Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Bernard Depierre

Réunion du 8 mars 2011 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Depierre, rapporteur :

Ce n'est pas sans difficulté que notre pays a obtenu du comité exécutif de l'UEFA, contre la Turquie et l'Italie, l'honneur et la responsabilité d'organiser le prochain championnat d'Europe de football. Cet événement revêtira en 2016 une importance encore plus grande que par le passé puisqu'il réunira pour la première fois vingt-quatre nations, or il faut rappeler que c'est le troisième événement médiatique dans le domaine du sport, après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football. Pourtant, à ce jour, les capacités d'accueil des stades français sont insuffisantes au regard de celles des principaux pays européens qui organisent des championnats de football professionnel. Notre pays ne possède en effet que deux stades de plus de 50 000 places – le Stade de France à Saint-Denis et le stade Vélodrome à Marseille – alors que l'Allemagne, qui a organisé le championnat il y a quelques années, en compte sept, l'Espagne six, l'Italie et l'Angleterre trois. En outre, la qualité des prestations qu'offrent les stades français à leurs partenaires est très en deçà des normes européennes.

Le problème est donc double : il faut accroître significativement le nombre de places dans les stades des villes qui accueilleront les compétitions de l'Euro 2016, mais aussi revoir la qualité de l'accueil et le confort des spectateurs et des partenaires. Les faits ont déjà démontré qu'il s'agit de nécessités absolues, avec la construction du Stade de France dont les 80 000 places nous ont permis d'accueillir la Coupe du monde de football, la Coupe du monde de rugby et les championnats du monde d'athlétisme.

J'ajoute qu'une capacité accrue permettra de faire revenir ou d'attirer dans nos stades des publics qui parfois n'osent plus s'y rendre, pour des raisons sur lesquelles je ne m'étendrai pas…

Cette mise à niveau doit s'accompagner d'une plus forte multifonctionnalité des stades, car le public est de plus en plus sensible aux services proposés dans ces enceintes – restaurants, bars, haltes-garderies, lieux de réception – et il attend du stade qu'il soit un lieu sécurisé, où il puisse venir en famille.

Ces constatations, de même que les dispositions proposées, s'appuient sur le rapport fondateur de la commission « Grands stades Euro 2016 » que présidait Philippe Séguin, qui a ainsi consacré l'une de ses dernières études à ce sport qu'il affectionnait tant.

À la fin du mois de mai, la Fédération française de football (FFF) devra choisir les neuf villes qui organiseront la compétition parmi les onze qui ont postulé. Les deux villes non retenues seront mises « en réserve », au cas où se produirait un événement comme il vient d'en survenir en Nouvelle-Zélande, où le tremblement de terre a rendu le stade de Christchurch impropre à l'accueil de la Coupe du monde de rugby.

Les villes retenues doivent pouvoir disposer d'une palette de possibilités de financement, associant apports privés et apports publics dans de parfaites conditions de sécurité juridique. Cette diversification et cette participation du secteur privé, dans le cadre d'un partenariat clairement établi, s'imposent d'autant plus que la plupart des stades concernés appartiennent à des collectivités locales et que nous connaissons un contexte budgétaire contraint. Cela étant, même si la dotation de 150 millions d'euros attribuée par l'État pour la construction ou la rénovation des onze stades ne représente que 8 % du financement nécessaire, nous pouvons la tenir pour assurée.

Mais l'investissement requis pour ces opérations étant estimé à environ 1,8 milliard d'euros, il est important de lever les obstacles juridiques afin que les villes candidates puissent compléter leur dossier.

La proposition de loi que je vous présente comprend trois articles, si je fais abstraction du dernier, consacré comme il s'imposait au gage financier, que je demanderai à Mme la ministre des sports de lever puisque cela conditionne la suite de nos travaux.

L'article 1er rend les projets de construction ou de rénovation des enceintes sportives réalisés sous le régime du bail emphytéotique administratif – c'est le cas pour trois des villes qui postulent : Nancy, Paris et Lens – éligibles aux mêmes subventions publiques, redevances et autres participations financières que les projets réalisés sous le régime de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique ou sous le régime des contrats de partenariat. Il s'agit donc de rétablir l'égalité entre villes candidates au regard des sources de financement public, quelle que soit la forme juridique choisie pour mener à bien les projets. Je précise afin de dissiper toute ambiguïté que ces aides pourront provenir de toutes les collectivités, y compris de la collectivité bailleresse. Ainsi, les projets pourront notamment prétendre aux subventions qui pourraient être versées par les collectivités territoriales ou par le Centre national de développement du sport (CNDS), sur le budget de 150 millions d'euros que l'État a décidé d'affecter à ces opérations.

