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Intervention de Benoît Leclercq

Réunion du 7 avril 2010 à 17h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Benoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris :

L'AP-HP représente trente-sept hôpitaux, 1,1 million d'admissions en urgence, 1 million d'hospitalisations et 4 millions de consultations. Elle emploie 92 000 personnes, avec un budget de 6,4 milliards d'euros. Elle s'étend principalement sur la région d'Île-de-France, principalement sur la métropole parisienne.

L'AP-HP était préparée à la grippe A, dans la mesure où elle avait déjà mis sur pied un plan assez drastique contre la grippe H5N1, dite « grippe aviaire ». En outre, depuis 2005-2006, elle a remis à jour son Plan blanc, c'est-à-dire son plan d'urgence interne. Enfin, sa qualité d'établissement de référence de la zone de défense l'amène à pratiquer régulièrement des exercices.

Dans la gestion de la grippe A, je distinguerai trois phases.

La première phase s'est déroulée avant l'été, lorsque les premiers cas sont apparus au Mexique, ce qui a déclenché des prises en charge hospitalières et pré-hospitalières, en particulier par les SAMU, les services d'assistance médicale d'urgence.

Durant la deuxième phase, à partir de l'été, les consultations dédiées se sont développées, nous avons pris en charge des cas graves – la médecine de ville traitant l'essentiel des patients –, nous avons adapté nos capacités hospitalières, notamment dans nos services de maladies infectieuses, afin de libérer de la place en vue d'accueillir d'éventuels patients, et nous avons largement mobilisé nos laboratoires de virologie ainsi que nos services de réanimation. Nous avons aussi planifié la déprogrammation de lits en cas d'affluence massive et nous avons préparé les plans de continuité d'activité en cas de pandémie grave, considérant que, si 30 % de la population française avait été touchée, 30 % au moins de notre personnel soignant l'aurait été.

La troisième phase, à partir de la rentrée de septembre, a requis une implication beaucoup plus forte, en matière hospitalière mais aussi dans le cadre des campagnes de vaccination de nos personnels, des patients, des familles de nos personnels et de la population.

L'AP-HP dispose depuis longtemps d'un système de gestion de crise, avec une cellule centrale et des référents dans chaque hôpital et chaque pôle hospitalier. Nous avons créé un comité stratégique H1N1. Nous avons mobilisé le réseau d'épidémiologie et de biologie, placé sous l'autorité du professeur Bricaire. Nous avons organisé des conférences téléphoniques avec l'ensemble de nos hôpitaux afin de coordonner leur activité.

Il a fallu adapter notre dispositif hospitalier, ce que nous sommes parvenus à faire sans tensions excessives, à quelques exceptions près.

Les SAMU et les SMUR – services d'assistance médicale d'urgence et services mobiles d'urgence et de réanimation, structures extra-hospitalières –, ont dû faire face à une augmentation du nombre d'appels. Nous avons donc renforcé leurs capacités de réponse téléphonique, y compris afin d'opérer un recensement statistique en vue de suivre l'évolution de l'épidémie.

Durant la première phase, tous les cas suspects ont été transportés à l'hôpital et isolés. Nous avons également mis en place des consultations dédiées spécifiques, notamment à l'entrée des hôpitaux sièges des SAMU de quatre départements sur huit. Nous avons rencontré davantage de difficultés avec les laboratoires de virologie, dans lesquels les virus de ce type sont détectés, car ils ont été soumis à des tensions plus vives. En effet, ils ne travaillent généralement pas dans l'urgence. De surcroît, le nombre de laboratoires de niveau de confinement L3, c'est-à-dire très protégés, est relativement faible. Enfin, il n'existe pas de définition des situations médicales et biologiques nécessitant un dépistage.

À partir de l'été, nous avons constitué un réseau de consultations hospitalières dédiées dans nos hôpitaux référents et dans nos hôpitaux dits de deuxième ligne. Ce réseau a bien fonctionné, hormis des tensions ponctuelles au cours de certains week-ends, notamment estivaux, durant lesquels le personnel est évidemment moins nombreux.

Au début de l'automne, nous avons porté une attention soutenue à la préparation de la déprogrammation. Il s'agissait, en cas de pandémie massive, d'être capable de déprogrammer de l'activité sur rendez-vous, y compris des opérations chirurgicales, afin de libérer des places hospitalières en tant que de besoin – l'ancienne DHOS, direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, aujourd'hui DGOS, direction générale de l'offre de soins, avait fixé des seuils à cet effet –, notamment dans les services de médecine et les salles de réanimation ou de réveil de chirurgie. Cela nous a amenés à surveiller de manière encore plus précise que d'habitude – d'ordinaire, nous le faisons déjà quotidiennement – les capacités disponibles en réanimation, à bien suivre le fonctionnement et la continuité de nos services, et à vérifier que les équipements réservés pour ce faire dans les services, en particulier les respirateurs et les matériels de circulation extracorporelle, étaient adaptés. Les seuils de déprogrammation n'ont jamais été atteints, hormis une journée de la semaine 46, en pédiatrie. Les tensions observées à d'autres moments n'étaient pas uniquement liées à la grippe H1N1 mais à une conjonction entre cette grippe, des bronchiolites et des gastro-entérites, ces deux dernières affections provoquant toujours de l'affluence aux urgences durant cette période de l'année. Nous avons battu un record à l'hôpital Robert-Debré, avec 405 patients admis un dimanche, alors que le maximum atteint les années précédentes excédait à peine les 300. Les capacités en lits de réanimation adultes n'ont jamais été dépassées puisque nous avons admis 193 patients, dont 54 enfants. Lorsque le seuil de 15 % de lits occupés a été atteint, durant la semaine 46, il a fallu ouvrir quatre lits supplémentaires, sans que nous fussions contraints de déprogrammer l'activité de manière massive. Nous en avons toutefois déduit que le nombre de lits de réanimation pédiatrique était sans doute trop faible dans la région parisienne, sachant que l'AP-HP y concentre 70 % des lits de réanimation pédiatrique.

Par l'intermédiaire de l'Agence générale des équipements et produits de santé, l'AGEPS, ex-Pharmacie centrale, nous avons approvisionné en antiviraux – Tamiflu et Relenza – les hôpitaux de l'AP-HP mais aussi ceux des quatre autres départements ne dépendant pas des SAMU de l'AP-HP. Nous avons aussi servi d'interface entre l'ÉPRUS, l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, et le SAMU d'Île-de-France.

À partir de mi-octobre, nous avons distribué 157 000 doses de vaccins contre la grippe A et les dispositifs médicaux stériles associés, d'abord à nos hôpitaux puis aux hôpitaux sièges de SAMU extérieurs à l'AP-HP, qui servaient de relais avec les hôpitaux de leur département. Nous avons reçu 3,1 millions de masques de protection respiratoire FFP2, que nous conservons, et 7 millions de masques chirurgicaux, stock dans lequel nous puisons et que nous renouvelons afin d'éviter la péremption.

L'AP-HP s'est également mobilisée dans le cadre des campagnes de vaccination.

Nous avons d'abord obtenu de pouvoir vacciner notre personnel contre la grippe saisonnière dès la réception des vaccins, le 10 septembre, alors que, d'habitude, la médecine de ville vaccine avant nous. L'effet H1N1 a d'ailleurs accru le taux de vaccination du personnel, qui est resté néanmoins trop faible. Un délai de trois semaines étant requis entre les deux vaccins, nous avons pu attaquer la campagne H1N1 le 20 octobre. Au final, 30 % des personnels non soignants – administratifs, logistiques et de service – ont été vaccinés contre la grippe H1N1, soit un peu moins de 30 000 personnes, de même que 65 % des médecins ; les personnels infirmiers, en revanche, se sont peu fait vacciner.

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