs séances de yo-yo, au mépris des peuples considérés comme la variable d'ajustement – ce que Mme la ministre appelle poétiquement « la rationalité incertaine des opérateurs de marché », mais qui n'est que leur appétit vorace pour obtenir toujours plus de profits, sans se soucier ni de la santé des peuples ni de celle de la planète.

Les États sont aujourd'hui fragilisés pour avoir dû aggraver leur endettement afin de venir au secours des banques. Pourquoi celles-ci se gêneraient-elles, puisqu'il suffit qu'elles appellent de nouveau au secours pour être tirées d'affaire ?

Le Fonds européen de stabilité est créé sous la forme d'un organisme ainsi dénommé : « véhicule ad hoc », mais la nature juridique de ce véhicule n'est pas précisée et son objet est large : il peut non seulement « consentir des prêts », mais également « apporter un financement », et sa durée est incertaine. Ses modalités de création et de fonctionnement seraient en cours de définition, nous dit-on ; tout cela n'est guère transparent. En fait, les seules précisions concernent la participation financière des États engagés, ainsi que celle du FMI. Ce plan se décompose en 60 milliards de prêts immédiats de la Commission européenne et 440 milliards d'euros de garanties de prêts par les pays de la zone euro, auxquels s'ajoutent 250 milliards de prêts du FMI. Ce dispositif est mis en place sur une base intergouvernementale, et non dans le cadre de la coopération renforcée prévue par le traité de Lisbonne. Qu'est donc devenue « l'Europe protectrice » qu'on nous a tant vantée en 2005 ?

Selon le Gouvernement, « la présente crise a également révélé la pertinence du pacte de stabilité et de croissance ». Cinq pays avaient fait l'objet d'une procédure pour déficits excessifs : l'Allemagne, le Portugal, la France, la Grèce et les Pays-Bas et ce, sans conséquences. Pourquoi donc de nouvelles procédures aboutiraient-elles à un respect sans faille, si aucun bilan n'est tiré de la situation précédente ?

La politique européenne dite « d'aide aux pays en difficulté » est dans la droite ligne des préceptes libéraux en vigueur au FMI, y compris sous l'actuelle présidence de Dominique Strauss-Kahn. Cette crise financière européenne, partie de Grèce, n'est donc que le prétexte à pousser toujours plus loin le libéralisme, le démantèlement des politiques sociales et ce qui restait des services publics dans les États européens. Même l'Espagne, bien que ne faisant pas partie des cinq pays en déficit excessif, n'en est pas moins soumise aux attaques spéculatives. Que préconise le FMI à son égard ? D'aller plus vite pour flexibiliser le marché du travail et de réduire le salaire des fonctionnaires, les pensions des retraités et les aides aux jeunes parents !

Il revient donc aux peuples de payer la spéculation et l'enrichissement de quelques-uns. Ne vient-il à personne l'idée que la seule issue passe par le retour à des formes de contrôle sur les marchés de capitaux ? Tous les pays européens, à commencer par la Grèce ou le Portugal, mais également la France et les autres voisins, se mettent à professer les bienfaits de politiques d'austérité. En France, on applique bien cette recette – même si elle ne porte pas ce nom – avec le gel des dépenses publiques pour trois ans et la baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement et d'investissement. En revanche, ce collectif ne contient toujours pas de précisions quant à la réduction des niches fiscales, dont beaucoup n'ont guère démontré leur utilité, sauf celle consistant à creuser les déficits publics. Ces politiques vont entraîner la contraction des activités économiques, ce qui est une pure folie dans la période actuelle.

D'Athènes à Lisbonne, les peuples se lèvent contre les potions amères qui leur sont brutalement administrées, mais les élites de nos pays n'en ont cure et campent sur leurs dogmes économiques. Les jeunes font partie des premières victimes de la crise économique. En Grèce, le chômage des jeunes avoisine les 30 % ; il est de 44 % en Espagne. Pourtant certains osent encore entretenir l'idée selon laquelle les peuples d'Europe du sud seraient oisifs, alors que les situations sociales deviennent tout simplement explosives. Cela est offensant pour les salariés de ces pays, parfois obligés de cumuler deux activités pour s'en sortir financièrement.

La semaine dernière, le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, ancien chef économiste de la Banque mondiale, tirait pourtant le signal d'alarme, déclarant : « L'austérité mène au désastre […] Nous savons depuis la grande dépression des années trente que ce n'est pas ce qu'il faut faire ». Et de pointer la nécessité d'une sortie de crise pour l'Europe par la solidarité et l'investissement, à l'inverse des politiques actuellement menées.

Devant cette situation économique dégradée et ce climat politique européen délétère, la baisse de l'euro est une bonne nouvelle ; « c'est même une bénédiction » selon le Financial Times. L'Allemagne et la France en seront les premiers bénéficiaires, par le coup de fouet donné aux exportations et le soulagement apporté en termes d'endettement. Si cette crise pouvait faire comprendre que l'euro fort ne sert que les intérêts des rentiers, et non ceux des peuples, elle aurait un rôle positif.

La seule solution consiste à casser les reins à la spéculation. Dans ces conditions, votre refus d'interdire la vente à découvert sur les titres souverains des pays de la zone euro et sur les CDS des mêmes titres, comme vient de le décider l'Allemagne, est inadmissible. Le FMI a proposé la mise en place d'une taxe pour venir au secours des banques en cas de nouvelle crise. Une fois de plus, le seul mot d'ordre se résume à « Sauvons les banques ! » De plus, cette taxe ne concerne ni les hedgefunds, ni les fonds spéculatifs à l'oeuvre en ce moment contre la Grèce et l'euro. Elle ne changera rien aux comportements nocifs des banques. Ce qu'il faut, c'est une taxe sur l'ensemble des transactions financières.

Le plan de sauvetage européen est destiné à rassurer les marchés financiers et à préserver leurs créances. Pour cela, il lui faut accabler les peuples. Ce dispositif du Fonds de garantie européen ne sera un dispositif de stabilisation financière que de nom, tant qu'il n'y aura pas de rupture avec le libéralisme et les politiques monétaristes. En réalité, il participe de l'immixtion du FMI dans les affaires des États européens et, sous prétexte d'aide aux pays en difficulté de la zone euro, il contribue au processus d'asphyxie sociale des peuples et de dépossession politique de leur souveraineté.

Dès lors, vous comprendrez, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, que les députés du groupe GDR votent contre ce projet de loi rectificative pour 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les collectifs budgétaires se suivent et se ressemblent. Il y a un mois, en effet, notre assemblée était saisie d'une loi de finances rectificative visant à ratifier le plan d'aide à la Grèce. Si certains d'entre nous s'étaient alors émus du caractère historique de ce plan de sauvetage de 110 milliards d'euros, je ne sais quel superlatif il faudrait employer aujourd'hui pour qualifier cette garantie apportée à l'ensemble de la zone euro, pour un montant record de 750 milliards d'euros.

Bien sûr, ce nouveau plan n'a rien de comparable avec le précédent, puisqu'il s'agit, dans un cas, d'un véritable concours financier et, dans l'autre cas, d'un double mécanisme de garanties financières apportées aux États qui en feraient la demande.

En fait, il va plus loin encore dans la rupture avec deux principes fondateurs de l'euro : l'absence de responsabilité partagée sur les dettes publiques et la stricte séparation entre politique monétaire et politique budgétaire. Néanmoins, ces deux plans répondent à une même logique d'urgence imposée par l'effondrement des marchés financiers. L'incertitude politique et l'impasse institutionnelle dans laquelle se trouve la zone euro n'ont fait qu'aggraver la situation.

J'en profite pour saluer une nouvelle fois le rôle décisif dans cette crise du Président de la République, de la ministre de l'économie et des finances et du ministre du budget et des comptes publics. Néanmoins, je le répète, c'est cette incapacité à agir de concert dans les délais les plus brefs qui nous conduit à examiner aujourd'hui un fonds de sauvegarde dont on peut se demander en toute lucidité, à regarder la réaction des marchés ces derniers jours, s'il n'est pas déjà dépassé.

Au Nouveau Centre, nous considérons que ce décalage entre le temps long du politique et la logique à court terme des marchés financiers révèle avant tout le cruel déficit de gouvernance économique dont souffre la zone euro depuis sa création. En effet, il a fallu que l'Europe se trouve au bord du gouffre systémique pour que, avec l'ensemble de nos partenaires, nous adoptions des mesures d'une ampleur sans précédent.

Si ces plans de sauvetage sont évidemment indispensables pour garantir à court terme la stabilité de la zone euro, ils n'en seront pas pour autant suffisants pour répondre aux défis structurels auxquels doit faire face l'ensemble des pays membres.

Premièrement, tous les États qui demanderaient l'activation de ce plan seraient bien incapables de rembourser leurs créances dans un délai de trois ans, comme cela est prévu. C'est la raison pour laquelle j'aimerais savoir, monsieur le ministre – même si nous avons déjà abordé cette question en commission des finances –, s'il ne serait pas plus réaliste de rééchelonner la dette de ces pays, sans pour autant qu'il y ait abandon de créances. Est-ce à cause de la pensée unique des banques centrales que nous en sommes arrivés à écarter cette hypothèse, qui fait pourtant partie des plus crédibles ?

Deuxièmement, ces réponses à brève échéance ne nous dispensent pas d'une réflexion s'inscrivant dans le temps long du politique et dont l'objet est, à terme, pour l'Europe, de mettre en place une véritable gouvernance économique. Plus encore, la question des dettes souveraines et des risques de contagion rendent d'autant plus urgente l'harmonisation économique, fiscale et sociale des politiques, car la monnaie unique n'ouvre pas que des droits, elle implique aussi des devoirs en matière de convergence et de solidarité européenne.

Une des pistes récemment évoquées par le commissaire européen en charge des affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, vise à ce que les États soumettent leurs projets budgétaires à la Commission européenne avant qu'ils ne soient présentés aux parlements nationaux. C'est un premier pas vers l'avènement d'un véritable fédéralisme budgétaire, que nous appelons de nos voeux, à rebours des errements constatés par excès d'intergouvernementalité. Je le dis à tous ceux qui perçoivent cette idée comme un abandon supplémentaire de souveraineté : sa contrepartie logique pourrait être la ratification par le Parlement du programme de stabilité pluriannuel qui est régulièrement transmis à la Commission, comme l'a récemment annoncé le Président de la République.

En effet, la crise que traverse l'Europe, en particulier l'Eurogroupe, a révélé tout à la fois la nécessité de renforcer sans délai les critères du pacte de stabilité et de croissance, mais aussi celle de lutter contre les carences du contrôle communautaire en la matière. Pire encore, les procédures de sanctions financières pour déficits excessifs sont contradictoires avec l'objectif même d'assainissement des comptes publics de l'ensemble de la zone euro. Elles n'ont d'ailleurs jamais été appliquées, la Commission se contentant la plupart du temps d'un simple rappel à l'ordre.

La Chancelière allemande Angela Merkel a d'ailleurs récemment soulevé cette question en suggérant que les sanctions encourues soient non plus uniquement de nature économiques, de façon à ne pas entraver la reprise, mais bien politiques, avec, par exemple, une éventuelle suspension du droit de vote lors des réunions de l'Union européenne.

C'est aussi toute l'ambition de la proposition que le groupe Nouveau Centre porte depuis le début de la législature et qui vise à inscrire dans le marbre de la Constitution une règle d'or visant à interdire le vote en déficit des lois de finances de l'État et de la sécurité sociale, avec des exceptions en cas de récession ou de circonstances exceptionnelles comme celles que nous connaissons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il suffit qu'il y en ait chaque année ; ainsi, plus de problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

La deuxième piste de réflexion, c'est la mise en place de véritables outils de régulation bancaire et financière à l'échelle européenne – qui vous sont chers, monsieur Brard –, par exemple la création d'une véritable agence de notation européenne.

Je vous rappelle que c'est sous l'impulsion du Président de la République, de la ministre de l'économie et des finances et du ministre du budget que l'Union européenne a initié plusieurs évolutions pour améliorer la stabilité financière et les pratiques de supervision. La Commission a ainsi adopté, en 2009, un paquet sur la supervision constitué de quatre projets de règlements européens, dont le Comité européen du risque systémique, qui permettra de renforcer l'efficacité de la supervision financière à l'échelle européenne.

J'ajoute que notre pays est à l'avant-garde quant à la transcription nationale de ces différents sujets, de nombreuses dispositions ayant déjà été traduites en droit interne. Je pense notamment au dispositif de lutte contre les juridictions non coopératives, ainsi qu'à la traduction, dans la réglementation française, des règles agréées par le G20 en matière d'encadrement des rémunérations des opérateurs de marché.

Dans cette perspective, le groupe Nouveau Centre attend beaucoup du débat qui aura lieu prochainement sur le projet de loi de régulation bancaire et financière. Il s'agit, en effet, de compléter ces dispositions dans trois directions : la création d'un conseil de régulation financière et du risque systémique, la désignation de l'Autorité des marchés financiers comme autorité de contrôle et de surveillance des agences de notation, car on ne peut pas être à la fois juge et partie, et, enfin, le renforcement de la supervision des groupes bancaires européens.

Ce sera surtout pour nous l'occasion de marteler ce qui doit être le maître mot de toute forme de régulation : commencer par la responsabilisation des acteurs financiers, car il est inadmissible que le contribuable européen n'ait de cesse de venir au secours des banques qui ont pris trop de risques et qui n'assument pas leurs responsabilités. C'est pourquoi, au groupe Nouveau Centre, nous proposons, par exemple, que soient proscrites les ventes nues des fameux credit default swaps, les CDS. Ce genre de pratique purement spéculative a en effet beaucoup joué dans la crise qu'a traversée l'Eurogroupe.

Mes chers collègues, l'histoire de la construction européenne est indissociable des situations d'urgence qui ont amené les pouvoirs publics à amender sa structure et sa vocation. En faisant peser des risques sur la cohésion et la stabilité de la zone euro, la spéculation contre la monnaie unique constitue un nouveau défi de ce genre. Pour y répondre, nous devons bien évidemment apporter notre garantie souveraine au plan de sauvetage dont il est ici question. C'est la raison pour laquelle nous soutenons ce texte et le voterons, monsieur le ministre. Néanmoins, je suis convaincu que nous devons surtout profiter de cette crise pour jeter les bases d'un véritable gouvernement économique européen.

C'est une chance historique qui nous est donnée ; c'est une exigence pour l'avenir de notre pays et celui de l'Europe ; c'est aussi un acte politique qui devrait rassembler les membres de cette assemblée, bien au-delà des clivages habituels. Nous sommes à un tournant, comme le disait Pierre Moscovici, au seuil d'une nouvelle étape de la construction européen. Ensemble, franchissons-la.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, monsieur le ministre, si je ne m'abuse nous sommes en ce moment quatre députés en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La question que cela pose est non pas celle de l'absence ou de la présence des députés, mais bien celle de l'organisation de l'ordre du jour de notre assemblée. Il n'est pas acceptable de choisir un lundi après-midi pour un débat aussi important, car il s'agit tout de même d'un texte représentant au total 750 milliards d'euros.

