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Intervention de Bruno Bezard

Réunion du 13 janvier 2010 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Bruno Bezard, directeur général de l'Agence des participations de l'état :

Merci pour votre invitation, même si je me sens le moins compétent de cette salle pour parler du sujet : l'AFP ne fait pas partie du périmètre dont j'ai la responsabilité à l'Agence des participations de l'État (APE). Cela dit, je suis sans doute à même de vous livrer quelques remarques générales inspirées des enseignements que nous pouvons tirer, quelques années après la mise en place de l'APE, du rôle de l'État actionnaire.

Vue de très loin, c'est-à-dire depuis l'APE, l'AFP est une entreprise : elle a des clients, des concurrents et des projets de développement. Comment l'État, en tant qu'actionnaire, s'occupe-t-il de « ses » entreprises ?

Vous vous demandez comment promouvoir un projet d'entreprise pour l'AFP, comment développer celle-ci dans un environnement économique particulièrement difficile et changeant, et comment adapter sa gouvernance tout en préservant l'un de ses actifs principaux, sinon le principal : son indépendance éditoriale.

Quel est le rôle d'un actionnaire ? Je sais que vous en avez débattu, pour avoir lu certains de vos comptes rendus, qui étaient très intéressants. Il est frappant de constater que l'AFP n'a pas d'actionnaires. Pour moi, une entreprise sans actionnaires est un peu orpheline.

L'APE est une structure placée sous l'autorité de Christine Lagarde. Elle est en charge des entreprises de tous secteurs, dans lesquelles l'État a une participation, qui va de 1 % à 100 % : EDF, Gaz de France-Suez, Areva, La Poste, France Télévisions et bien d'autres…

Un actionnaire est d'abord un interlocuteur et un partenaire, et pas une tutelle administrative. Voilà pourquoi, toute la journée, nous recevons les dirigeants de nos entreprises pour les aider à voir comment ils pourraient développer celles-ci. Cette semaine, nous en avons rencontré une dizaine pour discuter d'acquisitions.

Un actionnaire apporte certes des moyens à l'entreprise. Mais son rôle est bien plus vaste. Nous essayons d'être un partenaire : les entreprises viennent nous voir pour discuter de leur développement et de leurs projets. Les patrons ne viennent plus, comme il y a cinq ou six ans, obtenir un vague coup de tampon, un vendredi soir, parce qu'il faut bien passer par le guichet administratif de la tutelle. La situation a beaucoup changé ; il suffit de consulter le « rapport sur l'État actionnaire », publié tous les ans à l'adresse du Parlement, pour s'en rendre compte.

Nous nous intéressons beaucoup au fonctionnement des conseils d'administration. Pour nous, la gouvernance est une des clés du succès d'une entreprise, qu'elle soit publique ou privée. Il n'y a d'ailleurs pas de leçon à recevoir du secteur privé. Il y a des entreprises de très bonne gouvernance dans le secteur public et de très mauvaise gouvernance dans le secteur privé – et inversement. Le rôle du conseil d'administration et son bon fonctionnement sont fondamentaux. Évitons les conflits d'intérêt et faisons en sorte que les membres du CA ne se préoccupent que du développement de l'entreprise concernée.

Une entreprise progresse mieux si elle peut s'appuyer sur un actionnaire responsable, dans un esprit de responsabilité mutuelle. Et ce n'est pas manier la « langue de bois » que de dire cela, c'est du concret : un actionnaire responsable est un actionnaire qui, quotidiennement, se préoccupe du développement de son entreprise.

Être un actionnaire fort et responsable n'est pas incompatible avec l'exercice de missions de service public importantes pour le pays ni avec l'indépendance éditoriale ; il revient au Parlement d'organiser tout cela. Au reste, une partie des grandes entreprises dont nous nous occupons ont de très importantes missions de service public. Nous essayons précisément de faire en sorte que notre présence, en tant qu'État actionnaire, contribue à rendre ces entreprises encore meilleures dans l'exercice de ces missions. Nous signons avec elles des contrats, en nous appuyant sur des indicateurs précis, pour vérifier qu'elles respectent bien leurs obligations.

Telles sont les premières réflexions que je voulais partager avec vous. Ce sont des réflexions générales qui peuvent, à mon sens, s'appliquer au cas précis de l'AFP.

En conclusion, aucune entreprise dans le monde, qu'elle soit publique ou privée, ne peut se priver d'un actionnaire stable – c'est-à-dire de long terme – et responsable – c'est-à-dire qui se préoccupe du développement de l'entreprise, non pour la fin du trimestre, mais pour les cinq ou dix prochaines années –, qui joue son rôle d'interlocuteur. Moins qu'une affaire de « carnet de chèques », c'est une affaire de dialogue stratégique sans laquelle une entreprise ne peut pas se développer.

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