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Intervention de Pervenche Berès

Réunion du 30 juin 2010 à 17h30
Commission des affaires européennes

Pervenche Berès, présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, rapporteure de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale :

Si le projet de rapport se concentre sur les propositions, le diagnostic, lui, est sans concession. Cette crise ne peut être analysée à la seule aune de la crise des subprimes américains mais doit être replacée dans un cycle beaucoup plus long, d'une trentaine d'années, caractérisé par la financiarisation de l'économie et qui s'est soldé par la crise que l'on sait.

Notre mandat portait sur les trois dimensions de la crise, financière, économique et sociale, parce que chacune d'entre elles est importante. Sur le plan financier, un système bancaire de l'ombre s'est développé ainsi que des stratégies de placement à court terme sans rapport avec les besoins d'investissement à long terme de l'économie. Sur le plan économique, les déséquilibres mondiaux se sont accentués dès avant la crise sous l'effet de délocalisations et d'une demande intérieure, notamment américaine, stimulée par une politique monétaire laxiste et un endettement à outrance. Sur le plan social, l'évolution s'est traduite par une redistribution inégalitaire et des phénomènes d'évasion fiscale à l'avantage du capital et au détriment du travail.

Nos propositions s'articulent autour d'une vision européenne, à savoir la nécessité pour l'Union d'exercer de façon autonome les compétences qu'elle partage avec les Etats membres, en lui donnant une capacité d'action. En effet, l'Union a été efficace là où elle a pu mener des projets par elle-même. Je reprends l'idée développée par Tommaso Padoa-Schioppa selon laquelle, faute d'avoir accru les compétences propres de l'Europe, les coordinations qui s'y sont substituées se sont révélées très contraignantes pour les États membres – en termes de rapports à produire, de surveillance –, sans que les résultats soient toujours au rendez-vous. En cas de compétence partagée, l'Union n'a pas uniquement pour rôle de définir le cadre d'un marché intérieur à l'intérieur duquel les États membres développent leurs propres compétences. Elle doit disposer d'une compétence propre pour mener ses propres actions, d'autant que les compétences partagées, définies à l'article 4 du traité de Lisbonne, correspondent aux domaines où un besoin d'investissement à long terme se fait sentir – énergie, transports, infrastructures, environnement. Dès lors, le rapport part du postulat qu'il ne faut pas refaire ce qui avait été fait au milieu des années 1990, lorsque Jacques Delors avait proposé des projets d'infrastructures sans dégager de moyens financiers et budgétaires propres.

Dans cette perspective, nous balayons toute une série de propositions qui s'inscrivent dans le cadre de la négociation des prochaines perspectives financières, à laquelle je vous invite une nouvelle fois à vous associer. Je plaide d'ailleurs pour qu'une convention, permette en la matière un partage du travail qui sera déterminant pour l'avenir des politiques de l'Union et pour le rôle respectif de l'Union et des Etats membres. Nous plaidons aussi pour une taxation des transactions financières – au-delà de son rôle de régulation, elle pourrait dégager des moyens financiers très intéressants – ; pour un grand emprunt européen et pour une véritable taxe carbone à l'échelle de l'Union.

Nous nous prononçons également pour une mise à niveau de la gouvernance de l'Union économique et monétaire. Vous avez vu les conditions dans lesquelles le groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy a été mis en place. Son mandat, très étroit, se limite à quatre points : renforcement du pacte de stabilité, surveillance multilatérale, gestion des crises et gouvernance. Malheureusement, l'énoncé même traduit une erreur de méthode, et partant, une divergence de fond. Le pacte de stabilité n'a pas marché et il n'est ni l'alpha ni l'oméga de la crise. Celle-ci est due non pas à la dette souveraine mais à la gouvernance de la zone euro. L'idée qu'il faut, quand on partage une monnaie, une approche commune se résume à la notion de semestre européen. Elle laisse dans l'ombre la façon dont les parlements seront associés, ce qui est tout de même saugrenu quand il est question de budget, et laisse de côté les critères retenus par Jacques Delors dans son projet de pacte de coordination des politiques économiques.

Le projet de rapport fait l'objet de 1 625 amendements. C'est dire si la discussion sera animée. Cependant, la proposition faite au paragraphe 154 de calquer, s'agissant des questions économiques, l'architecture institutionnelle sur celle de la politique étrangère devrait emporter l'adhésion du Parlement européen dans la mesure où le responsable des questions économiques et monétaires aurait la double casquette – Commission et Conseil des ministres. Il pourra en outre articuler l'action des Vingt-sept et des seize membres de la zone euro tandis que l'expertise de l'Eurogroupe s'appuiera sur un appareil statistique et administratif plus étoffé que celui du Luxembourg.

La surveillance multilatérale doit prendre en compte les éléments à l'origine de la crise. Parmi eux, outre la gouvernance, on trouve quelque chose que les rédacteurs du traité de Maastricht n'avaient pas vu ou pas voulu voir : les écarts de compétitivité et les divergences entre les économies de la zone euro, que le pacte de stabilité aurait dû contribuer à résorber, se sont au contraire aggravés de façon considérable. Pour y remédier, le pacte de stabilité ne suffit pas, il faut tenir compte des réalités et adopter une approche plus intelligente.

En matière de régulation des marchés financiers, les résultats du G20 sont extrêmement décevants. La conclusion à en tirer, c'est que l'Union ne peut pas attendre des décisions à l'échelon international. Elle doit s'engager dans la voie d'une intégration des supervisions, dans l'esprit du rapport Larosière. L'objectif qu'elle doit viser de manière obsessionnelle, c'est un financement efficace de l'économie réelle avec des structures moins complexes, plus transparentes et plus responsables.

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