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Commission des affaires européennes

Séance du 30 juin 2010 à 17h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • gouvernance
  • taxe

La séance

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 30 juin 2010

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 18 h 20

Le Président Pierre Lequiller. Madame la présidente, nous sommes très heureux de vous accueillir. Je vous propose de commencer par nous exposer vos projets en matière de gouvernance économique et les réflexions contenues dans votre rapport.

PermalienPervenche Berès, présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, rapporteure de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale

La dernière fois que nous nous sommes vus, je vous avais présenté l'esprit du rapport extensif sur la crise financière, économique et sociale que j'ai eu la chance de rédiger pour le compte de la commission spéciale. Depuis, le contexte a changé : le groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy a vu le jour, la Commission a fait une déclaration sur d'éventuelles sanctions à l'encontre des États et le G20 s'est tenu.

Le Président Pierre Lequiller. N'oublions pas le rapport d'étape de MM. Michel Herbillon et Christophe Caresche…

PermalienPervenche Berès, présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, rapporteure de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale

Si le projet de rapport se concentre sur les propositions, le diagnostic, lui, est sans concession. Cette crise ne peut être analysée à la seule aune de la crise des subprimes américains mais doit être replacée dans un cycle beaucoup plus long, d'une trentaine d'années, caractérisé par la financiarisation de l'économie et qui s'est soldé par la crise que l'on sait.

Notre mandat portait sur les trois dimensions de la crise, financière, économique et sociale, parce que chacune d'entre elles est importante. Sur le plan financier, un système bancaire de l'ombre s'est développé ainsi que des stratégies de placement à court terme sans rapport avec les besoins d'investissement à long terme de l'économie. Sur le plan économique, les déséquilibres mondiaux se sont accentués dès avant la crise sous l'effet de délocalisations et d'une demande intérieure, notamment américaine, stimulée par une politique monétaire laxiste et un endettement à outrance. Sur le plan social, l'évolution s'est traduite par une redistribution inégalitaire et des phénomènes d'évasion fiscale à l'avantage du capital et au détriment du travail.

Nos propositions s'articulent autour d'une vision européenne, à savoir la nécessité pour l'Union d'exercer de façon autonome les compétences qu'elle partage avec les Etats membres, en lui donnant une capacité d'action. En effet, l'Union a été efficace là où elle a pu mener des projets par elle-même. Je reprends l'idée développée par Tommaso Padoa-Schioppa selon laquelle, faute d'avoir accru les compétences propres de l'Europe, les coordinations qui s'y sont substituées se sont révélées très contraignantes pour les États membres – en termes de rapports à produire, de surveillance –, sans que les résultats soient toujours au rendez-vous. En cas de compétence partagée, l'Union n'a pas uniquement pour rôle de définir le cadre d'un marché intérieur à l'intérieur duquel les États membres développent leurs propres compétences. Elle doit disposer d'une compétence propre pour mener ses propres actions, d'autant que les compétences partagées, définies à l'article 4 du traité de Lisbonne, correspondent aux domaines où un besoin d'investissement à long terme se fait sentir – énergie, transports, infrastructures, environnement. Dès lors, le rapport part du postulat qu'il ne faut pas refaire ce qui avait été fait au milieu des années 1990, lorsque Jacques Delors avait proposé des projets d'infrastructures sans dégager de moyens financiers et budgétaires propres.

Dans cette perspective, nous balayons toute une série de propositions qui s'inscrivent dans le cadre de la négociation des prochaines perspectives financières, à laquelle je vous invite une nouvelle fois à vous associer. Je plaide d'ailleurs pour qu'une convention, permette en la matière un partage du travail qui sera déterminant pour l'avenir des politiques de l'Union et pour le rôle respectif de l'Union et des Etats membres. Nous plaidons aussi pour une taxation des transactions financières – au-delà de son rôle de régulation, elle pourrait dégager des moyens financiers très intéressants – ; pour un grand emprunt européen et pour une véritable taxe carbone à l'échelle de l'Union.

