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Intervention de Joël Giraud

Réunion du 14 décembre 2010 à 21h30
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Monsieur le ministre, avec l'aide de vos prédécesseurs, vous avez érigé la sécurité des Français en priorité absolue. Les députés Radicaux de gauche, au nom desquels je m'exprime aujourd'hui, pourraient vous rejoindre sur un seul sujet rappelé au demeurant à cette tribune. Il s'agit d'une condition élémentaire de la liberté, et vous l'avez dévoyée.

Comme le disait Baruch Spinoza, l'État est fait pour libérer l'individu de la crainte, pour qu'il vive autant que possible en sécurité, c'est-à-dire conserve son droit naturel d'exister et d'agir. L'inflation législative de textes répressifs relève à ce point du stade de l'acharnement obsessionnel. En matière de sécurité, votre politique du chiffre et du tout répressif a bel et bien échoué et le constat est sans appel : augmentation des actes de violence commis à l'encontre des personnes, notamment les plus vulnérables, explosion du nombre de mineurs mis en cause pour des faits de délinquance – hausse de 120 % en vingt ans –, augmentation des agressions liées au trafic de stupéfiants, réponse pénale inadaptée ou inexistante.

Nos concitoyens éprouvent un sentiment d'insécurité ambiant, y compris dans les zones rurales, et vous en êtes comptable. Huit ans après le premier texte d'orientation et de programmation initié par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, la LOPPSI 2 alimente une surenchère sécuritaire malsaine au détriment de la cohésion nationale, au mépris des libertés individuelles.

Cet énième projet de loi affiche l'ambition de fixer les grandes orientations des forces de l'ordre jusqu'en 2013 afin, à en croire naïvement les propos du rapporteur, « d'assurer la sécurité partout et pour tous ». Derrière les effets d'annonce se cache un micmac législatif à visée électorale, sans perspective ni moyens.

La LOPPSI 2 présente, en effet, tous les symptômes d'un texte juridique illisible, incohérent et stérile. À défaut d'appliquer les lois existantes, vous vous obstinez à renforcer à tout prix l'arsenal répressif pour mieux dissimuler l'échec de votre politique. Il s'agit d'un texte fourre-tout qui va du terrorisme à la délinquance des mineurs, en passant par la cybercriminalité, les délits routiers, la vidéoprotection, les fichiers informatiques ou le trafic de stupéfiants. Il ne correspond en rien à une vraie loi d'orientation et de programmation.

Quant à la performance, il semblerait qu'elle ne soit guidée que par la seule culture du résultat qui conduit policiers et gendarmes à focaliser leurs actions sur des délits bien spécifiques, faute de moyens matériels, technologiques, informatiques et surtout humains.

La loi d'orientation et de programmation votée en 2002 avait au moins le mérite, reconnaissons-le, de prévoir un renforcement des moyens alloués aux commissariats de police et aux brigades de gendarmerie. La LOPPSI 2 anéantit ces efforts et compense la diminution des effectifs par un foisonnement de caméras de surveillance dans les espaces publics, moins coûteux pour l'État puisqu'à la charge des communes.

Une nouvelle fois, sous couvert de révision générale des politiques publiques, l'État se désengage de ses missions régaliennes, préférant le recours aux nouvelles technologies et aux services de sécurité privés. La création du Conseil national des activités de sécurité privées signe un recul du service public et de l'État républicain, pourtant seul à même d'assurer la sécurité de tous, partout, dans le strict respect des libertés individuelles.

De toute évidence, la LOPPSI 2 s'inscrit dans une logique pleinement assumée d'abandon des forces étatiques de sécurité. Lorsqu'ils ne sont pas gelés, les crédits de fonctionnement permettant une présence effective sur l'ensemble du territoire sont clairement insuffisants.

Dans ce contexte de privatisation de la sécurité de nos concitoyens, les risques de dérives sont bien réels. L'actualité nous rapporte quotidiennement des signaux inquiétants et un climat malsain de suspicion s'installe dans notre pays. Faute de protéger nos concitoyens, vous préférez les surveiller.

Conscients que celui qui abandonne la liberté pour gagner la sécurité finira par perdre l'une et l'autre, les députés Radicaux de gauche ne commettront pas l'erreur grossière de confondre l'ordre des valeurs avec celui des priorités.

Le Gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles et que les mauvais ne le soient pas. Pour cela, il faut avoir les moyens d'appliquer les lois existantes. Aussi, nous n'approuverons pas un texte aussi inutile que néfaste pour l'image de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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