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Intervention de Serge Simon

Réunion du 16 février 2010 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Serge Simon, ancien joueur de rugby :

J'ai une vision très noire de la profession d'agent.

Lorsqu'il y a une dizaine d'années j'ai été le créateur du syndicat des joueurs professionnels de rugby, à une époque où le rugby professionnel se structurait avec l'apparition de la Ligue, le football, dans cette aventure exaltante, nous a servis à la fois d'exemple et de repoussoir.

Les agents sont arrivés très vite dans le rugby, même si les flux financiers étaient moins importants qu'ailleurs, et très vite, on s'est demandé comment s'en débarrasser ! En effet, il n'y a pas d'agents honnêtes, ou en tout cas ils ne sont pas majoritaires. Ils sont dans un système où il y a beaucoup d'argent, et en cherchant eux-mêmes à multiplier les transactions, car chaque changement de club pour un joueur est synonyme pour eux de commission, ils ont fini par être des agents de dérégulation. Beaucoup de choses pourraient être racontées sur les montages et l'ingéniosité des agents en la matière ! Pour être médecin, je dirais même qu'ils nous ont conduits à rechercher comment nous immuniser contre eux !

Jacques Monclar a cependant raison : il y a un besoin d'agents. Si ces derniers se sont installés avec force dans le football, puis dans le rugby et tous les sports, c'est parce que les sportifs, outre qu'ils sont avides, n'ont ni le temps ni le savoir pour gérer des millions d'euros. Aussi préfèrent-ils que quelqu'un s'en occupe à leur place.

Mais si j'ai mis du temps à comprendre qu'il était illusoire de vouloir lutter contre l'existence des agents, peut-être serait-il intéressant de proposer un service interne propre à chaque discipline, qui réponde à une partie de la demande, à savoir le placement. Cette structure internalisée, que je n'ai pas réussi à instaurer, pourrait s'occuper du joueur, en lui donnant des conseils. Mon successeur a d'ailleurs mis en place cette année une expérience pilote concernant les moins de dix-neuf ans : une cellule de placement propre au Syndicat propose une alternative gratuite, neutre pour conseiller les joueurs à propos du renouvellement de leur contrat et de la recherche d'autres clubs. Car un des grands pouvoirs des agents, c'est la captation de l'information – les joueurs sont obligés de les écouter – outre le fait qu'ils sont également en quelque sorte les DRH des clubs – ce qu'entérine la loi puisque ce sont les clubs qui les paient. Dans ce système, l'intérêt des joueurs n'existe pas.

Le rugby professionnel va ainsi s'occuper de trente joueurs de moins de dix-neuf ans cette année, puis de soixante l'année prochaine et de cent dans trois ans. Dans le monde du rugby, les agents représentent un coût global de 5,5 millions d'euros pour les clubs. Même s'il s'agit d'une petite somme par rapport à d'autres sports, le législateur ne pourrait-il pas plutôt offrir une alternative aux jeunes en imposant la mise en place dans les sports professionnels d'une offre de services gratuite, neutre et répondant à l'intérêt des joueurs ?

On ne peut plus combattre les agents car le pli est pris, mais une autre réponse institutionnelle peut être apportée. Le football américain l'a fait, conscient que ces agents de dérégulation mettaient en danger l'ensemble de la structure professionnelle alors que celle-ci a besoin de stabilisation.

S'agissant de la proposition de loi, la disposition relative à la rémunération des agents par les clubs légalise simplement la pratique – condamnée à l'époque par le Syndicat, mais malheureusement incontournable. Qu'elle soit encadrée et s'exerce dans la plus grande transparence possible est en tout cas une bonne chose. Enfin, la protection des mineurs est également primordiale.

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