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Intervention de Irina Bokova

Réunion du 10 février 2010 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Irina Bokova, directrice générale de l'UNESCO :

Je suis très honorée de me trouver parmi vous aujourd'hui.

Permettez-moi tout d'abord de rappeler que, depuis la création de l'UNESCO il y a plus de soixante ans, l'excellence des relations entre notre Organisation et son pays hôte, la France, ne s'est pas démentie. J'ai à coeur de renforcer encore cette proximité de pensée et d'action. Depuis ma prise de fonctions, j'ai déjà eu un nombre important de rencontres avec des personnalités politiques françaises, parmi lesquelles Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, et M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Ces rencontres nous ont permis de stimuler le partenariat de qualité qui lie la France et l'UNESCO dans bien des domaines. Nous partageons le même engagement en faveur du multilatéralisme, seule manière de répondre aux défis de l'époque.

Plus d'un demi-siècle après la création de l'UNESCO, il est étonnant de constater à quel point son Acte constitutif demeure actuel. Permettez-moi de citer un bref extrait de notre texte fondateur : « Une paix fondée sur les seuls accords économiques et politiques des gouvernements ne saurait entraîner l'adhésion unanime, durable et sincère des peuples [...], par conséquent, cette paix doit être établie sur le fondement de la solidarité intellectuelle et morale de l'humanité. »

La crise actuelle, multiforme, ne laisse personne indemne. J'ai l'intime conviction que, si l'état de vulnérabilité de notre monde nous impose de repenser les fondations du système en vigueur, le dynamisme de notre temps nous donne l'espoir de trouver les réponses adéquates.

C'est ma vision d'un nouvel humanisme, qui s'est façonnée au fil de mon parcours international et diplomatique. Par l'histoire de mon pays, la Bulgarie, multiculturel, multiethnique et multi-religieux, et par mes missions dans le monde, j'ai acquis la certitude que le développement, l'éducation, un autre regard vers la nature et le changement climatique, l'accès à l'éducation, le respect de la diversité et l'égalité des sexes sont au coeur de l'humanisme d'aujourd'hui. Le mandat de l'UNESCO porte sur tous ces objectifs ; c'est donc, en soi, un programme humaniste.

Revoir l'ordre de priorité de nos valeurs est une urgence absolue. Comme l'a exprimé le grand intellectuel Joseph Ki Zerbo, « le monde des valeurs est une immensité qui dépasse de loin le monde matériel. »

L'une de ces valeurs fondamentales, c'est la solidarité. Elle s'est manifestée dans toute sa force à la suite du terrible séisme qui a frappé Haïti le 12 janvier. Nous avons tous réagi immédiatement. Dans les heures qui ont suivi le cataclysme, l'UNESCO a créé une cellule de crise ; je vous exposerai tout à l'heure l'action concrète mise en oeuvre par l'UNESCO pour reconstruire l'enseignement et la culture en Haïti.

De manière générale, je veux que l'UNESCO donne un nouvel élan à la solidarité internationale ; je suis persuadée que nous n'avons pas d'autre moyen de penser et d'agir face aux immenses défis auxquels nous sommes confrontés.

Pour moi, le second pilier de l'humanisme du XXIe siècle, c'est la tolérance, c'est-à-dire le respect de l'autre, des autres. Cela signifie qu'il faut connaître et comprendre – comment peut-on respecter ce que l'on ignore ?

La paix n'est pas un concept idéalisé. Elle se décline en actions pragmatiques, et l'on tend vers la paix en mettant en oeuvre des projets concrets qui apportent des solutions sur le terrain. Cette paix aux accents réalistes se construit jour après jour.

Or, toutes les questions auxquelles notre société planétaire doit apporter des réponses sont liées : on ne peut dissocier illettrisme, pauvreté, réchauffement climatique, difficultés économiques et perte de biodiversité. Une approche multidisciplinaire est nécessaire, et l'UNESCO est l'unique agence des Nations Unies ayant un mandat pluriel, qui lui permet d'aborder ces défis de manière intégrée, en utilisant son savoir-faire et son expérience dans quatre domaines précis : l'éducation, la science, la culture et la communication.

