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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 18 septembre 2007 à 14h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • AFT
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  • émission

La séance

Source

Commission des Finances, de l'économie générale et du Plan

Le Président Didier Migaud a accueilli M. Benoît Coeuré et l'a prié de présenter son institution.

PermalienBenoît Coeuré

directeur général de l'Agence France Trésor, a rappelé que l'AFT est un service à compétence nationale du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi. Elle est rattachée à la direction générale du Trésor et de la politique économique, sur laquelle a autorité le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique.

L'Agence a été créée en 2001 à partir d'une unité de la direction du trésor. Elle a grandi au gré des missions nouvelles qui lui ont été confiées. Au-delà de son coeur de métier très régalien, à savoir la gestion de la dette et de la trésorerie de l'État, elle est amenée à accomplir des missions pour le compte d'autres ministères, en particulier ceux des Affaires étrangères et de la Défense. Si elle ne regroupe que trente-six agents, alors que la plupart des agences de dette des autres grands pays développés en comptent une centaine, c'est qu'elle s'appuie sur l'ensemble des services du Ministère des finances.

L'AFT entretient des contacts permanents avec la Banque de France et le réseau du Trésor public, notamment pour suivre les flux financiers des collectivités locales. S'agissant de la dette, ses missions n'ont guère changé depuis 2001, hormis un travail annexe sur la couverture des risques.

PermalienPhoto de Dominique Baert

rapporteur spécial du programme Charge de la dette et trésorerie de l'État, a posé cinq questions concernant l'exercice 2006.

En 2005, le déficit public a baissé significativement – de 3,6 à 3 % du PIB –, et pourtant, la dette publique a augmenté fortement jusqu'à culminer à 66,2 % du PIB fin 2005. En 2006, la réduction du déficit a été un peu moins prononcée, et pourtant la dette publique a chuté à 63,7 % du PIB fin 2006. C'est le paradoxe de 2006. La tentation pourrait être de penser à une manipulation des chiffres opportune, juste à la fin de la législature et à quelques mois d'une échéance politique majeure. Ce doute doit être levé. Pourquoi la dette de l'État a-t-elle diminué aussi brutalement en 2006 ?

Parmi les causes figure sans doute la réduction du matelas de trésorerie de l'État, notamment la diminution du solde du compte courant du trésor. Les trésoreries ont été mobilisées, comme en atteste le solde du compte courant du trésor, qui chute de 26 à 13,8 milliards d'euros entre fin 2005 à fin 2006. Une réduction semblable est constatée pour les bons du trésor à taux fixe (BTF) à court terme. Cette gestion n'est pas dénuée de risques, notamment pour la continuité financière. Quelles ont été les répercussions sur les délais de règlement de l'État vis-à-vis de ses fournisseurs et de ses prestataires ?

Dès lors, pour pallier les besoins ponctuels de trésorerie, un nouvel outil a été créé : les bons du trésor à très court terme, de maturité très courte. De nouvelles émissions ont-elles eu lieu après celles de septembre 2006 et avril 2007 ?

Après les besoins, les recettes. Autre paradoxe apparent en cette année 2006, alors que la trésorerie positive a été ponctionnée, les recettes de trésorerie ont augmenté de près de 200 millions d'euros. Sans doute faut-il y voir un effet de la hausse des taux d'intérêt. Quelles sont les parts respectives de l'effet volume et de l'effet prix, c'est-à-dire de l'effet taux ?

La Cour des comptes soupçonne l'État d'avoir pratiqué, en fin d'année, un opportun window dressing pour alléger sa dette : « Les disponibilités de trésorerie du Fonds de réserve des retraites (FRR) ont été placées à hauteur de 2 milliards d'euros en titres d'État entre le 8 décembre 2006 et le 15 janvier 2007, dans le seul but de permettre une réduction de la dette publique au sens de Maastricht. ». Que répond l'AFT à cette remarque ? Au demeurant, quel intérêt économique le FRR avait-il à réaliser cet achat temporaire de titres d'État ?

Le Rapporteur général s'est félicité de la rigueur de la gestion de la dette en 2006. Pour la première fois depuis longtemps, le déficit de l'État a été ramené à un niveau stabilisant, pour trois raisons.

Premièrement, avec 35,7 milliards de déficit d'exécution, l'effet boule de neige de la dette est stoppé ; on assiste même à une réduction mécanique en pourcentage car le besoin d'endettement augmente moins vite que le PIB. À quelle hauteur ce phénomène a-t-il joué ?

Deuxièmement, le produit de cessions d'actifs – notamment les sociétés d'autoroutes – a été affecté au désendettement. Les actifs cédés en 2007 sont moins nombreux et il a été décidé que les 5 milliards dégagés seraient affectés à l'apurement de la dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale.

Troisièmement, la gestion de la trésorerie de l'État et des organismes qui en dépendent a gagné en rigueur. Des marges existent-elles toujours en 2007 pour resserrer le matelas de trésorerie dormante ?

Le Président Didier Migaud a précisé que les ministres précédents avaient toujours refusé de s'engager dans cette voie, qu'ils jugeaient quelque peu aventureuse. La Cour des comptes établit au demeurant un lien entre l'amélioration de la situation fin 2006 et le rebond de l'endettement constaté début 2007. Qu'en pense l'AFT ?

PermalienBenoît Coeuré

a apporté les éléments de réponse suivants :

La modification de la réalisation de la trésorerie réduit la taille du bilan de l'État : l'actif et le passif sont diminués simultanément. Elle n'a aucun effet sur la trajectoire de long terme et la soutenabilité des finances publiques françaises ni sur la valeur nette du patrimoine des administrations publiques. Elle recèle cependant plusieurs intérêts. Elle envoie un signal politique sur la baisse du ratio dettePIB, l'une des variables les plus suivies au niveau européen dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance. Elle permet d'engager un travail de longue haleine très structurant pour améliorer la gestion de trésorerie de l'ensemble des administrations, à travers le travail du comité interministériel créé en 2006 : les trésoreries dormantes sont identifiées, la situation des actifs et passifs de l'État ainsi que des établissements publics fait l'objet d'une analyse exhaustive et des réformes sont conduites. C'est ainsi que les dotations aux collectivités territoriales sont dorénavant versées à date fixe. Le système d'annonce des collectivités territoriales pour les mouvements supérieurs à 1 million d'euros a été étendu aux établissements publics nationaux. Un suivi très fin est assuré entre les grandes administrations du ministère des Finances.

Fin 2006, la trésorerie du compte de l'État était excessive, avec 50 milliards d'euros, certaines recettes de privatisation ayant été touchées trop tardivement pour contribuer à éponger la dette. Le souci de l'Agence, en 2006, a été que la sécurité financière ne soit aucunement menacée par la réduction de la taille du bilan. Afin de lever de l'argent très facilement, les BTF à très court terme ont été créés et plusieurs lignes de trésorerie ont été ouvertes auprès de banques. La meilleure sécurité consiste à ne pas faire tomber le compte trop bas. Contrairement à une remarque de la Cour des comptes, les 14 milliards d'euros disponibles au 31 décembre n'étaient pas excessifs car l'État s'apprêtait à décaisser 25 milliards d'euros le 12 janvier pour payer les coupons des BTAN arrivant à échéance. Le coût des bons à très court terme se situe entre celui des BTF ordinaires et celui d'un financement bancaire.

Les résultats obtenus en 2006 ne sont pas reconductibles en 2007 dans la même proportion : le niveau du compte est déjà passé de 50 à 14 milliards et les recettes de privatisation – intégralement affectées au désendettement de l'État et des administrations publiques, en particulier des structures de défaisance – furent exceptionnelles. Des marges de manoeuvre sont néanmoins à rechercher en matière de centralisation de la trésorerie des établissements publics.

La mission du FRR est patrimoniale et s'inscrit dans le long terme. Il n'est naturellement pas question de faire obstacle à sa politique d'attribution de mandats et d'allocation d'actifs. Lors de la réunion du comité interministériel de juillet 2006, il a juste été demandé à tous les établissements publics d'examiner les possibilités de centralisation de la gestion de leur trésorerie, dans le respect de leurs missions.

La hausse des recettes de trésorerie est liée à la hausse des taux d'intérêt, mais l'effet se fait sentir au passif comme à l'actif car des intérêts sont payés à tous les correspondants du trésor qui déposent des fonds en France, notamment aux banques centrales africaines.

Les recettes de privatisation permettent d'apurer la dette de l'État et des administrations publiques. En effet, quand l'État effectue un versement au profit de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACCOSS), cette dernière emprunte moins auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

PermalienPhoto de Dominique Baert

après avoir réclamé des précisions sur les conditions économiques du placement opéré par le FRR en fin d'année 2006, a posé cinq questions concernant l'exercice 2007.

Au premier trimestre, la dette a fortement augmenté : au 31 mars, elle atteignait 1 176 milliards d'euros, soit 65 % du PIB. Pourquoi ? Faut-il y voir une conséquence de la forte réduction de 2006 ? L'État serait-il allé trop loin en 2006 ? La baisse de fin 2006 n'était-elle qu'apparence ? Qu'en est-il au 30 juin 2007 ? Qu'en sera-t-il en fin d'exercice 2007 ? Le nouveau gouvernement a annoncé que son seul objectif est de stabiliser la dette à 63,7 %. Un dérapage a été enregistré au début de l'année et la croissance économique est inférieure aux prévisions. De surcroît, après la ponction sur les trésoreries et les cessions d'actifs de 2006, quelle marge de manoeuvre reste-t-il à l'État pour stabiliser la dette ?

La charge de la dette sera-t-elle conforme aux prévisions de la loi de finances pour 2007, à 39,2 milliards d'euros, ou faudra-t-il ouvrir des crédits supplémentaires en fin d'année ?

Sur la période la plus récente, il semble que les spreads, c'est-à-dire les écarts de taux, consentis aux emprunts de la France et de l'Allemagne s'élargissent. Qu'en pense l'AFT ? Ce phénomène se confirme-t-il ? N'est-il pas la conséquence de l'écart entre les résultats économiques, notamment en matière de finances publiques et surtout de commerce extérieur, entre les deux pays ?

Quelle sera la charge de la dette en 2008 ? Jusqu'à présent, taux bas et réduction du déficit l'avaient contenue sous les 40 milliards euros. Dans le rapport du débat d'orientation budgétaire (DOB) 2008, le Gouvernement annonce 46 milliards euros en 2010, soit en moyenne plus de 2 milliards d'euros supplémentaires par an. Quel sera le montant de 2008 ?

Depuis 2002, l'Agence a interrompu son programme de swaps de taux. Dans un contexte de remontée des taux longs et de redressement de la courbe des taux, ne serait-il pas opportun de reprendre ce programme ?

PermalienBenoît Coeuré

a d'abord indiqué que, pour son placement, le FRR avait le choix entre des BTF et des SICAV monétaires gérées par la Caisse de dépôts, ce dernier présentant sans doute un rendement et un risque supérieurs de quelques points de base – quelques centièmes de pourcent – pour une opération de quinze jours. D'une manière générale, l'exercice 2006 a été l'occasion de discuter de leurs placements publics avec un certain nombre d'établissements publics. La limite à ne pas franchir consisterait à interférer avec leur objet social. Mais les choix de supports de placement relèvent toujours d'un arbitrage entre rendement et risque. Il n'est pas excessif que l'objectif général, pour la sphère publique, soit de maintenir un niveau de risque contrôlé et relativement bas.

Au premier semestre 2007, le ratio dettePIB a augmenté. Les chiffres au 30 juin ne sont pas encore disponibles car l'INSEE n'a pas encore procédé aux consolidations nécessaires des résultats des administrations publiques. Cette hausse est due pour l'essentiel à la saisonnalité des émissions de l'État : en France comme dans tous les États de la zone euro, les marchés sont plus ouverts et liquides en début d'année, et six adjudications ont lieu au premier semestre, contre quatre au second.

M. Éric Woerth sera mieux en mesure d'évoquer les perspectives de la dette pour fin 2007 et fin 2008.

Les écarts de taux avec l'Allemagne affectent effectivement les conditions de financement. Ils étaient tombés à un étiage de 3 points de base mais sont remontés, fin 2006, aux alentours de 10 points de base et même temporairement, au coeur de la crise de l'été, jusqu'à 14, pour revenir à 11 ou 12. La cause est à rechercher non pas en France mais en Allemagne : celle-ci s'est écartée de l'ensemble des autres pays européens, les acteurs financiers reconnaissant la rapidité de la réduction du déficit et les révisions à la baisse des émissions allemandes. L'écart s'est encore approfondi cet été car l'Allemagne a toujours été considérée comme une valeur refuge mais aussi pour une raison technique : les contrats de futures obligataires européennes sont assis sur un panier d'obligations allemandes.

La remontée des taux d'intérêt redonne de l'intérêt à la politique de swaps de taux qui consiste à raccourcir la duration de la dette pour diminuer le coût moyen de la charge d'intérêts. Mais la tendance est moins nette depuis l'été, les taux s'étant repliés aux alentours de 4,3 %, du fait de l'environnement mondial. Dans le cadre de la certification, la Cour des comptes a d'ailleurs demandé la mise à jour des modèles d'évolution des taux d'intérêt et de l'économie française qui servent de substrat à cette politique de réduction de la duration, car ils datent de 2001 et ne sont plus forcément en phase avec les pratiques actuelles des marchés. Avant de relancer cette politique, il est donc paru utile d'instruire de nouveau le dossier pour prouver son efficacité. Une évaluation pourra être présentée prochainement.

Le Rapporteur général s'est enquis du service de la dette de la SNCF.

Quant à la différence principale entre 2006 et 2007, viendra-t-elle du fait que les cessions seront bien inférieures ?

PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

s'est insurgé contre la langue de bois de certaines réponses du directeur général de l'AFT et a demandé une réponse claire à cette question claire : la dette publique augmentera-t-elle ou diminuera-t-elle en 2007 ?

PermalienBenoît Coeuré

a regretté de ne pouvoir répondre avec certitude, l'année 2007 n'étant pas finie et les aléas de trésorerie étant d'un ordre de grandeur supérieur à celui des aléas budgétaires, ce qui, de fait, complique la tâche du Gouvernement et du Parlement. En septembre, il existe une incertitude de 3 à 4 milliards d'euros sur le niveau des dépôts des collectivités locales en fin d'année. L'encours du compte du trésor sera approximativement de 14 milliards mais il est impossible de savoir s'il s'établira à 10, 13, 15 ou 16 milliards ; tout dépendra de l'exécution de fin d'année. En outre, certaines opérations substantielles de nature à affecter la consolidation et par conséquent le niveau de la dette publique ne pourront être décidées qu'en fin d'année.

La Cour des comptes reproche à l'AFT à la fois de mener certaines opérations et de disposer de trop d'argent sur le compte en fin d'année, ce qui n'est guère cohérent. L'orientation générale de l'AFT consiste à s'efforcer de coordonner la gestion de la trésorerie dans toute la sphère publique.

La progression de la dette procède de la somme du déficit et des opérations d'ajustement patrimoniales, ou stock-flow adjustments, pour l'essentiel le produit des privatisations, mais qui vont aussi dans l'autre sens, certaines administrations publiques achetant des actifs tous les ans, notamment des obligations et des actions. En 2007, l'essentiel de la progression de la dette proviendra du déficit de l'État mais aussi de la sécurité sociale et des organismes de défaisance.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

a demandé en dessous de quel niveau d'encours la sécurité financière de l'État serait menacée, quel serait le coût pour la France d'une hausse d'un dixième de point du taux de la Banque centrale européenne et quelle est la part dans la structure de la dette française des emprunts à taux fixe. Il a également souhaité savoir depuis quand la France n'avait pas connu un déficit du budget de l'État supérieur au déficit primaire.

Le Rapporteur général a répondu que c'était depuis 2000 ou 2001, en précisant que ce qui comptait, c'était la tendance et que celle-ci était constante. Il est certes nécessaire de prendre en compte les opérations de trésorerie, de cessions d'actif et d'optimisation de la gestion financière – et il a rendu hommage à l'action menée par l'Agence France Trésor en ce domaine – mais ces dernières ne doivent pas dissimuler l'élément fondamental qui est que la dette provient des déficits. Ce qui importe, c'est que, depuis 2006, la France est enfin parvenue à un déficit stabilisant.

PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

a ironisé sur l'expression « déficit stabilisant ».

Le Rapporteur général a rappelé qu'elle qualifiait un déficit permettant de stopper l'effet « boule de neige » de la dette et précisé que tout permettait de penser que, en 2007, la France se caractériserait à nouveau, comme depuis 2001, par un excédent primaire – c'est-à-dire un déficit inférieur aux intérêts de la dette – et également, comme en 2006, par un déficit stabilisant.

Le Président Didier Migaud a évoqué la diversité des modes de gestion des différentes dettes. Peut-on comparer les performances de ceux-ci ? Ne serait-il pas plus pertinent que l'ensemble des dettes des administrations publiques ou assimilées soit géré par un même organisme ?

Le Rapporteur général a demandé ce que M. Coeuré pensait d'une unification de toutes les dettes. A côté de celles de la CADES et de l'État, une partie de la dette sociale entre dans le plafond autorisé au titre de la Caisse des Dépôts. Comment M. Coeuré voit-il la gestion de celle-ci ?

PermalienPhoto de Gérard Bapt

a demandé, premièrement, si l'Agence France Trésor avait utilisé la possibilité qui lui est offerte par l'amendement Marini d'agir en lieu et place de la direction de la CADES sur certaines opérations ; deuxièmement, si le plafond d'emprunt autorisé par le Parlement avait été dépassé ou tangenté au cours de l'été.

PermalienBenoît Coeuré

a, tout d'abord, répondu sur l'impact des taux de la BCE. Il a indiqué, tout en précisant que les vrais chiffres dépendront de la structure exacte de la dette, que la France a à peu près 70 milliards de dettes à court terme et 850 milliards de dettes à moyen et à long terme. La dette à court terme est précomptée, c'est-à-dire que les intérêts sont payés au moment où sont émis les titres. Toute hausse des taux d'intérêt courts a donc un impact immédiat sur la charge de celle-ci. Si le taux de la Banque centrale augmente, par exemple, de dix points de base, c'est-à-dire d'un dixième de pourcent, et si cette augmentation est répercutée dans toute la structure des taux courts, c'est-à-dire à trois mois, à six mois et à un an, cela représente, pour 70 milliards, 70 millions d'euros, la première année. L'année suivante, devra être payée la charge supplémentaire liée aux émissions à moyen et à long terme. En supposant, là encore, que la hausse des taux se répercute sur les taux à long terme, ce qui n'est pas toujours le cas, elle sera d'environ 850 millions d'euros, après renouvellement total du stock de dette. Ensuite, on cumule car il faudra ajouter le coût de la dette qui est émis chaque année. On est alors en présence d'une courbe croissante.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

a calculé que, sur deux exercices, un accroissement des taux de la BCE de dix points de base entraînait une augmentation d'environ un milliard d'euros – 70 millions, d'un côté, et 850 millions de l'autre.

PermalienBenoît Coeuré

a confirmé que l'on aboutissait à peu près à ce total après renouvellement complet de l'encours de dette. Il a fait cependant remarqué qu'il pouvait y avoir des circonstances où la Banque centrale remontait les taux courts sans qu'il y ait d'impact sur les taux longs, lesquels sont aussi influencés par les taux américains et par les incitations à l'inflation à long terme. Le but de la Banque centrale est, en effet, de relever ses taux sans que cela ait un impact sur les taux longs pour renforcer sa crédibilité dans la lutte contre l'inflation.

La dette du service annexe de la SNCF a été reconnue par l'État. Même si elle demeure à l'intérieur de la SNCF, elle est un engagement de l'État. Reste à savoir si celui-ci devrait la reprendre comme il l'a fait pour des dettes d'établissements publics en déshérence, comme l'Entreprise minière et chimique, ou pour une partie du passif de la Mutualité sociale agricole. Cela nécessite une expertise technique. Mais, d'un point de vue comptable, cela ne changera rien.

Concernant la CADES, c'est non pas un amendement, mais une loi votée par le Parlement qui offre au Gouvernement une option. Est-il intéressant pour ce dernier de l'exercer ? Financièrement, oui, puisque les émissions de la CADES coûtent plus cher que celles de l'État. L'accroissement de l'écart de financement entre la France et l'Allemagne est le reflet d'un écartement général des conditions de crédit qui défavorise la CADES par rapport à l'État. L'écart de financement à dix ans, par exemple, entre la CADES et l'État est aujourd'hui aux alentours de dix points de base, alors qu'il était plus réduit il y a un ou deux ans. Cela étant, si l'intérêt financier est aujourd'hui plus important, la décision dépend des relations souhaitées entre les finances de la sécurité sociale et celles de l'État. En 1996, le choix a été fait de séparer complètement le financement de la sécurité sociale de celui de l'État et notamment de rompre les liens qui existaient en Trésorerie entre le régime général et l'État. Si ce dernier reprend la gestion de la dette de la CADES, cela constitue une forme d'intervention, même technique, de l'État dans la gestion du financement de la sécurité sociale. C'est techniquement possible mais cela relève d'une décision politique. Face à ce choix, qui n'est pas évident, le Gouvernement a décidé de ne pas exercer pour l'instant l'option.

Le Président Didier Migaud a demandé s'il existait des éléments de comparaison entre les performances de gestion des deux dettes.

PermalienBenoît Coeuré

a estimé que la CADES est bien gérée. Sa gestion est différente de celle de l'AFT parce que les émissions sont plus limitées, si bien que l'AFT bénéficie d'éléments de régularité et de taille dont la CADES ne peut pas profiter. Cette dernière est gérée comme les émetteurs non étatiques en Europe : Banque européenne d'investissement ou KfW qui gère les infrastructures allemandes. Toute signature différente de la signature de l'État emporte un coût pour les investisseurs internationaux. Quand bien même l'Agence France Trésor réaliserait les émissions de la CADES, si ces dernières proviennent encore d'une personne morale qui n'est pas l'État et qui est un établissement public, il restera un spread – un écart de financement – par rapport à l'État.

Le Président Didier Migaud s'est enquis du montant de cet écart.

PermalienBenoît Coeuré

l'a évalué comme étant très réduit par rapport aux dix points de base actuel mais il est néanmoins incompressible car lié à la différence des signatures.

Quant à l'encours de l'État, il a été, en fin d'année dernière, de 13,8 milliards d'euros. Des échéances importantes doivent être honorées en janvier mais, comme les marchés rouvrent à cette époque, l'État a la possibilité d'émettre des BTF courts. M. Coeuré n'a pas voulu hasarder de chiffres très précis quant au niveau en dessous duquel la sécurité financière de l'État serait menacée car cela dépend des conditions de marché et des aléas qui peuvent survenir sur la trésorerie. Néanmoins, il estime qu'en deçà d'une dizaine de milliards, la situation commence à être plus risquée, ce qui ne veut pas dire que cela soit impossible si l'on arrive à limiter l'incertitude sur les décaissements et les encaissements de l'État. Cela nécessite cependant un travail lourd. Cela a fait l'objet d'un certain nombre d'études l'an dernier. Désormais, il sera rendu compte au Parlement, dans le cadre du rapport d'activité sur la gestion de la dette, de l'état d'avancement des réformes visant à améliorer les informations sur les flux financiers de l'État, puisqu'un indicateur est prévu à cet effet.

Dans un univers où l'information sur les flux financiers aurait suffisamment progressé, il serait sans doute possible de réduire cette encaisse de précaution. Dans les circonstances actuelles, une dizaine de milliards paraît un seuil raisonnable.

PermalienPhoto de Gérard Bapt

en tant que représentant de la commission des Finances au Conseil de surveillance de la CADES, voit des avantages dans la gestion de cette dernière, notamment en ce qu'elle peut jouer, par la techniques des swaps, sur la valeur des monnaies plus que ne le peut l'Agence France Trésor.

Par ailleurs, il a cru comprendre que la dette sociale ne comptait plus désormais en termes maastrichiens puisqu'elle était compensée par les émissions. Le stock de 85 milliards d'euros géré par la CADES apparaît-il dans le taux d'endettement public ?

PermalienBenoît Coeuré

a répondu que l'intégralité de la dette de la CADES faisait partie de la dette des administrations publiques, et donc de la dette maastrichienne.

Il considère que la CADES a raison d'utiliser la possibilité qu'elle a d'emprunter en devises américaines ou en d'autres plus exotiques comme le peso mexicain ou la livre turque qui offrent, même après couverture de change, un taux plus avantageux que l'euro. Il s'agit d'émissions de toute petite taille qui n'auraient pas énormément de sens pour l'État compte tenu des besoins de financement de ce dernier. En tout état de cause, toutes les possibilités ouvertes à la CADES le sont également juridiquement à l'Agence France Trésor. Il s'agit de choix d'organisation.

PermalienPhoto de Yves Deniaud

a demandé des précisions sur la dette de la SNCF et sur celle de RFF.

PermalienBenoît Coeuré

a distingué les deux cas. Dans le premier, l'État a reconnu son engagement envers la SNCF. Reste à savoir si cette dette doit continuer à être gérée par cette dernière, puisqu'elle l'est encore d'un point de vue pratique, ou si l'État doit la reprendre en faisant une novation de débiteur en loi de finances. C'est une question technique qui peut être expertisée.

La dette de RFF, quant à elle, ne fait pas partie de la dette publique au sens de Maastricht. Donc, si elle était reprise par l'État, cela accroîtrait le ratio dettePIB au sens de Maastricht. Par ailleurs, l'existence de RFF en tant qu'opérateur chargé de gérer les infrastructures ne semble pas être mise en cause. Cela étant, les relations financières entre l'État et RFF ne sont pas du ressort de M. Coeuré.

Le Président Didier Migaud a demandé à M. Coeuré quelle était son analyse de la soutenabilité de la dette de l'État aujourd'hui et ce qu'il pensait du ratio d'endettement fixé par Maastricht à 60 %.

PermalienBenoît Coeuré

a répondu que le ratio d'endettement de Maastricht n'est qu'une manière parmi d'autres de mesurer la soutenabilité de la dette. Bien qu'elle ne soit sans doute pas la plus pertinente – d'ailleurs, les économistes ont fait la liste de tous les inconvénients que présente ce ratio –, elle est celle sur laquelle douze pays se sont mis d'accord en 1992 et autour de laquelle est organisé le dialogue politique au sein de l'Eurogroupe, avec la Commission et la Banque centrale. Ce ratio est inscrit dans le Traité et doit dont être respecté.

Pour ce qui concerne la soutenabilité de la dette française, il existe un certain paradoxe. Les analyses économiques ne sont pas très favorables à la France. Le rapport Pébereau, qui traçait un certain nombre de tendances à long terme pour les finances publiques françaises, mettait en évidence, dans des scénarios au fil de l'eau, si n'intervenait aucune réforme, des ratios dettePIB particulièrement élevés à l'horizon de vingt ou trente ans. M. Coeuré considère que ces scénarios ne se réaliseront pas et en voit la meilleure preuve dans l'appréciation portée par les marchés financiers qui achètent la dette française. Les agences de notation décernent un triple A à la France et celle-ci fait partie du groupe des États souverains dont le crédit est le plus apprécié. Elle n'a aucune difficulté à placer les titres de sa dette qui se monte pourtant cette année à 102,5 milliards d'euros.

Si un certain nombre de tendances lourdes restent inchangées, il y aura un problème de soutenabilité des finances publiques françaises mais les observateurs et les investisseurs considèrent que les réformes seront faites pour que ces tendances ne se réalisent pas et la confiance dans la dette de la France est maintenue.

Le Président Didier Migaud a demandé dans quelle mesure la crise financière actuelle peut avoir un impact sur l'activité de l'Agence France Trésor.

PermalienBenoît Coeuré

a d'abord précisé que la crise actuelle était très complexe et qu'elle n'était pas finie, que ce soit sur les marchés obligatoires ou sur les marchés monétaires. D'une manière générale, un émetteur de la qualité de la France se trouve plutôt du bon côté. Elle bénéficie, en termes de placements, de la hausse de l'aversion pour le risque des investisseurs. Le taux relatif, par exemple, des bons du Trésor à court terme par rapport aux obligations privées de même maturité s'est considérablement renchéri par rapport au mois d'août. L'État bénéficie donc de la fuite vers la qualité. A l'inverse, quand il place, il peut le faire pour quelques semaines à des conditions très avantageuses, sachant que le marché interbancaire à ces horizons fonctionne très mal et que les banques ont beaucoup de réticences à prêter. Les États font partie des acteurs qui continuent à assurer la liquidité du marché en étant prêts à placer pour des délais supérieurs à quelques jours, ce qui n'est malheureusement pas le cas des banques en ce moment. Bien que ce soit très difficile à quantifier, il y a plutôt des gains à court terme.

Néanmoins, il faut rester vigilant car le fonctionnement des marchés est très perturbé et oblige à faire un travail de préparation des émissions beaucoup plus important qu'à l'ordinaire.

La France a la chance d'avoir un réseau de banques qui sont les spécialistes en valeurs du Trésor. Elles aident l'État à préparer les adjudications et à placer les titres.

L'autre leçon que l'on peut tirer de la crise est que la liquidité interbancaire n'est pas infinie et que l'État ne peut faire appel systématiquement au financement bancaire en cas de problèmes de trésorerie. La liquidité de ces instruments de très court terme, testée par le marché, est beaucoup moins importante qu'on le pensait. Cela signifie qu'il existe probablement une limite inférieure à l'encaisse de précaution devant être conservée sur le compte du Trésor. En particulier, les lignes de financement bancaires mises en place par la France ne peuvent être que des instruments exceptionnels en cas d'incident. Le moyen de financement de référence de l'État doit demeurer l'émission de dettes négociables, donc les OAT, les BTF et les BTF à court terme. La France ne peut dépendre de la capacité des banques à lui fournir les liquidités.

Le Président Didier Migaud a remercié M. Coeuré.

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