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Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du 13 juillet 2010 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy, rapporteur :

Je voudrais d'abord expliquer les raisons qui m'ont conduit à m'intéresser à la vidéoprotection. Tout d'abord le constat que la vidéoprotection se développe partout : aussi bien dans les grandes métropoles que dans des communes beaucoup plus petites. Ensuite, ce sujet est intéressant d'un point de vue budgétaire puisque l'État n'intervient pas directement par l'intermédiaire de crédits budgétaires, à l'exception de Paris, mais en utilisant les ressources du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Historiquement, la décision de légiférer sur la vidéosurveillance, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité (LOPS) du 21 janvier 1995, ne reposait pas sur une volonté de favoriser le développement de cet outil, mais bien plutôt sur une volonté d'en encadrer l'essor.

Les propos du rapporteur de la LOPS à l'Assemblée nationale, notre regretté collègue Gérard Léonard, sont particulièrement éclairants sur l'attitude alors la plus répandue à l'égard de la vidéosurveillance à l'époque. Il expliquait que « Il s'agit là, non de contraindre collectivités et sociétés privées à s'équiper en vidéosurveillance mais, au contraire, de réguler la croissance de ces systèmes qui, plus encore que la télédétection des voitures, peuvent constituer une menace pour la vie privée. »

La première préoccupation de l'État était que la vidéosurveillance ne vienne pas heurter les libertés publiques, sujet qui reste d'ailleurs au coeur de nos préoccupations. Le rôle de l'État était d'abord d'assurer un contrôle, alors que l'initiative en la matière était laissée aux maires. Cela explique le développement relativement lent de la vidéosurveillance en France entre 1995 et 2005, notamment par rapport au Royaume Uni et ses 4 millions de caméras.

Les choses ont commencé à changer en 2005, sous l'angle de la lutte contre le terrorisme à la suite des attentats de Londres. Le ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, a largement contribué à la prise de conscience de l'utilité de la vidéosurveillance, bien au-delà de la seule lutte contre le terrorisme.

Alors que le rôle de l'État passe du contrôle au soutien de la vidéosurveillance, devenue vidéoprotection, se pose naturellement la question de l'efficacité de cette technologie. Or, la délinquance a baissé en moyenne plus fortement dans des communes équipées de vidéoprotection que dans celles qui ne disposent pas de vidéoprotection urbaine : entre 2000 et 2008 on constate une baisse de la délinquance de 13,5 % de la délinquance en zone police dans les communes équipées contre une baisse de 6,9 % au niveau national. En zone gendarmerie, la baisse est 11,8 % dans les communes équipées contre une hausse de 6,5 % de la délinquance au niveau global.

Une étape supplémentaire de l'implication de l'État a consisté dans la lettre de mission adressée par le Président de la République à Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l'Intérieur, le 30 juillet 2007, qui insistait sur la nécessité de développer davantage de moyens de vidéosurveillance, notamment en proposant un plan national d'équipement dans ce domaine. Ce plan reposait sur un objectif de triplement du nombre de caméras installées sur la voie publique, soit 60 000 caméras d'ici 2011.

L'État a également cherché à améliorer le cadre juridique de la vidéoprotection, par exemple par la publication du décret du 22 janvier 2009 qui a simplifié les démarches nécessaires pour obtenir une autorisation préfectorale et a réduit les délais d'instruction.

Le soutien décisif de l'État dans le développement de la vidéoprotection repose principalement sur un outil, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), créé par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Au total, depuis la création du FIPD, l'effort financier en faveur de la vidéoprotection s'est élevé à 72,1 millions d'euros, dont 30 millions d'euros pour la seule année 2010.

Pour la seule année 2009, les subventions du FIPD ont permis de financer 5 013 caméras, permettant de faire passer le parc français de caméras de voie publique à 27 000. L'enveloppe pour 2010 devrait permettre de financer environ 10 000 caméras supplémentaires.

Cet effort est significatif puisqu'il signifie que les subventions destinées à financer des systèmes de vidéoprotection mobilisent une part significative, et croissante, des crédits du FIPD : 30 % en 2007 et 2008 ; 46,5 % en 2009 et de l'ordre de 60 % en 2010.

