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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 24 février 2010 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Je salue le sérieux et l'exhaustivité du travail effectué par Françoise Guégot, qui permet de poursuivre un dialogue engagé dans le cadre de la mission d'information sur la formation tout au long de la vie dont elle fut rapporteure. Je constate en premier lieu qu'il y a une volonté forte de trouver toutes les pistes possibles d'amélioration de l'orientation, mais je pense qu'il convient au préalable de s'interroger sur les raisons pour lesquelles le système ne fonctionne pas bien actuellement. Il y a, en effet, un problème spécifique au système français qui, on le dit souvent, comporte autant de systèmes d'orientation que de systèmes de formation parce que ce sont les systèmes de formation qui ont généré, pour « s'approvisionner », leurs systèmes d'orientation. Il s'agit par conséquent d'une négation de l'orientation, puisque la structure qui est censée vous orienter est déjà, d'un certain point de vue, rattachée à une filière de formation. On est donc dans l'orientation au sens quasiment géographique du terme et l'on cherche à se repérer dans le maquis de l'Éducation nationale, de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), de l'enseignement agricole, etc. Ce que l'on pourrait attendre de l'orientation et qui manque cruellement au système français, c'est l'éducation au choix, notamment pour les plus jeunes.

En second lieu, nous appelons tous de nos voeux la mise en place d'un service public de l'orientation, mais je pense que nous n'en prenons pas tout à fait le chemin. Le Gouvernement favorise, en effet, les opérateurs privés dans l'accompagnement. Or, l'orientation est un service dont nous devons décider si c'est un service ouvert à tout le monde. Dans le cadre de la directive services, ce service est ouvert à tous et nous faisons d'ailleurs une application très libérale de la directive, même si nous le faisons de manière un peu souterraine, tout en réclamant, la main sur le coeur, le développement d'un service public. Je pense qu'il y a là une contradiction potentielle. Sur le terrain, se développe d'ailleurs une offre complètement privée, comme s'est développé l'accompagnement scolaire privé, avec par exemple Acadomia, d'où le risque de création d'un système à deux vitesses, dont il convient d'être conscient.

Troisièmement, je pense qu'il faut distinguer, non pas de manière étanche, ce qui ressort de l'orientation scolaire de ce qui relève de l'orientation professionnelle tout au long de la vie. Il doit certes y avoir un continuum, mais je pense que l'on traite là de deux sujets différents. Dans l'orientation scolaire, notamment chez les jeunes enfants, il s'agit essentiellement de repérer les difficultés le plus tôt possible et c'est un métier spécifique que d'identifier les causes de ces difficultés (sociales, cognitives, comportementales etc.) et d'éduquer aux choix. S'agissant de l'orientation professionnelle tout au long de la vie, on est davantage dans une réflexion sur un choix de métier, sur les filières porteuses. Dans ce domaine, je pense, comme le Président Méhaignerie, qu'il convient d'adopter une démarche pragmatique qui combine des approches par filière et par branche, mais aussi des approches territoriales.

Par ailleurs, je pense qu'il convient de s'interroger sur notre système, notamment éducatif, qui comporte deux spécificités : la tyrannie du diplôme et la toute-puissance de l'Éducation nationale, que je ne critique pas mais qui contribuent à surdéterminer le modèle. Sociologiquement, la formation est devenue un capital familial. L'enjeu est de pousser les enfants le plus loin possible dans le système éducatif, afin qu'ils décrochent le meilleur diplôme : si ce n'est pas une grande école, ce sera l'université et ainsi de suite. L'orientation se fait donc par l'échec, parce que notre système fait du diplôme une sorte de talisman. Il en va autrement dans d'autres pays et de ce point de vue, je souligne que nous sommes un peu dans la même situation que le Japon avec les mêmes conséquences, à savoir un taux de suicide particulièrement élevé chez les jeunes. Je pense qu'il convient d'aller vers un système beaucoup plus fluide, qui serait également plus porteur économiquement, et c'est précisément l'objectif de l'orientation et de la formation tout au long de la vie, avec des possibilités accrues d'aller-retour entre la formation et l'emploi et une moindre focalisation sur le diplôme. À cet effet, il est souhaitable de développer la notion de formation initiale différée, sur laquelle les partenaires sociaux réfléchissent, afin de créer plus de souplesse et de passerelles dans le système.

Pour conclure, je rejoins le Président Pierre Méhaignerie : tout n'est pas affaire de législation. Il faut également s'intéresser aux bonnes pratiques qui doivent être ancrées dans les territoires. Les plates-formes Internet sont certes utiles, mais elles ne constituent que des supports d'orientation qui ne sauraient se substituer à l'acte d'orientation et ce n'est pas un « super service Internet » qui va révolutionner complètement le système. C'est un mythe qui pourrait nous induire en erreur.

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