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Intervention de Christian Bataille

Réunion du 5 mai 2010 à 15h00
Engagement national pour l'environnement — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Bataille :

Mon propos s'articule avec celui de M. Birraux puisque nous avons cosigné – et ce n'est pas la première fois – un rapport au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, concernant un point spécifique de la mise en oeuvre de la nouvelle réglementation thermique, à savoir la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre.

Le Gouvernement a ouvert un dossier, décidé d'aller vers la construction à basse consommation d'énergie, ce qui est une bonne chose. Encore faut-il maintenant passer des idées générales aux actes concrets. Et c'est au niveau de ces actes concrets que l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n'est pas très satisfait de ce qui est en train de s'organiser.

Notre office s'est intéressé aux aspects concrets et est allé sur le terrain, à l'étranger, mais aussi en France. En fait, le Gouvernement et les commissions attendaient de notre rapport qu'il permette de résoudre la difficulté créée par la fixation d'une norme sévère en énergie primaire, à savoir 50 kilowattheures par mètre carré et par an, c'est-à-dire un effort de division par deux pour le gaz, et par quatre pour l'électricité.

L'office a travaillé beaucoup et rapidement pour essayer de trouver une solution constructive et a conclu que le mieux était de jouer le jeu à fond, mais en équilibrant les contraintes : pas d'échappatoire factice pour l'électricité, donc pas de manipulation du coefficient de conversion, mais un renforcement de la contrainte pour le gaz, à des fins de rééquilibrage de la contrainte, sous la forme d'un plafond d'émission de CO2.

L'idée est de pousser tout le monde à faire des efforts de développement technologique, en maximisant le recours aux énergies renouvelables. La pompe à chaleur, dont il existe des prototypes fonctionnant au gaz, est un outil symbolique du recours aux énergies renouvelables, car elle permet d'aller chercher des calories dans l'environnement immédiat du bâtiment : l'air, le sol, bientôt les eaux usées.

Mais toute la démarche d'exigence repose sur une certaine justice dans la répartition de l'effort demandé aux uns et aux autres. Si les règles du jeu sont très contraignantes pour certains, et beaucoup plus souples pour d'autres, il sera bien difficile d'obtenir que tous se mobilisent vraiment. C'est un principe général de la dynamique économique : la mobilisation des acteurs est plus importante, plus efficace pour l'innovation, en cas de concurrence non faussée.

Or que s'est-il passé ? Comme l'a rappelé à l'instant Claude Birraux, toutes nos préconisations d'exigence au service de la construction à basse consommation ont été retenues, à l'exception d'une seule, emblématique : la fixation d'un plafond d'émission de CO2. Pour l'instant, cela aboutit à un total déséquilibre du dispositif.

Qu'on m'entende bien, nous ne nous inscrivons pas dans une démarche partisane. Il convient d'abord de rendre justice au Gouvernement d'avoir bien compris l'esprit de l'ensemble de nos recommandations, qui sont toutes au service de la réussite de la mise en oeuvre de la construction à basse consommation. À cet égard, je signale d'ailleurs que le Gouvernement nous a mieux compris que d'autres qui aiment à se poser en donneurs de leçons. Il est bien entendu que, si nous avons appelé l'attention sur le besoin d'anticiper les risques de canicules futures au stade de la construction, c'est justement pour éviter la sottise du recours massif aux climatiseurs électriques lorsque les canicules surviennent, et pas pour étendre le marché des climatiseurs.

Ensuite, il ne s'agit pas de contester le rôle essentiel que joue l'approvisionnement en gaz de notre pays. C'est une conquête de la nationalisation de 1946 et, en général, les élus oeuvrent à étendre la couverture du réseau gazier à de nouvelles zones urbaines. L'idée est de choisir la technologie la mieux adaptée dans chaque cas. Et, dans de nombreux cas, le gaz est une excellente solution. Nos voisins allemands et suisses utilisent couramment le gaz dans leurs constructions à basse consommation.

Ici, il s'agit de l'équilibre des contraintes imposées aux acteurs concernés avec une concurrence équitable. Nous avons pu vérifier que toutes les professions se mobilisent activement dans le secteur du bâtiment pour réussir ce passage à une nouvelle philosophie de la construction tournée vers une mise en oeuvre de meilleure qualité, pour améliorer la performance énergétique.

Il nous apparaît incompréhensible que, dans ce contexte très favorable aux adaptations réglementaires, le Gouvernement s'oppose à l'idée d'un plafond d'émission de CO2 qui n'a pour but que d'équilibrer les contraintes entre les sources d'énergie. Ce refus est d'autant plus surprenant que la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre est un enjeu majeur du Grenelle de l'environnement et qu'il s'agit là d'un levier d'action très symbolique.

Nous sommes prêts à comprendre qu'il peut y avoir des difficultés de mise en oeuvre. On nous dit qu'il faut d'abord étudier tous les cas, expérimenter en grandeur réelle, ce que nous pouvons admettre bien volontiers. On nous dit que les méthodes de calcul des émissions ne sont pas bien stabilisées, qu'il faut les consolider. Soit. On nous dit que cela prendra plusieurs années. On comprend déjà moins pourquoi il faudrait attendre 2020, c'est-à-dire une décennie entière.

Mais, quand on découvre que finalement, à lire le projet de loi tel qu'il nous est présenté, l'obligation se limiterait, en 2020, au suivi d'un indicateur d'émission de CO2, alors on ne comprend plus !

C'est pourquoi nous présentons un amendement prévoyant effectivement une norme d'émission de CO2. Il est regrettable que cette norme n'entre pas en vigueur en même temps que la norme d'énergie primaire.

Si l'objectif d'une norme de CO2 est inscrit dans la loi, cela fixera les anticipations, aussi bien pour la recherche technologique que pour les promoteurs. Et le rééquilibrage des contraintes par la restauration d'un climat de justice aura un certain effet.

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