Ainsi, en dépit de l'engagement financier de l'État, il semble qu'il sera très difficile de parvenir à l'objectif de 60 000 caméras de voie publique, à la fin 2011. En revanche, en maintenant le rythme actuel, cet objectif pourrait être atteint en mobilisant le FIPD une année supplémentaire, soit jusqu'à la fin de 2012.

Les subventions du FIPD permettent en premier lieu de participer au financement de l'installation ou de l'extension de systèmes de vidéoprotection de voie publique par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale. La participation de l'État peut aller de 20 à 50 %, le taux de subvention moyen étant de l'ordre de 40 %.

La contribution financière de l'État permet aussi de faciliter le raccordement des centres de supervision urbains aux services de police ou de gendarmerie territorialement compétents. S'agissant de ces projets, le taux de financement du FIPD peut aller jusqu'à 100 %.

En revanche, l'État ne participe pas du tout aux frais de fonctionnement des systèmes de vidéoprotection. Or, l'efficacité de la vidéoprotection repose largement sur l'existence d'un centre de supervision urbain (CSU) pour gérer les images. De tels dispositifs, pourtant nécessaires, sont coûteux, notamment personnels. Cependant, l'existence d'un système de vidéoprotection performant est susceptible de générer des économies. À Orléans par exemple, le déploiement du dispositif s'est accompagné d'un effondrement des dégradations sur les bâtiments publics et d'une diminution sensible des interventions de la police municipale.

On remarque aussi la volonté de favoriser les dispositifs de vidéoprotection dans un cadre intercommunal : les communes prenant en charge le financement des matériels (caméras, réseaux…) avec la création d'un centre de supervision urbain à l'échelle intercomunale.

Je vais maintenant rapidement aborder un cas particulier en ce qui concerne la contribution de l'État au développement de la vidéoprotection : celui de Paris. En effet, il s'agit du seul exemple en France où l'État prend la maîtrise d'ouvrage d'un système de vidéoprotection de voie publique. Le « plan de vidéoprotection pour Paris », ou « plan 1 000 caméras » est directement mis en oeuvre par l'État, par l'intermédiaire de la préfecture de police.

Certes, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) n'est pas inactif à Paris car il cofinance le raccordement aux salles opérationnelles de la préfecture de police des caméras de certains opérateurs publics ou privés (grands magasins, monuments, transports publics…). Cela permettra à terme à la préfecture de police de disposer d'un accès à environ 10 000 caméras situées dans des lieux accessibles au public.

À ce déport d'images très utile, s'ajoute donc un projet très ambitieux de création d'un réseau de caméras de voie publique à vocation opérationnelle par le recours à un contrat de partenariat public-privé. Pour assurer le financement des investissements rendus nécessaires par ce projet, la loi de finances pour 2010 avait autorisé, au sein du programme « police nationale », une enveloppe de 120 millions d'euros en autorisations d'engagement. En réalité, grâce au « dialogue compétitif » engagé avec les candidats au marché, une dotation de 98 millions d'euros devrait suffire pour couvrir les investissements du projet. Le calendrier initialement envisagé est respecté, ce qui devrait permettre de disposer d'un système entièrement opérationnel à l'été 2012.

Je voudrais conclure par la question essentielle du contrôle de la vidéoprotection. Devant notre Commission, le Président de la CNIL, M. Alex Türk, avait estimé que les contrôles des commissions départementales manquent d'homogénéité et d'efficacité. Le ministre de l'Intérieur lui-même avait admis que le dispositif de contrôle nécessitait une adaptation.

L'examen parlementaire de la LOPPSI a permis d'aborder cette question. Je pense qu'il serait possible de parvenir sur cette question à un équilibre intéressant, sur la base de la position de compromis présentée par la commission des Lois du Sénat. La commission nationale de vidéoprotection présidée par Alain Bauer se verrait confier une mission d'expertise et d'homogénéisation des pratiques alors que la CNIL jouerait un rôle important e contrôle, complémentaire à celui des commissions départementales.

La vidéoprotection est devenue une nécessité pour tous les élus pragmatiques, comme le reconnaissait par exemple le maire de Paris, Bertrand Delanoë, devant le conseil de Paris. On observe d'ailleurs que les réticences ont tendance à s'atténuer. Pour autant, le développement de la vidéoprotection ne doit bien évidemment pas conduire à réduire les libertés individuelles.

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