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Intervention de Eric Berdoati

Réunion du 28 juin 2011 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEric Berdoati, rapporteur :

La défense et la sauvegarde du patrimoine sont des préoccupations constantes de notre Commission et de l'ensemble de ses membres. Défendre le patrimoine ne se résume cependant pas à le laisser tel quel dans la main de l'État. Comme le soulignait René Rémond dans son rapport de novembre 2003, qui a constitué le fondement de la première vague de décentralisation postérieure à la loi relative aux libertés et responsabilités locales, le transfert du patrimoine monumental de l'État aux collectivités territoriales n'est pas « une déchéance et une rétrogradation dans l'échelle des dignités », mais peut plutôt « contribuer à insuffler une âme à la décentralisation » et à « introduire une certaine rationalité dans un ensemble disparate qui s'est constitué au hasard des circonstances ». Le bilan positif de cette première expérience, qui s'est traduite par le transfert de 65 monuments, nous conduit naturellement à relancer le processus. Mme Muriel Marland-Militello avait d'ailleurs devancé nos collègues du Sénat en déposant une proposition de loi en février 2010.

Le dispositif proposé par le Sénat est différent de celui qui nous avait été soumis dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, et avait ensuite été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un cavalier budgétaire. Il s'inspire des conclusions du rapport d'information de Mme Françoise Férat, sénatrice, sur le Centre des monuments nationaux (CMN).

Les transferts ainsi relancés sont élargis à tous les monuments historiques qui, contrairement à ce que permettait le projet de loi de finances pour 2010, devront chaque fois être concernés en totalité, ce qui devrait éviter le dépeçage du patrimoine de l'État. La proposition de loi vise plus généralement à contenir les risques que ferait peser une dévolution insuffisamment encadrée.

Son premier apport est la création d'un Haut conseil du patrimoine, qui se verra assigner quatre missions principales.

Il aura tout d'abord à se prononcer sur tout projet de transfert à une collectivité territoriale dans le cadre fixé par l'article 4 de la proposition de loi, mais aussi sur tout projet de cession par l'État d'un monument historique à une personne publique ou privée. Les critères pris en compte seraient notamment ceux qui ont été dégagés par la commission Rémond.

En second lieu, il sera chargé d'identifier ceux des monuments historiques appartenant à l'État qui ont une vocation culturelle et, le cas échéant, d'élaborer des prescriptions permettant de respecter cette vocation.

Il devra ensuite se prononcer sur l'opportunité d'un déclassement du domaine public de tel ou tel de ces monuments en vue de sa vente, ou de tel ou tel monument transféré à une collectivité territoriale et susceptible ensuite d'être revendu.

Enfin, il aura à se prononcer sur les projets de baux emphytéotiques administratifs d'une durée supérieure à trente ans – précision qui, au regard de la polémique suscitée par l'affaire de l'Hôtel de la Marine, n'est pas sans utilité.

Ces dispositions conduiront à imposer, en amont de toute décision de cession, une analyse objective et scientifique, pour ce qui concerne tant le régime de propriété que l'utilisation, notamment culturelle, du monument concerné. Elles conforteront également le rôle du ministre de la culture dans le processus de transfert, garantissant ainsi la prise en compte d'une dimension patrimoniale et culturelle parfois négligée dans la nouvelle politique immobilière de l'État.

Enfin, cette proposition de loi comporte également une avancée réclamée de longue date par le Centre des monuments nationaux et par les défenseurs du patrimoine : elle consacre le système de péréquation du Centre de sorte que, demain, les monuments déficitaires continueront à bénéficier des excédents dégagés par les monuments bénéficiaires – on se souviendra à ce propos que, lors de son audition, Mme Isabelle Lemesle, présidente du CMN, a précisé que ces derniers, au nombre de six seulement, permettaient de faire vivre plus de 90 autres, largement déficitaires.

Pour ce qui concerne les autres dispositions, l'article 1erA consacre dans notre droit la notion de patrimoine mondial, qui n'a pas encore d'existence législative, afin d'assurer une meilleure protection de ce patrimoine. L'article 2 bis comporte une disposition attendue depuis fort longtemps par les défenseurs du patrimoine : la possibilité de classer des objets comme des ensembles cohérents et de grever des objets ou ensembles classés d'une servitude de maintien in situ – la lamentable affaire des « châteaux japonais » a naguère illustré les carences de notre arsenal législatif à cet égard.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande d'adopter la présente proposition de loi.

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