C'est pourquoi, dès mon entrée en fonctions, j'ai déployé tous mes efforts pour redonner à l'UNESCO une place stratégique au sein du système des Nations Unies. Mes rencontres avec le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, il y a deux semaines, et avec de nombreuses autres personnalités telles que M. Dominique Strauss-Kahn au Fonds monétaire international et Mme Helen Clark au Programme des Nations Unies pour le développement, m'ont permis de mener à bien cette action. Je porte haut et fort le message que le développement est un processus holistique dont l'éducation, la science et la culture sont des composantes incontournables.

Je me concentrerai aujourd'hui sur l'éducation et la culture. L'éducation doit être au centre de la relance économique et de toutes les politiques de développement. L'éducation pour tous est la priorité de notre Organisation, agence pilote dans ce domaine au sein des Nations Unies. L'éducation est un droit fondamental, et c'est le moyen le plus puissant pour parvenir à réduire la pauvreté.

Le mois dernier, à New York, j'ai présenté aux côtés de Ban Ki-moon le rapport mondial de suivi sur l'éducation pour tous. La conclusion en est malheureusement que nous sommes loin d'avoir atteint nos objectifs pour l'éducation de base. J'ai donc la ferme intention de renforcer notre plaidoyer à ce sujet auprès des donateurs, en particulier le G8 et le G20.

Une autre de mes priorités absolues est de mettre résolument l'accent sur l'éducation des filles. L'égalité entre les sexes est pour moi un objectif central. Les femmes représentent la moitié de l'humanité et le monde a besoin de toute la puissance de leur contribution à l'avancement de la société. Or le dernier rapport mondial montre que le monde compte 760 millions d'analphabètes, dont les deux tiers sont des filles et des femmes. Il y a là un immense défi à relever.

J'en viens à la culture. Comme vous le savez, l'UNESCO privilégie une vision de la culture à la fois réaliste et large, sans a priori. La culture émane de chacun de nous, elle est multiple, en perpétuel devenir et non hiérarchisée. Dans le domaine de la culture, le rôle de l'UNESCO est très vaste. Il couvre à la fois le passé et le présent, la protection des bâtiments, celle du patrimoine immatériel et des langues, la promotion et le développement des industries culturelles et de la création contemporaine. Comme je vous l'ai dit, j'entends également parvenir à ancrer fermement la culture au coeur du développement.

Pour mettre en oeuvre ces actions multiples, l'UNESCO est à la fois sur le terrain de la recherche et de l'échange et sur le terrain du droit. Nous disposons d'un socle très solide d'instruments juridiques internationaux qui couvrent la plupart des domaines de protection de la culture. La Convention du patrimoine mondial de 1972, celle du patrimoine immatériel de 2003 ou celle qui concerne les expressions culturelles de 2005, pour n'en citer que trois, constituent des outils très importants qui, une fois ratifiés, ont force de loi. Je continuerai de promouvoir avec vigueur l'application de ces instruments juridiques.

Notre Organisation attache par ailleurs une très haute importance à la protection de la diversité culturelle, la somme incomparable de toutes les expressions culturelles du monde. C'est une richesse de tous les temps et de tous les lieux qui fondent notre mémoire. La diversité culturelle, c'est la cohérence de l'humanité. Pour la première fois, l'UNESCO a élaboré un rapport mondial sur la diversité culturelle, intitulé Investir dans la diversité culturelle et le dialogue interculturel, dont le lancement officiel aura lieu dans les semaines à venir. C'est un essai novateur pour élaborer des indicateurs sur la diversité culturelle. Un résumé de ce rapport est à votre disposition.

J'ai enfin la conviction que le dialogue est un puissant antidote aux méfiances et aux stigmatisations. Je lancerai dans quelques jours l'Année internationale du rapprochement des cultures, précisément dans le but d'engager des échanges qui aideront les peuples et les cultures à mieux se comprendre et à amorcer un virage en direction de la paix. J'ai également créé un Haut panel sur la paix et le dialogue entre les cultures ; sa première réunion, qui aura lieu le 18 février, tend à ouvrir de nouvelles voies vers la paix au XXIe siècle.

Mesdames et messieurs les députés, vous qui avez un rôle privilégié à jouer pour faire passer des messages et des lois, je vous engage à soutenir les idéaux de l'UNESCO et je vous en remercie. Je sais que la France, pays de la liberté et des droits de l'homme, et l'UNESCO, agence pour l'éducation, la science, la culture et la communication au service de la paix, vont poursuivre leur action conjointe, forts de liens resserrés et d'une vision partagée.

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