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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Séance du 13 juillet 2010 à 11h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CNDA
  • OFPRA
  • asile
  • caméra
  • vidéoprotection

La séance

Source

La séance est ouverte à 11 heures 10.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

La Commission procède à l'audition de M. Jean-François Cordet, dont le renouvellement en qualité de directeur général de l'Office de protection des réfugiés et apatrides est envisagé par M. le Président de la République.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Nous accueillons ce matin M. Jean-François Cordet, directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) depuis trois ans, que le Président de la République envisage de renouveler dans ses fonctions. Le Premier ministre a exprimé auprès du président de notre Assemblée son souhait que nous procédions à son audition, alors même que la loi organique imposant pour une telle nomination un avis préalable des commissions parlementaires compétentes n'a pas encore été promulguée. C'est en effet hier seulement que le Conseil constitutionnel l'a déclarée conforme à la Constitution. Le Conseil a validé le dispositif que nous avons adopté en lecture définitive contre la volonté persistante du Sénat – vous vous en souvenez certainement – et qui interdit le recours aux délégations de vote à la suite de ces auditions. Cependant, la loi organique n'étant pas encore entrée en application, l'audition de M. Cordet ne donnera pas lieu à un vote. C'est la dernière fois que cette situation se produira.

Monsieur le directeur général, je vous propose de nous présenter votre action depuis trois ans, l'évolution de la demande d'asile pendant cette période, et enfin les objectifs que vous vous fixez.

PermalienJean-François Chadelat, directeur général de l'Office de protection des réfugiés et apatrides, OFPRA

En 2007, lors de mon arrivée à l'OFPRA, la demande d'asile, après une baisse continue, ne représentait plus que 50 % de ce qu'elle était quatre ans plus tôt. Il s'ensuivait bien sûr une diminution assez forte de l'activité de l'OFPRA. Cependant, de sérieuses évolutions en matière de qualité du travail, en liaison avec la mise en oeuvre de la loi du 10 décembre 2003, y concouraient également.

Se mettait aussi en place la réforme de la tutelle administrative, que le Gouvernement avait décidé de confier au ministre de l'immigration alors qu'elle était exercée par le ministre des affaires étrangères depuis 1952.

À l'époque aussi, la Commission des recours des réfugiés, appelée aujourd'hui Cour nationale du droit d'asile (CNDA), était gérée par la direction générale de l'OFPRA. Eu égard aux critiques suscitées par cette organisation, le Gouvernement avait décidé de rendre ces deux institutions indépendantes.

Mon carnet de route était donc clair. Les trois années de mon mandat ont été consacrées à la mise en oeuvre de ces différentes décisions, tout en tenant compte de la nouvelle situation de la demande.

L'OFPRA a la responsabilité de trois missions principales : l'instruction des demandes d'asile, la protection des réfugiés et, enfin, la formulation, à l'attention du Gouvernement, d'un avis sur l'entrée sur le territoire au titre de l'asile des demandeurs d'asile à la frontière.

Dès mon arrivée, j'ai perçu l'existence de difficultés de mobilisation des personnels. Pour y remédier, j'ai instauré un dialogue social au quotidien, et décidé de mesures statutaires : titularisation de contractuels recrutés pendant les périodes de « pic » de la demande d'asile, travail visant à la confirmation du statut des officiers de protection, mis en place pendant les années 1990, et développement de la communication interne – beaucoup d'officiers de protection n'avaient qu'une connaissance assez secondaire des politiques générales de l'État et de leur application à l'échelon local.

Nous avons aussi mis en oeuvre la décision gouvernementale de transfert de la tutelle de l'OFPRA au ministre de l'immigration. Pour cela, nous avons non seulement préparé les textes administratifs nécessaires, mais également conduit une opération de conviction interne – à l'époque, les préventions étaient fortes envers le transfert – et développé une pédagogie spécifique à l'attention des fonctionnaires de l'OFPRA. Travailler avec un seul interlocuteur – les services du ministre de l'immigration, qui avaient regroupé trois administrations extérieures – constituait en effet un sérieux changement.

Il nous fallait aussi réussir, en un an, le défi de la partition, c'est-à-dire de la séparation de deux maisons, l'OFPRA et la Commission de recours des réfugiés (CRR), qui, depuis 1952, avaient vécu côte à côte. Après un travail d'étude commandité à un conseiller d'État, le Premier ministre a établi les différentes phases de la partition. Celle-ci a été réalisée dès le 1er janvier 2009, en conformité avec les objectifs fixés. Chacune des maisons a alors pris son autonomie, la CRR devenant la Cour nationale du droit d'asile, juridiction administrative de plein exercice au même titre que les tribunaux administratifs, et relevant à ce titre du Conseil d'État.

Aucun document ne reliait le ministre de tutelle et son établissement public. Premier établissement à agir ainsi, l'OPFRA a conclu avec l'État un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. Si celui-ci fixe bien évidemment les relations administratives et financières avec les autorités de tutelle – le ministre de l'immigration, bien sûr, mais aussi le ministre du budget, dont l'action est essentielle pour la définition des ressources affectées à l'Office –, il comporte aussi, pour la première fois, un véritable projet d'établissement rappelant les missions de l'OPFRA et la manière de les exercer, fixant à celui-ci des objectifs et essayant d'ouvrir vers l'extérieur une institution qui l'était fort peu.

La modification des conditions de demande d'asile dans notre pays imposait aussi la création d'une culture de réactivité au sein de l'OFPRA. Celle-ci a d'abord été quantitative. En 2009, l'OFPRA a pris 46 500 décisions, contre 35 000 en 2007, et ce à effectifs constants. L'accroissement tant des décisions prises que de la productivité a donc été tout à fait sensible.

Cette réactivité a pris aussi une dimension qualitative, avec la mise en oeuvre des directives européennes, et la volonté d'entourer l'examen de la demande d'asile du maximum de garanties et de sécurité – sécurité juridique et sécurité de l'information. À cette fin, une division de l'information, de la documentation et de la recherche a été créée, ayant pour fonction essentielle, à l'instar de ce qui existe dans les autres pays européens, la production de l'information la plus exacte possible sur les pays d'origine. Nous sommes assez satisfaits des comparaisons qui peuvent être faites entre l'OFPRA et ses homologues européens.

Nous avons aussi voulu améliorer l'intégration de l'OFPRA dans les processus de décision européennes. Il s'agit de lui permettre d'intervenir dans l'élaboration des différentes directives et de conduire une coopération pratique avec ses homologues des autres États européens. Une mission, assez dynamique, la « mission des affaires européennes et internationales », a été créée à cette fin.

Nous nous efforçons aussi de densifier la qualité du service offert par la division des affaires juridiques de l'OFPRA. En 2007, sur trois décisions d'octroi de l'asile, deux étaient prises par la CNDA et une seule par l'OFPRA, pourtant chargée d'examiner la demande. Aujourd'hui, 52 % des décisions sont le fait de l'OFPRA, et les 48 % restants celui de la CNDA ; celle-ci a constaté cette amélioration de la sécurité juridique.

Nous souhaitons aussi nous développer sur le territoire.

La demande d'asile outre-mer s'est beaucoup accrue. Pour éviter l'allongement des délais et donner aux ressortissants de pays comme Haïti, la garantie, grâce au dépôt d'une demande d'asile, de deux ans de présence dans un département d'outre-mer, nous devions intervenir rapidement.

Cette réactivité s'est manifestée par la mise en place de missions d'instruction locales, plus rapprochées du terrain, mais aussi de visio-conférences. Grâce à ces deux instruments, nous sommes désormais capables d'examiner la demande d'asile outre-mer beaucoup plus rapidement qu'auparavant et avec une garantie de qualité bien supérieure.

Pour satisfaire à l'urgence, nous travaillons à la mise en oeuvre de procédures prioritaires. Une part de celles-ci a pour origine le classement de certains pays en « pays d'origine sûre ». Cependant, nous voyons aussi apparaître des personnes dont les empreintes digitales sont effacées, ce qui rend difficile la détermination précise de leur origine et la décision sur les demandes présentées. Pour cette raison, nous examinons ces demandes selon une procédure prioritaire. Cette évolution montre également les modifications profondes du travail de l'Office.

Nous avons parallèlement entrepris de nous ouvrir vers l'extérieur. Cette ouverture concerne d'abord l'Europe. Nos résultats en matière d'examen de demandes d'asile peuvent être comparés très favorablement à ceux de l'ensemble de nos voisins européens.

Elle se fait également à l'international. Nous constatons le grand intérêt de nos voisins pour la pratique administrative de la France et le mode d'examen de la demande d'asile qu'elle a institué. J'ai même rencontré, à leur demande, nos amis Canadiens.

Ainsi, nous nous intégrons mieux dans le concert des pays européens et dans celui des pays développés. Cette démarche est fondamentale pour le premier pays de destination de la demande d'asile en Europe et, vraisemblablement, le second dans le monde. Elle permet aussi l'établissement de comparaisons, la prise de mesures d'harmonisation d'État à État et, sans doute, une meilleure gestion de la demande d'asile.

La conjoncture dans laquelle ces résultats favorables sont obtenus a cependant beaucoup évolué en trois ans. Alors que, jusqu'en 2007, la demande d'asile diminuait, elle connaît aujourd'hui un très fort accroissement : 20 % en 2008, 12 % en 2009, et sans doute 10 % en 2010.

Par ailleurs, alors que la précédente augmentation de la demande d'asile mêlait à la fois premières demandes et réexamens, depuis 2009, l'augmentation ne concerne que les premières demandes. Or le traitement de ces demandes exige un travail administratif plus lourd que celui des réexamens, qui ne donnent pas lieu à auditions.

L'expansion depuis trois ans de la demande d'asile est pour nous source de fortes préoccupations. Aux termes du contrat d'objectifs et de moyens, l'appareil administratif de l'OFPRA a en effet été formaté pour examiner au plus 46 500 demandes. Ce volume représentait un objectif ambitieux par rapport au travail réalisé autrefois. Si l'OFPRA a réussi à l'atteindre, son dimensionnement ne lui permet pas de traiter en temps réel les demandes d'asile actuellement présentées dans notre pays, soit 47 500 en 2009, 52 000 prévues en 2010 et 55 000 estimées en 2011. Bref, le nombre total des demandes excède de 10 000 celui que le format permet de traiter.

Désormais, nous devons donc stocker des dossiers. Autrement dit, nous allongeons le délai de traitement de la demande d'asile, alors que l'un de nos objectifs – je sais que vous y êtes attachés – était au contraire de le raccourcir. Nous y étions parvenus : en 2008, le délai de traitement était de 100 jours. En 2009 cependant, du fait de l'accroissement de la demande d'asile, il s'est élevé à 118 jours ; aujourd'hui, il est plutôt de 130 ou 132 jours, sans que nous puissions trouver de levier pour le réduire à terme.

Nous avons donc besoin de mesures complémentaires. La première – elle a, je crois, déjà été décidée – doit nous donner la capacité de traiter le stock existant. Celui-ci sera sans doute en fin d'année de l'ordre de 12 000 demandes. Pour la première fois, plusieurs demandes ont plus d'un an d'ancienneté. Le Gouvernement a donc décidé de proposer la création d'une trentaine de postes d'officiers de protection. Cette mesure permettrait en un an et demi de traiter le stock que nous pourrons constater à la fin de 2010.