Je sais bien que les députés présents sont ceux qui ont le plus d'autorité dans cette assemblée, car si tel n'était pas le cas on ne nous laisserait pas délibérer seuls, mais vous sentez bien qu'il y a un problème !

Madame la présidente, puisque demain matin se tiendra la conférence des présidents, je vous serais reconnaissant de soulever ce problème, y compris auprès du ministre chargé des relations avec le Parlement. En effet, je suis sûr que M. le ministre du budget, ici présent, partage mon opinion, au moins in petto : on ne peut pas avoir un débat aussi important ni un lundi ni un vendredi. En effet, le lundi, nos collègues ne sont pas revenus de leur circonscription, où ils sont actifs.

Si l'on ne veut pas risquer d'alimenter le populisme fondé sur la dénonciation de l'absentéisme parlementaire – lequel, en l'espèce, est fondé –, il ne faut pas que les débats aient lieu quand les députés ne peuvent pas y assister.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

J'ai bien entendu vos arguments, monsieur Brard, et je les communiquerai demain matin à la conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jérôme Chartier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers et très nombreux collègues (Sourires.), je souhaite rassurer M. Brard s'agissant de ce projet de loi : il y aura un vote solennel demain,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…ce qui permettra à chaque groupe, au travers des explications de vote, d'exposer les raisons pour lesquelles il soutient ou – s'agissant du groupe GDR – ne souhaite pas soutenir ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous pourriez en profiter pour demander à M. Lellouche qu'il cesse de dire des bêtises : le précédent collectif a été voté à l'unanimité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je regrette, mon cher collègue, mais je ne le ferai pas. Je suis sûr que vous vous en chargerez vous-même, et beaucoup mieux que moi ; je vous écouterai donc avec attention ! (Sourires.)

Pour en venir au présent texte, le groupe UMP tient à souligner qu'il le soutient, comme ont pu le faire jusqu'à présent certains de nos collègues d'autres groupes. En effet, chacun en convient, face à la récente crise financière – la plus grave que l'euro ait connue depuis sa création – et à l'heure où l'Europe est au pied du mur, il fallait organiser ce que j'appellerais une riposte contre les marchés et contre celles et ceux qui ont pris la zone euro comme cible de leurs spéculations. Face à cette agression, il était urgent de prendre des décisions et d'apporter une réponse politique à la hauteur des enjeux, c'est-à-dire assurer la stabilité monétaire, garantir l'unité de la zone euro et, bien sûr, envoyer un signal très fort aux marchés, ce qui fut fait dès le lundi 10 mai.

Avant d'entrer dans le détail de ce projet de loi, je vais revenir quelques instants sur ce qui s'est passé durant le mois de mai. Je retiendrai trois éléments importants.

Première observation : l'acceptation du plan d'aide à la Grèce n'a pas permis d'arrêter la spéculation massive sur les marchés, qui sont finalement passés à autre chose. Tous les pays d'Europe du Sud – je pense à l'Espagne, un peu aussi à l'Italie, mais surtout au Portugal et bien sûr à la Grèce – ont vu leur taux souverain à deux ans se tendre progressivement de plus en plus. Surtout, ces tensions indiquaient que le marché testait désormais la cohésion de la zone euro, bien au-delà du seul cas grec. C'est le signe, mes chers collègues, qu'il s'agit bien d'un problème politique posé par la zone euro, et non d'un problème économique stricto sensu, lié à la monnaie. Le taux souverain moyen de refinancement à dix ans est quant à lui globalement stable, ce qui montre bien que c'est l'envie de spéculation qui sévit actuellement dans la zone euro.

Deuxième observation : les tensions sur le marché obligataire ont inquiété les régulateurs, car elles pouvaient être le vecteur de la contagion à travers les systèmes bancaires. Plus que l'accès à la liquidité par les États, ce sont les craintes de contagion à travers l'ensemble du système bancaire européen qui ont fait trembler les marchés. La réussite des récentes émissions souveraines en Espagne et en Italie montre que les États ont toujours accès à la liquidité. Ce principe n'est pas remis en cause, dès lors – bien sûr – qu'ils en payent le prix. Comme en Grèce, la peur s'est diffusée via le système bancaire, du fait notamment des expositions croisées entre les banques nationales.

Troisième observation : le cas grec a modifié le paradigme de perception mondiale du risque souverain, indiquant que, de ce point de vue, la frontière entre pays développés et pays émergents n'est plus aussi nette, et il en va de même de celle entre les dettes souveraines et les dettes privées. Les défauts vécus dans les dernières décennies avaient jusqu'à présent épargné les pays dits développés. L'attaque actuelle contre la zone euro montre qu'aujourd'hui aucune région, fût-elle développée, n'est à l'abri d'un tel stress.

Mes chers collègues, je reviens au paquet qui a été adopté le dimanche 9 mai.

Sans la volonté du Président de la République, de Christine Lagarde, du ministre chargé des comptes publics et, plus généralement, de l'ensemble du Gouvernement, nous ne serions pas en train d'observer une certaine stabilité financière de la zone euro.

Deux éléments essentiels ont vu le jour.

Le premier est la constitution d'un fonds de stabilisation qui est – chacun en conviendra – de très grande ampleur. Ce fonds va bien sûr dans le bon sens ; il est nécessaire ; il est utile pour créer à la fois de nouveaux moyens de financement dans la zone euro, mais aussi de nouveaux moyens de protection pour celle-ci.

Il est constitué de trois étages : un premier étage de prêts bilatéraux à hauteur de 440 milliards d'euros, avec une garantie des membres de la zone ; un deuxième étage avec un fonds de stabilisation communautaire à hauteur de 60 milliards d'euros ; enfin un troisième étage de facilités de paiement du Fonds monétaire international à hauteur de 250 milliards d'euros, soit, au total, un engagement possible de 750 milliards d'euros, en espèces sonnantes et trébuchantes ou en garanties.

La BCE prendra également part à la solution, en intervenant sur les marchés obligataires ; elle le fait d'ailleurs déjà depuis plusieurs jours. Elle a ainsi annoncé qu'elle interviendrait sur les marchés obligataires de la zone euro pour en garantir non seulement la liquidité, mais aussi la stabilité et le fonctionnement, qui deviennent, à court terme en tout cas, des objectifs. Elle n'a pas précisé de montant maximal d'achat, mais chacun a pu lire que celui-ci s'élevait à 26 milliards d'euros pour les interventions sur le marché secondaire obligataire. En parallèle, elle va remettre à disposition des banques des liquidités en dollars, en coordination avec les principales banques centrales mondiales.

Les moyens mis sur la table sont de nature à restaurer la confiance des investisseurs et la stabilité des marchés obligataires, mais, au-delà des mesures d'urgence, il faudra aller plus loin à l'issue de cette crise et en tirer toutes les leçons. De quelle manière pouvons-nous organiser, à l'échelle européenne, la convergence des politiques économiques ? Ce gouvernement économique devra reposer sur plusieurs principes essentiels : le renforcement de la surveillance économique et de la coordination des politiques économiques dans la zone euro ; la révision du Pacte de stabilité et de croissance pour renforcer les sanctions en cas de manquement répété aux règles ; enfin, la mise en place, au niveau européen, d'un mécanisme de management de crise pour l'avenir, avenir que l'on souhaite bien sûr le plus lointain possible.

Enfin, je tiens à souligner que l'octroi de la garantie de l'État n'a pas d'incidence sur le solde budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Il en est de même pour le relèvement du plafond de la contribution de la France aux nouveaux accords d'emprunt du FMI. Au total, le solde prévisionnel budgétaire demeure inchangé par rapport à la précédente loi de finances rectificative pour 2010 du 7 mai 2010 : le déficit prévisionnel reste égal à 151,965 milliards d'euros. Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l'équilibre financier de l'État restent inchangées.

C'est donc là un premier pas, un pas important, vers un renforcement de la coordination voire de la convergence des politiques économiques. Je souhaite qu'elles se poursuivent, sans pour autant qu'il faille pour cela un contexte de crise économique et financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le parti socialiste a l'habitude de répondre aux questions qu'on lui pose, et la question de ce collectif est la suivante : la France doit-elle participer à la création d'un mécanisme européen de solidarité pour faire face aux crises de la dette ? Notre réponse est oui. Nous ne pouvons qu'approuver une proposition que nous faisons depuis des mois avec l'ensemble des partis socialistes et sociaux-démocrates européens.

Nous disions, depuis le début de cette crise, qu'il fallait élargir aux pays de la zone euro le dispositif qui existait pour soutenir les États européens hors zone euro. Nous soulignions qu'il y avait un paradoxe à accorder des prêts communautaires aux pays non membres de la zone euro à des taux d'intérêt proches de ceux auquel emprunte l'Union sans pouvoir le faire au sein de la zone euro, alors même que la logique fondamentale d'une union monétaire, c'est bien la solidarité entre ses membres.

Il aura fallu plus de deux mois de tergiversations pour passer de la décision prise au mois de février de soutenir la Grèce à la mise en oeuvre au mois d'avril d'un plan de soutien. Pendant tout ce temps, la spéculation a pu se développer et l'incendie se propager en se nourrissant des divergences entre États européens. Il aura fallu encore un mois pour passer d'un montage baroque d'aide à la Grèce fondé sur des prêts bilatéraux à un dispositif européen mobilisable immédiatement.

De même, il a fallu une crise sans précédent des dettes souveraines européennes pour que la BCE procède à des évolutions qui paraissaient auparavant impossibles, et se mette à faire ce que fait d'ordinaire toute banque centrale : acheter des titres de la dette publique sur le marché secondaire.

Cependant la mise en oeuvre de ces mécanismes ne doit pas cesser lorsque l'économie reprendra un cours normal. Si nous voulons tirer l'enseignement de la crise et éviter qu'elle ne se reproduise, il faut faire en sorte que les mesures prises en urgence soient pérennisées.

Ainsi, la durée de vie du Fonds européen de stabilisation doit être prolongée et s'inscrire dans le cadre d'une coopération renforcée, cadre naturel en Europe pour que des pays volontaires, notamment ceux de la zone euro, décident d'avancer vers plus de solidarité. Cela permettrait de réagir efficacement en situation de crise, sans attendre trois mois pour intervenir efficacement.

Malgré tout cela ne suffira pas ! La leçon de cette crise, c'est qu'il n'y a pas d'union monétaire solide sans solidarité, et qu'il n'y a pas d'économie robuste sans une forte régulation du secteur financier.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

La réflexion économique de la majorité conservatrice qui domine l'Europe et notre pays depuis plusieurs années est en retard d'une guerre.

Les politiques conservatrices ont dérégulé à tour de bras en nourrissant une bulle spéculative, là où il aurait fallu au contraire réguler pour éviter que l'économie mondiale ne devienne une économie de casino. Elles ont réduit les impôts, notamment sur les facteurs les plus mobiles – le capital – en laissant se creuser les déficits dans une période de croissance, alors que c'est l'inverse qu'il aurait fallu faire. Il convenait en effet de maintenir une fiscalité sur les capitaux pour éviter les dérives des marchés financiers et réduire les déficits dans une période de croissance afin de se donner des marges pour agir efficacement lors d'une récession.

Aujourd'hui, l'Europe applique, sous la pression des marchés financiers, des politiques d'austérité brutales, au risque de reproduire les mêmes erreurs que dans les années trente, là où il faudrait au contraire une combinaison subtile des politiques budgétaires et de la politique monétaire dans l'ensemble de la zone euro pour retrouver la croissance et réduire les déficits.

Dans toute union monétaire, une coordination des politiques économiques est évidemment nécessaire pour effectuer le bon dosage entre la politique monétaire et les politiques budgétaires à l'échelle européenne. Le lieu naturel de cette coordination, c'est évidemment le conseil ÉCOFIN, qui pourrait devenir une sorte de gouvernement économique s'il y avait un véritable échange sur l'orientation souhaitable des politiques économiques en Europe.

Or, d'une part le président de la commission, M. Barroso, confond coordination et pacte de stabilité…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…et d'autre part coordination ne signifie pas que la Commission ait à se mêler de ce qui ne la concerne pas en examinant le détail des budgets nationaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Ce qui compte, à l'échelle de l'Union, c'est de pouvoir apprécier le caractère restrictif ou au contraire expansionniste des politiques économiques et budgétaires et de les adapter à la situation conjoncturelle.

Aujourd'hui, le risque majeur est que les politiques d'austérité mises en place partout en Europe cassent la croissance au point de renvoyer la reprise à plus tard et même de remettre en cause la réduction des déficits. Le bon dosage des politiques économiques, c'est que les pays en excédent commercial – je pense naturellement à l'Allemagne – mènent une politique de relance pour alléger la contrainte qui pèse sur les pays en déficits extérieurs. En effet la baisse de l'euro ne résoudra pas le problème des pays en déficit extérieur, car celui-ci est très largement intra-européen.

Quant à agir sous la pression des marchés, c'est la meilleure façon de se tromper tout le temps. En effet les marchés financiers n'ont pas d'autre rationalité que d'essayer d'anticiper ce que tous les opérateurs vont penser quelques jours ou quelques semaines plus tard. J'ai souligné en commission, il y a une quinzaine de jours lors de l'audition de Mme Lagarde, que, après s'être inquiétés des déficits, les marchés financiers s'alarmeront demain des politiques d'austérité et du risque d'une croissance faible en Europe. C'est exactement ce qui est en train de se passer et il faut bien dire que les agences de notations ont ajouté leur dose d'irresponsabilité dans ce domaine.

Nous avons besoin de réguler les marchés financiers. Or force est de reconnaître que pas grand-chose n'a été fait en la matière depuis le début de cette crise malgré tous les discours.

Oui, il faut faire en sorte que les banques arrêtent de spéculer sur les marchés financiers avec l'argent des autres et qu'elles accomplissent leur métier de banquier : gérer des dépôts et accorder des crédits aux entreprises et aux consommateurs en conservant dans leurs comptes une grande partie de ces crédits, et non en s'en défaussant par la titrisation ou les multiples instruments de couverture.

Oui, il faut interdire les ventes à découvert qui permettent de spéculer à partir de rien, de surcroît dans des temps extrêmement brefs, sur le moindre petit écart de marché, avec des résultats qui peuvent s'avérer catastrophiques. La France et l'Allemagne pourraient utilement prendre une initiative commune sur ce sujet.

Oui, il faut s'interroger sur le fonctionnement des agences de notation qui accentuent les crises spéculatives au lieu de contribuer à les prévenir et il convient de mettre en place une agence européenne.

Oui, il faut instaurer à la fois une taxation du profit des banques et une taxation des transactions financières : la première, pour les faire contribuer à la réduction des déficits induits en grande partie par une crise dont elles portent la responsabilité ; la seconde, une taxe Tobin, pour à la fois limiter les transactions spéculatives et contribuer au financement du développement.

