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Intervention de Claude Moisy

Réunion du 9 décembre 2009 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Claude Moisy, journaliste, ancien PDG de l'Agence France Presse de 1990 à 1993 :

Je ne mets pas en doute la volonté, que je ne connais pas, du Parlement. C'est le Gouvernement qui a chargé l'actuel président de l'AFP de proposer un projet de réforme, au motif semble-t-il que l'AFP sollicite perpétuellement le budget de l'État pour son fonctionnement et ses investissements. J'ai donc eu l'impression que l'exécutif souhaitait passer le bébé à une autre structure pour s'occuper de l'AFP.

Deuxièmement, l'indépendance, dont vous parlez abondamment, n'est pas le problème de l'AFP. Si les médias et le marché de l'information à l'étranger ont eu des doutes sur son indépendance à la fin des années cinquante et au début des années soixante quand elle est sortie de son statut d'agence d'État, je peux vous dire, en tant qu'ancien président et que journaliste ayant passé trente ans de sa vie à l'étranger, que leur attitude a évolué assez vite car l'information internationale de l'AFP n'était pas tellement différente de celle des autres agences, quel que soit leur statut. Pour moi, ce grand discours perpétuel sur la nécessité de préserver l'indépendance de l'Agence France Presse est une tarte à la crème politico-syndicale, un conflit idéologique entre la droite et la gauche. Les dépositaires de son indépendance sont ses 1 200 ou 1 300 journalistes : il dépend de chacun d'entre eux de produire une information indépendante ou pas. Le poids de l'État réside seulement dans son contrôle absolu en matière de nomination et de renouvellement d'un président puisque, en raison de la répartition de ses trois voix, il a un droit de veto sur la nomination du président. Les conflits ou tentatives de pression à longueur d'année sur la direction de l'Agence pour que tel sujet soit moins évoqué que tel autre portent toujours sur la politique et les affaires franco-françaises. L'indépendance de l'AFP ne doit pas être vue uniquement sous l'angle de sa relation avec l'État : les pressions viennent de tous horizons, non seulement des ministres, mais aussi des clubs sportifs, des entreprises, des acteurs de cinéma, de tous les gens qui se servent des médias. Tous ceux dont l'intérêt, par la nature de leur activité, est de se projeter d'une façon favorable dans les médias cherchent à les influencer, ce problème n'étant pas spécifique à l'AFP. Bref, il ne faut pas être obnubilé par cette histoire d'indépendance pour réformer le statut de l'Agence.

Troisièmement, j'ai beaucoup entendu ici parler des ratés de l'Agence dans les étapes de son développement, en particulier du financement des investissements qui auraient été nécessaires pour s'adapter aux modifications du marché de l'information. Or son statut lui a permis de prendre beaucoup de virages indispensables à son développement : elle s'est adaptée à l'outil informatique au milieu des années soixante-dix, a été la première à consentir les investissements nécessaires dans le domaine du transport de l'information par les réseaux satellitaires, et a réussi dans le domaine de la photo internationale. Quant au virage de l'information économique, il n'a pas été pris, contrairement à l'agence Reuters qui est passée dans les années soixante-dix d'une agence d'information générale à une agence d'information économique. Cependant, ce n'est pas l'information financière qui a sauvé Reuters de la faillite, c'est sa transformation en instrument des marchés financiers : elle a inventé des équipements, des réseaux, des systèmes informatiques permettant aux entreprises financières de travailler plus rapidement. Ce virage économique, l'Agence France Presse ne pouvait pas le prendre à l'époque car Paris n'était pas une place financière et car le français n'était pas une langue économique et financière. D'ailleurs, qu'aurait-on entendu si l'AFP avait transformé 500 journalistes français en 500 journalistes anglais ou américains pour créer un service financier susceptible de réussir sur le marché ?

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