Mais cette mesure ne suffira pas : en 2011 nous devrions recevoir entre 52 000 et 55 000 demandes d'asile nouvelles, qu'il nous faudra traiter. Nous devons donc prendre des mesures pour éviter de stocker de nouveau des dossiers de demandes d'asile à partir du début de l'an prochain. Autrement, nous nous retrouverions dans une situation quelque peu absurde où, après avoir géré le stock antérieur, nous serions incapables de gérer les nouveaux flux.

L'histoire de l'OFPRA montre une alternance entre des périodes de hausse et de diminution de la demande d'asile. Nous sommes vraisemblablement revenus aujourd'hui à une phase haussière ; du reste, à l'exception notable de l'Italie – dont le système d'examen est très différent du nôtre –, tous nos voisins européens enregistrent également une hausse de la demande d'asile.

Telle est la situation de l'OFPRA après, je crois, trois années d'amélioration de sa performance et de recherche de qualité, conformément au souhait de notre pays, mais également à celui des autres États européens, et face à une nouvelle conjoncture qui nécessitera très vraisemblablement des mesures à court terme.

La mission nationale de l'OFPRA – l'examen individuel des demandes d'asile – est très motivante pour ses personnels. Nous y sommes tous, en France, très attachés. Les cadres de l'OPFRA ont à coeur d'améliorer leurs performances ; ils sont conscients du caractère essentiel et unique de leur mission, comme de la nécessité de la conduire dans le respect des politiques des droits de l'homme menées depuis de nombreuses années dans notre pays. Aujourd'hui, de leur fait, la terre française est considérée partout comme une terre d'asile de référence. C'est pour cette raison aussi que nous souhaitons travailler à mieux harmoniser avec nos partenaires européens les conditions de l'asile : la France ne peut pas rester la seule terre d'asile qui applique l'ensemble des réglementations, nationale et internationale ! Dans le concert européen, une harmonisation doit conduire aux mêmes spécifications d'accueil et d'examen de la demande d'asile, et donc de mise en oeuvre du respect des droits de l'homme.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Quelles sont les principales différences entre les États européens ?

PermalienJean-François Chadelat, directeur général de l'Office de protection des réfugiés et apatrides, OFPRA

Elles sont nombreuses. Au contraire de l'Allemagne et de la France, la Grande-Bretagne – pays pourtant toujours décrit comme libéral et aux avant-postes – ne dispose pas d'institution autonome chargée de l'examen de la demande d'asile. Celle-ci est examinée par le système administratif. L'examen y commence dès l'arrivée de l'étranger jusqu'à son expulsion ou la reconnaissance de son statut de réfugié.

Les statistiques n'y sont pas non plus de la même qualité qu'en France. Les délais moyens, beaucoup plus longs, sont calculés sans que l'on tienne compte des stocks, lesquels représentent pourtant quelque 200 000 dossiers.

L'Italie non plus ne dispose pas d'institution propre pour l'examen de la demande d'asile. Celui-ci y est effectué par une commission composée de représentants du ministère de l'intérieur – localement, les préfectures sont directrices pour l'examen des demandes –, de la police et des collectivités locales. Le nombre de demandes d'asile y a été ramené de 25 000 il y a deux ans à 17 000 environ, voire moins, aujourd'hui. La diminution est donc très forte.

L'État européen dont le dispositif ressemble le plus au dispositif français est sans doute l'Allemagne. Un office fédéral y est doté à peu près des mêmes compétences que l'OFPRA.

En Belgique, la procédure d'examen de la demande d'asile est également très proche de la nôtre. Comme en France, les soucis de perfection et de qualité de la documentation géographique y sont très affirmés.

Les procédures des autres États sont très diverses, qu'il s'agisse de l'appréciation de la situation individuelle, du taux d'accord au regard de la nationalité ou simplement de la présentation par nationalité aux guichets intérieurs de la demande d'asile.

En Espagne, par exemple, le premier accueil est effectué par l'équivalent de la police aux frontières. Une première sélection, non déclarée, est ainsi réalisée. Ensuite, comme en France, les demandes sont examinées par une institution spécifique ; celle-ci est cependant composée à la fois d'un représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, de l'équivalent d'un officier de protection, et d'un représentant du ministère de l'intérieur. En 2009, l'Espagne a reçu 4 500 demandes d'asile, à comparer aux 47 500 demandes formulées auprès de la France. Pourtant, la position géographique de ce pays aurait pu en laisser attendre un peu plus.

Bien d'autres exemples de distorsions pourraient être présentés. Lorsque nous nous retrouvons à Bruxelles pour travailler à des politiques d'harmonisation européenne, le discours est très souvent théorique ; les comparaisons concrètes aboutissent bel et bien au constat d'écarts absolument considérables entre États.

PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le directeur général, le passage de l'OPFRA de la tutelle du ministère des affaires étrangères à celle du ministère de l'immigration ne contribue-t-il pas à une assimilation entre procédure d'asile et procédure d'immigration ? Celle-ci n'est-elle pas l'une des raisons du décalage entre la France et un pays comme l'Espagne ?

Quelles conclusions tirez-vous du décalage persistant entre le nombre de reconnaissances du statut de réfugié accordées en première instance par l'OFPRA et celui reconnu ensuite par la CNDA ? En particulier, les ressortissants de certaines nationalités ne se voient jamais – ou presque – reconnaître un statut de réfugié en première instance par vos services. Ils doivent attendre l'examen de leur dossier par la CNDA, qui tranche en leur faveur ! Existe-t-il des procédures de réajustement ?

