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Séance en hémicycle du 16 janvier 2008 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • implication
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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (no 292, no 450).

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi qui vous est présenté ce soir est important. Pour commencer, la France a joué un rôle moteur dans l'adoption des directives que ce texte vise à transposer, du fait notamment du poids de ses coopératives au niveau européen. Par ailleurs, nous préparons actuellement la présidence française de l'Union européenne du second semestre de 2008. Or, c'est sous la précédente présidence française, lors du sommet de Nice de décembre 2000, qu'a été acté le statut de la société coopérative européenne, en même temps que celui de la société européenne.

Ce projet de loi a pour objet la transposition en droit français de deux directives européennes de 2002 et 2003, la première relative à l'implication des travailleurs dans la société coopérative européenne, la SCE, la seconde à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur.

J'aimerais rappeler ici l'importance des coopératives pour notre économie. Qu'elles soient de taille modeste ou d'envergure internationale, les coopératives sont présentes dans le monde entier et couvrent l'ensemble des secteurs économiques. Elles peuvent être créées par des consommateurs, par des salariés qui veulent assumer collectivement la fonction d'entrepreneur ou encore par des producteurs et des travailleurs indépendants qui souhaitent conserver leur autonomie tout en rassemblant leurs compétences et leurs moyens financiers.

La coopérative, c'est aussi l'expression de valeurs fortes : la solidarité, la responsabilité personnelle et collective, mais aussi la démocratie et l'égalité qui caractérisent son fonctionnement. Celui-ci est régi par des règles qui trouvent leurs racines au XIXe siècle et qui ont été largement reprises dans le statut de la coopération, adopté dans la loi de 1947. En 2001, a été créé le statut de société coopérative d'intérêt collectif, soulignant ainsi la vitalité de cette forme d'entreprise, qui répond à des enjeux économiques et sociétaux forts.

En France, plus de dix millions de personnes adhèrent à une ou plusieurs sociétés coopératives dans les secteurs les plus divers : l'agriculture, la banque, l'artisanat, le commerce et la distribution, mais aussi la pêche, le logement ou le transport routier. Dans notre pays, le monde coopératif représente 21 000 entreprises qui comptent 700 000 salariés, pour un chiffre d'affaires total de plus de 100 milliards d'euros.

En 2002, le Conseil des ministres de l'Union européenne a salué la modernité et l'efficacité de la forme coopérative pour le développement économique et social de l'Union,…

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

…et a adopté un statut de société coopérative européenne. C'est la directive qui régit l'implication des salariés dans cette société qu'il vous est proposé de transposer aujourd'hui.

La SCE permettra aux coopératives d'exercer leurs activités dans l'ensemble du marché intérieur au sein d'une même structure, avec une seule personnalité juridique et suivant une réglementation unique.

Le statut de la SCE va donc faciliter le développement des activités transnationales des coopératives en leur permettant d'opérer dans toute l'Union, sans avoir à créer un réseau de filiales relevant du droit national de chaque pays d'implantation, ni à dissoudre une société pour en recréer une nouvelle en cas de transfert du siège de l'entreprise.

Outre cette facilité nouvelle offerte aux coopératives, ce projet de loi détermine les règles d'information, de consultation et de participation des salariés au sein de la SCE. Il doit ainsi permettre à nos coopératives nationales de mieux atteindre une dimension communautaire, tout en leur permettant de conserver leurs spécificités sociales, héritées d'une longue histoire.

Quant au processus de constitution des SCE, un projet de loi relatif au droit des sociétés devrait être présenté en conseil des ministres dans les prochaines semaines, afin de rendre pleinement applicables les dispositions du règlement européen qui traitent de ce point.

Ce texte respecte scrupuleusement le contenu de la directive européenne, qui ne nous laisse qu'une faible marge de manoeuvre, et il permettra à la France d'accueillir les projets de coopératives européennes qui ne peuvent pas, pour l'instant, voir le jour dans notre pays. Actuellement, en effet, les porteurs de projet préfèrent s'établir dans les pays de l'Union où les textes européens sont déjà en application, en raison des contraintes qui leur sont imposées en France où ils se trouvent obligés de procéder soit par fusion, soit par création d'une société spécifique.

Le projet de loi transpose également la directive du 23 septembre 2002 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, qui vient préciser les règles de paiement des créances impayées détenues par les employés d'une entreprise. C'est, là aussi, un point essentiel, car le droit des procédures collectives doit s'adapter au fait que l'activité des entreprises dépasse bien souvent les frontières d'un seul État. En effet, l'insolvabilité d'une entreprise transnationale a des conséquences importantes en termes économiques et sociaux et nous devons simplifier au maximum les procédures au bénéfice de tous les acteurs, à commencer par les salariés. Tel est l'objet de ce texte.

Dès le début des années 1980, un système particulier avait été institué pour garantir les droits des travailleurs des entreprises transnationales en cas d'insolvabilité de leur employeur. C'est pour modifier ce système, qui s'était révélé incomplet, que le Parlement européen et le Conseil ont adopté la directive 200274CE du 23 septembre 2002, dont nous devons aujourd'hui transposer les articles 8 bis et 8 ter en adoptant le projet de loi.

L'article 8 bis dispose que, dans l'hypothèse d'une faillite transnationale, l'institution qui doit garantir les créances salariales impayées est celle de l'État membre sur le territoire duquel le salarié exerce ou exerçait habituellement son travail. La transposition de cette mesure reprend la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes et elle apportera une plus grande sécurité juridique aux salariés. Elle assurera également un traitement plus rapide des dossiers, en évitant aux salariés de devoir porter leurs affaires devant le juge communautaire, les dernières procédures de ce type ayant abouti près de trois ans après la faillite – sans compter le délai effectif de paiement des créances...

Mesdames, messieurs les députés, les situations que je viens d'évoquer ne sont pas des cas d'école et elles ne concernent pas seulement les autres. C'est pourquoi le projet de loi vient clarifier les choses. Désormais, le syndic ou l'équivalent du mandataire ou du liquidateur judiciaire étranger établira un relevé de créances qu'il transmettra à l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, autrement dit l'AGS. Au vu de ce « bon à payer », celle-ci avancera les sommes directement au salarié dans les huit jours. Elle prendra ensuite le rang de créancier à la place du salarié dans la procédure étrangère.

Cette avance directe des créances au salarié résulte d'un amendement du Sénat, car la procédure nationale habituelle ne met pas directement en relation l'AGS et le salarié créancier. Les fonds transitent par l'intermédiaire du mandataire ou du liquidateur. C'est ce modèle que le projet de loi voulait reproduire, mais le Sénat a estimé, à juste titre, que cette procédure était trop lourde et trop longue, d'autant qu'aucun délai de reversement ne pouvait être fixé pour obliger un syndic ou un professionnel étranger d'un autre État membre. Ce souci de rapidité vaut également pour nos mandataires et liquidateurs nationaux, qui devront reverser immédiatement au salarié concerné l'argent qu'ils auront perçu d'un organisme de garantie européen équivalent à l'AGS.

Le projet de loi contient en outre une disposition relative à l'échange d'informations entre organismes de garantie des États membres. Là encore, le Sénat a allégé l'obligation de l'AGS en la matière. En effet, le projet de loi présenté par le Gouvernement prévoyait que celle-ci répondrait à toute demande sur la réglementation des procédures collectives, les règles de licenciement et les organismes sociaux collecteurs de cotisations ou de contributions sociales. Or le Sénat a estimé plus sage que l'AGS s'en tienne aux informations touchant à son coeur de métier.

Aujourd'hui, la pratique professionnelle permet déjà le recouvrement des créances puisque, depuis 2002, l'AGS a versé 4,5 millions d'euros d'avance à un peu moins de 700 salariés. Cependant, ce recouvrement se faisait jusqu'ici de façon empirique et aléatoire et occasionnait pour les salariés des procédures longues et souvent coûteuses. C'est à cela aussi que nous allons mettre fin avec ce texte.

Mesdames, messieurs les députés, sous une apparence technique, ce projet permettra à tous les salariés de voir leurs droits effectivement garantis en cas de défaillance de leur employeur. Il s'agit d'une étape supplémentaire dans la construction de l'Europe sociale, car c'est en améliorant la protection des salariés, où qu'ils travaillent en Europe, que l'on pourra favoriser la mobilité de la main-d'oeuvre, et, au final, contribuer au développement de nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La parole est àM. Daniel Fasquelle, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le présent projet de loi, adopté par le Sénat en première lecture et soumis aujourd'hui à l'Assemblée nationale, tend à transposer en droit français les dispositions de deux directives communautaires relatives respectivement à l'implication des travailleurs dans la société coopérative européenne et à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur. Ce texte a été complété au Sénat par un article additionnel destiné à tirer les conséquences, dans notre droit national, d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes.

Je ferai trois remarques liminaires.

Tout d'abord, il faut se réjouir que ces deux directives soient enfin introduites dans le droit positif et souhaiter qu'à l'avenir, la France soit plus vigilante en ce qui concerne le respect des délais de transposition. Ensuite, on peut regretter la trop grande complexité des textes qui nous sont soumis, mais elle est due à la fois à la nature du travail d'élaboration de la norme communautaire et à la difficulté de rapprocher les points de vue en matière sociale en Europe. Enfin, la transposition de ces deux directives dans un même projet de loi nuit à la clarté de la discussion. Ce n'est pas ainsi que l'on suscitera l'intérêt pour le droit communautaire, y compris dans cette enceinte.

Ce texte n'en présente pas moins une certaine cohérence dans la mesure où il aborde tout à la fois la création, la vie et la disparition des sociétés. À cet égard, on peut se réjouir de voir apparaître une nouvelle forme sociale de droit communautaire. Par contre, si ce projet de loi traite d'un aspect important de la faillite des entreprises, il serait souhaitable que le droit européen s'intéresse davantage, à l'avenir, aux difficultés des sociétés et à leurs conséquences.

J'en viens aux trois volets du projet de loi.

La directive du 22 juillet 2003 complétant le statut de la société coopérative européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs vise à établir le cadre juridique pour l'information, la consultation et la participation des salariés dans la société coopérative européenne, dont le statut a été établi par un règlement en date du même jour.

Cette transposition intervient, certes, avec retard, puisque l'échéance était fixée par la directive au 18 août 2006, il y a plus d'un an. Mais, au regard des attentes du monde coopératif et des avancées en termes d'harmonisations statutaires que cette transposition permet, il faut se féliciter que ce projet de loi vienne enfin en discussion dans notre hémicycle.

À la veille de la présidence française, il convient de rappeler que la France a joué un rôle important dans l'adoption de cette législation.

Compte tenu du poids des coopératives françaises en Europe, la transposition de cette directive revêt une importance particulière pour notre pays. Symboliquement, elle arrive au moment où nous célébrons le soixantième anniversaire de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.

En France, le monde coopératif est composé de 21 000 entreprises qui emploient 700 000 salariés. Dans l'Union européenne à quinze, on comptabilise quelque 300 000 coopératives – sur un total de plus de 20 millions d'entreprises – représentant 2,3 millions de salariés. Ces quelques chiffres, qui montrent l'importance de cette forme sociale, doivent être accompagnés d'une appréciation plus qualitative sur l'impact économique et social de l'action des coopératives.

La loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération qui régit encore aujourd'hui le statut des coopératives en France, assigne ainsi aux coopératives trois objectifs principaux : la réduction du prix de revient et du prix de vente de certains produits ou de certains services ; l'amélioration de la qualité marchande des produits fournis à leurs membres ou de ceux produits par ces derniers et livrés aux consommateurs ; la satisfaction des besoins et la promotion des activités économiques et sociales de leurs membres ainsi que leur formation.

Au regard de ces enjeux, le statut hétéroclite des coopératives en Europe et parfois même au sein d'un seul État constitue sans aucun doute un obstacle à leur développement dans le marché intérieur. D'où l'intérêt de la création de cette nouvelle forme de société au plan européen.

Sur le plan juridique, le statut de la société coopérative qui nous est soumis s'inspire très fortement de celui de la société européenne, créée par un règlement du 8 octobre 2001, assorti d'une directive du même jour qui traite de l'implication des travailleurs. La coexistence de deux instruments juridiques, s'agissant de la société européenne comme de la société coopérative européenne, est liée au fait que la question de la représentation des travailleurs a longtemps constitué un point de blocage dans l'élaboration du statut de ces deux sociétés, en raison de la diversité des modèles de représentation des différents États.

La directive du 22 juillet 2003 sur la coopérative européenne vise donc à assurer la protection des travailleurs en favorisant leur implication dans une société dont les mécanismes de fonctionnement sont précisés dans le règlement du même jour.

Si l'objectif d'implication des salariés n'est pas nouveau au plan communautaire, ce dont témoigne par exemple la directive du 22 septembre 1994 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen, le modèle d'implication des travailleurs qui prévaut dans le cadre de la SCE est assez novateur, puisqu'il a été utilisé pour la première fois lors de la création de la société européenne en 2001. Dans ce cadre, on entend par « implication » le fait qu'il y ait à la fois information, consultation et participation des salariés.

La détermination des modalités de l'implication est fondée, dans la directive, sur la négociation et le dialogue social : un groupe spécial de négociation représentant les salariés doit être obligatoirement créé lors de la constitution d'une SCE. Il a vocation à engager une négociation avec les dirigeants de la société afin d'établir des règles d'implication des travailleurs. Au terme d'une procédure d'une complexité qu'il est difficile de passer sous silence, mais qui se justifie par la nécessité de trouver des compromis eu égard à la diversité des situations nationales en la matière, trois situations peuvent se présenter : ou bien le groupe spécial de négociation fixe avec les organes de direction ou d'administration compétents, par un accord écrit, les modalités d'implication des travailleurs dans la SCE et celle-ci est alors immatriculée ; ou bien les négociations ne conduisent pas à un accord et le groupe spécial de négociation décide d'appliquer la législation nationale existante, faute de quoi ce sont des dispositions « de référence » qui le sont à titre supplétif ; ou bien enfin le groupe spécial de négociation peut décider de ne pas engager de négociations et d'appliquer la réglementation en vigueur dans l'État où la société coopérative européenne emploie des salariés.

La directive transposée par le présent projet de loi reprend, de façon très proche, les termes de celle du 8 octobre 2001 sur l'implication des travailleurs dans la société européenne. Aussi les dispositions qui nous sont soumises aujourd'hui reprennent-elles souvent celles qui figurent dans le code du travail au sujet de la société européenne.

Il convient de noter que le volet juridique relatif aux règles de droit commercial applicables à la SCE est l'objet d'un second projet de loi, visant à adapter le droit français en vue d'une application effective du règlement du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne. Ce projet a été déposé sur le bureau de notre assemblée début novembre 2007.

Lors de la première lecture au Sénat, un certain nombre de modifications rédactionnelles ont été apportées au projet, afin d'en améliorer la cohérence globale. Le texte soumis à l'Assemblée nationale est aujourd'hui convaincant tel qu'il est. Tout au plus peut-on s'interroger sur la mise en oeuvre pratique de ces nouvelles dispositions, dont il faut, une fois encore, reconnaître la complexité. Quelle application effective en sera-t-il fait dans le cas français ? C'est là une question à laquelle il est difficile de répondre aujourd'hui.

Le deuxième volet du projet de loi est relatif à une directive du 23 septembre 2002 modifiant la directive du 20 octobre 1980 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur. Là aussi, nous avons quelque retard, puisque le délai laissé aux États membres expirait au 8 octobre 2005.

Quel est l'enjeu ? Vous savez qu'il existe depuis 1974 dans notre pays un dispositif dit de garantie des salaires, géré par l'AGS, qui garantit les salaires et les indemnités de licenciement des salariés en cas de procédure de redressement ou de liquidation de leur entreprise. En 1980, une directive, inspirée notamment du modèle français, a fixé un certain nombre de normes minimales applicables aux institutions de même nature dans les différents États membres. En 2002, cette directive a été complétée, principalement pour traiter des situations transnationales – bizarrement oubliées dans le texte de 1980 –, c'est-à-dire des salariés travaillant dans un pays de l'Union et dont l'employeur a son siège dans un autre. La règle posée est que, dans le cas d'une entreprise communautaire défaillante, c'est le lieu d'exercice du travail de chaque salarié qui détermine exclusivement l'institution de garantie compétente et non la localisation de l'entreprise – laquelle détermine pourtant, selon le règlement du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, le lieu où la procédure de faillite doit être conduite. Ainsi, par exemple, le salarié en France d'une entreprise britannique aura droit à la garantie de l'AGS française et non à celle de son équivalent britannique. Cette option ne fait d'ailleurs que confirmer la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes.

Étant donné que le droit français est déjà l'un des plus protecteurs des salariés en Europe, la transposition de la directive n'a pas, dans notre pays, les mêmes conséquences que dans d'autres États membres. Il en va ainsi, notamment, pour ce qui est des travailleurs concernés et pour le montant de la créance salariale pris en compte. Il n'en reste pas moins que la transposition présente un intérêt en ce qu'elle précise ou renforce les droits des travailleurs salariés ainsi que les obligations incombant à l'AGS. Le projet de loi prévoit ainsi que la garantie de l'AGS est étendue aux salariés transfrontaliers et qu'elle aura sensiblement le même champ que la garantie de droit commun accordée aux salariés des entreprises dont le siège se trouve en France.

Par ailleurs, afin de prendre en compte les délais éventuellement plus longs dans des procédures étrangères, il est également prévu de couvrir les indemnités de licenciement dès lors que celui-ci a lieu dans les trois mois suivant le jugement arrêtant le plan de redressement ou de cession ou ordonnant la liquidation. Il faut en effet rappeler que le droit commun a retenu des délais plus brefs – un mois ou quinze jours. C'est donc, là aussi, une évolution favorable aux salariés.

Par ailleurs, suite à un amendement du Sénat, il est prévu que l'AGS versera directement les avances aux salariés, sans transiter par le syndic de l'employeur défaillant, alors que le droit commun prévoit l'avance de ces sommes au mandataire judiciaire, qui les reverse ensuite aux salariés. C'est là aussi, un progrès proposé par le Sénat, que la commission a souhaité conserver.

Enfin, certaines obligations nouvelles sont instituées en matière d'échange d'informations : l'AGS devra répondre aux demandes d'informations en provenance des institutions comparables des autres États membres ; les mandataires ou liquidateurs français devront transmettre aux institutions de garantie des autres États membres les relevés de créances impayées leur permettant de rembourser les salariés. Il s'agit de l'hypothèse de procédures collectives contre des entreprises françaises ayant des salariés dans d'autres États membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Le troisième point sur lequel le présent projet de loi modifie, suite à un ajout du Sénat, le droit du travail, pour tenir compte d'un arrêt de la Cour de justice en date du 15 juin 2006, est de portée sectorielle. Je ne m'étendrai pas sur ce point, déjà exposé par Mme la secrétaire d'État.

En conclusion, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a approuvé le texte dans sa version issue du Sénat et vous invite à l'adopter en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Vampa.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Vampa

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui constitue un pas de plus vers la construction de l'Europe sociale. Un pas tardif, certes, puisque ces transpositions auraient dû intervenir, respectivement, depuis le 18 août 2006 et le 8 octobre 2005.

L'Europe sociale ne se décrète pas à l'abri des regards, au fond de bureaux bruxellois. Elle est avant tout un objectif, un idéal dont les acteurs nationaux doivent savoir nous saisir pleinement s'ils veulent pouvoir lui donner une réalité. À l'image de ce qui a prévalu pour ces directives, l'Europe sociale, dont nous voulons voir le visage se préciser toujours davantage, se construit au travers d'échanges transversaux entre les nations et l'Union européenne.

Face à un marché du travail mondialisé, l'Europe paraît être le seul niveau pertinent à même d'apporter une réponse sécurisante et cohérente. Les directives que le projet de loi vise à transposer en prennent acte et, derrière des aspects nécessairement techniques, apporteront aux salariés français une sécurité accrue.

Deux directives nous sont en effet soumises au sein d'un même texte. La première de ces directives a pour objet une définition de l'implication des travailleurs dans la société coopérative européenne. Elle est, avant tout, l'aboutissement d'un travail important mené par nos acteurs nationaux – économiques et institutionnels – auprès de l'Union européenne. Aujourd'hui, il nous revient donc d'achever ce pas en avant vers davantage d'Europe sociale.

La directive propose ainsi un dispositif qui satisfait à notre principe de dialogue social, en précisant que les modalités d'implication des salariés au sein de la société coopérative européenne sont négociées par ces derniers avec les dirigeants. Elle impose en outre un examen par les représentants des salariés de la nécessité d'une réouverture des négociations au bout de quatre ans, dans les cas où des dispositions ont dû être appliquées. Le dispositif prévu par la directive ne s'applique, en fait, qu'en cas d'échec de ces négociations : un organe de représentation des salariés est alors créé, qui sera consulté sur les questions relatives à l'ensemble de la SCE ou qui ont un caractère transnational.

Afin de compléter la souplesse de ce dispositif, il est prévu la possibilité pour les représentants des salariés de décider de ne pas conclure d'accords et de « se fonder sur la réglementation relative à l'information et à la consultation qui est en vigueur dans les États membres où la société coopérative européenne emploie des salariés » ; l'information et la consultation des salariés se font alors uniquement au niveau de chaque État. Cette dérogation demeure néanmoins soumise à des conditions strictes de majorité.

La France a joué un rôle essentiel dans la promotion européenne de ce modèle qui réunit des principes de fonctionnement et des valeurs auxquelles nous sommes tous attachés : démocratie, responsabilité, solidarité et équité. La forme coopérative donne à l'entreprise un visage humain en même temps qu'une prise directe avec le niveau d'application et d'exécution des orientations et décisions prises. C'est ce qui explique en grande partie le succès des sociétés coopératives dans notre pays : depuis 1947, année de l'adoption du statut de la coopération, ce sont ainsi 21 000 entreprises, réunissant 700 000 salariés et comptant plus de dix millions d'adhérents, pour un chiffre d'affaires de plus de 100 milliards d'euros. Elles sont 288 000 environ en Europe, pour 5 millions de salariés et 60 millions de sociétaires. Cela n'est donc pas si marginal.

La volonté de l'Union européenne d'adopter en 2002 un statut européen pour ces sociétés témoigne de la modernité et de l'efficacité de ce modèle. Les sociétés coopératives se voient offrir la possibilité de s'adapter aux transformations de notre économie. Le niveau pertinent de l'activité économique est devenu, pour l'essentiel, régional ; ce texte simplifie grandement l'essor des activités transnationales en épargnant aux sociétés coopératives des montages administratifs complexes. Cette simplification permettra, de fait, aux entreprises de taille moyenne d'oser davantage le défi de l'expansion européenne.

Les sociétés coopératives sont un modèle qui s'étend de manière transversale à l'ensemble de nos secteurs économiques.

Elles peuvent être le fait de salariés ayant eu la volonté de partager collectivement la responsabilité de la direction de l'entreprise. Nombreuses sont celles qui procèdent du rassemblement des compétences et moyens financiers par des producteurs et travailleurs soucieux de conserver leur pleine autonomie. D'autres, enfin, sont créées par des consommateurs de biens et de services. Les plus importantes en France sont des sociétés de crédit dont nous avons pu constater la pérennité : Crédit agricole, Banques populaires, Caisses d'épargne et de prévoyance, entre autres.

La seconde directive ici transposée apporte des garanties aux travailleurs salariés lorsque leur entreprise, dont le siège social se situe dans un autre pays européen. serait confrontée à une faillite. Depuis 2002, près de 700 salariés ont en effet été victimes de faillites d'entreprises dont le siège est situé à l'étranger. Il était donc impératif de déterminer l'institution de garantie compétente pour payer les créances, en lieu et place de l'employeur devenu insolvable, en l'occurrence l'AGS, l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés.

Une modification du Sénat a même permis de simplifier davantage encore et d'accélérer le paiement de ces créances, en supprimant le transit des sommes dues au salarié via le syndic de faillite situé dans le pays étranger.

Le texte définit, en outre, les obligations de l'AGS en matière d'information des salariés : communiquer la réglementation applicable en cas de mise en oeuvre d'une procédure, les règles de licenciement en pareil cas, et les démarches à accomplir pour le paiement des cotisations et des contributions sociales. Des garanties supplémentaires sont ainsi apportées aux salariés, tandis que le modèle coopératif, qui nous est cher, se voit ouvrir des perspectives plus fonctionnelles à l'échelle européenne.

Ce n'est pas en tournant le dos à l'Europe que nous construirons un modèle conforme à notre idéal. Au contraire, ces directives doivent nous inciter à nous investir, nous, acteurs politiques nationaux, au coeur de l'Europe politique si nous voulons donner au projet européen le visage social et humain que nous défendons.

Ce projet de loi l'illustre bien en proposant de transposer deux directives utiles à nos salariés. Le groupe Nouveau Centre votera en faveur de cette transposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Madame la présidente, mes chers collègues, après les interventions brillantes et claires de Mme la secrétaire d'État et du rapporteur, sans doute serai-je amenée à répéter… En tant que porte-parole du groupe UMP, je ne peux en tout cas que me réjouir de la venue à l'ordre du jour de ce projet qui a pour objet de transposer deux directives communautaires dans notre droit interne. Comme cela a été dit, nous comblons ce soir un retard, puisque l'une de ces directives aurait dû être transposée avant le 18 août 2006 et l'autre avant le 8 octobre 2005. En outre, ces deux directives traitent, certes, de sujets différents mais ont un but commun, que l'on ne peut que soutenir, à savoir la protection des travailleurs.

La première directive complète le statut de la société coopérative européenne afin d'organiser les modalités d'implication des travailleurs dans sa gestion, c'est-à-dire les procédures d'information et de consultation des salariés, mais aussi l'éventuelle participation des représentants des salariés aux organes dirigeants de la coopérative.

Ce texte donne la priorité au dialogue social puisqu'il dispose que les dirigeants de la coopérative négocient, avec les représentants des salariés, les modalités de leur implication dans la société coopérative européenne. Il permet d'éviter que les droits à représentation des salariés des entités constituantes ne soient rognés. Ainsi, un certain nombre de règles protègent les formes de représentation des salariés préexistantes à la constitution de la SCE.

Mes prédécesseurs l'ont déjà rappelé : le phénomène coopératif joue en France un rôle économique non négligeable, notamment dans le domaine des établissements de crédit, et emploie 700 000 salariés. En votant ce projet de loi, nous allons faciliter le développement des coopératives à l'échelle européenne en leur permettant d'opérer partout à partir d'une personne morale unique. Nous allons donc permettre aux coopératives françaises de développer leurs activités transnationales mais aussi à notre pays d'accueillir des structures qui ont tendance, actuellement, à s'implanter là où les textes européens sont déjà en application. Il est par conséquent urgent de voter ce texte qui va favoriser le développement et la pérennisation de ces structures fondées le plus souvent sur des valeurs auxquelles nous tenons tous, à savoir la solidarité, la proximité et l'égalité.

La seconde directive vise à mieux garantir le paiement aux salariés de leurs salaires et indemnités lorsque l'employeur, installé dans un autre État membre, est devenu, hélas ! insolvable. Ce texte actualise, en y apportant des améliorations, une directive du 20 octobre 1980.

En France, l'institution chargée d'apporter cette garantie est l' AGS, association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, créée dès 1974 et que les chefs d'entreprise notamment connaissent bien. Notre pays a donc été pionnier en la matière puisque la directive européenne demandant à chaque pays de mettre en place ce type de structure est venue bien après : une fois de plus, la France aura été à l'avant-garde de l'Europe sociale. Compte tenu de notre avance en ce domaine, ce texte impose à la France moins de nouvelles adaptations que dans d'autres pays européens plus en retard.

Le principal effet de la directive sur notre droit national réside dans l'obligation de préciser que les salariés, liés par un contrat de travail conclu avec une entreprise située à l'étranger n'ayant pas d'établissement en France, voient leurs salaires garantis par l'AGS, structure dont le projet de loi souligne également les obligations en matière d'échanges d'informations. Ces dispositions ne sont pas négligeables quand on sait dans quels méandres administratifs se retrouvaient les salariés concernés par des faillites transfrontalières, et le temps qui leur était nécessaire pour récupérer ce qui leur était dû, quand toutefois ils y parvenaient.

Ce texte, en apportant des garanties supplémentaires aux salariés, va favoriser une plus grande mobilité de ceux-ci, mobilité indispensable à notre système économique actuel. C'est donc avec conviction et détermination que le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Après les discussions sur la future organisation des institutions européennes qui ont animé notre Assemblée ces deux derniers jours, nous voici ce soir réunis pour examiner un projet de loi comportant la transposition de deux directives européennes traitant de sujets différents.

Alors que nous sommes actuellement amenés à discuter de sujets institutionnels portant sur l'avenir de l'Europe, la présente discussion nous rappelle que l'Europe existe aussi dans notre quotidien et que cet aspect des choses est pour le moins aussi important que le reste. Il permet en effet à nos concitoyens de vivre la réalité des politiques européennes à travers lesquelles ils perçoivent l'Europe, en positif ou en négatif.

Aussi devons-nous apporter une grande attention aux procédures de ratification qui nous sont soumises : ce sont les dispositions que nous transposons, comme ce soir, qui seront en fait jugées par nos concitoyens. Les aspects institutionnels intéressent certes passionnément quelques cercles initiés, mais n'ont qu'un lointain rapport avec la réalité quotidienne vécue par les citoyens européens.

Dans le même ordre d'idée, sans doute devrons-nous aussi, à l'avenir, porter une attention toute particulière au respect de la subsidiarité, c'est-à-dire veiller à ce que les propositions européennes soient effectivement plus pertinentes qu'un ensemble de dispositions nationales portant sur le sujet abordé. Si tel n'était le cas, il conviendrait alors d'exiger que les dispositions nationales, mieux adaptées, soient préférées à des réglementations européennes. Et nous devrions alors exiger l'application du principe de subsidiarité.

S'agissant de cette loi de transposition, il apparaît que la pertinence du niveau européen s'impose de par l'objet même des directives qui concernent des sujets à proprement parler transnationaux pour lesquels l'application de dispositions européennes apportent une meilleure lisibilité et une meilleure protection des citoyens que celle de vingt-sept législations nationales différentes.

Ce soir, il s'agit donc de transposer en droit positif, applicable dans notre droit français, deux directives différentes. La première porte sur la société coopérative européenne et la seconde sur la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur.

Sur la société coopérative européenne, il s'agit de la transposition d'une directive datant du 22 juillet 2003, qui aurait dû être transposée avant le 18 août 2006. Ce cas n'est malheureusement pas unique, et la France, à la veille de présider pour six mois le Conseil européen, doit avoir le souci de procéder à l'examen des transpositions de directives dans les délais impartis, afin de participer pleinement aux évolutions européennes sans décalage dans le temps. Du fait de ces retards, nos débats sont décalés par rapport au reste de l'Europe, et l'application des mesures visées, qui sont, il faut en convenir, souvent positives pour nos concitoyens, se trouve différée. D'une certaine façon, il en est ainsi des dispositions que nous examinons ce soir.

Au niveau de l'Union européenne, on compte plusieurs centaines de milliers d'entreprises coopératives, dont 21 000 pour notre seul pays, regroupant des millions de salariés, dont 700 000 en France. Au-delà du rappel de ces chiffres, nous devons aussi mesurer l'impact économique et social de l'action des coopératives qui va dans un sens positif indéniable. Aussi, au regard des enjeux, la création d'une nouvelle forme de société coopérative au plan européen est incontestablement un progrès, et le texte que nous examinons détermine certaines des modalités nécessaires à son fonctionnement et à son aboutissement.

Comme souvent sur le plan européen, ce texte est l'aboutissement de compromis entre différentes situations et différents droits nationaux à propos de l'implication des salariés dans le fonctionnement de leur entreprise, en l'occurrence des coopératives de droit européen. Cette directive est articulée autour de deux principes : éviter que la forme européenne d'entreprise coopérative ne soit privilégiée dans le but d'échapper à des règles nationales trop contraignantes, et ne pas imposer aux États des règles non compatibles avec leur système de relations du travail. Ce même souci avait déjà prévalu lors de l'examen de l'implication des travailleurs dans la société à statut européen, dont nous avons déjà transposé les dispositions dans notre droit national il y a plus de dix ans. Il s'agit ici d'adopter des dispositions permettant d'impliquer les salariés dans le comité de la société coopérative européenne sur le mode de ce qui avait été adopté pour le comité d'entreprise européen, transposé en novembre 1996.

Ces textes sont des compromis, ce qui peut expliquer leur relative complexité. Leur mise en oeuvre, à l'instar de ce qui se passe pour les comités d'entreprises européennes, fait souvent l'objet de difficultés, soulignées par la Confédération européenne des syndicats, telles que le peu de réunions des Comités en dehors des réunions à proprement parler statutaires, le manque de ressources endémique, le droit à la formation des salariés souvent bafoué, et le manque chronique d'information préalable pour les délégués salariés.

Ces difficultés sont connues et devraient faire l'objet d'une procédure de consultations des partenaires sociaux européens pour opérer la révision de la directive sur les comités d'entreprises européennes, et ce malgré l'opposition de l'UNICE, organisme représentatif du patronat européen, présidé par Ernest-Antoine Seillière.

Le texte que nous examinons ce soir, en cela qu'il reprend les dispositions relatives aux comités d'entreprises européennes dont j'ai rappelé les limites, entend préserver une sorte de statu quo en matière de représentation des travailleurs et de dialogue social, à la satisfaction première des organisations patronales, et dans l'attente pour les organisations salariales de meilleures dispositions, ardemment espérées.

Je rappelle que ces dispositions reposent sur trois piliers, avec les difficultés de mise en oeuvre pratique que je viens d'évoquer. Premier pilier, l'information des salariés par l'organe de direction de la société coopérative européenne des questions qui concerne la société elle-même, ses filiales éventuelles et tout établissement. Cette information devant se faire à un moment, d'une façon, et avec un contenu qui permettent effectivement aux représentants des salariés d'évaluer l'incidence des informations afin de préparer, le cas échéant, des consultations avec l'organe compétent de la société. Deuxième pilier, la consultation des salariés permettra à ceux-ci d'exprimer un avis, qui « pourra » être pris en considération – notez le « pourra », plutôt qu'un « devra » ! Le troisième pilier est la participation des salariés à la désignation de certains membres des organes de surveillance ou d'administration des sociétés coopératives européennes, selon des modalités propres à chaque État.

Ce texte de transposition en droit français s'adresse donc aux sociétés coopératives européennes ayant leur siège social ou des filiales en France. Aux termes du projet de transposition qui nous est soumis, les modalités d'information, de consultation et de participation des salariés, prévues, je viens de l'indiquer, par la directive, seront définies par accord entre les dirigeants et les représentants des salariés. En fait, par rapport au droit français qui prévoit des procédures précises en matière de négociations collectives, il faut y voir une sorte de compromis a minima, cher à un certain patronat et à notre gouvernement : les négociateurs qui auront toute latitude pour fixer les règles au cas par cas, lesquelles pourront sensiblement différer d'une entreprise à l'autre. Pour constituer cet accord d'entreprise, les dispositions prévoient qu'il doit être institué un groupe spécial de négociation, avec la mention très floue « dès que possible », porte ouverte à bien des abus. Différentes modalités relatives à l'assistance d'experts auprès du groupe spécial de négociation sont également assez contestables : on note du reste un repli par rapport au droit positif actuel en matière d'information des salariés. Toutefois ces dispositions s'appliqueraient en totalité lors de la création de nouvelles structures, car dans le cas d'une coopérative existante, simplement transformée en société coopérative européenne, l'accord conclu ne peut prévoir un niveau d'information, de consultation et de participation inférieur à l'existant. À défaut d'accord, un comité de la société coopérative européenne, calqué sur le comité d'entreprise européenne, pourra être créé, mais en cas d'échec répété des négociations, le texte prévoit qu'on demeure sous la réglementation en vigueur dans les différents États membres. Tout ceci, on le voit, est assez complexe et la directive aurait dû donner lieu à de meilleures avancées du droit social européen, éternel parent pauvre de la construction européenne – les difficultés de présentation de cette directive en attestent.

La seconde directive dont nous examinons ce soir la transposition est relative à la protection des salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur. C'est également avec beaucoup de retard sur le calendrier européen que nous examinons cette transposition d'une directive de 2002, qui aurait dû être transposée depuis octobre 2005 dans notre droit positif.

Cette directive complète des dispositions adoptées dès 1980, sous inspiration du dispositif français, à une époque où l'influence de la France semblait plus grande qu'elle ne l'est malheureusement devenue ces dernières années.

En 2002, cette directive a été complétée, principalement en vue de traiter des situations transnationales qui n'avaient pas été réglées en 1980, s'agissant notamment des salariés travaillant dans un pays de l'Union, mais dont l'employeur a son siège dans un autre.

La directive de 2002 précise que c'est le lieu d'exercice de l'activité de chaque salarié, et non la localisation du siège social de l'entreprise, qui détermine l'institution de garantie des salaires compétente. Elle fait suite à une jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes et à une jurisprudence de la Cour de Cassation. Bien que la transposition dans notre pays de cette directive ne fasse que conforter la jurisprudence existante, elle présente toutefois un intérêt en ce qu'elle précise ou renforce les droits des travailleurs ainsi que les obligations incombant à l'organisme de garantie des créances des salaires – l'AGS. Ainsi le projet de loi de transposition prévoit explicitement que cette garantie s'applique de plein droit aux travailleurs transfrontaliers et qu'elle aura sensiblement le même champ de garantie accordé aux salariés des entreprises dont le siège se trouve en France. La question importante du délai de versement des indemnités de licenciement ainsi que celle des modalités simplifiées de son versement sont également couvertes par le projet de loi de transposition. Ces dispositions, qui sont de nature à rendre plus rapide l'indemnisation des salariés, ne sont que l'application de décisions jurisprudentielles. L'apport de cette directive restera donc des plus limités, sans toutefois pouvoir être qualifié de négatif.

Pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, il n'y a rien de vraiment négatif dans ce qui nous est proposé, mais rien non plus de fantastique permettant d'assurer une meilleure protection des travailleurs. C'est souvent cela l'Europe : des petits, tout petits pas ! Alors ce sera un petit oui…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

…qui ne désespère pas d'aboutir un jour à des avancées sociales réelles, pour lesquelles nous continuerons de nous battre aux côtés de la Confédération syndicale européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Applaudissons-le ! Un petit oui, ça s'applaudit !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Je serai bref.

Ne boudons pas notre plaisir : ces deux textes permettent tout de même de réaliser trois progrès sensibles.

Au regard du droit européen des sociétés, il existait le groupement européen d'intérêt économique et la société européenne : nous avons désormais la société coopérative européenne. C'est une troisième forme sociale européenne qui vient s'ajouter aux formes nationales : ce n'est pas rien.

Au regard du droit des procédures collectives, il existe aujourd'hui peu de textes. Nous avons la chance de transposer l'un d'entre eux, qui représente une avancée sensible en matière de protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'entreprise.

Enfin, le troisième progrès concerne l'Europe sociale : il s'agit non d'un petit pas, mais d'un pas important.

Cela étant, ces textes, il est vrai, ne sont pas parfaits et j'ai relevé, comme les orateurs l'ont fait à juste titre, trois imperfections.

La première, c'est la complexité de ces deux textes. Peut-être un jour devrons-nous les revoir au plan européen. Si on compare la société coopérative européenne avec la société européenne, dont le statut a été transposé il y a quelques années, nous pouvons noter qu'il n'existe malheureusement qu'une seule société européenne. Il faut donc espérer qu'il y ait à terme plus de sociétés coopératives européennes que de sociétés européennes ! Toutefois, il est vrai que la complexité de ces textes ne leur permet pas d'être accueillis comme nous pourrions l'espérer.

En ce qui concerne les procédures collectives, il convient de souhaiter que le droit évolue : il existe en effet aujourd'hui des textes européens à foison en matière de création ou de fonctionnement de sociétés, mais relativement peu pour aider ces sociétés lorsqu'elles rencontrent des difficultés. Il faudra que la France, qui présidera bientôt l'Union européenne, s'empare du sujet en vue de compléter le droit européen en la matière.

Enfin, en ce qui concerne la dimension sociale de ces textes, la directive de 2002, qui prend la suite de celle de 1980, représente – je le répète – une avancée qui, pour être réelle, n'est pas encore suffisante, pour deux raisons au moins.

La première, c'est que la directive de 2002 ne permet pas aux salariés d'une même entreprise d'être indemnisés de la même manière : ainsi les salariés en France d'une entreprise britannique seront indemnisés par le fonds français alors que leurs collègues de Grande-Bretagne le seront par le fonds britannique. Les salariés d'une même entreprise ne seront donc pas traités sur un pied d'égalité. Toutefois, nous n'y pouvons rien dans le cadre de cette transposition. C'est au plan européen qu'il conviendra de revoir la directive de 2002. C'est également vrai en ce qui concerne les fonds de garantie. En effet, le fonds de garantie français ne pourra pas, par exemple, s'adresser au fonds de garantie britannique, comme il pourrait légitimement le souhaiter, pour obtenir le remboursement des sommes avancées aux salariés d'une entreprise britannique mise en liquidation. C'est une lacune de la directive dont nous avons débattu en commission mais qui ne saurait être comblée par la seule transposition de la directive en France.

Nous avons opéré la meilleure transposition possible de textes qui représentent en eux-mêmes – je le répète – de réelles avancées, bien qu'ils demeurent imparfaits. La délégation pour l'Union européenne, à laquelle nous sommes un certain nombre ici à appartenir, doit se saisir du sujet. De même il appartiendra à la France, qui présidera bientôt l'Union européenne, de faire encore progresser la construction du marché unique européen et, plus largement, de l'Europe à laquelle nous sommes nombreux à adhérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je souhaite répondre brièvement à chacun des orateurs, non sans avoir auparavant remercié M. Fasquelle, votre rapporteur, pour le remarquable travail qu'il a accompli et les conclusions qu'il nous a présentées. Il a regretté à juste titre la complexité des textes communautaires, laquelle résulte en partie des compromis qui ont été opérés au plan européen. Toutefois – c'est l'essentiel – les règles que ce projet de loi permettra de mettre en application faciliteront les procédures, comme je l'ai déjà souligné.

Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de souligner que le statut de cette nouvelle forme de société permettra de faciliter son développement en Europe, car il offrira de nouvelles possibilités concrètes aux 288 000 entreprises coopératives existant en Europe.

Au-delà de l'organisation du paiement des créances salariales à laquelle tend la directive, il est important de rappeler, comme vous l'avez également fait, le gain de temps que constituera le fait de savoir où s'adresser pour obtenir le paiement direct de son dû.

Pour illustrer la portée des dispositions qui vous sont soumises, je me permettrai de prendre deux exemples.

Commençons par le cas de M. Durand, salarié en France dans la succursale française d'une entreprise britannique, laquelle est mise en liquidation judiciaire. Grâce à la transposition de cette directive sur la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité, M. Durand bénéficiera de l'assurance garantie des salaires. La directive oblige tout d'abord les différents acteurs de la procédure collective à échanger des informations pertinentes pour que le salarié soit payé. Le syndic étranger transmettra alors à l'AGS le montant des créances dues au salarié, laquelle paiera le salarié à partir du relevé de la créance transmis, les créances garanties étant, en matière de nature et de plafond, les mêmes que celles des salariés d'un employeur ayant un siège social en France.

Prenons maintenant l'hypothèse inverse, c'est-à-dire le cas d'un salarié travaillant en Allemagne pour la succursale allemande d'une entreprise française, les dispositions miroirs sont introduites pour obliger le mandataire liquidateur français à transmettre toute information pertinente sur le montant des créances à l'institution de garantie des salaires étrangère. L'AGS française ne joue ici aucun rôle puisque le salarié ne travaille pas sur le sol français.

Monsieur Vampa, vous avez raison de souligner que le dispositif promu par la directive et par le projet de loi prévoit la participation, l'information et la consultation des salariés. Démocratie, responsabilité, solidarité et équité : telles ont été les valeurs promues par la France que nous voulons mettre en avant dans le cadre de cette transposition.

Madame Brunel, vous aussi avez raison de souligner l'importance de l'échange d'informations en matière de garantie apportée au salarié : c'est un progrès pour lui, c'en est un également pour l'Europe sociale.

Monsieur Lambert, vous avez évoqué à juste titre le principe de subsidiarité. Ce texte permet de montrer la valeur ajoutée du niveau européen en la matière, puisqu'il prend en compte les différentes situations nationales tout en mettant en place un cadre social commun visant à apporter des garanties.

Tout en annonçant que vous voterez ce texte, vous avez estimé que certaines de ses dispositions vous paraissent insuffisantes, notamment en matière d'information et de consultation des salariés. Vous auriez pu le dire à M. Jospin, qui était Premier ministre lorsque ces dispositions ont été adoptées au niveau européen en 2001… Je vous remercie toutefois d'avoir pris en considération le travail effectué dans le cadre de cette transposition et de bien vouloir la soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Les articles 1er, 2, 2 bis, 3, 4, 5, 5 bis, 6, 6 bis, 6 ter, 7 et 8 ne font l'objet d'aucun amendement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 1er, 2, 2 bis, 3, 4, 5, 5 bis, 6, 6 bis, 6 ter, 7 et 8, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Prochaine séance, jeudi 17 janvier 2008 à neuf heures trente :

Discussion de la proposition de loi constitutionnelle relative au retour à l'équilibre des finances publiques.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Jean-Pierre Carton