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Intervention de Guy Teissier

Réunion du 6 juillet 2010 à 9h30
Reconversion des militaires — Discussion d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Teissier, président de la commission de la défense :

nationale et des forces armées. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous l'avez très bien dit : chaque année, en France, plus de 30 000 militaires quittent les armées. Ces hommes et ces femmes ont acquis des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être ; ils constituent donc un vivier exceptionnel de recrutement pour les entreprises, lesquelles représentent un débouché naturel pour les militaires. Relativement jeunes, puisque leur âge moyen est d'environ trente-deux ans, ces militaires sont souvent très motivés ; ils ont acquis un sens des valeurs collectives et du devoir qui font d'eux d'excellents candidats pour les entreprises et pour d'autres entités, à l'exemple des ONG.

Cela étant dit, il nous revient de faire connaître et reconnaître ces compétences ; il nous faut aussi nous assurer de l'adaptation du dispositif de reconversion au marché de l'emploi. Si les qualités personnelles des militaires sont importantes, encore faut-il qu'ils soient orientés vers les emplois pour lesquels ils sont faits et qu'ils disposent de facilités pour se préparer à l'intégration dans une entreprise.

Car cette adéquation des personnes et des emplois, préoccupation première de tous les employeurs, ne va pas de soi. Comme nous le savons tous, le recrutement est loin d'être une science exacte ! L'adaptation des dispositifs de reconversion constitue donc pour nous tous ici une préoccupation majeure.

Le ministère de la défense a mis en place divers dispositifs pour aider ces militaires à s'orienter et à préparer leur retour à la vie civile. Nous avons mis sur pied des dispositifs originaux, comme en témoigne la création récente de Défense Mobilité, agence de la reconversion de la défense. Qu'il me soit permis d'exprimer ma confiance dans cette structure et dans les hommes qui la dirigent et l'animent pour relever les défis qui les attendent.

Notre dispositif me semble intéressant en ce qu'il combine plusieurs actions complémentaires : aide au choix de l'orientation, formation, conseil en techniques de recherche d'emploi, période d'adaptation en entreprise sous statut et rémunération militaires, aide à la création ou à la reprise, sessions d'accompagnement vers l'entreprise.

Comme je l'ai dit, le défi est de grande ampleur : reconvertir – avec succès – 30 000 militaires environ chaque année relève quasiment de la mission impossible. D'une part, certains militaires ne souhaitent pas bénéficier de l'aide qui leur est proposée ; d'autre part, il paraît difficilement envisageable de reclasser la totalité des militaires avec succès chaque année, compte tenu des paramètres personnels complexes qui entrent en jeu et que personne ne peut maîtriser. Le dispositif de reconversion du ministère de la défense permet de reclasser environ deux tiers des militaires. Ce ratio me semble très bon compte tenu de l'ampleur de la tâche ; naturellement, il peut être amélioré, et c'est ce que nous souhaitons.

La reconversion des militaires est un enjeu majeur à plusieurs titres. Comme nous le savons tous, les armées ne recrutent bien que si elles reconvertissent bien ; or des armées aux formats réduits doivent mettre l'accent sur la qualité du recrutement, ce qui passe par un ratio élevé entre candidats et postes offerts : il n'y a aucun doute sur le fait que les possibilités de reconversion comptent parmi les facteurs d'attractivité pour les emplois qu'offrent nos armées.

Ensuite, l'indemnisation du chômage des anciens militaires relève du ministère de la défense. De ce fait, les efforts accomplis pour réduire la charge budgétaire qu'elle représente sont importants, puisque cela représente environ l'équivalent d'un programme d'armement moyen, chaque année.

Les collectivités publiques sont engagées aujourd'hui dans des politiques de rigueur pour maîtriser les déficits publics. Le processus de révision générale des politiques publiques dans lequel nous sommes engagés repose, pour le ministère de la défense, sur une réduction du volume de nos armées de 54 000 hommes. Il va de soi que le volet « défense » de la RGPP ne pourra être appliqué que si la reconversion, qui est devenue pour nous une ardente obligation, est couronnée de succès. Nous savons que cela s'est bien passé l'an dernier ; monsieur le ministre, j'aimerais savoir ce qu'il en est pour l'année en cours.

Dans ces conditions, je ne peux que me féliciter du projet de loi que nous soumet le Gouvernement et qui a été excellemment présenté par notre collègue Daniel Mach. Il comporte deux dispositions essentielles à mes yeux en vue d'adapter les textes au marché actuel.

D'une part, le dispositif est assoupli : il devient possible de fractionner le congé. M. le rapporteur l'a dit et je n'y reviens pas. D'autre part, il devient possible de lancer la création d'une entreprise avant de quitter le service actif, grâce à un aménagement du temps de travail du militaire qui envisage la création d'une entreprise au titre de la reconversion. Le congé pour création d'entreprise constitue une nouvelle position statutaire, qui permettra au militaire de bénéficier d'un emploi à temps partiel pour réaliser son projet. Le ministère devra, je crois, prêter la plus grande attention à ce nouveau dispositif, qui me paraît excellent : c'est une porte ouverte pour nos militaires. Toutefois, il faudra bien vérifier la compatibilité entre le maintien du service et un emploi civil.

Ce mécanisme nouveau marque un effort majeur du ministère de la défense pour assouplir les conditions de reconversion. Or la caractéristique première du militaire est sa disponibilité de service. Pour résoudre la difficulté, peut-être peut-on placer les militaires intéressés sur des emplois non opérationnels.

J'y insiste, la crise doit nous conduire à réfléchir aux moyens d'améliorer notre dispositif de reconversion. En effet, le coût de l'indemnisation des militaires au chômage représente une charge de 90 millions d'euros par an environ. Dès lors, toute piste d'amélioration doit être étudiée. Je pense notamment à l'ouverture européenne des débouchés pour nos militaires.

Dans le contexte actuel, nous sommes confrontés à un besoin accru de formation et, pour une partie de nos militaires en voie de reconversion, à un besoin de mobilité. La force d'une économie performante, c'est la capacité de mobilité de ses acteurs : nos militaires ne doivent pas se limiter aux possibilités offertes par l'économie nationale, mais profiter du mouvement fondamental d'internationalisation de nos économies et de nos entreprises.

En particulier, l'un des piliers essentiel de la construction européenne est la constitution d'un grand marché intérieur avec la libre circulation des travailleurs. Il serait plus que regrettable que nos militaires ne puissent profiter de cette ouverture. Pour les y aider, nous devrons réfléchir aux moyens de formation – connaissance des économies, du cadre juridique, des langues de nos partenaires – à mettre à disposition de nos militaires. Nous devons les inciter à solliciter le bénéfice des dispositions du projet de loi que nous nous apprêtons à voter pour trouver un emploi à l'étranger. La majorité d'entre eux en ont la capacité.

Ce projet est un bon projet, il apporte de bonnes réponses à de vraies questions. Je vous invite à le voter sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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