Le principe de non-refoulement vous semble-t-il réellement respecté ?

Qu'en est-il du caractère suspensif du recours en cas de procédure prioritaire ?

Comment expliquez-vous – en dépit, nous dites-vous, d'un mouvement d'harmonisation européenne – la persistance de listes de « pays d'origine sûrs » très différentes d'un pays de l'Union à l'autre ? L'établissement de ces listes a-t-il un sens ?

Enfin, puisque, selon vous, les termes de l'actuel contrat d'objectifs et de moyens sont désormais obsolètes, quelles demandes pourriez-vous formuler auprès du Parlement en vue de la préparation du budget 2011 de l'OFPRA ?

PermalienPhoto de Patrice Verchère

Quel pourrait être le délai idéal d'instruction d'un dossier ?

Le nombre de mineurs isolés demandeurs d'asile semble s'accroître. Pouvez-vous confirmer cette évolution ? Quels sont les pays d'origine de ces mineurs ?

Enfin, pendant le délai de traitement des dossiers, quelles sont les obligations des demandeurs d'asile ?

PermalienPhoto de Serge Blisko

Vous nous avez dit, monsieur le directeur général, que l'on tendait à l'équilibre entre le nombre d'accords d'asile émanant de l'OFPRA en première instance et ceux prononcés par la CNDA après recours. Mais, selon Eurostat, pour 2008 en tout cas, l'OFPRA avait formulé 17 % de réponses favorables aux demandes d'asile, et la CNDA 28 % en appel.

La tendance est-elle bien celle que vous avez indiquée ? Même si l'on parvient à l'équilibre, il est étrange que la CNDA doive prononcer autant de décisions d'accord que l'OFPRA en première instance.

Dans un autre domaine, je rappelle l'opposition du groupe socialiste à la notion de « pays d'origine sûrs », opposition exprimée dès son introduction dans le droit français par la loi du 10 décembre 2003. Notre préoccupation est encore alimentée par le fait que les pays membres de l'Union européenne apprécient diversement ce qu'est un « pays d'origine sûr ». Le conseil d'administration de l'OFPRA a récemment inclus la Turquie dans cette liste, une décision étrange qui ne laisse pas d'inquiéter car la situation est loin d'être stabilisée dans les zones de peuplement kurde. D'ailleurs, revient-il réellement à l'OFPRA d'élaborer un tel document ? Ne devrait-il pas plutôt être confié au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ?

De même, je réitère l'opposition formelle du groupe socialiste au règlement « Dublin II » qui, à défaut de pouvoir désigner l'État responsable de la demande d'asile sur la base des critères fixés, permet de transférer le demandeur d'asile vers le premier État où il a présenté sa demande. Si le dispositif est effectif – l'est-il ? –, ne condamne-t-il pas nombre de demandeurs d'asile à repartir vers des pays tels la Grèce, Chypre ou Malte, où l'on sait que les dossiers sont beaucoup bien moins examinés qu'ils ne le sont en France ? Faut-il rappeler qu'en Grèce moins de 1 % des demandes d'asile sont acceptées en première instance ? Ces disparités sont inquiétantes.

Le groupe socialiste redit également son opposition absolue à la procédure prioritaire qui consiste à examiner les dossiers dans des délais raccourcis, en particulier quand les demandeurs d'asile proviennent de pays considérés comme des « pays d'origine sûrs ». Combien de demandes sont traitées selon cette procédure ? Quels avantages et quels inconvénients y voyez-vous ?

Il faut préserver et développer l'OFPRA.

Je vous prie, monsieur le directeur général, de transmettre à son personnel, qui accomplit un travail de qualité, l'expression de toute notre sympathie. Mais si, comme vous l'envisagez, vous êtes amenés à traiter jusqu'à 55 000 demandes l'an prochain, les trente officiers de protection supplémentaires qui vous ont été alloués suffiront-ils à la tâche ? Ne risque-t-on pas de voir se reproduire ce que nous avons connu au début des années 1990 – des dizaines de milliers de dossiers en instance et autant de demandeurs d'asile se trouvant dans la situation insupportable de devoir attendre trois ou quatre ans que l'on statue sur leur sort ?

Nous espérons que vous aurez des moyens supplémentaires pour améliorer encore le travail accompli.

PermalienJean-François Chadelat, directeur général de l'Office de protection des réfugiés et apatrides, OFPRA

Mme Mazetier m'a interrogé sur le point de savoir quelles modifications avait entraîné le passage de l'OFPRA sous la tutelle du ministère de l'immigration.

Il n'y a pas eu de changement fondamental dans le fonctionnement quotidien de l'Office ni dans le traitement de la demande d'asile. Au sein du ministère de l'immigration, le traitement de la question de l'asile est fortement individualisé : un service autonome a été créé et la volonté est manifeste de ne pas mêler immigration et asile. Le fait que les interlocuteurs de l'Office soient regroupés au sein d'un seul ministère au lieu qu'il faille, comme c'était le cas auparavant, s'adresser aux trois ministères compétents – le ministère des affaires étrangères, le ministère des affaires sociales et celui de l'intérieur – a rendu le traitement administratif des demandes plus fluide et renforcé la compréhension entre la tutelle et l'Office. Pour ce qui est de l'indépendance de l'OFPRA à l'égard de la tutelle, aucune modification n'a été observée.

Le décalage entre les décisions d'accord prises par l'OFPRA et celles que prend la CNDA pose effectivement problème. Nous avons essayé de réduire ce décalage en renforçant la sécurité juridique, mais cette situation s'explique sans doute par la spécificité du système français. La CNDA statue sur les recours de plein contentieux ; c'est un système recognitif, et il peut s'écouler un an entre la décision prise par l'OFPRA et le moment où la CNDA apprécie à nouveau la situation du requérant. Même si nos officiers de protection ont, comme je le pense, effectué un excellent travail, les conditions objectives de l'examen peuvent s'être profondément modifiées et la CNDA peut être amenée à porter sur une demande une appréciation différente de celle de l'Office. Outre cela, l'OFPRA et la CNDA n'ont pas la même analyse géopolitique de la situation d'un certain nombre d'États. Ainsi, l'OFPRA et la CNDA portent sur le Bangladesh des appréciations radicalement différentes : celle de l'OFPRA est rigoureusement identique à celle des autres pays membres de l'Union européenne, mais l'analyse de la CNDA se démarque singulièrement de celle de nos grands voisins. Est-ce bien ou est-ce mal ? Ce n'est pas à moi de le dire, mais il serait bon d'harmoniser les appréciations générales, dans le respect des compétences de chaque instance.

Je ne répondrai pas à la question portant sur le non-refoulement, qui n'est pas de ma compétence.

Le recours a un caractère suspensif dans le cadre d'une procédure normale, mais il ne l'a pas dans le cadre d'une procédure prioritaire. Telles sont les normes nationales.

Quand il s'agit de déterminer quels sont les « pays d'origine sûrs », les États européens portent des appréciations très différentes. C'est un sujet de discorde, au point que la négociation un temps prévue à ce sujet n'aura pas lieu. Pratiquement tous les pays de l'Union européenne ont élaboré une liste de « pays d'origine sûrs », mais ces pays ne sont pas les mêmes d'un État à l'autre.

Le contrat d'objectifs et de moyens est pour l'OFPRA un exercice intéressant et novateur qui lui permet d'avoir un budget triennal et non plus un budget à renégocier chaque année dans la douleur, mais la modification radicale de la demande d'asile a considérablement modifié les données. L'environnement n'étant plus le même, quels que soient les gains de productivité et l'excellence du travail réalisé par les officiers de protection, nous ne serons pas en mesure d'assurer le traitement des demandes d'asile si, comme il est prévisible, nous en enregistrons 55 000 en 2011. Grâce au recrutement d'une trentaine d'officiers de protection, nous sommes désormais en mesure de traiter notre stock, mais nous ne pourrons traiter le flux l'année prochaine s'il est aussi important qu'on peut l'imaginer.

M. Verchère m'a demandé ce que je considère être le délai d'instruction idéal. Étant donné les exigences qualitatives supplémentaires dérivant du droit européen, on peut difficilement traiter un dossier en moins de cent jours avec les moyens appropriés. Nous pouvons y parvenir si nous disposons d'un système d'ajustement en temps réel des moyens au nombre des demandes d'asile.

Nous constatons une augmentation du nombre de mineurs isolés sur le territoire français, comme je l'ai signalé il y a peu au conseil d'administration. Leur présence a augmenté de 20 % au cours du premier semestre de 2010 ; ils sont pour la plupart Africains, un grand nombre venant d'Afrique de l'Ouest.

Pendant le délai de traitement des demandes d'asile et jusqu'au prononcé de la décision, les requérants n'ont aucune obligation.

M. Blisko s'est ému de l'équilibre entre les décisions prises par l'OFPRA et celles de la CNDA. La question nous préoccupait tant que nous avons fait en sorte de parvenir à l'équilibre ; nous y sommes maintenant parvenus mais, je le répète, le fait que l'Office et la CNDA n'aient pas les mêmes critères d'appréciation de la situation sociopolitique des États et qu'ils n'instruisent pas les dossiers en même temps ne permet pas d'espérer de grands progrès dans l'analyse faite par la CNDA. En 2009, 10 500 accords ont été prononcés, dont 5 500 par l'OFPRA et 5 000 par la CNDA.

La définition de la liste des « pays d'origine sûrs » est légalement de la compétence du conseil d'administration de l'OFPRA et la question est suffisamment sérieuse pour qu'il en ait délibéré plus d'un an sous la houlette de deux présidents successifs. Une grande attention a été portée aux politiques des États, à leur évolution, aux conquêtes de libertés. La dernière liste de « pays d'origine sûrs » retenue a été soumise au Conseil d'État, qui se prononcera dans les prochains jours.

Je transmettrai naturellement au personnel de l'OFPRA les remerciements des députés.

PermalienPhoto de Étienne Pinte

Je prends la parole en ma qualité de représentant de l'Assemblée nationale au conseil d'administration de l'OFPRA.

Le conseil d'administration de l'OFPRA tient compte de nos observations. C'est ainsi qu'à ma demande le directeur général a pris en compte dans les statistiques les mineurs isolés, ce qui ne se faisait pas auparavant. Par ailleurs, après le débarquement sur les côtes corses d'un groupe de Kurdes d'origine syrienne, il est apparu que ceux-ci n'avaient ni la nationalité syrienne ni aucune autre : ils étaient apatrides. Lors du dernier conseil d'administration, il y a quelques jours, j'ai demandé au directeur général que les apatrides soient mentionnés dans les statistiques de l'OFPRA et qu'il fasse une communication au prochain conseil d'administration à ce sujet.

