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Intervention de Pascal Brindeau

Réunion du 26 janvier 2011 à 21h30
Intégrité des oeuvres artistiques et lutte contre le tabagisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi du 10 janvier 1991, dite « loi Évin », relative à la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme a désormais vingt ans. Elle a constitué une véritable révolution des esprits et des habitudes dans notre pays, permettant, par une prise de conscience décisive des méfaits de la consommation de tabac, tant pour le fumeur que pour son entourage, une baisse conséquente de sa consommation.

Parmi les outils de lutte contre les méfaits du tabac que cette loi a mis en oeuvre figure l'interdiction de la propagande ou de la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, des produits du tabac ou de ses ingrédients. La loi interdit également tout parrainage qui constituerait une propagande ou une publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ou des mêmes produits ou ingrédients.

En interdisant l'incitation à la consommation du tabac, l'intention du législateur était tout à fait claire et légitime. La lutte toujours réaffirmée et renouvelée contre les méfaits du tabac passe bien évidemment, entre autres moyens, par la fin des représentations visant à le valoriser de manière totalement fallacieuse. Ainsi, certains événements sportifs promotionnels ne sont aujourd'hui plus couverts par les médias, en raison de leur lien évident avec les cigarettiers.

Toutefois, l'application de la lettre de la loi Évin a été à certains égards excessive, allant jusqu'à la censure ou à l'autocensure. De multiples exemples témoignent en effet d'une interprétation caricaturale de la loi du 10 janvier 1991, notamment le timbre-poste représentant André Malraux sans sa cigarette et Jean-Paul Sartre privé de nicotine sur l'affiche et la couverture du catalogue de l'exposition de la Bibliothèque nationale de France, en 2005.

Plus récemment, Alain Delon et Coco Chanel étaient représentés sans cigarette, respectivement dans une publicité pour un parfumeur et sur l'affiche du film Coco avant Chanel. Autant de personnages emblématiques de la culture française, dont l'attrait pour les volutes de fumée était connu de tous et reste gravé dans les mémoires et l'imaginaire collectif.

Force est de constater qu'une telle restriction de la liberté d'expression apparaît aujourd'hui dangereuse et sans effet au regard des objectifs initiaux de la loi du 10 janvier 1991. D'ailleurs, lors de la polémique qui a fait suite à la suppression de la pipe de Jacques Tati, l'inspirateur de la loi lui-même, Claude Évin, a rappelé qu'il ne s'agissait pas de « publicité indirecte », mais d'un patrimoine culturel. Selon lui, « la reproduction de Monsieur Hulot avec sa pipe est une traduction de son personnage dans ses films et s'inscrit dans notre histoire, dans notre culture cinématographique », et l'homme politique de regretter que cette polémique affaiblisse le message de la loi qui porte son nom.

C'est précisément ce genre de censure que le présent texte entend dénoncer et prévenir. Il est vrai que, au regard des exemples cités précédemment, on peut regretter que l'interprétation de la loi Évin ait été si stricte, s'appliquant de fait à tous les supports sans exception, notamment les oeuvres artistiques et culturelles, négligeant par là même la préservation de l'intégrité de ce patrimoine artistique, et allant jusqu'à dénaturer l'esprit de la loi en déplaçant l'objet de la lutte contre le tabagisme.

À cet égard, il est important de prendre en compte la spécificité des oeuvres culturelles et de garantir les droits des créateurs et auteurs. Le combat contre le tabagisme est parfaitement compatible avec le respect de l'intégrité des oeuvres de création. De toute évidence, cette proposition de loi entend s'inscrire dans l'esprit de la loi Évin, mais il convient de rester vigilant quant à la préservation de ses principes fondateurs et de ne pas laisser le champ libre à son contournement, notamment par le biais publicitaire.

Garantir le respect de notre patrimoine artistique et culturel ne doit pas avoir pour conséquence de permettre aux publicitaires et promoteurs de tabac d'ouvrir des brèches de manière plus ou moins insidieuse, de sorte que la récupération de supports culturels en rapport avec le tabac, mais pour un tout autre produit, se fasse plus régulière. L'objet ainsi contourné, la promotion n'en resterait pas moins réelle.

Nous resterons donc vigilants, car il n'est pas question que, d'une manière détournée, les oeuvres du passé, désormais protégées par cette loi, soient plus souvent utilisées à des fins strictement publicitaires. Les députés du Nouveau Centre partagent l'esprit de ce texte qui consiste – je le répète parce que c'est important – à rendre cohérente l'application de la loi, mais non à assouplir la loi elle-même. Si le Gouvernement souhaite en reprendre l'objet et les termes par circulaire, nous y souscrirons bien volontiers.

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