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Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 5 octobre 2010 à 22h00
Immigration intégration et nationalité — Article 23, amendements 129 189 550

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

L'article 23 est l'une des mesures les plus répressives du projet de loi, puisqu'il vise à accorder à l'administration un pouvoir démesuré alors qu'il institue un véritable bannissement des étrangers. La directive « retour » n'impose nullement qu'une telle interdiction relève de la seule compétence des autorités administratives.

Tout étranger qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement pourra être frappé, sur décision discrétionnaire de l'administration, d'une interdiction de retour sur le territoire français allant de deux à cinq ans. Cette interdiction, qui n'est pas fondée sur une condamnation pénale prononcée par un juge judiciaire, se doublera d'une inscription au fichier européen, rendant de fait quasi impossible l'entrée dans n'importe quel autre pays européen.

Malgré la gravité de cette disposition, le projet de loi ne protège explicitement aucune catégorie de personnes contre ce bannissement. Il se borne à mentionner quelques critères, tels que la durée de présence sur le territoire, la nature et l'ancienneté des liens avec la France. Bien que certaines catégories de personnes – victimes de la traite des êtres humains ou qui ont fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine et coopèrent avec les autorités compétentes – soient protégées, sous certaines conditions, par la directive « retour », le projet de loi ne transpose pas cette disposition.

Même si l'étranger quitte le territoire, il doit justifier de ce départ auprès de la préfecture dans un délai de deux mois pour que l'interdiction de retour soit abrogée. Qui plus est, l'administration peut, par décision motivée, refuser cette abrogation au regard de « circonstances particulières tenant à la situation et au comportement de l'intéressé », sans autre précision. J'ajoute qu'en cas d'abrogation de l'interdiction de retour le projet de loi ne prévoit pas l'annulation simultanée de l'inscription au fichier européen. Bien que l'interdiction de retour ne tienne quasiment pas compte des réalités humaines ni des droits fondamentaux, on peut craindre que les préfectures n'y recourent très fréquemment, trop fréquemment.

Par ailleurs, cette sanction est de nature à porter gravement atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, notamment pour l'étranger conjoint d'un ressortissant français, et au droit d'asile si les étrangers renvoyés dans leur pays ont ensuite besoin de le quitter en raison de menaces de persécution.

C'est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, d'adopter cet amendement tendant à supprimer l'article 23.

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