La liste des « pays d'origine sûrs » a fait l'objet d'un grand débat. C'est une position très ambiguë que de signaler certains pays comme « pays d'origine sûrs » et pas d'autres ; cela n'a pas été sans poser de problèmes à notre diplomatie. Je ne crois pas vraiment à la possibilité d'une harmonisation européenne, tant les listes sont différentes selon les pays. En la matière, l'histoire politique et diplomatique compte beaucoup : la France a une histoire commune avec les pays d'Afrique et du Maghreb ; le Commonwealth reconnaît pour « pays d'origine sûrs » certains pays que nous ne reconnaissons pas comme tels. La situation est extrêmement difficile. J'étais hostile à l'inscription de la Turquie sur la liste, mais je signale que, dans le même temps, le conseil d'administration de l'OFPRA a rayé la Georgie de cette liste, montrant ainsi qu'une inscription n'est pas définitive et qu'elle dépend de l'évolution constatée dans chaque pays.

Pour ce qui est du caractère suspensif de la procédure prioritaire, je me permets de faire observer à nos collègues que la question ne concerne pas seulement l'OFPRA, mais aussi tous les recours contre des arrêtés préfectoraux. C'est ainsi qu'un Turc avait été expulsé alors qu'il avait formé un recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet des Yvelines ; le tribunal administratif ayant annulé l'arrêté, il a fallu faire revenir cet homme en toute hâte. Le problème est d'ordre général ; j'envisage d'en traiter lors de l'examen de la future loi sur l'immigration.

J'en viens à l'idéal de solidarité européenne que nous pouvions espérer.

À l'époque des boat people, l'ensemble des pays du monde occidental avaient pris l'engagement d'en accueillir un certain nombre – la France en a accueilli 20 000. Aujourd'hui, une Union de 27 membres n'est pas capable de faire preuve d'un minimum de solidarité. En signant, lors de la présidence française de l'Union européenne, en 2008, le pacte européen sur l'immigration et l'asile, les États membres s'étaient engagés à ne procéder à aucune régularisation massive. Quelques mois ont suffi pour que l'Italie et d'autres pays oublient cet engagement. La mutualisation de l'accueil et la solidarité européenne sont absolument indispensables. Pour montrer l'exemple, la France a accueilli l'année dernière une centaine de demandeurs d'asile reconnus par Malte et elle fera la même chose cette année, mais les autres pays ne suivent pas. C'est ce qui explique les difficultés de l'OFPRA.

En conclusion, la manière dont les choses se passent à l'OFPRA et à la CNDA en matière de droit d'asile est très satisfaisante.

PermalienPhoto de Serge Blisko

Comme M. Pinte, je regrette l'absence d'une politique commune européenne relative aux demandeurs d'asile. Pour autant, monsieur le directeur général, avez-vous le sentiment d'un progrès en la matière ?

Sur un autre plan, j'observe que l'Europe, qui se plaint du nombre de demandeurs d'asile sur son territoire, en compte dix fois moins que certains pays d'autres continents limitrophes d'une zone de conflit – le Darfour, par exemple. Je souhaite relayer une question récurrente des associations concernées, touchant aux programmes de réinstallation. Quel est votre sentiment à cet égard ?

PermalienJean-François Chadelat, directeur général de l'Office de protection des réfugiés et apatrides, OFPRA

L'européanisation du régime d'asile avance sur de nombreux points, dont l'instruction des demandes et la capacité de garantir les droits et de les harmoniser. Les directives y contribuent évidemment, tout comme l'installation à Malte du bureau européen d'appui en matière d'asile. Une dynamique d'harmonisation est donc à l'oeuvre, mais la progression n'est pas assez rapide. La question de fond est celle de savoir si les États ont la volonté de respecter, et vite, les mesures décidées à l'échelon communautaire. Aujourd'hui, les directives ne sont pas totalement appliquées par certains États.

L'accord trouvé pour Malte était fondé sur l'idée que les grands États européens doivent se montrer solidaires des plus petits États. La France a pris toute sa part de responsabilité mais, si l'Allemagne et le Royaume-Uni ont fini par le faire, ce fut dans des proportions extrêmement faibles.

En d'autres termes, l'européanisation de l'asile n'est pas encore faite !

On peut imaginer des politiques de réinstallation, mais elles ont des conséquences fortes sur l'évolution de la demande d'asile dans chacun des États, et des conséquences budgétaires qui ne le sont pas moins.

La Commission examine ensuite le rapport d'information budgétaire de M. Guy Geoffroy sur la contribution de l'État au développement de la vidéoprotection.

PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je voudrais d'abord expliquer les raisons qui m'ont conduit à m'intéresser à la vidéoprotection. Tout d'abord le constat que la vidéoprotection se développe partout : aussi bien dans les grandes métropoles que dans des communes beaucoup plus petites. Ensuite, ce sujet est intéressant d'un point de vue budgétaire puisque l'État n'intervient pas directement par l'intermédiaire de crédits budgétaires, à l'exception de Paris, mais en utilisant les ressources du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Historiquement, la décision de légiférer sur la vidéosurveillance, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité (LOPS) du 21 janvier 1995, ne reposait pas sur une volonté de favoriser le développement de cet outil, mais bien plutôt sur une volonté d'en encadrer l'essor.

Les propos du rapporteur de la LOPS à l'Assemblée nationale, notre regretté collègue Gérard Léonard, sont particulièrement éclairants sur l'attitude alors la plus répandue à l'égard de la vidéosurveillance à l'époque. Il expliquait que « Il s'agit là, non de contraindre collectivités et sociétés privées à s'équiper en vidéosurveillance mais, au contraire, de réguler la croissance de ces systèmes qui, plus encore que la télédétection des voitures, peuvent constituer une menace pour la vie privée. »

La première préoccupation de l'État était que la vidéosurveillance ne vienne pas heurter les libertés publiques, sujet qui reste d'ailleurs au coeur de nos préoccupations. Le rôle de l'État était d'abord d'assurer un contrôle, alors que l'initiative en la matière était laissée aux maires. Cela explique le développement relativement lent de la vidéosurveillance en France entre 1995 et 2005, notamment par rapport au Royaume Uni et ses 4 millions de caméras.

Les choses ont commencé à changer en 2005, sous l'angle de la lutte contre le terrorisme à la suite des attentats de Londres. Le ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, a largement contribué à la prise de conscience de l'utilité de la vidéosurveillance, bien au-delà de la seule lutte contre le terrorisme.

Alors que le rôle de l'État passe du contrôle au soutien de la vidéosurveillance, devenue vidéoprotection, se pose naturellement la question de l'efficacité de cette technologie. Or, la délinquance a baissé en moyenne plus fortement dans des communes équipées de vidéoprotection que dans celles qui ne disposent pas de vidéoprotection urbaine : entre 2000 et 2008 on constate une baisse de la délinquance de 13,5 % de la délinquance en zone police dans les communes équipées contre une baisse de 6,9 % au niveau national. En zone gendarmerie, la baisse est 11,8 % dans les communes équipées contre une hausse de 6,5 % de la délinquance au niveau global.

Une étape supplémentaire de l'implication de l'État a consisté dans la lettre de mission adressée par le Président de la République à Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l'Intérieur, le 30 juillet 2007, qui insistait sur la nécessité de développer davantage de moyens de vidéosurveillance, notamment en proposant un plan national d'équipement dans ce domaine. Ce plan reposait sur un objectif de triplement du nombre de caméras installées sur la voie publique, soit 60 000 caméras d'ici 2011.

L'État a également cherché à améliorer le cadre juridique de la vidéoprotection, par exemple par la publication du décret du 22 janvier 2009 qui a simplifié les démarches nécessaires pour obtenir une autorisation préfectorale et a réduit les délais d'instruction.

Le soutien décisif de l'État dans le développement de la vidéoprotection repose principalement sur un outil, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), créé par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Au total, depuis la création du FIPD, l'effort financier en faveur de la vidéoprotection s'est élevé à 72,1 millions d'euros, dont 30 millions d'euros pour la seule année 2010.

Pour la seule année 2009, les subventions du FIPD ont permis de financer 5 013 caméras, permettant de faire passer le parc français de caméras de voie publique à 27 000. L'enveloppe pour 2010 devrait permettre de financer environ 10 000 caméras supplémentaires.

Cet effort est significatif puisqu'il signifie que les subventions destinées à financer des systèmes de vidéoprotection mobilisent une part significative, et croissante, des crédits du FIPD : 30 % en 2007 et 2008 ; 46,5 % en 2009 et de l'ordre de 60 % en 2010.

Ainsi, en dépit de l'engagement financier de l'État, il semble qu'il sera très difficile de parvenir à l'objectif de 60 000 caméras de voie publique, à la fin 2011. En revanche, en maintenant le rythme actuel, cet objectif pourrait être atteint en mobilisant le FIPD une année supplémentaire, soit jusqu'à la fin de 2012.

Les subventions du FIPD permettent en premier lieu de participer au financement de l'installation ou de l'extension de systèmes de vidéoprotection de voie publique par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale. La participation de l'État peut aller de 20 à 50 %, le taux de subvention moyen étant de l'ordre de 40 %.

La contribution financière de l'État permet aussi de faciliter le raccordement des centres de supervision urbains aux services de police ou de gendarmerie territorialement compétents. S'agissant de ces projets, le taux de financement du FIPD peut aller jusqu'à 100 %.

En revanche, l'État ne participe pas du tout aux frais de fonctionnement des systèmes de vidéoprotection. Or, l'efficacité de la vidéoprotection repose largement sur l'existence d'un centre de supervision urbain (CSU) pour gérer les images. De tels dispositifs, pourtant nécessaires, sont coûteux, notamment personnels. Cependant, l'existence d'un système de vidéoprotection performant est susceptible de générer des économies. À Orléans par exemple, le déploiement du dispositif s'est accompagné d'un effondrement des dégradations sur les bâtiments publics et d'une diminution sensible des interventions de la police municipale.

On remarque aussi la volonté de favoriser les dispositifs de vidéoprotection dans un cadre intercommunal : les communes prenant en charge le financement des matériels (caméras, réseaux…) avec la création d'un centre de supervision urbain à l'échelle intercomunale.

Je vais maintenant rapidement aborder un cas particulier en ce qui concerne la contribution de l'État au développement de la vidéoprotection : celui de Paris. En effet, il s'agit du seul exemple en France où l'État prend la maîtrise d'ouvrage d'un système de vidéoprotection de voie publique. Le « plan de vidéoprotection pour Paris », ou « plan 1 000 caméras » est directement mis en oeuvre par l'État, par l'intermédiaire de la préfecture de police.

Certes, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) n'est pas inactif à Paris car il cofinance le raccordement aux salles opérationnelles de la préfecture de police des caméras de certains opérateurs publics ou privés (grands magasins, monuments, transports publics…). Cela permettra à terme à la préfecture de police de disposer d'un accès à environ 10 000 caméras situées dans des lieux accessibles au public.

À ce déport d'images très utile, s'ajoute donc un projet très ambitieux de création d'un réseau de caméras de voie publique à vocation opérationnelle par le recours à un contrat de partenariat public-privé. Pour assurer le financement des investissements rendus nécessaires par ce projet, la loi de finances pour 2010 avait autorisé, au sein du programme « police nationale », une enveloppe de 120 millions d'euros en autorisations d'engagement. En réalité, grâce au « dialogue compétitif » engagé avec les candidats au marché, une dotation de 98 millions d'euros devrait suffire pour couvrir les investissements du projet. Le calendrier initialement envisagé est respecté, ce qui devrait permettre de disposer d'un système entièrement opérationnel à l'été 2012.