Nous nous prononçons également pour une mise à niveau de la gouvernance de l'Union économique et monétaire. Vous avez vu les conditions dans lesquelles le groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy a été mis en place. Son mandat, très étroit, se limite à quatre points : renforcement du pacte de stabilité, surveillance multilatérale, gestion des crises et gouvernance. Malheureusement, l'énoncé même traduit une erreur de méthode, et partant, une divergence de fond. Le pacte de stabilité n'a pas marché et il n'est ni l'alpha ni l'oméga de la crise. Celle-ci est due non pas à la dette souveraine mais à la gouvernance de la zone euro. L'idée qu'il faut, quand on partage une monnaie, une approche commune se résume à la notion de semestre européen. Elle laisse dans l'ombre la façon dont les parlements seront associés, ce qui est tout de même saugrenu quand il est question de budget, et laisse de côté les critères retenus par Jacques Delors dans son projet de pacte de coordination des politiques économiques.

Le projet de rapport fait l'objet de 1 625 amendements. C'est dire si la discussion sera animée. Cependant, la proposition faite au paragraphe 154 de calquer, s'agissant des questions économiques, l'architecture institutionnelle sur celle de la politique étrangère devrait emporter l'adhésion du Parlement européen dans la mesure où le responsable des questions économiques et monétaires aurait la double casquette – Commission et Conseil des ministres. Il pourra en outre articuler l'action des Vingt-sept et des seize membres de la zone euro tandis que l'expertise de l'Eurogroupe s'appuiera sur un appareil statistique et administratif plus étoffé que celui du Luxembourg.

La surveillance multilatérale doit prendre en compte les éléments à l'origine de la crise. Parmi eux, outre la gouvernance, on trouve quelque chose que les rédacteurs du traité de Maastricht n'avaient pas vu ou pas voulu voir : les écarts de compétitivité et les divergences entre les économies de la zone euro, que le pacte de stabilité aurait dû contribuer à résorber, se sont au contraire aggravés de façon considérable. Pour y remédier, le pacte de stabilité ne suffit pas, il faut tenir compte des réalités et adopter une approche plus intelligente.

En matière de régulation des marchés financiers, les résultats du G20 sont extrêmement décevants. La conclusion à en tirer, c'est que l'Union ne peut pas attendre des décisions à l'échelon international. Elle doit s'engager dans la voie d'une intégration des supervisions, dans l'esprit du rapport Larosière. L'objectif qu'elle doit viser de manière obsessionnelle, c'est un financement efficace de l'économie réelle avec des structures moins complexes, plus transparentes et plus responsables.

PermalienPhoto de Christophe Caresche

Ce rapport, très riche, fournit un cadre d'analyse global et présente beaucoup de propositions. Mais comment seront-elles reçues par le Parlement européen et par les Etats ?

Après une phase d'effervescence où l'on voulait trouver des solutions en matière de régulation, de gouvernance économique, de relance, les positions se sont figées, ce qui s'est passé au G20 le prouve. Comment éviter que chacun se replie sur ses positions nationales, pour défendre ses intérêts propres ?

PermalienPhoto de Michel Piron

Merci, madame, d'avoir posé le problème dans sa dimension historique.

De manière générale, quelle appréciation portez-vous sur l'hétérogénéité croissante de nos économies ? Dans chacun des pays de la zone euro, quel poids donner à l'industrie financière ? A l'industrie tout court ? Au commerce et aux échanges ? Aux services publics ? Les politiques nationales sont différentes, parfois même contradictoires, selon les intérêts de chacun. Dans le textile, par exemple, un pays comme la Suède qui, de grand producteur, est devenu surtout un négociant, n'a pas du tout la même approche que l'Italie. Alors, quelle gouvernance adopter ?

Plus concrètement, quelles sont les propositions que vous jugez prioritaires pour renverser la dynamique de la divergence ? Autrement dit, quelle hiérarchie établissez-vous dans vos propositions pour transformer la tension palpable en mouvement centripète ?

PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Madame la présidente et chère amie, je partage beaucoup des constats, des propositions et des conclusions de votre rapport. L'avenir qui se dessine est alarmant, y compris celui des institutions.

Le G20 de 2009 avait envisagé une taxation des transactions financières internationales pour financer un fonds de régulation des crises financières. Tout récemment, il a été question dans la presse d'une taxe européenne pour alimenter un fonds d'assurance du secteur financier destiné à secourir les établissements bancaires ou les budgets nationaux. Quelle est votre position à ce propos ?

Par ailleurs, en Europe, le chômage augmente et on observe un peu partout – en France, au Portugal, en Irlande comme en Grèce – des taux à deux chiffres. En Espagne, il atteint même 19 %. Parallèlement, des politiques de rigueur sont mises en place. Ne risquent-elles pas de provoquer une nouvelle contraction de la demande ? Que préconise le Parlement européen ?

PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Beaucoup des idées que l'on trouve dans ce rapport sont largement partagées en Europe : mettre en place un fonds monétaire européen, une régulation plus contraignante, muscler la stratégie Europe 2020 autour de politiques communes. Or il n'en reste plus rien après le Conseil européen ou le G20. Il en va ainsi de la taxe sur les transactions financières qui avait, en principe, fait l'objet d'un accord franco-allemand. Je suis de plus en plus convaincu que l'Union européenne ne peut avancer que sous l'impulsion du Conseil européen et d'une alliance entre le Parlement européen et les parlements nationaux auxquels votre rapport pourrait servir de base de travail. Grâce au traité de Lisbonne, de nouvelles ouvertures sont apparues : le rôle du Parlement européen est beaucoup plus important, la question de la subsidiarité a été laissée de côté, le rôle des parlements nationaux a été reconnu. Il faut trouver comment les associer à une démarche à l'échelle de l'Union. De toute façon, nous y sommes condamnés et c'est d'ailleurs la problématique apparue à propos de la cohérence des politiques budgétaires. Des propositions ont été faites, comme celle d'Alain Lamassoure qui consiste à réunir tous les rapporteurs généraux du budget au moment des débats d'orientation budgétaire dans nos pays. Mais il faut aller plus loin en organisant des états généraux des parlements pour bâtir une démarche commune.

Le Président Pierre Lequiller. Le rapport d'étape rédigé par MM. Michel Herbillon et Christophe Caresche propose certaines pistes. Je suis convaincu que le travail en commun du Parlement européen et des parlements nationaux est la clé de la réussite européenne. Une façon de les rapprocher serait d'instaurer une conférence européenne des finances publiques, composée des présidents de commissions et des rapporteurs du budget de chaque Etat, ainsi que des membres de la Commission des budgets du Parlement européen, que préside Alain Lamassoure. Cette conférence se réunirait assez fréquemment, physiquement ou par visioconférence, afin d'abord de rapprocher les points de vue, puis d'envisager une coordination en matière fiscale.

Le rapport d'étape propose une autre mesure que je soutiens depuis longtemps : l'instauration d'un discours sur l'état de l'Union. En début d'année, au cours d'une réunion qui serait organisée à Strasbourg, afin de renforcer son rôle de capitale européenne, et présidée par M. Jerzy Buzek, une importante délégation du Parlement européen et des délégations de tous les parlements nationaux pourraient s'entretenir avec M. Herman Van Rompuy, M. José Manuel Barroso et Mme Catherine Ashton. La procédure, qui s'apparenterait au discours du président des Etats-Unis sur l'état de l'Union, permettrait une discussion fructueuse, un peu moins approfondie cependant que dans le cadre de la conférence européenne des finances publiques. La composition de la réunion pourrait être calquée sur celle de la Convention.

Je serais heureux que nous soutenions ensemble ces deux propositions, car il faut absolument que les parlements nationaux soient associés aux décisions qui seront prises lors du semestre européen.

Je suis par ailleurs favorable à l'idée qu'un même commissaire porte la double casquette. Mais, à mon sens, cela suppose un nouveau traité.

Enfin, pour faire écho au propos de Mme Karamanli, la taxe européenne sur les transactions financières ne devrait pas être perçue par chaque État mais constituer une nouvelle ressource propre de l'Europe, qui serait ainsi dotée d'une « force de frappe ».

