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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 8 février 2012 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Je remercie le rapporteur pour avis pour son intervention qui, chacun l'aura noté, était extrêmement mesurée – d'ailleurs, l'absence d'amendements de la part de la majorité est peut-être le signe d'une interrogation sur le dispositif proposé…

Je présenterai plusieurs observations.

La première a trait à la démarche elle-même. Que le Président de la République estime nécessaire de modifier le mode de financement de la sécurité sociale, pourquoi pas ? Toutefois, à quelques semaines de l'élection présidentielle, on eût pu imaginer que le débat portât sur le mode de financement de la protection sociale : on ne change pas les règles du jeu juste avant une échéance majeure, surtout en expliquant aux Français qu'aucune mesure n'entrera en vigueur avant l'automne prochain ! Il s'agit d'une manipulation, dont personne n'est dupe.

Par ailleurs, le mécanisme retenu aboutira à un « choc de croissance » à l'envers, c'est-à-dire à une récession, et cela pour plusieurs raisons. D'abord, il est improbable qu'une augmentation de 1,6 % de la TVA, accompagnée d'une baisse correspondante des cotisations sociales, ait un effet bénéfique sur la croissance. Les médias rapportent d'ailleurs de nombreux témoignages d'entrepreneurs qui expliquent qu'ils ne modifieront ni leurs prix ni leurs stratégies d'emploi ; comme leurs entreprises vont mal, il s'agira pour eux d'un simple effet d'aubaine. Ensuite, dans notre pays, la croissance repose à 60 % sur la consommation intérieure ; qu'on le regrette ou non, c'est un fait. Augmenter les prix à la consommation – car personne n'imagine que ce ne sera pas le cas – dans un pays en récession, dont la relance passe, à court terme, par l'augmentation ou le maintien de la consommation, semble contre-productif ! Indépendamment du jugement que l'on peut porter sur le fond, une telle décision ne fera, à court terme, qu'enfoncer notre pays dans la récession.

C'est sur l'analyse des causes du déficit de compétitivité de notre pays que nous divergeons ; en revanche, il existe un consensus sur la nécessité d'améliorer celle-ci. Sachant qu'il a fallu dix ans à l'Allemagne pour redresser sa compétitivité, et si nous avons été si mauvais que cela jusqu'en 2002, on se demande pourquoi vous n'avez pas tiré profit des dix années que vous avez passées au pouvoir pour relancer la nôtre ! Nous pensons quant à nous que l'économie française souffre d'un profond déficit en matière de recherche, que les investissements de recherche et développement sont insuffisants, que notre tissu industriel s'est affaibli, et que la diminution de notre compétitivité n'a pas grand-chose à voir avec le coût du travail, qui, dans le secteur manufacturier, est à peu près le même qu'en Allemagne ; si, toutes branches confondues, il est globalement inférieur outre-Rhin, c'est qu'il n'existe pas de SMIC dans certaines branches, où les salariés sont payés 5 euros de l'heure, ce qui ne peut être un modèle pour nous ! Vous allez donc prendre une mauvaise mesure pour l'économie française, fondée sur une analyse erronée.

Enfin, une augmentation des prix est bien la dernière chose dont nous avons besoin ! Indépendamment de l'absurdité du raisonnement qui consiste à dire que l'augmentation de la TVA n'aura pas de répercussions sur l'inflation alors qu'on encourage dans le même temps les Français à consommer avant le mois d'octobre, puisque vous aimez tant l'exemple allemand, je rappellerai que la forte augmentation de la TVA en Allemagne s'est accompagnée d'une relance de l'inflation, à 2,6 %, qui a pesé très fortement sur la consommation dans l'année qui a suivi la mise en oeuvre de la mesure. Ce fut un ralentisseur préoccupant de la croissance dans un pays où celle-ci ne repose pourtant pas sur la consommation intérieure. Il n'y a aucune raison de penser qu'il n'en sera pas de même dans notre pays ! De surcroît, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait infliger une nouvelle hausse de la TVA aux Français, alors qu'ils en ont déjà subi une le mois dernier et que le précédent de 1995 fut un fiasco économique.

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