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Intervention de Jean-François Chadelat

Réunion du 13 juillet 2010 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Jean-François Chadelat, directeur général de l'Office de protection des réfugiés et apatrides, OFPRA :

Mme Mazetier m'a interrogé sur le point de savoir quelles modifications avait entraîné le passage de l'OFPRA sous la tutelle du ministère de l'immigration.

Il n'y a pas eu de changement fondamental dans le fonctionnement quotidien de l'Office ni dans le traitement de la demande d'asile. Au sein du ministère de l'immigration, le traitement de la question de l'asile est fortement individualisé : un service autonome a été créé et la volonté est manifeste de ne pas mêler immigration et asile. Le fait que les interlocuteurs de l'Office soient regroupés au sein d'un seul ministère au lieu qu'il faille, comme c'était le cas auparavant, s'adresser aux trois ministères compétents – le ministère des affaires étrangères, le ministère des affaires sociales et celui de l'intérieur – a rendu le traitement administratif des demandes plus fluide et renforcé la compréhension entre la tutelle et l'Office. Pour ce qui est de l'indépendance de l'OFPRA à l'égard de la tutelle, aucune modification n'a été observée.

Le décalage entre les décisions d'accord prises par l'OFPRA et celles que prend la CNDA pose effectivement problème. Nous avons essayé de réduire ce décalage en renforçant la sécurité juridique, mais cette situation s'explique sans doute par la spécificité du système français. La CNDA statue sur les recours de plein contentieux ; c'est un système recognitif, et il peut s'écouler un an entre la décision prise par l'OFPRA et le moment où la CNDA apprécie à nouveau la situation du requérant. Même si nos officiers de protection ont, comme je le pense, effectué un excellent travail, les conditions objectives de l'examen peuvent s'être profondément modifiées et la CNDA peut être amenée à porter sur une demande une appréciation différente de celle de l'Office. Outre cela, l'OFPRA et la CNDA n'ont pas la même analyse géopolitique de la situation d'un certain nombre d'États. Ainsi, l'OFPRA et la CNDA portent sur le Bangladesh des appréciations radicalement différentes : celle de l'OFPRA est rigoureusement identique à celle des autres pays membres de l'Union européenne, mais l'analyse de la CNDA se démarque singulièrement de celle de nos grands voisins. Est-ce bien ou est-ce mal ? Ce n'est pas à moi de le dire, mais il serait bon d'harmoniser les appréciations générales, dans le respect des compétences de chaque instance.

Je ne répondrai pas à la question portant sur le non-refoulement, qui n'est pas de ma compétence.

Le recours a un caractère suspensif dans le cadre d'une procédure normale, mais il ne l'a pas dans le cadre d'une procédure prioritaire. Telles sont les normes nationales.

Quand il s'agit de déterminer quels sont les « pays d'origine sûrs », les États européens portent des appréciations très différentes. C'est un sujet de discorde, au point que la négociation un temps prévue à ce sujet n'aura pas lieu. Pratiquement tous les pays de l'Union européenne ont élaboré une liste de « pays d'origine sûrs », mais ces pays ne sont pas les mêmes d'un État à l'autre.

Le contrat d'objectifs et de moyens est pour l'OFPRA un exercice intéressant et novateur qui lui permet d'avoir un budget triennal et non plus un budget à renégocier chaque année dans la douleur, mais la modification radicale de la demande d'asile a considérablement modifié les données. L'environnement n'étant plus le même, quels que soient les gains de productivité et l'excellence du travail réalisé par les officiers de protection, nous ne serons pas en mesure d'assurer le traitement des demandes d'asile si, comme il est prévisible, nous en enregistrons 55 000 en 2011. Grâce au recrutement d'une trentaine d'officiers de protection, nous sommes désormais en mesure de traiter notre stock, mais nous ne pourrons traiter le flux l'année prochaine s'il est aussi important qu'on peut l'imaginer.

M. Verchère m'a demandé ce que je considère être le délai d'instruction idéal. Étant donné les exigences qualitatives supplémentaires dérivant du droit européen, on peut difficilement traiter un dossier en moins de cent jours avec les moyens appropriés. Nous pouvons y parvenir si nous disposons d'un système d'ajustement en temps réel des moyens au nombre des demandes d'asile.

Nous constatons une augmentation du nombre de mineurs isolés sur le territoire français, comme je l'ai signalé il y a peu au conseil d'administration. Leur présence a augmenté de 20 % au cours du premier semestre de 2010 ; ils sont pour la plupart Africains, un grand nombre venant d'Afrique de l'Ouest.

Pendant le délai de traitement des demandes d'asile et jusqu'au prononcé de la décision, les requérants n'ont aucune obligation.

M. Blisko s'est ému de l'équilibre entre les décisions prises par l'OFPRA et celles de la CNDA. La question nous préoccupait tant que nous avons fait en sorte de parvenir à l'équilibre ; nous y sommes maintenant parvenus mais, je le répète, le fait que l'Office et la CNDA n'aient pas les mêmes critères d'appréciation de la situation sociopolitique des États et qu'ils n'instruisent pas les dossiers en même temps ne permet pas d'espérer de grands progrès dans l'analyse faite par la CNDA. En 2009, 10 500 accords ont été prononcés, dont 5 500 par l'OFPRA et 5 000 par la CNDA.

La définition de la liste des « pays d'origine sûrs » est légalement de la compétence du conseil d'administration de l'OFPRA et la question est suffisamment sérieuse pour qu'il en ait délibéré plus d'un an sous la houlette de deux présidents successifs. Une grande attention a été portée aux politiques des États, à leur évolution, aux conquêtes de libertés. La dernière liste de « pays d'origine sûrs » retenue a été soumise au Conseil d'État, qui se prononcera dans les prochains jours.

Je transmettrai naturellement au personnel de l'OFPRA les remerciements des députés.

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