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Intervention de éric Labaye

Réunion du 15 juin 2010 à 17h00
Commission des affaires sociales

éric Labaye, secrétaire nationale de la Fédération syndicale unitaire, FSU :

Comme nous sommes encore en République, je vais continuer à dire ce que j'ai à dire.

Je ne vois pas ce qu'il peut y avoir d'offensant à regretter qu'il n'y ait pas un débat approfondi sur la question sociale de fond qu'est le temps de vie après la cessation d'activité, ni ce qu'il peut y avoir d'agressif à dire que les mesures qui vont être proposées par le Gouvernement ne servent pas l'intérêt des salariés et des retraités et que la crise pourrait être financée par ceux qui l'ont causée.

La FSU est opposée – et elle n'est pas la seule – à la première mesure emblématique du Gouvernement, à savoir la décision de repousser la borne des 60 ans. Outre qu'elle est inégalitaire et injuste, cette disposition ne prend pas en compte la réalité sociale d'aujourd'hui : beaucoup de salariés sont au chômage ou en invalidité avant cet âge, tandis que de nombreux jeunes sont contraints d'attendre plusieurs années avant de pouvoir entrer dans la vie active. Ces derniers vont être encore plus pénalisés. Il est donc faux de laisser croire que le recul de l'âge légal de départ à la retraite va améliorer le taux d'activité des salariés. Qui plus est, vous allez mettre en difficulté les salariés qui souffrent de gros problèmes de santé – dont le nombre va croissant à cause de l'intensification du travail – et aggraver, de ce fait, le déficit de la sécurité sociale, car ils ne « tiendront pas le coup » si leur activité est prolongée.

D'autre part, le report de l'âge d'ouverture des droits à la retraite va retarder le moment auquel s'annule la décote, ce qui pénalisera encore davantage les personnes qui ont eu des carrières heurtées, notamment les femmes. Celles-ci ont fortement pâti des réformes Balladur et Fillon. Elles seront à nouveau victimes, si la seconde borne d'âge est décalée car, ayant eu des carrières plus courtes et plus difficiles, il leur manquera encore davantage d'années de cotisation.

Le raisonnement selon lequel il faudrait travailler plus longtemps parce qu'on vit plus longtemps relève d'un faux bon sens. Cela va contre les progrès qui nous permettent de vivre plus longtemps et ce n'est pas raisonnable quand nous n'arrivons pas à offrir à nos jeunes des débuts de carrière convenables. C'est donc prendre le problème à l'envers.

L'accroissement du nombre de personnes âgées nécessite de revoir le financement des retraites. Or, rien n'est réellement proposé à ce sujet par le Gouvernement. C'est une des batailles que nous menons, avec d'autres organisations. Nous prônons l'élargissement des cotisations à la valeur ajoutée des entreprises, la taxation des revenus financiers et des stock-options, et la révision des exonérations de cotisations sociales, qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité. Comme on peut raisonnablement compter sur une augmentation du produit intérieur brut dans les prochaines années, du fait d'une élévation de la productivité, d'une démographie plus favorable chez nous que chez nos voisins et d'un possible accroissement de la population active avec l'apport des femmes – quoi qu'en dise le Conseil d'orientation des retraites – et des immigrés, il ne nous paraît pas illégitime de considérer qu'une part plus importante du PIB pourrait être consacrée aux retraites. Ce n'est pas le choix qui est fait pour l'instant, et nous le regrettons.

Il est question de prélever un peu sur les revenus supérieurs à 11 000 euros ou de mettre en place une nouvelle tranche d'imposition. Nous estimons que cela irait dans le bon sens, d'autant que nous demandons la suppression du bouclier fiscal. Il est, en effet, étonnant qu'on fasse payer la crise aux salariés pendant que les plus riches, dont certains ont spéculé, sont exonérés de toute solidarité.

Quand on ne veut pas aborder la question du financement, on présente des mesures d'un autre ordre comme inévitables. Nous maintenons, nous, qu'il existe des solutions pour ce financement, tout comme il y a d'autres mesures à prendre que celles qu'on annonce.

Nous souhaitons, par exemple, que la pénibilité soit prise en compte. Nous regrettons que, alors que des critères de pénibilité ont été établis après de longues discussions, le Gouvernement propose de régler au cas par cas la situation des salariés ayant eu des carrières difficiles – travaux pénibles, horaires décalés – en les obligeant à passer une visite médicale pour éventuellement anticiper leur départ à la retraite, alors que cela fait des années qu'ils souffrent de leurs conditions de travail.

Nous réclamons le rétablissement, dans la fonction publique, de la cessation progressive d'activité, selon les modalités en vigueur avant la loi de 2003. Alors qu'elle permettait une bonne transition entre activité et retraite, sa modification par la loi Fillon a rendu très difficiles certaines fins de carrière.

Nous demandons également la prise en compte des années d'études pour les étudiants, les apprentis et les jeunes en formation. La richesse d'un pays, sa capacité à investir sont liées au degré de qualification ; et donc de formation, de ses citoyens. Il est donc juste qu'un pays prenne en compte cette formation. Les travailleurs de trente ans valident aujourd'hui beaucoup moins d'années qu'il y a dix ans. Si cela continue, jusqu'à quel âge devront travailler nos enfants et nos petits-enfants pour avoir une retraite complète ? Cette validation des années de formation est au reste une demande d'autres organisations syndicales.

Nous souhaitons, pour les femmes fonctionnaires, le rétablissement de la bonification d'un an par enfant, supprimée par la loi Fillon. Deux faits nouveaux légitiment cette demande, pour laquelle nous nous battons sans relâche. D'une part, le Gouvernement a dû revoir la question dans le régime général, instituant la majoration de durée d'assurance (MDA). D'autre part, nous avons trouvé des arguments permettant de faire face aux injonctions de la Commission européenne : la Nation ne peut pas se glorifier des enfants que les mères lui donnent et considérer qu'elle n'a plus d'égards à avoir envers elles une fois que ces enfants sont grands.

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