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Intervention de André Schneider

Réunion du 16 décembre 2009 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Schneider, rapporteur :

Alors que le montant des prestations sociales versées à l'étranger ne cesse de croître, les Etats membres de l'Union européenne ont insuffisamment pris en compte, lors de la révision en 2004 du règlement qui coordonne les systèmes nationaux de sécurité sociale, la fraude transnationale aux prestations et aux cotisations.

L'accord du 17 novembre 2008 entre la France et la Belgique pour le développement de la coopération et de l'entraide administrative en matière de sécurité sociale, après celui signé avec la République tchèque, illustre la volonté française de combler les lacunes de la législation communautaire par la conclusion d'accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité sociale avec les autres Etats membres.

Comme vous le savez, le droit communautaire prévoit une coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale, plutôt qu'une harmonisation des législations des Etats membres.

Cette coordination a été mise en oeuvre en 1971 par l'adoption du règlement (CEE) n° 140871 du Conseil. Ce dernier a fait l'objet de nombreuses modifications jusqu'au règlement (CE) n° 8832004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 qui sera applicable à compter de l'entrée en vigueur du nouveau règlement d'application, prévue au printemps 2010.

Les règlements en matière de sécurité sociale reposent sur les principes suivants :

– l'égalité de traitement : toutes les personnes résidant sur le territoire d'un État membre sont soumises aux obligations et admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ;

– l'unicité de législation : la personne assurée est soumise à la législation d'un seul État membre, celui dans lequel elle exerce une activité professionnelle. Des règles particulières s'appliquent pour les fonctionnaires ainsi que pour les travailleurs exerçant une activité salariée ou non salariée dans plusieurs États membres ;

– la totalisation-proratisation, c'est-à-dire l'acquisition de droits aux prestations dans un Etat membre en faisant appel, si nécessaire, aux périodes d'assurance accomplies dans un autre Etat ;

– la conservation des droits acquis.

Les dispositions des règlements concernent toutes les branches classiques de la sécurité sociale et bénéficient à tous les ressortissants d'un État membre qui sont ou ont été couverts par la législation de sécurité sociale de l'un des États membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants. Le champ d'application a été étendu par le nouveau règlement aux régimes légaux de préretraite et aux personnes non actives.

Celui-ci comporte également toute une série de mécanismes visant à garantir le bon fonctionnement et la collaboration accrue entre les États membres et leurs institutions en matière de sécurité sociale.

Cette préoccupation trouve également un écho dans la résolution du Conseil du 22 avril 1999 qui définit un code de conduite pour une meilleure coopération en matière de lutte contre la fraude transnationale.

S'inspirant du code de conduite européen et fort du constat que le nouveau règlement ne propose pas d'outils pour lutter contre la fraude, les deux Etats ont décidé de se doter d'un dispositif pour assurer le respect des règles communautaires. A ce jour, seul un accord bilatéral permet l'exercice des contrôles prévus par la législation sociale d'un Etat membre lorsque les bénéficiaires résident ou travaillent hors du territoire de cet Etat.

L'accord franco-belge que nous examinons aujourd'hui constitue le deuxième exemple – après l'accord avec la République tchèque du11 juillet 2008 – de la détermination française à lutter contre la fraude sociale transnationale. Il est en effet prévu de conclure des accords similaires avec les autres Etats membres de l'Union européenne.

Par cet accord, la France et la Belgique se dotent des moyens juridiques nécessaires à une coopération renforcée en matière de sécurité sociale.

L'article 5 détermine les principes généraux de la coopération (obligation d'assistance mutuelle, principe de gratuité de l'entraide administrative, authenticité des documents fournis). L'institution compétente doit ainsi répondre à une demande d'information, au plus tard dans les trois mois.

Principale innovation, l'article 6 prévoit la transmission de fichiers de données à des fins d'exploitation et de rapprochement en vue de la constatation de fraudes, abus ou erreurs en matière de prestations, de cotisations ou d'assujettissement.

La communication des données obéit au régime juridique relatif à la protection des données à caractère personnel dont les principales dispositions sont rappelées par l'article 7.

La coopération s'exerce dans quatre domaines :

– les prestations : en vertu de l'article 9, un organisme de sécurité sociale amené à contrôler la résidence d'une personne qui, sur cette base, soit bénéficie d'une prestation sociale soit est affiliée à sa législation, peut interroger une institution de l'autre État afin de s'assurer de la qualité de résident de ladite personne.

L'organisme peut également, aux termes de l'article 10, interroger l'institution de l'autre État pour vérifier les ressources d'une personne soumise à la législation de son État afin de contrôler l'assiette des cotisations et contributions dues à ce titre. Ce contrôle peut également être opéré en cas d'octroi de prestations sous conditions de ressources.

La réalisation d'un contrôle en vue de vérifier l'absence de cumul de prestations lorsque ce cumul est interdit peut donner lieu à un échange d'informations entre institutions (article 11).

L'article 13 prévoit la saisine d'un organisme de sécurité sociale de l'autre État au stade de l'instruction d'une demande d'octroi d'une prestation sociale afin de vérifier que l'intéressé(e) remplit bien les conditions posées.

Conformément à l'article 14, les informations recueillies dans le cadre de la coopération entre institutions des deux parties peuvent justifier le refus, la suspension ou la suppression d'une prestation.

– l'assujettissement : l'article 15 prévoit qu'une convention fixe les règles de saisine des organismes compétents en matière de détachement aux fins de vérification des éléments permettant l'octroi des formulaires nécessaires au détachement.

– le recouvrement des cotisations et la répétition de prestations indues : l'article 18 prévoit les procédures de reconnaissance et d'exécution des décisions relatives aux prestations indûment versées ou aux cotisations non acquittées.

– les contrôles : l'article 19 énonce les principes de soutien et d'assistance mutuels dans les actions de contrôle, ceux-ci pouvant se traduire par un échange d'agents.

L'étude d'impact, sans toujours faire preuve d'une grande précision, met en avant les conséquences de l'accord sur plusieurs plans en soulignant principalement le bénéfice escompté de ce nouvel outil de lutte contre la fraude sociale.

En matière administrative, la mise en place de la coopération facilitera à terme la tâche des institutions compétentes dans les deux pays mais nécessite un important travail préparatoire.

En matière financière, l'étude indique l'impossibilité d'évaluer les conséquences d'un accord qui doit cependant permettre de limiter les fraudes.

Au titre de l'année 2008, le montant des créances de soins de santé présentées à la Belgique en application des règlements a été de 111 977 500 €. Le montant des dettes notifiées a atteint 68 586 400 €.

En matière de lutte contre la fraude, l'accord vient compléter le dispositif national. Si les formes de fraude sont nombreuses, l'accord s'intéresse particulièrement au détachement, « facteur important de fraude aux règles de rattachement, dont le détournement favorise les pratiques de concurrence déloyale » d'après l'étude d'impact.

D'après les données disponibles sur dix Etats de l'Union européenne, en 2008, 79 500 détachements ont été octroyés pour des assurés d'un régime étranger venant travailler en France dont 6 000 par la Belgique.

En conclusion, mes chers collègues, il me semble opportun de ratifier cet accord certes technique mais dont la portée n'est pas négligeable pour nos comptes sociaux. C'est pourquoi je vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

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