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Intervention de Martine Martinel

Réunion du 5 octobre 2011 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Martinel :

Je remercie M. Michel Herbillon pour les remarques très justes qu'il a faites sur la fiction. S'agissant de M. Jean-Jacques Gaultier, je voudrais le féliciter d'avoir pu trouver de la visibilité dans ce COM. L'absence de visibilité me semble plutôt l'une de ses grandes faiblesses. Ainsi, plusieurs remarques s'imposent s'agissant du volet financier. Les documents fournis sont difficilement exploitables, voire inexploitables, en raison de l'absence de chiffrage précis et détaillé du plan d'affaires. Ce dernier, qui explicite pour cinq ans les modalités de financement d'un groupe financé à hauteur de plus de 2,5 milliards d'euros par des deniers publics, tient en un maigre tableau. Les divers coûts de fonctionnement et d'investissement ne sont pas précisés. Le mode d'évaluation des recettes propres n'est pas explicité, ce qui met la représentation nationale dans l'incapacité de porter un jugement sur la soutenabilité de la trajectoire financière et sur le niveau de ressources publiques dont le groupe aura besoin pour accomplir sa mission. Plusieurs indicateurs manquent également de lisibilité et de précision.

Une autre difficulté majeure hypothèque l'ensemble du COM : l'absence totale de visibilité liée à ce que le modèle économique de France Télévisions a été remis en cause sans qu'un nouveau modèle économique ne soit encore défini. Je rappelle pour mémoire que la publicité doit être supprimée à l'issue du COM, mais que la question du mode de financement de cette mesure n'a toujours pas été soulevée, ni même l'avenir de la régie publicitaire dont s'était inquiétée la « Commission Copé-Tabarot » sur l'avenir de la publicité sur France Télévisions. Quant au financement de la suppression de la publicité en journée, il a de grandes chances d'être remis en cause par la menace qui pèse sur la taxe sur les opérateurs de télécommunications au plan européen.

En outre, la prévision de recettes publicitaires apparaît manifestement optimiste puisque la perspective de suppression de la publicité entraînera mécaniquement une diminution importante des investissements des annonceurs, au moins dans les deux années précédent la disparition de la publicité, comme ce fut le cas l'année précédant la suppression de la publicité en soirée. Or, on peut s'étonner de constater que le COM prévoit une augmentation linéaire des recettes publicitaires ! S'agit-il d'une incohérence assumée pour des raisons d'affichage ? Il y a en tout état de cause une clause de rendez-vous en 2013 afin de réévaluer les perspectives de recettes publicitaires. Bref, une chose est sûre, si l'objectif d'un COM est d'apporter de la visibilité au groupe, on passe complètement à côté et je félicite le rapporteur d'avoir trouvé de la visibilité dans le plan d'affaires associé à ce COM.

S'agissant du volet stratégique, M. Rémy Pflimlin a défini une vision du service public à laquelle on ne peut que souscrire : s'adresser à tous les Français, créer l'imaginaire collectif… S'il y a énormément de bonnes intentions, la première étant de « fédérer tous les publics autour d'une offre complète et diversifiée », pour le moment la programmation mise en place par la nouvelle direction ne semble pas, loin s'en faut, « fédérer tous les publics », au regard des résultats d'audience décevants, et c'est une litote, enregistrés depuis l'été et singulièrement depuis la rentrée. On ne peut pas dire, à sa décharge, que le service public soit sanctionné pour son audace ou par une programmation qui pourrait être qualifiée de particulièrement exigeante. La nouvelle programmation a été dénoncée par quasiment toute la presse, du Figaro au Monde en passant par Libération. On peut certes répondre à cela qu'il faut du temps pour qu'une programmation s'installe et trouve son public. On peut dire aussi, comme l'a fait M. Jean-Jacques Gaultier que, s'agissant du service public, il convient de ne pas avoir les yeux rivés sur les chiffres d'audience, France Télévisions étant largement libérée de cette contrainte depuis la suppression de la publicité en soirée. En même temps, le COM se fixe bien l'objectif de « mesurer l'ouverture à tous par des indicateurs d'audience ». Ma conviction est d'ailleurs que l'évolution de l'audience reste un bon indicateur de la satisfaction des usagers du service public de l'audiovisuel et de sa capacité à « fédérer tous les publics ».

Vous avez insisté, M. le Rapporteur, sur le renforcement de l'identité des chaînes qui figure parmi les grands axes de ce COM. Or, à l'exception de France 3, qui devrait voir sa vocation de chaîne régionale renforcée, on ne constate pas de changement majeur. Si l'objectif de renforcer l'image et l'identité régionale de France 3 me paraît louable, l'unique indicateur associé à cet objectif est on ne peut plus flou puisqu'il s'agit de la part de « l'offre régionale dans l'offre et la consommation de France 3 entre 6 h et 25 h », mesurée en coût horaire des programmes et sans que soit défini ce qu'est « l'offre régionale ». Par ailleurs, on peut déplorer que cette chaîne soit la dernière à passer en haute définition, alors qu'elle est la deuxième chaîne du service public et que l'on veut redorer son image.

Pour ce qui est de France 4, vous avez estimé qu'elle trouvait enfin son identité en s'adressant à la jeunesse de 15 à 40 ans ! Il me semble que cette cible est assez dilatée. En outre, l'objectif de toucher le public de 15 à 40 ans est louable, sauf si le moyen d'y parvenir est la programmation de divertissements et de séries américaines. Par ailleurs, l'an dernier, j'avais souligné dans mon avis sur les crédits de l'audiovisuel public l'anomalie que constitue selon moi l'absence d'une chaîne consacrée à la jeunesse, alors que la plupart des grands groupes de service public européens ont fait ce choix, et l'insuffisante implication du service public dans une mission fondamentale, qui est la mission éducative. Je me réjouis que cette idée ait fait florès puisque le projet socialiste mais aussi le projet de l'UMP pour la culture prévoient la création dans le cadre du service public de l'audiovisuel d'une chaîne jeunesse gratuite et de qualité, mais je ne peux que déplorer que cette dimension qui m'apparaît indiscutable et prioritaire n'ait pas été prise en compte dès le présent COM, d'autant que l'on souhaite s'adresser aux jeunes et que l'on est incontestablement jeune avant 15 ans mais peut-être moins à 40 ans.

Vous avez, M. le Rapporteur, insisté sur la priorité que constitue le développement numérique. Il s'agit là surtout de rattraper le retard de France Télévisions. On peut toutefois regretter la faiblesse des moyens humains et financiers qui seront assignés à cet objectif, compte tenu des enjeux et en comparaison avec les moyens qu'y consacre par exemple la BBC et que vous avez rappelés. Si l'on veut vraiment développer le numérique, il me semble qu'il faut y mettre des moyens beaucoup plus importants.

À la lecture de ce COM, je me suis aussi interrogée sur la priorité qui est accordée au développement de la politique internationale de France Télévisions et de la présence des chaînes du groupe sur les réseaux numériques, câblés et satellitaires internationaux, alors que l'exécutif a justement fait le choix, peut-être discutable et en tout cas discuté, d'un pôle dédié à l'audiovisuel extérieur de la France.

Le COM s'attarde enfin sur l'objectif consistant à faire de l'entreprise commune un modèle d'organisation responsable et efficace et Rémy Pflimlin insiste sur la création d'une direction de la santé et de la qualité de vie au travail. La nouvelle direction, à son arrivée, avait en effet constaté et reconnu les risques psychosociaux importants qui existent au sein de l'entreprise. Espérons que la création d'une direction de la santé et de la qualité de vie au travail puisse véritablement faire progresser les conditions de travail à France Télévisions et ne serve pas d'instrument d'affichage ou d'alibi.

Rappelons que l'équipe de Patrick de Carolis avait mis en place, de manière extrêmement fidèle, l'organisation ultra centralisée préconisée par la commission dite « Copé », en dépit des nombreuses critiques et réserves qui s'étaient exprimées sur les risques de constitution d'un guichet unique. La nouvelle organisation et le nouvel organigramme n'avaient pas encore été mis en place que l'équipe de Rémy Pflimlin a décidé de mettre fin à ce guichet unique en redonnant plus de responsabilité aux chaînes. Si l'on doit se réjouir de la fin du guichet unique, on ne peut que déplorer la désorganisation totale dans laquelle l'entreprise a été plongée du fait de ces revirements, l'entreprise unique étant encore loin d'être constituée et l'organisation interne pas encore parfaitement lisible.

Pour conclure, le service public a des missions fortes mais le COM qui nous est proposé n'est pas à la hauteur de ces dernières.

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