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Séance en hémicycle du 17 décembre 2009 à 9h30

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (nos 2060, 2138).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures dix-sept pour le groupe UMP, cinq heures cinquante pour le groupe SRC, trois heures seize pour le groupe GDR, quatre heures deux pour le groupe du Nouveau Centre, et vingt-cinq minutes pour les députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Puisque nous attendons M. le ministre chargé de l'industrie, je souhaite faire un rappel au règlement au titre de l'article 58, alinéa 1, pour souligner que nos débats se poursuivent malgré la neige, ce qui est bien normal.

Malgré la neige, les tournées de facteurs ont eu lieu, elles aussi, et, puisque La Poste est encore un établissement public, cela se fait au même prix que si le temps était plus clément. Lorsque La Poste aura été privatisée, car c'est le chemin que nous prenons, il faudra peut-être faire son deuil de la tournée du facteur par temps de neige.

Aujourd'hui, les villes sont un peu affolées parce qu'il est tombé trois flocons de neige, mais cette situation est fréquente dans nos montagnes et nos campagnes. En ce début de matinée, je veux exprimer une pensée émue pour tous ceux qui, dans ces territoires, se retrouvent isolés. Là, le facteur est attendu : lorsque la neige tombe, tout est beau, mais l'on se retrouve encore plus isolé.

À l'occasion de ce rappel au règlement, qui concerne le déroulement de nos travaux malgré la neige, je voulais donc avoir une pensée pour les facteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Brottes, comme vous, j'ai une pensée pour les facteurs. Il n'en demeure pas moins que votre rappel au règlement porte sur le fond : il sera donc décompté du temps de parole de votre groupe. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Hier soir, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale, que nous poursuivons ce matin.

La parole est à Mme Jacqueline Maquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Maquet

La Ch'ti que je suis voudrait commencer son intervention par un clin d'oeil. En effet, si le film, désormais culte, Bienvenue chez les Ch'tis, a connu un immense succès, cela est évidemment lié à la culture des Ch'tis, mais aussi à l'attachement des Français à leurs facteurs et aux postiers.

Alors qu'au début de l'année, le Président de la République renonçait à la privatisation de La Poste et à son changement de statut, aujourd'hui, le projet de loi modifiant le statut de La Poste revient sur le tapis à l'Assemblée, après avoir été débattu en urgence au Sénat.

Que d'incompréhension pour l'ensemble de nos concitoyens très attachés au service public de La Poste ! La très forte mobilisation citoyenne du mois dernier pour sauver le service public postal en atteste. Dans nos communes, plus de deux millions de personnes ont participé à cette mobilisation citoyenne, et 90 % des votants se sont exprimés contre le projet de changement de statut et la transformation de l'établissement public en société anonyme.

Leurs craintes sont tout à fait justifiées. En effet, la transposition de la directive européenne qui ouvre totalement le marché des services postaux va à l'encontre de la définition du service public national. L'arrivée de nouveaux opérateurs brisera immanquablement le monopole évoqué au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.

Par ailleurs, ce projet de transformation de La Poste en société anonyme à capitaux publics risque de mettre à mal ce service public sur l'ensemble du territoire. Car même si le principe de service public national est inscrit dans la loi, rien n'empêchera le Gouvernement de déposer, dans un futur proche ou lointain, un nouveau projet de loi pour revenir sur ce principe. On observe d'ailleurs aujourd'hui des mouvements de rapprochement avec certaines banques, qui accréditent fortement cette thèse.

Monsieur le ministre, vous promettez le maintien des quatre missions de service public, au premier rang desquelles se trouve le service universel postal qui recouvre le tri, l'acheminement et la distribution des envois postaux.

Ce service universel concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. Il est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente, et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées et offertes à des prix abordables pour tous les utilisateurs. Les services de levée et de distribution relevant du service universel postal sont assurés tous les jours ouvrables

Au service universel postal s'ajoutent trois autres missions de service public : l'aménagement et le développement du territoire, le transport et la distribution de la presse, et l'accessibilité bancaire, notamment avec le livret A. Ces quatre missions sont indispensables au respect du principe d'égalité des Français devant les services publics : elles ne doivent en aucun cas être démantelées. La Poste constitue aujourd'hui le dernier rempart du service public.

Vous prétendez que La Poste restera à 100 % publique, malgré le changement de statut. Pourtant, les expériences du passé, avec EDF et France Télécom, nous disent tout le contraire ; elles légitiment totalement l'inquiétude qui s'est manifestée pour l'avenir de La Poste.

L'hostilité de l'ensemble des syndicats à l'égard du projet de loi, et les craintes relatives au risque d'introduction en bourse du capital de la Poste et de privatisation de cette dernière, exprimées par de nombreuses associations, sont justifiées.

Que d'incompréhension de nos concitoyens et des élus de terrains ! C'est que ni les directives ni les normes communautaires ne comportent d'obligations juridiques concernant le statut des opérateurs ou leur privatisation. Cette décision est du seul ressort des États membres. Quant aux considérations financières, elles ne sont pas plus valables.

Alors, pourquoi cet acharnement à vouloir changer de statut ? Peut-être est-ce pour pouvoir, à moyen terme, privatiser La Poste ?

L'ouverture de capital de La Banque postale risque de faire éclater l'unité du groupe. Elle compromet, de fait, son développement en le privant des bénéfices non négligeables générés par les activités bancaires, ce qui condamne La Poste à dépérir.

Je souhaite revenir sur la présence postale sur le territoire.

Qui pourra à l'avenir assurer aux Français que le prix du timbre sera le même dans toute la France ? Qui pourra garantir que le courrier sera toujours distribué partout, et aux mêmes fréquences qu'aujourd'hui, même si cela est peu rentable ? Qui pourra assurer aux foyers modestes une accessibilité bancaire ?

La loi de 2005 interdisait que plus de 10 % de la population d'un département se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes en automobile des plus proches points de contact de La Poste. Votre nouvelle rédaction prévoit de compléter ce critère de proximité et de fixer dans la loi le nombre de points de contacts à 17 000.

Cette rédaction n'apporte toutefois aucune assurance sur la qualité de la présence postale, car ces points de contact regroupent les bureaux de plein exercice, les agences postales communales et les relais commerçants. En conséquence, les inégalités s'accentueront sur le territoire entre les zones rurales, les zones urbaines sensibles et les grosses communes.

Le facteur, dont le rôle est plus que nécessaire dans nos campagnes, ne risque-t-il pas de disparaître faute de rentabilité ? Pourtant, il a non seulement pour mission la distribution du courrier au quotidien, mais il permet également de maintenir du lien social, notamment pour des personnes âgées qui ont du mal à se déplacer et qui sont parfois seules, sans personne à qui parler. Dans les zones rurales, le facteur aide les personnes isolées : il leur parle, il leur rend de petits services afin d'améliorer leur quotidien. Sa présence est indispensable !

Dans ma circonscription – je pense que je ne suis pas la seule concernée, mes collègues ont évoqué le sujet à maintes reprises –, les horaires d'ouverture d'une vingtaine de bureaux de poste situés en zone rurale ont été revus à la baisse ces derniers mois, en plein débat sur La Poste. Désormais, ils ne sont ouverts que quelques heures dans la journée : il s'agit bien d'une attaque contre le service public de la poste, ce qui n'est pas admissible. Cela l'est d'autant moins que l'État se désengage en transférant de nouvelles charges aux collectivités locales pour que ces bureaux de postes restent ouverts. Des maires mettent ainsi à dispositions des agents municipaux pour tenir un bureau de poste, ce qui a un coût.

La Poste ne doit pas changer de statut. La Poste doit être un service postal rénové, modernisé et universel. Pourquoi faudrait-il privatiser La Poste ? Ne peut-on pas réformer, améliorer et moderniser les services dans le cadre de l'EPIC ?

Pour y parvenir, il est essentiel de le faire avec l'ensemble des acteurs, en menant un grand débat public précisant les objectifs et les missions de La Poste : égalité, tarif unique, sécurité, sûreté et confidentialité, refus de tout dumping social ou d'écrémage territorial.

Monsieur le ministre, il vous appartient d'engager ce large débat public et de le clôturer par un référendum. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Ce projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales vise à ouvrir le capital de cette dernière pour pallier l'insuffisance des capitaux nécessaires à la croissance de ce groupe.

À compter du 1er janvier 2010, il transforme La Poste en société anonyme. Pour l'instant – j'insiste sur ce « pour l'instant » –, son capital demeure public. Il est détenu à la fois par l'État et toute autre personne morale de droit public.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse concernant la date d'entrée en vigueur de ce texte. Je me joins à la demande formulée avant-hier par notre collègue François Brottes, et renouvelée aujourd'hui, afin de connaître la nouvelle date prévue.

Monsieur le ministre, la nouvelle société créée par votre texte récupérera l'ensemble des biens, droits et obligations de l'exploitant public. Elle sera soumise, pour l'avenir, au droit commun des sociétés anonymes. Vous prévoyez un transfert des droits de propriété d'un EPIC à une société dont le capital social pourra être fractionné en actions détenues par différents propriétaires. Ces dernières pourront ultérieurement être introduites en bourse, ce qui, indubitablement, se fera.

Notre collègue, Henri Jibrayel, que je salue, a fait, la nuit dernière, un excellent historique de La Poste. Je me contenterai donc d'apporter quelques compléments, autant que faire se peut.

La Poste assure, avec ses différents points, la collecte et la distribution de courriers et de colis, partout sur notre territoire, tant en milieu urbain que rural. Pour cela, elle dispose du premier parc roulant en France, et c'est bien ce dernier qui lui permet de délivrer un courrier le lendemain de son envoi.

Dans mon département de Dordogne, 92 % du Périgord vert est couvert grâce à quatre-vingt-dix-neuf points de contact. Si l'on y regarde de plus près, on constate que quarante-trois de ces points de contact sont des agences postales communales, et six des relais poste commerçants. Ce mode d'organisation n'est pas sans risques : il a pour conséquence la dispersion sur le terrain, qui génère une cristallisation des tensions au niveau local et une dégradation des relations.

Plusieurs opérations symboliques se sont déroulées en Périgord vert pour protester contre les projets de restructuration ou de fermeture des bureaux. En effet, la direction de La Poste a demandé à plusieurs communes d'accepter la transformation de bureaux de poste en simple agence ou en point postal, sous peine de fermeture. Elle a annoncé le diminution des horaires d'ouverture pour de nombreuses communes de ma circonscription, alors que La Poste est, avec l'école, le dernier service public présent.

L'un de nos collègues du groupe de l'UMP a expliqué que les incessantes modifications des horaires d'un bureau de poste avaient eu pour effet de décourager les usagers de s'y rendre. Face à une telle situation, les élus, dans l'impossibilité d'assurer leur obligation de bonne gestion, sont contraints de renoncer à leur bureau de poste et finissent par le fermer. C'est ainsi, monsieur le ministre, que l'on démantèle les services publics sur le terrain.

La Poste assure également, à travers la Banque Postale, un service financier représentant en moyenne plus des deux tiers de l'activité d'un bureau de poste. Je me joins d'ailleurs à notre collègue Jean Gaubert, qui a exprimé des inquiétudes quant au statut particulier de La Poste. Qu'en sera-t-il de la distribution de crédits à la consommation ?

Vous insistiez avant-hier, monsieur le ministre, sur le caractère « imprivatisable » de La Poste. Ne nous tenez pas rigueur si nous ne vous croyons pas : comme le dit l'adage, les promesses n'engagent que ceux qui y croient ! Vous avez vous-même reconnu hier, lors de votre intervention, que ce qu'une loi fait, une autre loi peut le défaire, et nous avons tous en mémoire les propos de M. Sarkozy sur GDF.

L'ajout que vous nous proposez n'apporte aucune sécurité juridique supplémentaire sur l'avenir de La Poste dans le secteur public. Il n'est, par ailleurs, précisé nulle part dans le texte que le capital de La Poste demeurera public à 100 % ; il est simplement prévu que « les personnels de la Poste et de ses filiales ainsi que leurs ayants droit ne peuvent détenir qu'une part minoritaire de La Poste » – le niveau de participation n'étant pas précisé.

Je tiens également à rappeler le changement de tactique du Gouvernement à ce sujet. Peu avant la crise financière, il était encore question d'ouvrir le capital de La Poste. Vous êtes revenus sur votre choix après avoir constaté par vous-mêmes les limites du système que vous défendez. Vous indiquez vouloir faire cela pour les Françaises et les Français, alors que vous ne prenez pas la peine d'écouter les près de deux millions de nos concitoyens qui se sont exprimés à l'occasion du référendum. Vous n'avez pas non plus pris la peine d'organiser une consultation pour recueillir l'opinion des Français. Ils auraient éventuellement pu vous conforter dans votre position, mais vous avez craint d'être désavoués.

Cela est d'autant plus vrai que vous reconnaissez, monsieur le ministre, que la directive européenne n'impose pas le changement de statut au moment de la transposition de celle-ci. À ce sujet, permettez-moi de faire un retour en arrière : la directive 9767CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 fixe des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service.

Cette première directive postale européenne constitue aujourd'hui encore, bien que largement modifiée depuis son adoption, le cadre réglementaire de référence au niveau communautaire, en définissant notamment les caractéristiques minimales du service universel que doit garantir chaque État membre sur son territoire, ainsi que les obligations qui en découlent et les limites communes pour les services pouvant être réservés dans chaque État membre aux prestataires du service universel.

La directive 200239CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 poursuit l'ouverture à la concurrence des services costaux de la Communauté. Le Gouvernement de Lionel Jospin s'était battu, lors des négociations, pour le maintien d'un secteur réservé et contre une libéralisation automatique et intégrale du marché – et avait obtenu gain de cause.

Enfin, malgré le combat livré par la délégation socialiste française au sein du Parlement européen pour le maintien d'un domaine réservé, la directive 20086CE et du conseil du 20 février 2008 a achevé la mise en place du marché intérieur des services postaux de la Communauté. La libéralisation totale a été validée et est prévue pour 2011. Je précise, pour information, que l'UMP ne s'est jamais battue pour défendre le service universel postal.

Avant-hier, monsieur le ministre, vous prétendiez que nous voulions avant tout que rien ne change. Au contraire, nous aspirons tout autant que vous à une Poste efficace et fournissant des prestations de qualité. Cependant, nous ne voulons pas faire cela à la va-vite.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Nous ne voulons pas d'une réforme contre les territoires et les populations, inspirée plus par des logiques financières de rentabilité et de concurrence que par une logique d'intérêt général. À la vision à court terme que vous nous proposez, nous préférons un renforcement du rôle de l'État actionnaire, afin d'aider La Poste à se moderniser.

À titre d'exemple, le monopole de l'État dans l'émission des timbres doit faire partie des missions de service public. Je tiens à souligner, monsieur le ministre, que La Poste doit conserver le monopole public de l'émission et de la production des timbres-poste dans son imprimerie conçue à cet effet. En effet, le monopole de l'État dans l'émission des timbres passe nécessairement par un outil public permettant la production desdits timbres-poste. La Poste dispose, en l'occurrence, par le biais d'une filiale philatélique de la branche courrier, d'un outil parfaitement adapté – l'Imprimerie des timbres-poste et des valeurs fiduciaires de Boulazac, une commune située près de Périgueux, en Dordogne –, dont l'activité et l'emploi méritent d'être préservés pour des raisons de sécurité juridique, technique et économique. Avec le changement de statut, la « vente par appartements » devient possible sous la pression des futurs actionnaires privés, notamment en ce qui concerne la production des timbres. Le rappel du caractère public de la production des timbres par l'intégration explicite de cette fonction dans les missions de service public de La Poste définies à l'article 2 du projet de loi doit être respecté.

Depuis l'annonce de l'ouverture du capital de La Poste à des fonds privés, les syndicats s'inquiètent et dénoncent, à juste titre, une privatisation rampante. Contrairement à l'engagement pris par le Président de la République le 19 décembre 2008, l'État s'ouvre la possibilité de sortir du capital de la future société anonyme. En effet, selon une lecture littérale du texte, des personnes morales appartenant au service public pourraient, à terme, détenir la totalité du capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Or, la pierre de touche de l'avenir de La Poste réside dans le financement de ses quatre missions de service public – transport presse, accessibilité bancaire, aménagement du territoire et service universel.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Non sans cynisme, vous déclariez en 2007, monsieur le ministre : « Tout ce que je prends est à moi. » Vous vous attaquez aux services publics les uns après les autres au profit de vos amis,…

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

…mais ne vous attendez pas à ce que nous vous laissions faire sans broncher, monsieur le ministre, car il y a des choses qui ne se marchandent pas et, surtout, qui ne s'achètent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Ni très digne !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Grellier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il a fallu la parution d'un article du Monde, le 4 juillet 2008, pour que les 285 000 postiers français apprennent que les dirigeants de La Poste et le Gouvernement envisageaient un changement du statut de l'entreprise, suivi d'une ouverture de capital. Cette information fut confirmée le 28 août de la même année par Jean-Paul Bailly, président de La Poste, qui prévoit la transformation en société anonyme pour 2010, et l'ouverture du capital pour 2011.

En un temps qui nous semble déjà bien loin, la poste et les télécommunications étaient regroupées en une seule entreprise, connue alors sous le sigle PTT. Avec l'Acte unique européen de 1986 et la décision de construire un « grand marché intérieur », est née l'idée de créer des réseaux transeuropéens concernant les télécommunications, les transports et l'énergie – réseaux bien entendu ouverts à la concurrence.

Vous nous dites que La Poste vit une révolution et que nous devons l'accompagner dans les mutations technologiques qui se profilent. Comment ne pas être d'accord avec cette proposition ? Vous nous dites, monsieur le ministre, que vous avez acquis la certitude que le changement de statut était un impératif pour être pleinement en conformité avec le droit européen. Mais vous savez très bien quel est le mot que nous avons tous en tête et qui nous inquiète, et vous n'ignorez pas quelle réalité il recouvre : nous craignons la privatisation, et nous assumons pleinement de le dire. Celle-ci est tout à fait possible avec le statut de société anonyme, même si M. le rapporteur nous assure que personne ne veut acheter La Poste et que la majorité n'aurait, en aucun cas, soutenu un texte menant à la privatisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Grellier

Imprivatisable ! Le mot a été prononcé, assumé et même inventé par vous, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Grellier

Pour celles et ceux qui croiraient encore aux promesses, rappelons que le 6 mai 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'économie et des finances, avait juré, lors d'un déplacement à Chinon, que jamais GDF ne serait privatisé : aujourd'hui, l'État ne possède plus que 35,7 % du groupe GDF-Suez ! Les mots ont-ils encore un sens ? Mais il est vrai que les promesses n'engagent que ceux qui veulent y croire !

Imprivatisable, La Poste ? Peut-on sincèrement le croire au vu du texte sur lequel nous avons déjà travaillé en commission ? Les faits sont têtus et nous nous en souvenons : chaque ouverture du capital d'une grande entreprise publique a été suivie d'une cession au privé quelques années plus tard.

Vous disposez d'un argument imparable, dont vous nous avez fait part le 9 septembre dernier, monsieur le ministre : c'est La Poste elle-même qui demande à être modernisée, cet argument étant cependant porté par son président – et par lui seul, oserai-je dire. À ceux qui interrogent notre histoire et notre identité, il est bon de rappeler que nous avons bâti collectivement, au fil des siècles, un patrimoine commun grâce au travail et aux richesses accumulées par des dizaines de générations. Aujourd'hui, c'est cette notion de patrimoine commun qui est durablement menacée.

L'article 1er du texte donne à La Poste le statut de société anonyme, alors même que les directives communautaires ne l'imposent pas. De plus, il est inscrit que le capital de l'entreprise sera détenu par l'État ou par d'autres personnes morales appartenant au secteur public : on peut, dès lors, craindre un désengagement de l'État. Une clarification sur le caractère public des personnes morales concernées s'impose donc.

Je le répète, le but à terme est certainement la privatisation, mais l'opération est politiquement sensible, tant les Français sont attachés à leur Poste : La Poste est d'abord le deuxième service public le plus apprécié des Français ; elle est ensuite le premier employeur, avec près de 300 000 collaborateurs.

Seuls des opérateurs financiers publics entreront, aux côtés de l'État, dans le capital de la nouvelle société anonyme La Poste, qui recevra 2,7 milliards d'euros pour sa modernisation, soit 1,2 milliard d'euros apportés par l'État et 1,5 milliard d'euros apportés par la Caisse des dépôts. Le montant de 2,7 milliards représente le solde entre le besoin global en investissements de modernisation, de développement et d'innovation, estimé à 6,3 milliards, et la capacité d'autofinancement, évaluée à 900 millions d'euros par an pendant quatre ans.

Par cette porte ouverte, des capitaux privés peuvent entrer à leur tour au capital, afin que la part de l'État diminue, ce qui constituera le prélude à une privatisation comparable à celles de France Télécom et de GDF. L'augmentation de capital, dites-vous, doit impérativement se faire au niveau de la tête du groupe, seule susceptible d'assurer la cohésion et le développement équilibré du groupe : nous réfutons absolument cette manière de considérer les choses, et prônons, pour notre part, un renforcement du capital des branches et des filiales.

Moderniser, tel est votre mot. Je croyais que l'on modernisait ce qui était obsolète et fonctionnait mal. Pourtant, le 22 juillet 2008, lors de la signature du contrat de service public de La Poste, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie et des finances, reconnaissait avec satisfaction : « Avec un chiffre d'affaires de 20 milliards et des résultats en progression constante, le groupe La Poste peut être fier de son bilan. Je tiens à féliciter ici l'ensemble des agents de La Poste, représentés aujourd'hui par leur président et plusieurs collaborateurs, pour leur travail. En effet, depuis cinq ans, le groupe La Poste s'est profondément modernisé, diversifié et internationalisé, ce qui lui permet de montrer des performances remarquables dans l'ensemble de ses métiers. »

En faut-il toujours plus ? La Poste s'est déjà modernisée, mais il faut croire qu'il ne suffit pas d'être rentable, de dégager des excédents, d'offrir des services diversifiés et d'être présent à l'international : il faut être résolument « moderne ». Cet adjectif serait-il un nouveau synonyme de « privé » ?

Autre réalité que vous voulez nous faire partager : La Poste ne peut pas accroître son endettement. En 2008, elle a déboursé 500 millions d'euros pour acquérir 50 % de l'opérateur espagnol SEUR et 140 millions pour l'achat d'Experian, une société de services en ingénierie informatique. Or, avec 500 millions d'euros, il est possible d'entretenir 1 000 guichets de plein exercice de La Poste pendant dix ans, salaires, loyer et informatique compris.

Lors des débats en commission, vous vous êtes engagés à ce que le capital de La Poste reste détenu à 100 % par des personnes publiques. Vous allez prendre cet engagement devant la représentation nationale et tous les Français. Comptez sur notre vigilance pour vous faire tenir parole. Nous verrons également si la mission d'aménagement du territoire de La Poste, qui est primordiale, sera préservée par le maintien des 17 095 points de contact sur le territoire – nombre que nous souhaitons voir inscrire dans la loi – et l'attribution d'un financement approprié à cette mission.

Par ailleurs, je précise que rien n'interdit à l'État d'apporter au groupe La Poste une aide financière pour l'aider à remplir deux des quatre missions de service public qui lui sont assignées : la présence postale sur l'ensemble du territoire, ainsi que le transport ainsi que la distribution de la presse. Dans ces conditions, la solution la plus satisfaisante paraît être le maintien du statut d'établissement public industriel et commercial, qui est compatible avec l'ouverture à la concurrence du secteur postal.

Aujourd'hui, ce texte nous laisse craindre un avenir difficile pour ce patrimoine commun que constitue La Poste. Un dispositif prétendument « modernisé » risque de la contraindre à lancer des appels d'offre pour l'exécution des missions de service public, ce qui remettrait en cause le maintien de son partenariat avec les collectivités.

L'aménagement du territoire et l'égalité devant le service public suscitent également des craintes sérieuses. Le financement de la présence postale repose en grande partie sur le maintien de la subvention accordée par l'État pour prendre en charge la mission de transport et de diffusion de la presse. Qu'en sera-t-il si ce texte est finalement adopté ?

Nous sommes opposés au changement de statut, car nous pensons que La Poste peut parfaitement continuer à fonctionner en restant un établissement public. Lorsque la gauche était majoritaire, elle s'est toujours opposée à ce qu'une directive européenne retire à La Poste le secteur réservé, et elle a obtenu gain de cause. Vos majorités successives ont, quant à elles, lâché la bride.

Enfin, nous sommes très inquiets du risque de disparition de très nombreux bureaux de poste au profit de points de contact, offrant un périmètre de services très restreint et n'apportant aucune garantie de confidentialité.

La réalité montre que le processus de modernisation-libéralisation conduit systématiquement à la privatisation, d'abord par une ouverture du capital – il s'agit, nous dit-on, de renforcer l'entreprise pour la rendre plus compétitive –, puis par l'abandon progressif par l'État de sa participation. Le cas de France Télécom est à cet égard exemplaire ; nous nous battrons pour que La Poste ne connaisse pas le même sort.

Non, ce changement de statut ne nous est pas imposé par Bruxelles ; il n'est pas inévitable ! Si la Poste a vraiment besoin de capitaux, d'autres solutions existent qui ne nécessitent pas une privatisation.

Il y a 170 ans, en 1839, nos amis britanniques ont adopté une réforme postale qui sera ensuite étendue à l'ensemble du monde. Les principes en étaient simples : la taxe sur le courrier est payée par l'expéditeur et le tarif est unique. C'est précisément l'instauration de ce tarif unique qui a rendu possible, par le système de péréquation, la naissance du service public. En effet, les activités rentables financent celles qui sont déficitaires, de façon à assurer la mission de service public sur tout le territoire, à un coût supportable par l'ensemble de la population. Il y a 170 ans, une idée moderne était née, monsieur le ministre. Aujourd'hui et plus que jamais, la véritable modernité, c'est le service public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Monsieur le ministre, nous avons beaucoup à dire sur votre texte, qui appelle de nombreuses critiques. Vous considérerez certainement que mon propos est tissé de banalités, de redites, d'évidences. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il est vrai que je n'ai pas la prétention de nourrir notre débat d'idées nouvelles ; je veux simplement vous dire ce que pense quelqu'un qui a l'habitude de côtoyer des gens simples. Peut-être est-ce, du reste, le coeur de notre débat : il y a, d'un côté, ceux qui évoluent dans un milieu particulier et, de l'autre, ceux qui vivent dans un monde beaucoup plus difficile. Vous demeurez insensible aux arguments des uns et des autres. D'aucuns, pourtant, ont tenu des discours pertinents, vrais, sincères, humains, en appelant à la solidarité et à des valeurs que vous prétendez partager mais qu'en réalité, vous rejetez, et je le regrette profondément.

Après une discussion qui a duré huit jours consécutifs, le projet de loi réformant le statut de La Poste a été adopté au Sénat. En dépit du succès de la votation citoyenne, vous avez persisté dans la voie que vous aviez tracée. Malgré la détermination apparente du Gouvernement, les sénateurs socialistes, communistes, Verts et radicaux de gauche ont poursuivi la lutte contre une privatisation rampante. Il nous appartient, aujourd'hui, de reprendre ce combat.

Des amendements présentés par le rapporteur UMP ont été adoptés contre l'avis du Gouvernement, afin de préciser que le capital de l'entreprise serait détenu à 100 % par l'État et par des personnes de droit public. Il a fallu un autre amendement de la majorité pour garantir le financement de la présence territoriale. En outre, ainsi que le demandaient les associations de maires, les quatre missions de service public sont inscrites à l'article 2 du projet de loi. C'est dire la confusion qui règne dans la majorité et l'inquiétude de ses élus face au projet gouvernemental. Force est d'ailleurs de constater le peu d'empressement des vôtres à venir vous soutenir dans l'hémicycle : deux députés de la majorité assistent à notre débat ce matin ! S'ils ne sont pas plus nombreux, c'est parce qu'ils sont, pour la grande majorité d'entre eux, au contact de nos concitoyens, dans leurs circonscriptions respectives…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Nous aussi, et nous en reparlerons lors des prochaines échéances électorales, car j'ose espérer que les Français ont un peu de mémoire et qu'ils sauront protéger notre patrimoine commun.

Face à ce manque de cohésion, à ces nombreuses incertitudes, au risque objectif que fait courir ce texte, nous, socialistes, offrons – contrairement à ce que vous nous reprochez souvent – une réelle alternative, en proposant des réponses concrètes de nature à assurer la pérennité de La Poste. Le parti socialiste souhaite en effet renforcer le service public postal, en approfondissant sa nécessaire modernisation – sur ce point, nous sommes d'accord – pour le rendre encore plus efficace. Le projet du Gouvernement ne porte, quant à lui, aucune perspective de développement de l'entreprise. Il ne répond en rien aux besoins de la population, ni aux besoins de financement nécessaires pour construire un établissement public ambitieux.

Rien ne justifie ce changement de statut : ni les directives européennes, ni les règlements. En effet, la directive européenne confie à chacun des États membres la mission d'adopter les mesures nécessaires à la garantie du service universel et leur reconnaît de larges pouvoirs d'adaptation à la spécificité de leur situation. On peut donc, dans le cadre communautaire actuel, refonder le service public postal en définissant des objectifs ambitieux : la garantie d'égalité par la fourniture d'un service identique aux utilisateurs dans des conditions comparables, un tarif unique sur l'ensemble du territoire national, la garantie de la sécurité et de la confidentialité des communications et le blocage de toute forme de dumping social ou de disparités territoriales.

Cette bataille sur le devenir de La Poste a pour enjeu la place que l'État souhaite accorder au service public sur nos territoires ; là est le véritable débat. Dans tous les pays où la logique de service public est abandonnée au profit de la mise en concurrence, les résultats sont identiques : accroissement des inégalités entre les territoires, rupture de l'égalité d'accès aux services et, par conséquent, de l'égalité entre les citoyens. L'évolution que vous nous proposez remet systématiquement en cause le fonctionnement de notre société et porte gravement atteinte à notre pacte républicain, en menaçant d'autres domaines, tels que la santé et l'éducation.

Les orateurs qui m'ont précédé à cette tribune ont démontré que l'engagement que vous avez pris ne pourra être tenu, en raison du bouleversement du statut de La Poste. Néanmoins, il faut garantir le maintien de la distribution du courrier en tout point du territoire six jours sur sept – et la distribution du courrier jusqu'au domicile des particuliers. Le facteur doit pénétrer dans chacun de nos domiciles. C'est un point important, car de nombreuses personnes souffrent de difficultés matérielles, physiques ou sociales.

L'actuelle Banque postale, proche des petits épargnants, gère une part importante de l'épargne populaire. Dans le contexte actuel, il serait indécent de soumettre tout cet argent à la loi des marchés financiers, au moment où tous les moyens de l'État sont mobilisés pour pallier leur faillite. Ensemble, élus locaux et nationaux, nous devons continuer à nous mobiliser pour que La Poste offre un service public de qualité accessible à tous les citoyens, quels que soient leur lieu de résidence et leur niveau de ressources.

Le service public postal remplit, en matière d'aménagement du territoire et de lien social, des missions indispensables qui dépassent le cadre universel du courrier et de la presse, car elles permettent l'accessibilité bancaire et la présence postale territoriale dans les zones rurales comme dans les quartiers populaires. Or, 6 100 bureaux de poste sur 17 000 ont d'ores et déjà été transformés en partenariats et plusieurs milliers d'emplois ont été supprimés depuis 2002, au détriment de la qualité d'accueil des usagers, du service de distribution de courrier et des conditions de travail des salariés.

Dans ma circonscription du Tarn, les effets néfastes de ce projet de loi ont déjà porté leurs fruits. Plusieurs bureaux de poste ont diminué leurs heures d'ouverture. Je pense à tous les habitants de ma circonscription qui voient, jour après jour, leur libre accès aux services publics remis en cause. Le bureau de poste dans le quartier populaire de Cantepau à AIbi en est l'illustration. Les horaires d'ouverture doivent être calculés, nous dit-on, sur la base du nombre de clients. Mais, ces derniers temps, des consignes sont données pour faire fluctuer les horaires d'ouvertures. Ainsi, l'affluence devient moindre puisque plus personne ne sait à quelle heure le bureau sera ouvert, ce qui entraîne une révision à la baisse dans le calcul des futurs horaires d'ouverture. On déduit de cette logique essentiellement financière, que nous dénonçons, qu'on est en droit de fermer tel ou tel bureau.

Je pense aussi aux jeunes, aux personnes des quartiers populaires, aux habitants des zones rurales qui, demain, ne pourront plus accéder aux services de la Banque Postale. Une banque qui permettait aux plus démunis de ne pas subir les dérives du capitalisme financier.

Pour nous, élus socialistes, ce service public doit être maintenu, modernisé et rénové afin de répondre aux besoins de la population sur l'ensemble du territoire. Nous affirmons que le devenir de La Poste est l'affaire de chaque citoyen et citoyenne. Comme l'a d'ailleurs prouvé la dernière votation citoyenne qui a réuni de nombreux soutiens. Rien que dans le Tarn, plus de 22 500 votes sont allés dans le sens d'une non-modification du statut de La Poste. Le Gouvernement ne veut pas entendre, il fait le sourd. Cette pratique s'apparente à un déni de démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Enfin, le changement de statut de ce service public est inutile. Il est le résultat de longues tractations du président de La Poste, qui souhaite devenir le patron d'une entreprise privée car ce statut implique un certain nombre d'avantages. Il a évoqué en août 2008 une insuffisance de capitaux, qui n'était pourtant pas avérée par les différents chiffres. Dans un communiqué du 28 août 2008, il affichait les objectifs de croissance du groupe La Poste : « En dépit du bilan très positif de ces dernières années, La Poste ne dispose que d'une enveloppe très limitée de croissance externe qui ne lui donne pas les moyens d'assurer la politique de développement ambitieuse et nécessaire de ses métiers et de saisir les opportunités. »

Dans ce communiqué, se profilent déjà les critères financiers et de rentabilité que nous dénonçons car ils deviennent essentiels. Ainsi, au prétexte de devoir faire face à la concurrence européenne, le président de La Poste a demandé la transformation de ce service public en société anonyme et l'ouverture du capital à hauteur de 20 % en 2011.

Le risque d'un démantèlement de La Poste est bien réel car, avec l'ouverture du capital, c'est l'unité de ce service public qui est remise en cause. Rappelons que, grâce au statut particulier de la Banque Postale, la crise et les excès du libéralisme financier n'ont eu que peu de prise sur les activités d'intérêt général que représentent ce groupe.

Aujourd'hui, il serait question, non plus d'ouvrir le capital de La Poste mais simplement de la transformer en SA. Toutefois, les doutes de nombreux partenaires sociaux, des associations aux syndicats, sont grandissants et alarmistes. Ces partenaires nous rappellent que ce même processus a été à l'oeuvre pour d'autres entreprises comme EDF et que le changement de statut de l'entreprise a systématiquement engendré la privatisation.

Au moment où nous cherchons à donner un sens à l'identité nationale et au vivre-ensemble, nous, députés socialistes, souhaitons annexer à la Constitution, à l'image de la Charte de l'environnement, une Charte des services publics. Des services publics qui permettent la cohésion sociale et la réduction des inégalités. Des inégalités de plus en plus nombreuses sous votre gouvernement – pardonnez ces qualificatifs, mais ils sont pesés – sectaire, doctrinaire, partial et un peu méprisant puisque vous refusez d'entendre le bon sens populaire. Nos concitoyens réclament un référendum et souhaitent le maintien du statut de La Poste, en sa qualité de service public. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les engagements pris par notre pays dans le cadre de la construction européenne, nous conduisent aujourd'hui à examiner un texte qui achève l'ouverture à la concurrence du marché français des services postaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Ce processus, démarré dans le courant des années 90, se fonde sur la conviction que le démantèlement des monopoles d'État sur les postes et télécommunications serait un moyen de rendre ces services moins chers, plus rapides, plus efficaces et plus innovants pour un usager transformé dans le même temps en consommateur. Rien n'est moins sûr.

Il ne nous appartient pas aujourd'hui de juger de la pertinence de ce postulat. Précisons toutefois que la question de savoir laquelle des configurations de marché – monopolistique ou concurrentielle – présente les plus grands avantages n'est pas définitivement tranchée.

Ce qui doit nous préoccuper c'est de répondre par des mesures concrètes aux inquiétudes légitimes que ce mouvement de libéralisation suscite parmi les personnels de La Poste comme chez l'ensemble de nos concitoyens. Les 2,5 millions de votants qui ont exprimé leur refus du changement de statut de La Poste lors de la consultation organisée le 3 octobre dernier montrent l'ampleur des inquiétudes que soulève cette transformation.

Cette importante mobilisation, que vous semblez nier, ainsi que les résultats convergents de toutes les enquêtes d'opinion conduites sur ce sujet expriment avec force les craintes de nos compatriotes. Si la sensibilité est grande en la matière, c'est que La Poste fait indéniablement partie de notre identité nationale. La simple évocation de son nom nous renvoie à des représentations fortes, porteuses de valeurs qui nous sont communes. Celle de la tournée quotidienne du facteur permettant à la fois de distribuer le courrier et de prendre des nouvelles, exprime notre désir de lien social et de solidarité. Celle des 17 000 bureaux de postes présents dans nos communes symbolise la cohésion entre nos territoires. Toucher à La Poste, c'est poser la question de l'avenir de ce service public et de son inscription dans la proximité.

Ce constat dressé, l'attachement quasi viscéral des Français à La Poste est paradoxalement à la mesure de l'insatisfaction qui peut parfois exister à l'égard du service effectivement rendu. Si le facteur conserve une image très positive dans l'opinion, celle des bureaux de poste reste plus mitigée : ils sont, trop souvent encore, mal installés n'ayant pas subi à temps le lifting de leur enseigne.

Sans trop forcer le trait, le point de vue général est que La Poste peine à se moderniser pour devenir un service public dynamique, attentif et adapté aux besoins des usagers. Étonnant si l'on considère la volonté de rénovation affichée par la hiérarchie et les plans de restructuration qui en découlent depuis plusieurs années déjà. Cette situation s'explique en fait par les tensions, et donc les échecs, d'un mouvement de modernisation accompli contre les personnels et sans véritable concertation avec les usagers.

Là comme ailleurs, il faut incriminer une approche comptable dogmatique, préférant à la notion de service du public, celle de service minimum. En chiffres, cette approche se traduira par 11 000 suppressions d'emploi pour l'année 2009 et par la disparition de très nombreux bureaux de poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Dans la 2e circonscription de l'Isère, 5 bureaux de postes ont cessé ou cesseront leur activité dans un proche avenir. Par voie de pétitions et de rassemblements, les habitants et les élus des communes de Jarrie, Vaulnaveys-le-Haut, Séchilienne, Laffrey et Saint- Georges-de-Commiers, ont exprimé dans leur quasi-unanimité leur opposition à ces suppressions. Les solutions de remplacement envisagées et, pour certaines d'ores et déjà mises en places, présentent toutes des inconvénients notables. La substitution à ces bureaux de « points poste » installés chez les commerçants les plus proches conduit à réduire considérablement le spectre des prestations offertes aux usagers. La création d'agences postales communales qui présente l'avantage de maintenir le niveau de service offert ne peut bien souvent être une alternative acceptable car elle pèse beaucoup trop lourdement sur les finances communales spécialement dans un contexte d'incertitude lié à la réforme de la fiscalité locale.

La réduction des effectifs et des infrastructures qui mécontente les usagers est également loin, et c'est un euphémisme, de recueillir l'approbation des personnels. La réorganisation du fonctionnement interne de La Poste se traduit en effet par une charge de travail accrue, par une augmentation des cadences et par des horaires toujours plus décalés. Les postiers n'ont pas manqué de dénoncer cette contrainte de flexibilité et de productivité qui est notamment au centre du plan Facteur d'avenir, lequel réorganise, depuis 2007, la distribution du courrier. Il n'est qu'à venir sur place pour le constater. Nous recevons souvent dans nos permanences des postiers qui se plaignent de tels problèmes.

La dégradation des conditions de vie et de travail des personnels ne peut qu'affecter la qualité du service fourni aux usagers. Les files d'attente s'allongent, les erreurs et retards de distribution se multiplient. Parallèlement, les personnels sont exposés à un stress croissant lié à l'intensification des pressions exercées par leur hiérarchie réclamant toujours plus de performance au travers de la fixation d'objectifs quantitatifs toujours plus ambitieux. Alors que les anciens bénéficient encore de la protection de leur statut de fonctionnaire, les plus jeunes, qui travaillent comme vacataires ou pour des durées déterminées, sont particulièrement fragilisés par cette évolution. Rappelons ici que les recrutements opérés par La Poste depuis 2002 ne se font que dans le cadre de contrats de travail de droit privé, et sont donc précaires.

De ce point de vue, la dégradation de la situation des personnels de France Télécom, autre opérateur public projeté dans un environnement concurrentiel avant d'être finalement privatisé, est un exemple qui mérite d'être médité avec le plus grand sérieux. Le malaise ne se limite d'ailleurs pas aux postes et télécommunications. Le sort des agents de Pôle-emploi, celui des policiers ou encore des personnels hospitaliers n'est guère plus enviable aujourd'hui.

Le projet de loi que vous nous soumettez ne semble pas, hélas, vouloir rompre avec cette logique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Il aurait pu être l'occasion d'une rénovation en profondeur du service public postal dans une approche concertée avec les employés et les usagers. Le mécontentement de ces derniers appelait à les associer à l'effort de redéfinition des missions d'intérêt général de La Poste. L'analyse de leurs besoins pouvait conduire à leur offrir de nouvelles garanties concernant par exemple l'implantation et les horaires d'ouverture des bureaux. Cette même analyse aurait aussi pu mettre en évidence les attentes de prestations nouvelles, par exemple dans le domaine des technologies de l'information et de la communication.

Les courriels remplaçant progressivement les courriers, l'accent pouvait être mis notamment sur le développement de cyber-services. Les bureaux de poste pourraient ainsi accueillir des points internet, en particulier dans les zones d'habitat les moins denses, où une grande partie des habitants ne peuvent aujourd'hui accéder au haut débit.

Mais, au lieu d'une réforme ambitieuse contribuant de façon positive à l'aménagement du territoire, votre projet de loi se borne à poursuivre la transformation de La Poste en une société qui sera obnubilée par la rentabilisation de ses activités et pleinement libre de poursuivre le démantèlement de son réseau.

Une telle orientation semble faire bien peu de cas de la directive sur le service universel postal de 1997 qui – je le rappelle – affirmait : « Les États membres prennent des mesures pour que la densité des points de contact et d'accès tienne compte des besoins des utilisateurs. »

Au-delà du contenu inchangé des obligations de service universel, se posait également la question des moyens donnés à l'opérateur pour y satisfaire. Nos collègues eurodéputés socialistes se sont battus pour le maintien d'un marché captif, celui des envois de moins de cinquante grammes, grâce auquel La Poste bénéficiait des crédits nécessaires au financement de ses missions d'intérêt général. L'ouverture à la concurrence de ce « secteur réservé » a été votée par les eurodéputés de droite et la suppression de cette manne n'est pas aujourd'hui compensée par la création d'une ressource suffisante, stable et pérenne.

Un rapide examen des deux mécanismes de financement inscrits dans votre projet de loi suffit à s'en convaincre. Commençons par la contribution sur le chiffre d'affaires sur le courrier réalisée par les opérateurs postaux, qui sera versée au fonds de compensation du service universel postal. Outre les difficultés techniques liées à sa mise en oeuvre, cette taxe sera bien loin de dégager les 900 millions d'euros nécessaires au financement des missions d'intérêt général.

Ajoutons en outre qu'une telle contribution s'appliquerait en premier lieu à La Poste. De la sorte, l'entreprise serait vraisemblablement conduite à répercuter ce prélèvement sous la forme d'augmentations de tarifs encore une fois pénalisantes pour les usagers. Le service universel postal conçu comme un ensemble de prestations fournies « à des prix abordables pour tous les utilisateurs » s'en trouverait alors fortement compromis.

Venons-en ensuite au « fonds postal national de péréquation territoriale », censé assurer le maintien de la présence postale dans certaines zones prioritaires – les zones rurales, les zones de montagne, les zones urbaines sensibles et les départements d'outre-mer. Alimenté par l'abattement sur la fiscalité locale dont bénéficie La Poste, il représente une enveloppe annuelle de 140 millions d'euros environ. Alors que la commission Ailleret elle-même ne considérait pas cette ressource comme suffisante, la réforme annoncée de la fiscalité locale fait peser une sérieuse hypothèque sur sa survie à moyen terme.

Des ressources précaires et trop faibles : voilà qui témoigne bien du peu d'enthousiasme que vous mettez à préserver les obligations de service universel de La Poste et son rôle dans la cohésion de nos territoires. Nous attendions naturellement une autre ambition et des mesures fortes garantissant le financement de ces missions dans le long terme.

Le droit communautaire autorisait par exemple la mise en place d'une redevance pour l'accès au marché des services postaux. Celle-ci aurait pu viser notamment tous les opérateurs présents dans les secteurs d'activité les plus lucratifs et les plus dynamiques, comme l'envoi de colis, dont on sait aujourd'hui qu'il est dopé par le développement du commerce en ligne.

La carence de financement qui s'annonce est une négligence coupable qu'il vous faudra compenser par le versement de subventions d'État et que vous devrez justifier devant des usagers de plus en plus ulcérés par la dégradation du rapport qualité-prix des prestations offertes et par la disparition des bureaux de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Cette carence dévoile finalement l'un des axes directeurs de votre politique : la contraction des moyens des opérateurs publics et la marchandisation d'activités jusqu'alors entièrement régulées par la puissance publique.

Elle n'est pas en cela si différente des mesures que vous avez adoptées dans les domaines de la santé, de l'éducation ou de l'emploi. À leur niveau, les personnels de La Poste, les professeurs, les infirmières ou les agents de Pôle emploi, manquant d'effectifs et de moyens, feront preuve de leur dévouement habituel pour tenter de colmater les brèches dans un service public toujours plus indigent, jusqu'à ce que les usagers lassés finissent par se tourner vers une assurance, une école, une clinique ou un transporteur privés. Vous ne vous étonnerez pas que les socialistes s'opposent avec force à cette lente dérive vers une société atomisée dans laquelle la solidarité aurait définitivement cédé le pas à l'individualisme triomphant.

En conclusion, monsieur le ministre, et malgré vos dénégations – sincères ou simulées, l'avenir nous le dira –, votre projet de loi porte en germe la privatisation. Il appartient aux Français de trancher cette question essentielle qui porte une atteinte majeure au service public. Offrez-leur cette possibilité à travers le référendum qu'ils demandent. Vous montreriez ainsi que la réforme constitutionnelle que vous avez fait adopter a du sens ! Monsieur le ministre, il n'est jamais trop tard pour bien faire. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Patrick Roy. Je suppose, mon cher collègue, que votre rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1 ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Absolument, madame la présidente ! Nous devons veiller à la clarté de nos débats. Dans cet hémicycle, madame la présidente, monsieur le ministre, il y a une majorité et une opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

N'est-ce pas ? (Sourires.) Or j'imagine l'étonnement de ceux qui nous regardent, soit dans les tribunes, soit sur internet,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…et qui pourraient penser que la majorité a changé de camp, puisque, à gauche, nous sommes ici trois fois plus nombreux que les parlementaires de la majorité officielle !

Je m'inquiète donc. Est-ce que la neige est tombée dans les circonscriptions des élus de la majorité ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Je vous le confirme : elle tombe aussi chez nous ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ou bien est-ce parce que ce débat n'intéresse pas les élus de l'UMP et du Nouveau Centre ?

Pour la clarté de nos débats, il serait bon que nous puissions retrouver l'équilibre démocratique normal. Je demande donc à nos collègues de l'UMP de se mobiliser pour défendre leur ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mon cher collègue, je vous dirai simplement que, comme vous le savez, nous sommes dans la discussion générale, qui consiste en une suite d'interventions.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Les orateurs se succèdent, et ce sont donc essentiellement ceux qui interviennent qui sont présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Tout à fait, mais cela a échappé à M. Roy, qui ne sait pas comment les choses fonctionnent à l'Assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Ce n'est pas vrai quand il s'agit de voter des motions référendaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Ne vous inquiétez pas, nous serons là quand il le faudra !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Je ne pense pas, monsieur Ollier, qu'on puisse reprocher à M. Roy de ne pas connaître le règlement de l'Assemblée, puisqu'il est tout de même extrêmement présent dans cet hémicycle, sur de nombreux débats !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

La discussion générale ne suppose pas de majorité, puisqu'il n'y a pas de vote ! D'ailleurs, à gauche, vous n'êtes que dix !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Un peu de calme, mes chers collègues ! Veuillez poursuivre, madame Lemorton.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

À ce stade de nos débats, il me semble important de m'arrêter sur une question toute simple : le Gouvernement a-t-il réussi à nous convaincre au travers de son argumentation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Plus généralement, les questions réelles que se posent les Français et qui avaient été relayées par la votation citoyenne ont-elles trouvé des réponses satisfaisantes et rassurantes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Force est de constater que, pour le moment, rien n'est éclairci.

Concernant la justification de ce texte, vous maintenez que ce changement de statut est l'unique moyen d'injecter 2,7 milliards d'euros dans l'entreprise, car il permet d'écarter toute accusation de favoritisme par rapport aux autres entreprises de transport et de distribution de courrier et colis.

Cet argument demeure particulièrement discutable. Avec des missions de service public comme l'aménagement du territoire et le service universel, sans oublier un engagement sur l'acheminement de la presse – le tout étant extrêmement coûteux pour l'entreprise –, la situation de La Poste et de ses services est singulière. En cela, tout apport de capitaux supplémentaires ne saurait être vu comme du favoritisme, mais bel et bien comme une compensation pour des services qui deviennent sans cesse plus onéreux.

Un autre point concerne l'argument, que vous ne cessez d'utiliser pour tenter de museler l'opposition – ce que vous n'arrivez pas à faire, fort heureusement ! –, des privatisations passées et en particulier de celle de France Télécom.

D'abord, il me semble bon de rappeler la parenté de destin entre les deux entreprises et les craintes légitimes que la situation actuelle de France Télécom peut faire naître pour l'avenir de La Poste et de ses salariés.

Ensuite, je souhaiterais revenir sur la privatisation de France Télécom et sur le rôle des uns et des autres. Comme le rappelait notre brillant collègue Jean Gaubert, nous ne sommes pas fiers du maintien de la procédure de changement de statut par le gouvernement Jospin en 1997. Néanmoins, il ne faut pas oublier qui avait eu cette volonté et qui avait ordonné sa mise en oeuvre. C'était bien Alain Juppé et son ministre des postes de l'époque, un certain François Fillon !

Et, si nous allons plus loin, la privatisation est, elle, bien survenue en 2003, encore une fois sous un gouvernement de droite, avec comme Premier ministre M. Raffarin et comme ministre M. Francis Mer. Votre argument de la gauche qui privatise est donc loin d'être honnête intellectuellement. Une fois vos arguments mis de côté, que reste-t-il ? Des craintes et des bonnes paroles.

Les craintes, nous les connaissons tous. Parmi elles figure celle de vous voir utiliser ce changement de statut pour préparer en douceur une privatisation en bonne et due forme, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer en termes de management et de qualité de service.

Du côté des paroles, monsieur le ministre, tous les néologismes du monde ne pourront jamais nous faire oublier les engagements rassurants et similaires pris dans le passé et qui ont abouti, in fine,à faire exactement le contraire. Comment vous faire confiance aujourd'hui, alors que vous n'avez cessé, par le passé, de fouler aux pieds vos engagements ?

Prenons l'exemple du personnel. Le texte que vous nous présentez borde juridiquement les problématiques de personnel, comme ce fut le cas, en son temps, avec celui de France Télécom. On sait ce qu'il en est advenu !

Il reste néanmoins le problème des fonctionnaires reclassés. Le Sénat semble avoir trouvé pour eux une solution, mais elle ne vous satisfait pas. Toutefois, les craintes les plus importantes ne résident pas dans l'aspect juridique du statut des fonctionnaires ; elles tiennent dans la montée en puissance des contrats de droit privé et, surtout, dans la politique managériale qui sera menée dans le futur. On sait ce qu'il en est à France Télécom !

Comment pourrait-on vous croire et pourquoi le ferait-on ? La Poste est un sujet bien trop important ; les enjeux sont bien trop nombreux. L'aménagement du territoire, l'acheminement du courrier et de la presse : tout cela ne peut supporter la moindre omission, le moindre objectif caché.

Demain, nous risquons de voir s'amplifier le mouvement, notamment en milieu rural, et se multiplier les « points de contact », aux contours si flous aujourd'hui. Or – j'en veux pour preuve mon département, la Haute-Garonne –, les réalités territoriales peuvent être particulièrement différentes, de même que les enjeux économiques. Qu'en sera-t-il du bureau de poste ou du point de contact au fin fond d'une vallée des Pyrénées, avec une population vieillissante et donc moins mobile ?

À cet égard, je voudrais m'arrêter un instant sur cette catégorie de population, monsieur le ministre. On voit le peu de cas que vous faites de nos aînés et le cynisme dont vous témoignez en faisant payer des franchises médicales aux bénéficiaires de petites pensions de retraites. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Eh oui ! Ce n'est pas bien, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Vous avez d'ailleurs retardé l'augmentation de ces petites pensions de retraite, très loin des promesses du candidat Nicolas Sarkozy devenu Président de la République.

Et qu'en est-il de la cinquième branche, censée prendre en charge la dépendance, qui concerne au premier chef les seniors ? Elle n'est toujours pas mise en place !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Cela fait deux ans et demi que nous l'attendons ! Peut-être une taxe de 10 % sur les bonus des banques aurait-elle permis d'avancer un peu vers la création de cette cinquième branche.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que les bureaux de poste assurent un maillage territorial, mais aussi social, notamment pour cette population vieillissante dans les territoires ruraux.

Une députée du groupe SRC. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Chaque jour – passez-moi le jeu de mots –, le facteur sonnait toujours une fois… (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Je crains fort que, chez ces gens-là, il ne sonne plus du tout !

Ce débat aurait dû nous apporter des réponses. Il ne fait qu'entretenir des zones d'ombre. Je crains que ce ne soit le début d'une réponse que nous redoutons depuis l'origine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Et pendant ce temps-là, M. Ollier continue de compter ses collègues de l'UMP ! Sale métier… (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Monsieur le ministre, avant tout, je souhaiterais vous interroger sur l'utilité de recourir à la procédure accélérée pour l'examen de ce texte. En décidant de ne consacrer qu'une lecture par l'Assemblée à ce projet de loi, vous compromettez l'efficacité de notre travail, qui mobilise pourtant, comme vous pouvez le constater, bon nombre de députés – surtout, il est vrai, sur les bancs de la gauche !

Pourquoi cette précipitation, qui nuit au fonctionnement démocratique de nos institutions ? Pourquoi bafouer les droits du Parlement sur un sujet aussi important, après avoir refusé de consulter la population ? En effet, l'application de la directive européenne doit se faire seulement au 1er janvier 2011. De plus, le statut actuel de La Poste, qui est un établissement public exerçant une mission de service public, permet tout à fait à l'État de lui accorder des financements.

Les 2,3 millions de personnes qui se sont exprimées lors de la votation citoyenne du 3 octobre dernier nous ont envoyé un signal fort : les Français sont attachés à La Poste et au maintien de ce service public.

Mais, balayant d'un revers de main cette contestation populaire, vous avez décidé de réduire le débat à sa plus simple expression. Et pourtant, nos concitoyens ne sont pas dupes : ils savent que, si vous n'avez pas mis en oeuvre les dispositions permettant la tenue d'un référendum d'initiative populaire, c'est parce que vous n'ignorez pas quel en aurait été le résultat.

Pourtant, nos concitoyens se sont exprimés. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous invite à un tour de France de la votation citoyenne – votation citoyenne que vous n'avez cessé de dénoncer, de caricaturer, et qui à vos yeux n'a aucune valeur. Pour nous, et pour les Français, sa valeur est forte : elle n'est pas juridique, mais ô combien symbolique.

Alors ce tour de France veut réparer une injustice qui fait que, si un certain nombre de nos collègues ont fait état de la votation citoyenne dans leur département, d'autres n'en ont pas eu le courage.

Dans le département de l'Ain, 2 073 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le département de l'Aisne, territoire de nos collègues Xavier Bertrand et Jean-Pierre Balligand, 4 506 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le département de l'Allier, territoire de Jean Mallot, qui était hier parmi nous, 11 972 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Après, je lis les noms des citoyens ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, territoire de notre collègue Jean-Louis Bianco, 11 710 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans les Hautes-Alpes, territoire de notre collègue de la montagne Joël Giraud…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il les connaît bien, c'est d'ailleurs pour ça qu'il est parti…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

…et de M. le président de la commission des affaires économiques, que je n'avais pas vu – pardon, monsieur le président –, ce sont 8 819 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Le président Ollier connaît bien son territoire. (Sourires.)

Dans les Alpes-Maritimes, territoire de M. le ministre Christian Estrosi…

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Ces chiffres sont faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Ces chiffres sont vrais !

Dans votre département, monsieur le ministre, 37 915 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de la Poste. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Il y a 1,2 million d'habitants !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Si 37 915 citoyens ne représentent rien pour vous, il faut avoir le courage de le leur dire, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans le département de l'Ardèche, territoire de notre excellent collègue Olivier Dussopt, qui est intervenu hier pour défendre La Poste, 21 787 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans les Ardennes, territoire de notre auguste collègue Jean-Luc Warsmann, 6 268 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans l'Ariège, département ô combien montagnard que j'ai l'honneur de représenter, que M. le président de la commission des affaires économiques connaît bien – je vois qu'il est parti, mais je sais qu'il m'entend, car il écoute toujours très attentivement les débats – 22 590 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans l'Aube, territoire de notre collègue François Baroin, 5 827 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans l'Aude…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Exactement : je vais tous les passer en revue, vous avez bien compris.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans l'Aude, 36 489 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans l'Aveyron, représenté par notre collègue Marie-Lou Marcel, qui s'est longuement exprimée hier, 22 576 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste. Elle l'avait dit, mais je souhaitais le redire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Où est Henri Jibrayel ? Il était là il y a un instant.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

… 124 260 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Calvados, 19 214 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Il faut aussi donner les noms, et les adresses ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans le Cantal, territoire de M. le secrétaire d'État Alain Marleix…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

…9 668 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Charente, département de Marie-Line Reynaud, qui nous expliquait hier les dégâts qu'avait déjà faits l'organisation de La Poste, 15 977 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Charente-Maritime, territoire de notre collègue Catherine Quéré, mais également de M. le secrétaire d'État Dominique Bussereau, 23 874 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Cher, territoire de notre collègue Jean-Claude Sandrier, 19 166 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Corrèze, territoire de notre collègue François Hollande, 16 262 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Et même en Corse, dont notre collègue Simon Renucci est l'élu, 4 877 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Donnez les résultats commune par commune ! (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

En Côte-d'Or, ce sont 15 402 citoyens qui sont allés aux urnes pour exprimer leur opposition au changement de statut de La Poste.

Dans les Côtes-d'Armor, territoire de notre collègue Jean Gaubert…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

… et de notre collègue vice-président Marc Le Fur, et territoire de naissance de notre collègue Marylise Lebranchu, 34 524 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans la Creuse, territoire de notre collègue Michel Vergnier, qui s'est exprimé hier avec beaucoup d'émotion, 6 757 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Et en plus, on leur supprime une partie de l'hôpital !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

En Dordogne, territoire de nos collègues Colette Langlade, Pascal Deguilhem et Germinal Peiro – ça fait du monde…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Ce sont 27 807 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Dans le Doubs, 14 448 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans la Drôme, 23 672 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans l'Eure, territoire du ministre de l'agriculture Bruno Le Maire, 21 350 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Notre collègue Laure de La Raudière est partie, ce qui est bien dommage – mais elle va revenir, j'en suis persuadée : dans l'Eure-et-Loir, dont elle est l'élue, 6 437 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Finistère…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans le Finistère, représenté ici par nos illustres collègues Marylise Lebranchu et Jean-Jacques Urvoas, ainsi que par Annick Le Loch, qui a fait hier une très belle intervention, ce sont 43 059 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste. Bravo ! (Vifs applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans le Gard, 52 483 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Haute-Garonne, territoire de notre collègue Catherine Lemorton, 92 700 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Restons en Midi-Pyrénées : dans le Gers, territoire de notre collègue Philippe Martin, 16 987 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans la Gironde, représentée par Pascale Got qui interviendra après moi, 73 118 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans l'Hérault, territoire de Kléber Mesquida qui était hier parmi nous…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

…52 125 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Ille-et-Vilaine, territoire de Jean-René Marsac et de Pierre Méhaignerie, ce sont 33 167 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

La prochaine fois, monsieur Poisson, je vous le promets.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

La prochaine fois, les communes, et les noms ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

C'est vrai : il ne faudrait pas que certains se sentent laissés-pour-compte. (Sourires.)

Dans l'Indre, pays de Michel Sapin, 9 563 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Indre-et-Loire, patrie d'Hervé Novelli et de Jean-Patrick Gille, 25 052 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Isère, 48 779 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Jura – Marie-Christine Dalloz était là tout à l'heure, elle va certainement revenir –, ce sont 8 711 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans les Landes, département de notre collègue Alain Vidalies, 2 764 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste. Je dirais : « peut mieux faire »… (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

On n'a peut-être pas les chiffres complets, vous nous les transmettrez tout à l'heure. (Sourires.)

Dans le Loir-et-Cher, 4 652 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans la Loire – département de Régis Juanico, qui vient d'arriver –…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

…ce sont 32 138 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En Haute-Loire, département cher à notre rapporteur, M. Jean Proriol, et territoire de Laurent Wauquiez, ce sont 10 753 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Vous rectifiez donc nos chiffres : ce sont 11 000 citoyens qui se sont exprimés en Haute-Loire contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

En Loire-Atlantique, territoire de notre président Jean-Marc Ayrault, ce sont 46 715 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Loiret, 21 982 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Lot, département de Jean Launay, 15 023 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans le Lot-et-Garonne, terre de Jérôme Cahuzac mais aussi de Jean Dionis du Séjour, très présent en commission, ce sont 20 434 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Lozère, département de M. Pierre Morel-A-L'Huissier – il est intervenu hier sans citer ce chiffre, qu'il aurait certainement donné s'il en avait disposé : je me permets donc de le faire à sa place – ce sont 8 460 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

En Maine-et-Loire, terre de Mme la ministre Roselyne Bachelot et de Marc Laffineur, 12 998 citoyens sont allés aux urnes pour exprimer leur mécontentement devant le changement de statut de La Poste.

Dans la Manche, terre de notre collègue Bernard Cazeneuve et de Claude Gatignol, 16 294 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans la Marne – votre département, madame la présidente –, 14 254 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Haute-Marne, terre du ministre M. Luc Chatel, 3 740 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Mayenne, 5 007 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Meurthe-et-Moselle, terre de notre collègue Christian Eckert et de la secrétaire d'État Nadine Morano, 19 445 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans la Meuse, 1 166 citoyens sont allés aux urnes pour dénoncer le changement de statut de La Poste.

Dans le Morbihan – et nous avions hier avec nous Françoise Olivier-Coupeau –, ce sont 27 791 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Moselle, 17 522 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans la Nièvre, terre de Christian Paul, 18 220 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Nord, département de mon cher collègue Patrick Roy, mais également de Marc Dolez et de Jean-Luc Pérat, ce sont 56 149 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans l'Oise, terre de Michel Françaix, 18 461 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans l'Orne, département de Jean-Claude Lenoir, 7 566 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Pas-de-Calais, département de Jacqueline Maquet qui s'est exprimée il y a quelques minutes, 67 155 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Puy-de-Dôme, territoire ô combien difficile de par sa géographie, Jean-Paul Bacquet nous l'expliquait l'autre jour, et terre également d'Alain Néri, ce sont 32 190 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans les Pyrénées-Atlantiques, monsieur le président, département cher à Mme Michèle Alliot-Marie…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

…et à notre collègue David Habib, ce sont 28 788 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans les Hautes-Pyrénées, département cher à Chantal Robin-Rodrigo, 18 056 citoyens se sont exprimés, dans nos montagnes et en ville, contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Quel talent !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans les Pyrénées-Orientales, département de montagne notamment, 18 658 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Bas-Rhin, ce sont 11 153 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Haut-Rhin, il y en avait 4 625.

Dans le Rhône, terre de Pascale Crozon, ce sont 35 011 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Haute-Saône – Jean-Michel Villaumé était là, il va certainement revenir –, ce sont 5 254 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Saône-et-Loire, 7 509 citoyens se sont rendus aux urnes pour refuser le changement de statut de La Poste.

Dans la Sarthe, terre du Premier ministre François Fillon, 22 277 citoyens se sont mobilisés pour dire leur refus du changement du statut de La Poste.

En Savoie, département de Michel Bouvard, qui a fait une brillante intervention hier, ce sont 16 082 citoyens qui se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Haute-Savoie, département du président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, 15 927 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

À Paris, la capitale, dont certains représentants, notamment Sandrine Mazetier, sont présents, 101 782 citoyens ont exprimé leur opposition au changement de statut de La Poste.

En Seine-Maritime, cher collègue Daniel Paul, 66 646 citoyens se sont déplacés pour dire leur refus du changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

En Seine-et-Marne, département de Jean-François Copé, 27 006 citoyens se sont déplacés pour dire leur refus du changement de statut de La Poste.

Dans les Yvelines, terroir de Valérie Pécresse, 13 890 citoyens se sont déplacés pour dire leur refus du changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans les Deux-Sèvres, dont certains représentants sont parmi nous, Jean Grellier, Delphine Batho, 12 779 citoyens ont exprimé leur refus du changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Nous avons les preuves ici, avec la liste des signataires.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

C'est le seul département pour lequel vous avez les preuves ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans la Somme, 14 440 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Tarn, cher à notre collègue Jacques Valax qui était parmi nous tout à l'heure, 22 307 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans le Tarn-et-Garonne, 9 171 citoyens sont allés aux urnes pour exprimer leur opposition au changement de statut de La Poste.

Dans le Var, ils étaient 33 154.

Dans le Vaucluse, 13 862 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

En Vendée, 11 891 citoyens se sont exprimés contre le changement de statut de La Poste.

Dans la Vienne, chère Catherine Coutelle, ce sont 23 711 citoyens qui se sont déplacés pour dire leur opposition au changement de statut de La Poste.

Dans la Haute-Vienne, ils étaient 20 537.

Dans les Vosges, ce sont 10 359 citoyens qui se sont déplacés pour refuser le changement de statut de La Poste.

Dans l'Yonne, ils étaient 8 503.

Dans le Territoire de Belfort, 4 739 personnes se sont déplacées.

Dans l'Essonne, département de Nathalie Kosciusko-Morizet, ils étaient 46 855 pour dire non au changement du statut de La Poste.

Dans les Hauts-de-Seine, cher président Patrick Ollier, ils étaient 50 655 à dire leur refus du changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Cela fait beaucoup, bravo, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

En Seine-Saint-Denis – notre collègue Daniel Goldberg aura tout loisir pour le dire tout à l'heure – ils étaient 72 105 citoyens à se déplacer jusqu'aux urnes pour exprimer leur opposition au changement de statut de La Poste.

Dans le Val-de-Marne, département de notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec qui est intervenu hier soir, 76 003 citoyens se sont déplacés pour dire leur opposition au changement de statut de La Poste.

Dans le Val-d'Oise, notre collègue François Pupponi vous le répètera certainement : ils étaient 35 362 citoyens pour dire leur opposition au changement de statut de La Poste.

Tout cela pour vous dire, mes chers collègues, que le fait que pratiquement 3 millions de citoyens se sont déplacés, le 3 octobre, pour aller dire non au changement de statut de La Poste. Cela a une valeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Il n'y a eu que 100 000 manifestants pour le travail du dimanche, et vous nous en avez fait tout un plat !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Vous, vous ne la reconnaissez pas. Nous, nous la reconnaissons, et c'est pour cela que j'ai souhaité évoquer aujourd'hui toutes ces personnes qui se sont déplacées, qui ont fait des efforts, toutes ces communes qui ont organisé ces consultations bien qu'elles aient été quelque peu embêtées, pour ne pas dire plus, par les services préfectoraux, avec des menaces, des annulations de délibérations, pour empêcher ces votations citoyennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Elles étaient sous la pression des préfets ! C'est de la maltraitance démocratique !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Vous allez me dire que ce n'est pas beaucoup, mais ils étaient quand même 3 millions de personnes à s'exprimer.

La Poste, tout le monde l'a dit, est l'incarnation du service public. L'extraordinaire mobilisation de ces derniers mois en est la preuve. Nous sommes très attachés à la sauvegarde de nos services publics, et, aujourd'hui, nous sommes là pour vous dire que ce changement de statut, nous le trouvons fort inquiétant.

En effet, en dépit de vos affirmations sur le fait que le passage en société anonyme ne changera rien pour La Poste, nous avons toutes les raisons de nous inquiéter, les expériences du passé nous ayant appris à nous méfier.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que tant que vous serez à ce ministère, rien ne changera. Mais que deviendra La Poste demain, quand, pour diverses raisons, vous n'y serez plus – peut-être deviendrez-vous Premier ministre, sait-on jamais ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Après-demain, laissez-lui au moins vingt-quatre heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Nous le savons, partout où le statut de la poste a changé, une diminution du nombre de bureaux de poste et des effectifs a été observée, ainsi qu'une augmentation des tarifs.

La Poste joue un rôle d'aménageur du territoire, auquel nous tenons par-dessus tout. Forte de ses 17 000 points de contact, dont le Sénat a garanti le maintien, La Poste offre en théorie une très large couverture du territoire. Mais, dans la pratique, je peux témoigner de ce qui se passe en Ariège sur un territoire de montagne, cette affirmation mérite d'être nuancée.

Il y a quinze jours, nous débattions dans cet hémicycle, avec pratiquement les mêmes intervenants, de la fracture numérique. À cette occasion, j'ai rappelé à la représentation nationale que, selon nos territoires, nous n'étions pas tous égaux devant l'accès à internet. Parce que, économiquement peu attractifs, les territoires ruraux et de montagne sont délaissés par les opérateurs privés, qui leur préfèrent les zones urbaines, plus rentables.

Force est de constater que ces logiques comptables, qui poussent les opérateurs privés à ne pas investir sur nos territoires, se retrouvent également dans le domaine postal.

Nous souffrons actuellement d'une véritable fracture postale, avec une poste à deux vitesses. Il y a six ans, en Ariège, nous disposions de quatre-vingt-dix bureaux de postes de plein exercice, c'est-à-dire proposant toutes les activités postales ; désormais, nous n'en avons plus que treize, dans un département rural et de montagne qui compte 332 communes. À la place, des agences postales ou des relais poste ont vu le jour. Or ceux d'entre vous qui ont déjà fréquenté ce type de structures ne sont pas sans savoir qu'elles ne remplissent pas du tout la même fonction qu'un bureau de poste dit traditionnel.

La notion de fracture postale prend ici toute sa dimension : des usagers auraient la chance de disposer de bureaux de poste de plein exercice près de chez eux quand d'autres, notamment en zone rurale et surtout de montagne, doivent se contenter d'agences postales communales ou de points de contact.

Pour les territoires de montagne, c'est la double peine, monsieur le ministre : on diminue la présence postale au prétexte que l'utilisation des nouvelles technologies a fait diminuer l'activité postale, mais sur ces mêmes territoires, aucun effort d'équipement pour accéder à la toile n'est fait. Résultat des courses, moins de postes et aucune couverture numérique.

Comment voulez-vous que ces territoires qui connaissent une déprise industrielle importante, vous le savez, monsieur le ministre – les filières du bois, du papier, du textile sont en difficulté – puissent inverser la tendance s'ils ne sont même pas capables d'offrir à leurs habitants ou chefs d'entreprise le minimum nécessaire pour vivre ou exercer une activité professionnelle ?

Autre problème, et non des moindres, celui des horaires d'ouverture. Alors que dans les villes, les usagers se plaignent d'une plage horaire d'ouverture trop restreinte qui ne correspond pas à leur mode de vie, nous, dans les territoires ruraux, sommes confrontés à des points de contact qui n'ouvrent que quelques heures par semaine !

Comme l'un de mes collègues parlementaire l'a souligné à juste titre en commission des affaires économiques, « il ne faudrait pas que certains des 17 000 points de contact deviennent virtuels du fait de leurs horaires d'ouverture ». Il pointait du doigt une réalité que nos concitoyens ne connaissent que trop. Le secteur de Foix, ville préfecture de l'Ariège, a, par exemple, subi une diminution des horaires d'ouverture de ses bureaux de postes de quarante-cinq heures par semaine.

Se rendre à la poste est devenu un véritable parcours du combattant : dans un premier temps, et suivant la démarche à entreprendre, il faut se renseigner pour vérifier où il sera possible de l'effectuer ; dans un second temps, il faut contrôler les jours et les horaires où il sera possible de s'y rendre. Autant d'obstacles qui pénalisent l'usager !

Imaginez dans quel désarroi se retrouve une personne âgée qui souhaite simplement envoyer un recommandé ! Et je ne vous parle pas d'une démarche plus complexe, comme celle liée à l'ouverture d'un compte, qu'il n'est pas possible d'effectuer dans les agences postales communales, par exemple. Ainsi, pour l'Ariège, sur les cent un points de contact que compte le département, trente-cinq ne proposent pas de service financier, et seuls vingt-trois disposent d'un conseiller financier. Si l'objectif de la réforme et de la réorganisation de La Poste sur le territoire est d'optimiser son fonctionnement et ses résultats, les méthodes sont à revoir.

À l'heure actuelle, des études sont menées dans les différents bureaux de poste proposant des services financiers afin de fermer les moins fréquentés ou de réduire leurs horaires d'ouverture. Ceci est contre-productif et s'inscrit contre l'intérêt général.

Par ailleurs, les suppressions de postes massives enregistrées ces dernières années à la Poste – 7 720 en 2008, 11 500 en 2009 – ont des conséquences dramatiques sur nos territoires, notamment de montagne.

Quand on sait qu'un facteur malade ou en vacances n'est pas remplacé, comme c'est le cas dans mon département, il ne faut pas être surpris de devoir attendre plusieurs jours avant de recevoir son courrier. Donc J +1 ou J +2, ce n'est pas notre souci, nous qui sommes parfois contents de recevoir le courrier à J +7 ! Comment peut-on alors parler d'équité territoriale lorsque des personnes, suivant l'endroit où elles vivent, ne bénéficient pas de la même qualité de service ?

Je souhaite insister un peu plus sur les spécificités de la montagne. Il y a un instant, je vous ai expliqué les difficultés liées à la distribution du courrier et à l'accès au bureau de poste en temps normal. Imaginez ce qu'il en est lorsque nous avons des journées de neige, comme aujourd'hui à Paris ! Chez nous, en montagne, ces situations peuvent durer plusieurs mois, et vous avez été confronté au problème, monsieur le président de la commission.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

À Nice aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Certainement, mais je ne pense pas que dans le centre ville de Nice vous ayez les mêmes difficultés pour atteindre les petits villages.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

La Montagne Sainte Marie culmine à près de 3 000 mètres !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Vous connaissez donc également nos problèmes en montagne. Les routes y sont parfois coupées pendant plusieurs jours. Certes, suivant les territoires, les moyens sont différents. En Ariège, du fait du désengagement de la DDE, ce sont les collectivités locales qui sont obligées de faire le déneigement des routes. Et ce déneigement obéit à des exigences qui ne sont pas les mêmes en Ariège et à Nice. Si le chasse-neige n'est pas passé, la voiture ou le vélo du facteur ne le pourront pas plus.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Si le chasse-neige ne passe pas, c'est parce que vous avez un mauvais président de conseil général. Changez-en !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Nous préférons changer de Président de la République, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Élus de la montagne, nous avons à coeur de défendre le maintien des services publics parce que nous sommes intimement persuadés qu'en raison des conditions géographiques et climatiques intrinsèques à nos territoires, leur disparition signifierait de facto un enclavement encore plus grand.

Le statut d'établissement public de La Poste tel qu'il est actuellement défini garantit malgré tout la couverture de l'intégralité du territoire français. Il est fort à craindre que, si La Poste s'enfonce davantage dans une logique marchande, elle ne délaisse ces territoires peu rentables.

Nous avons auditionné il y a quelques jours le président de La Poste, M. Bailly, qui déclarait : « Le facteur, agent de confiance et de proximité, peut apporter autre chose que le courrier. » Nous sommes un peu inquiets à l'entendre. Il expliquait ainsi comment les facteurs seront certainement amenés dans les années à venir à diversifier leurs missions par des activités complémentaires telles que l'installation de la TNT – dans les endroits où les citoyens y auront accès – le transport de détritus voués à être recyclés, etc. La Poste souhaite en quelque sorte institutionnaliser ces pratiques existantes, en les soumettant à des logiques managériales et marchandes totalement contraires à l'esprit d'entraide et de solidarité qui prévaut actuellement.

Pour le moment, la redéfinition du métier de facteur n'en est qu'au stade de l'expérimentation mais je souhaite déjà attirer votre attention sur les conséquences de tels changements, notamment sur le plan social. En effet, plus généralement, la mutation que le projet de loi entend mettre en oeuvre va inévitablement entraîner des restructurations du personnel. Les exemples de ces dernières semaines sont là pour nous montrer les conséquences, parfois dramatiques sur le plan humain, des changements auxquels sont contraints de s'adapter les employés. Nous avons tous à l'esprit ce qui se passe au sein de France Télécom, qui constitue un véritable drame humain et national. J'attire ainsi votre attention sur la dimension sociale de ce projet de loi, qu'il ne faut pas omettre.

Pour conclure, je dirai que si pour de nombreux départements tels que l'Ariège, La Poste s'engage à ne pas diminuer le nombre de points de contact, elle prévoit néanmoins une évolution de l'offre postale. Ainsi, à nombre de points de contact inchangé, la qualité et l'offre de services seront très nettement dégradées. Les élus sont aujourd'hui confrontés au chantage à la présence postale. S'ils n'acceptent pas le changement de leur bureau de poste en agence postale communale, les horaires d'ouverture seront ramenés à un minimum, ce qui est inacceptable.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré vouloir « faire de la Poste un service public de référence » ; nous avons donc fort à craindre pour l'avenir de tous nos services publics…

Avec ce texte vous voulez faire rapidement sauter le verrou que constitue le statut actuel, pour pouvoir ouvrir le capital de La Poste lors de l'examen d'un texte de loi ultérieur. Vous nous expliquerez alors que l'État est en faillite, que les caisses sont vides, et que la seule solution est de vendre les parts de l'État afin qu'il puisse continuer à remplir ses missions. On connaît la chanson : est-ce ainsi que vous voulez « changer le monde » ?

Parce que nous avons à coeur de défendre l'intérêt général, contrairement à ce gouvernement qui s'apprête à le sacrifier au nom de la spéculation, nous nous opposerons fermement à cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je souhaite intervenir dans un souci de précision et afin de donner toutes les informations utiles à ce débat. Mme Massat vient de faire un exposé brillant sur la liste des participants à la votation citoyenne. Je suis étonné pour ma part qu'il n'y ait pas eu plus de participants, au vu de la question qui était posée.

J'ai devant moi le tract qui était diffusé pour mobiliser les électeurs. On y lit : « Contre la privatisation de La Poste. Face à la menace de privatisation de La Poste, exprimez votre refus en votant massivement non au projet gouvernemental. » Et le bulletin de vote énonçait : « le Gouvernement veut changer le statut de La Poste pour la privatiser. » Ce n'est pas vrai !

Je considère que sur une telle question, il aurait dû y avoir une mobilisation bien plus grande, et je suis certain qu'avec ce titre accrocheur, mais malheureusement faux, un grand nombre de sympathisants de l'UMP se sont mobilisés pour aller voter. J'en suis convaincu, car sur les bancs de la majorité, personne n'a l'intention de privatiser La Poste !

La question posée relève de la désinformation ; il me semblait important de le rappeler après avoir entendu la liste du nombre de votants dans chaque département. Dans ce texte, il n'y a rien sur la privatisation de La Poste, et je retiendrai votre mot, monsieur le ministre, prononcé peut-être pour la cent cinquantième fois dans cet hémicycle: « imprivatisable » !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

La Poste a quatre missions de service public, inscrites dans la loi à l'article 2 : le service universel postal, la distribution de la presse, l'accessibilité bancaire et bien entendu l'aménagement du territoire. Je ne vois aucune menace de privatisation dans ce texte. Il est important de rappeler à cet instant du débat dans quelles conditions s'est déroulée cette votation citoyenne, et d'ajouter cela aux informations tout à fait véridiques que Mme Massat a données.

Je le répète donc, je suis étonné que, suite à ce tract très mobilisateur, il n'y ait pas eu plus de mobilisation. Et si d'aventure une consultation sur ce sujet se reproduisait, il faudra que nous nous mobilisions tous ensemble pour apporter une réponse car sur les bancs de la majorité, nous n'avons en aucun cas l'intention de privatiser La Poste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Mettez en place l'article 11 de la Constitution !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Ce rappel au règlement me permettra de répondre rapidement à monsieur le président de la commission, que nous avons plaisir à entendre puisqu'il ne s'était pas exprimé jusqu'à présent. Sa fougue montre bien à quel point il est attaché à ce texte.

Nous considérons que la seule manière pour que La Poste soit « imprivatisable » est de ne pas changer de statut, puisqu'une fois que le statut est changé, tout est cassé. Je vous rappelle que sémantiquement, dès lors que l'on passe du statut d'établissement public au statut de société anonyme, c'est une privatisation. Il n'y a pas besoin d'autre chose que du dictionnaire pour le prouver. Donc il n'est pas mensonger de l'avoir dit en ces termes.

Par ailleurs, je pense qu'il faut garder de la dignité dans ce débat. Deux, voire trois millions de personnes se sont déplacées un samedi matin pour aller parfois braver les interdictions des préfets : interdiction d'ouvrir des salles publiques, interdiction de faire se dérouler ces consultations dans les salles du conseil municipal – je le sais, ma commune en a été victime. Ces dizaines de personnes dans les villages, ces centaines de personnes dans les villes moyennes, ces milliers de personnes dans les grandes villes doivent être respectées. Ils ont parfaitement compris de quoi il s'agissait, les gens ne sont pas des imbéciles. Ils ont les exemples de Gaz de France et de France Télécom, ils savent très bien qu'une fois que la porte est ouverte par l'article 1er de ce projet, c'est une privatisation totale qui est annoncée. Monsieur le président de la commission des affaires économiques, nous avons le droit de ne pas être d'accord, mais vous devez respecter les citoyens qui se sont exprimés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Comme je le rappelais lors de mon intervention il y a quelques jours, la première étape a été franchie en 1990, avec la séparation de La Poste et de France Télécom. La deuxième étape a été l'ouverture à la concurrence sur un certain nombre de métiers. La troisième étape, nous y arrivons aujourd'hui, c'est la concurrence totale sur l'ensemble des métiers de La Poste, ainsi que la création d'une société anonyme que vous appelez 100% publique – ce qui ne constituait pas une obligation, nous l'avons dit et répété.

C'est à ce moment que tout bascule, nous sommes au milieu du processus. De société anonyme à 100% publique aujourd'hui, vous passerez demain sans difficulté à une société anonyme à majorité publique, puis à une société anonyme à 34 % publique, en conservant la minorité de blocage. Et enfin, vous passerez à une société anonyme sans minorité de blocage. C'est le cas de France Télécom détenue à 26 % par l'État. Et l'on sait ce que cela donne.

Ce n'est peut-être pas vous qui serez ministre, et c'est peut-être derrière cela que vous vous cachez. Ce n'est peut-être pas vous, monsieur le président de la commission des affaires économiques, qui serez à cette place, et ce ne sera peut-être pas M. Jean Proriol qui siégera. Mais une autre majorité à droite sera là pour continuer de faire le sale boulot, c'est-à-dire de casser un service public historiquement installé, au profit de la concurrence libre et non faussée.

La proposition vous a été faite d'inscrire cette garantie dans le marbre de la Constitution au lieu de laisser à une nouvelle majorité le soin de poursuivre le travail commencé dans les années quatre-vingt-dix. Vous avez refusé et dépouillé ce texte de tous les garde-fous qui avaient été mis en place.

Aujourd'hui, vous vous parez d'un costume d'ange blanc alors que vous êtes loin d'en être un. Tout votre passé confirme nos inquiétudes sur l'avenir de La Poste. N'attendez pas de nous que nous accordions une foi quelconque à votre volonté de conserver à La Poste sa dimension de service public au service du public. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Madame la présidente, je vous prie tout d'abord de m'excuser : j'ai un impératif à 11 h 40 et M. Ollier tenait à parler avant moi, ce que je comprends car il n'aurait pas pu le faire après.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

S'agissant du nombre de participants à la votation, monsieur Ollier, j'aimerais vous rappeler le débat sur le travail du dimanche. Je me souviens que chaque fois que nous avancions que la majorité des Français y était défavorable, notre collègue Richard Mallié nous opposait les 100 000 signataires de sa pétition.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Les 100 000 signatures d'une pétition – où l'on demandait aux gens s'ils accepteraient de travailler le dimanche pour éviter que ne ferment les magasins qui les emploient – auraient-elles plus de valeur que les millions de participations à la votation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Dans l'état actuel des statuts de La Poste, il est possible d'augmenter son capital.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Une ancienne garde des sceaux ne peut pas dire cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

N'accusez pas un ancien garde des sceaux d'être ignare, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Surtout un ministre qui emploie le terme d'« imprivatisable », qui n'est pas français !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Je pense que j'ai autant de droits que vous. Du reste, vous n'avez pas à interrompre un parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il aurait été tout à fait possible de donner à La Poste les moyens d'être offensive. Ce que je vous reproche, c'est de ne pas reconnaître qu'une entreprise publique ou un service public peut progresser avec de l'argent public. L'État était-il à ce point impécunieux …

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

…qu'il ne puisse apporter lui-même la part de financement qui viendra de l'extérieur, seule raison de ce changement de statut ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Vous êtes en train de nous expliquer que pour chercher du capital auprès de la Caisse des dépôts, il est nécessaire de changer le statut de La Poste. Autrement dit, vous considérez que l'État ne peut pas faire son boulot. C'est là ma principale angoisse.

Il faut raisonner en termes globaux, monsieur le ministre. Moi, je ne reproche pas à un maire d'augmenter les impôts locaux si, dans les faits, le service à la population est de meilleure qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je ne reproche pas à un président de conseil général de prélever trois euros de plus si une seule personne âgée peut en profiter. Je ne reproche pas à un président de conseil régional d'augmenter les impôts de 2 % par foyer fiscal et par an si les TER fonctionnent mieux. Je ne partage donc pas votre logique. C'est notre principale différence.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Pour vous, une entreprise publique ou un service public ne peuvent en aucun cas être efficaces. Regardez plutôt ce qui se passe en Suède ou en Grande-Bretagne…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Suppressions d'effectifs et fermetures de bureaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

…où la question se pose de savoir comment revenir sur l'ouverture du capital, qui devait être miraculeuse.

Comment veiller à la qualité du capital apporté ? Évidemment, quand il l'est par la Caisse des dépôts, la réponse est simple. Mais pourra-t-elle être indéfiniment appelée à la rescousse ? Non.

Revenons donc à nos fondamentaux. Monsieur le ministre ; expliquez donc à votre gouvernement qu'un État qui se porte bien est un État qui réfléchit à la question des recettes fiscales. Si celle-ci est posée avec justesse, il pourra être efficace en matière de dépenses fiscales.

En réalité, vous utilisez un vieux raisonnement des années soixante-dix où l'on croyait qu'il fallait absolument privatiser pour être efficace.

Je ne peux consacrer tout le temps qu'il faudrait à la publication de La Poste, Posteo¸ qui titre noir sur blanc « S'opposer à ceux qui pratiquent le low cost ». Comment pourrez-vous expliquer aux Français, et particulièrement aux postiers, que c'est pour s'opposer à ceux qui pratiquent le low cost¸ autrement dit ceux qui ne paient pas leurs salariés correctement, que vous changez le statut de La Poste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) In fine, la seule charge lourde, c'est en effet le personnel. Mettre en regard le statut actuel de La Poste et le low cost qui fait tant de mal au système économique français et européen, c'est se tromper.

J'estime qu'il vaudrait mieux reprendre les thèses des derniers Prix Nobel américains, qui n'ont rien d'horribles gauchistes ou de doux rêveurs. Selon eux, c'est la qualité de service et le bien-être des personnes qui priment, ce qui implique de changer tous nos référentiels. Le Président de la République lui-même, qui a fait appel à Joseph Stiglitz, commence à se rendre compte que la rentabilité à court terme du capital n'est peut-être pas à la source de l'équilibre d'un pays.

Pourquoi appliquer à chaque dossier cette technique de privatisation à terme – La Poste aujourd'hui, les transports peut-être demain ? Vous-même, monsieur le ministre, vous ne vous faites pas d'illusion, je vois bien votre tristesse ce matin. Vous savez très bien qu'à un moment donné, la Caisse des dépôts ne pourra plus répondre aux besoins en capital de La Poste et qu'il faudra chercher ailleurs. Vous allez vendre par appartements et externaliser.

Il faut expliquer – c'est l'un des combats que nous avons menés en vain, entre 1997 et 2002, au niveau européen – qu'un service public peut parfaitement être fonctionnel et être équilibré, si l'on donne à ses personnels une formation et des moyens d'agir, et si l'on change de stratégie. Le service public peut être performant ! Il suffit de prendre l'exemple de l'externalisation des services de restauration, qui a tant opposé les municipalités de gauche et de droite. Nous avons pu constater que le service public rend un meilleur service que Sodexo.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Bref, nous avons de l'énergie à investir dans nos entreprises publiques et dans nos services publics, au service de chaque citoyen.

Posteo, dans son dernier numéro consacré au changement de statut de La Poste, invite au débat en proposant de répondre à l'hyper-individualisation de la société. C'est précisément le contre-pied de cette évolution que nous voulons prendre. Nous suivons certes La Poste quand elle veut s'adapter aux changements liés au courrier électronique ou à l'acheminement des colis, toujours plus nombreux, du marché en ligne, même si c'est un problème pour nos commerces de proximité. Mais nous ne la suivons pas quand elle veut réduire les effectifs des tournées.

Dans ma commune de Morlaix, que vous ne connaissez pas, monsieur le ministre – ce qui est dommage, car elle est presque aussi belle que la vôtre… –, il n'y a plus que cinq facteurs par secteur au lieu de six. Plusieurs habitants de mon quartier se sont étonnés de ne presque plus recevoir de courrier le lundi alors que beaucoup de publications arrivent habituellement ce jour-là : devant leur exaspération, les facteurs ont fini par expliquer que, pour réduire les effectifs de chaque tournée, la distribution du courrier arrivant le samedi après-midi avait été étalée dans la semaine. C'est cela le progrès ? Non ! Ce genre de pratique fait seulement le jeu de la concurrence. Et, s'agissant de concurrence, déjà une société vient de déposer le bilan. D'autres suivront peut-être.

Je rappelle votre difficulté à admettre, monsieur le rapporteur, la distorsion de service que constituait le fait qu'on transmette la lettre recommandée dans les zones urbaines, là où elle est rentable, et pas obligatoirement dans les zones rurales.

Monsieur le ministre, ce que nous vous demandons, c'est de défendre avec La Poste, avec ses fonctionnaires et ses salariés, un vrai service public performant qui passe par une formation, une mise aux normes et de meilleurs matériels, sur la nécessité desquels tout le monde s'accorde.

Si nous mettons de l'énergie dans nos services publics, nous pourrons répondre aux recommandations du rapport demandé à M. Stiglitz par le Président de la République, qui visent, au-delà de la rentabilité à court terme et de la croissance du PIB marchand, à intégrer dans les critères de développement les services à la personne et le bonheur des gens.

Nous sommes à un moment-clef de notre histoire. Vous avez choisi de vendre par appartements. Nous préférons avoir une vraie vision de société.

Pour terminer, j'aimerais rappeler certains faits à ma collègue Mme de La Raudière, qui ne cessait hier soir de nous reprocher d'être de mauvais gestionnaires. En 1997, si Jacques Chirac a dissous l'Assemblée nationale, c'est uniquement parce qu'il ne parvenait pas à construire un budget avec son gouvernement. En 2002, nous vous avons laissé des comptes publics et sociaux en équilibre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Avant de nous donner des leçons, prenez en compte les expériences passées. En juin 1997, la droite se montre incapable de faire un budget. En novembre 1997, après les premières mesures prises par la gauche, la croissance reprend. Et moi qui m'occupais alors des très petites entreprises et des PME, je constate qu'elles se portent mieux. Alors, les leçons de gestion, ça suffit ! Vous êtes là depuis plusieurs années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

« Changer le monde, changer le monde ». (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Ne soyez pas archaïques. Renoncez aux vieilles recettes de la privatisation à tout prix, elles sont dangereuses. La stratégie gagnante, c'est la performance du service public. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

À force de répéter ces mensonges en boucle, ils vont finir par se persuader que ce sont des vérités !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Got

Il y a quelques mois, en pleine crise financière, on aurait pu croire que les inconditionnels du libéralisme et de la déréglementation s'étaient amendés et qu'ils avaient redécouvert les vertus de la puissance publique. Mais cette conversion, purement opportuniste, a été de courte durée.

Les textes mis en débat ces derniers mois montrent que le Gouvernement n'a pas mesuré les conséquences des dérégulations. Ce projet de loi en est une nouvelle illustration : il vise d'abord et surtout à modifier le statut de La Poste pour transformer cet établissement public en société anonyme.

Vous justifiez la nécessité de ce changement de statut par l'ouverture à la concurrence décidée au niveau européen et par la nécessité d'assurer l'avenir et la modernisation de cette institution.

Bien sûr, nous pouvons vous rejoindre sur les défis à relever par le service postal. Indépendamment de la fin du monopole, son adaptation à un nouvel environnement et à la modification des comportements des usagers est à l'évidence une nécessité. Nous sommes toutefois en profond désaccord sur les moyens pour y parvenir, tant pour des raisons de choix de société que pour des raisons techniques.

Nous ne croyons pas que la transformation en société anonyme soit la solution pour assurer l'avenir de ce service public. Les arguments avancés sont loin d'être convaincants. Ils soulèvent plus de questions qu'ils n'apportent de réponses.

Vous savez parfaitement que ni les directives ni les normes communautaires ne comportent d'obligations juridiques concernant le statut des opérateurs, dont la modification est du seul ressort des États membres. Ne nous faites donc pas croire à une quelconque volonté européenne. C'est d'abord votre choix politique.

Second constat : pour réformer 1'organisation et le fonctionnement de La Poste, il n'était nul besoin de changer son statut.

Aucune analyse convaincante n'a été avancée pour démontrer que, dans le contexte actuel, une ouverture de capital présenterait des avantages par rapport aux autres modes de financement possibles. Sur la base de son statut actuel, elle a parfaitement la possibilité d'assurer cette évolution.

Monsieur le ministre, si la transformation de La Poste en société anonyme ne relève d'aucune obligation européenne, si ce n'est pas non plus un préalable à sa modernisation, alors cela résulte en réalité d'une stratégie politique qui ouvre directement la porte à une future privatisation.

Pour vous en défendre, vous répétez à satiété que les capitaux de la future société anonyme seront à 100 % publics et qu'ils le resteront puisque cela est inscrit dans la loi. Vous annoncez à l'envi le caractère « imprivatisable » de la Poste. Or nous le savons tous : ce qu'une loi à fait, une autre loi peut le défaire.

Vos engagements d'aujourd'hui ne manquent pas d'en rappeler d'autres. En 2004, Nicolas Sarkozy affirmait : « Il n'y aura pas de privatisation d'EDF et de Gaz de France, c'est clair, c'est simple et c'est net ». On sait bien ce qu'il en est advenu pour GDF. Malheureusement, pour cette entreprise, c'est aujourd'hui tout aussi « clair, simple et net »... Et je pourrais vous donner d'autres exemples. On voit bien que l'ouverture du capital est souvent le premier pas vers la privatisation des services publics et des entreprises publiques.

Inscrire dans la loi qu'un service public est national n'est pas non plus une garantie à toute épreuve. Le Conseil constitutionnel a déjà clairement précisé que cela n'empêchait en rien son transfert vers le secteur privé. Seule une inscription dans la Constitution mettrait La Poste à l'abri d'une privatisation.

En réalité, la seule véritable garantie de ne pas privatiser la Poste, c'est tout simplement de ne pas la transformer en société anonyme. Tous les autres arguments que vous mettrez en avant relèvent des promesses, voire de l'habillage.

Monsieur le ministre, ce projet de loi est dangereux pour l'avenir du service postal. Il n'est pas acceptable en l'état pour plusieurs raisons.

D'abord, il transforme le statut juridique de La Poste sans justifications ni garanties réelles. Ensuite, il n'apporte pas de réponse sérieuse sur le financement et la régulation du service public. Par ailleurs, il n'apporte aucune perspective, aucune réflexion sur les besoins des utilisateurs et des territoires, ni sur les moyens d'y faire face, alors que c'est cela qui devrait être au coeur de nos débats. Enfin, il ne donne pas non plus de réponse crédible sur le financement du service universel ni sur la contribution à l'aménagement et au développement du territoire.

En fait, tout l'enjeu aurait dû porter, en priorité, sur l'utilisation des marges de manoeuvre existantes pour conforter les missions de service public de La Poste, d'autant plus que la Commission européenne n'interdit pas les aides de l'État quand elles sont destinées à couvrir les charges liées à l'exercice de missions de service public. Au lieu de cela, vous avez choisi une approche idéologique et réductrice qui menace le plus symbolique des services publics pour la majorité de nos concitoyens.

Aujourd'hui, La Poste, c'est une nécessité majeure pour des millions d'utilisateurs, et surtout pour les personnes les plus fragiles. Elle distribue le courrier à un tarif unique sur tout le territoire, en particulier dans les zones rurales les plus éloignées, et verse les minima sociaux aux plus défavorisés. Elle permet également à chacun d'accéder à une banque de proximité. C'est souvent le seul contact quotidien pour les personnes les plus isolées et le dernier service public à la campagne et dans les zones urbaines sensibles.

Mais qu'en sera-t-il demain avec une société anonyme ? La réponse est toute trouvée : que ce soit dans l'énergie, dans les transports ou dans les télécommunications, chaque fois que le statut change, l'emploi recule, les prix augmentent et la qualité des services diminue. Les exemples d'autres pays européens comme la Suède, l'Allemagne ou l'Angleterre sont particulièrement explicites. Ils ont largement montré cette dégradation du service.

Chaque fois que le statut de La Poste a changé, on a observé une diminution du nombre de bureaux de poste et des effectifs. Il n'y a aucune raison qu'il en soit autrement demain pour notre pays. Et ce n'est pas l'inscription dans ce projet de loi d'un réseau de 17 000 points de contact qui pourra nous rassurer.

Déjà en milieu rural, ces points de contact sont de moins en moins des bureaux de poste et de plus en plus des agences postales communales ou des relais, qui n'offrent pas du tout le même niveau de services.

L'expérience montre qu'il suffit de réduire l'amplitude des horaires d'ouverture pour constater une baisse de la fréquentation et justifier ainsi la fermeture du bureau de poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Got

Nous sommes tous confrontés à cette situation en milieu rural – je connais cet effet dévastateur dans le Médoc – comme dans certains quartiers urbains. La transformation en société anonyme, et la recherche de la rentabilité maximale qui en découlera à terme, ne feront qu'amplifier cette tendance.

Les Français ont tout à perdre d'un changement de statut qui laissera ouverte la possibilité de la privatisation, quoi que vous en disiez. D'ailleurs ils ne sont pas dupes. Comme l'a rappelé tout à l'heure Frédérique Massat, ils sont plus de deux millions à s'être exprimés clairement contre ce changement.

Manifestement, le Gouvernement ne souhaite pas les entendre, pas plus qu'il ne veut entendre notre demande de référendum. Pour toute réponse, nous avons droit à la procédure accélérée pour examiner ce texte. Vous avez tort. L'avenir de La Poste méritait franchement mieux.

Pour toutes ces raisons nous nous opposons à cette réforme dangereuse, qui ne répond pas aux défis que devra relever La Poste pour garder un service public de qualité sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Député du Lot, l'un des départements les plus concernés par l'application de la norme de couverture territoriale, je m'exprimerai aussi ce matin en qualité de vice-président de l'Observatoire national de la présence postale.

Si La Poste et ses dirigeants sont logiquement soucieux de leur compétitivité dans l'environnement postal européen, voire mondial, nos concitoyens et ceux qui les représentent veulent des garanties sur les missions de service public. L'État aurait pu et dû, comme l'ont excellemment démontré avant-hier Jean-Pierre Balligand et à l'instant Marylise Lebranchu, assumer la nécessaire augmentation de sa contribution au développement de La Poste.

J'évoquerai, en premier lieu, la réaffirmation de la mission de service universel. Il n'est pas inutile d'en rappeler la définition : une offre de services postaux de qualité, déterminée, fournie de manière permanente en tout point du territoire, à des prix abordables pour tous les utilisateurs. Je précise que le prestataire du service universel doit garantir à la fois une accessibilité correcte sur l'ensemble de l'espace national, mais aussi au minimum une levée et une distribution au domicile de chaque personne physique ou morale, tous les jours ouvrables et pas moins de cinq jours par semaine. La reprise explicite de cette précision et du service universel dans l'article 2 du projet de loi nous convient. En effet, nous sommes attachés à l'impératif d'assurer l'égalité pour tous et la continuité temporelle et spatiale.

Comme nous avons bien été habitués dans notre pays, avec des obligations qui dépassent le droit commun de la Communauté européenne – service de levée et de distribution six jours sur sept, envoi de colis postaux jusqu'à vingt kilos, envoi recommandé et envoi à valeur déclarée, envoi de journaux et d'imprimés périodiques pesant au plus deux kilos –, vous comprendrez, monsieur le ministre, que nos citoyens et nous-mêmes soyons très vigilants sur le respect par La Poste, au jour le jour, de ses obligations, et très attachés aux bureaux de poste de plein exercice, personnalisés par le facteur.

À l'entreprise La Poste incombe par ailleurs une mission spécifique d'aménagement du territoire. Chacun s'accorde à reconnaître le rôle important de cohésion sociale et territoriale que joue La Poste dans un pays à la superficie étendue, le rapporteur Jean Proriol soulignant, à juste titre, que le processus d'urbanisation se double de phénomènes de désertification rurale.

L'Observatoire national de la présence postale se penche en particulier sur la situation des zones prioritaires que sont les zones urbaines sensibles et les zones de revitalisation rurale. Dans un deuxième temps, il répartit nationalement les quatre parts du Fonds de péréquation territoriale, respectivement pour les agences postales communales et intercommunales, pour les relais Poste commerçants, pour les bureaux de poste et pour les autres dépenses.

Au 31 octobre 2009, parmi les 17 014 points de contact de La Poste hors points réservés aux armées, on comptait 10 673 bureaux de poste de plein exercice, les seuls qui garantissent l'accès à l'intégralité de toute la gamme de services.

Nous resterons vigilants, eu égard à la pratique observée de certains directeurs d'enseigne de diminuer l'amplitude des horaires d'ouverture au public, ce qui rend moins lisibles pour les gens les conditions d'accès à leur bureau et diminue en conséquence la qualité du service.

Quelques mots sur les 4 527 agences postales communales et agences postales intercommunales. Leur nombre a considérablement augmenté, les maires et présidents d'intercommunalité ayant fait le choix pragmatique de mettre leurs agents à la disposition de l'opérateur postal au sein d'une agence postale communale ou intercommunale pour sauver les meubles du service public, dès lors qu'on a exercé une pression sur eux pour transformer les bureaux, souvent par la tactique de la réduction des horaires. Mais la mise en débat du présent texte fait qu'ils s'interrogent sur la possibilité de poursuivre cette pratique, sur sa légalité, dès lors que l'entreprise publique La Poste deviendrait une société anonyme.

Nous avons déjà, avec l'Association des maires de France, posé la question au ministre de l'intérieur le 29 septembre dernier. Celui-ci, dans une réponse assez laconique parvenue le 24 novembre, indique qu'il apparaît possible pour les collectivités de mettre leurs agents à la disposition de La Poste. À la même date du 29 septembre, nous vous avons interrogé sur ce point, monsieur le ministre. Et puisque l'AMF n'a pas eu l'honneur de recevoir une réponse de votre part, je réitère les questions que nous vous avions légitimement adressées en vous rappelant que les maires ou les présidents de communauté souhaitent être rassurés sur les partenariats qu'ils ont noué ou vont nouer avec La Poste pour maintenir un point de contact postal sur leur territoire.

Notre première question est simple. Quelle est votre position sur les éventuelles conséquences qu'auront l'ouverture totale à la concurrence le 1er janvier 2011 et le changement de statut de La Poste,...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

..sur la sécurité juridique des conventions que les maires ont signées ou signeront pour les agences postales communales ou les agences postales intercommunales, ainsi que – et ce n'est pas rien – sur l'éventuelle assimilation de l'aide communale au maintien des points de contact postaux au régime des aides d'État au sens communautaire ?

Le courrier de l'Association des maires de France comportait une autre question, celle de la pérennisation des ressources du Fonds postal national de péréquation territoriale. Comme vous le savez, ce Fonds permet de garantir les engagements financiers contractés par La Poste auprès des communes et des commerçants. L'indemnité forfaitaire mensuelle s'élève, en 2009, à 855 euros pour les agences postales communales et à 962 euros pour les agences postales intercommunales et les agences postales communales situées en zone prioritaire. Elle est de 265 euros pour les 303 Relais Poste commerçants situés en zone normale et de 318 euros pour les 1 490 Relais Poste commerçants situés en zone prioritaire – ils sont plus nombreux puisqu'ils concernent les zones de montagne, en particulier les zones de revitalisation rurale.

Je précise que ce Fonds permet également de moderniser et de conforter certains bureaux de plein exercice en milieu rural ou dans les zones urbaines sensibles, pour ces nécessaires « liftings » qu'évoquait tout à l'heure Michel Issindou.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, la ressource du fonds est basée sur l'exonération de taxe professionnelle dont bénéficie La Poste et qui s'est élevée pour 2009 à 137 millions d'euros, mais dont l'avenir est incertain du fait de la réforme de cette taxe. Les maires attendent donc légitimement de l'État qu'il sécurise l'ensemble du dispositif car, de surcroît, la ressource 2009 ne couvre pas la totalité du coût de la mission d'aménagement du territoire supportée par La Poste, qui est évalué à 351 millions.

Je salue néanmoins les efforts accomplis dans l'application des normes de couverture territoriale, surtout quand ils permettent de créer de nouveaux points de contact, en particulier des relais poste commerçants, grâce à l'amendement Proriol de la loi de 2005 relative à la régulation des activités postales. La réalité, ce peut donc aussi être la reconquête, quand elle rassemble les références conjointes de la distance et du temps de transport.

Tout cela cependant ne sera durable, notre rapporteur le sait, que lorsque le dispositif du fonds de péréquation aura gagné en clarté et en transparence. Le débat parlementaire entamé au Sénat devrait permettre, par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, d'évaluer le coût du maillage complémentaire, et confirmer la crédibilité des besoins de financement du fonds.

Je conclurai sur la garantie de service en zone rurale. Dans le maintien annoncé des 17 000 points de contact, nous privilégions bien sûr les 10 000 bureaux de poste de plein exercice. Et nous voulons réaffirmer que la décision de transformer un bureau de poste ne peut être prise sans l'accord du maire et du conseil municipal, réaffirmer que les réductions d'amplitude horaire des bureaux de plein exercice ne doivent pas, en se systématisant, les affaiblir au point qu'ensuite on veuille les transformer en agence postale communale ou en relais poste commerçant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Réaffirmer enfin le besoin, la garantie d'un volume global d'heures d'ouverture dans les communes rurales de moins de 2000 habitants, soit dans près de 9000 points de contact. En résumé, le fonds de péréquation territoriale doit être garanti et consolidé dans son périmètre et dans la durée afin de permettre à La Poste d'assurer au mieux ses missions postales et d'accessibilité bancaire, elles-mêmes garantes de la cohésion sociale.

Monsieur le ministre, voilà donc quelques questions concrètes pour lesquelles nous attendons vos réponses. Elles s'ajoutent à toutes celles de mes collègues sur la modification du statut et la transformation en société anonyme. Vous savez comme nous, monsieur le ministre, que les exemples passés, vécus dans d'autres grandes entreprises nationales – France Télécom, GDF – ne plaident pas en faveur de votre thèse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Et vous devriez entendre le signal envoyé par les participants à la votation citoyenne. Frédérique Massat, notre collègue de l'Ariège, a bien fait de rappeler que ce serait un hommage à rendre aux citoyens qui vivent sur ces territoires souvent difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Le projet de loi portant réforme du statut de La Poste a été adopté par le Sénat sans modification majeure. Mes collègues ont déjà démontré le caractère injustifiable de cette privatisation, y compris au regard de la perspective de participation de la Caisse des dépôts au capital de cette future société anonyme.

La participation de la Caisse des dépôts, au côté de l'État et à hauteur de 1,5 milliard d'euros, affirmée dans un courrier adressé par l'Élysée au comité national contre la privatisation de La Poste – …« la Caisse des dépôts et consignations souscrira à hauteur de 1,5 milliard et l'État apportera le montant restant »…– pose problème au niveau du statut de la CDC elle-même. Au-delà de la question de fond que pose la perspective de privatiser ce grand service public, la commission de surveillance de la CDC n'a, à ce jour, toujours pas été saisie officiellement d'une demande de souscription au capital de La Poste.

Or la Caisse des dépôts est une institution financière publique qui présente l'originalité d'être autonome à l'égard du pouvoir exécutif – Élysée, Matignon ou Bercy – et placée sous l'autorité du Parlement, laquelle est incarnée par la commission de surveillance. Celle-ci, présidée par un député, aujourd'hui Michel Bouvard, compte quatre autres parlementaires, dont un sénateur et un député de l'opposition – actuellement Nicole Bricq et Jean-Pierre Balligand.

En affirmant, sans consulter ces instances, que la Caisse participera à cette opération, le pouvoir exécutif foule aux pieds l'autonomie républicaine de la CDC en même temps qu'une fois de plus, il méprise les compétences du Parlement. Le Général de Gaulle ne déclarait-il pas que « le principe de la Caisse des dépôts, c'est son autonomie » ? Telle ne semble pas être la conception de Nicolas Sarkozy qui met en péril, par ses interventions intempestives, l'équilibre même des ressources qui assure la pérennité de la Caisse. En effet, si l'on fait la somme des fonds engagés à la fois dans le FSI voulu par le Président – 10 milliards –, dans le renflouement de DEXIA – 2 milliards –, dans OSEO, dans le plan de relance, ce sont plusieurs dizaines de milliards d'euros et plus de la moitié des fonds propres de la CDC qui ont été engagés sur ordre de l'Élysée.

Concernant le changement de statut, tant l'ampleur inattendue de la mobilisation citoyenne constatée dans le cadre de la votation, évoquée à l'instant par Frédérique Massat, que les sondages récents, démontrent l'opposition majoritaire des citoyens à tout projet de changement de statut de La Poste. Pour contourner cette mobilisation, vous voulez faire croire que le projet de loi prévoyant notamment l'entrée de la CDC au capital de La Poste garantirait le maintien durable de ce service public, alors que c'est exactement le contraire qui pourrait se produire.

L'article 1er du projet de loi est clair: « La personne morale de droit public La Poste est transformée à compter du 1er janvier 2010 – ce sera en fait le 1er mars – en une société anonyme dénommée La Poste ». Au-delà de la question de la propriété publique du capital, cette disposition signifie bien, en droit, une privatisation du statut et des modes de gestion de La Poste qui, devenant société anonyme, se trouvera soumise à titre principal aux dispositions du droit commun des sociétés commerciales – code du commerce, code monétaire et financier... Cette transformation, à elle seule, est lourde de sens et de conséquences puisqu'elle signifie la soumission aux normes et règles de gestion économiques, comptables et sociales des entreprises privées banalisées agissant dans le cadre d'un marché concurrentiel. Depuis trente ans, il n'est pas un exemple d'établissement public transformé en société anonyme qui n'ait été conduit à terme à une banalisation….

Je suis désolé que mes propos fassent rire les conseillers du ministre ! Mes collègues, qui se sont exprimés à plusieurs reprises, ne rient pas de la transformation de La Poste en société anonyme.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Ils n'ont pas à s'exprimer, même par des sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Attendons qu'ils arrêtent pour poursuivre le débat.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Cela fait vingt heures que l'on entend des âneries à cette tribune !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Que voulez-vous, c'est l'Assemblée, personne n'est obligé de venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Je suis calme, je ne passe pas mon temps à faire des revendications, mais franchement, cette attitude n'est pas correcte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Bapt, poursuivez. Mes chers collègues, écoutez l'orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Nous sommes en train de perdre du temps pour rien.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Pendant ce temps, La Poste n'avance pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

C' est mesquin. Je disais donc qu'il n'est pas un exemple d'établissement public transformé en société anonyme qui n'ait été conduit à terme à une banalisation et à une privatisation de sa gestion, c'est-à-dire à la disparition de ses missions publiques, quand ce n'est pas à sa disparition tout court, y compris en gardant parfois des actionnaires majoritairement publics – je citerai TDF, la CNP, la CAECL devenue CLF-DEXIA.

Vous affirmez, monsieur le ministre, avec la direction de La Poste, que les textes applicables interdisent à la Caisse des dépôts de souscrire à une augmentation de capital d'un établissement public et qu'il est donc nécessaire de modifier le statut de La Poste pour lui permettre de réaliser celle-ci. Ainsi, ce serait uniquement le projet de participation de la CDC au capital de la Poste qui justifierait sa transformation en société anonyme.

C'est en vérité exactement le contraire. La Caisse des dépôts, établissement public autonome du Gouvernement et, pour ce faire, placé sous le contrôle du Parlement, est notamment un investisseur d'intérêt général et de long terme qui, à l'appui d'un mandat public, peut investir pour renforcer les fonds propres ou soutenir les projets d'investissement d'une autre personne morale de droit public. Sans revenir à l'exemple de la CNP, de la CAECL ou d'EDF avant qu'elles ne soient transformées en SA, prenons l'exemple plus récent d'OSEO, EPIC agissant dans un champ hautement concurrentiel, qui regroupe la BDPME, l'ANVAR et la SOFARIS et que la CDC finance à plus de 40 %. Autre exemple, l'agence nationale de la rénovation urbaine, EPIC fortement financé par la Caisse des dépôts et d'autres opérateurs publics. Rien dans le droit interne ou dans le droit communautaire, rien non plus dans la « Doctrine d'investissement de la Caisse des dépôts » publiée en décembre 2008 après la promulgation de la loi LME, n'interdit à la Caisse d'investir dans un établissement public.

Il est même précisé en page 11 de cette « doctrine » que, « de par son positionnement historique, sa neutralité et son expérience au service de l'intérêt général, la Caisse des dépôts joue son rôle de tiers de confiance au service des acteurs publics et du développement local… Ces caractéristiques, associées à sa capacité d'investissement permettent de répondre de manière originale au financement de certains besoins collectifs ».

Il en va, au contraire, tout autrement quand la Caisse des dépôts intervient en qualité d'actionnaire dans un cadre de société anonyme banalisée.

Partenaire de !a Poste depuis plus d'un siècle, dans une logique de complémentarité de missions publiques, qu'il s'agisse de l'aménagement du territoire, de la lutte contre l'exclusion bancaire, de la collecte et de la centralisation de l'épargne populaire, la CDC pourrait parfaitement, dans le cadre d'un mandat public, investir dans le renforcement et la modernisation nécessaires des moyens de l'établissement public La Poste.

Vous prétendez que les missions publiques, les emplois, ne peuvent être menacés puisque les seuls actionnaires sont 100 % publics. Vous vous êtes même engagé personnellement, monsieur le ministre, à ce qu'un amendement interdise tout autre investisseur que la CDC. Mais il s'agit là d'une fausse garantie qui ne saurait durer éternellement.

Tout d'abord, bien sûr, parce que ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire, mais surtout parce que la qualité publique d'un actionnaire, qu'il s'agisse de l'État ou de la Caisse des dépôts, dès lors qu'il agit dans le cadre "banalisé" du capital d'une société anonyme soumise au code du commerce, n'induit pas un comportement fondamentalement différent de celui d'un actionnaire privé. Il en est ainsi de l'ensemble des filiales "concurrentielles" de la CDC à capitaux majoritairement ou totalement publics : ICADE – détenue à 60 % par la CDC –, qui fut un temps le premier bailleur social français et qui aujourd'hui cède la plupart de ses activités de services – 1500 salariés – et la totalité de son patrimoine de logements à vocation sociale – 500 salariés concernés – ou encore TRANSDEV, troisième réseau européen de transport en commun – détenu à 70 % par la CDC, plus de 40 000 salariés en Europe – que la CDC s'apprête à céder à son concurrent Veolia. Faut-il citer l'exemple du fonds stratégique d'investissement – FSI –, société anonyme détenue à 51 % par la CDC et à 49 % par l'État, dont la gouvernance est dominée par des grands patrons issus du privé et dont les premières actions d'investissement sont plus inspirées par des logiques d'allégeance aux marchés que par la défense de l'emploi industriel ? Citons les exemples de Valeo et de Trèves, ou encore le fonds de modernisation de l'industrie automobile, dont je vous avais parlé en particulier et qui a abandonné, avant votre arrivée, le site Molex de Villemur sur Tarn à ce prédateur américain en même temps que démarrait un plan social. Lorsqu'elle agit en investisseur privé, la Caisse des dépôts exige un rendement de ses actifs à peine inférieur à celui fixé par les autres investisseurs.

On peut lire, à la page 7 de la « Doctrine d'investissement de la Caisse des dépôts », que la CDC peut attendre un retour financier significatif de participations substantielles dans de grandes entreprises françaises dont la rentabilité est indexée sur la croissance mondiale.

On voit mal comment la Caisse, dès lors qu'elle investirait dans le capital d'une société anonyme, pourrait se voir interdire durablement la possibilité de céder tout ou partie de sa participation au capital de La Poste.

Voilà pourquoi votre engagement vaut peut-être pour la participation de l'État – je vous donne acte de votre bonne foi, monsieur le ministre – mais rien n'empêchera demain la Caisse des dépôts de céder ses participations au secteur privé. Voilà pourquoi nous dénonçons la privatisation comme un danger bien réel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

La loi ne le permettra pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le ministre, vous avez des pudeurs qui ne vous honorent pas. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) De quoi parlons-nous ? D'un texte pudiquement intitulé : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales. Or l'objet réel du texte se réduit au changement de statut de La Poste. Qu'est-ce qui justifie sa transformation en société anonyme ? La prise de participation de la Caisse des dépôts et consignations, opération aventureuse puisque la valorisation de La Poste n'est toujours pas complète.

Surtout, Jean-Pierre Balligand l'a montré de façon limpide,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…implacable, certes : rien ne justifie, et rien d'ailleurs ne garantit, la prise de participation de la Caisse des dépôts dans le capital de cette entreprise.

En effet, cet investissement de la Caisse des dépôts qui, selon le Gouvernement, implique la transformation de La Poste en société anonyme, est dû, si l'on en croit le rapport de M. Proriol, à la réglementation communautaire relative aux aides d'État, qui prescrit que « les apports de liquidités qui ne servent pas à couvrir le surcoût associé à des missions de service public et d'intérêt général, viennent d'acteurs se comportant en investisseurs avisés. Il s'agit donc de vérifier que les ressources apportées à ces entreprises sont similaires à celles que fournirait un investisseur privé opérant dans les conditions normales de l'économie de marché ».

Selon Jean-Pierre Balligand dont la démonstration, je le répète, est implacable, « comme aucun investisseur avisé ne mettrait d'argent dans une entité sans en attendre un retour financier, il faut, nous dit le Gouvernement, pour passer le test de l'investisseur avisé, transformer La Poste en société anonyme qui distribuera donc des dividendes ». CQFD. Les missions d'intérêt général, de service public de La Poste seront donc conditionnées à la rentabilité des activités pour les investisseurs futurs.

La faille de votre raisonnement est patente et ne trompe personne. Comme l'a dit, encore une fois, Jean-Pierre Balligand, il ne suffit pas que la Caisse des dépôts, comme vient de le démontrer Gérard Bapt, investisse dans La Poste, il faut que cela réponde à son intérêt. Or l'intérêt de la Caisse des dépôts et consignations n'est pas forcément d'investir ce que vous attendez d'elle dans La Poste, ce n'est même pas forcément son intérêt patrimonial, comme l'ont démontré de manière très précise et Jean-Pierre Balligand, et le président du conseil de surveillance de La Caisse, notre collègue Michel Bouvard.

La situation actuelle de La Poste montre que l'entreprise se prépare déjà à cette mutation, à la rentabilité accrue à laquelle elle va devoir se soumettre, aux capacités de séduction des investisseurs qu'elle va devoir manifester.

Hier, notre collègue Annick Le Loch a brièvement mais clairement dessiné les perspectives d'évolution des activités induites par la transformation de La Poste en société anonyme : « Demain, La Poste, société anonyme, cherchera à partir à la conquête de parts de marché à l'étranger, ce qui passera par des alliances capitalistiques et des prises de participation. Qui ne voit que cette plus grande souplesse financière impliquera tôt ou tard que l'État ne maîtrise plus l'évolution de l'entreprise, et que le vrai pouvoir ne tardera pas à se déplacer du côté des actionnaires privés cherchant à maximiser leurs dividendes ? »

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Nous étions là, hier, et nous avons entendu Mme Le Loch, il n'est donc pas nécessaire de relire son intervention !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Les socialistes ne cherchent qu'à gagner du temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

« Quant aux clients de La Poste, à l'instar de ceux d'EDF, de GDF et de France Télécom, qu'ont-ils vraiment à attendre de positif, à l'avenir, de tarifs totalement dérégulés ? »

Notre collègue Laure de La Raudière est gênée par ce rappel.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Et pourtant, l'intervention de Mme Le Loch est limpide, d'une grande simplicité. Tout le monde peut la comprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Vous ne faites que répéter les propos de vos collègues. Je voudrais entendre du Mazetier dans le texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Madame de La Raudière, merci de bien vouloir laisser Mme Mazetier terminer.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Puisque vous voulez entendre du Mazetier dans le texte, madame de La Raudière, je vais vous expliquer pourquoi La Poste se prépare déjà à être une entreprise capitalistique au mépris de l'emploi et au mépris de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

« Lavage de cerveau », c'est une insulte inacceptable ! Madame la présidente, il faut immédiatement saisir le bureau de l'Assemblée, ce que nous venons d'entendre est plus grave que le geste de Noël Mamère l'autre jour ! Je suis scandalisé ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Qui a parlé de lavage de cerveau ? Certainement pas notre collègue Sauveur Gandolfi-Scheit, ça ne lui ressemblerait pas...

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Madame la présidente, je demande que l'on décompte de mon temps de parole les interruptions qui fusent à cause de Mme de La Raudière et qu'elles lui soient imputées ainsi qu'au groupe UMP qui dispose encore d'un certain temps d'expression.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

C'est cela, prenons de la hauteur ! Chacun à son poste ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

J'en viens à mon arrondissement. Au mois de juillet dernier, j'interpellais votre ministre de tutelle, monsieur Estrosi, appelant l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur les suppressions d'emplois envisagées au centre de tri postal de Paris Charolais dans le XIIe arrondissement.

Et je vais me citer dans le texte, madame de La Raudière : « La direction de La Poste a récemment décidé la suppression de 10 des 40 rotations hebdomadaires de TGV postal sur l'axe Paris-Chalon-Cavaillon au départ de la gare de Lyon au profit » – je vous rappelle, mes chers collègues, que nous sommes en plein sommet de Copenhague – « d'un acheminement du courrier par camions affrétés par La Poste. » Vous entendez bien : par camions…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je poursuis : « Cette décision va engendrer la suppression de plus de 60 postes de travail localisés dans mon arrondissement avec la disparition programmée du service qui traite le Post Impact Retour – elle fera suite à la suppression de 35 postes de travail en 2008. En cette période de crise économique et d'augmentation continue du chômage, marquée par la disparition de quelque 5 000 emplois dans le XIIe arrondissement, cette décision aurait des conséquences dramatiques sur l'emploi et sur l'activité dans le XIIe arrondissement. En outre, substituer du transport routier à du fret est en totale contradiction avec l'engagement n° 37 du Grenelle de l'environnement »…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…« qui stipule une augmentation de la part du fret ferroviaire de 25 % d'ici à 2012, soutien au TGV fret prenant en compte les engagements de La Poste. »

Je sollicitais donc l'intervention de Mme Lagarde afin que soient maintenues les rotations du TGV postal entre Paris et Cavaillon au départ de la gare de Lyon pour préserver l'emploi et l'environnement. J'ai reçu une réponse début novembre, donc très largement après les délais convenus pour une réponse du Gouvernement à une question écrite d'un parlementaire. Cette réponse ne contient pas un mot sur l'emploi, comme si nous étions dans une situation de plein-emploi, comme si le service public, les entreprises publiques n'avaient pas une responsabilité directe, dans un contexte de crise, pour préserver, sinon créer des emplois…

À La Poste, aujourd'hui, à la faveur des mutations en cours, de la modernisation prétendument nécessaire, on supprime des emplois à la chaîne, dans le silence du Gouvernement.

Le peuple est en colère.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Le peuple est en colère et vous ne voulez pas l'entendre. Notre collègue Frédéric Massat a rappelé ce matin que de tous les départements de France s'est élevée une clameur…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…réclamant le maintien du statut actuel de La Poste.

Dans le XIIe arrondissement, plus de 8 000 de mes concitoyens ont participé à ce vote et, Frédéric Massat le rappelait,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…plus de 100 000 Parisiens ont demandé le maintien de ce statut. Pourquoi ? Ils ne sont pas concernés par les questions d'aménagement du territoireet d'exode rural ; il y a encore des bureaux de poste dans tous les arrondissements de Paris. Seulement, les Parisiens ont marqué leur solidarité avec leurs concitoyens et ont compris que derrière l'évolution de ce statut se profilait la privatisation, que vous le vouliez ou non. Le peuple vous dérange, donc vous ne voulez pas l'entendre.

Hier soir, pourtant, j'ai bien écouté le Président de la République, habilement interrogé par un unique journaliste, animateur d'une émission de divertissement, M. Denisot, devant qui le chef de l'État a évoqué un référendum, celui de 2005 sur le traité constitutionnel européen. Le résultat de ce référendum n'avait pas du tout correspondu à ce que certains souhaitaient. Vous savez comment s'exprime le Président – vous pouvez voir les images sur le site de Canal Plus – ; il a dit en substance : « On me disait : ça ne va pas ce résultat, il faut changer de peuple ! Alors non, on ne va pas changer de peuple, moi je ne suis pas d'accord avec ça, je suis pour écouter le peuple ! »

Écoutez le Président de la République, et écoutez le peuple qui s'est exprimé le 3 octobre dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Nous avons, nous, donné la parole au peuple sur cette question. Nous, parlementaires de l'opposition, sommes convaincus du caractère nocif de ce projet de loi ; mais nous avons voulu vérifier auprès du peuple que notre avis était partagé.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Plus de deux millions de nos concitoyens ont affirmé avec nous que La Poste devait garder son statut.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Plus de deux millions de nos concitoyens se sont prononcés contre le changement de statut de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Répéter un mensonge ne fait pas une vérité !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Vous prétendez que ce référendum n'était pas correctement organisé. Organisez-le donc !

Puisque Mme de La Raudière veut entendre du Mazetier dans le texte, je vais lui citer une partie de mes propos (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…auxquels elle a échappé puisque, comme l'ensemble de ses collègues de l'UMP, elle ne participe pas aux débats des journées d'initiative parlementaire quand elles sont consacrées aux textes présentés par les socialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il y a quelque temps, nous avons présenté une proposition de résolution relative à la mise en oeuvre de l'article 11 de la Constitution, en particulier du référendum d'initiative partagée, madame de La Raudière.

Je disais ce jour-là :…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

C'est vraiment le dictionnaire des citations…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

« Lors des travaux préalables à la révision de la Constitution en 2008, nous avons été plusieurs membres du groupe SRC à exprimer les espoirs que nous formions, et à dire qu'il fallait donner sa chance à cette révision constitutionnelle. »

J'avais en effet personnellement signé une tribune dans Le Monde, soutenant qu'il fallait donner sa chance à une réforme qui comportait des idées que nous, socialistes, défendons depuis de nombreuses années et qui pouvaient peut-être enfin aboutir.

Nous appelions, dans cette tribune, à des avancées majeures pour répondre à la personnalisation excessive de la vie publique, aux déséquilibres persistants des pouvoirs, aux atteintes au pluralisme, au discrédit des responsables politiques. Et, parmi ces avancées, figurait explicitement le référendum citoyen.

C'est d'ailleurs grâce à l'adoption, à la quasi-unanimité, de l'amendement n° 511 , brillamment défendu par un membre du groupe SRC, Arnaud Montebourg, que le référendum d'initiative partagée est désormais prévu dans notre Constitution.

Hélas, les intentions affichées au début de la révision constitutionnelle se sont évaporées une à une. Et la nouvelle respiration démocratique à laquelle nous aspirions a été étouffée par l'exécutif, piteusement. La nouvelle Constitution n'a d'ailleurs été adoptée, dans l'amertume, qu'à deux voix de majorité.

Ne demeure de ces espoirs que l'article 11 relatif à l'extension du référendum. Eh bien, c'est encore trop, pour l'exécutif, que cette possibilité d'expression partagée du peuple et de ses représentants ! Alors, il se hâte de ne rien faire, de ne pas présenter le projet de loi organique indispensable à la mise en oeuvre de ce référendum, et dont seul le Premier ministre a l'initiative. L'exécutif fait obstruction, et cela se voit. C'est pourquoi nous l'avons mis en garde. Il est dangereux et vain de faire obstacle à la volonté du peuple. Surtout, comme l'a dit Michel Vauzelle dans une formule étincelante, « en période de crise, le réel devient tranchant ».

Et le fossé ne cesse de se creuser entre le peuple et le pouvoir. L'actualité récente le rappelle. La clameur est montée jusqu'au sommet de l'État et des tours de La Défense. Alors, vous avez voulu faire diversion, et vous avez prétendu donner la parole au peuple en organisant le fameux débat sur l'identité nationale, qui donne lieu à tous les dérapages, à toutes les outrances.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Rien à voir ? C'est de l'expression du peuple qu'il s'agit. Vous savez que M. le ministre Estrosi a considéré, et il le confirmera probablement, que si ce débat avait eu lieu en Allemagne, si le peuple allemand avait pu être consulté, il n'y aurait pas eu la Shoah. Je sais que beaucoup d'entre vous ont jugé ce propos…(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

C'est un mensonge ! C'est honteux !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Écoutez, monsieur le ministre, les images sont là, vos citations sont là. Et vous avez même commis une tribune pour éclaircir votre expression hasardeuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cela vous dérange, quand on parle de donner la parole au peuple…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Madame Mazetier, veuillez poursuivre. Mes chers collègues, vous n'êtes pas là pour dialoguer avec l'orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je conclus en disant que nous avons prouvé que le peuple était contre le changement de statut de La Poste. Nous vous avons proposé d'organiser vous-mêmes un référendum d'initiative partagée. Encore une fois, comme l'a dit Victor Hugo, « rien n'est plus fort qu'une idée dont l'heure est venue ». Et l'heure est venue de mettre en oeuvre le référendum d'initiative partagée et de préserver le statut actuel de La Poste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Pourquoi transformer l'établissement public de La Poste en société anonyme ?

Écartons pour l'instant la seule véritable raison, c'est-à-dire la possibilité d'ouvrir ultérieurement son capital. Vous avez dit, monsieur le ministre, qu'elle était « imprivatisable ». Admettons-le pour un instant.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

C'est la cent soixante-deuxième fois qu'on entend la même chose…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Le changement de statut est-il imposé par l'Union européenne ? Non. L'Union européenne se limite à intervenir sur les conditions de la concurrence, mais n'impose aucune obligation sur le statut des entreprises. Comme l'a rappelé mon collègue Henri Jibrayel, la Cour de justice européenne a reconnu que les traités laissaient une grande latitude aux États pour permettre aux entreprises publiques d'assurer convenablement les missions de service public, a fortiori quand il s'agit d'établissements publics.

Est-il rendu nécessaire par l'évolution des conditions de la concurrence dans le secteur postal ? Non, même avec l'ouverture complète à la concurrence en janvier 2011. C'est un non-sens d'imaginer un seul instant que la concurrence postale pourrait ressembler à celle du secteur des télécommunications – secteur qui, lui, a connu une révolution technologique –, c'est-à-dire une compétition entre un petit nombre d'opérateurs européens qui se partageraient un marché européen. La Poste reste fondamentalement un service national de proximité. C'est d'ailleurs là, dans sa contribution à l'aménagement du territoire, dans sa mission de service bancaire ouvert à tous et dans un service postal couvrant tout le territoire, que prend tout son sens son statut d'établissement public, réalisant une mission de service public.

Je comprends que cela puisse être le rêve d'un patron de La Poste que de participer à la concurrence européenne, comme le font les présidents de grandes entreprises dans les télécommunications, mais je crois que cela ne correspond pas à la réalité économique du secteur.

Alors, vous avez trouvé cet argument du financement qui est quand même assez étonnant. Après tout, dans le droit européen, quand un établissement public exerce des missions de service public, le financement doit être naturellement public. Certes, la directive qui supprime le secteur réservé complique le financement, puisqu'il devra en partie être assuré d'une autre façon. Mais c'est, là encore, le rôle de l'État que de l'assumer.

Pour couvrir ce besoin de financement – que tout le monde est prêt à reconnaître – de 2,7 milliards, vous avez feint de considérer qu'il fallait changer le statut de La Poste afin de permettre à la Caisse des dépôts d'apporter sa contribution aux cotés de l'État, celui-ci n'apportant que 1,2 milliard, et la Caisse 1,5 milliard. Comme l'a très bien démontré mon collègue Balligand, le rôle de la Caisse des dépôts, dans cette affaire, est extrêmement discutable. Si elle intervient pour contribuer au financement, il faut qu'elle intervienne comme un « investisseur avisé ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Non, ce n'est pas le cas. Dans un secteur où le changement des modes de financement va conduire, si vous ne faites rien – et pour l'instant, rien n'est prévu –, à des pertes qu'il va falloir faire couvrir par le secteur public, on se demande quel intérêt patrimonial a la Caisse des dépôts à jouer ce rôle. La Commission européenne peut donc très bien considérer que, ce faisant, elle n'agirait pas en « investisseur avisé ». La vraie logique, c'eût été de maintenir un établissement public, avec un financement public.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Si ces deux raisons ne sont pas les vraies raisons du changement de statut, la seule qui ait un sens est celle que certains d'entre vous – peut-être pas vous, monsieur le ministre, qui êtes sûrement de bonne foi –, doivent avoir en tête, c'est-à-dire une ouverture du capital, qui conduira tôt ou tard à une privatisation.

Vous le contestez, mais nous avons des exemples de propos similaires, qui ne remontent pas à un passé très lointain : un ministre des finances expliquait, en 2004, que GDF ne serait jamais privatisée, ce qui s'est produit quelques années plus tard. Ce ministre des finances, comme vous le savez, c'est l'actuel Président de la République.

Il serait temps qu'en Europe on réfléchisse sérieusement à la dérégulation à laquelle on a procédé dans tous les secteurs. Dans certains secteurs, cela avait un sens, notamment dans ceux qui ont connu une révolution technologique. Dans celui des télécommunications, par exemple, il faut, effectivement, assurer les missions de service public d'une autre façon, parce qu'il est devenu concurrentiel, avec un certain nombre d'opérateurs européens. Les missions de service public doivent être organisées, au sein de ces opérateurs, avec un régulateur.

Mais est-ce le cas dans les autres secteurs ? Je me souviens, par exemple, des cours de Marcel Boiteux expliquant que l'électricité était un monopole naturel. Est-ce que cela a changé, aujourd'hui ? Non, il en va toujours ainsi. Y avait-il un sens à changer les règles dans le secteur de l'électricité ? Pas du tout. Il a fallu inventer une concurrence fictive entre des consommateurs à un endroit, des producteurs à un autre, comme si les électrons pouvaient passer d'un producteur bien déterminé à un consommateur bien déterminé… Pour introduire la concurrence dans ce secteur, avec cette idée folle qu'il fallait le faire partout, l'Europe a trouvé le moyen d'inventer des marchés fictifs !

Il faut s'arrêter une seconde sur ces marchés fictifs, qui ne correspondent à aucune réalité technologique. Les marchés fictifs, c'est aussi, en grande partie, ce que la finance n'a cessé d'inventer depuis la libéralisation d'il y a une vingtaine d'années ; et c'est aussi ce qui a conduit l'économie mondiale à la crise.

Alors, arrêtons ! Revenons au bon sens, y compris économique ! Dans le secteur de la poste, comme dans celui de l'électricité et dans beaucoup d'autres, il n'y a aucune raison de changer fondamentalement la façon dont sont assurées les missions de service public.

Et puis, puisque vous faites souvent appel à des économistes comme Joseph Stiglitz ou Amartya Sen, puisque le Président de la République les consulte pour parler du bien-être, il devrait aussi les consulter sur leur conception du service public. Joseph Stiglitz a écrit des textes tout à fait passionnants, montrant que, finalement, le modèle français de service public était peut-être beaucoup plus efficace…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…que la dérégulation qui a été appliquée par l'Union européenne après avoir été préconisée pendant des décennies par les économistes américains.

En tout cas, en ce qui concerne La Poste, je crois que nos concitoyens se sont très largement exprimés. Ils sont tous favorables, non seulement au maintien d'un statut public, mais à un établissement public, qui est la façon la plus naturelle d'exercer des missions de service public qui restent fondamentales.

Pourquoi n'avoir pas consulté nos concitoyens ? Après tout, il y avait une façon très simple d'appliquer la révision constitutionnelle. C'était, d'abord, de présenter au Parlement tous les projets de loi organique permettant de mettre en oeuvre toutes les dispositions nouvelles, y compris celle relative au référendum.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous aviez là une belle occasion de consulter nos concitoyens. Parce que, après tout, les services publics, c'est une décision que prend une nation, c'est une décision que prennent les citoyens sur ce qu'ils considèrent comme devant échapper au marché. C'est cela, la logique d'un service public. C'est à l'ensemble des citoyens de décider ce qui doit être un service public. C'est pourquoi, comme la majorité des Français, sur ce sujet fondamental, oui, nous voulons un référendum. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Craignant que le Gouvernement ait mal compris le sens du message adressé par mes collègues de l'opposition sur ce projet de loi, message qui fait écho à la réprobation populaire, je prends le risque de redire à cette tribune ce que vous avez déjà entendu, monsieur le ministre. Mais vous devez accepter les contraintes du temps global, comme nous avons dû accepter le temps contraint.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

L'objectif affiché de ce texte est donc de mettre La Poste en situation de s'adapter aux nouveaux défis auxquels elle est confrontée, tout en lui donnant les moyens d'améliorer les conditions d'exercice et la qualité de service de ses différents métiers. En voilà des bons mots, qui vont très vite devenir des gros mots.

Qu'en est-il de ce texte tel qu'il est issu du Sénat ? Tout d'abord, le processus d'ouverture progressive à la concurrence du secteur postal n'implique nullement le changement de statut de La Poste. Cela a été abondamment démontré lors des débats au Sénat. La Poste peut parfaitement s'adapter et se moderniser sous son statut actuel, d'autant qu'un très grand nombre de ses filiales sont déjà organisées en société anonyme.

Dès lors, on peut légitimement se demander si ce n'est pas le premier pas vers une privatisation qui ne dit pas son nom, du moins pas encore, un peu comme lorsque M. Sarkozy, il y a cinq ans, siégeant au banc du Gouvernement, nous jura la main sur le coeur que Gaz de France ne serait jamais privatisée. Tiens, déjà un gros mot…

Bien sûr, la majorité tente de justifier sa démarche en invoquant une condition nécessaire à la concurrence. La mission de cohésion et de service sur nos territoires va bien au-delà de l'aspect purement financier, et devrait justifier l'engagement des pouvoirs publics. Certains parlementaires, dans cet hémicycle, je pense tout particulièrement aux élus des zones rurales, connaissent ces problématiques par coeur. Ceux de l'opposition vous l'ont dit, monsieur le ministre, ceux de l'UMP n'ont pas osé vous en parler, mais ils pensent comme nous, du moins ceux qui ne survolent pas leur circonscription à 10 000 mètres d'altitude et les yeux bandés.

Acheminer le courrier, délivrer le service bancaire universel et assurer une présence sur l'ensemble des territoires ruraux et de montagne, mais aussi dans les zones urbaines sensibles, c'est une mission qu'aucune entreprise privée ne souhaitera jamais remplir parce qu'elle ne représentera aucune valeur ajoutée. On ne le sait que trop : les missions juteuses, c'est très bon pour le privé, les missions sacrées, c'est tout juste bon pour l'argent public.

Deuxième point, le changement de statut de La Poste en société anonyme ne garantit en rien la préservation du statut public de la banque postale. Il s'agit d'un élément tellement essentiel que j'ai tenu à appeler votre attention sur lui. En effet, dans la mesure où la loi de 2005 a filialisé les activités financières de La Poste, en créant la banque postale, elle permettait à tout moment la remise en cause de l'unité du groupe, problème que François Brottes et d'autres avaient soulevé à l'époque.

Il est patent que le risque d'un démantèlement de La Poste avec une vente par appartement est donc bien réel. Certes, avec l'aval du Gouvernement – je le signale, car il ne sert à rien d'occulter l'évidence – nos collègues sénateurs ont précisé que le changement en SA ne peut remettre en cause le caractère de service public national de La Poste. C'est dans ces circonstances, monsieur le ministre, que vous avez déclaré que La Poste était devenue imprivatisable. L'expérience devrait pourtant vous conduire à plus de prudence, car ce qu'une loi a fait, une autre peut le défaire. J'ai même entendu un député UMP l'avouer à cette tribune.

La prudence est d'autant plus de mise que de nombreuses inquiétudes se font jour quant au contrat de service public liant La Poste à l'État. Cette majorité et les précédents gouvernements de droite ont progressivement réduit le contenu des contrats de plan à leur portion congrue. Comment dès lors se prévaloir d'une vision à long terme et assurer le développement du projet industriel et de service public ?

Finalement, la mise en oeuvre de la dérégulation du secteur des services postaux ne saurait seule suffire à assurer les conditions d'un développement des services postaux. L'exemple des pays pionniers de la libéralisation et de la privatisation des services postaux ne laissent rien présager de bon pour l'avenir de La Poste.

J'en viens à l'aménagement du territoire. Je suis député d'un département de montagne, comme Frédérique Massat, qui vient de nous préciser l'impact de la votation citoyenne en France. Il y a bien longtemps que j'ai pu mesurer les difficultés et le retrait des services postaux sur notre territoire ariégeois. Hélas ! nous n'en avons pas l'exclusivité, car les élus de gauche et de droite sont nombreux à pâtir en montagne des méfaits de la dernière modification de La Poste, dont ils avaient d'ailleurs dénoncé les risques.

L'article 2 du projet de loi consacre les quatre missions de service public de La Poste. Bien que le Gouvernement se limite ici à transposer les obligations rappelées par la troisième directive postale européenne, cela n'apporte aucune garantie supplémentaire à partir du moment où le financement des surcoûts des missions de service public n'est pas assuré. Or, avec la fin du secteur réservé, programmée pour le 1er janvier 2011, acceptée et soutenue par les gouvernements UMP successifs depuis 2002, ce sont les moyens de financement du service postal universel qui vont disparaître. Et La Poste va se trouver opposée à des concurrents qui se positionneront sans le moindre scrupule sur les secteurs d'activité offrant la plus forte valeur ajoutée. C'est la règle, je le sais. C'est pour cette raison justement qu'il convenait de ne pas la changer.

Soyons clairs, monsieur le ministre, car, lorsque vous étiez député, vous étiez membre de l'association nationale des élus de la montagne, …

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je le suis toujours !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

… dont je relaie les craintes, mais probablement pas celles de notre rapporteur, M. Proriol, également élu de la montagne, mais qui a plus de certitudes que de craintes. Nous verrons à la fin qui a raison. Quoi qu'il en soit, une motion, dont je parlerai tout à l'heure, a été adoptée à l'unanimité à l'assemblée générale de l'ANEM.

Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : si les missions de service public de La Poste restent un dernier rempart face aux dérives prévisibles, on peut légitimement s'interroger sur l'avenir, à court et à moyen terme, de nos territoires en déprise. Qui, ici, peut mettre en jeu ses indemnités parlementaires sur le fait que ce changement de statut ne s'accompagnera pas, à terme, de mesures à la mauvaise rime : réorganisation, adaptation, concentration, disparition, entraînant fermeture de bureaux de poste, réduction d'effectifs et évaporation du service ? Ce qui est d'ailleurs déjà le cas.

Or nul ne conteste sur ces bancs que la présence postale territoriale doit rester une préoccupation majeure. Cette présence implique également des moyens, je le rappelle.

En effet, dans les zones de montagne et dans les zones à faible densité démographique – l'Ariège, comme la Haute-Loire, monsieur le rapporteur –, la présence postale est non seulement un vecteur de cohésion sociale, mais également un facteur essentiel de notre activité de maintien et d'ancrage de la population du territoire.

Je suis un élu de l'Ariège, département qui présente certaines spécificités, comme le proclament les articles 1er et 8 de la loi montagne de 1985. Pourtant, malgré les dispositions de la loi, le service public de La Poste est actuellement marqué par un certain nombre de dysfonctionnements. Tous les élus de ces départements, quelle que soit leur sensibilité politique, considèrent que la situation n'est déjà plus tenable.

Que constatent-t-ils ? Un tendance lourde qui consiste à déclasser les bureaux de poste de plein exercice. Frédérique Massat rappelait tout à l'heure qu'il y a cinq ans à peine notre département en comptait 90. Il en reste à peine une douzaine aujourd'hui, les autres se transformant en agences postales communales, à prendre ou à laisser pour les maires et les citoyens, comme un jeu de roulette russe.

Le schéma est classique : on commence par diminuer l'amplitude horaire du bureau de poste. Les gens, ne connaissant pas les jours d'ouverture du bureau, ont alors quelques difficultés à utiliser ce service, qui n'a dès lors plus de raison d'être conservé en l'état. Je pourrais évoquer le courrier, qui, pour parcourir en Ariège quelques dizaines de kilomètres, met – comme le fût du canon pour refroidir – un certain temps…

Comment s'assurer de l'existence d'un service postal de proximité pour tous et sur l'ensemble du territoire français, y compris là où cette activité n'est pas rentable financièrement, comme dans les zones rurales ou de montagne ? Quelles garanties apporte ce texte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Aucune ! Même si vous contestez l'incontestable, je n'aurai pas la cruauté de rappeler ici les exemples d'engagement sur l'honneur que telle loi ne toucherait jamais au socle de l'intérêt général. Vous savez, on a vu des rois épouser des bergères et partir des fusils qui n'étaient pas chargés. Alors, tout est éventuellement possible. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J'ai gardé pour la fin la spécificité des zones de montagne, dont les défenseurs zélés viennent de droite comme de gauche. Ce n'est pas préempter leur pensée de manière hasardeuse, monsieur le rapporteur, que de vous donner lecture ici des grandes lignes d'une motion adoptée à l'unanimité lors du congrès de l'ANEM, qui s'est tenu à L'Argentière-la-Bessée au mois d'octobre dernier. Il a été rappelé trois choses.

Premièrement, la montagne est un ensemble de territoires qui, du fait de leurs caractéristiques géographiques particulières, appellent des mesures spécifiques, notamment en matière d'accessibilité et de maintien des services publics. M. le Premier ministre l'a dit lors de l'installation du Conseil national de la montagne le 3 novembre dernier.

Deuxièmement, la présence postale constitue en montagne, plus que nulle part ailleurs, un facteur essentiel de maintien de la vie dans les bourgs et les villages.

Troisièmement, l'ANEM a défendu, au cours des débats déjà engagés, la nécessité de conforter avec précision le périmètre des missions des services publics de La Poste. L'Association nationale des élus de la montagne a précisé ces demandes : inscrire dans la loi les 17 000 points de contact, en précisant l'obligation d'implantation dans chaque canton d'au moins un bureau de poste de plein exercice. Un amendement avait été déposé à cet effet. Il est passé à la trappe de l'article 40, parce qu'il induisait des dépenses supplémentaires. Ici je crois rêver ! Vous en connaissez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, des services publics qui ne coûtent rien ? Quel sens donnez-vous à ces obligations de solidarité territoriale ? Je ne connais que trop votre philosophie en la matière : ces suppressions de dizaines de milliers de fonctionnaires, que vous décidez en klaxonnant ! Et vous venez nous dire ensuite, au détour d'une loi qui va faire entrer La Poste dans la logique du privé et du profit, que rien ne changera pour le service postal au village, pour le courrier, pour le lien social, pour les menues commissions à déposer chez un vieux monsieur ou chez une vieille dame… De qui vous moquez-vous ?

J'espère, monsieur le ministre, qu'en répondant à cette discussion très générale, vous nous confierez comment vous faites fonctionner un service public sans fonctionnaires et de plus avec l'appât du gain, qui deviendra le seul viatique de ses dirigeants sans états d'âme.

Je reprendrai rapidement la liste des requêtes de l'ANEM, pleines de mesure et de bon sens – si j'ai encore cinq minutes, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Nayrou, vous prenez le temps que vous voulez, puisqu'il s'agit d'un temps programmé.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Maintenir la distribution du courrier J + 1 au domicile, six jours sur sept, en tous points du territoire, afin de garantir l'égalité de traitement entre les usagers ; maintenir le tarif unique du timbre sur l'ensemble du territoire ; garantir l'avenir de la présence territoriale de La Poste en zone de montagne, en abondant de façon complète et pérenne les ressources du fonds national postal de péréquation territoriale ; sécuriser la validité des conventions instituant les agences postales communales, au regard notamment du droit européen de la concurrence…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

…et de la mise à disposition d'agents territoriaux ; maintenir l'accessibilité des guichets et la qualité des services en proposant des horaires d'ouverture compatibles avec le rythme de vie des habitants des communes de montagne.

Certaines de ces demandes ont été satisfaites. J'en prends acte avec le même esprit de franchise et de sincérité que celui qui me guide quand je critique vos décisions.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Et que je vous reconnais !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Dernier point : consulter les commissions départementales de présence postale sur la définition des conditions que doivent remplir les divers points de contact, au sens général du terme, pas seulement les points de contact commerciaux, que je réprouve sur le fond.

Je rappelle que le contrat d'objectifs et de progrès prévoit la mise en oeuvre d'une concertation locale rénovée et renforcée. C'est dans ce cadre qu'une commission départementale de présence postale territoriale a été créée dans chaque département. Le décret du 25 mars 2007 a précisé la composition, les attributions et le fonctionnement de ces commissions départementales. Au vu de leurs attributions, il semble évident que ces commissions doivent être consultées lors de tout changement dans le service universel, ce qui est loin d'être le cas – ce qui me fait dire parfois que ces commissions ressemblent à des commissions Théodule.

Enfin, préciser les moyens octroyés par l'État pour atteindre les objectifs des quatre missions de service public et d'intérêt général de La Poste.

Si le monde était bien fait, nul – ni le Gouvernement, ni la majorité UMP – ne devrait, pour le bien de gens simples, accrochés à leur vie simple sur un bout de terrain pentu, empêcher le maintien d'un bureau de plein exercice dans un canton rural ou de montagne au prétexte qu'il coûterait juste un peu à la solidarité nationale, mais tout de même moins qu'un Rafale, qu'un sondage ou qu'un morceau de bouclier fiscal…

Avant de regagner mon banc, puis mes montagnes enneigées, je vais vous faire l'aveu, monsieur le ministre, que je n'accorde que peu de crédit à votre loi pour donner sens et noblesse au Service Public. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma