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Intervention de Daniel Boisserie

Réunion du 21 décembre 2011 à 9h30
Application de l'article 11 de la constitution — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Boisserie :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il aura fallu attendre la fin de la législature pour que nous soient présentés les textes portant application de l'article 11 de la Constitution dans sa version issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Nous avions salué les avancées apportées par la nouvelle rédaction de l'article 11, et Michel Vauzelle avait défendu dès octobre 2009 une proposition de résolution estimant urgente sa mise en oeuvre.

Ce nouveau mécanisme d'initiative parlementaire citoyenne, difficile à mettre en oeuvre dans la pratique, vise à renforcer la démocratie participative. Il était d'ailleurs préconisé dans le chapitre « Droits nouveaux du citoyen » du rapport du comité Balladur. Mais peut-être est-ce justement ce qui a incité le Gouvernement à ne pas se presser pour inscrire à l'ordre du jour ces textes d'application : ce délai lui a permis de mener à leur terme certaines réformes que ce dispositif aurait pu bloquer – je pense notamment au changement de statut de La Poste.

Aujourd'hui, j'ai le sentiment que la majorité et le Gouvernement, sentant le vent de l'alternance, ont voulu se doter de ce qui pourrait se révéler une protection lorsqu'ils seront dans l'opposition.

Mais ce sont en réalité les dispositions principales de ces projets de loi qui nous laissent dubitatifs sur la volonté du Gouvernement d'instaurer un véritable droit d'initiative populaire, pour reprendre l'expression utilisée dans le rapport du comité Balladur. Si tel était le but recherché, les textes qui nous sont proposés sont particulièrement décevants. En effet, il s'agit davantage d'une nouvelle forme d'initiative parlementaire, que Robert Badinter a intitulée « proposition de loi renforcée par une campagne de pétition ». Le référendum qui pourrait advenir à l'issue d'un processus semé d'embûches apparaît plus comme un miroir aux alouettes que comme une hypothèse crédible.

Loin de faire émerger des réflexions citoyennes, les projets de loi confient l'initiative aux parlementaires. Un cinquième d'entre eux peut engager cette démarche en rédigeant une proposition de loi. Cela revient à renforcer le bipartisme, déjà fort à l'Assemblée nationale puisque seuls l'UMP et le PS comptabilisent des effectifs suffisants.

À l'issue de cette première étape, il s'agira de recueillir, par voie électronique et dans un délai de trois mois, les soutiens de un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Ces deux modalités ne sont pas acceptables.

Après une nouvelle validation du Conseil constitutionnel portant sur le nombre de signatures obtenues, chacune des deux assemblées devra examiner la proposition de loi dans les douze mois suivants. Et quand je dis « examiner », il faut malheureusement seulement entendre qu'il suffira d'une simple lecture pour éviter le référendum, alors que le comité consultatif pour la révision de la Constitution – le comité Vedel de 1993 – prévoyait que seule l'adoption du texte permettrait l'abandon du processus référendaire. Si la proposition de loi est tout de même adoptée, nous savons à quel point quelques amendements peuvent transformer un texte. Or cette procédure échappe une nouvelle fois complètement aux citoyens, alors que, si un référendum était organisé et se révélait positif, le Président de la République serait dans l'obligation de promulguer la loi inchangée dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation.

En outre, l'opinion publique ne pourrait manifester son hostilité à un projet de loi qu'au terme d'un délai d'une année après sa promulgation. Les millions de personnes qui ont manifesté contre la réforme des retraites et qui auraient pu espérer dans cette disposition un ultime recours auraient dû faire preuve d'une grande patience.

Sans entrer dans le détail des dispositions des deux projets de loi, chacun peut juger combien il sera déjà difficile d'atteindre l'étape ultime : l'organisation d'un référendum. Les citoyens, enthousiasmés par cette nouvelle possibilité de participer au débat public, ne ressentiront que de la frustration devant tant d'obstacles. L'action parlementaire sera une nouvelle fois décrédibilisée : cela ne peut que renforcer un antiparlementarisme toujours latent dans notre pays, qui ne fait pas de distinction entre les partis politiques et favorise les extrêmes.

C'est pourquoi, bien que favorables à l'évolution envisagée, nous ne pouvons pas nous voter des textes trop restrictifs et qui sont bien en deçà des objectifs vertueux qui auraient pu être poursuivis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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