Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Commission des affaires sociales

Séance du 8 février 2012 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • SMIC
  • branche
  • compétitivité

La séance

Source

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 8 février 2012

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires sociales examine pour avis, sur le rapport de M. Yves Bur, le projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n° 4332).

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Mes chers collègues, puisque nous avons déjà évoqué l'examen de ce texte ce matin, je donne tout de suite la parole à notre rapporteur pour avis.

PermalienPhoto de Yves Bur

Il nous appartient cet après-midi d'examiner dans l'urgence deux dispositions visant à renforcer la compétitivité des entreprises françaises.

La perte de compétitivité des entreprises françaises est une réalité. Elle a plusieurs causes, auxquelles nous avons d'ores et déjà commencé à remédier. La compétitivité dépend en effet à la fois de la capacité d'innovation des entreprises, du rapport qualitéprix des produits, des coûts de production – notamment des coûts salariaux –, sans oublier, comme l'a rappelé le président Méhaignerie ce matin, du cadre réglementaire.

Afin de renforcer l'innovation, la majorité a engagé plusieurs actions, comme l'augmentation du montant du crédit d'impôt recherche – outil très puissant qui ne portera ses fruits que sur le long terme –, l'autonomie des universités, la création des pôles de compétitivité ou le lancement du Grand emprunt, qui permettra de donner des moyens financiers à l'ensemble des structures de recherche – il s'agit là d'un levier très important, porteur de beaucoup d'espérances, sur le moyen et sur le long terme.

Le rapport qualitéprix est une autre difficulté pour nos entreprises. Le succès du « Made in Germany » montre que les Français sont prêts à payer plus cher certains produits dont la qualité semble supérieure. Il faut que nos entreprises puissent affirmer que la France est capable de produire de la qualité au meilleur prix.

Quant au cadre réglementaire, il suffit d'observer ce qui se passe à l'étranger ; l'Italie s'est engagée à supprimer 430 textes législatifs et réglementaires, que le gouvernement de M. Monti considère comme autant d'entraves pour les entreprises. Nous devrions nous inspirer de cet exemple, car nos entreprises ont besoin d'une plus grande liberté de manoeuvre.

Toutefois, la productivité est aussi liée aux coûts de production. Le problème ne date pas de ces derniers mois mais il s'aggrave depuis une dizaine d'années. Le déficit grandissant de notre commerce extérieur est le meilleur signe de la perte de compétitivité de notre économie. Il y a dix ans, les coûts salariaux en France étaient inférieurs de dix points aux coûts salariaux en Allemagne.

PermalienPhoto de Jean Mallot

C'était l'héritage de la gauche ! Qu'en avez-vous fait ?

PermalienPhoto de Yves Bur

La gauche n'a rien à voir dans cette affaire ! Simplement, les Allemands ont entre-temps pris conscience qu'ils avaient un déficit de compétitivité par rapport aux autres pays et ils se sont mis en situation de résoudre ce problème. C'est d'ailleurs un gouvernement socialiste qui a engagé la manoeuvre et qui a commencé à baisser les coûts de production.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Et la gauche n'aurait rien à voir là-dedans ?

PermalienPhoto de Yves Bur

La gauche française, certainement pas !

C'est donc un gouvernement de gauche qui a compris qu'il fallait abaisser les coûts salariaux et décharger les entreprises allemandes de tout ce qui pouvait les handicaper pour produire à des prix compétitifs sur le marché mondial. Cela a été réalisé patiemment, non seulement par la hausse de la TVA mise en oeuvre le 1er janvier 2007 – qui a été le fait de la « Grande coalition » composée à la fois de conservateurs et de socialistes –, mais aussi grâce aux réformes successives de la prise en charge des chômeurs engagées par le gouvernement Schröder, le dispositif « Hartz IV » ayant considérablement durci les conditions d'indemnisation du chômage.

Les Allemands ont ainsi fait leur l'idée exprimée en son temps par M. Helmut Kohl : le social, c'est ce qui donne du travail – et tout le reste est littérature. Nous devrions nous inspirer de cette maxime ! Quoi qu'il en soit, la décision de transférer les charges sociales des entreprises vers la TVA fut l'aboutissement d'une démarche de renforcement de la compétitivité allemande, qui s'est traduite par la diminution des contributions des entreprises à l'indemnisation du chômage.

Le projet de loi de finances rectificative qui nous est présenté aujourd'hui prévoit l'augmentation de 1,6 point du taux normal de TVA.

PermalienPhoto de Yves Bur

Personnellement, je ne la qualifierais pas de « TVA sociale », mais de « TVA compétitivité », dans la mesure où elle permet, grâce à un nouveau mode de financement de la protection sociale, de décharger les entreprises de responsabilités financières qui pouvaient sembler indues.

Nous avons en effet l'habitude de distinguer les prestations sociales selon qu'elles sont contributives ou universelles. Ainsi, les prestations familiales sont devenues universelles, de même que l'ensemble des prestations de santé ; en revanche, les pensions de retraite et les prestations pour les accidents du travail ou les maladies professionnelles sont liées à la situation professionnelle. On peut dès lors estimer que ce qui est universel doit relever de la solidarité nationale, donc de l'impôt, tandis que les prestations contributives peuvent rester à la charge de l'entreprise.

