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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 21 décembre 2011 à 9h30
Application de l'article 11 de la constitution — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici donc enfin venu, à quelques mois de la fin de la législature, le temps d'aborder le dernier volet de la réforme constitutionnelle de 2008.

Totalement absente du projet de réforme constitutionnelle d'origine, l'idée du référendum est arrivée bien plus tard, par voie d'amendements dont beaucoup reprenaient la proposition n° 67 du comité Balladur, qui visait à instituer un référendum d'initiative populaire.

Alors que le volet citoyen de cette réforme est tout juste abordé, les lois organiques visant à permettre au Président de la République de nommer des PDG d'entreprises publiques et aux ministres de retrouver leur siège de député, ou encore à réformer le travail parlementaire en muselant l'opposition ont, elles, été présentées avec beaucoup de rapidité.

Tout concourt donc à penser que cette ultime réforme est réalisée à contrecoeur, sans réelle volonté de remettre le citoyen au coeur de nos institutions. Si cet état de fait ne suffisait pas à démontrer cette aversion, l'ultime article du projet de loi organique montrerait bien vos intentions : il dispose que la réforme n'entrera en vigueur que le premier jour du treizième mois suivant celui de sa promulgation.

Le plus grave est qu'en lieu et place d'un référendum d'initiative populaire c'est un référendum d'initiative partagé qui nous est aujourd'hui proposé. Avec ces projets de loi organique et de loi ordinaire, vous entendez en effet partager le processus de présentation entre Parlement et citoyens, comme prend le soin de le souligner notre rapporteur et contrairement à ce que laisse penser un exposé des motifs qui recourt systématiquement au terme « populaire ».

La frilosité est donc de rigueur face à des outils de démocratie participative dont vous craignez qu'ils ne vous échappent. Or une société qui se méfie de ses concitoyens est une société moribonde, pour reprendre le mot d'Aimé Césaire.

L'exercice est donc compliqué : vous voulez donner l'impression de répondre aux attentes populaires tout en évitant de rendre effectif un droit pourtant élémentaire de la démocratie parlementaire. Tel est le mot d'ordre quasi intenable d'une majorité de plus en plus méfiante à l'égard du peuple, d'une majorité qui craint d'être dépassée par les citoyens. Pourtant, nombre de démocraties occidentales, à commencer par nos voisins européens, ont fait de cette initiative référendaire un outil de démocratie effective, reconnue et respectée.

Il suffit de revenir aux conditions de mise en oeuvre de l'initiative référendaire, tellement drastiques qu'elles lui retirent le peu de caractère populaire qui lui était imparti. Le débat ne pourra en effet être ouvert que si l'initiative est présentée par un cinquième des membres du Parlement et qu'elle est soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cent quatre-vingt-cinq parlementaires et plus de quatre millions et demi d'inscrits sur les listes électorales – excusez du peu ! Ces seuils sont absolument disproportionnés et inatteignables. Ils augurent donc la non-application d'une telle procédure.

L'exemple suisse d'un très – voire trop – régulier recours au référendum est souvent repris, mais ne perdons pas de vue qu'aucun de nos voisins européens n'a fixé un taux de pétitionnaires aussi élevé : 10 % du corps électoral ! En Belgique, le nombre de pétitionnaire doit être de 3 % des électeurs ; en Suisse, il est fixé à 50 000 électeurs ; en Italie, l'initiative ne doit recueillir le soutien que de 500 000 électeurs, soit moins de 1 % d'une population totale de 60 millions d'habitants. L'exemple italien est d'ailleurs certainement, dans ses fondements et dans ses répercussions institutionnelles et politiques, celui dont nous devrions nous inspirer.

D'autres seuils sont donc envisageables pour rendre l'initiative crédible et accessible aux citoyens organisés. Ayons à l'esprit, par exemple, que le référendum sur la Poste organisé à l'automne 2009 fut, avec la participation de deux millions de personnes, un réel succès.

N'oublions pas non plus les contraintes temporelles excessivement lourdes de l'organisation d'une telle initiative : le délai incompressible est de quinze mois, quand le délai maximal est de vingt-trois mois, presque deux ans ! Une fois le contrôle de constitutionnalité de l'objet de la proposition effectué, la proposition validée par un cinquième des parlementaires et soutenue par un dixième de la population, le président ne pourra soumettre la proposition au référendum que si elle n'est pas examinée par le Parlement dans l'année qui suit. Autant dire que l'initiative référendaire ne débouchera jamais sur un référendum…

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