Certes, sur les onze villes candidates, neuf seulement accueilleront réellement la compétition, mais il convient que toutes soient dotées d'un stade rénové ou construit à neuf car, le choix de la Fédération n'étant pas encore intervenu, il importe que l'ensemble des projets soient sécurisés, pour pouvoir être menés à leur terme. Tous ont donc vocation à bénéficier des dispositions de l'article 1er.

Celui-ci dispose en outre que le versement des subventions, redevances et autres participations financières pourra être échelonné en fonction de la durée du bail. En d'autres termes, même si l'opération de rénovation de l'enceinte est terminée, ce versement pourra être étalé jusqu'à l'expiration du bail.

L'article 2 traite des aides des collectivités territoriales aux projets de construction ou de rénovation des stades. Il complète l'article 1er, dans le même souci de diversifier et de renforcer les possibilités de financement des équipements nécessaires à l'organisation de l'Euro 2016.

Cet article élargit ainsi les capacités d'intervention des collectivités territoriales à tous les projets de construction ou de rénovation d'une enceinte sportive faisant intervenir un opérateur privé. Il introduit pour cela des dérogations aux dispositions qui hiérarchisent le rôle des collectivités territoriales dans la prise de décision et dans l'octroi des aides, ainsi qu'aux règles qui limitent celles qu'elles sont susceptibles d'accorder dans le domaine du sport.

Un impératif de souplesse mais aussi le rôle moteur des villes candidates impliquent que les communes soient en mesure de décider d'octroyer des aides aux projets de construction ou de rénovation de leurs stades : c'est l'objet de la dérogation aux dispositions de l'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales.

Dans un contexte budgétaire contraint, la participation des partenaires privés ainsi que la diversification des financements sont devenues une nécessité pour les collectivités territoriales – je rappelle que le cahier des charges de l'UEFA impose que les constructions ou rénovations soient effectuées avant la fin de l'année 2014. Il était donc nécessaire d'exonérer ces projets des règles du code du sport relatives à l'attribution des aides des collectivités. C'est aussi ce à quoi tend l'article 2.

Toutes ces dispositions sont volontairement restreintes à l'organisation de l'Euro 2016, mais elles pourront constituer une expérimentation significative, en grandeur réelle, d'un nouveau mode de financement pour d'autres grandes infrastructures sportives nationales, sujet qui a occupé un certain nombre d'entre nous l'année dernière. L'expérience ainsi acquise pourra éventuellement permettre d'en envisager l'élargissement tout comme d'en amender la pratique.

L'article 3 instaure une dérogation à l'interdiction pour les personnes publiques de recourir à l'arbitrage. Ce recours ne peut résulter que du commun accord des parties, le règlement du litige étant alors dévolu à une instance juridictionnelle constituée à cette fin et distincte des juridictions étatiques. Or, en l'état du droit, cette voie est interdite aux personnes morales de droit public. Toutefois, comme l'a précisé le Conseil constitutionnel, ce principe ayant valeur législative mais non constitutionnelle, il peut voir sa portée modifiée par le législateur – qui peut notamment y apporter des dérogations par le biais de dispositions législatives expresses. Sont particulièrement concernés les contrats de partenariat. L'article 3 a donc pour objet de permettre que les litiges susceptibles de s'élever entre les personnes publiques et leurs cocontractants soient résolus par le recours à l'arbitrage.

Cette disposition est également étendue aux contrats passés par des personnes publiques en lien « avec l'organisation et le déroulement » de l'Euro, soit aux contrats passés entre les collectivités et l'UEFA afin de préciser, par exemple, les conditions d'accueil ou d'hébergement des équipes.

Je vous demande d'adopter cette proposition de loi qui devrait permettre à l'ensemble des villes candidates à l'Euro 2016 de boucler leurs dossiers de financement. Je précise que, contrairement à ce qui s'est passé dans de nombreux pays après les derniers Jeux olympiques, les onze stades construits ou rénovés deviendront après cet événement ô combien important les lieux de résidence des clubs professionnels français de ligue 1.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion