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Intervention de Bertrand Eveno

Réunion du 9 décembre 2009 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Bertrand Eveno, professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne :

J'interviens ici en tant qu'historien. Je n'ai donc ni bilan, ni intérêts futurs à défendre. Mon travail porte simplement sur les médias depuis plus de vingt ans.

La volonté de réformer le statut de l'Agence France Presse est motivée par des faits réels, mais aussi par quelques illusions. La question du statut dérogatoire de l'Agence comme d'un certain nombre d'entreprises de presse est typiquement française. Elle date de la Libération et de la IVème République. On compte dix-huit projets de loi sur le statut des entreprises de presse, qui n'ont jamais vu le jour, vingt-huit textes majeurs sur le statut de l'audiovisuel et, jusqu'en 1955 en tout cas, de nombreux projets relatifs à l'Agence France Presse… Jean Marin, qui était un ami à la fois de François Mitterrand et du général de Gaulle, a réussi à obtenir un statut particulier, mais fait par lui et pour lui, ce qui ne pouvait pas manquer de poser des problèmes par la suite.

Le grand mérite de ce statut a été de stabiliser quelque temps l'Agence, mais dans un équilibre délicat. Le problème est que toutes les tentatives pour soustraire l'AFP, ou d'autres, au statut commun des entreprises de presse font apparaître une tutelle pesante de l'État. Ces entreprises naviguent sans cesse à vue entre des pressions qui engendrent des perversités dans leur gestion. Le seul moyen pour elles d'assurer leurs revenus est de délivrer une information au-dessus de tout soupçon : sans confiance, pas de clientèle. Mais faute de rentabilité, les pressions des actionnaires sont importantes, ajoutées à celles des clients et annonceurs le cas échéant, du personnel, des politiques et de l'État – c'est-à-dire souvent le Président de la République. Or, une agence internationale ne peut être rentable si l'information est sa seule source de financement – Associated Press l'a été un certain temps, mais grâce aux mille cinq cents quotidiens américains. L'agence Havas était rentable avant guerre parce qu'elle vendait aussi de la publicité, et Reuters vend des services financiers. Leurs fils d'information ne sont pas rentables. L'agence France Presse est à l'équilibre grâce aux subsides de l'État – une centaine de millions par an. Cela vaut-il le coup ou non ? Ce n'est pas à moi d'en décider.

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