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Intervention de Pervenche Berès

Réunion du 30 juin 2010 à 17h30
Commission des affaires européennes

Pervenche Berès, présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, rapporteure de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale :

Christophe Caresche m'a demandé comment mon rapport était perçu tandis que Daniel Garrigue observait qu'il faisait l'objet d'un consensus. Pourtant, pas moins de 1 625 amendements ont été déposés et il s'en est même fallu de peu qu'il ne soit victime d'amendements de rejet, ce qui aurait été sans précédent pour un document d'origine parlementaire. En outre, si consensus il y a, il porte sur mes propositions et non sur mon diagnostic. À cet égard, la situation européenne s'apparente à celle des États-Unis, où un important paquet législatif a été adopté, alors même que la « Commission crise », uniquement chargée d'établir un diagnostic, n'a pas fini ses travaux et que républicains et démocrates divergent sur l'origine de la crise, les premiers l'imputant uniquement aux réassureurs de crédits immobiliers, les seconds privilégiant une approche plus générale.

Même si cela peut surprendre en France, mon rapport a été perçu par beaucoup comme extrêmement idéologique. Il me faut donc trouver les voies et moyens d'un compromis fort pour permettre l'expression du Parlement européen sur ces sujets, à l'heure où le Conseil européen monte en puissance. Cependant, je n'ignore pas que, pour les États, la situation est difficile, ce qui explique que les négociations menées en codécision sur tous les aspects de la régulation financière n'aboutissent pas. C'est le cas pour la régulation des hedge funds et pour le « paquet Supervision », qui ne sera peut-être pas voté la semaine prochaine. Les États-membres consentent difficilement à renforcer l'échelon européen d'intervention. Nul doute que le débat sur les perspectives financières, dans un contexte où chacun pense en termes d'austérité, sera extrêmement tendu. M. Thomas Mirow, président de la BERD, a souligné que beaucoup d'États membres – par exemple la Belgique ou les Pays-Bas – sont fragilisés non seulement par la crise, mais aussi par le résultat des élections et hésitent à renforcer l'échelon européen, pourtant nécessaire si l'on veut réagir à la crise dans le contexte de la mondialisation. Au sein de l'Union, la situation n'est pas moins paradoxale : alors que tout plaide pour un renforcement de l'échelon communautaire, nous avons réélu M. José Manuel Barroso, qui n'est certes pas un parangon du volontarisme politique...

Il faut cependant nous garder d'une confusion dangereuse, qui alimente souvent l'antiparlementarisme : renforcer l'échelon européen ne signifie pas créer un nouveau groupe d'experts chargés d'évaluer la qualité de la dépense publique des États, comme le préconise la Banque centrale au motif que la Commission ne serait pas capable d'évaluer le budget des États-membres et que ces derniers ne pourraient se montrer sévères les uns envers les autres. Ne sous-estimons pas le risque que cette conception présente pour la démocratie.

Monsieur Piron, vous avez souligné l'hétérogénéité des États membres. C'est le défi de départ que nous devons relever, puisque le principe de base de l'Union est la solidarité. C'est pour cela qu'ont été créés les fonds structurels, qui sont des outils de politique économique plus que d'aménagement du territoire. Leur but, même s'ils sont sous dimensionnés par rapport à leurs enjeux, est de faire converger les économies, en l'absence d'une fiscalité commune ou d'un budget fédéral supérieur à 1 % du PNB des États.

Le poids variable de l'industrie, du secteur financier, du commerce ou des services publics aboutit à des stratégies radicalement différentes selon les pays. En outre, les décisions relatives à certaines productions échappent aux États concernés. Ainsi, celles qui concernent l'huile d'olive sont prises par les pays du nord, qui n'en sont que les consommateurs. Pour mieux prendre en compte l'hétérogénéité européenne, il faut dépasser la logique du rapport de force et aller vers une meilleure gouvernance.

Ensuite, il faudra se montrer cohérent : tel sera l'enjeu du débat sur les perspectives financières. La crise actuelle, je le répète, est imputable non à la gestion de la dette souveraine, mais à la gouvernance de la zone. Le pacte de stabilité, instauré pour obliger les États à converger, a en fait favorisé, à travers les spécialisations économiques, les divergences de compétitivité. A nous d'en tirer les conséquences. C'est pourquoi je m'interroge sur la possibilité, dans le cadre de la stratégie Europe 2020, d'utiliser la politique de cohésion pour réduire les écarts de compétitivité entre pays de l'Union.

Madame Karamanli, le G20 a été plutôt décevant, notamment en ce qui concerne la taxation des transactions financières, à laquelle nous avions fort heureusement obtenu que les conclusions du Conseil européen fassent référence . À mon sens, il ne faut pas présenter la régulation comme un millefeuille de mesures, car les acteurs des marchés y feront eux-mêmes leur choix et deviendront ainsi les arbitres d'une stratégie qu'il nous appartient de définir.

Quoi qu'il en soit, il faut distinguer la taxation des transactions financières de la taxe sur les banques, que l'on appelle aussi fonds de résolution ou living will. La première, qui n'est pas limitée au secteur bancaire, bénéficie d'une assiette plus large. Il n'est donc pas nécessaire qu'elle soit très élevée. Elle est d'autant plus intéressante qu'elle décourage les stratégies spéculatives à court terme. Elle aurait ainsi empêché la pratique du flash trading, qui a causé le krach éclair du 6 mai. Cependant, l'instauration de cette taxe régulatrice ne peut pas être assimilée à un retour de la taxe Tobin, puisque celle-ci ne visait que les transactions transnationales et tendait à favoriser le développement. Notre propos est seulement d'alimenter le budget de l'Union pour financer l'investissement à long terme dans le cadre des stratégies qui nous sont nécessaires. La taxe sur les banques, elle, serait une taxe d'assurance, qui garantirait les dépôts dans l'optique non de protéger les épargnants mais de maintenir les capitaux propres des banques. Cela dit, on peut envisager les deux types de taxation, compte tenu de la diversité de leurs formes et de leurs supports.

Votre propos sur l'augmentation du chômage est très juste. Les Italiens ont calculé que la croissance sera amputée d'un demi-point par les plans de rigueur, chiffre repris par le FT Deutschland, qui n'est guère suspect de complaisance sur ce point. Ce chiffre pose deux questions. D'une part, tous les pays feront-ils les mêmes efforts en même temps ? D'autre part, comment les combiner avec une stratégie d'investissement ? On sait que le moral des ménages est très influencé par l'action de la puissance publique : comment ceux-ci continueraient-ils à consommer et à soutenir la demande, surtout en période de chômage, si l'on diminue les budgets de soutien à l'action sociale ? On mesure l'importance d'adopter une stratégie d'investissement à l'échelle européenne, où la capacité d'emprunt reste intacte.

Je vous remercie, Monsieur Garrigue, d'avoir salué le rôle croissant du Conseil européen. Au triangle composé jadis par le Conseil de l'Union européenne, la Commission européenne et le Parlement européen, s'est substitué un carré dont un des angles est le Conseil européen. La Commission et le Conseil de l'Union européenne ont sans doute perdu au change. De fait, la présidence stable n'est pas un dispositif très agréable, et l'on peut gager que les deux présidences à venir n'exerceront pas une emprise très forte sur les sujets européens. En revanche, M. Van Rompuy joue parfaitement son rôle d'intermédiaire entre les instances. On peut certes lui reprocher son absence de charisme ou de visibilité médiatique, mais il permet au navire d'avancer en dépit des tensions contreproductives qui opposent les plus grands États. Si j'ai critiqué la mission qu'il a reçue concernant le gouvernement économique de la zone euro, j'apprécie qu'il fasse monter en puissance le Conseil européen dont il assure la présidence.

Je vous rejoins sur un autre point. Le Parlement européen organise deux fois par an des joint parliamentary meetings. Je me bats actuellement pour que le prochain rendez-vous, qui aura lieu en novembre, soit consacré à notre rapport ainsi qu'aux questions de gouvernance économique. Je souhaite que l'Assemblée nationale y envoie une importante délégation.

Le Président Pierre Lequiller. Nous le faisons toujours.

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