Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Séance du 7 avril 2010 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • ap-hp
  • grippe
  • h1n1
  • hôpital
  • hôpitaux
  • interne
  • médecin
  • vaccination
  • vacciner

La séance

Source

COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA MANIÈRE DONT A ÉTÉ PROGRAMMÉE, EXPLIQUÉE ET GÉRÉE LA CAMPAGNE DE VACCINATION DE LA GRIPPE A (H1N1)

Mercredi 7 avril 2010

La séance est ouverte à dix-sept heures dix.

(Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde, président de la Commission d'enquête)

La Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) entend M. Benoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP).

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous allons maintenant auditionner M. Benoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris, l'AP-HP.

M. Benoît Leclercq prête serment.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

L'AP-HP représente trente-sept hôpitaux, 1,1 million d'admissions en urgence, 1 million d'hospitalisations et 4 millions de consultations. Elle emploie 92 000 personnes, avec un budget de 6,4 milliards d'euros. Elle s'étend principalement sur la région d'Île-de-France, principalement sur la métropole parisienne.

L'AP-HP était préparée à la grippe A, dans la mesure où elle avait déjà mis sur pied un plan assez drastique contre la grippe H5N1, dite « grippe aviaire ». En outre, depuis 2005-2006, elle a remis à jour son Plan blanc, c'est-à-dire son plan d'urgence interne. Enfin, sa qualité d'établissement de référence de la zone de défense l'amène à pratiquer régulièrement des exercices.

Dans la gestion de la grippe A, je distinguerai trois phases.

La première phase s'est déroulée avant l'été, lorsque les premiers cas sont apparus au Mexique, ce qui a déclenché des prises en charge hospitalières et pré-hospitalières, en particulier par les SAMU, les services d'assistance médicale d'urgence.

Durant la deuxième phase, à partir de l'été, les consultations dédiées se sont développées, nous avons pris en charge des cas graves – la médecine de ville traitant l'essentiel des patients –, nous avons adapté nos capacités hospitalières, notamment dans nos services de maladies infectieuses, afin de libérer de la place en vue d'accueillir d'éventuels patients, et nous avons largement mobilisé nos laboratoires de virologie ainsi que nos services de réanimation. Nous avons aussi planifié la déprogrammation de lits en cas d'affluence massive et nous avons préparé les plans de continuité d'activité en cas de pandémie grave, considérant que, si 30 % de la population française avait été touchée, 30 % au moins de notre personnel soignant l'aurait été.

La troisième phase, à partir de la rentrée de septembre, a requis une implication beaucoup plus forte, en matière hospitalière mais aussi dans le cadre des campagnes de vaccination de nos personnels, des patients, des familles de nos personnels et de la population.

L'AP-HP dispose depuis longtemps d'un système de gestion de crise, avec une cellule centrale et des référents dans chaque hôpital et chaque pôle hospitalier. Nous avons créé un comité stratégique H1N1. Nous avons mobilisé le réseau d'épidémiologie et de biologie, placé sous l'autorité du professeur Bricaire. Nous avons organisé des conférences téléphoniques avec l'ensemble de nos hôpitaux afin de coordonner leur activité.

Il a fallu adapter notre dispositif hospitalier, ce que nous sommes parvenus à faire sans tensions excessives, à quelques exceptions près.

Les SAMU et les SMUR – services d'assistance médicale d'urgence et services mobiles d'urgence et de réanimation, structures extra-hospitalières –, ont dû faire face à une augmentation du nombre d'appels. Nous avons donc renforcé leurs capacités de réponse téléphonique, y compris afin d'opérer un recensement statistique en vue de suivre l'évolution de l'épidémie.

Durant la première phase, tous les cas suspects ont été transportés à l'hôpital et isolés. Nous avons également mis en place des consultations dédiées spécifiques, notamment à l'entrée des hôpitaux sièges des SAMU de quatre départements sur huit. Nous avons rencontré davantage de difficultés avec les laboratoires de virologie, dans lesquels les virus de ce type sont détectés, car ils ont été soumis à des tensions plus vives. En effet, ils ne travaillent généralement pas dans l'urgence. De surcroît, le nombre de laboratoires de niveau de confinement L3, c'est-à-dire très protégés, est relativement faible. Enfin, il n'existe pas de définition des situations médicales et biologiques nécessitant un dépistage.

À partir de l'été, nous avons constitué un réseau de consultations hospitalières dédiées dans nos hôpitaux référents et dans nos hôpitaux dits de deuxième ligne. Ce réseau a bien fonctionné, hormis des tensions ponctuelles au cours de certains week-ends, notamment estivaux, durant lesquels le personnel est évidemment moins nombreux.

Au début de l'automne, nous avons porté une attention soutenue à la préparation de la déprogrammation. Il s'agissait, en cas de pandémie massive, d'être capable de déprogrammer de l'activité sur rendez-vous, y compris des opérations chirurgicales, afin de libérer des places hospitalières en tant que de besoin – l'ancienne DHOS, direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, aujourd'hui DGOS, direction générale de l'offre de soins, avait fixé des seuils à cet effet –, notamment dans les services de médecine et les salles de réanimation ou de réveil de chirurgie. Cela nous a amenés à surveiller de manière encore plus précise que d'habitude – d'ordinaire, nous le faisons déjà quotidiennement – les capacités disponibles en réanimation, à bien suivre le fonctionnement et la continuité de nos services, et à vérifier que les équipements réservés pour ce faire dans les services, en particulier les respirateurs et les matériels de circulation extracorporelle, étaient adaptés. Les seuils de déprogrammation n'ont jamais été atteints, hormis une journée de la semaine 46, en pédiatrie. Les tensions observées à d'autres moments n'étaient pas uniquement liées à la grippe H1N1 mais à une conjonction entre cette grippe, des bronchiolites et des gastro-entérites, ces deux dernières affections provoquant toujours de l'affluence aux urgences durant cette période de l'année. Nous avons battu un record à l'hôpital Robert-Debré, avec 405 patients admis un dimanche, alors que le maximum atteint les années précédentes excédait à peine les 300. Les capacités en lits de réanimation adultes n'ont jamais été dépassées puisque nous avons admis 193 patients, dont 54 enfants. Lorsque le seuil de 15 % de lits occupés a été atteint, durant la semaine 46, il a fallu ouvrir quatre lits supplémentaires, sans que nous fussions contraints de déprogrammer l'activité de manière massive. Nous en avons toutefois déduit que le nombre de lits de réanimation pédiatrique était sans doute trop faible dans la région parisienne, sachant que l'AP-HP y concentre 70 % des lits de réanimation pédiatrique.

Par l'intermédiaire de l'Agence générale des équipements et produits de santé, l'AGEPS, ex-Pharmacie centrale, nous avons approvisionné en antiviraux – Tamiflu et Relenza – les hôpitaux de l'AP-HP mais aussi ceux des quatre autres départements ne dépendant pas des SAMU de l'AP-HP. Nous avons aussi servi d'interface entre l'ÉPRUS, l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, et le SAMU d'Île-de-France.

À partir de mi-octobre, nous avons distribué 157 000 doses de vaccins contre la grippe A et les dispositifs médicaux stériles associés, d'abord à nos hôpitaux puis aux hôpitaux sièges de SAMU extérieurs à l'AP-HP, qui servaient de relais avec les hôpitaux de leur département. Nous avons reçu 3,1 millions de masques de protection respiratoire FFP2, que nous conservons, et 7 millions de masques chirurgicaux, stock dans lequel nous puisons et que nous renouvelons afin d'éviter la péremption.

L'AP-HP s'est également mobilisée dans le cadre des campagnes de vaccination.

