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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 1er décembre 2010 à 16h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul, rapporteur :

Notre collègue Alain Bocquet a déposé une proposition de création d'une commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française.

En 2008, la France est devenue la deuxième puissance ferroviaire européenne, avec un chiffre d'affaire de 3,3 milliards d'euros, dont 2,2 milliards sur le marché intérieur et 1 milliard au titre des exportations, grâce, notamment, au retour en force des tramways, au renouvellement des trains régionaux et à l'essor de la grande vitesse.

Pourtant, la situation est aujourd'hui particulièrement préoccupante. Dans un reportage du journal Le Monde du 18 septembre dernier sur le sauvetage du « made in France », on peut ainsi lire que les pays émergents « sophistiquent leur production (...) bénéficient d'une main d'oeuvre éduquée, peu chère et des transferts de technologies que les États développés, la France entre autres, leur ont concédés pour obtenir des contrats à l'exportation ». Le secteur ferroviaire n'est pas épargné par ce mouvement.

Dans une interview récente accordée à la revue Ville, Rail et Transports, le Président de Bombardier Transports, M. André Navarri, ne cachait pas sa volonté de devenir un acteur local du marché chinois, notamment pour des activités importantes d'ingénierie, n'excluant pas le transfert d'importants centres de décision.

Alstom, pour sa part, aurait signé, selon une information publiée par Business Wire en septembre dernier, un protocole d'accord avec deux entreprises chinoises (CNR et SEC), en vue de former un partenariat stratégique et de développer conjointement de nouveaux marchés pour des produits de transports collectifs.

Or ces constructeurs se portent particulièrement bien. Ils reçoivent de très nombreuses commandes, venant aussi bien de l'international que du marché intérieur. Les résultats financiers de Bombardier et Alstom, en constante progression depuis plusieurs années, attestent de ce formidable essor.

Malheureusement, cette embellie profite certes aux actionnaires mais pas à l'emploi et aux salariés : Bombardier avoue avoir profité de la récession pour peaufiner ses activités d'exploitation, en vue d'une meilleure exécution et d'une réduction des coûts. Alstom n'est pas en reste, avec une réduction de ses effectifs (- 5 000) au cours de l'exercice – départs naturels, non-renouvellement de contrats à durée déterminée et restructurations de plusieurs sites.

Le Nord Pas-de-Calais est la première région industrielle ferroviaire française, avec 30 % de l'activité nationale, trois constructeurs (Alstom, Bombardier et Arbel Fauvet Rail), 150 équipementiers, des centaines de fournisseurs et sous-traitants, 10 000 emplois et environ un milliard d'euros de chiffre d'affaires. C'est dire si cette région est en première ligne !

Or, la tendance générale est à la fabrication des commandes de l'État ou des régions par les usines des grands constructeurs situées en Europe de l'Est. Préjudiciables à l'industrie nationale et régionale, ces pratiques sont désormais fréquentes et acceptées, y compris par les maîtres d'ouvrage publics qui passent les commandes « sans trop poser de questions »...

L'État et la SNCF ont leur part de responsabilité, avec la politique menée en matière de fret ferroviaire. En septembre 2009, le Gouvernement a promis un engagement national pour le fret ferroviaire de 7 milliards d'euros d'ici à 2020, la SNCF mobilisant pour sa part un milliard d'euros d'ici 2015. Un an plus tard, du fait de la lenteur de l'activation de ces dispositifs et du cap maintenu sur les options de la SNCF, toutes les entreprises accusent un chiffre d'affaires en baisse de 30 % par rapport à 2008. En 2000, l'objectif du Gouvernement était de doubler la part du fret ferroviaire à l'horizon 2010 : au final, elle a diminué, passant de 14 % en 2003 à 11,4 % en 2008. Le fret représente pourtant un enjeu majeur de la transition écologique nécessaire et attendue.

Dans ce contexte, il est important de rappeler la proposition du mouvement syndical de constituer un « pôle industriel ferroviaire, national ou régional » du fret. L'objectif est de bâtir une offre globale intégrant les études, la construction ferroviaire, la maintenance de tous les types de wagons – citernes, containers, trémies pour céréales et agrégats, etc., les entreprises partenaires ayant vocation à devenir – ou redevenir – des sous-traitants de la fabrication de ces matériels. Alstom et Bombardier pourront être sollicités dans cette perspective.

C'est maintenant qu'il faut réagir et tel est l'objet de la présente proposition de création d'une commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française, portant sur le matériel roulant « voyageurs » et fret.

Rien ne s'oppose juridiquement à l'examen de ce texte par notre Assemblée. Il porte en effet sur des faits déterminés, puisqu'il tend, d'une part, à établir un diagnostic précis de l'état de santé de la filière industrielle ferroviaire française et, d'autre part, à proposer un traitement de fond pour améliorer son état général. Son objectif satisfait donc aux exigences posées par l'article 137 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En outre, aucune commission d'enquête ou mission mise en place dans les conditions prévues à l'article 145-1 du Règlement n'a effectué de travaux sur ce même sujet depuis douze mois.

Enfin, aucune procédure judiciaire n'est en cours ou n'entre dans le champ d'étude proposé, M. le Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, ayant été sollicité par courrier à ce sujet par M. le Président de l'Assemblée nationale.

La situation du fret ferroviaire commande que nous investissions ce champ d'activité industrielle en vue de présenter des propositions pour défendre l'emploi et répondre aux besoins des bassins d'emploi, des entreprises clientes et des sous-traitants, ainsi qu'aux enjeux écologiques.

La création d'une commission d'enquête parlementaire sur ces enjeux vise aussi à définir les initiatives que le Gouvernement pourrait porter au plan européen pour coordonner et impulser les activités industrielles ferroviaires, ainsi que pour lutter contre le dumping social, fiscal et environnemental que favorise l'absence d'harmonisation par le haut des réglementations et des fiscalités des différents États-membres de l'Union Européenne.

Au bénéfice de ces considérations, je vous propose, Monsieur le Président, mes chers collègues, d'adopter la proposition de résolution de M. Alain Bocquet.

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