Nous pensons nous, socialistes, que l'Union monétaire est une avancée remarquable. Nous estimons qu'elle a protégé nos économies des turbulences mondiales, mais qu'elle ne prendra tout son sens que lorsque nous aurons avancé de façon simultanée dans la construction politique et dans la solidarité qui doit nécessairement accompagner cette union monétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il y avait de bonnes remarques, mais ça s'est mal terminé !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le collectif budgétaire que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de celui du 3 mai et vient conforter les mesures déjà prises pour faire face à la crise de la dette souveraine mise en évidence par les difficultés de l'État grec.

Comme le 3 mai, le groupe UMP apportera son soutien à ce dispositif directement inspiré – Gilles Carrez l'a rappelé – des mesures prises au niveau national avec la mise en place de la Société de financement de l'économie française au plus fort de la crise financière. L'adoption du mécanisme européen de stabilisation est, comme l'avait été la SFEF, une réponse à l'urgence de la crise. Il ne sera sans doute activé que partiellement, et il ouvrira des garanties plus que des crédits ; pour autant, ce dispositif ne doit pas nous interdire de nous poser les questions de fond sur la crise et sur les solutions à mettre en oeuvre.

Je veux tout d'abord rappeler ce constat : pour la première fois, la spéculation s'est attaquée à un État. Le risque de défaut est perçu comme accru depuis la crise et comme susceptible de concerner un pays, même s'il n'existe à mon sens pas d'instrument parfait pour mesurer le risque de défaut et si des signatures considérées comme sûres ont été soudainement fragilisées. Avant la crise, le risque de défaut de la Grèce était similaire à celui de la France ou de l'Allemagne ; pour autant les fondamentaux de l'économie grecque et de la structure budgétaire de la Grèce étaient déjà fortement différents. C'est dire que nous avons vécu à la faveur de la crise une accélération et une amplification des phénomènes de prise en compte de la problématique de la dette souveraine.

Cependant cette prise en compte n'est pas totale puisque les États-Unis ne sont pas affectés en raison de leur monnaie et de leur taille, malgré 7 000 milliards de dollars de dette et une prime de crédit défault swap, qui pourrait mesurer ce risque de défaut, identique aux États-Unis à celle du Royaume-Uni, de la France ou de l'Allemagne.

Cette accélération, cette amplification a en outre une portée limitée. La fragilisation de l'euro peut être considérée, à juste titre, comme le fait que le marché ne croit pas au risque de sortie de tel ou tel maillon faible de la zone qui aboutirait à une logique d'euro fort et qui devrait donc avoir un effet inverse sur le cours de la monnaie. Le marché est convaincu du fait que la solidarité au sein de la zone s'exercera, et elle s'exerce.

Pour autant cet impact limité ne doit-il pas nous conduire à aller au-delà des réponses urgentes et à nous poser les vraies questions ?

La première est celle de la gouvernance économique et monétaire de l'Union européenne. Je suis, monsieur le ministre, de ceux qui ont choisi de voter non au traité de Maastricht, qui n'ont pas ratifié le traité de Nice en raison même de cette insuffisance et qui se sont réjouis que le traité le plus récent, celui de Lisbonne, marque une volonté de progression dans cette gouvernance, même si des marges de progrès considérables demeurent et si cette évolution reste timide.

Je ne peux donc qu'être satisfait de lire dans l'exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative : « L'Union européenne s'est engagée à améliorer la gouvernance économique européenne pour éviter qu'une crise de cette nature ne se reproduise. À la suite des propositions de la Commission européenne du 12 mai et dans le cadre du groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy […], la France souhaite que les États membres de la zone euro prennent collectivement les mesures nécessaires pour élargir et renforcer la surveillance économique et la coordination des politiques économiques ». Sont évoqués le renforcement du pacte de stabilité et de croissance, la mise en place d'un cadre solide de gestion des crises et l'élargissement de la surveillance aux questions macroéconomiques et de compétitivité.

À ce stade, nous sommes encore dans l'intention et je souhaite que la volonté du chef de l'État et du Gouvernement permette d'aller au-delà. Il faudra poser le problème des objectifs et des missions assignés à la BCE : doit-elle être seulement garante de la valeur de la monnaie et de l'inflation ou aussi accompagner la croissance qui fait tant défaut à l'Europe, comme le fait la FED aux États-Unis dont c'est l'une des missions ? Cette révision des missions de la BCE est d'autant plus nécessaire que l'on peut s'interroger sur la lecture qui a été faite, durant la crise, des articles 125 et 123 du traité de l'Union, même si je me réjouis du fait qu'on ait su, à l'occasion, dépasser le dogme et que le principe de réalité l'ait emporté.

La coordination européenne doit-elle se limiter au seul respect du pacte de stabilité et d'un retour à une orthodoxie budgétaire, certes nécessaire mais qui en fonction de son rythme peut fragiliser la reprise naissante et encore timide, ou doit-elle s'intéresser à des mesures communes de soutien à la croissance, dans un marché intérieur, imbriqué et solidaire ? Les mesures de soutien à la filière automobile prises en Allemagne au titre de la prime à la casse n'ont-elles pas une incidence en France et vice et versa ?

Il nous faut éviter deux écueils : ne rien changer dans nos politiques économiques et budgétaires, ce qui serait suicidaire, mais aussi vouloir en quelques semaines, sous l'emprise des marchés, réduire la dépense publique à marche forcée, aboutissant inévitablement au scénario des États-Unis des années 30, ou du Japon des années 90.

De ce point de vue, la voie suivie par le Gouvernement depuis l'ouverture de la crise me paraît être la bonne avec des mesures conjoncturelles et une maîtrise structurelle des dépenses de fonctionnement dans la durée. C'est tout le sens du maintien de la contrainte sur le budget de l'État en termes de dépenses et de l'investissement d'avenir autour des infrastructures publiques et de la recherche.

La difficulté tient au fait que ces mesures restent dans un cadre national alors qu'elles mériteraient un cadre européen. Il est surprenant, pour ne pas dire stupéfiant, monsieur le ministre, que le budget de l'Union européenne n'ait été en aucune façon modifié ou réorienté depuis le début de la crise. Que se passera-t-il puisque 2010 est l'année de mi-parcours du budget européen ? Aucune mesure supplémentaire n'a été prise pour créer des relais de croissance par la recherche et les infrastructures. Autant nous savons nous battre pour la politique agricole commune, autant nous pouvons être interrogatifs sur la volonté collective des pays de l'Union de soutenir, au travers du budget de l'Union, une croissance européenne ; et je ne parle pas de la coordination indispensable entre les budgets des différentes nations.

J'en viens au dispositif de contraintes mis en place au niveau des États.

Il faut, comme l'a indiqué M. Van Rompuy, une surveillance plus en amont des indicateurs économiques des États membres et il convient de se pencher sur la fiabilité des statistiques européennes ; nous avons déjà évoqué ce sujet le 9 mai dernier. De ce point de vue, comme le faisait observer le premier président de la Cour des comptes la semaine dernière, la certification donne une grande transparence et une grande avance à notre pays. En revanche il est loin d'en être de même dans l'ensemble des pays.

Cela étant jusqu'où pouvons-nous aller dans le contrôle réciproque du budget de chacun des États de la zone sans dessaisir de leur légitimité chacun des parlements nationaux ? De ce point de vue, les propositions formulées par le rapporteur général au début de notre réunion, d'une présentation et d'un vote à l'Assemblée nationale sur le document d'engagement pluriannuel transmis à la Commission, me paraissent être une réponse démocratique qui marquerait une première étape dans la construction d'un dispositif d'engagement et de contrôle respectueux de l'autonomie de décision de chacun des États.

Tels sont les défis que nous avons à relever. Bien évidemment, nous devons approuver les mesures qui nous sont présentées. Elles constituent des mesures de crise, mais elles ne traitent pas le problème de fond de la gouvernance économique de l'Union européenne, de la gouvernance financière de l'Union ; elles ne traitent pas le problème de fond du rôle de la Banque centrale européenne et de la mission qui lui est confiée, pour lequel il faudra savoir dépasser les dogmes et convaincre nos partenaires allemands ; elle ne traitent pas vraiment la nécessité de réduire la dépense publique, de réduire la masse monétaire, sans pour autant aller à un rythme qui nous amènerait à casser le début de croissance que nous constatons, qui reste timide dans l'ensemble des pays de l'Union.

Nous espérons donc que la France, sous l'impulsion du Président de la République et du Gouvernement, pourra, comme depuis le début de cette crise, être à l'initiative pour savoir convaincre nos partenaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, si la crise grecque a une vertu, c'est d'obliger l'Europe à se doter des moyens et des instruments permettant de prévenir d'autres crises. Un constat s'impose, qui a été largement souligné cet après-midi : l'Union européenne reste toujours dotée d'une gouvernance économique a minima. C'est un lourd handicap, tout particulièrement dans la période que nous traversons.

Le plan de sauvetage européen est incontestablement utile, nécessaire et d'une dimension crédible, mais sa mise en place a malheureusement été trop tardive. Les réticences, les critiques, les exigences préalables des uns et des autres n'ont pas, c'est peu dire, rassuré sur la capacité de l'Europe à parler d'une seule voix face à un danger commun. Depuis janvier, la zone euro s'est engluée dans la crise grecque et l'Union européenne a fait montre de toutes ses limites actuelles.

Depuis quatre mois, les dirigeants de la zone euro, en particulier la Chancelière allemande et le Président de la République française, se sont évertués à mettre en avant leurs divergences et à reporter sine die toute prise de décision. Nous ne pouvons que nous en inquiéter et la teneur germanophobe de certains discours entendus cet après-midi à cette tribune ne manque pas d'inquiéter la députée de Moselle que je suis.

Les leçons de morale se sont succédé mais la réalité, c'est que le manque de coordination européenne et de coordination franco-allemande a été un lourd handicap qui est toujours plus criant au cours de ces mois de crise. Qu'en sera-t-il demain ?

Le plan que nous examinons aujourd'hui a une double dimension, à la fois politique et économique. C'est d'abord, après la cacophonie, une affirmation solennelle et forte de la solidarité européenne, de la réalité politique de la communauté des intérêts des pays et des peuples lorsque l'un d'entre eux est menacé. C'est aussi la reconnaissance d'un intérêt économique commun : l'éclatement de l'euro ou la sortie d'un pays de la zone euro serait catastrophique pour tous. Comme dans une alliance militaire, en défendant notre partenaire, nous défendons aussi nos intérêts et protégeons notre pays.

Nous approuvons d'ailleurs sans réserve la création d'un mécanisme de stabilisation, que nous appelions de nos voeux depuis longtemps, puisqu'il faisait partie de la plate-forme des partis socialistes européens, et qui constitue, à notre sens, la seule réponse politique viable dans le cadre institutionnel européen actuel.

Une union monétaire a besoin de ce type d'instrument. Malheureusement, un tel mécanisme, qui devrait être pérenne, ne sera actionné qu'à titre transitoire. En effet, le Fonds européen de stabilité financière a été créé pour trois ans. Il n'est donc pas conçu comme un instrument durable. Il faudrait réfléchir à l'institution d'instruments de gouvernance économique pérennes, voire d'un mécanisme de garantie financière qui soit stable en particulier au sein de la zone euro. Ce qui manque aujourd'hui au sein de la zone euro et a fortiori au sein de l'Union européenne, c'est bien un mécanisme de gouvernance économique et sociale. La moralisation du capitalisme, la refondation du système financier qu'on nous a annoncée à grands cris reste, à l'évidence, aujourd'hui en jachère.

La crise n'est pas finie. L'ensemble des économistes et des observateurs sont inquiets quant à un risque de stagnation pour le deuxième semestre de cette année, voire de récession. De nouvelles crises de liquidité comme celle qui a déclenché la crise à l'automne 2008 peuvent surgir à tout moment. Le système bancaire est fragile ; il n'a pas été réformé en profondeur. Après les achats massifs de titres publics par les banques, un nouveau risque de contagion bancaire pèse en Europe. Surtout, les politiques de réduction des déficits publics annoncées un peu partout en Europe risquent, on le sait et on le craint, d'étouffer toute croissance future.

Même si ce plan est nécessaire, et nous le soutenons, je souhaite insister sur deux aspects critiques qui apparaissent dans ce contexte particulièrement décisifs.

En premier lieu, je veux parler des salaires et de la politique que devrait mener la France dans ce domaine.

Les expériences réussies de réduction des déficits publics montrent que cela peut fonctionner, à condition qu'on ne tue pas le rebond possible de la croissance en étouffant la demande privée, les salaires et les recettes fiscales, qui se réduiraient en enclenchant un cercle vicieux. Or la crise, le niveau de chômage actuel en France, la volonté naturelle des entreprises de reconstituer des réserves, poussent inévitablement à un partage des revenus qui se fait au détriment des salaires, donc de la consommation et de la croissance. Pour éviter que la demande intérieure ne recule au moment précis où son rebond est indispensable, pour empêcher que la réduction des déficits ne tue la croissance, des mesures énergiques de soutien des salaires sont indispensables. Cela exige de faire volte-face par rapport à la politique fiscale menée depuis trois ans.

En second lieu, je tiens à appeler l'attention sur des problématiques centrales sur le plan européen auxquelles, après des mois de discussion et de réflexion, les États de l'Union n'ont toujours pas apporté de réponses communes.

Tout d'abord, il serait utile d'augmenter le nombre des agences de notation et d'avoir une agence de notation européenne pour disposer d'une diversité de points de vue et d'analyses.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Cela permettrait d'éviter que nous nous retrouvions sous la coupe d'une voix unique ou oligarchique, dictatoriale, qui s'impose sur les marchés.

Il faudrait ensuite surseoir, pour une durée à déterminer, à l'utilisation de produits dérivés sur les dettes souveraines, tant qu'un niveau de transparence et de contrôle réel n'aura pas été obtenu par la mise en place d'une chambre de compensation, ce qui serait un principe de bonne gouvernance.

Bien entendu, il faudrait un impôt européen, c'est un point crucial. Cela donnerait enfin les moyens à l'Europe de pratiquer en douceur des transferts internes à la zone en cas de difficulté, sans avoir à réagir dans la panique et à chaud par un plan exceptionnel en sollicitant des engagements financiers nouveaux des pays, forcément difficiles à expliquer à la population et donnant lieu à d'inévitables tractations.

Il conviendrait en outre de permettre explicitement à la BCE de mener la gestion de la parité de l'euro car cela relève aujourd'hui du Conseil européen au sein duquel les conflits d'intérêt sont criants, du fait de la difficulté des pays à définir leur position quant à l'intérêt ou non d'une dépréciation ou d'une appréciation de l'euro.

