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Intervention de Guillaume Pepy

Réunion du 18 janvier 2012 à 18h45
Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-france

Guillaume Pepy, président de la SNCF :

Toutes ces questions, très pertinentes, sont des sujets de travail pour nous. Nous n'avons donc pas de réponses toutes faites : nous ne pouvons que contribuer à votre réflexion et j'apprécie la possibilité que vous nous offrez de répondre par écrit, afin d'apporter des éléments plus nourris.

S'agissant de la stratégie de développement du transport collectif en Île-de-France au cours des dix ou quinze prochaines années, je rappelle que le Grand Paris fait non seulement l'objet d'un consensus, mais qu'il commence déjà à prendre forme. Mais quid du reste du réseau ? Dans le discours qu'il a prononcé à la Cité de l'architecture, le Président de la République a fait état d'un chiffre réellement fascinant : d'ici à 2030, 70 % des voyages supplémentaires en Île-de-France se feront sur des lignes existantes. D'où l'équilibre qui a été finalement retenu entre les investissements consacrés aux nouvelles infrastructures et ceux des schémas directeurs des lignes de RER, à quoi s'ajoute le travail réalisé pour les gares et les trains.

La réflexion n'est pas encore achevée, notamment en ce qui concerne le doublement éventuel du tunnel. Nous en sommes au stade des études. Il faudra ensuite un véritable débat sur l'affectation des deux milliards d'euros concernés. C'est une question légitime. De même, il faudra débattre avec les élus et avec toutes les autres parties prenantes sur le nouveau mode d'exploitation que nous suggérons : il arrangera certains acteurs, mais il en dérangera d'autres. Nous aurons besoin d'un choix collectif éclairé, et non de décisions techniques ou technocratiques. Les meilleures intentions du monde, par exemple alléger une desserte pour améliorer sa qualité, peuvent être très mal perçues par les populations, lesquelles ne comprennent pas toujours certaines évolutions. Il conviendra donc de renforcer la place du débat public sur les choix en matière de transports.

Vous nous avez demandé si nous pouvions rapidement effacer la différence entre la RATP, la SNCF et RFF. Le Président de la République a demandé que l'on donne une nouvelle impulsion dans ce domaine, et nous sommes engagés, Pierre Mongin, Hubert du Mesnil et moi-même, sur cette question à 100 %. Nous allons tout faire, dans les six mois ou les deux années qui viennent, pour effacer les différences, du point de vue du client, en matière d'information, de fréquences et de missions : nous devons faire comme s'il n'y avait qu'une seule entreprise dans le cadre institutionnel existant, c'est-à-dire sans nouvelle loi. Je m'y engage devant vous.

J'ai également trouvé très intéressantes vos questions sur l'aménagement du territoire en Île-de-France. Vous avez notamment demandé comment gérer la saturation. On ne peut pas augmenter de 30 ou 50 % les capacités d'un claquement de doigts. C'est pourquoi beaucoup de pays ont décidé d'adresser des signaux aux entreprises. Lors de l'installation des sièges sociaux, il faudrait ainsi des discussions systématiques, sous l'autorité de l'État et du STIF, sur les offres existantes de transport. Beaucoup d'acteurs suggèrent aussi une réflexion sur les horaires de travail : il y a une saturation entre 7 heures 45 et 8 heures 45 dans le quartier de La Défense, mais nous avons des capacités excédentaires à partir de 9 heures 15 ou 9 heures 30. Sans que la décision soit forcément « prise d'en haut », ne pourrait-on pas décaler les horaires pour améliorer les conditions de transports et pour éviter d'augmenter toujours plus les capacités ? On pourrait réaliser des petites révolutions dans les habitudes au lieu de dépenser des centaines de millions d'euros supplémentaires. Nous devons donc réfléchir aux ajustements potentiels à court terme. Nous avons déjà quelques belles expériences de dialogue avec les entreprises. Une autre piste, plus audacieuse encore, consisterait à appliquer un rabais pour l'utilisation du service aux heures creuses – ce serait conforme à l'intérêt général. Il y a des réticences, bien sûr, car on n'est pas forcément maître de ses horaires de travail, mais il faut aller dans le sens de tout ce qui peut inciter à une meilleure utilisation des transports publics.

Pour ce qui est de l'unification opérationnelle, nous vous répondrons par écrit – je suggère même une réponse commune avec Pierre Mongin, pour nous engager sur les étapes à venir.

Je vous propose également une réponse écrite sur le rapport de la Cour des comptes. Nous vous dirons où nous en sommes et ce qui reste à faire point par point.

Entre la gare d'Austerlitz et celles de Juvisy sur Orge et de Brétigny, il y a deux projets qui consistent à augmenter le nombre de voies et à construire une ligne de TGV. L'articulation entre ces deux projets fait l'objet d'un débat public, en cours, sur la ligne Paris Orléans Clermont-Ferrand Lyon (POCL) : peut-on assurer une double utilisation des voies supplémentaires ? Faudra-t-il des travaux souterrains ? RFF conduit le débat et je me suis rendu à Ivry avant-hier pour me rendre compte sur place de la situation. C'est une question majeure pour la vie urbaine dans le département du Val-de-Marne, mais je n'ai pas de réponse toute faite à vous apporter.

M. Paternotte m'a demandé, en somme, si l'on réinventerait aujourd'hui les grandes traversantes, ou plus exactement si l'on rabouterait de nouveau les lignes de Vincennes et de Saint-Germain, ou celles de Melun et d'Orry-la-Ville, comme on l'a fait dans les années 1970 et 1980, s'il fallait reconstruire le RER. La réponse n'est pas simple La génération précédente a pensé qu'il fallait unifier l'Île-de-France avec des liaisons entre banlieues et une traversée souterraine de Paris. Cette idée a permis d'avancer dans de nombreux domaines, mais vous avez raison de dire que des lignes de quelque 195 kilomètres ne sont pas correctement exploitables du fait de la complexité des schémas de desserte, des missions et des types de trains utilisée. Si l'on aborde cette question, il faudra le faire avec pédagogie et « à livre ouvert » : on ne pourra pas prendre des décisions technocratiques sur de tels sujets. Il faudra présenter différents scénarios aux populations.

Pour répondre à la question de M. Gaudron, je précise que nous allons exploiter tout le Nord du RER B comme un métro, avec des omnibus. Nous devrons donc faire face au mécontentement des usagers qui bénéficient aujourd'hui de trains directs ou semi directs, par exemple depuis Aulnay. Dans leur cas, le nouveau système d'exploitation conduit incontestablement à une augmentation du temps de transport de plusieurs minutes, le matin et le soir, tous les jours de la semaine. L'intérêt général exige de faire circuler des omnibus, pour que les trains soient plus nombreux et plus à l'heure, mais nous devrons également assumer nos choix face aux interrogations de certains voyageurs.

Nous faisons effectivement de la prospective, monsieur Pupponi. Nous tablons ainsi sur une augmentation de 60 % d'ici à 2030 : l'augmentation du trafic va continuer – il devrait notamment doubler pour les TER. Nous devrons faire face à ce défi, qui est en réalité, une véritable course de vitesse. Le RER E est une belle victoire, et la décision de le prolonger à l'Ouest est une bonne décision, mais il nous arrive de perdre certains combats, notamment sur le RER A : nous ne parvenons pas à assurer toutes les missions prévues, car le tunnel est saturé.

Quant aux incivilités, je suis intéressé par ce que font beaucoup de pays asiatiques : il y a du personnel à tous les tourniquets pour des lignes semblables au RER. Si nous ne trouvons pas des parades, la fraude appauvrira les transports publics année après année. Comme nous ne pouvons pas l'accepter, je suis favorable à une réflexion de société sur le fonctionnement des services de transport.

Si vous le voulez bien, je répondrai par écrit à la plupart des questions que vous avez posées, monsieur le président, et je demanderai à Mme Tilloy de vous répondre sur l'amiante.

Le système NexT est un investissement considérable, d'environ 300 millions d'euros, sur lequel le STIF est très engagé, avec RFF et la SNCF. Environ 100 millions d'euros sont consacrés au développement et 200 millions aux travaux d'installation sur une ligne. Il y a là un grand espoir : si l'on améliore la signalisation, on pourra faire circuler plus de trains dans le même tunnel, ce qui signifie moins d'investissements en matière de désaturation.

S'agissant des relations avec RFF, j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer. Les travaux que nous conduisons depuis dix-huit mois ont conduit le président de RFF à accepter de nous déléguer sa compétence sur la commande des aiguillages : on ne peut pas raisonner en Île-de-France comme dans le reste du territoire, car les décisions doivent être prises en une dizaine de secondes, et non en cinq minutes. S'il y a d'un côté l'aiguillage et, de l'autre, les exploitants, on perd tout de suite le temps nécessaire. Nous allons pouvoir réconcilier les décisions concernant les aiguillages et celles portant sur les services. Je tiens à remercier le président de RFF pour cette impulsion que je trouve très positive.

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