PermalienPervenche Berès, présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, rapporteure de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale

Christophe Caresche m'a demandé comment mon rapport était perçu tandis que Daniel Garrigue observait qu'il faisait l'objet d'un consensus. Pourtant, pas moins de 1 625 amendements ont été déposés et il s'en est même fallu de peu qu'il ne soit victime d'amendements de rejet, ce qui aurait été sans précédent pour un document d'origine parlementaire. En outre, si consensus il y a, il porte sur mes propositions et non sur mon diagnostic. À cet égard, la situation européenne s'apparente à celle des États-Unis, où un important paquet législatif a été adopté, alors même que la « Commission crise », uniquement chargée d'établir un diagnostic, n'a pas fini ses travaux et que républicains et démocrates divergent sur l'origine de la crise, les premiers l'imputant uniquement aux réassureurs de crédits immobiliers, les seconds privilégiant une approche plus générale.

Même si cela peut surprendre en France, mon rapport a été perçu par beaucoup comme extrêmement idéologique. Il me faut donc trouver les voies et moyens d'un compromis fort pour permettre l'expression du Parlement européen sur ces sujets, à l'heure où le Conseil européen monte en puissance. Cependant, je n'ignore pas que, pour les États, la situation est difficile, ce qui explique que les négociations menées en codécision sur tous les aspects de la régulation financière n'aboutissent pas. C'est le cas pour la régulation des hedge funds et pour le « paquet Supervision », qui ne sera peut-être pas voté la semaine prochaine. Les États-membres consentent difficilement à renforcer l'échelon européen d'intervention. Nul doute que le débat sur les perspectives financières, dans un contexte où chacun pense en termes d'austérité, sera extrêmement tendu. M. Thomas Mirow, président de la BERD, a souligné que beaucoup d'États membres – par exemple la Belgique ou les Pays-Bas – sont fragilisés non seulement par la crise, mais aussi par le résultat des élections et hésitent à renforcer l'échelon européen, pourtant nécessaire si l'on veut réagir à la crise dans le contexte de la mondialisation. Au sein de l'Union, la situation n'est pas moins paradoxale : alors que tout plaide pour un renforcement de l'échelon communautaire, nous avons réélu M. José Manuel Barroso, qui n'est certes pas un parangon du volontarisme politique...

Il faut cependant nous garder d'une confusion dangereuse, qui alimente souvent l'antiparlementarisme : renforcer l'échelon européen ne signifie pas créer un nouveau groupe d'experts chargés d'évaluer la qualité de la dépense publique des États, comme le préconise la Banque centrale au motif que la Commission ne serait pas capable d'évaluer le budget des États-membres et que ces derniers ne pourraient se montrer sévères les uns envers les autres. Ne sous-estimons pas le risque que cette conception présente pour la démocratie.

Monsieur Piron, vous avez souligné l'hétérogénéité des États membres. C'est le défi de départ que nous devons relever, puisque le principe de base de l'Union est la solidarité. C'est pour cela qu'ont été créés les fonds structurels, qui sont des outils de politique économique plus que d'aménagement du territoire. Leur but, même s'ils sont sous dimensionnés par rapport à leurs enjeux, est de faire converger les économies, en l'absence d'une fiscalité commune ou d'un budget fédéral supérieur à 1 % du PNB des États.

Le poids variable de l'industrie, du secteur financier, du commerce ou des services publics aboutit à des stratégies radicalement différentes selon les pays. En outre, les décisions relatives à certaines productions échappent aux États concernés. Ainsi, celles qui concernent l'huile d'olive sont prises par les pays du nord, qui n'en sont que les consommateurs. Pour mieux prendre en compte l'hétérogénéité européenne, il faut dépasser la logique du rapport de force et aller vers une meilleure gouvernance.

Ensuite, il faudra se montrer cohérent : tel sera l'enjeu du débat sur les perspectives financières. La crise actuelle, je le répète, est imputable non à la gestion de la dette souveraine, mais à la gouvernance de la zone. Le pacte de stabilité, instauré pour obliger les États à converger, a en fait favorisé, à travers les spécialisations économiques, les divergences de compétitivité. A nous d'en tirer les conséquences. C'est pourquoi je m'interroge sur la possibilité, dans le cadre de la stratégie Europe 2020, d'utiliser la politique de cohésion pour réduire les écarts de compétitivité entre pays de l'Union.

Madame Karamanli, le G20 a été plutôt décevant, notamment en ce qui concerne la taxation des transactions financières, à laquelle nous avions fort heureusement obtenu que les conclusions du Conseil européen fassent référence . À mon sens, il ne faut pas présenter la régulation comme un millefeuille de mesures, car les acteurs des marchés y feront eux-mêmes leur choix et deviendront ainsi les arbitres d'une stratégie qu'il nous appartient de définir.

Quoi qu'il en soit, il faut distinguer la taxation des transactions financières de la taxe sur les banques, que l'on appelle aussi fonds de résolution ou living will. La première, qui n'est pas limitée au secteur bancaire, bénéficie d'une assiette plus large. Il n'est donc pas nécessaire qu'elle soit très élevée. Elle est d'autant plus intéressante qu'elle décourage les stratégies spéculatives à court terme. Elle aurait ainsi empêché la pratique du flash trading, qui a causé le krach éclair du 6 mai. Cependant, l'instauration de cette taxe régulatrice ne peut pas être assimilée à un retour de la taxe Tobin, puisque celle-ci ne visait que les transactions transnationales et tendait à favoriser le développement. Notre propos est seulement d'alimenter le budget de l'Union pour financer l'investissement à long terme dans le cadre des stratégies qui nous sont nécessaires. La taxe sur les banques, elle, serait une taxe d'assurance, qui garantirait les dépôts dans l'optique non de protéger les épargnants mais de maintenir les capitaux propres des banques. Cela dit, on peut envisager les deux types de taxation, compte tenu de la diversité de leurs formes et de leurs supports.

Votre propos sur l'augmentation du chômage est très juste. Les Italiens ont calculé que la croissance sera amputée d'un demi-point par les plans de rigueur, chiffre repris par le FT Deutschland, qui n'est guère suspect de complaisance sur ce point. Ce chiffre pose deux questions. D'une part, tous les pays feront-ils les mêmes efforts en même temps ? D'autre part, comment les combiner avec une stratégie d'investissement ? On sait que le moral des ménages est très influencé par l'action de la puissance publique : comment ceux-ci continueraient-ils à consommer et à soutenir la demande, surtout en période de chômage, si l'on diminue les budgets de soutien à l'action sociale ? On mesure l'importance d'adopter une stratégie d'investissement à l'échelle européenne, où la capacité d'emprunt reste intacte.

Je vous remercie, Monsieur Garrigue, d'avoir salué le rôle croissant du Conseil européen. Au triangle composé jadis par le Conseil de l'Union européenne, la Commission européenne et le Parlement européen, s'est substitué un carré dont un des angles est le Conseil européen. La Commission et le Conseil de l'Union européenne ont sans doute perdu au change. De fait, la présidence stable n'est pas un dispositif très agréable, et l'on peut gager que les deux présidences à venir n'exerceront pas une emprise très forte sur les sujets européens. En revanche, M. Van Rompuy joue parfaitement son rôle d'intermédiaire entre les instances. On peut certes lui reprocher son absence de charisme ou de visibilité médiatique, mais il permet au navire d'avancer en dépit des tensions contreproductives qui opposent les plus grands États. Si j'ai critiqué la mission qu'il a reçue concernant le gouvernement économique de la zone euro, j'apprécie qu'il fasse monter en puissance le Conseil européen dont il assure la présidence.

Je vous rejoins sur un autre point. Le Parlement européen organise deux fois par an des joint parliamentary meetings. Je me bats actuellement pour que le prochain rendez-vous, qui aura lieu en novembre, soit consacré à notre rapport ainsi qu'aux questions de gouvernance économique. Je souhaite que l'Assemblée nationale y envoie une importante délégation.

Le Président Pierre Lequiller. Nous le faisons toujours.

PermalienPervenche Berès, présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, rapporteure de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale

Il faut organiser de manière efficace la collaboration entre les parlements nationaux et le Parlement européen, dont les membres ne peuvent pas se rencontrer tous les jours. Pour cela, nous devons travailler sur les perspectives financières et définir les stratégies budgétaires annuelles des États membres. Lorsque j'étais présidente de la Commission des affaires économiques et monétaires, j'avais institué des rencontres annuelles, en février, considérant que, lorsque nous débattions des grandes orientations de politique économique, nous devions le faire avec vous. La proposition de M. Lamassoure est orientée vers la Commission des budgets. Les deux initiatives sont également nécessaires, d'autant que les deux Commissions partagent certaines compétences.

Reste que ces réunions ne durent que deux demi-journées et qu'il est très difficile de travailler ensemble en un temps aussi bref. Dans le rapport, je propose que, lorsque l'Eurogroupe débat des orientations de politique économique, le ministre soit accompagné du rapporteur général et du président de la Commission du budget concerné. Je reconnais cependant que la proposition repose sur un mélange des genres qui n'a pas sa place dans une démocratie où chaque institution doit rester à sa place. De plus, elle ne reconnaît pas suffisamment le rôle des Parlements. Il faut trouver une meilleure méthode de travail, et mettre au point une véritable capacité d'expertise et d'élaboration, qui doit s'exercer au cours du semestre européen.

Je suis d'accord avec le principe d'un discours sur l'état de l'Union et je regrette que la Convention n'ait pas retenu cette proposition.

J'en viens à la double casquette. Quand nous avons accepté le principe d'une présidence stable du Conseil européen, nous craignions d'adopter un système trop compliqué. Les plus allants se réjouissaient que rien n'interdise, dans le Traité de Lisbonne, que le président de la Commission puisse aussi être élu président permanent du Conseil européen. Cette possibilité existe.

Le Président Pierre Lequiller. J'ai défendu cette idée. J'ai même écrit un livre à ce sujet.

PermalienPervenche Berès, présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, rapporteure de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale

J'avais auparavant proposé la création d'un Monsieur Euro...

Aujourd'hui, le traité permet qu'un commissaire préside sinon l'ECOFIN, du moins l'Eurogroupe. Ce serait une bonne solution.

Le Président Pierre Lequiller. Dans ce cas, et à condition que les seize pays soient d'accord, le président de l'Eurogroupe ne serait plus un ministre des finances. Je ne suis pas persuadé que M. Juncker l'acceptera…

PermalienPervenche Berès, présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, rapporteure de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale

M. Juncker a certes été réélu mais il a été fortement contesté, ce qui a nui à son crédit. C'est à lui qu'il incombait de mener à bien le travail qu'accomplit M. Herman Van Rompuy.

Le Président Pierre Lequiller. À mon sens, on n'obtiendra pas un accord à l'amiable : il faudra un nouveau traité.

PermalienPervenche Berès, présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, rapporteure de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale

De toute façon, ce ne peut être une mesure d'application immédiate. En outre, s'il n'est pas certain qu'il faille envisager une nouvelle rédaction du traité, on ne peut s'interdire d'y réfléchir.

Le Président Pierre Lequiller. Bien sûr. La proposition doit figurer dans le rapport.

Je terminerai par une anecdote. J'avais proposé à la Convention de créer un président de l'Europe, en fusionnant les attributions du président de la Commission et celles du président du Conseil européen. Après quelques résistances, ma proposition a fait des adeptes, mais, un jour où je l'avais rencontré par hasard, M. Giscard d'Estaing m'expliqua que c'était une très mauvaise idée. Comme je lui objectai qu'il serait plus simple d'avoir un seul interlocuteur, il avoua : « Si le président de la Commission doit être jeune et dynamique, le président du Conseil doit être plutôt un homme d'expérience, qui a exercé des responsabilités importantes dans son pays... Vous me comprenez ? » Cependant, comme, au sein de la Convention, nous étions de plus en plus nombreux à soutenir cette initiative, et que la presse s'en mêlait, il accepta de retirer la phrase qui interdisait à un commissaire de porter la double casquette. Cette rédaction a été reprise dans le traité de Lisbonne. C'est pourquoi il est aujourd'hui possible, sans modifier le traité, que le président de la Commission préside également le Conseil européen.

Je vous remercie.

La séance est levée à 19 h 15