Je voudrais conclure par la question essentielle du contrôle de la vidéoprotection. Devant notre Commission, le Président de la CNIL, M. Alex Türk, avait estimé que les contrôles des commissions départementales manquent d'homogénéité et d'efficacité. Le ministre de l'Intérieur lui-même avait admis que le dispositif de contrôle nécessitait une adaptation.

L'examen parlementaire de la LOPPSI a permis d'aborder cette question. Je pense qu'il serait possible de parvenir sur cette question à un équilibre intéressant, sur la base de la position de compromis présentée par la commission des Lois du Sénat. La commission nationale de vidéoprotection présidée par Alain Bauer se verrait confier une mission d'expertise et d'homogénéisation des pratiques alors que la CNIL jouerait un rôle important e contrôle, complémentaire à celui des commissions départementales.

La vidéoprotection est devenue une nécessité pour tous les élus pragmatiques, comme le reconnaissait par exemple le maire de Paris, Bertrand Delanoë, devant le conseil de Paris. On observe d'ailleurs que les réticences ont tendance à s'atténuer. Pour autant, le développement de la vidéoprotection ne doit bien évidemment pas conduire à réduire les libertés individuelles.

PermalienPhoto de Philippe Goujon

Je souhaite souligner l'importance de l'équipement de nos villes en caméras de vidéoprotection, alors que notre pays est très en retard en la matière. Depuis la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité de 1995, plusieurs textes législatifs ont permis de donner une impulsion décisive au développement de la vidéoprotection, notamment grâce à la détermination de Nicolas Sarkozy, comme ministre de l'Intérieur puis comme Président de la République.

Je souhaite insister sur le cas de Paris. Le plan 1000 caméras développé par la préfecture de police ne peut être qu'une toute première étape. À Londres, on compte plus de 75 000 caméras reliées à Scotland Yard et, de manière plus générale, toutes les capitales européennes ont des systèmes très développés de caméras sur la voie publique.

Le fait que l'équipement de Paris en caméras de vidéoprotection ne voie le jour qu'en 2012 ne me satisfait pas. Cette date est tardive et il conviendrait d'accélérer le calendrier.

La ville et les bailleurs sociaux ne peuvent par ailleurs se dispenser de mettre en place des systèmes équivalents, notamment sur les principaux bâtiments municipaux à risque. Il suffit à ce propos de rappeler la récente affaire de vols de tableaux dans le musée d'art moderne de la ville de Paris.

Le plan de vidéoprotection est développé par la préfecture de police. Alors que j'avais formulé des propositions en ce sens dès 2004, la majorité municipale y avait opposé un refus systématique, avant une prise de conscience tardive, en 2008, avant les élections municipales.

La Ville de Paris ne finance pour ainsi dire pas le dispositif : cinq millions d'euros, c'est une aumône, qui permettra seulement de financer les travaux de voirie permettant de relier les caméras. La région Île-de-France, à l'inverse, concourt au développement de tels dispositifs, en co-finançant les 6 500 caméras installées sur le réseau RATP et les 2 500 caméras installées sur le réseau SNCF.

Si la municipalité de Paris a finalement accepté ce système, on ne peut oublier la résistance de certains élus, qui persiste. Les élus Verts ont ainsi proposé, lors de la discussion au conseil municipal, une suppression de chacune des 1 000 caméras.

Enfin, je crois que, dans le cadre du développement de la police d'agglomération, il serait nécessaire d'étendre le plan de vidéoprotection parisien à l'ensemble du territoire du ressort de cette police d'agglomération.

PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Sans vouloir poursuivre au sein de notre Commission les débats menés sur la situation parisienne au sein du Conseil de Paris, je tiens tout de même à préciser que le maire de Paris n'est pas hostile à la mise en place de caméras sur la voie publique : au contraire, il finance leur installation et se rend fréquemment sur les lieux concernés. La participation financière de la Ville de Paris à ce programme, à hauteur de cinq millions d'euros, ne peut pas être qualifiée d'« aumône » : de nombreuses associations de prévention auraient évidemment préféré que cet argent leur soit consacré, ce que font souvent valoir les élus Verts au sein du Conseil de Paris.

S'agissant des bailleurs sociaux, il faut tout de même rappeler qu'il ne suffit pas d'installer des caméras pour régler les problèmes : il faut aussi disposer des personnels nécessaires pour exploiter correctement les images et entretenir les appareils, qui subissent souvent des dégradations. Certes, la présence de caméras peut contribuer à rassurer la population, notamment dans certaines zones mal protégées, mais je crois que nous pouvons tous nous accorder pour reconnaître qu'elles ne remplaceront jamais, en réalité, la présence humaine et, tout particulièrement, celle des policiers et des éducateurs sur le terrain.

PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Tout d'abord, je ne m'immiscerai pas dans vos échanges parisiens…

S'agissant de l'intervention de la région, celle-ci se cantonne aux strictes compétences de la région lorsqu'elle finance les dispositifs dans les transports publics. En revanche, la région Île-de-France n'a pas souhaité accompagner les programmes de vidéoprotection des communes.

S'agissant du débat sur l'éventuel remplacement des hommes par des caméras, il ne me semble pas que cela soit une question pertinente. La question pertinente est de savoir comment le travail des policiers et des gendarmes peut être facilité par le recours aux images de vidéoprotection. La caméra ne vient pas remplacer la présence humaine, mais constitue un élément parmi d'autres d'une politique globale de sécurité et de justice.

La Commission autorise le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

La séance est levée à 13 heures.