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Intervention de Julien Dray

Réunion du 14 décembre 2010 à 21h30
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dray :

À l'époque, les propos que nous tenions étaient explicites. Nous ne souhaitions pas votre échec, et nous allions jusqu'à dire que, même si cela pouvait être d'un certain point de vue contraire à nos intérêts politiques, le souhait que nous pouvions exprimer pour nos concitoyens, c'était que cette loi soit une réussite et permette de juguler la montée de la violence qui avait tant marqué la société française, notamment dans la campagne présidentielle de 2002.

On ne peut donc pas dire, comme l'ont fait certains orateurs de la majorité, que nous sommes systématiquement contre, violemment contre. Au contraire, nous avions – reconnaissez-le –, dans un moment particulièrement difficile, après notre défaite aux élections présidentielles, pris nos responsabilités. Et c'est parce que nous avons pris nos responsabilités en 2002 – vous pouvez relire les numéros du Journal officiel qui rendent compte de nos interventions – que nous avons été attentifs à la manière dont vous mettiez en place votre politique de sécurité et de lutte contre la montée de la violence. Nous sommes donc aussi en droit, au moment où vous nous demandez de voter une seconde loi d'orientation, de dresser le bilan de ce qui s'est passé.

Ce qui s'est passé, nous en avons un concentré depuis quelques jours. Je ne crois pas, monsieur le ministre, que vous ayez de mauvaises intentions : lorsque vous défendez, contre vous-même, des policiers qui ont commis des fautes inadmissibles du point de vue de la République, vous êtes amené à le faire parce que la situation devient terrible dans certains quartiers et départements et que les policiers, qui sont en première ligne dans ce combat, n'en peuvent plus, à cause de la détérioration du rapport avec la population et avec des bandes qui ont gangrené la vie de nos quartiers. Vous savez que ces quartiers sont dans un état de violence terrible, qui amène les policiers, pour beaucoup d'entre eux, à considérer que finalement il n'y a plus de lois et que l'on peut donc faire n'importe quoi.

Vous connaissez cette situation. Or elle est le fruit de la politique que vous menez depuis huit ans. Les choses ont évolué dans le mauvais sens. Ce qui s'est passé à Grenoble est également significatif.

En premier lieu – malheureusement, nous avons perdu beaucoup de temps –, vous avez fusionné la DST avec les renseignements généraux. Cela s'est fait au détriment du travail remarquable qui avait été accompli à l'époque par les renseignements généraux pour avoir un minimum d'informations sur ce qui se passait dans les quartiers. Vous êtes aujourd'hui à l'aveugle, vous ne savez plus ce qu'est la réalité dans ces quartiers, et vous ne la découvrez que lorsque la situation est au bord de l'explosion ou lorsqu'il y a explosion.

De même, vous abandonnez la présence d'une police de terrain, qui maîtrise son terrain, au profit d'une police d'intervention extérieure à ces quartiers. Les brigades anti-criminalité, les compagnies de CRS interviennent sans connaître le terrain. C'est aussi ce qui accroît la dégradation des rapports entre la police et la population. Nous avons entendu le témoignage de ces jeunes qui ne sont pas des voyous et qui sont trop souvent maltraités par la police qui, ne connaissant pas le terrain, ne connaissant pas la population, prend tout jeune avec une capuche pour un délinquant.

Je pourrais aussi aborder la question de la lutte contre le trafic de stupéfiants, car il faudra bien, un jour ou l'autre, se poser la question de l'efficacité des dispositifs que nous mettons en place et qui, au fond, ne conduisent qu'à l'échec, car il y a aujourd'hui explosion du trafic de stupéfiants et de ce que cela représente, à savoir des bandes mafieuses disposant désormais de capacités financières pour s'armer et se livrer à de véritables guerres de territoires. Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés.

Vous nous dites que nous ne faisons pas de propositions, mais ce n'est pas vrai. Nous proposons, sans naïveté ou angélisme, de dégager des moyens pour nous concentrer là où la violence est la plus forte, c'est-à-dire dans certains quartiers, de créer des polices adaptées à ces dispositifs, des polices judiciaires de quartier qui puissent faire tomber les réseaux de délinquants, de mettre en place une véritable chaîne, de la justice à la police en passant par les élus et les travailleurs sociaux, qui permette que, dans chaque quartier, se constitue une cellule gérant au cas par cas toutes les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Je pourrais égrener toutes les autres solutions que nous proposons. Tout cela n'est évidemment pas présent dans votre projet de loi d'orientation. Comme l'ont d'ailleurs rappelé les précédents orateurs, vous avez abandonné toute programmation budgétaire et ne donnez plus aucun chiffre.

En conclusion, nous avions toutes les raisons, en 2002, de vous donner les moyens d'agir efficacement. Nous avons toutes les raisons aujourd'hui, en 2010, de ne pas voter votre projet de loi d'orientation et d'appeler à un changement de politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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