Si l'on considère qu'il est crucial d'investir pour sortir l'Europe de sa langueur, nous devons donner au budget européen les financements nécessaires, car nous ne disposons déjà plus d'aucune marge de manoeuvre pour les financements de projets innovants susceptibles de relancer la croissance. Le parti socialiste européen l'avait déploré au moment de la discussion sur les plans de relance et le parti socialiste français a regretté l'absence d'un plan de relance européen, d'une réelle politique industrielle européenne. Tels sont les instruments qui permettraient de relancer la croissance.

Les débats sur les perspectives financières 2014-2020 commenceront à la fin de cette année. Les fortes contraintes qui pèsent sur les finances publiques des États membres susciteront sans doute de fortes réticences de la part des gouvernements vis-à-vis de toute augmentation du budget européen. Pourtant, la crise grecque a bien montré l'inanité d'avoir un budget européen aussi contraint et des règles qui l'entourent aussi étriquées.

Pour relever les défis de la stratégie UE 2020 et tirer les leçons de l'échec de la stratégie de Lisbonne, il faudrait se doter d'une réelle capacité d'impulsion budgétaire, afin de lancer de nouveaux programmes d'investissements verts, sous l'égide des pays moteurs de la zone euro et ouvrir un débat sur la coordination fiscale européenne, axée non seulement sur la réduction de la dette, mais aussi sur la croissance.

Sans ces mesures, la mobilisation de l'Europe perd tout son sens, toute son efficacité, tout son dynamisme. On aurait aimé que la France s'engage publiquement en ce sens et travaille à ce que des décisions européennes soient prises.

Malgré ces regrets quant aux mesures complémentaires et aux réformes qui seraient nécessaires, nous comprenons que l'Europe a besoin d'un dispositif opérationnel de soutien aux États en difficulté. C'est pourquoi nous voterons ce plan. Nous soutenons la création du Fonds européen de stabilité financière. Arrêtons les discours anti-européens, les discours de suspicion vis-à-vis de nos partenaires, singulièrement de nos partenaires d'outre-Rhin. Il est trop facile de jouer les procureurs d'une Europe sans cesse bouc émissaire et de refuser la mise en place, même transitoire, des mécanismes qui permettraient de pallier les carences de cette Europe. Si celle-ci pèche aujourd'hui, ce n'est pas par excès d'Europe, c'est par carence d'Europe, par carence d'une véritable gouvernance économique européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Ce n'est pas un trop plein d'Europe qui est à l'origine de la crise actuelle, c'est une carence d'Europe, un manque criant que nous déplorons. La solution à la crise ne passera jamais par un repli autarcique sur les frontières nationalistes, mais bien par un renforcement de la solidarité européenne, solidarité qui devrait d'ailleurs aussi s'appliquer à l'intérieur de nos frontières.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, trois principes : responsabilité, cohérence, gouvernance.

La responsabilité, d'abord.

Le rapporteur général utilise, dans son rapport, un mot très dur lorsqu'il parle d'un répit avant que nous ayons accompli les efforts nécessaires dans la réduction des déséquilibres budgétaires : un répit, cela veut dire un moment bref où la responsabilité est importante, non seulement celle des États, des décideurs publics – la nôtre ici, à l'Assemblée, la vôtre, monsieur le ministre, au sein du Gouvernement – mais aussi la responsabilité des acteurs économiques ; nous l'avons souligné à plusieurs reprises au cours de nos travaux ici et en commission.

Dans la crise économique qui nous touche depuis deux ans, une chose nous frappe tous, que l'on soit de gauche, de droite, interventionniste ou libéral : pour une catégorie d'acteurs, à savoir les banques, c'est : « À tous les coups on gagne ! » Il est donc important que le FMI propose que ces établissements contribuent davantage à la stabilisation du système financier, au financement des garanties qui leur sont accordées.

Je crois comprendre, monsieur le ministre, que, au moment du placement des obligations de la SFEF, une syndication bancaire a été mise en oeuvre et que Goldman Sachs, dont on parle beaucoup depuis quelques mois, a été l'un des acteurs du placement de ces obligations. Je voudrais simplement savoir combien cette intervention a rapporté à Goldman Sachs et combien elle nous a coûté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

J'en viens à la cohérence.

Pour tout dire, monsieur le ministre, au point où nous en sommes de nos difficultés économiques, il serait bien de se raccrocher à des analyses solides, à des convictions qui, tout en s'enrichissant de l'actualité et en s'adaptant pour permettre une bonne réponse, ne soient néanmoins pas ouvertes à tous vents. Lorsque l'on écoute ce que dit M. le professeur Stiglitz sur l'évolution de l'économie du monde et que l'on voit comment il contredit certains choix de sérieux de gestion qui nous paraissent nécessaires, on se demande si l'on ne gagnerait pas à davantage de cohérence dans la pensée économique.

S'agissant de la relation avec l'Allemagne, est-il de bon ton, monsieur le ministre, de critiquer le bon élève ? On peut évidemment toujours penser que, pour régler le problème, il faut que le bon élève soit moins bon. Le rapporteur général a souligné qu'il était peut-être un peu léger de critiquer systématiquement la fourmi. En tout cas, au-delà de critiques faciles, nous sommes aujourd'hui bien obligés de constater que, dans notre pays aussi, l'effort, la rigueur et le sérieux sont nécessaires.

En ce qui concerne la gouvernance, je suggère depuis déjà longtemps que le programme de stabilité soit voté par notre assemblée. Le Gouvernement est aujourd'hui ouvert à cette proposition. Tant mieux ! Ce serait un vrai progrès.

Qu'en sera-t-il demain du statut et du pouvoir contraignant des lois de programmation ? La réalité est que, actuellement, on ne regarde pas beaucoup ce qui est écrit dans la loi de programmation des finances publiques. Alors de deux choses l'une : soit nous construisons un ordre juridique permettant à ces lois de programmation d'avoir un effet réel, d'apporter les progrès de gouvernance et les éléments rassurants dont nous avons besoin, et c'est bien ; soit tel n'est pas le cas et l'on ne sait plus à quelle cohérence raccrocher notre budget.

Gouvernance européenne, enfin.

Tout le monde souligne aujourd'hui que l'Europe doit faire des progrès de gouvernance économique et budgétaire.

La première étape – je l'ai proposée il y a quelques semaines, monsieur le ministre, et c'est un sujet sur lequel nous devons progresser – serait une harmonisation des modalités de présentation des budgets.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

En effet, d'un pays à l'autre, les lectures de ces budgets se font dans des conditions extrêmement différentes. Les comparaisons sont difficiles, voire hasardeuses, et en France même, année après année, les ministres présentent les projets de loi de finances de façon aussi avantageuse que possible. Tout cela n'aide pas à comprendre où nous en sommes. Tout cela n'aide pas à la gouvernance en France et en Europe. La première étape consisterait donc à harmoniser la présentation des budgets.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

La deuxième étape serait d'assurer une meilleure coordination. À cet égard je dirais, en écho à l'intervention de Mme Filipetti, que l'Europe doit évoluer. Évidemment, la question d'un fédéralisme budgétaire se pose ! Évidemment, nous avons besoin de davantage de coordination budgétaire et économique ! Mais cela suppose une révision du projet européen. En effet, c'est le principe de subsidiarité qui nous inspire souvent dans la construction européenne. Or, ce dont nous nous rendons compte au point où nous en sommes de la crise économique et financière – Jacques Myard sera sûrement d'accord avec cela – c'est qu'il y a des champs dans lesquels l'Europe est présente sans que cela apporte beaucoup à chacun des États et des citoyens que nous représentons. Il est donc sans doute indispensable d'opérer une révision des politiques européennes.

Il ne s'agit pas de faire en sorte que l'Europe envahisse tous les espaces,…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

…mais une gouvernance européenne doit s'instaurer dans les domaines budgétaire, financier et économique si nous voulons que nos économies repartent sur des bases saines après le répit que permettra le vote de ce soir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Madame la présidente, monsieur le ministre, c'est l'honneur du député que de s'exprimer selon ses convictions. C'est la règle que je me suis toujours fixée par respect pour mes électeurs et pour mes amis de ma famille politique. C'est en ayant à l'esprit ce devoir que je m'adresse à vous avec une certaine gravité et solennité.

Personne ne peut s'y tromper : la situation monétaire et financière internationale est grave. Elle résulte de trois crises qui s'enchaînent et interagissent l'une sur l'autre.

La première est une crise bancaire qui a débuté aux États-Unis avec la question des surprimes hypothécaires et s'est poursuivie avec le phénomène de titrisation à outrance.

La deuxième est celle du choc asymétrique de la zone euro – qui n'est pas une zone économique optimale – et qui est dû essentiellement à la perte de compétitivité économique des maillons faibles : Grèce, Espagne, Portugal, Italie. Je rappelle d'ailleurs, monsieur le ministre, que l'Espagne était en surplus budgétaire avant la crise bancaire alors qu'elle avait, depuis plusieurs années, un déficit de sa balance commerciale supérieur à 10 % de son PIB, comme la Grèce. Il ne faut donc pas confondre les conséquences et les causes.

La troisième crise qui risque de se développer est celle d'un krach boursier et d'une récession due aux politiques inadaptées conduites par certains États de la zone euro et par la Banque centrale européenne pétrifiée par ses dogmes qui sont essentiellement ceux de l'Allemagne enfermée dans des certitudes décalées par rapport aux réalités.

Face à cette situation, ô combien risquée, la riposte s'articule autour de trois actions : un plan d'aide de 750 milliards d'euros pour les États défaillants de la zone euro ; une politique d'économie à outrance, véritable politique déflationniste ; une volonté de contrôler les budgets nationaux au niveau communautaire. Cette riposte est-elle crédible et adaptée ?

Premier élément, le plan d'aide de 750 milliards d'euros, dont 440 pour les États – 111 pour la France –, s'inscrit dans une logique de solidarité que je comprends parfaitement, mais est-ce ainsi que l'on doit agir ? Ce plan est-il suffisant et opérationnel ? Rien n'est moins certain parce que les besoins réels dépassent déjà aujourd'hui le chiffre de 750 milliards, certains les estimant à plus de 1 000 milliards. Ils sont évalués, pour les deux ans à venir, à 407 milliards d'euros rien que pour l'Espagne, à 80 milliards pour le Portugal et à 76 milliards pour l'Irlande, soit déjà un total de 563 milliards ! A priori, et sans compter la baisse d'activité que risque d'entraîner la politique déflationniste, il semble que ce plan ne soit déjà plus crédible.

J'ajoute que le Congrès américain vient de donner injonction au représentant américain au FMI de s'opposer à tout prêt s'il estime que l'État en cause ne pourra pas rembourser. Alors dites-moi comment cela va-t-il fonctionner ?

C'est sans malice, bien sûr, que je vous renvoie aux déclarations de M. Weber, de la Deutsche Bank, selon lequel la Grèce ne remboursera jamais les aides accordées.

Deuxième élément, la politique déflationniste qui est prônée c'est du suicide. Les plans drastiques imposés à la Grèce et à l'Espagne sont non seulement irréalistes en termes comptables, mais suicidaires politiquement. On a visiblement ressuscité Laval ! Cette politique va accroître la baisse du niveau économique. Elle est vouée à l'échec, ce qui ne signifie pas bien sûr que l'on ne puisse pas faire des économies comme aujourd'hui. Il y a une différence entre une politique déflationniste où l'on va, par exemple, couper dans les salaires et la nécessité de supprimer des doublons pour éviter la gabegie, j'en conviens.

Le troisième élément de riposte est le renforcement du contrôle budgétaire. Ce n'est pas la réponse appropriée et cette vision allemande des budgets est totalement inadaptée à la situation présente. Au-delà même des questions politiques et de souveraineté, rappelées à cette tribune, l'économie ne se conduit pas en suivant des règles juridiques. L'économie c'est l'adaptation en permanence de tous les facteurs de production, y compris les taux internes et externes, en fonction de la situation.

Ce qui est au centre de la crise, c'est la perte de compétitivité. Les déficits budgétaires ne sont pas les causes, mais les conséquences de la situation.

Alors, que faire ?

Vous vous placez dans le système de la zone euro. J'en conviens, c'est aujourd'hui la donne. Aujourd'hui, il n'y a que deux solutions pour permettre à l'euro de survivre à court terme : d'abord la monétisation de la dette et le rééchelonnement des dettes des États ; ensuite l'acceptation que la zone euro devienne une union de transfert.

La monétisation de la dette signifie que, en cas de situation extrême, il faut rétablir les avances des banques centrales aux États. C'est une création de monnaie, rendue nécessaire pour accroître la relance. Est-ce inflationniste ? Peut-être, mais je préfère un peu d'inflation à une récession et aux troubles sociaux qui en découleront automatiquement. Dans le même temps, il faut rééchelonner les dettes. Néanmoins il est également nécessaire d'avoir le courage de dire aux Allemands que nous en avons assez de nous battre pour le roi de Prusse.

La deuxième solution est effectivement d'accepter l'union de transfert. Dans l'attelage de la zone euro, la perte de compétitivité des maillons faibles rend inéluctable l'union de transfert. Or, en affirmant avec un calme olympien qu'il n'y aurait pas de transferts financiers, Mme Merkel a sonné le glas du système de l'euro, dont les jours sont désormais comptés. La solution est de revenir à une monnaie commune, une monnaie de référence. Toute autre position est vouée à l'échec.

Monsieur le ministre, vous dépensez beaucoup d'énergie, sans vous ménager, mais malheureusement, je suis convaincu que ce sera peine perdue. Je le regrette pour vous, bien sûr, mais pas pour les faiseurs de systèmes qui, par leur idéologie intégriste, ont conduit la construction européenne à l'échec et pratiquent toujours la fuite en avant. Ils sont incorrigibles !

En conséquence, je n'approuverai pas, mais je ne voterai pas non plus contre ce projet d'aide, qui, pour moi, n'est pas un fonds d'aide, mais s'apparente davantage au fonds des Danaïdes.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Je serai bref dans mes réponses, afin que nous en venions rapidement à l'examen des amendements.

Concernant le caractère juridique du fonds européen de stabilité financière soulevé par le rapporteur général, il s'agira effectivement d'une société de droit luxembourgeois. Comme nous l'avions évoqué devant la commission des finances, c'est la Banque européenne d'investissement, elle-même de droit luxembourgeois, qui assurera la comptabilité, la gestion administrative et la tenue des comptes de ce véhicule spécifique.

Je ne reviendrai pas sur tous les débats ouverts par le président de la commission des finances ; ils ont été développés pour partie lors de la conférence des déficits publics. Je retiens en revanche le message d'ouverture et d'intérêt sur la mise en oeuvre progressive de la révision constitutionnelle. Ayant une bonne mémoire et de nombreux rendez-vous avec vous, je souhaite que nous oeuvrions ensemble pour trouver les modalités qui favorisent le consensus politique afin que cette révision constitutionnelle soit une réalité avant la fin de la législature. Il y a un chemin ; nous prendrons le temps nécessaire pour le dessiner ensemble.

Quant aux autres intervenants, je veux dire à M. Myard que, compte tenu de son engagement, de ses positions et de son histoire personnelle, le fait qu'il ne vote pas contre ce texte est un geste politique qui est évidemment apprécié à sa juste mesure.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

En d'autres circonstances, vous seriez allé beaucoup plus loin dans celle-ci, c'est dire si cette expression de solidarité n'est pas neutre pour le groupe UMP, et qu'elle est appréciée par le Gouvernement, sachez-le monsieur Myard.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Dans le même élan, et sur la même plateforme de conviction, j'adresse la même remarque à Nicolas Dupont-Aignan dont je respecte également l'engagement personnel et sa continuité, même si nous sommes en désaccord sur bon nombre de points, notamment sur la question du sauvetage de notre monnaie unique ; c'est là que nos chemins se séparent créant un fossé important.

Vous souhaitez un retour complet à la restitution de monnaies. L'histoire nous éclaire et nous enseigne qu'il faut préparer l'avenir : ce serait la pire des choses que de revenir à la situation des monnaies nationales. Les dévaluations compétitives avec des inflations à deux chiffres nous ont enseigné que cela était plus destructeur d'emplois, d'investissement et d'économie que toute autre situation, incertaine mais sous contrôle. Cela justifie pleinement ce qui nous rassemble aujourd'hui : un plan massif, un système de garanties pour préserver ce qui est un acquis européen, un outil de développement économique et un élément de richesse de chaque Européen.

S'agissant des autres intervenants, je remercie ceux, à droite comme à gauche, qui se sont engagés positivement : M. Muet, M. Moscovici, Mme Filippetti, M. Chartier, M. Vigier, M. Mariton et même M. Bouvard.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

La singularité de son expérience et ses convictions l'ont entraîné à un moment sur un chemin – on en sait quelque chose dans la famille – mais nous nous félicitons qu'il soit aujourd'hui à nos côtés.

C'est un élément qui nous permettra ce soir, à l'issue d'un vote qui se dessine positivement, de placer la France aux avant-postes de ceux qui auront réagi le plus vite et le plus tôt, dans un calendrier maîtrisé, pour donner une réponse rapide et efficace, laquelle satisfera d'abord et avant tout les pays de la zone euro, mais aussi, de manière définitive je l'espère, des marchés dont la fébrilité devrait être derrière nous. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais les propos du ministre sur l'éventuelle révision constitutionnelle m'amènent à apporter une précision concernant nos travaux dans les semaines à venir.

Un programme de stabilité a été transmis à Bruxelles. Je ne parle pas au nom du rapporteur général, mais je ne pense pas le trahir en disant que nous réclamons de façon conjointe que ce programme soit soumis au Parlement. Pour ce faire, il n'y a que deux possibilités : une résolution ou une loi de programmation pluriannuelle.

Le règlement de l'Assemblée prévoit trois types de résolutions : premièrement, une résolution concernant l'organisation de l'Assemblée nationale, ce n'est évidemment pas notre cas ; deuxièmement, une résolution relative à des actes européens ou des décisions communautaires, ce n'est pas le cas non plus ; le troisième cas de figure est dérivé de l'article 34.1 de la Constitution et prévoit que dans ce cas, la commission compétente au fond n'est pas saisie, et qu'aucun amendement n'est envisageable. Je ne crois pas que présenter de la sorte au Parlement français le programme de stabilité transmis depuis plusieurs mois aux autorités communautaires augurerait de façon favorable de ce que les pouvoirs publics souhaitent faire en matière de finances publiques, et de leur perspective d'associer plus étroitement le Parlement à ces travaux, dans un souci de transparence.

Reste ce que je crois être la seule possibilité raisonnable : soumettre au Parlement une loi de programmation pluriannuelle qui ne ferait que décliner ce que les autorités françaises ont en réalité déjà décidé, et dont elles ont déjà informé les autorités communautaires. Il ne leur resterait plus qu'à demander au Parlement de sanctionner par un vote à tout le moins une orientation, à défaut d'approuver sans réserve les dispositions précises qui relèveraient des orientations de ce pacte de stabilité.

Monsieur le ministre, il est possible de prévoir en juin une loi de programmation pluriannuelle. La commission serait alors saisie, chaque parlementaire aurait la possibilité d'amender, et un vote interviendrait ensuite. Il me semble que ce serait la bonne procédure, avec la solennité requise, pour associer le Parlement à la volonté de la France de s'inscrire dans un pacte de stabilité européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

J'appelle maintenant les articles du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je veux remercier monsieur le ministre pour les commentaires concernant mon intervention. (Sourires) Peut-être est-ce parce que je suis le seul avec Nicolas Dupont-Aignan à avoir eu une voix dissonante que nous n'avons pas eu le droit à une réponse ?

Non, puisque lui-même a eu quelques mots ! Je suis donc le seul à ne pas avoir eu de commentaire ministériel ! Peut-être est-ce l'hommage du vice à la vertu ? Je ne sais pas comment l'interpréter ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Je ne voudrais surtout pas que monsieur Brard considère comme une mauvaise manière de ma part de ne pas avoir répondu sur sa motion. Simplement, comme il est le seul à avoir déposé une batterie d'amendements, je trouvais plus pertinent de profiter de cette occasion pour qu'à chacune de ses interventions, j'aie la possibilité de dire tout le mal que je pense de sa motion. (Sourires).

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel avant l'article 1er.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour défendre l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le terme de « batterie » employé par le ministre convient bien pour décrire le tir de barrage de mes amendements ! (Sourires.) Peut-être est-ce là le temps, si ce n'est du dialogue, au moins de la confrontation, au sens politique et philosophique, bien sûr.

L'objet de cet amendement est simple, et il devrait être approuvé par beaucoup de collègues, puisque j'ai cru entendre que, sur les bancs de l'UMP même, se trouvent de nombreux partisans de l'abolition du bouclier fiscal. Vous le savez : c'est au pied du mur que l'on voit le maçon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je le sais, mais les bonnes formules doivent être réutilisées, d'autant plus qu'il y a peu de maçons – au sens bâtiment du terme – sur les bancs de l'UMP. Pour l'autre sens, je ne sais pas !

À l'heure où le Gouvernement s'engage à réduire de 2 milliards d'euros par an entre 2011 et 2013 les niches fiscales et sociales, c'est-à-dire tout cet éventail de dispositifs dérogatoires qui représentent un manque à gagner pour les caisses du pays ; au moment où l'on annonce un plan de rigueur au risque de plomber l'activité pour les raisons rappelées par plusieurs collègues, la suppression d'un dispositif aussi absurde que le bouclier fiscal s'impose. Même modeste, il représente à lui seul une dépense équivalente à l'ensemble des annulations de crédits prévues au projet de loi de finances rectificatives.

Vous osez prétendre que le bouclier fiscal bénéficie à une majorité de personnes aux faibles revenus alors que les 4 140 contribuables aux revenus les plus élevés raflent la mise et ont perçu 87 % des sommes restituées au titre de ce bouclier.

Par ailleurs, le Gouvernement aurait intérêt à cesser sa campagne de désinformation, répétant à longueur de temps que personne ne doit se voir confisquer plus de 50 % des revenus de son travail, alors que le bouclier fiscal protège les revenus du patrimoine que perçoivent ceux qu'un Président de la République désignait ainsi : « Ceux qui s'enrichissent en dormant. »

Votre unique objectif est de permettre aux grandes fortunes françaises d'échapper à l'impôt en violation du principe constitutionnel qui veut que chacun paie l'impôt à proportion de ses facultés contributives. Monsieur le ministre, vous qui connaissez le sens de tous les articles de la Déclaration des droits de l'homme, je vous donne l'occasion de mettre vos actes ministériels en accord avec vos convictions passées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Quelques mots pour saluer la constance de M. Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Chaque collectif budgétaire nous ramène exactement les mêmes amendements. J'ai noté l'amendement sur un taux de 95 %, que M. Brard avait lui-même jugé un peu confiscatoire, appliqué aux indemnités versées par les entreprises à leurs salariés au titre des parachutes dorés. On trouve également la suppression du bouclier fiscal, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Nous avons vingt-sept amendements qui sont exactement les mêmes que ceux qu'il nous a présentés il y a quelques semaines.

Alors, la constance étant saluée, je pense que M. Brard devrait avoir le geste, que l'heure appelle, de retirer ses amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur Soisson, je pense que M. Brard s'entraîne ; il répète, car je suis sûr que nous pourrons à nouveau examiner cet amendement, par exemple dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011. Je lui suggère donc de réserver ses forces pour cette échéance. Peut-être qu'à cette époque, nous y verrons plus clair. En attendant l'avis reste défavorable.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

J'ai le même avis que le rapporteur général, et le même sentiment d'un entraînement et, j'ai le regret de le dire, d'une forme de répétition.

J'ai tout de même à l'oreille depuis maintenant deux mois votre voix, l'élégance et le caractère racé de vos interventions, leurs références historiques. Aucune n'échappe, de Rousseau à la contre-terreur.

Puisque vous m'emmenez sur le terrain du 26 août 1789, je pense qu'il doit s'agir de l'article 13, selon lequel la « contribution commune […] doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés [respectives] ».

Cela dit, monsieur Brard, de bien nombreux sujets nous opposent. Votre motion et vos amendements procèdent d'un projet politique, celui d'une économie administrée dont vous ne pouvez dire qu'elle n'a jamais été mise en place ; cette expérience a échoué et a été interrompue il y a maintenant presque une vingtaine d'années.

Plus spécifiquement, par vos amendements, sortes de cavaliers législatifs qui ne disent pas leur nom, vous visez à profiter de ce débat en faveur d'une solidarité européenne pour ruiner un bouclier fiscal qui a déjà enduré bien des attaques et qui, continuant d'y résister, continuera de jouer son rôle de bouclier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Galilée fut persévérant. L'exemple de cet homme qui n'a cessé de réaffirmer quelque chose qui s'est révélé vrai me donne de l'espoir, celui de vous convaincre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Il n'a pas parlé pendant un siècle, tout de même !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous siégez déjà depuis longtemps sur ces bancs, mes chers collègues de la majorité ; j'espère que nous n'en abuserons pas et que nous vous convaincrons rapidement.

Monsieur le ministre, je me méfie des flatteurs et je sais que, bien qu'encore jeune, vous êtes un homme d'expérience.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le rapporteur général, je redoute de ne pas avoir à attendre le projet de loi de finances initiale pour 2011 pour présenter une nouvelle fois ces amendements. Je crains fort, en effet, que nous n'ayons à examiner de nouveaux projets de loi de finances rectificative, un projet « Espagne », un projet « Irlande », un projet « Portugal », un projet « Italie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Quel nom donnera-t-on à celui qui concernera la France ?

Enfin, mes chers collègues, notamment monsieur Soisson, vous vous défilez, car, si j'ai bien compris, vous êtes également favorable à l'abrogation du bouclier fiscal. En Bourgogne, à Saint-Bris, vous ne pouvez effectivement pas défendre le bouclier fiscal, sinon les paysans laborieux de villages comme celui-ci, qui produisent d'excellents crus que vous connaissez par coeur, ne voteront plus pour vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Pour que nos collègues saisissent bien la profonde signification de l'intervention de M. Brard, je précise que Montreuil est jumelé avec la commune de Saint-Bris-le-Vineux, proche d'Auxerre. (Rires et exclamations.)

Cela dit, je vous assure que les viticulteurs de Saint-Bris-le-Vineux sont tous assujettis à l'ISF et, heureusement, gagnent beaucoup d'argent.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je vous remercie de cet éclaircissement, monsieur Soisson.

(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour défendre l'amendement n°4 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pour être tout à fait complet, précisons que, si les vignerons de Saint-Bris-le-Vineux rencontrent un vif succès, ce n'est pas seulement parce que leur production est excellente ; c'est aussi parce qu'ils ne la vendent pas cher.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ces vignerons sont honnêtes, à la différence des bénéficiaires du bouclier fiscal ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

L'amendement n° 4 est directement lié à la lutte contre les effets pervers du bouclier fiscal.

En 2009, quelque 1 055 contribuables, dotés d'un patrimoine de plus de 16 millions d'euros, se sont vus restituer, en moyenne, 363 872 euros, ce qui a coûté 383 millions d'euros à l'État. Cela revient à dire qu'environ 5 % des foyers fiscaux qui ont fait jouer le bouclier fiscal ont reçu 75 % des sommes versées par le fisc.

Cet amendement a pour objet de faire en sorte que les personnes les plus fortunées, c'est-à-dire les foyers fiscaux dont le revenu net global excède 10 millions d'euros ne puissent bénéficier d'exonérations fiscales, de crédits d'impôt ou, cela va de soi, du bouclier fiscal. Nous estimons en effet indispensable que, dans la période que nous traversons, ces foyers participent au premier chef à l'effort de solidarité nationale, à l'effort de redressement public. En raison du bouclier fiscal, ce n'est pas le cas actuellement.

M. Soisson ne pourra pas me contredire si j'affirme qu'aucun des vignerons de Saint-Bris ne gagne plus de 10 millions d'euros par an grâce à son dur labeur.

(L'amendement n° 4 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour soutenir l'amendement n° 6 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il faut vraiment avoir l'esprit de suite car, vous le reconnaîtrez avec moi, le Gouvernement ne m'encourage guère.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le ministre, vous avez promis de réduire le coût des niches fiscales de 5 milliards d'euros cette année. L'objet de cet amendement, comme celui de nombreux autres, est éminemment positif : il s'agit de vous aider à tenir votre engagement.

Cet amendement va même plus loin. Il vise non seulement à permettre à l'État de retrouver une partie du coût de l'ensemble des niches fiscales, estimé à 75 milliards d'euros, mais aussi à mettre un terme à une mesure économiquement et socialement nuisible : l'exonération de charges sur les heures supplémentaires, votée par votre majorité en 2007, dans le cadre de la funeste loi TEPA.

Je me rappelle que M. le rapporteur général s'interrogeait dans un rapport sur la pertinence de ces exonérations. Certes, il avait trouvé des mots choisis et, par conséquent, différents des miens, mais la conclusion était la même. Il est vrai que, depuis l'origine, ce dispositif est une très bonne affaire pour les patrons qui, d'un côté, bénéficient d'une exonération de cotisations sociales et, de l'autre, distribuent du pouvoir d'achat aux frais du contribuable au travers de la défiscalisation des heures supplémentaires. Cependant, ce cadeau consenti au patronat n'est justifié par aucune opportunité économique : d'une part, son coût – 2,72 milliards d'euros en 2009 – est exorbitant. ; d'autre part, et ceci s'impose comme une évidence, son maintien nuit à la création d'emplois.

Rappelons-le, selon les chiffres officiels publiés vendredi dernier par le ministère de l'économie et Pôle emploi, le nombre de demandeurs d'emploi a progressé en avril de 15 700 dans la catégorie A, c'est-à-dire celle des demandeurs sans emploi et tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi. Le nombre total des demandeurs d'emploi s'élève, pour sa part, à 2 677 000 en France métropolitaine. Cela représente une augmentation de 0,6 % par rapport au mois de mars 2010.

Sur un an, le chômage s'est accru de 7,8 %. Nous sommes loin des propos optimistes de notre ministre de l'économie, qui ne manque jamais une occasion de saluer le ralentissement de la progression du chômage avec autant d'enthousiasme que s'il s'agissait d'annoncer qu'il baisse enfin. Si vous souhaitez que le chômage diminue, commencez donc par supprimer les mesures qui mettent un frein à la création d'emplois sans présenter le moindre bénéfice sur le plan économique, comme le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je vous remercie, monsieur Brard, mais je tiens à vous rappeler que le temps de présentation d'un amendement est limité à deux minutes. Je ferai donc dorénavant respecter ce temps de parole et je serai amenée à vous interrompre si vous êtes un tout petit peu trop long.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Gilard

N'hésitez pas, madame la présidente !

(L'amendement n° 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour défendre l'amendement n° 8 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous reconnaîtrez avec moi, madame la présidente, que M. le rapporteur général et M. le ministre n'abusent pas de leur temps de parole. Peut-être pourrais-je donc bénéficier de votre mansuétude. (Sourires.)

J'en viens donc à l'amendement n° 8 .

Les parachutes dorés et autres cadeaux de départ sont des formes de rémunérations particulièrement conséquentes, qui viennent étrangement récompenser des dirigeants pourtant remerciés. En langage trivial, on pourrait dire « pourtant virés », mais ce n'est pas l'objet de notre débat. Laissons la discussion se poursuivre entre Nicolas Sarkozy, qui voudrait nous faire croire qu'il convient de les interdire, et Laurence Parisot, qui prône l'autodiscipline.

Le fait est que ces parachutes dorés constituent une manne financière considérable. Thierry Morin, par exemple, a quitté la présidence et la direction générale de Valeo avec 3,2 millions d'euros.

Si ces parachutes dorés doivent être maintenus, autant qu'ils contribuent à réduire le déficit public. Aussi proposons-nous qu'ils soient imposés à hauteur de 95 % dès lors que leur montant excède le montant annuel du SMIC. Ces primes de départ étant des revenus d'appoint, cela ne devrait pas mettre leurs bénéficiaires en difficulté.

Je vois que cet amendement suscite l'intérêt de Jean-Pierre Soisson.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Sur ce point, le raisonnement de M. Brard est justifié. On n'imagine pas les dégâts que les habitudes prises font sur le moral des salariés dans les entreprises. Quel scandale ! Si nous ne sommes pas capables, à un moment donné, de dire qu'il faut arrêter, si nous ne prenons pas les mesures de taxation nécessaires, nous rencontrerons d'énormes difficultés pour appliquer des mesures de rigueur. Celles-ci scandaliseront nos concitoyens, qui verront, une fois de plus, qu'il y a, dans notre société, deux poids, deux mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Cet amendement est le bouquet du feu d'artifice de M. Brard. Voyez tout d'abord le taux : 95 % ! En outre, il s'applique non pas seulement aux parachutes dorés des seigneurs de Valeo mais à toutes les indemnités d'un montant supérieur à celui du SMIC.

Je salue l'inventivité de M. Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Merci, monsieur Soisson !

(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

J'en viens à l'amendement n° 16 .

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Globalement, la fiscalité française est peu progressive. Elle est devenue ainsi car les seuls impôts réellement progressifs sont l'impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune et, dans une certaine mesure, les droits de succession. Or l'efficacité de ces impôts est loin d'être optimale. Votre politique qui, certes, fut aussi celle de vos prédécesseurs, y est pour beaucoup, monsieur le ministre.

Dans l'état actuel des textes, il est impossible d'envisager des rentrées fiscales suffisamment importantes pour lutter contre le déficit.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, les taux d'imposition affectant les plus hautes tranches ne correspondent aucunement aux taux effectifs, en raison des multiples abattements, qui permettent de réduire – parfois considérablement – la somme due. La progressivité de l'impôt, seule garantie d'une réelle justice fiscale, en est affectée.

Il s'agit donc, pour compenser la perte de recettes pour l'État, d'augmenter le taux marginal des deux tranches supérieures de l'impôt sur le revenu, en le portant à 40 %, pour la fraction supérieure à 44 248 euros et inférieure ou égale à 69 783 euros, et à 54 % pour la fraction supérieure à 69 783 euros.

Je ne le dis pas pour vous qui le savez déjà, mes chers collègues, mais pour les personnes qui nous regardent sur internet et pour celles qui sont dans les tribunes : dans notre pays, plus on est riche, moins on paye d'impôts. C'est absolument contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour soutenir l'amendement n° 11 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'attire également l'attention des personnes qui nous regardent ou qui sont dans les tribunes sur la qualité des réponses du Gouvernement à mes amendements ! Lorsqu'ils n'ont rien à répondre, le rapporteur général et le Gouvernement ne trouvent rien d'autre à faire que ne rien dire. Ils ne peuvent effectivement pas défendre ces politiques ; ils se taisent donc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Effectivement, « le temps, c'est de l'argent ! » Vous représentez des milieux qui savent ce que cela veut dire : le temps des salariés, c'est de l'argent pour ceux qui les exploitent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et les actionnaires qui s'en mettent plein les poches, oui ! C'est bien ce que je disais.

Ne confondez pas les petits poissons avec les requins, mon cher collègue. Comme vous le savez, ceux qui mangent beaucoup, ce ne sont pas les petits poissons ; ce sont les requins.

Madame la présidente, vous voyez que l'on m'empêche de défendre mon amendement.

Si vous me le permettez, je défendrai l'amendement n° 12 en même temps que l'amendement n° 11 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Les niches fiscales ont coûté 75 milliards d'euros à l'État en 2009 selon la Cour des comptes, soit 6 milliards de plus que prévu. Pour accorder des privilèges, vous trouvez toujours de l'argent ! Quand bien même ce principe de niche fiscale peut s'avérer utile à notre économie dans certaines conditions très précises, ma perplexité reste grande à ce sujet, car il s'agit d'un manque à gagner considérable pour l'État.

Malgré les discours, çà et là, de certains élus de l'UMP, nous savons pertinemment que ces niches fiscales seront maintenues dans leur grande majorité. Quelques-unes d'entre elles seront supprimées pour donner le change à l'opinion, mais ce dispositif destructeur de recettes publiques et de l'égalité républicaine a encore de beaux jours devant lui, j'en ai bien peur.

Nous ne connaissons que trop bien le dogmatisme, pour ne pas dire l'aveuglement, du Gouvernement en la matière. C'est pourquoi nous proposons cet amendement tendant à réduire de moitié le plafond de la réduction d'impôt prévu à l'article 200-0 A du code général des impôts, le faisant passer de 20 000 à 10 000 euros.

Chers collègues, un certain nombre d'entre vous appartenant à l'UMP et au Nouveau Centre ont ouvertement remis en cause la politique d'abattements tous azimuts. Alors, accordez vos votes à vos déclarations, car je suis sûr que les gens qui nous regardent vont observer ce que vous allez faire et écouter attentivement la réponse du rapporteur et du ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Défavorable, mais je remercie M. Brard, car son amendement rend hommage au travail de la majorité.

En effet, le plafonnement des niches, autrement dit le dispositif visant à plafonner l'avantage procuré par les niches fiscales à 20 000 euros + x % du revenu, c'est nous qui l'avons mis en place. Il a fallu attendre longtemps, car cela fait des décennies qu'il existe des niches, mais c'est nous qui avons eu le courage de mettre en place un plafonnement général des niches à partir d'un amendement de la commission des finances, adopté par l'Assemblée et repris par le Sénat.

Vous dites que c'est insuffisant, qu'il faudrait réduire encore un peu le plafond. Je pense que nous le ferons ; nous aurons probablement ce débat lors de la préparation de la loi de finances pour 2011.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, vous me permettrez de continuer mon effort de pédagogie pour les gens qui nous regardent et nous écoutent.

À force de le pousser dans ses retranchements, nous avons obtenu quelque chose du rapporteur général. Certes il a indiqué que c'était la majorité qui avait instauré ce dispositif de plafonnement, mais il n'a pas dit que, depuis 2007, et même avant, à l'époque où sa majesté impériale n'était pas encore au palais de l'Élysée, mais seulement ministre, on en a rajouté ! Il y a ainsi eu le paquet fiscal et le bouclier fiscal. D'un côté, on vous prend quelques petits sous et de l'autre, on vous donne de gros billets ! Voilà ce qu'il faut rappeler.

Le rapporteur général, on doit le reconnaître, sait faire naître l'espoir. Il a ainsi indiqué qu'il y aurait de nouvelles dispositions, probablement à l'occasion de la prochaine loi de finances, ou peut-être à la Saint-Glinglin ! (Murmures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il faut que tout le monde ait bien entendu. Ainsi, je suis sûr que nos concitoyens observeront ce qui va vraiment se passer lors de la prochaine loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Nous pouvons nous réjouir de la réponse du rapporteur général sur les niches fiscales. Il est clair que l'on ne pourra pas faire un effort financier si elles ne sont pas plafonnées. Faut-il pour autant descendre à 10 000 euros ? M. Brard va peut-être un peu loin, mais si l'on pouvait abaisser le plafond à 15 000 euros, ce serait un moyen de rassurer nos concitoyens sur l'effort de justice qui doit accompagner l'effort de rigueur.

(Les amendements nos 11 et 12 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 15 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

À condition que vous ne m'interrompiez pas, cher collègue ! Comme il n'y a pas de chronomètre, je vais, si vous me le permettez, madame la présidente, repartir de zéro !

Les banques réalisent à nouveau des profits considérables. Les frais payés par chaque client approchent les 150 euros, contre 47 euros aux Pays-Bas, comme si les services hollandais étaient moins bons que les services français !

Pour résumer la situation, les banques, chez nous, s'enrichissent au détriment des Français. Les provisions effectuées par différents établissements afin de payer les bonus sont l'illustration de cette quête incessante de profits nouveaux. Ainsi, la BNP Paribas a versé 500 millions d'euros de bonus pour l'année 2009. Ces mêmes banques se sont engagées dans une limitation drastique du crédit aux entreprises, notamment aux plus petites ; nous en connaissons tous des exemples.

Parallèlement à cette contraction du crédit, le niveau de frais des activités des banques de dépôts reste particulièrement haut et demeure le plus élevé de l'Union européenne. Ces mêmes banques, qui ont bénéficié de l'aide providentielle de l'État au plus fort de la crise, n'ont absolument pas modifié leur politique et persistent à se détourner du financement de l'économie, leur activité première, et à encourager une spéculation outrancière dont on connaît l'impact désastreux sur l'économie réelle. Faut-il ajouter que ce sont la Société générale, le Crédit agricole, le Crédit lyonnais et la BNP qui ont ruiné la Grèce – pour ce qui est des banques françaises.

Au regard de ces éléments, la création d'une taxe additionnelle modeste, de 10 %, s'avère justifiée et nécessaire.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Au risque d'en surprendre certains, j'estime que nous devons poser, dans notre pays, le problème du fonctionnement des banques et des services bancaires.

Il y a plus d'un an, lorsque j'avais posé une question au Gouvernement sur l'affaire des crédits de trésorerie, ayant moi-même été alerté par nombre de fédérations, de PME et de TPE, sur l'effondrement des crédits et des prêts de trésorerie, on m'avait ri au nez.

Aujourd'hui, nous disposons de statistiques de la Cour des comptes et de la Banque de France où l'on peut constater une restriction très forte des crédits et des prêts de trésorerie aux PME au moment où la collectivité nationale – soit les contribuables – a fourni un effort important. Au même moment, on apprend que les banques mères perpétuent le système des bonus pour des montants considérables.

Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Soit nous en arrivons à la solution préconisée par M. Brard, soit nous agissons en amont. Je regrette, encore une fois, que le Gouvernement ne fasse pas jouer les droits de vote dont il dispose, notamment au sein de certaines banques où l'État a des participations. Il est inacceptable qu'il n'y ait pas d'exercice des droits de vote, particulièrement à la BNP Paribas.

(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Nous en arrivons à l'amendement n° 35 .

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Puisque mes interventions ne sont que des quasi-monologues, je vais continuer mon effort de pédagogie. Les personnes qui assistent à notre séance savent combien le Gouvernement est âpre dès lors qu'il s'agit des petites gens. En revanche quand on veut prendre quelques petits sous aux banquiers, le Gouvernement est là, non plus avec son bouclier fiscal, mais avec son bouclier tout court, pour protéger les actionnaires des banques !

Notre amendement n° 35 concerne l'imposition relativement faible des plus-values, ce qui est en contradiction avec le discours de la majorité sur la réhabilitation du travail et sa rémunération. Je vous prie de le noter, chers collègues, cette observation ne vient pas d'une obscure et radicale officine de l'ultra-gauche, mais de cette vénérable publication qu'est Le Journal du Dimanche, qui relevait cette étrangeté en septembre dernier.

N'écoutant que notre coeur et nous laissant guider par notre esprit de solidarité, qui sera sûrement rejoint par nos collègues de l'UMP, nous proposons de leur apporter notre aide dans la correction de ce dysfonctionnement et plus largement dans la réorientation vers une fiscalité plus juste. L'entreprise est vaste au regard des dégâts que votre politique a occasionnés depuis 2002. Commençons donc par l'augmentation de quelques points du taux d'imposition des plus-values à long terme, en le faisant passer de 15 à 19 %.

(L'amendement n° 35 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour défendre l'amendement n° 13 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cet amendement revêt une importance particulière dans le contexte de crise dans lequel nous sommes plongés, car elle est loin d'être derrière nous. La persistance des difficultés économiques et sociales démontre bien la faillite du modèle dont se réclame la politique du Gouvernement.

Outre la stagnation des salaires et la baisse préoccupante du pouvoir d'achat de nos concitoyens, l'investissement demeure à un niveau désespérément faible. Pour quelle raison ? La répartition des bénéfices entre dividendes et investissements a continuellement évolué dans un sens excessivement favorable aux dividendes et peu aux investissements – nous y reviendrons demain. C'est tout simplement de la destruction de capital que de laisser dépérir les investissements et de donner plus aux dividendes.

Du milieu des années soixante-dix à nos jours, la part du revenu distribuable versée aux actionnaires par les sociétés non financières est passée de 40 % à 106 %. Ne comptant pas sur la volonté des entreprises pour corriger elles-mêmes ce déséquilibre, nous proposons que l'instrument fiscal remplisse ce rôle en différenciant les taux d'imposition selon que les entreprises privilégient le versement des dividendes ou bien l'investissement productif et l'augmentation de la part des salaires.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je ne veux pas allonger nos débats, mais, lors de la discussion générale et durant l'examen des motions de procédure, beaucoup ont fait référence à l'Allemagne et à sa capacité à investir.

Il serait peut-être temps, dans notre pays, d'inciter les entreprises, non en taxant davantage celles qui n'investissent pas, mais plutôt en baissant l'impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis. Ce serait le moyen d'inciter nos entreprises à produire dans notre pays et cela leur permettrait d'être compétitives. Nous le demandons depuis des années ; ce n'est pas si compliqué d'augmenter le taux de l'IS pour ceux qui distribuent les dividendes et de le baisser pour toutes les PME qui aimeraient investir dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Le groupe SRC a choisi de ne pas déposer d'amendements, compte tenu de la nature du texte.

Pour donner une explication globale de nos votes, je tiens à dire que l'ensemble des sujets traités ne doit pas être oublié après cette séance. En effet, pour nombre de citoyens, de PME, de TPE ou pour l'ensemble des élus locaux qui s'occupent de développement économique aujourd'hui, beaucoup de choses sont extrêmement injustes, notamment le comportement des banques, mais aussi l'imposition. On se contente parfois de la résignation des gens, mais je pense qu'il faut s'en méfier.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour soutenir l'amendement n° 24 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je remercie Marylise Lebranchu qui nous rappelle qu'elle ne fut pas seulement garde des sceaux, mais ministre de la justice au sens le plus noble et le plus large, puisque c'est la justice qui ne s'applique pas seulement aux textes, mais à la morale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

L'objet de cet amendement est de mettre en place une taxe sur les bénéfices supplémentaires réalisés par les compagnies pétrolières grâce à l'augmentation du prix du baril. Celui-ci a connu une baisse importante ces dernières semaines, même si cela ne se voit pas vraiment à la pompe – mais pour d'autres raisons –, et cette chute des prix a d'ailleurs fourni une nouvelle preuve que le pétrole est devenu un produit financier et non plus seulement une matière première obéissant aux lois de l'offre et de la demande.

L'objet de notre amendement est de préparer l'avenir et de dissuader les compagnies pétrolières de profiter des éventuelles, mais probables, augmentations du prix du baril dans un futur proche pour assommer les consommateurs et mettre en péril une reprise durablement fragile. Nul doute en effet que des groupes tels que le français Total, qui a annoncé en février dernier un bénéfice quasiment divisé par deux pour 2009 – mais à 7,8 milliards d'euros ! – vont tenter, dans la période qui s'ouvre, de se refaire aux dépens des consommateurs et de notre économie. Il importe donc de prendre les devants et d'adopter la proposition que nous vous présentons.

Il est certain que, pour faire entendre raison aux compagnies pétrolières, il ne suffit pas, monsieur le ministre, que Mme Lagarde les invite à l'heure du thé pour leur demander de faire un effort ! On ne les a, en effet, jamais vus consentir volontairement !

(L'amendement n° 24 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour défendre l'amendement n° 9 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La taxe Tobin fait régulièrement sa réapparition dans le débat sur la taxation des flux financiers internationaux avec un succès, tout au moins au niveau de l'estime, de plus en plus grand. Elle fait même l'objet d'un assez large consensus. Gordon Brown y voit une nouvelle source de financement pour lutter contre la pauvreté. Il en va de même pour la France, puisque Bernard Kouchner, votre collègue ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre, a déclaré qu'il avait fait cette proposition, lorsqu'il était membre du gouvernement Jospin. L'histoire ne dit simplement pas s'il a plus d'autorité aujourd'hui qu'il n'en avait à l'époque ! (Sourires.)

Concernant notre pays, la discussion est quelque peu surréaliste, puisque cette taxe est déjà inscrite dans le code des impôts, mais n'a aucune effectivité, faute d'un décret d'application. Chacun se rappelle que c'était sur proposition émanant de ces bancs que le principe avait été adopté et, grâce à l'imagination de Dominique Strauss-Kahn, son taux avait été arrêté à 0 % !

Toujours dans un esprit constructif, nous souhaitons contribuer à la mise en application de cette mesure en proposant un taux, qui ait un peu plus d'épaisseur, puisque nous suggérons de le fixer à 0,08 %. Chers collègues de la majorité, vous qui soutenez ce gouvernement, multipliant les discours sur la moralisation du capitalisme et la régulation financière, nous vous donnons l'occasion de franchir une étape symbolique, à moins que vous ne vous interrogiez encore sur ce que signifie le mot « moralisation » dans la bouche du Président de la République !

(L'amendement n° 9 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

J'en viens à l'amendement n° 10 .

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Les processus de libéralisation et les progrès des technologies de télécommunications ont contribué à augmenter le volume et la vitesse des transactions. Parallèlement, la volatilité a considérablement augmenté. De nombreux placements sont à court terme. Cette situation correspond très exactement à la vision « courtermiste » qui préside à l'activité des marchés.

La spéculation a pris des proportions inquiétantes et la sphère financière a connu un double processus d'autonomisation et de « virtualisation ». Ces flux de capitaux déstabilisateurs déclenchent des crises aux conséquences désastreuses pour l'économie, comme on a pu le constater début mai à Wall Street où plus de 1 000 milliards de dollars ont littéralement disparu en quelques minutes, et ce parce que les spéculateurs, guidés par le profit maximum et la peur de la dépréciation de leurs actifs, ont été pris de panique et ont subitement vendu des dizaines de milliers de titres.

Les sinistres financiers qui frappent actuellement les États européens les uns après les autres sont en grande partie dus à ces mouvements rapides : on revend en toute hâte des obligations que l'on vient d'acheter. La seule mesure véritablement efficace afin de lutter contre cette volatilité des capitaux, synonyme de misère sociale pour les victimes, serait l'instauration sur ces transactions à court terme d'une taxe dont le taux serait fixé à 0,5 %.

(L'amendement n° 10 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour défendre l'amendement n° 20 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cet amendement vise à rétablir le taux normal de la TVA dans la restauration, compte tenu de l'échec de la mesure de baisse votée par votre majorité.

En contrepartie de la baisse de la TVA, les organisations professionnelles de restaurateurs s'étaient engagées auprès de l'État à répercuter une partie du gain sur les consommateurs en minorant certains de leurs prix. L'engagement portait sur une baisse des prix d'au moins 11,8 % sur au moins sept produits de la carte. Selon le Gouvernement et les syndicats signataires, cela aurait dû se traduire par une baisse des prix d'environ 3 %. Il n'en a rien été.

De même, les engagements en termes de création d'emplois n'ont pas été tenus. Le Gouvernement espérait une progression de 2,5 % de l'emploi dans le secteur. Il n'aurait crû que de 0,1 %. Compte tenu du dispositif – 1,2 milliard d'euros en 2009 – le bilan apparaît pour le moins maigre. Il convient donc, à nos yeux, de revenir sur cette dépense fiscale, une mesure à laquelle j'ai cru comprendre qu'un certain nombre de nos collègues de la majorité veulent souscrire.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Même avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il ne faut tout de même pas aller aussi vite ! On frôle ici l'excès de vitesse sur un sujet aussi important !

Nous avons débattu. Nombre de nos collègues de la majorité, on le sait bien, n'étaient pas convaincus. Le Président de la République a imposé cette mesure parce qu'il avait fait cette promesse populiste, car persuadé que, grâce à la résistance des Allemands, l'Union n'y consentirait jamais ! Il n'y a pas que la perfide Albion pour nous trahir ! Sainte Angèle de Germanie, en cédant, nous a trahis à son tour, ou plutôt a trahi le Président de la République ! Ainsi, ce dernier, faute de protection, s'est trouvé dans l'obligation de tenir sa promesse, laquelle coûte cher et ne rapporte rien !

En dépit de cela, vous vous contentez de répondre « Défavorable » ! Vous devez tout même rendre des comptes aux Français sur une disposition, uniquement populiste, qui coûte cher et qui n'a absolument pas atteint ses objectifs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Arrêtons, dans cette assemblée, de taper en permanence sur la restauration ! Un accord interprofessionnel a été conclu et il est respecté. Les restaurateurs et les hôteliers ont consenti un important effort en matière de création d'emplois. S'ils ne l'avaient pas fait, la situation de l'emploi en France serait beaucoup plus dégradée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Cessons de revenir sur une proposition qui n'est pas seulement une décision du Président de la République ! J'invite M. Brard à se souvenir que, dans cet hémicycle, depuis dix, voire quinze ans, nous sommes un certain nombre de députés à avoir demandé l'abaissement du taux de TVA dans la restauration ! Je vous parle en tant qu'ancien ministre du tourisme ! Là, vous dépassez franchement quelque peu les bornes, je vous le dis en toute amitié !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. Soisson serait convaincant si la baisse de TVA s'était au moins appliquée aux vins, en particulier à ceux de Bourgogne ! (Sourires.) Or même cela n'a pas été réalisé, monsieur Soisson, que ce soit à Auxerre, à Saint-Bris ou à Chablis ! Vous le savez ! Donc, vous ne pouvez pas continuer de soutenir une mesure dont votre expérience vous dit qu'elle n'a pas été réalisée ! C'est simplement un cadeau qui a été fait, reconnaissons-le !

(L'amendement n° 20 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie de l'amendement n° 33 .

Vous avez la parole, monsieur Brard, mais je vous demanderai d'être un tout petit peu plus rapide. Nous vous en serions extrêmement reconnaissants !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne demande pas mieux, madame la présidente, mais vous savez que la richesse de certains est infinie et que cela prend un peu de temps à circonscrire ! (Sourires.)

Cet amendement a trait à une mesure prise au titre de l'ISF. Elle a permis, au nom du développement économique, de soustraire une partie de l'ISF aux caisses de l'État. Cet amendement a donc pour objet de revenir à une situation plus normale en supprimant l'article 885 I bis du code général des impôts.

(L'amendement n° 33 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Nous en venons à l'amendement n° 34 .

La parole est à M. Jean-Pierre Brard à qui je demanderai d'être aussi rapide que pour l'amendement précédent. C'était parfait ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je dois tout de même d'autant plus m'expliquer, madame la présidente, que j'ai, face à moi, des oreilles revêches ! (Sourires.)

Les dispositions de l'article 885 I quater du code général des impôts qui prévoient que les parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence des trois-quarts de leur valeur, ne se justifient d'aucun motif d'opportunité économique. Il ne s'agit que d'un énième dispositif destiné à vider de son contenu l'ISF, sans que les effets sur l'activité économique en aient été démontrés. Cette exonération à hauteur des trois-quarts de la valeur des parts et actions prive l'État de recettes substantielles.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

C'est l'outil de travail !

(L'amendement n° 34 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour soutenir l'amendement n° 32 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Dans le cadre de notre contribution constructive à la fiscalité sur les très hauts revenus, nous souhaitons redynamiser l'ISF qui nous paraît jouer un rôle insuffisant en termes de solidarité. En effet, l'efficacité de l'ISF est largement mise en cause par la série de niches fiscales qui permettent aux plus aisés de payer peu d'impôts à l'arrivée. Il s'agit donc d'améliorer le rendement de cet impôt en majorant de 15 % les quatre premières tranches – soit de 790 000 euros à 7,6 millions d'euros – et de 30 % les tranches suivantes, soit de 7,6 millions d'euros à plus de 16,540 millions d'euros.

Nos compatriotes les plus aisés, résidant étrangement à Neuilly-sur-Seine, Courbevoie, Puteaux, Rueil-Malmaison, Boulogne-Billancourt ou encore Versailles, devraient s'enorgueillir de participer ainsi à l'effort de solidarité nationale. Nous n'imaginons, en effet, pas que les plus riches veulent sans cesse garder leur argent sans le partager un peu avec ceux qui en ont besoin !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Je vous remercie de ne pas avoir cité les viticulteurs !

(L'amendement n° 32 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour défendre l'amendement n° 37 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, vous m'êtes témoin que je n'ai pas eu, jusqu'à présent, beaucoup de succès avec mes amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Nous vous avons écouté avec beaucoup d'attention !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

À défaut d'une abrogation pure et simple du bouclier fiscal, nous proposons de plafonner le montant du droit à la restitution résultant du bouclier fiscal. Ce dispositif, comme nous l'avons démontré précédemment, coûte à l'État alors que celui-ci devrait annuler tous les cadeaux fiscaux et privilégier des recettes conséquentes en imposant les redevables les plus fortunés. Si ces cadeaux devaient néanmoins subsister et être pérennisés, il conviendrait d'en réduire l'ampleur en plafonnant la restitution à un montant tout à fait modeste.

Nous proposons donc que cette restitution ne puisse excéder 5 000 euros. Ainsi, les 834 redevables les plus aisés, accaparant quasiment 50 % des sommes restituées, ne coûteraient à l'État français que 4,170 millions d'euros au maximum. Que nos collègues de la majorité considèrent cela comme un geste en leur direction. Ils préserveraient alors ce symbole du bouclier fiscal auxquels ils sont tellement attachés, tout en limitant les dégâts pour le budget de l'État !

(L'amendement n° 37 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour soutenir l'amendement n° 17 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cet amendement s'inscrit dans notre lutte déterminée contre les credit default swaps – CDS – et autres produits dérivés qui contribuent à opacifier les circuits financiers et finissent inéluctablement par échapper aux mains de leurs créateurs. Il s'agit donc de taxer significativement les bénéfices réalisés grâce à ces produits financiers, c'est-à-dire à hauteur de 95 %, de quoi encore appeler l'attention de Jean-Pierre Soisson !

Cette taxe est une contrepartie tout à fait justifiée aux menaces générées par ces produits sur les capacités des États à emprunter. Dans le cas des CDS, les bénéfices sont forcément élevés puisque les États, on le sait bien, ne font que très rarement faillite. Les établissements proposant des CDS continuent d'encaisser tranquillement les versements assurés et n'ont quasiment jamais à couvrir la faillite d'un État. Il y a donc matière à imposer des recettes fiscales intéressantes.

J'ai été frappé l'autre jour, monsieur le ministre, par l'ire, la colère de Mme Lagarde parce que les Allemands avaient pris certaines dispositions. Alors que le Gouvernement va tellement souvent chercher des exemples à l'étranger quand ça l'arrange, voilà une occasion d'imiter à bon escient ce qu'ont fait nos voisins d'outre-Rhin.

(L'amendement n° 17 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Nous en venons à l'amendement n° 36 .

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est un amendement de bon sens fiscal, c'est-à-dire de justice sociale, de solidarité. L'accumulation de tels mots vous fait peut-être déjà frissonner.

Je ne parle pas de cette sorte de solidarité galvaudée que vous pratiquez, une solidarité qui, comme on l'a vu pour la Grèce et comme on le voit pour nos retraites, est une solidarité entre banquiers, entre grands patrons, une entente de profiteurs qui spéculent sur la misère du monde, l'entente d'une classe d'accapareurs qui extorquent les fruits du travail accompli par les salariés.

Moi, je vous parle de solidarité avec un grand S, celle qui fait jeu égal avec l'égalité et la fraternité, celle qui mériterait une place au fronton de nos mairies et de nos écoles, celle qui pousse les hommes conscients de vivre solidairement et portés par un élan d'amour pour leur prochain, qui ne supportent pas de voir souffrir, à s'accorder une aide mutuelle, parce qu'une société qui respecte sa population, toute sa population, ne peut pas tolérer que ceux pour qui la vie est la plus facile soient ceux dont le poids de l'imposition est le plus léger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, c'est l'esprit de justice de ceux qui travaillent et côtoient tous les jours la misère et la pauvreté. Quand on parle de contribuables dont le revenu est supérieur à 25 000 euros par mois, vous le savez bien dans vos circonscriptions, c'est incompréhensible pour nos concitoyens, c'est ressenti comme une injustice insupportable.

Notre amendement tend à taxer ces revenus au taux de 2 %, c'est-à-dire à prélever à cette couche de la population dont les lendemains sont assurés, dont le quotidien chante déjà, l'équivalent de 500 euros par mois, c'est-à-dire une misère pour eux mais la moitié du salaire mensuel d'une partie de nos concitoyens.

(L'amendement n° 36 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

L'article 1er ne fait l'objet d'aucun amendement.

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

À l'article 2, l'amendement n° 1 de la commission est rédactionnel.

(L'amendement n° 1 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 2, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

(L'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n° 30 , tendant à supprimer l'article 3.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'ai fait la démonstration que le fameux plan de sauvetage de l'euro n'était qu'une nouvelle capitulation devant les exigences des marchés financiers, qu'il était en réalité, comme le souligne encore l'économiste Michel Husson, une sorte de deuxième plan de sauvetage des banques européennes, qui détiennent une bonne partie de la dette grecque et des autres pays menacés.

Vous êtes engagé, monsieur le ministre, dans une fuite en avant, avec pour seul objectif de revenir aussi vite que possible au business as usual, comme dirait Mme Lagarde, mais cet objectif est hors d'atteinte, précisément parce que tout ce qui a permis de gérer les contradictions d'une intégration monétaire bancale a été rendu inutilisable par la crise. Sans inflexion radicale, ces orientations mènent au chaos, voire à l'éclatement de la zone euro, comme dirait Nicolas Dupont-Aignan, avec des conséquences économiques et sociales incalculables.

Vous avez accepté de plier l'échine devant ceux que vous avez sauvés hier de la faillite et qui vous mordent la main aujourd'hui. Ce n'est pas faire un bon usage des deniers publics que de les jeter comme des perles aux pourceaux. Nous demandons donc la suppression du présent article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

M. le ministre et certains de mes collègues ont fait croire que l'abandon de l'euro, qui est condamné, comme l'a d'ailleurs excellemment rappelé M. Myard, serait la catastrophe. C'est une façon d'imposer un non-choix, une fuite en avant, et vous prenez un malin plaisir à caricaturer la vie économique de notre pays avant l'euro.

Certes, il y eut des dévaluations mais, sur une longue période, la croissance dans notre pays fut très nettement plus forte qu'en Allemagne et il n'y a pas eu de dévaluation par rapport à la plupart des pays de la zone euro. En revanche, nous avons assisté à une réévaluation permanente du mark, parce que la structure de l'économie allemande n'est en rien la même que celle de l'économie française.

Vous annoncez un retour aux catastrophes ; je pense au contraire que c'est une gestion souple des parités monétaires qui peut permettre à notre pays comme à ceux du Sud de s'en sortir tout en conservant une coopération intelligente avec l'Allemagne. D'ailleurs, que je sache, la Suède, qui n'appartient pas à la zone euro, n'est pas moins européenne que nous.

C'est à force de diaboliser l'éventuel échec de l'euro que vous allez petit à petit enfermer l'Union européenne et la construction européenne dans ce carcan de l'euro, qui est en train d'échouer devant nous. Faute de le voir aujourd'hui, vous allez précipiter l'explosion de cette zone.

(L'amendement n° 30 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

L'amendement n° 2 de la commission est rédactionnel.

(L'amendement n° 2 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° 3 .

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nous voulons que les commissions des finances soient informées immédiatement chaque fois que l'organe auquel sera octroyée la garantie de l'État grâce au vote de l'article 3 aura à prêter. C'est alors, en effet, que l'État encourt un risque au titre de la garantie, d'où la nécessité d'avoir une information à chacune des étapes.

(L'amendement n° 3 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 3, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 3.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement n° 18 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

L'objectif de cet amendement est de responsabiliser les États et de les obliger à contrôler les activités de leurs établissements financiers.

Pour mémoire, je vous rappelle que les établissements français détiennent 25 % de la dette grecque, soit environ 50 milliards d'euros, les établissements suisses 21 %, les établissements allemands 14 %. Leur part de responsabilité dans la crise actuelle ne fait aucun doute. Ils ont favorisé l'endettement de l'État grec à des taux extrêmement rémunérateurs et refusent maintenant de payer les conséquences de cet endettement excessif.

La responsabilité des gouvernements censés les contrôler doit donc être financièrement engagée pour que la surveillance de l'économique par le politique puisse être réellement efficace.

Les 238 millions et les 163 millions de profits que les gouvernements allemand et français vont réaliser sur le dos des citoyens grecs grâce aux prêts dont nous avons discuté il y a quelques semaines ne doivent pas dissimuler aux yeux des Français les risques du chantage que font les banquiers aux populations grecque comme française. Je le répète, ce sont bel et bien 50 milliards d'obligations de dette grecque que détiennent les établissements financiers français.

Le temps du grand ménage de printemps est venu pour le Gouvernement. Les organismes financiers ne doivent plus agir en dehors de tout contrôle. Le Gouvernement doit enfin réfléchir aux conséquences de cette politique de course au profit qu'il favorise et en tirer les leçons qui s'imposent. Les fautifs doivent payer à hauteur de leurs responsabilités.

(L'amendement n° 18 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour défendre l'amendement n° 19 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Qui peut comprendre que la solidarité entre les États de l'Union puisse être financièrement intéressée ? Alors qu'Athènes était au bord de la faillite, alors que la population grecque manifestait et se mettait en grève pour la défense de ses droits et de ses salaires, qu'un plan de casse sociale sans précédent était mis en place par le FMI et les instances européennes, avec la complicité active du gouvernement grec, qui a compris que des États comme l'Allemagne ou la France aient pu faire des bénéfices substantiels en vendant de l'argent à la Grèce ? Oui c'est bien d'une vente ou, plutôt, d'une arnaque qu'il s'agit, et je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit à propos de l'Allemagne, qui n'a toujours pas payé les réparations liées à la guerre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne parle pas des emprunts russes, je parle de l'accord helléno-allemand qui renvoyait au lendemain de la réunification le paiement des réparations qui se répartissent entre les réparations elles-mêmes et le remboursement d'un emprunt forcé imposé aux Grecs par les nazis. En valeur actuelle, cela représente 165 milliards d'euros, que les Allemands doivent à la Grèce.

Aujourd'hui, Bercy se procure de l'argent à cinq ans à un taux de 2,28 %. Le « prêter » à la Grèce à un taux de 5 % rapporte 2,72 % d'intérêt. Les 6 milliards d'euros que vous avez prêtés au peuple grec vont rapporter à Bercy 163 millions d'euros. En réalité, vous n'avez pas prêté cet argent à la Grèce ; celui-ci ne fait que transiter par les caisses du gouvernement grec pour retourner immédiatement dans celles du Crédit agricole et consorts et des marchands d'armes. Même chose pour le Crédit suisse, la Deutsche Bank et quelques autres.

(L'amendement n° 19 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie de l'amendement n° 31 , qui tend à supprimer l'article 4.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Lundi dernier, le FMI a fait des recommandations au gouvernement espagnol, lui donnant trois priorités : une plus grande flexibilité du marché pour favoriser l'emploi et sa redistribution entre les secteurs dans un pays où le taux ce chômage a dépassé les 20 % au premier trimestre ; une consolidation budgétaire pour asseoir les finances publiques sur une base viable ; une consolidation du secteur bancaire et une réforme pour renforcer la santé et l'efficacité du système, pour lequel les risques restent élevés et inégalement répartis entre institutions, concentrés principalement sur les caisses d'épargne.

Quelle est la légitimité du FMI, qui a conduit tellement d'États à la faillite avec ses recommandations ? Ce ne sont d'ailleurs pas des recommandations mais des contraintes, imposées.

Telle est la logique du grand capital : on bâillonne, on ligote les peuples avec des instructions qu'ils sont obligés d'accepter et qui conduisent, comme le disait notre collègue tout à l'heure, à la révolte sociale.

(L'amendement n° 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 4 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 4.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 29 .

Monsieur Brard, il vous reste cinq amendement. Si vous pouviez les présenter rapidement, pour que notre séance ne lève pas trop tard, nous vous en serions extrêmement reconnaissants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, cela dépendra si je suis interrompu ou non ! J'ajoute que même une réponse brève du Gouvernement me satisferait, si elle était un peu plus étoffée que celles que j'ai reçues jusqu'à présent.

Les agents du fisc, durement touchés par la RGPP, ont fait massivement grève jeudi dernier, porteurs de recommandations qui dépassent le seul enjeu des retraites : 13 000 postes ont été supprimés depuis 2002 et plus de 2 500 postes doivent encore l'être cette année, soit un taux de non-remplacement de 65,4 %, bien supérieur à celui qui affecte les autres administrations d'État. Cette situation paraît pour le moins paradoxale : au moment où le Gouvernement affirme vouloir réprimer l'évasion fiscale, il se prive des moyens humains de mener à bien cette mission.

Monsieur le ministre, quand allons-nous enfin nous attaquer à la mafia russe qui habite l'arrière-pays niçois ? Lorsque Nicolas Sarkozy occupait les fonctions qui sont les vôtres à présent, je lui avais déjà demandé pourquoi il ne faisait rien contre elle.

Quand allons-nous enfin nous attaquer aux fraudeurs qui ont leurs comptes au Liechtenstein, et ne plus seulement nous contenter d'en parler ? Quand allons-nous nous attaquer à Monaco, monsieur le ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il est urgent que la France prenne des mesures volontaristes, sans se contenter d'accords, d'échanges avec les paradis fiscaux, qui n'ont visiblement pas l'intention de remettre en cause leurs pratiques.

Tel est le sens de notre amendement, qui propose d'interdire purement et simplement, notamment aux établissements de crédit, d'exercer, directement ou indirectement, des activités dans les États ou les territoires considérés.

(L'amendement n° 29 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement n° 22 .

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Gilard

Ah bon ? Je croyais qu'il avait présenté l'ensemble de ses amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

S'il vous plaît, mon cher collègue, si vous ne voulez pas que nous perdions du temps, veuillez laisser M. Brard poursuivre !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Gilard

Le règlement ne lui octroie que deux minutes de temps de parole par amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

M. Brard ne dépasse jamais deux minutes pour présenter ses amendements ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Il n'est pas interdit de donner son avis, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Un rapport rendu public fin 2009 et largement commenté dans les pages de La Tribune a révélé que les entreprises du CAC 40 payaient en moyenne 2,3 fois moins d'impôts que les PME, par le jeu des exonérations fiscales et sociales. Le manque à gagner pour l'État de l'utilisation des techniques d'optimisation fiscale des entreprises du CAC s'élèveraient à 8 milliards d'euros.

Nous savons que, à défaut de politique d'harmonisation et de convergence fiscales au plan européen, nombre de multinationales se livrent à ce qu'il est convenu d'appeler le treaty shopping, privilégiant la domiciliation en Suisse ou dans certains pays de l'Est. Notre amendement vise à mettre un terme à ces pratiques, et nous souhaitons qu'il soit adopté.

(L'amendement n° 22 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 25 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, je commencerai par citer Victor Hugo, qui disait : « Nous traversons une crise. Vous me demandez toute ma pensée. Je pourrais me borner à ce seul mot : c'est la vôtre. »

Malheureusement, bien que cette phrase soit juste au plus haut point, elle ne reflète pas toute la situation. C'est bien votre crise, celle que les politiques que vous défendez ont permise, celle que votre dogmatisme libéral et votre soumission aux banquiers ont favorisée. Cette crise est la vôtre, mais ce sont les populations qui en supportent les conséquences.

Les discours sur le capitalisme régulé, sur la moralisation du capitalisme ne trompent plus personne. C'est d'une rupture radicale que nous avons besoin en matière de finance si nous voulons éviter de nouvelles crises. Cette volonté doit être portée par la France et son Parlement. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d'adopter cet amendement.

(L'amendement n° 25 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement n° 27 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, je me prends à espérer que, pour mes derniers amendements, je recevrai une réponse un peu plus étoffée du rapporteur général et du ministre.

Il s'agit de réfléchir à la création d'un fonds européen de solidarité financière alimenté par tous les États de la zone euro et qui pourrait accorder des prêts à des taux d'intérêt très faibles aux États dont la situation économique le nécessiterait. Les États n'auraient donc plus à se tourner vers les banques privées aux objectifs de profit immédiat pour se financer.

Il convient de réfléchir aux moyens de libérer les États de leur dépendance, de leur asservissement aux acteurs privés. Le fonds européen de solidarité financière assurerait la stabilité de la zone euro. Le destin des peuples et l'avenir de l'Europe ne doivent pas être tenus par les banquiers mais reposer sur des principes et des vertus que seuls des acteurs publics guidés par l'intérêt général sont à même d'offrir.

Mes chers collègues, le groupe GDR vous demande d'avoir au moins l'audace d'y réfléchir.

(L'amendement n° 27 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 28 , qui sera le dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'avais anticipé, et le ministre aussi puisqu'il n'a pas répondu à l'amendement précédent, se réservant certainement pour le dernier ! (Rires.)

Le fantôme de l'effondrement grec à peine disparu, voilà qu'un nouveau spectre hante l'Europe : celui du défaut de paiement. D'Athènes à Lisbonne, de Madrid à Reykjavik, toutes les puissances de la vieille Europe se sont unies en une sorte de Sainte-Alliance pour traquer ce spectre. Il ne s'agit plus cette fois, monsieur le ministre, du pape et du tsar, de Metternich et de Guizot, des radicaux français et des policiers allemands réunis par la peur partagée du communisme, mais des capitales européennes terrorisées par l'ampleur des dettes qu'elles ont contractées et la perversité d'un système qu'elles ont elles-mêmes engendré et favorisé ; des capitales terrorisées en fait par le capitalisme et ses effets. Cependant les gouvernements se refusent à identifier la réalité du mal, parce que vous voulez rassurer les marchés.

Les investisseurs n'ont pas tous quitté la vieille Europe. Un grand nombre sont restés, attirés, notamment en Grèce, comme des mouches par le miel, par des taux d'imposition sur les bénéfices et les patrimoines les plus bas d'Europe.

L'opportunité de réfléchir à la mise en place de mesures permettant de lutter efficacement contre le dumping salarial et fiscal au sein de l'Union ne fait aucun doute, et cet amendement apparaît largement justifié. Il correspond à l'intérêt de tous les États, et en particulier au nôtre, pour éviter la concurrence fiscale et sociale déloyale.

(L'amendement n° 28 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi auront lieu demain, mardi 1er juin 2010, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma