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Commission des affaires étrangères

Séance du 9 juillet 2008 à 11h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture

La commission des affaires étrangères a examiné, sur le rapport de M. Jean Glavany, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants (n° 960).

PermalienPhoto de Jean Glavany

a rappelé qu'il était, par définition très difficile d'évaluer précisément le nombre de personnes qui sont victimes d'actes de torture ou de traitements inhumains ou dégradants. Mais l'existence, de par le monde, de plusieurs centaines d'associations non gouvernementales luttant contre la torture, les exécutions sommaires, les disparitions forcées et tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant suffit à témoigner de l'ampleur de ce phénomène.

Amnesty International, dont des représentants ont été rencontrés pour la préparation du rapport, indique avoir recueilli des informations sur des cas de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans quatre-vingt un pays en 2007. L'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) a dressé une carte des pays qui pratiquent la torture. Parmi eux, figurent de nombreux pays au régime autoritaire, mais aussi de grandes démocraties comme le Brésil, l'Inde et les Etats-Unis. Il semble en fait que, depuis le lancement de la « guerre contre le terrorisme », l'usage de la torture, malgré son interdiction absolue, ne fasse plus l'objet d'un rejet aussi unanime que par le passé. Cette guerre a objectivement provoqué des entorses à l'interdiction absolue de recours à la torture.

Tout instrument visant à renforcer les moyens de lutter contre de telles pratiques est utile. Le Protocole facultatif se rapportant à la convention de lutte contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, signé le 18 décembre 2002 à New York, est particulièrement précieux dans la mesure où il organise l'articulation entre un sous-comité de la prévention à vocation universelle, qu'il crée, et des mécanismes nationaux de prévention, dont chaque Etat partie doit se doter.

Aussi, avant même que ne soit examiné le présent projet de loi, la France a récemment enrichi son corpus législatif d'une loi instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité qui a notamment vocation à constituer le mécanisme français de prévention de la torture.

La torture et les autres peines ou traitements inhumains ou dégradants sont interdits à la fois en temps de guerre par le droit humanitaire, c'est-à-dire par les conventions de Genève de 1949, et en temps de paix par le droit international classique.

Après que la « torture » a été déclarée illégale par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, puis interdite par Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950, la Convention des Nations unies de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (dite Convention contre la torture) est le premier instrument international contraignant qui porte exclusivement sur la lutte contre cette forme de violation des droits de l'homme. 144 Etats y sont actuellement parties.

Pour veiller au respect des principes qu'elle pose, la convention contre la torture de 1984 crée un Comité contre la torture, composé de dix experts indépendants élus par les Etats parties à la Convention. Le Protocole additionnel que nous examinons aujourd'hui vise à compléter ce dispositif en instituant un sous-comité de la prévention, appelé à collaborer avec le Comité contre la torture.

Un organe chargé de la prévention de la torture existe également en Europe depuis 1989. Il a été créé par la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants adoptée en 1987 par le Conseil de l'Europe. Le Comité européen pour la prévention de la torture, est chargé d'effectuer des visites dans tous les lieux de détention sur le territoire des États parties et de faire des recommandations.

Par rapport à ce dispositif européen, le présent protocole à la convention de lutte contre la torture présente l'avantage d'être universel et d'articuler un organe international voisin du comité européen et des dispositifs nationaux propres à chaque Etat partie.

Adopté à New York le 18 décembre 2002, le Protocole est entré en vigueur en juin 2006. Trente-cinq Etats y sont actuellement parties : trente-trois autres, dont la France, ont signé le Protocole sans l'avoir encore ratifié. On est encore loin des plus de cent quarante Etats qui sont parties à la convention contre la torture de 1984, mais ce protocole n'est que facultatif. Le fait que près de la moitié des Etats parties à la Convention l'ait signé, et ce moins de six ans après son adoption, constitue néanmoins un signe très encourageant de l'intérêt de la Communauté internationale pour la lutte contre la torture, dans un contexte pourtant difficile.

L'objectif du Protocole est l'établissement d'un « système de visites régulières » « sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Pour ce faire, les Etats parties au Protocole autorisent le sous-comité international et les mécanismes nationaux à effectuer ces visites. Le champ d'application de celles-ci est très vaste : est en effet susceptible d'être visité dans le cadre du Protocole « tout lieu placé sous [la] juridiction [de l'Etat] ou sous son contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur ordre d'une autorité publique ou à son instigation, avec ou sans son consentement exprès ou tacite ».

Le sous-comité compte actuellement dix membres ; ce nombre sera porté à vingt-cinq lorsque le nombre d'Etat parties au Protocole aura atteint cinquante. Ses membres doivent être choisis parmi « des personnalités de haute moralité ayant une expérience professionnelle reconnue » dans les domaines dont traite le Protocole. Ils siègent à titre individuel et agissent en toute indépendance et impartialité.

Le sous-comité est chargé de trois missions. D'abord, effectuer des visites des lieux où se trouvent des personnes privées de liberté et, à l'issue, formuler à l'attention des Etats des recommandations concernant la protection de ces personnes contre tout mauvais traitement. Ensuite, coopérer avec les organes nationaux de prévention, en leur apportant notamment formation, assistance technique et avis. Enfin, coopérer avec tous les organismes internationaux compétents en vue de prévenir la torture.

Les conditions dans lesquelles les visites s'effectuent sont détaillées dans le Protocole.

Mais la véritable valeur ajoutée du Protocole par rapport à la convention européenne est l'obligation qu'il crée pour les Etats parties de mettre en place un mécanisme national de prévention. Il accorde en effet aux Etats nouvellement parties un délai d'une année pour « administre[r], désigne[r] ou met[tre] en place (…) un ou plusieurs mécanismes nationaux de prévention indépendants en vue de prévenir la torture à l'échelon national ».

Le Protocole met aussi à la charge de chaque Etat une série d'obligations, destinées à faire en sorte que les mécanismes nationaux de prévention puissent remplir, au niveau national – voire infranational –, le même type de missions que le sous-comité de la prévention au niveau international.

Ils doivent ainsi garantir l'indépendance de ces structures et celle de leur personnel et veiller à ce que les experts qui en font partie soient compétents et disposent des moyens de fonctionnement nécessaires. Le Protocole impose que les mécanismes nationaux soient investis au moins des missions suivantes. En premier lieu, l'examen régulier de la situation des personnes privées de liberté dont le Protocole vise la protection. En deuxième lieu, la formulation de recommandations destinées aux autorités compétentes afin d'améliorer le traitement et la situation de ces personnes, et de prévenir les mauvais traitements. En troisième lieu, la présentation de propositions ou d'observations sur la législation en vigueur ou les projets de loi en la matière.

C'est notamment pour mettre en oeuvre de manière anticipée ces stipulations que la France a institué, par une loi du 30 octobre 2007, un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Considérablement améliorée au cours de son examen parlementaire, cette loi respecte pour l'essentiel les exigences du Protocole.

Elle comporte néanmoins trois dispositions qui ne sont pas en parfaite conformité avec les stipulations du Protocole. Elle n'accord pas les immunités et privilèges nécessaires à l'exercice des fonctions des collaborateurs du Contrôleur général, pourtant exigées par le Protocole, et elle prévoit des cas dans lesquels les autorités peuvent demander le report de la visite d'un lieu de privation de liberté par le Contrôleur, alors que le Protocole n'ouvre cette possibilité que pour s'opposer à une visite du sous-comité de la prévention, mais pas à celle d'un mécanisme national de prévention.

Enfin, la loi limite le champ de compétence du Contrôleur au territoire de la République, tandis que le Protocole stipule que le mécanisme national doit pouvoir visiter les lieux privatifs de liberté placés « sous la juridiction ou le contrôle des autorités publiques », sans limite géographique. Le Contrôleur ne pourra donc s'intéresser ni aux pratiques des militaires français en opération extérieure, ni à celles des policiers effectuant des missions hors du territoire national, alors que les activités de ce type ont vocation à se développer dans le cadre de l'agence européenne FRONTEX, dont l'objectif est de renforcer le contrôle des frontières extérieures maritimes, terrestres et aériennes de l'Union en mutualisant les moyens humains et techniques des polices européennes.

Le budget annuel de 2,5 millions d'euros qui a été accordé pour 2008 au Contrôleur général peut être jugé trop faible. Toutefois, le Contrôleur a finalement été mis en place et, le 11 juin dernier, a été nommé à ce poste M. Jean-Marie Delarue, dont les compétences sont unanimement reconnues.

A peine créé, ce nouvel organe apparaît pourtant condamné à une existence brève puisqu'il semblerait que, une fois ce mandat achevé, soit dans six ans, ses compétences soient susceptibles d'être confiées au Défenseur des droits des citoyens, institution dont la création est prévue dans le projet de révision constitutionnelle en cours d'examen, et que le Sénat a rebaptisée « Défenseur des droits ».

Il est regrettable que le sort d'un organe aussi important que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté apparaisse si incertain seulement quelques mois après sa création, et avant même qu'il ait pu faire la preuve de son utilité.

La France doit donc non seulement ratifier le Protocole facultatif, mais aussi faire en sorte que son mécanisme national de prévention soit irréprochable. Le Parlement devra faire preuve de la plus grande vigilance sur ce point.

Enfin, au vu de l'importance de ce texte, il conviendrait que son adoption soit débattue en séance publique.

Répondant favorablement à la suggestion du rapporteur d'un débat public pour l'approbation de cette convention, le Président Axel Poniatowski lui a demandé si, bien qu'il n'y ait pas d'identification officielle des pays pratiquant la torture, on supposait qu'il y en ait parmi les signataires de la convention.

Le rapporteur a répondu qu'effectivement il en était ainsi, citant le cas du Brésil notamment. Il a insisté sur le fait que, en l'absence de statistiques officielles, ces informations émanaient surtout d'indications et d'éclairages apportés par les ONG, l'ACAT, Amnesty International notamment, ainsi que de rapports élaborés par les parlementaires siégeant au Conseil de l'Europe.

PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

indiquant qu'il venait le matin même d'être témoin à la Gare du Nord d'un contrôle, a souligné que le fait que cette opération de près d'une heure avait eu lieu en public, ce qui l'avait rendue dégradante et humiliante. Il s'est demandé si les orientations prises ces derniers temps par notre pays, avec les centres de rétention, notamment, ne risquaient pas de le lui faire oublier les préconisations de ce rapport.

A ce sujet, il a déclaré avoir aussi exercé son droit de visite, en tant que parlementaire, de centres de rétention ; il lui a semblé percevoir que le gouvernement était agacé par ce pouvoir de contrôle et être prêt à le réduire. Il a donc insisté sur le fait que ce droit était important, que notre pays devait rester vigilant et que ce contrôle devait rester sans limite.

Le rapporteur a cité l'article 1 de la convention de 1984, soulignant qu'il n'y avait pas de définition simple et claire de la torture ou des traitements inhumains ou dégradants ; il a estimé qu'il pouvait y avoir débat sur cette question en partie subjective, qui dépend aussi des conceptions philosophiques et religieuses de chacun. Rappelant les affaires d'abus de biens sociaux, il s'est interrogé sur le fait de savoir si la prison préventive ordonné par un juge d'instruction pour contraindre un inculpé à avouer un délit pouvait ou non être considéré comme une forme de torture mentale. Il a précisé à Mme Marie-Louise Fort que la question de la peine de mort relève d'autres dispositions mais qu'en l'occurrence si les Etats-Unis sont cités, c'est en raison des traitements pratiqués à Guantanamo.

PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

a indiqué avoir également visité des centres de rétention et a tenu à relativiser la dureté des conditions et des contrôles effectués.

PermalienPhoto de François Rochebloine

est intervenu pour souligner que, si les contrôles étaient nécessaires, ils n'en devaient pas moins rester respectueux des personnes et s'est montré d'accord avec M. Lecocq. Il a indiqué qu'il devait en être de même vis-à-vis des détenus dans les prisons.

Le rapporteur est revenu sur l'ambiguïté et la subjectivité de la définition, conditionnée par les convictions de chacun. Il a souligné que les ONG ressentaient actuellement une recrudescence de la torture y compris dans les pays démocratiques et civilisés, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, alors même que la convention de 1984 établit qu'aucune cause ne saurait justifier le recours à la torture. Il a également considéré qu'il semblait que les gouvernements avaient actuellement sans doute trop tendance, au moment de procéder à des extraditions vers des pays supposés pratiquer la torture, à se contenter des assurances diplomatiques que de tels traitements ne seraient pas appliqués. Il y a vu une faiblesse des Etats qui pouvait participer de la recrudescence de la torture constatée par le ONG.

Il a indiqué aussi que si l'Europe paraissait heureusement à l'abri du phénomène et de sa recrudescence, comme en témoigne la carte distribuée au début de la réunion, il n'en reste pas moins que le Conseil de l'Europe a eu l'occasion de révéler l'existence de prisons secrètes de la CIA, sur le territoire de plusieurs pays européens, où il est avéré y avoir eu des cas de tortures et autres traitements interdits par le droit international, sans qu'on ait pu rien faire, compte tenu du caractère secret de ces détentions. Il reste donc malheureusement des zones d'ombre, sur lesquelles seuls les travaux d'ONG ou de parlementaires, tels ceux du Conseil de l'Europe, peuvent apporter une information.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 960).

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Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Le Président Axel Poniatowski a accueilli le Ministre et a indiqué que les membres de la commission souhaitaient l'entendre sur plusieurs points. D'abord, sur les circonstances de la libération d'Ingrid Betancourt, question d'une particulière actualité puisque cette dernière sera reçue par l'Assemblée Nationale dans l'après-midi, mais également sur l'annonce récente du Président de la République selon laquelle des anciens membres des forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) pourraient être accueillis en France.

Ensuite, concernant le Zimbabwe, il conviendrait de connaître la position exacte de la France, au moment où des positions divergentes apparaissent entre, d'une part, l'Union africaine, qui semble privilégier la voie d'un gouvernement d'union nationale, et, d'autre part, la position du G8, qui appelle à la saisine du Conseil de sécurité des Nations unies, et au vote de sanctions.

Par ailleurs, concernant le processus de ratification du traité de Lisbonne, un deuxième vote irlandais est-il envisageable ? Dans une telle hypothèse, quelles contreparties pourraient être offertes à l'Irlande pour éviter que l'issue d'un nouveau vote ne soit à nouveau défavorable ?

La situation en Afghanistan mérite enfin quelques précisions. De retour d'une mission sur place, avec M. François Loncle, le Président Axel Poniatowski a indiqué qu'en dépit de certaines améliorations et de certains succès tels que le fonctionnement du lycée français de Kaboul ou de l'hôpital pour enfants, la situation sécuritaire du pays s'est considérablement dégradée. Dès lors, dans quel contexte le renforcement du dispositif militaire français sur place interviendra-t-il ? Par ailleurs, quelles actions sont prévues contre le trafic de drogue, phénomène d'une importance cruciale ? De plus, quel rôle joue le Pakistan dans l'évolution de la situation interne à l'Afghanistan ? Quelles perspectives offre la montée en puissance des forces afghanes, qui ne sont pas encore opérationnelle aujourd'hui ?

PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

a souhaité laisser à Mme Ingrid Betancourt le soin d'évoquer le rôle joué par la diplomatie française dans sa libération. Il a déclaré que la France entendait désormais persévérer afin d'obtenir la libération du plus grand nombre de personnes encore gardées en otages par les Farc.

La libération d'Ingrid Betancourt a été largement couverte par la presse. Il convient de souligner que l'action de la France n'a négligé aucun moyen, en s'associant au premier chef avec Alvaro Uribe, dont la légitimité est sans conteste, et qui a démontré une grande efficacité en matière de sécurité, mais sans s'interdire d'explorer d'autres voies comme celle du recours à des Etats voisins parmi lesquels le Venezuela. Il a rappelé que l'intervention du Président vénézuélien Hugo Chavez avait permis la libération de six otages, en deux fois, avant que la libération d'Ingrid Betancourt ne puisse avoir lieu. L'action de la France a donc permis de focaliser l'attention des Etats d'Amérique latine sur la situation des otages, par exemple lors de la réunion de certains de ces Etats avec l'Union européenne, tenue à Lima, alors même que ce dossier ne figurait pas autant parmi les priorités de nos partenaires.

S'agissant de la libération d'Ingrid Betancourt en tant que telle, celle-ci résulte de l'action de la seule armée colombienne. Les Américains ont apporté une aide, mais l'armée de Colombie était suffisamment puissante, déterminée et responsable pour réussir seule. Il est clair que les modalités de l'opération ne lassent pas de surprendre, mais de fait l'armée colombienne a réussi l'infiltration, l'intoxication psychologique des Farc et la libération des otages sans qu'il y ait eu rançon à la clé. La France, en tout cas, n'a versé aucune contribution. Si des échanges d'argent avaient eu lieu, pour procéder à la libération, il n'en resterait pas moins vrai que la seule chose qui comptait était la libération des otages.

PermalienPhoto de Jacques Remiller

a demandé quelle était la mission remplie par le diplomate français qui se trouvait dans la jungle colombienne au moment de la libération d'Ingrid Betancourt.

PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

a indiqué que ce diplomate reprenait contact avec le nouveau secrétariat des Farc et que cette démarche avait été organisée afin de maintenir ouvertes le plus de pistes possibles.

PermalienPhoto de François Loncle

a rappelé qu'au cours de la rencontre qu'il avait eue, avec Alvaro Uribe, le 22 février, en présence de M. Bernard Kouchner, il était très clairement apparu que le président colombien maîtrisait parfaitement la situation dans laquelle Ingrid Betancourt se trouvait, et avait même réussi à obtenir des informations sur la compagne de celui qui gouvernait le camp de prisonniers où se trouvait l'otage franco-colombienne.

M. François Loncle avait donc envoyé une lettre au ministre, dans laquelle il lui recommandait de ne s'adresser, par la suite, qu'au seul Président Uribe, et de ne plus compter sur les bons offices du Président Chavez. L'issue finale de la prise d'otages aura montré la pertinence de ces conseils.

Au-delà de la libération d'Ingrid Betancourt, la proposition du Président de la République, d'accueillir sur le territoire français des anciens membres des Farc, est extrêmement choquante. Il a tenu à déclarer avec force que les Farc ne sont pas une organisation révolutionnaire, mais un groupe criminel et barbare. Accueillir des membres d'une telle organisation irait contre tous les principes français du droit d'asile, au moment même où la France s'apprête à procéder à l'extradition de Marina Petrella.

PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

a confirmé que, lors de la réunion du 22 février avec Alvaro Uribe, l'idée de faire pression sur la femme du chef du camp de prisonniers avait été évoquée. Elle fut finalement abandonnée, d'autres voies s'avérant plus prometteuses.

Concernant les relations entretenues avec les divers responsables politiques de la région, il convient de rappeler que l'atmosphère en France, il y a quelques mois de cela, était très particulière. Le Président Uribe était alors sujet de nombreuses critiques, et il aura fallu finalement imposer une collaboration, pourtant indispensable, avec le président colombien. Mais les autres relations étaient également utiles. Le Président Chavez a ainsi contribué à la libération de six otages, qui a permis d'engager une « compétition positive », au lieu de la dégradation continue de la situation des otages, qui avait été constatée jusqu'alors.

Au sujet de l'accueil éventuel de membres des Farc, il faut rappeler que le Président Mitterrand avait fixé, comme seule exception au droit d'asile, les personnes reconnues coupables de crime de sang. Il n'est de toutes façons pas question d'accueillir en France des personnes qui ne seraient pas en règle avec la justice colombienne.

PermalienPhoto de Jacques Myard

a demandé si l'intense médiatisation de la situation d'Ingrid Betancourt n'avait pas eu pour conséquence une certaine radicalisation de l'attitude des Farc. De manière générale, l'attention portée par les médias à une situation a souvent tendance à renforcer des groupes criminels dans leur croyance de l'importance de leur action, a contrario elle permet de maintenir une pression qui peut être salutaire. Il est difficile d'avoir une position catégorique.

Par ailleurs, s'il doit avoir lieu, l'accueil des Farc sur le territoire ne saurait être évalué qu'en fonction de leur situation vis-à-vis de la justice colombienne, mais également au regard des obligations fixées par la justice française.

PermalienPhoto de Renaud Muselier

a demandé comment des commandos, a priori sans arme puisque déguisés en représentants d'une organisation internationale, ont réussi à désarmer des miliciens pourtant équipés, au moins, d'armes de poing ?

PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

a indiqué que les membres des Farc, croyant réellement qu'ils allaient à une réunion avec des représentants d'organisation internationale, ont accepté de remettre leurs armes.

PermalienPhoto de Renaud Muselier

a indiqué que le choix de « l'hypermédiatisation » avait été fait par la famille et les comités de soutien d'Ingrid Betancourt, et que la France avait ensuite approuvé les objectifs de cette option stratégique, qui visait à éviter l'oubli et à rendre possible des échanges sur une base humanitaire.

La libération des otages conforte désormais la position d'Alvaro Uribe au sein de son pays. Il a demandé quelle était aujourd'hui la situation des Farc et quel était l'avenir du Président Uribe dans la région, notamment par rapport à la place qu'occupe le Président Chavez.

PermalienPhoto de Jean-Michel Ferrand

a demandé au ministre s'il estimait que la tentative de rapprochement du Président Andrés Pastrana avec la guerilla en son temps était une stratégie erronée. Il a également souhaité connaître le sentiment de M. Bernard Kouchner quant à l'avenir des FARC : les chefs historiques sont morts, certains autres se rendent, et les plus jeunes, bien qu'enrichis, vivent dans la jungle sans pouvoir en sortir, voire même communiquer, compte tenu de la surveillance satellitaire. Il a demandé si l'avenir pouvait passer par une transformation des FARC en parti politique.

PermalienPhoto de François Rochebloine

s'est réjoui du rôle de la diplomatie française dans cette action et a regretté les polémiques récentes. Il a trouvé difficilement compréhensible qu'une personne ayant passé six ans et demi à l'écart, naguère si marquée, apparaisse aujourd'hui si belle.

Répondant à M. Myard, le Ministre a rejoint la position de M. Muselier en indiquant que la médiatisation avait été un choix délibéré de la famille d'Ingrid Bétancourt et des comités qui ont maintenu la mobilisation, ce dont il faut les féliciter. Il a rappelé que les efforts antérieurs n'avaient pas été couronnés de succès, mais que tout cela avait commencé en 2002 et avait constitué un exploit de chaque jour. Pour autant, cette stratégie n'est pas toujours une garantie de succès et il ne s'agit pas de la considérer comme nécessaire ou souhaitable en chaque cas. Cela étant, le fait de centrer l'attention sur une personne, ce qui a pu être reproché, avait permis à tout le monde en Amérique latine, de s'intéresser à ce qui n'était alors qu'un problème intérieur colombien. En outre, la France a toujours appelé à la libération de tous les otages civils, et pas seulement d'Ingrid. Il a tenu à souligner que le ministère n'avait pas en ce qui le concerne choisi la médiatisation et qu'il était loin de travailler de manière aussi visible, en témoigne la nouvelle cellule de crise au sein de laquelle s'activent sans arrêt 50 personnes, traitant de nombreux cas à négocier dans la plus totale discrétion.

En l'espèce, cette question n'était pas un problème à l'intérieur même de la Colombie, sauf pour les familles des otages, qu'il a eu l'occasion de rencontrer lors de ses voyages, lesquelles ont du mal à admettre que certains sont libérés et d'autres pas ; il a pu les rassurer quant au fait que le sort de leurs proches ne serait pas oublié, même si le rôle de la France dépendra de l'accord du Président Uribe. L'art de la négociation passe par des phases de pression, de discrétion aussi, et l'équipe de la cellule de crise du ministère, qui avait été créée par Roland Dumas avant d'être déstructurée et récemment réactivée, travaille sans répit.

Quant à la situation des membres des FARC, M. Bernard Kouchner a rappelé que, en France, ceux qui pourraient avoir à répondre de crimes en répondraient. Cela étant, il a souligné que la France n'a jamais eu la compétence universelle telle qu'adoptée un temps par la Belgique. De toute manière, son sentiment est que peu, voire pas, de membres des FARC viendront en France ; il a tenu également à souligner que dans le passé, certains demandeurs d'asile contestables avaient trouvé refuge sur notre territoire, tel Bébé Doc, et que le problème était aussi pour partie moral.

Répondant à M. Muselier, le Ministre a estimé qu'il valait mieux qu'Ingrid Bétancourt raconte elle-même les circonstances de sa libération ; il a simplement précisé que, selon les indications qu'il avait eues, en plus d'une protection au sol, trois hélicoptères étaient prêts à intervenir. Le Président Uribe ne voulait ni combat ni effusion de sang et l'avait personnellement assuré qu'il n'y aurait pas de combat à terre pour ne pas risquer de mettre en danger la vie des otages, ayant en mémoire le sort des onze parlementaires colombiens assassinés par la guérilla. Donnant cette assurance en février dernier, le président Uribe avait également indiqué savoir très précisément où se trouvaient les otages (à 500 mètres près).

Quant à l'avenir des FARC, le Ministre a considéré qu'elles avaient effectivement subi de lourds revers récemment. Pour répondre à M. Ferrand, il a indiqué ne pas croire à la possibilité d'une conciliation dans la mesure où engager des pourparlers reviendraient à reconnaître de facto les FARC comme interlocuteur valable du gouvernement, ce qui n'est pas envisageable de la part du président Uribe qui leur a déclaré une guerre totale. Il a estimé également difficile que les FARC se transforment en parti politique, même si une telle normalisation serait évidemment souhaitable. Il a indiqué qu'il y avait certes des différences entre les générations de membres de la guérilla, et que tout était possible, dans la mesure où même leur pasionaria s'est rendue après avoir passé 17 années dans la jungle. Cela étant, certains membres des FARC sont très riches, vivent dans des fincas de milliers d'hectares dans la forêt, produisant de la coca, et ne se rendront pas. A la différence de ce que l'on pourrait croire, ils sont installés et profitent de leurs fortunes considérables, sans risquer d'être dénoncés compte tenu des risques que courraient leurs délateurs éventuels.

Revenant sur le commentaire de M. Rochebloine, il a estimé qu'effectivement, Ingrid Bétancourt avait un rayonnement étonnant après plus de six ans de captivité dans des conditions extrêmes ; il a indiqué avoir été surpris de la bonne forme physique des six libérés, même de l'otage cardiaque qui avait été en grand danger quelques temps plus tôt. Il a précisé que la photo très impressionnante d'Ingrid Bétancourt qui avait eu tant d'impact était une mise en scène pour en augmenter l'effet.

Quant à la position du président Pastrana, il était en fait question d'une zone libérée, ce qu'a toujours refusé son successeur Uribe, considérant que cela aurait remis en cause sa légitimité nationale.

Suite à l'annonce de la présence du président de la République à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques à Pékin, M. Lionnel Luca a interrogé le Ministre sur l'état du dialogue entre les autorités chinoises et les représentants tibétains : l'hypothèse d'une troisième séance de discussion avant la fin de l'année peut-elle présager d'une évolution favorable de la situation au Tibet ? M. Luca a également souhaité connaître la réaction de la diplomatie française aux propos de l'Ambassadeur de Chine enjoignant au Président de la République de ne pas recevoir le Dalaï Lama.

PermalienPhoto de Jacques Myard

s'est félicité de la participation du Président de la République à la cérémonie, estimant que cette décision permettait d'améliorer les relations franco-chinoises et en conséquence de plaider avec plus de force en faveur du Tibet. Il a ensuite estimé qu'en réponse à l'Ambassadeur de Chine la France devait rappeler son indépendance et sa totale liberté dans le choix des personnalités qu'elle souhaite accueillir. La France reçoit qui elle veut quand elle veut, comme elle le veut.

PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

a indiqué qu'il avait demandé ce jour à l'Ambassadeur de Chine de venir s'expliquer sur ses déclarations. Il n'est pas admissible de tenir des propos de cette nature à l'adresse des autorités françaises. La France est une nation indépendante et libre de déterminer ses invitations et le moment de celles-ci.

Le Ministre a ensuite fait observer que le Président Nicolas Sarkozy assisterait à la cérémonie d'ouverture au nom de la République française, mais également au titre de la Présidence en exercice du Conseil européen puisqu'il avait consulté les 26 Etats membres à cet effet.

La reprise du dialogue entre les autorités chinoises et les représentants du Dalaï Lama a été saluée par le Gouvernement français. Les deux premières réunions ne semblent pas avoir donné lieu à des avancées importantes mais la tenue de ces réunions constitue en elle-même un progrès. Les autorités chinoises font état de la réouverture du Tibet au tourisme et à la presse, cette affirmation restant cependant à vérifier.

PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

a abordé successivement quatre sujets de préoccupation : le processus de partition en cours en Bolivie, l'offensive militaire au Sri Lanka à l'encontre des rebelles tamouls, la poursuite de l'implantation de colonies israéliennes et la répression des manifestations à Sidi Ifni ainsi que la régression des droits de l'homme au Maroc.

Après avoir émis des doutes sur les chances de succès de la politique de nationalisation entreprise par le Président élu Evo Morales, M. Bernard Kouchner a estimé que l'autonomie réclamée par les régions à l'égard du pouvoir central bolivien était une initiative dangereuse contre laquelle il fallait mettre en garde les élus boliviens.

Le Ministre s'est ensuite félicité des progrès accomplis par le Maroc en matière de droits de l'homme, notamment sous l'influence très positive du Roi. De manière générale, il a regretté la répression des manifestations, quels que soient les pays dans lesquels elle a lieu.

Revenant sur la situation au Zimbabwe, le ministre a rappelé que le ministère des Affaires étrangères et européennes, au nom de la Présidence du Conseil de l'Union européenne, avait, d'une part, qualifié de déni de droit le maintien de l'élection présidentielle en dépit du retrait forcé du candidat Morgan Tsvangirai et d'autre part, condamné la répression à l'égard de l'opposition. L'ONU a également réclamé la tenue d'élections démocratiques.

L'Union africaine, lors du sommet de Charm-el-Cheikh, a appelé à la constitution d'un gouvernement d'union nationale dont Morgan Tsvangirai serait le Premier ministre. L'Afrique du Sud, en dépit de sa réticence initiale, s'est ralliée à cette proposition. Cependant, deux interrogations demeurent : le principal intéressé, M. Tsvangirai, acceptera t-il le poste ? Quelle pression l'Union africaine exercera-t-elle sur le Président Mugabe en faveur de cette solution ? L'Union européenne se trouve donc dans une position d'attente inconfortable. Elle doit néanmoins prêter attention aux positions adoptées par les Etats africains. On observe en effet deux attitudes de la part des responsables africains qui risquent de se cristalliser dans les années à venir : la première visant à soutenir l'Etat de droit et le principe d'élections démocratiques, la seconde condamnant l'ingérence européenne et les leçons données périodiquement. Il importe de prendre en compte ces critiques et de favoriser le traitement régional des affaires africaines.

Rappelant la prochaine visite en France du Président Kabila, M. Michel Terrot a souhaité des précisions sur les intentions françaises dans la région des Grands Lacs alors que la situation semble s'y être stabilisée.

PermalienPhoto de Renaud Muselier

a fait valoir que la cellule de crise du Quai d'Orsay n'avait pas été prise en défaut dans les cas qu'il avait eu à connaître en tant que ministre, citant notamment le crash de Charm el-Cheikh, le tsunami et la crise en Côte d'Ivoire. Il a ensuite demandé quels résultats pouvaient être espérés pour le sommet de lancement de l'Union pour la Méditerranée le 13 juillet prochain.

Considérant que la crise dans la région des Grands Lacs n'était pas terminée, M. Bernard Kouchner a néanmoins indiqué que les actes d'engagement de Goma avaient ouvert des perspectives de paix qui ont convaincu la France de renforcer sa présence diplomatique dans la région. En dépit des accusations à l'encontre du Président Kabila et de la polémique qui s'en est suivie avec la Belgique, il semble que celui-ci cherche à développer son pays et à oeuvrer en faveur d'une sortie de crise régionale. Il est important que la France développe ses liens avec la République démocratique du Congo qui est le plus grand pays francophone d'Afrique.

Le Ministre a partagé le constat de M. Muselier quant à l'efficacité de la cellule de crise. Le centre de crise rénové doit permettre d'améliorer les capacités matérielles et technologiques en matière de gestion des crises, notamment en regroupant sur place les différents services concernés.

Le communiqué devant intervenir à l'issue du sommet de l'Union pour la Méditerranée est en voie d'achèvement. Les participants doivent encore l'approuver. Des réunions sont prévues dans les jours qui viennent pour aplanir d'éventuels désaccords. A l'exception de la Libye, tous les pays invités seront présents, le Premier ministre turc ayant annoncé sa venue.

La participation d'Israël et des pays arabes constitue déjà un succès, de même que les dispositions favorables de l'Espagne, de l'Allemagne ou de la Commission européenne. Dans une Europe qui s'éloigne de ses citoyens, l'Union pour la Méditerranée peut permettre à l'Europe de s'incarner dans un projet compréhensible par tous.

Le succès de l'Union pour la Méditerranée sera jugé à l'aune des projets réalisés. Ceux-ci seront à géométrie variable -chaque Etat étant libre de prendre part au projet ou non- et feront l'objet d'un financement mixte, public-privé. Ils sont aujourd'hui au nombre de quatre : la dépollution de la mer Méditerranée, la construction d'autoroutes de la mer, le développement de l'énergie solaire et la coordination de la lutte contre les feux de forêts.

Les rapports entre le secrétariat de l'Union pour la Méditerranée et la Commission ainsi que le siège de celui-ci restent à déterminer. Les pays du Maghreb pour le moment n'ont pas fait connaître leur proposition, il s'agira, quoi qu'il en soit, d'une décision collective. Le ministre a indiqué que parmi les différentes suggestions faites, il n'aurait pas de problème, à titre personnel, pour le choix de Barcelone.

PermalienPhoto de Patrick Labaune

s'est inquiété de la dégradation de la situation sécuritaire en Afghanistan, en dépit du maintien, depuis sept années désormais, d'une présence militaire. L'absence d'améliorations notables de la situation dans le pays pose la question de la légitimité du président Hamid Karzaï aux yeux de la population ainsi que celle d'une approche occidentale, manifestement peu adaptée à la réalité afghane dominée par une pluralité ethnique et tribale.

PermalienPhoto de François Rochebloine

a interrogé le Ministre sur la situation au Liban. Le pays est enfin parvenu à désigner un président, M. Michel Sleimane, mais tarde à se doter d'un gouvernement dont la composition se fait attendre. Puis, il a souhaité obtenir des précisions sur les initiatives du groupe de Minsk, chargé du règlement du conflit au Haut-Karabagh, qui est accusé d'être inactif.

PermalienPhoto de Daniel Garrigue

a, pour sa part, évoqué le refus irlandais de ratifier le traité de Lisbonne. Plusieurs raisons à ce refus ont été avancées, en particulier l'absence d'éléments concrets dans le corps du traité. Mais, ne faut-il pas voir également dans ce refus un réflexe nationaliste, émanant d'un pays de petite taille, face à certaines dispositions comme la réduction du nombre de commissaires européens, par exemple. Dans ces conditions, ne faut-il pas consacrer davantage d'efforts au renforcement de la représentation nationale au sein des instances européennes en mettant l'accent sur des mécanismes comme la procédure d'alerte destinée à assurer le respect du principe de subsidiarité ou la représentation des parlements nationaux ?

PermalienPhoto de Rudy Salles

a insisté sur les initiatives prises au niveau parlementaire en vue de renforcer le dialogue entre les peuples des pays riverains de la Méditerranée. Dans cette perspective, la création d'une enceinte spécifique de dialogue a été envisagée dès 2003 et a pris forme, il y a deux ans, avec la mise en place de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM), qui regroupe uniquement les représentants des pays méditerranéens et dont le siège est situé à Malte. Dans ce contexte, le projet d'Union pour la Méditerranée (UPM) du président Nicolas Sarkozy a naturellement été accueilli très favorablement. Toutefois, les contours actuels de ce projet, qui réunit désormais l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne et les autres pays riverains de la Méditerranée, risquent de diluer le rôle de cette assemblée. Les représentants de l'APM ne souhaitent pas faire les frais de cet élargissement du projet d'union méditerranéenne. Ils jouent, en effet, un rôle spécifique dans le dialogue des peuples de cette région du monde et il importe de valoriser cette complémentarité. Il est donc nécessaire d'obtenir des assurances sur le maintien de cette structure et la prise en compte de ses contributions à la construction de l'UPM.

En réponse aux différents intervenants, M. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes, a apporté les précisions suivantes :

− En ce qui concerne l'Afghanistan, il convient de rappeler que le président Hamid Karzaï a été élu démocratiquement, à l'issue d'un scrutin qui, pour la première fois, prenait en compte le vote des femmes du pays. Sa légitimité est donc incontestable jusqu'aux prochaines élections qui auront lieu en 2009. Plus généralement, le dispositif militaire en place ne constitue qu'un aspect des efforts entrepris en faveur de la stabilité du pays et ne peut, à lui seul, suffire. A cet égard, la conférence des donateurs qui s'est tenue, le 12 juin dernier, à Paris a montré que la solution ne pouvait être uniquement militaire et qu'il importait d'associer aux efforts entrepris, tous les acteurs de la société civile afghane, qui ont d'ailleurs été entendus à cette occasion. D'importantes difficultés demeurent, comme l'attestent l'attentat meurtrier qui vient de se produire à Kaboul et l'insécurité qui règne dans la capitale afghane ou dans des villes comme Kandahar, malgré une forte présence militaire occidentale. Dans ce contexte, une priorité est d'avoir accès aux populations et les moyens militaires peuvent y contribuer. Il s'agit d'expliquer et de faire comprendre que les forces présentes ne visent pas à occuper l'Afghanistan mais à lutter, avec les Afghans, contre le terrorisme. En aucun cas, une démocratie « à l'occidentale » ne pourra être imposée dans le pays qui, en dépit de ces difficultés persistantes, enregistre des progrès indéniables en matière de santé et d'éducation. L'objectif reste l'exercice de l'intégralité du pouvoir par le peuple afghan. A cet égard, on observe que les projets confiés au Afghans sont ceux qui fonctionnent le mieux, comme l'illustre l'exemple de l'hôpital français de Kaboul.

− S'agissant du Liban, la lenteur à former un gouvernement suscite effectivement une certaine déception mais la situation paraît évoluer, en particulier chez les Chrétiens réunis autour du général Michel Aoun. A l'heure actuelle, il reste à convaincre M. Saad Hariri. Il serait souhaitable que le gouvernement puisse être formé avant la réunion sur l'Union pour la Méditerranée, à laquelle participera le Président Michel Sleimane.

− Au niveau européen, la réduction du nombre de commissaires est imposée par le traité de Nice qui s'applique du fait du rejet du traité de Lisbonne. Il ne s'agit pas de la seule conséquence du rejet de ce traité : ainsi, tout nouvel élargissement est désormais impossible à envisager. Plus généralement, s'il revient à l'ensemble des Etats membres, et en particulier à la France qui préside actuellement l'Union européenne, de proposer des solutions, la solution définitive appartient aux Irlandais. Mais, ce processus demandera du temps. Le déplacement du président de la République en Irlande, initialement envisagé le 11 juillet prochain, a été reporté au 21 juillet.

− En ce qui concerne le conflit du Haut-Karabagh, les positions n'ont guère évolué. Les négociations engagées dans le cadre du groupe de Minsk doivent effectivement être relancées mais le contexte actuel n'est guère favorable.

− Le rôle de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM) est effectivement important. Le projet d'Union pour la Méditerranée ne peut, en effet, se résumer à la seule mise en oeuvre de projets communs et doit intégrer la dimension essentielle de dialogue entre les peuples que l'APM apporte grâce à ses rencontres et échanges au niveau parlementaire.

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