Dans le rapport sur le financement de la branche famille que j'ai élaboré en 2009 à la demande du Gouvernement, je faisais néanmoins la part des choses. S'il y était dit que ce financement ne pouvait plus rester à la charge presque complète des entreprises – qui y contribuent à hauteur de 35 milliards d'euros –, je suggérais qu'une partie de la politique familiale, à savoir la possibilité de concilier vie familiale et vie professionnelle – et plus particulièrement tout ce qui touche à la garde de l'enfant –, reste financée par les entreprises, dans la mesure où celles-ci en tirent profit.

Partant de ce constat, le Gouvernement nous propose aujourd'hui un mécanisme incluant une réduction des cotisations patronales – une réduction des cotisations salariées n'aurait aucun effet sur le coût du travail – et une hausse de la TVA. Ce transfert de financement de la branche famille porterait sur quelque 13 milliards d'euros.

Plus précisément, le texte prévoit de compléter le dispositif Fillon, en supprimant totalement les cotisations sociales patronales familiales sur les salaires inférieurs à 2,1 SMIC, et en instaurant des contributions dégressives sur les salaires compris entre 2,1 et 2,4 SMIC, de manière à cibler les salaires moyens – la réduction Fillon ne concernant que les bas salaires et les basses qualifications. Le Gouvernement considère en effet que les entreprises les plus exposées à la compétition internationale, dans l'industrie comme dans l'agriculture, emploient des personnels à salaires plus élevés ; une diminution de leurs charges renforcera donc leur compétitivité, en leur permettant soit de reconstituer leurs marges, qu'elles pourront investir dans l'innovation, soit de baisser les prix.

Il ne s'agit pas pour autant de concurrencer les prix chinois !

PermalienPhoto de Yves Bur

Notre préoccupation est de rester compétitifs, non seulement par rapport à l'Allemagne – avec laquelle le différentiel de charges sur le salaire brut est de 15,55 % –, mais par rapport à l'ensemble de nos partenaires européens. En effet, si l'Allemagne est aujourd'hui notre principal partenaire commercial, nous ne devons pas oublier que les autres pays européens se sont également engagés dans une démarche d'amélioration de leur compétitivité, notamment les pays en difficulté comme l'Espagne, l'Italie, et, dans une moindre mesure le Portugal, auxquels l'Europe demande de rétablir des marges de compétitivité. Nous ne pouvons pas rester à la traîne.

La seconde mesure qui nous est proposée vise à développer les contrats en alternance, grâce à l'augmentation progressive des pénalités appliquées aux entreprises de plus de 250 salariés en cas de non-respect des seuils légaux. Si des progrès notables ont déjà été réalisés dans ce domaine au cours des dernières années, il importe en effet de renforcer la culture de l'alternance au sein de l'entreprise, de manière à nous rapprocher, là encore, du modèle allemand.

Il nous est donc demandé de donner un avis sur ces deux articles du projet de loi – la Commission n'ayant été saisie d'aucun amendement.

PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je remercie le rapporteur pour avis pour son intervention qui, chacun l'aura noté, était extrêmement mesurée – d'ailleurs, l'absence d'amendements de la part de la majorité est peut-être le signe d'une interrogation sur le dispositif proposé…

Je présenterai plusieurs observations.

La première a trait à la démarche elle-même. Que le Président de la République estime nécessaire de modifier le mode de financement de la sécurité sociale, pourquoi pas ? Toutefois, à quelques semaines de l'élection présidentielle, on eût pu imaginer que le débat portât sur le mode de financement de la protection sociale : on ne change pas les règles du jeu juste avant une échéance majeure, surtout en expliquant aux Français qu'aucune mesure n'entrera en vigueur avant l'automne prochain ! Il s'agit d'une manipulation, dont personne n'est dupe.

Par ailleurs, le mécanisme retenu aboutira à un « choc de croissance » à l'envers, c'est-à-dire à une récession, et cela pour plusieurs raisons. D'abord, il est improbable qu'une augmentation de 1,6 % de la TVA, accompagnée d'une baisse correspondante des cotisations sociales, ait un effet bénéfique sur la croissance. Les médias rapportent d'ailleurs de nombreux témoignages d'entrepreneurs qui expliquent qu'ils ne modifieront ni leurs prix ni leurs stratégies d'emploi ; comme leurs entreprises vont mal, il s'agira pour eux d'un simple effet d'aubaine. Ensuite, dans notre pays, la croissance repose à 60 % sur la consommation intérieure ; qu'on le regrette ou non, c'est un fait. Augmenter les prix à la consommation – car personne n'imagine que ce ne sera pas le cas – dans un pays en récession, dont la relance passe, à court terme, par l'augmentation ou le maintien de la consommation, semble contre-productif ! Indépendamment du jugement que l'on peut porter sur le fond, une telle décision ne fera, à court terme, qu'enfoncer notre pays dans la récession.

C'est sur l'analyse des causes du déficit de compétitivité de notre pays que nous divergeons ; en revanche, il existe un consensus sur la nécessité d'améliorer celle-ci. Sachant qu'il a fallu dix ans à l'Allemagne pour redresser sa compétitivité, et si nous avons été si mauvais que cela jusqu'en 2002, on se demande pourquoi vous n'avez pas tiré profit des dix années que vous avez passées au pouvoir pour relancer la nôtre ! Nous pensons quant à nous que l'économie française souffre d'un profond déficit en matière de recherche, que les investissements de recherche et développement sont insuffisants, que notre tissu industriel s'est affaibli, et que la diminution de notre compétitivité n'a pas grand-chose à voir avec le coût du travail, qui, dans le secteur manufacturier, est à peu près le même qu'en Allemagne ; si, toutes branches confondues, il est globalement inférieur outre-Rhin, c'est qu'il n'existe pas de SMIC dans certaines branches, où les salariés sont payés 5 euros de l'heure, ce qui ne peut être un modèle pour nous ! Vous allez donc prendre une mauvaise mesure pour l'économie française, fondée sur une analyse erronée.

Enfin, une augmentation des prix est bien la dernière chose dont nous avons besoin ! Indépendamment de l'absurdité du raisonnement qui consiste à dire que l'augmentation de la TVA n'aura pas de répercussions sur l'inflation alors qu'on encourage dans le même temps les Français à consommer avant le mois d'octobre, puisque vous aimez tant l'exemple allemand, je rappellerai que la forte augmentation de la TVA en Allemagne s'est accompagnée d'une relance de l'inflation, à 2,6 %, qui a pesé très fortement sur la consommation dans l'année qui a suivi la mise en oeuvre de la mesure. Ce fut un ralentisseur préoccupant de la croissance dans un pays où celle-ci ne repose pourtant pas sur la consommation intérieure. Il n'y a aucune raison de penser qu'il n'en sera pas de même dans notre pays ! De surcroît, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait infliger une nouvelle hausse de la TVA aux Français, alors qu'ils en ont déjà subi une le mois dernier et que le précédent de 1995 fut un fiasco économique.

PermalienPhoto de Bernard Perrut

Ce texte a deux objectifs clairs, qu'Yves Bur a parfaitement rappelés : renforcer la compétitivité de notre économie et améliorer l'emploi dans notre pays. Au moins pourrions-nous, au-delà des clivages politiques, nous retrouver sur ces objectifs !

On ne peut analyser ce texte indépendamment de tout ce qui a été fait précédemment par le Gouvernement, qui n'a pas attendu aujourd'hui pour agir en faveur de l'économie et de l'emploi : rappelons les 34 milliards d'euros du plan de relance, la réforme de la taxe professionnelle, les 35 milliards d'euros du programme d'investissements d'avenir, la réforme des universités, l'augmentation du montant du crédit d'impôt recherche, ainsi que d'autres mesures allant dans le même sens.

Par ailleurs, ce n'est pas parce que nous arrivons à la fin de la mandature qu'il ne faut plus rien faire ! Au nom de quoi devrions-nous attendre pour prendre des mesures, alors que la situation est si difficile ? Toutes les mesures, même celles qui semblent prises dans l'urgence, sont nécessaires et devront être appliquées.

Depuis dix ans, l'économie française a perdu 500 000 emplois dans l'industrie et nos exportations progressent trois fois moins vite que celles de l'Allemagne. Le déficit de compétitivité de notre pays résulte en partie des modalités de financement de la protection sociale : en 2009, l'ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représentait environ 23 % du PIB en France, contre 20 % en moyenne en Allemagne et dans les autres pays de l'Union européenne. Pour un coût du travail identique de 4 000 euros, une entreprise acquitte en France près de 1 200 euros de cotisations patronales, quand sa concurrente allemande en paie 700.

Face à cette situation, faudrait-il ne rien faire ? Non, il faut prendre des mesures !

C'est ce que font précisément le Président de la République et le Gouvernement en proposant une baisse des charges qui pèsent sur les entreprises afin qu'elles puissent accroître leur compétitivité. Tel sera notamment le cas grâce à cette TVA compétitivité que l'on nous propose.

Le Groupe UMP, bien entendu, soutient une telle démarche.

S'agissant de l'apprentissage, le projet gouvernemental va plus loin que la « loi Cherpion » de juillet 2011. Si les petites entreprises se soucient de cette question, tel n'est en revanche pas le cas des grandes car nous n'avons pas su développer une telle culture dans tous les secteurs professionnels, que ce soit dans les métiers manuels de l'industrie ou du bâtiment ou bien dans ceux des services, de l'assurance ou de la banque. Une telle évolution était donc nécessaire. Plus précisément, les entreprises de plus de 250 salariés devront désormais embaucher au moins 5 % d'alternants d'ici à 2015 mais, quels que soient les chiffres, il importe surtout d'exprimer une volonté et de promouvoir une culture qui doit gagner l'ensemble des branches professionnelles. Cela devrait d'ailleurs faire l'objet d'un consensus entre nous au lieu de nous diviser car il en va en l'occurrence de l'intérêt de la France.

De plus, le dispositif « zéro charge » contribuera à aider les petites entreprises puisque, jusqu'au mois de juillet 2012, elles seront exonérées pendant un an pour toute embauche d'un jeune âgé de 18 à 26 ans au niveau du SMIC puis, progressivement, jusqu'à 1,6 SMIC.

Ce texte complète donc un arsenal de mesures et conforte l'ensemble des dispositions qui ont été prises en faveur du développement de l'économie et de l'emploi.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Après dix ans de pleins pouvoirs, nos collègues de la majorité font aujourd'hui les comptes et s'aperçoivent qu'ils ne sont pas bons, à tel point qu'ils craignent les effets de leur politique sur l'opinion publique.

J'ai connu Yves Bur beaucoup plus à son aise en commission. C'est qu'en effet il est en service politique commandé et essaie de vendre à la majorité des mesures qui, objectivement, l'embarrassent. Je comprends d'ailleurs la défense confuse qu'il en fait tant il connaît parfaitement les questions qui se posent. En 2008, il dénonçait ainsi dans un rapport d'information les exonérations jouant comme « des trappes à bas salaires » jusqu'à 1,3 SMIC et appelait à un recentrement de tels dispositifs sur les petites entreprises.

L'ultra-libéral M. Alain Madelin, quant à lui, vient de dénoncer une mesure qui profitera « en priorité aux secteurs bancaire et financier » et aux grandes entreprises comme, par exemple, Total.

Le président de Renault, M. Carlos Ghosn, lui, a indiqué le 25 janvier dernier que « le coût du travail est identique en France et en Allemagne » et, en effet, tel est bien le cas – quoi que vous prétendiez – dans l'industrie manufacturière comme l'attestent les statistiques de l'INSEE ou d'Eurostat.

Par ailleurs, les bas salaires, jusqu'à 1,6 SMIC, sont déjà exonérés de cotisations sociales – je songe aux fameux allégements « Fillon », ce qui représente 22 milliards sur un total de 30 milliards d'allégements.

La TVA sociale, quelles que soient les contorsions auxquelles vous vous livrez, entraînera une diminution du pouvoir d'achat. La TVA constitue l'impôt le plus injuste qui soit car il pèse massivement sur les personnes dont les revenus sont les plus modestes. Je rappelle que son poids représente 14 % des revenus des 10 % les familles les plus pauvres contre 5 % de celles qui sont les plus aisées. Les couches populaires et moyennes de la population seront donc les victimes de votre politique.

De plus, le plan d'urgence pour l'emploi n'est pas financé. Il faudra que vous expliquiez à ce propos comment vous réussirez à redéployer 430 millions au sein de la mission « Travail et Emploi » alors que le budget de l'emploi pour 2012 a baissé de 12 %.

Tout cela témoigne combien ni les Français ni l'opposition ne sont disposés à croire des affirmations infondées. Vous appauvrirez une majorité de nos concitoyens sans améliorer notre compétitivité, les exonérations supplémentaires contribuant à financer non l'investissement et l'emploi mais la spéculation et les marchés financiers.

PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Je rappelle que les 13 milliards transférés correspondent à peu près au montant des allocations familiales. En outre, quelle garantie avons-nous de leur affectation à la branche famille, d'autant que certains financements qui devaient lui être attribués ne l'ont pas été ? Yves Bur n'était d'ailleurs pas très à son aise lorsqu'une petite partie de la CSG a été affectée au financement de la CADES, ce qui a contribué à aggraver la situation de la branche famille, aujourd'hui déficitaire.

De plus, le calendrier que vous proposez entraînera un manque à gagner qui peut être évalué à un milliard par mois dès lors que la baisse des cotisations interviendra rapidement et que l'augmentation de la TVA n'est quant à elle prévue qu'au mois d'octobre.

Par ailleurs, comment cette mesure entraînera-t-elle la création de 100 000 emplois ?

De même, rien ne garantit, contrairement à ce que vous prétendez, que les marges récupérées par les entreprises seront réinvesties dans les salaires ou favoriseront la baisse des prix. Elles profiteront bien plutôt aux marchés financiers ou aux fonds propres des entreprises.

Marisol Touraine a également expliqué pourquoi il fallait moins s'attendre à une hausse de la croissance qu'à une récession.

Procès d'intention, direz-vous ? Ce à quoi je vous répondrai que la baisse de 15 % de la TVA dans la restauration n'a eu que des effets limités sur l'emploi alors qu'elle a coûté 3 à 4 milliards d'euros.

À l'article 8, le passage à 5 % du quota d'alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés relève de l'effet d'annonce. En 2006, le seuil était de 3 % ; au mois de juillet dernier, il a été porté à 4 % ; or aucune évaluation de ce dispositif n'a été réalisée. Lors des questions au Gouvernement, le ministre a fait état d'une augmentation de 7 % du nombre d'alternants mais celle-ci s'explique à hauteur de 80 % par la délivrance de primes supplémentaires proposée dans la « loi Cherpion » dans le cadre de la reprise des contrats de professionnalisation – ce dont nous nous félicitons – et ne saurait être imputée à la politique des quotas.

J'ajoute que le passage à 5 % étant prévu pour 2015 et le doublement des pénalités en cas de non-respect étant effectif au moins un an plus tard, les effets supposés ne seront pas immédiats. Enfin, si la preuve est apportée au sein de l'entreprise ou de la branche que les embauches d'alternants ont augmenté de 10 %, les pénalités ne s'appliqueront pas : or, pour une entreprise de 300 salariés, l'embauche d'un seul apprenti suffira !

PermalienPhoto de Jean Mallot

Je tiens à souligner combien les conditions dans lesquelles nous travaillons sont déplorables. Adopté en Conseil des ministres ce matin, ce texte sera discuté en séance publique lundi prochain à 17 heures et nous n'avons pas pu déposer nos amendements dans les délais réglementaires – ils seront donc seulement discutés dans le cadre de l'article 88 du Règlement, ce qui n'est pas de bonne politique alors que le Président de la République ambitionnait de revaloriser le travail parlementaire. Enfin, nous ne pouvons pas procéder aux auditions des partenaires sociaux, notamment du patronat et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), alors qu'elles auraient été particulièrement utiles.

Par ailleurs, à quel moment le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale sera-t-il discuté ? Il est évident, en effet, que le Gouvernement est en train d'y travailler puisque les ressources de la branche famille disparaîtront avant que le produit de la TVA ne vienne à nouveau abonder cette dernière. De surcroît, une partie de ce collectif vise à répercuter dans le budget de l'État et dans les finances publiques en général la modification de 1 % à 0,5 % de l'hypothèse de croissance.

Le rapporteur pour avis a souligné qu'il y a dix ans la compétitivité française était meilleure que celle de l'Allemagne. Que s'est-il donc passé pendant cette période où vous avez été et où vous êtes encore au pouvoir ?

J'ai bien noté que vous comprenez le problème de la compétitivité par rapport à l'Allemagne et à nos concurrents directs en Europe mais la prospérité allemande reposant largement sur ses exportations intra-européennes, nous devrons tous apprendre à exporter hors du continent si nous voulons tendre vers un modèle satisfaisant.

En outre, si nous voulons travailler à améliorer notre compétitivité, nous devons savoir quelles entreprises seront concernées par votre réforme, en particulier parmi celles qui sont soumises à la concurrence. Or la majeure partie des entreprises bénéficiaires de cette mesure n'y étant pas exposées, elles bénéficieront d'un splendide effet d'aubaine qui leur permettra d'accroître leurs marges et, donc, à rémunérer le capital.

L'augmentation de la TVA, quant à elle, aura des répercussions sensibles sur l'inflation comme l'ont montré les expériences allemande et française. Le pouvoir d'achat des salariés sera donc sérieusement amputé.

Le président Méhaignerie et moi-même sommes très attachés à l'évaluation des politiques publiques. Nous devons donc connaître les objectifs et les effets réels de cette mesure afin de pouvoir procéder à une évaluation dans quelques années, laquelle sera sans doute assez intéressante. Vous voulez améliorer la compétitivité des entreprises, le pouvoir d'achat et créer des emplois mais nous nourrissons à cet égard de sérieux doutes.

PermalienPhoto de Anny Poursinoff

En tant qu'écologistes, nous considérons qu'il importe d'adapter le financement de la protection sociale à un monde qui a beaucoup changé depuis l'après-guerre puisque nos sociétés ont de moins en moins besoin de main-d'oeuvre.

Malheureusement, les gouvernements successifs ont échoué à partager le travail – alors qu'il aurait été possible d'assurer ainsi le plein emploi – en dehors de la période, tant décriée par la majorité, au cours de laquelle Mme Aubry a eu le courage de mettre en oeuvre les 35 heures.

Face au chômage et à la hausse des dépenses de santé due notamment à l'augmentation des maladies chroniques, il importe de trouver d'autres sources de financement pour la protection sociale. L'augmentation de l'impôt le plus injuste qu'est la TVA, sans la mise en place d'une réforme générale de la fiscalité ni l'organisation d'une réflexion à long terme, risque de pénaliser les plus fragiles sans pour autant améliorer la compétitivité.

PermalienPhoto de Michel Issindou

Nous nourrissons en effet de sérieux doutes sur cette mesure.

La création de 100 000 emplois est très incertaine. Yves Bur évaluait d'ailleurs le gain ou le nombre d'emplois sauvegardés suite aux exonérations précédentes entre 300 000 et 1,5 million, preuve qu'il n'en sait précisément rien lui-même. Je gage, de plus, que cela a largement résulté d'un effet d'aubaine. Enfin, quand bien même 100 000 emplois seraient créés, je vous rappelle que notre pays compte 4 millions de chômeurs…

Je ne crois que très moyennement à l'amélioration de la compétitivité par rapport à nos concurrents européens grâce à la baisse des charges. Les Allemands disposent en effet d'un modèle économique différent puisqu'ils ont développé depuis longtemps un tissu de PME et des produits phares dans des secteurs comme l'électroménager, les machines-outils et l'automobile. Ils exportent à tout va dans le monde, et je ne suis pas sûr que nous puissions en faire autant demain.

PermalienPhoto de Michel Issindou

Certes, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur pour avis, la compétitivité ne relève pas que des coûts : elle dépend également de la recherche, de l'innovation et de bien d'autres facteurs dont la mobilisation requiert du temps.

En revanche, nous sommes certains que le pouvoir d'achat des consommateurs sera amputé, même si le Président de la République s'est quelque peu embrouillé en prétendant à la fois que les prix n'augmenteraient pas et qu'il fallait se dépêcher de consommer avant le mois d'octobre…

Cette situation est d'autant plus dommageable que nous avons besoin de croissance et que celle-ci est tirée par la consommation. Le risque de récession est donc bel et bien présent.

Si la taxe professionnelle constituait en effet un impôt « imbécile », acceptez de considérer que la TVA est un impôt injuste puisqu'il touche ceux qui sont contraints de consommer et non les épargnants.

Enfin, nous n'avons jamais contesté le principe de la formation en alternance mais ce n'est pas lui qui créé des emplois : ce sont les carnets de commandes des entreprises. Ce n'est pas ainsi que vous créerez de la croissance même s'il est vrai que les apprentis peuvent s'insérer plus facilement dans l'industrie ou les services.

PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Le rapporteur pour avis a évoqué les allégements de charges sur les salaires de moins de 1,6 SMIC. La suppression totale des cotisations patronales concernant la branche famille pour les salaires inférieurs à 2,1 SMIC permettra également de valoriser la production des entreprises.

Par ailleurs, je vous rappelle que la TVA qui frappe les abonnements de téléphonie mobile est passée de 5,5 % à 19,6 % et que l'ensemble des abonnements a baissé alors que les opérateurs promettaient de reporter l'intégralité de la hausse sur les consommateurs. Que s'est-il passé ? Grâce à une saine concurrence, aucun des opérateurs n'a été en mesure de le faire. Je gage qu'il en sera de même dans les autres secteurs grâce au dispositif que nous proposons.

Enfin, les pensions de retraite étant indexées sur les prix, les retraités ne sont pas touchés par la hausse de la TVA.

PermalienPhoto de Michel Liebgott

En Lorraine, 33 % des investissements étrangers sont allemands, preuve que les entreprises d'outre-Rhin trouvent des conditions favorables de développement, y compris dans ma propre commune avec le groupe ThyssenKrupp. Je ne crois donc pas que la mesure que vous proposez entraînera une augmentation massive de ces investissements.

De surcroît, en Allemagne, le taux de TVA est de 19 %. Chez nous, il serait de 21,2 % si votre projet devait s'appliquer.

Si l'économie allemande se porte bien, c'est aussi parce qu'il existe un véritable dialogue social – le rapporteur pour avis a évoqué les lois dites « Hartz ». Les négociations qui ont eu lieu ont abouti à une certaine modération salariale mais celle-ci était assortie de compensations qui se traduisent aujourd'hui par des augmentations de salaires et un chômage partiel intelligemment pensé.

Sur un plan institutionnel, l'Allemagne diffère également de la France. Chez nous, les régions sont exsangues faute d'autonomie financière alors qu'il n'en est pas de même des Länder. L'État français est hyper-centralisé, comme vous en témoignez encore aujourd'hui, puisqu'à trois mois d'une échéance nationale vous pensez pouvoir régler l'ensemble des problèmes de notre pays par une mesure étatique. C'est dire à quel point vous êtes coupés de la réalité et de la logique économiques ! Alors que le Gouvernement aura changé dans trois mois, pas un patron ne pense que ce type de mesures pourrait changer quoi que ce soit.

PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Notre discussion s'inscrit en effet, madame Poursinoff, dans le débat sur le financement de la protection sociale. Sur les 650 milliards d'euros annuels, la branche famille représente 73 milliards, dont 50 milliards redistribués directement aux familles.

Depuis 1975, ce financement se fait en partie par le recours à la dette et par un alourdissement du coût du travail. Aussi ce projet de loi de finances rectificative va-t-il dans le bon sens. Les mesures courageuses et responsables qu'il comporte s'inscrivent dans la politique que le Gouvernement et le Président de la République mènent depuis cinq ans en faveur de la compétitivité de nos entreprises, avec notamment la suppression de la taxe professionnelle.

Mais la baisse du coût du travail n'est pas le seul moyen. Sur ce plan, nous ne serons jamais compétitifs par rapport à des pays comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, et c'est heureux pour les entreprises et les salariés français. Notre compétitivité se trouvera aussi améliorée par la recherche et l'innovation, pour lesquelles le Gouvernement a également montré sa détermination depuis cinq ans – autonomie des universités, plans d'investissement, etc.

Bref, ce transfert de fiscalité – terme que je préfère à ceux de « TVA sociale » ou de « TVA anti-délocalisations » – s'inscrit dans la bonne direction. Je comprends, à cet égard, le malaise de nos collègues socialistes : non seulement un de leurs candidats à la primaire a fait toute sa campagne sur le thème de la TVA sociale, mais un socialiste soutenu par Marisol Touraine et présenté il y a quelques mois comme le prochain Président de la République déclarait : « Mon idée est d'utiliser les points forts de la TVA pour poursuivre un objectif clair : la lutte contre les conséquences des délocalisations et la défense de l'emploi. » Ainsi s'exprimait M. Strauss-Kahn lorsqu'il était encore candidat potentiel à l'élection présidentielle.

PermalienPhoto de Étienne Pinte

L'objectif du Gouvernement est d'arriver en 2015 à 800 000 contrats de formation en alternance, dont 600 000 contrats d'apprentissage. Même si cela n'est pas précisé, j'imagine que les 200 000 restants sont des contrats de professionnalisation des salariés.

À l'heure actuelle, combien de jeunes en apprentissage et combien de salariés en contrat de professionnalisation bénéficient-ils d'une formation en alternance ?

Il est prévu de relever progressivement de 4 à 5 % le nombre d'alternants d'ici à 2015, pour arriver à 270 000 alternants supplémentaires. Comment cette hausse se répartira-t-elle entre contrats d'apprentissage et contrats de professionnalisation ?

PermalienPhoto de Gérard Cherpion

À mes collègues de l'opposition qui affirment que les dispositions de l'article 1er appauvriront les Français, je me permets de signaler que la politique mise en place depuis 2007 a produit des résultats et que ni les salaires, ni les retraites, ni les prestations sociales n'ont baissé, contrairement à ce que l'on a vu dans d'autres pays européens.

PermalienPhoto de Gérard Cherpion

La France a mieux résisté à la crise.

De même, alors que les recettes de l'État diminuaient de 25 %, les dotations aux collectivités locales ont été maintenues – ce qui, d'ailleurs, n'était pas la meilleure des choses selon moi !

Quant à la mesure de « courage » de Mme Aubry, madame Poursinoff, elle s'est immédiatement traduite par 11 points de différentiel de compétitivité par rapport aux autres économies ! Nous ne nous en sommes pas encore remis. Mais ce que nous avons pu rattraper, nous le devons au travail des Français qui se sont battus pour la compétitivité.

L'article 8 s'inscrit dans la continuité de la volonté gouvernementale de développer l'alternance. Le dispositif d'exonération concerne les entreprises qui ont augmenté leur nombre d'alternants d'au moins 10 %, ou celles couvertes par un accord de branche prévoyant une progression aussi importante pour l'ensemble de la branche et ayant réalisé cet objectif.

Quoi qu'en dise l'opposition, l'alternance repose dans tous les cas sur un contrat de travail. Et ce contrat se traduit souvent par l'embauche de la personne et par une rémunération plus élevée que la moyenne.

Bref, il me paraît important de favoriser par tous les moyens l'alternance dans notre pays. Les chiffres actuels, pour répondre à Étienne Pinte, sont d'environ 400 000 contrats d'apprentissage pour 200 000 contrats de professionnalisation.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Il faut rappeler une tradition française : par le passé, le différentiel de compétitivité s'est trouvé « corrigé » par des dévaluations successives et des pertes de pouvoir d'achat, en particulier en 1982 et en 1983. Chacun en porte une part de responsabilité.

Par ailleurs, tous les rapports montrent que les cotisations pesant sur le travail sont un problème réel et spécifique à la France. Les organisations syndicales en conviennent, même si elles n'aboutissent pas aux mêmes conclusions : la CFDT, notamment, préfère une réponse passant par la CSG plutôt que par la TVA.

On peut regretter que le problème n'ait pas été posé il y a deux ans. Comme je l'ai écrit, si les marqueurs d'avant la crise – 2,5 à 3 % de croissance – ne justifiaient pas une politique de l'offre, cette politique devenait en revanche nécessaire au moment où le Président de la République, s'exprimant à Versailles, constatait que l'ampleur de la crise appelait une remise en cause profonde. Cependant, il n'est jamais trop tard pour bien faire !

Le coût du travail est un facteur de compétitivité parmi d'autres. Il faut donner acte au Gouvernement de l'effort que constituent la suppression de la taxe professionnelle et l'augmentation du montant du crédit d'impôt recherche. La mesure proposée dans le texte aura-t-elle des conséquences sur le pouvoir d'achat ? Autant que je sache, il existe en France des systèmes d'indexations tant pour le SMIC que pour les prestations sociales.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Donc vous admettez une hausse de l'inflation.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Le rétablissement de la compétitivité suppose également un assouplissement du droit du travail, dont la rigidité est une des causes de notre affaiblissement. Si le groupe danois ISS, la plus grande société européenne de services dont j'avais rencontré le président lors d'un déplacement au Danemark, rachète un grand nombre d'entreprises françaises, c'est que celles-ci ont intérêt à vendre plutôt qu'à se développer tant notre système de transmission est coûteux et complexe.

Enfin, notre système de formation n'oriente pas les jeunes vers l'industrie.

La mesure du texte concernant le coût du travail est positive, mais ce n'est pas le seul élément de la compétitivité.

Concernant la cotisation supplémentaire à l'apprentissage, j'estime – comme, je crois, Gérard Cherpion – qu'elle a déjà fait l'objet d'une augmentation. Je ne suis pas sûr qu'une incitation négative ait beaucoup d'efficacité. J'aurais préféré une incitation positive, même si la majoration prévue par le texte ne doit intervenir qu'en 2015.

PermalienPhoto de Étienne Pinte

Parmi les entraves à la compétitivité, vous évoquez les contraintes administratives. Ayant été le rapporteur des deux lois sur la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, je me dois de rappeler que ces textes n'ont donné lieu à aucune création d'emploi alors qu'ils étaient censés en entraîner 450 000. Il y a eu, tout au plus, un maintien de l'emploi. S'il doit y avoir des assouplissements, nous devons veiller à leur efficacité !

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

L'Agence française pour les investissements internationaux a mené une étude sur les conditions d'attractivité de la France. Deux éléments dissuasifs y sont soulignés : le coût et la judiciarisation du licenciement, ainsi que la complexité et l'addition des instances de concertation. Pour passer de 49 à 51 salariés, il faut du courage ! Toutes les entreprises n'ont pas un directeur des ressources humaines à disposition pour démêler la complexité du code du travail... Je crois qu'une simplification est absolument nécessaire.

PermalienPhoto de Yves Bur

Si la majorité n'a déposé aucun amendement sur ce texte, madame Touraine, ce n'est pas qu'elle est mal à l'aise : c'est qu'elle le soutient tel qu'il est. Du reste, l'opposition n'en dépose pas davantage, pas même de suppression des articles...

PermalienPhoto de Yves Bur

Votre camp comptait des partisans convaincus de la TVA sociale. J'aurais aimé les entendre et savoir pourquoi ils ont renoncé à cette idée.

Pour ce qui est de l'effet d'aubaine, il me semble que les entreprises jugeront de ce qui leur sera utile. Certaines devront reconstituer leurs marges, donc leurs fonds propres qui leur permettront d'investir et d'innover. D'autres pourront se permettre de baisser les prix pour devenir plus compétitives sur le marché français comme sur le marché européen.

Par ailleurs, j'ai mené en 2009 une analyse de ce qui s'est passé en Allemagne en matière d'inflation. La grande coalition a annoncé la hausse de la TVA qui faisait partie de son contrat de gouvernement à l'automne 2005, après les élections. La disposition est entrée en application le 1er janvier 2007, si bien qu'il y a eu des mesures d'anticipation. On considère maintenant que l'inflation liée à cette augmentation de 3 points de la TVA s'est élevée à environ 1,4 % sur deux ans seulement.

PermalienPhoto de Yves Bur

Peut-être pour l'inflation globale, mais les études montrent que l'inflation imputable à l'augmentation de la TVA était bien de 1,4 %.

Par ailleurs, la France a longtemps adopté – à droite comme à gauche – un modèle de croissance fondé sur la consommation, qui fonctionnait essentiellement au moyen des déficits et de la dette. Une croissance moyenne comprise entre 1 et 1,5 % sur une dizaine d'années est notablement insuffisante pour financer un modèle social reposant sur la consommation. Certains projets socialistes, du reste, évoquent la possibilité d'évoluer vers un modèle plus durable fondé sur l'offre. Le chancelier Schröder ne disait-il pas, en présentant son Agenda 2010, que l'on ne peut durablement distribuer davantage de richesse que l'on n'en crée ? Ce principe, nous devrions le faire nôtre.

Pour lutter contre un tel déséquilibre de compétitivité, nous sommes d'accord, je crois, sur certains leviers de long terme : promouvoir l'innovation, éviter que la réglementation ne pénalise l'entreprise... Je note cependant que l'opposition s'est fait remarquer par son absence lorsqu'il s'est agi d'adopter les mesures prises ces dix dernières années pour soutenir durablement l'innovation – augmentation du montant du crédit d'impôt recherche, pôles de compétitivité, Grand emprunt.

On dénonce souvent l'abaissement des charges sur les salariés faiblement qualifiés comme une « trappe à bas salaires ». Mais le dispositif proposé ici permet de lisser les effets de seuil : il s'applique pleinement de 1,6 à 2,1 SMIC, puis décroît progressivement jusqu'à 2,4 SMIC de manière à ne pas constituer un frein au développement des entreprises.

S'agissant du financement de la branche famille, si le Gouvernement avait jugé nécessaire, d'un point de vue législatif, de présenter un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, il l'aurait fait. En outre, ce financement n'est nullement remis en cause. Quant au caractère pérenne de la compensation, j'observe que sur une période de dix ans, l'évolution de la valeur ajoutée est quasi identique à celle des cotisations assises sur les salaires : respectivement 134,8 et 134,7 en 2010 pour un indice 100 en 2000.

Pour ce qui est de la traçabilité, le Gouvernement prévoit la création d'un compte spécial par lequel transiterait l'ensemble des sommes issues de la TVA et de la CSG vers la branche famille. Ce compte servira à tous les transferts de la TVA à la sécurité sociale et fera l'avance de trésorerie pour la branche famille. Nous ferons le bilan à la fin de l'année. Je serai très vigilant : il n'est pas question que l'on appauvrisse la branche famille à l'occasion d'un changement de son mode de financement.

Le ciblage de la mesure vise à favoriser les salaires compris entre 1,4 et 2,1 SMIC. En effet, pour les salaires inférieurs à cette tranche, la suppression de la cotisation famille représente une économie limitée – de l'ordre de 20 euros au niveau du SMIC contre 80 euros à 1,4 et 158 euros à 2,1. On considère que 94 % des salariés de l'agriculture et 80 % des salariés de l'industrie seront concernés, car les salaires moyens de ces secteurs se situent autour de 1,6 SMIC. Et je partage l'idée qu'il est inutile d'exonérer encore plus des secteurs comme la distribution, où les salaires sont plus faibles et qui seront peu concernés par le dispositif.

Pour répondre précisément à la question d'Étienne Pinte, il y avait à la fin de 2011 434 000 contrats d'apprentissage et 194 000 contrats de professionnalisation, soit un total de 628 000, en augmentation de 35 000 par rapport à 2010. Il faudra environ 170 000 contrats supplémentaires pour atteindre l'objectif de 800 000 en 2015. C'est à notre portée si nous nous en donnons les moyens, pas seulement par la contrainte financière mais aussi en expliquant aux entreprises tout l'intérêt qu'elles ont à donner leur chance aux jeunes.

Enfin, je constate que la TVA est un impôt injuste pour les socialistes français alors qu'elle est pour les socialistes allemands un impôt efficace qui redonne de la compétitivité aux entreprises. Ce qui est social, c'est ce qui donne du travail : si nous partagions cet objectif, nous avancerions tous ensemble !

La Commission en vient à l'examen des articles dont elle s'est saisie pour avis.

Article 1er : Dispositions fiscales améliorant la compétitivité des entreprises

La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article premier sans modification.

Article 8 : Modification des taux de la contribution supplémentaire à l'apprentissage et du quota d'alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés

La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 8 sans modification.

La séance est levée dix-huit heures trente.