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Intervention de Pascale Crozon

Réunion du 28 juin 2011 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon :

Cette proposition de loi est en réalité un véritable projet de loi et a d'ailleurs été largement complétée par le Gouvernement, qui utilise cette voie détournée pour éviter d'avoir à recueillir l'avis du Conseil d'État et à présenter une étude d'impact.

La loi du 13 août 2004 permet à l'État et au Centre des monuments nationaux de transférer à titre gratuit, aux collectivités locales qui en font la demande, des monuments classés ou inscrits dont la liste est fixée par décret. Cette liste comporte aujourd'hui 176 monuments et l'on dénombre déjà 60 conventions de transfert. En assouplissant les conditions de ces transferts – notamment des transferts à titre onéreux –, l'objectif du Gouvernement nous semble être de remplir les caisses de l'État et, peut-être aussi, de se débarrasser d'un patrimoine en mauvais état dont il aurait du mal à financer l'entretien.

L'article 116 de la loi de finances pour 2010, censuré parce qu'il constituait un cavalier législatif, représentait déjà une tentative dans cette direction. Le Conseil constitutionnel ne s'étant prononcé que sur la forme, la proposition de loi que nous examinons reprend la philosophie de cet article.

La mesure phare du texte est la création d'un Haut conseil du patrimoine, chargé d'établir une liste de tous les monuments transférables et de se prononcer au cas par cas lors de chaque demande de transfert. Sont ainsi concernés les transferts à titre gratuit, qui doivent s'appuyer sur un projet culturel, les ventes à titre onéreux, qui peuvent ne pas s'appuyer sur un projet culturel, et la revente par les collectivités des monuments transférés à titre gratuit. Cependant, le Haut conseil ne se prononce ni sur la revente par les collectivités des monuments transférés à titre onéreux, ni sur le transfert des meubles et objets associés aux monuments, ni sur les conditions de préservation des lieux ou d'ouverture au public.

Nous ne sommes pas opposés par principe au transfert de monuments nationaux aux collectivités territoriales. Face aux difficultés que rencontre l'État pour entretenir ce patrimoine et à la dégradation de certains sites, il est possible d'imaginer une implication croissante des collectivités dans ce patrimoine, qui peut servir des objectifs locaux, départementaux ou régionaux de développement culturel – à condition toutefois que les moyens suivent. C'est d'ailleurs dans cet objectif qu'avait été réunie la commission Rémond, inspiratrice de la loi de 2004.

Nous sommes en revanche très inquiets de la philosophie qui sous-tend cette proposition, dont on peut penser qu'elle autorise l'État à brader le patrimoine national pour remplir les caisses tout en encourageant les collectivités à se financer par le même biais, en recourant à la spéculation immobilière. Le projet de vente de l'Hôtel de la Marine ne peut que conforter une telle interprétation.

En l'état, ce texte nous inspire donc de sérieuses craintes pour la préservation et pour la mise en valeur de nos monuments nationaux. D'autre part, ses auteurs ne se sont à aucun moment préoccupés du sort des personnels concernés. Cette proposition de loi suscitant de nombreuses inquiétudes dans le monde culturel, nous espérons que la prise en compte de nos amendements permettra d'apaiser celles-ci.

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