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Intervention de Serge Letchimy

Réunion du 22 juin 2011 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

Je salue le caractère synthétique et précis de ce rapport. La constitution de ces deux collectivités émane de la volonté des peuples de Guyane et de Martinique, exprimée lors de la consultation référendaire de janvier mais en fait depuis 1982. Aimé Césaire avait présenté en son temps une proposition de loi relative à cette collectivité unique, censurée par le Conseil constitutionnel. Sans ce recours lié au mode de scrutin, nous aurions gagné vingt à trente ans.

Pour ce qui est de la date d'installation de la collectivité unique, heureusement, la raison a primé. C'était de l'entêtement de la part du Gouvernement que de tenir absolument à 2012. Je suis heureux que les arguments que nous défendons depuis près d'un an aient prévalu. En effet, il n'aurait été de plus sûr moyen de tuer la collectivité unique que d'aller trop précipitamment : comptait-on fusionner personnel et budgets à coups d'ordonnances et faire de la nomenclature comptable en trente secondes, à huit mille kilomètres de distance ? Je proposerai d'ailleurs un amendement concernant l'intervention du préfet dans ce processus.

Tout un temps de préparation est nécessaire. En effet, la réforme ne consiste pas à coller ensemble deux administrations – cela n'a jamais été la volonté de la population, ni d'Aimé Césaire –, mais à trouver un nouveau mode de gouvernance, plus responsable. Il ne s'agit pas de réformer pour réformer, mais de favoriser le développement local et de trouver les moyens les plus efficaces d'utiliser les fonds publics pour sortir nos pays de leur situation actuelle. Nos amendements auront donc comme trame cette idée centrale que la collectivité unique n'est pas une fusion de deux administrations, contrairement à ce qu'on a laissé entendre pendant longtemps.

Il y a de très bonnes choses dans ces deux textes, que nous voterons, mais il y en a aussi une qui est inacceptable : l'incroyable l'article 9, qui sort d'un chapeau un pouvoir exorbitant du préfet. Celui-ci possède déjà des prérogatives, notamment pour inscrire d'autorité certaines dépenses au budget. Et, sur la base de deux cas de pertes financières, en Guyane et en Guadeloupe, en matière notamment d'ordures ménagères – et en oubliant de préciser que les investissements en question impliquaient l'État, qui n'a pas correctement complété le financement, et que si les collectivités n'ont pas participé, c'est qu'elles n'en avaient pas les moyens –, on veut faire brusquement reculer la Martinique et la Guyane de cinquante ans ? Comment peut-on donner au préfet des pouvoirs exorbitants au moment même où l'on parle de libertés locales ? Cet article doit tout bonnement être supprimé. Ou alors, pourquoi ne pas déclarer en état de carence toutes les collectivités de France qui ne respectent pas les obligations de la loi SRU, par exemple ? Cet article est une négation de la responsabilité locale, de la décentralisation – de l'élu lui-même. Il lamine sa responsabilité devant les citoyens, en le faisant passer pour un irresponsable dangereux. C'est donc sur cet article 9 que va se livrer le combat politique majeur. Il n'est d'ailleurs sans doute pas conforme à la Constitution et je demanderai à notre groupe de former un recours sur ce point.

Pour ce qui est du nombre d'élus, la Martinique en compte aujourd'hui 86 entre département et région. Je suis certes favorable à une réduction – nous avions avancé le nombre de 61 – mais il n'est pas possible de passer à 51 élus, outre les neuf membres du futur conseil exécutif, comme vous le proposez ! Ce chiffre est acceptable pour la Guyane, qui compte 200 000 habitants, surtout avec des paliers d'augmentation pour tenir compte de la poussée démographique du pays, qui atteindra bientôt 400 000 habitants. Mais justement, pourquoi prévoir 51 élus pour la Martinique, qui compte déjà 400 000 habitants ? C'est créer une inégalité dangereuse.

Quant aux ordonnances, j'y suis opposé comme à un pouvoir exorbitant donné au ministre. D'ailleurs, elles n'avaient leur raison d'être qu'à partir du moment où vous vouliez une entrée en vigueur en 2012, avant les élections nationales – en oubliant au passage que le texte initial prévoyait un délai de dix-huit mois, ce qui reportait de toute façon après ces élections. Mais maintenant, vous n'en avez plus besoin. Il faut redonner la main aux collectivités, qui pourraient d'ailleurs s'appuyer avec profit sur les deux institutions de suivi et d'évaluation que vous avez prévues. Pourquoi ne vouloir les installer qu'après la mise en place de la collectivité unique ? L'évaluation doit être antérieure !

Je respecte le choix politique consistant à ne pas donner de compétences nouvelles, mais il ne faudrait pas laisser croire aux Guyanais et aux Martiniquais que nous nous heurtons à une impossibilité dans ce domaine. Je rappelle en particulier que nous plaidons tous, y compris M. Wauquiez, M. Le Maire et Mme Penchard, pour des stratégies maritimes intégrées. C'est une nécessité absolue. Or, vous limitez la compétence en matière de coopération à ce que prévoyait la loi de 2003, qui ne comportait aucune avancée par rapport à la loi d'orientation pour l'outre-mer (LOOM) de 2000. Comme vous allez peut-être accorder subrepticement des compétences nouvelles aux collectivités à la faveur des ordonnances à venir, il me semble que nous pourrions dès maintenant aller plus loin, notamment en matière d'énergie.

J'en viens à la question du développement économique. Sans gouvernance nouvelle et sans schéma de progrès et de développement, nous courrons un grand danger. Il me semble que le Gouvernement manque une occasion en n'associant pas un vrai programme de développement à ces deux textes. Je ferai des propositions en ce sens afin de sortir nos collectivités des difficultés qu'elles traversent actuellement.

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