Nous avons d'abord obtenu de pouvoir vacciner notre personnel contre la grippe saisonnière dès la réception des vaccins, le 10 septembre, alors que, d'habitude, la médecine de ville vaccine avant nous. L'effet H1N1 a d'ailleurs accru le taux de vaccination du personnel, qui est resté néanmoins trop faible. Un délai de trois semaines étant requis entre les deux vaccins, nous avons pu attaquer la campagne H1N1 le 20 octobre. Au final, 30 % des personnels non soignants – administratifs, logistiques et de service – ont été vaccinés contre la grippe H1N1, soit un peu moins de 30 000 personnes, de même que 65 % des médecins ; les personnels infirmiers, en revanche, se sont peu fait vacciner.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Disposez-vous des données pour la grippe saisonnière ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Cette année, nous sommes arrivés à 28 %, contre 20 % les années précédentes.

Nous avons aussi vacciné dans nos locaux 14 000 malades atteints d'affections chroniques, 4 800 membres des familles de notre personnel, 1 600 libéraux et, accessoirement, 500 personnes allergiques à l'oeuf.

Par ailleurs, l'AP-HP a été très fortement sollicitée pour la campagne de vaccination organisée par l'État. Nous avons équipé en logistique les centres de vaccination aménagés dans les communes, notamment en achetant la plupart des réfrigérateurs. Nous avons procédé à des détachements massifs d'internes en médecine et d'étudiants en soins infirmiers mais aussi de personnels seniors volontaires.

L'organisation de la mobilisation a été tributaire, selon nous, des difficultés de planification et de régulation des opérations parfois rencontrées par les DDASS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, en particulier lors de l'extension de l'amplitude du dispositif. Pour être plus précis, il est arrivé que nous ayons mobilisé des moyens ne pouvant être utilisés, dans la mesure où les centres n'étaient pas ouverts, pour des raisons nous échappant.

Le nombre d'internes mis à disposition a varié de 5 par jour à 220 par jour – durant la période la plus difficile, en gros jusqu'à Noël –, plus 1 600 étudiants en institut de formation en soins infirmiers, 225 cadres de santé et quelques volontaires.

Les dépenses spécifiques engagées par l'AP-HP ont été compensées : nous avons reçu 1 million d'euros, en sus de la tarification à l'activité, au titre des missions d'intérêt général – sachant que l'enveloppe nationale s'élevait à 10 millions d'euros et que nous représentons environ 10 % de l'hospitalisation –, soit approximativement le coût que nous avions engagé. Si vous le souhaitez, je vous communiquerai le détail. Cette somme nous semble couvrir notamment les frais supportés par les laboratoires et le manque à gagner lié au blocage de lits dans les services de maladies infectieuses pour attendre des patients éventuels. Nous avons en outre versé des indemnités au personnel, à hauteur d'1,5 million d'euros, enveloppe qui sera remboursée par l'assurance maladie.

PermalienPhoto de Bernard Debré

Ce compte rendu correspond à ce que beaucoup d'entre nous avons vécu à l'AP-HP. Nous avons beaucoup mobilisé les internes pour vacciner à l'extérieur, au point que nous avons parfois été forcés de déprogrammer, même si cela ne nous avait pas été demandé.

Sur quels critères les internes ont-ils été réquisitionnés ? Les avez-vous fixés vous-mêmes ? Sinon, avez-vous été consulté ? Avez-vous reçu une demande chiffrée que vous avez ensuite ventilée ?

Beaucoup de ces internes ont été envoyés très loin, à trente ou quarante kilomètres, alors qu'ils ne possédaient pas nécessairement de voiture. Ont-ils été indemnisés, en particulier de leurs frais kilométriques ?

Les hôpitaux ont aussi beaucoup vacciné, vous avez donné les chiffres. Quand un flacon de dix doses était ouvert, dix médecins ou membres du personnel étaient-ils automatiquement vaccinés ? Il est revenu à mes oreilles – j'ai même cru le voir – qu'une, deux, trois ou quatre doses sur dix pouvaient être utilisées et que le reste était jeté.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Sur instruction ministérielle, nous avons exclu tous les internes des services d'urgence, de réanimation et de pédiatrie, quelle que soit la discipline pédiatrique. Ensuite, nous avons évidemment mobilisé les internes les moins proches des patients, c'est-à-dire ceux exerçant en santé publique ou en biologie médicale, ce qui ne constitue aucunement un jugement de valeur. Ensuite, nous avons pris les listes et sollicité les gens. Du reste, compte tenu du taux d'indemnisation annoncé, il n'y a pas eu de problème de choix. Les premiers critères ont donc été définis par les autorités ministérielles, après quoi la direction générale a procédé à une sélection, par le biais des directeurs des affaires médicales de chaque établissement, qui ont pris contact avec les chefs de service ou, dans un certain nombre de cas, le syndicat des internes, largement autogéré.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Contrairement aux médecins libéraux, l'AP-HP a donc été consultée pour organiser la réquisition et orienter le choix vers tel ou tel interne ou infirmière.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Absolument ! Tout comme nous avons décidé que tous les étudiants de troisième année des instituts de formation en soins infirmiers iraient vacciner. Nous avons demandé à opérer nous-mêmes le tri car il n'aurait pas été forcément adapté qu'il soit fait par les DDASS, les cellules opérationnelles ou les préfets.

PermalienPhoto de Catherine Génisson

La réquisition a-t-elle été arbitraire ou opérée en concertation avec les chefs de pôle et les chefs de service, sur lesquels repose l'activité habituelle de l'hôpital ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Nous étions sollicités quotidiennement par les préfectures pour envoyer un nombre donné d'internes et il fallait répondre sous vingt-quatre ou quarante-huit heures. Nous n'avons donc pas toujours été consultés.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Parfois quarante-huit heures. Sur la fin, le délai atteignait parfois une semaine, cela dépendait des jours.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Les évolutions ont sans doute été d'autant plus importantes que le volume horaire d'ouverture des centres, dans toutes les villes, était très variable.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Tous les internes ont été indemnisés pour leurs vacations et pour leurs déplacements : nous avons versé 1,133 million d'euros au titre des vacations et près de 10 000 euros de frais de déplacement.

Le Gouvernement nous a fourni des flacons de dix doses de vaccin…

PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce sont les laboratoires qui vous les ont fournis !

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Ma tutelle, c'est le Gouvernement. Je répète que le Gouvernement nous a fourni des flacons de dix doses. Dans les centres de vaccination, on vaccinait par dizaines ; à l'hôpital, en revanche, il est évidemment arrivé que la totalité d'un flacon ne soit pas utilisée.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Oui.

PermalienPhoto de Bernard Debré

N'a-t-on jamais jeté de flacons pleins ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Bien sûr que non !

PermalienPhoto de Guy Lefrand

Votre plan contre la grippe aviaire et votre Plan blanc ont-ils pu être réutilisés tels quels ou a-t-il fallu les adapter ? En d'autres termes, ces plans se sont-ils avérés efficients ?

Quel a été le degré de coordination avec le ministère et quel rôle l'ARH, l'Agence régionale d'hospitalisation, a-t-elle joué dans l'organisation et la planification ?

Vous avez évoqué des difficultés de planification du côté des DDASS. Sous-entendez-vous que celles-ci ont insuffisamment utilisé vos potentialités internes ou ont tardé à les utiliser ?

Une bonne partie du personnel soignant n'a pas été vaccinée. Cela a-t-il tenu à des problèmes de communication ? Sinon, qu'est-ce qui a poussé autant d'infirmiers à ne pas se faire vacciner ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Les plans précédents se sont avérés très efficients, les adaptations n'ayant été que marginales. Toutes les cellules ont pu être mobilisées et les référents étaient prêts : en moins de quarante-huit heures, le dispositif était opérationnel. Si une épidémie de grippe particulière ne se produit pas tous les deux ans, il importe que nous organisions des exercices d'envergure tous les deux ans afin que les gens restent mobilisés.

La coordination avec le ministère était quotidienne, d'abord parce que le siège de l'AP-HP est situé à Paris. J'étais informé au jour le jour du nombre d'admissions, de consultations, de patients en réanimation pédiatrique et adulte, qui étaient communiqués au ministère via le réseau CHORUS, et j'échangeais avec les directeurs de cabinet de l'époque, qui souhaitaient être informés « en direct ». La coordination politique, si je puis dire, était assurée à mon niveau et la cellule de crise « grippe » de l'AP-HP correspondait quotidiennement, voire deux fois par jour, avec les référents du ministère.

Je ne me souviens pas que l'ARH participait au dispositif mais je ne suis pas catégorique car j'étais un peu loin du terrain.

Concernant les DDASS, je n'ai pas voulu dire que je disposais de potentialités internes sous-utilisées. Le problème, c'est quand on me demandait deux internes pour les envoyer à Évry, qu'un véhicule de la préfecture les prenait en charge et qu'ils arrivaient dans un bourg où le centre de vaccination n'était pas ouvert. Faire partir ainsi deux jeunes qui auraient pu servir dans un service hospitalier traduisait un relatif manque de coordination et ne contribuait pas à la mobilisation générale. C'est en ce sens que des potentialités internes, mises à disposition, n'ont pas été utilisées. Mais nous ne disposions pas de potentialités supplémentaires ; certes, nous n'avons pas déprogrammé, mais certains services ont admis moins de malades durant cette période.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Quand vous mobilisiez des moyens, c'était en réponse aux préfectures qui vous les avaient demandés.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Oui, systématiquement.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Et pourtant, les centres auxquels ils étaient destinés n'étaient pas toujours ouverts.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Soit le centre n'était pas ouvert, soit il n'y avait pas d'infirmière, soit les vaccins n'étaient pas arrivés.

PermalienPhoto de Bernard Debré

Soit il n'y avait pas de candidats à la vaccination ! Il est arrivé que cinq internes soient envoyés dans un centre où il n'y avait aucun patient à vacciner ! Et il leur a été interdit de partir !

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

J'ai lu les journaux, comme vous, mais, ayant juré de dire la vérité, je ne parlerai que de ce que j'ai vu, fait ou dit.

Quitte à passer pour immodeste, je ne pense pas que le faible taux de personnel infirmier vacciné soit imputable à un problème de communication. Nous avons mené une campagne de communication intense, nous avons distribué à l'ensemble de nos personnels un petit fascicule en trois volets, nous nous sommes appuyés sur différents vecteurs, mais un syndicat d'infirmiers s'est livré à une contre-campagne interne qui a manifestement beaucoup plus porté que nos messages : sur internet, j'ai lu des posts ahurissants, véhiculant des appels à ne pas se faire vacciner.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Je n'ai pas son nom en tête mais je vous le communiquerai ; son responsable se nomme M. Lamouroux.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Son argumentation était-elle scientifique ou sociale ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Il s'agissait de messages du type : « rien n'est prouvé », « cela ne sert à rien » ou « cela peut être dangereux ».

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Les arguments invoqués étaient donc de nature scientifique, ils ne tenaient pas aux relations sociales internes à l'entreprise.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Non, ils ne visaient pas la direction générale.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Je ne vous le fais pas dire…

Il faudra donc sans doute que nous nous adaptions et que nous diffusions sur internet des conseils en faveur de la vaccination. Nous ne cessions d'expliquer qu'il était plus risqué d'être victime des effets liés au vaccin en attrapant la grippe qu'en se faisant vacciner ; apparemment, cela n'a pas porté.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Cependant, davantage de monde s'est fait vacciner contre la grippe H1N1 que contre la grippe saisonnière : 30 000 agents dans le premier cas, 28 % dans le second cas, soit environ 25 000 agents.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Le bouche à oreille a aussi fonctionné : je me vois encore persuader mes secrétaires de se faire vacciner, alors qu'elles refusaient d'y aller après avoir lu des messages négatifs.

PermalienPhoto de Bernard Debré

Le taux de 28 % pour ce qui concerne la grippe saisonnière est déjà faible, il traduit une réticence inhérente au corps médical, que nous avons essayé de contrecarrer. Par contre, 65 % des médecins se sont fait vacciner.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

En effet, nous avons été très heureux que deux tiers des médecins se soient protégés ; la proportion est encourageante en vue des pandémies.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Le nombre de personnels atteints par le virus H1N1 a-t-il été important, au point de désorganiser certains services ?

Des services vous ont-ils signalé une quelconque désorganisation ?

Disposez-vous d'un référent chargé de la grippe H1N1 dans chaque hôpital ? Des réunions d'information sont-elles organisées régulièrement à destination du personnel ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Dans la mesure où la grippe H1N1 a touché le personnel hospitalier dans les mêmes proportions que la population générale, la désorganisation a été limitée. Un seul cas s'est produit, aux urgences du Kremlin-Bicêtre, où un interne, porteur des symptômes, a contaminé sept personnes du service. Cela nous a posé des difficultés particulières pendant quelques jours mais nous y avons paré en vingt-quatre heures. Ce cas – auquel l'inconscience de certains personnels n'est vraisemblablement pas étrangère – a toutefois mis en évidence la fragilité du système.

Nous disposons d'un référent grippe par service. Ces référents sont réunis régulièrement pour entendre des exposés des infectiologues de la maison, MM. Bricaire, Vittecoq ou Delfraissy, ainsi que des spécialistes en épidémiologie travaillant à la direction de la politique médicale, les docteurs Fournier ou Brun-Ney. C'est ainsi que nous entretenons un réseau de déploiement rapide très efficace. Quand nous appuyons sur un bouton dans les bureaux de l'avenue Victoria, il faut qu'une sonnerie retentisse tant à l'hôpital Cochin qu'à l'hôpital René-Muret-Bigottini de Sevran.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Le million d'euros a-t-il bien été versé dans l'enveloppe MIG – missions d'intérêt général –, en supplément ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Absolument, sur la ligne budgétaire H1N1.

PermalienPhoto de Catherine Génisson

Pouvez-vous confirmer que vous n'avez procédé à aucune déprogrammation d'activité ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

La direction générale n'a demandé aucune déprogrammation.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Comme l'a indiqué le professeur Debré, dans un service où deux internes étaient prélevés pour aller vacciner en ville, il est possible que le chirurgien ou le médecin ait été amené à réduire le nombre d'admissions du jour.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Mobiliser 220 internes sur un total de 2 000, cela ne peut pas provoquer de catastrophe nationale.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

D'autant que les 220 n'ont jamais été mobilisés d'un coup.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Si : cet effectif était mobilisé quotidiennement.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

L'Île-de-France.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Dans tout le bassin parisien ? Jusqu'à l'Essonne, la Seine-et-Marne ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Absolument.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Nous sommes maintenant en avril. Avez-vous déjà reçu une évaluation émanant des internes et des élèves infirmiers, faisant état de leur ressenti ? Êtes-vous en mesure de procéder à cette évaluation ? Sera-t-elle effectuée ? Vous l'a-t-on proposé ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

À chaud, nous avons pu évaluer que les internes, les élèves infirmiers ou les monitrices appelés à courir dans les centres de vaccination faisaient montre d'une certaine irritation. Cela dit, tous les personnels sollicités ont répondu présent. Aucun n'a refusé d'y aller. J'ai seulement dû régler quelques petits problèmes de cadrage, au début de l'opération. Le syndicat des internes m'a ainsi demandé de signaler à Mme la préfète Martine Monteil, secrétaire générale de la zone de défense, qu'aller quérir un interne par l'intermédiaire d'un motard de la gendarmerie n'était pas forcément idéal pour mobiliser les personnels médicaux. J'ai appris à connaître l'ensemble des préfets de la région et je leur ai suggéré qu'ils recourent moins aux motards et que nous organisions mieux nos plannings, un peu à l'avance.

Nous aurions préféré que l'on nous indique les besoins et que l'on nous laisse remplir les cases, comme cela a été fait au milieu de la période. Je pense aussi que tout aurait pu être organisé différemment, mais c'est un autre problème…

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

La vaccination du public aurait pu être organisée dans les hôpitaux, qui savent gérer des files d'attente et des prises de rendez-vous.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Nous avons bien trouvé la place pour organiser neuf ou dix consultations dédiées, qui n'existaient pas auparavant. Les plans blancs ont précisément pour objet de modifier l'affectation de tel ou tel local. Un centre de vaccination n'est pas un équipement aussi complexe qu'un hôpital, ce n'est qu'une pièce propre pourvue d'un lavabo et d'un réfrigérateur acheté par l'AP-HP, avec une salle d'attente, une salle d'interrogatoire pour le médecin et une salle de vaccination.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Avez-vous une idée du nombre de personnes qui ont été vaccinées dans le périmètre géographique couvert par l'AP-HP ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Non, aucune, je le reconnais.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Le centre de vaccination installé dans ma ville, armé pour partie par l'hôpital Avicenne et qui couvrait trois communes, n'a accueilli que 5 000 personnes en deux mois, dont 3 000 en trois semaines. Avicenne aurait été capable de s'en occuper. Votre proposition me semble donc intéressante.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Nos soignants ont l'habitude de s'organiser pour ce genre de choses : ils savent comment manipuler un flacon, ils savent qu'il faut enfiler des gants. Or, d'après ce qui m'a été rapporté, ce b.a-ba n'a pas toujours été respecté dans les centres de vaccination. J'ajoute que le personnel d'État fourni pour des tâches administratives, en provenance notamment des préfectures, aurait pu venir à l'hôpital ; pour notre part, nous disposions de la force vive médicale puisque c'est nous qui l'avons mise à disposition de la ville.

PermalienPhoto de Bernard Debré

Puisqu'il suffisait d'une pièce, d'un réfrigérateur et du matériel de vaccination, le médecin généraliste aurait parfaitement pu s'en occuper. Or, ce ne sont ni les hôpitaux ni les médecins généralistes qui ont été utilisés. Voilà le sujet auquel il convient de réfléchir.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je partage assez cet avis. J'ai cru comprendre que les gens ne défilaient pas à l'AP-HP pour se faire vacciner et que des flacons y ont été jetés sans que toutes les doses aient été utilisées. Or n'importe quel médecin de ville aurait été capable de regrouper ses patients par sept, huit ou neuf afin d'éviter de gâcher des doses.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Une fois les centres fermés, avez-vous récupéré les réfrigérateurs et autres matériels ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

J'avoue ne pas m'être posé la question.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Pas la peine de venir chercher celui de Drancy car c'est ma commue qui l'a payé !

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Rassurez-vous, nous ne récupérerons que ceux que nous avons achetés !

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je me demande bien où l'AP-HP a pu acheter des réfrigérateurs. À Drancy, c'est la commune qui a dû le fournir. Quand la préfecture m'a sollicité, je lui ai proposé de mettre à disposition un centre médico-sportif, équipé notamment de cabinets de consultation, mais elle m'a répondu que nous risquions d'être submergés par l'affluence et qu'elle réquisitionnait un gymnase. Nous avons donc bloqué un gymnase pendant quatre mois, avec trois médecins, quatre infirmières, quatre agents de l'État et quatre agents de la ville, pour ne finalement vacciner que cinquante personnes par jour. Peut-être une simple salle suffisait-elle, en tout cas l'État a demandé beaucoup plus !

Un certain nombre d'infirmières de troisième année, décisive dans leur cursus, semblent avoir été réquisitionnées longtemps, ce qui leur a sans doute posé des problèmes en fin d'année. Comment avez-vous prévu de résoudre ce problème ?

La Réunion et la Nouvelle-Calédonie, par exemple, ont souffert d'un déficit en appareils de respiration externe. Est-il arrivé un moment où les capacités en locaux et en équipements de l'AP-HP ont été dépassées ? Cela aurait-il pu se produire si la pandémie avait été significative ? Quel a été le nombre maximum de patients atteints par la grippe H1N1 que vous avez accueillis en soins intensifs et en réanimation ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

La direction générale de la santé – la DGS – et la ministre de la santé nous ont garanti que l'examen de fin d'année des élèves infirmiers ne serait pas perturbé. Pour être plus précis, s'il devait arriver qu'un élève rate son examen, ce ne serait pas à cause de ça.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Il se trouve qu'une école d'infirmières est implantée dans ma circonscription et que certaines des élèves ont manqué trois semaines à un mois de cours, censés nécessaires pour préparer leur examen. La DGS a-t-elle bien assuré qu'elle en tiendrait compte ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Le ministère nous a dit que ce n'était pas un sujet, qu'il n'y aurait pas de perturbation aux examens. Le nombre de reçus n'a jamais été aussi élevé…

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Nous n'avons jamais atteint les limites de capacités en lits ni en respirateurs. Nous avons parfois frôlé la limite pour les matériels de circulation extracorporelle, sachant que l'indication se discutait parfois. Bref, globalement, nous n'avons pas rencontré de difficultés de ce point de vue.

Le nombre de patients hospitalisés dans les services de maladies infectieuses a dû monter jusqu'à 400, je vous communiquerai le chiffre exact. En réanimation, nous sommes grimpés à une centaine de patients.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Un millier environ.

PermalienPhoto de Bernard Debré

Il convient de faire attention aux chiffres : l'ensemble des 400 patients hospitalisés n'étaient pas dans une situation grave ; seuls une centaine d'entre eux ont été admis en réanimation, parmi lesquels un certain nombre ont été surtraités, avec des matériels inappropriés.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Si j'ai bien compris, les lieux d'implantation des centres de vaccination ont été choisis par les préfets. Je ne partage pas l'argument des flacons multidoses pour justifier la mise à l'écart des généralistes et cet argument, en tout cas, ne vaut pas pour les hôpitaux. À l'époque, avez-vous proposé que l'AP-HP héberge des centres de vaccination ? Si oui, a-t-elle été écartée ? Pour quels motifs ?

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Non, même si, en réunion, je grommelais souvent et réclamais que l'on nous laisse faire. Il est plus compliqué d'envoyer des internes à Évry que d'organiser les vaccinations nous-mêmes, quitte à se coordonner avec les collègues d'Evry pour voir comment organiser la vaccination chez eux. Je dois néanmoins reconnaître que je n'ai pas formulé cette proposition et que l'idée s'est imposée au fil du déroulement de l'opération.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous ne faisons que nous interroger. Nous ne vous faisons porter aucune responsabilité.

PermalienBenoît Leclercq, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Mais je ne me défile pas !

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Les préfets n'ont pas choisi les centres de vaccination – les choses, en tout cas, se sont passées ainsi pour les centres que je connais le mieux – mais ont demandé aux maires si ceux-ci pouvaient l'organiser dans tel ou tel local. Pour la région parisienne, seule la direction générale de l'AP-HP aurait pu se proposer ; en province, en revanche, où les maires président le conseil d'administration des hôpitaux, peut-être auraient-ils pu prendre l'initiative. Nous pourrons interroger la Fédération hospitalière de France à ce propos.

Monsieur le directeur général, je vous remercie.

La séance est levée à dix-huit heures.