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Intervention de Marc Goua

Réunion du 21 octobre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Goua :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, après avoir lu attentivement le rapport de Gilles Carrez sur la situation financière de notre pays, publié en juillet dernier, et quelques morceaux choisis du rapport de la Cour des comptes, je pensais naïvement que le Gouvernement allait enfin prendre la mesure de la gravité de la situation.

Je m'attendais donc à un budget 2010 en rupture avec la dérive constatée depuis quelques années, qui – j'en conviens – a été accentuée par la crise économique mondiale. Or le budget que vous nous proposez ne permet pas d'infléchir la tendance et d'enrayer la mécanique infernale des déficits publics et de l'endettement de l'État, bien au contraire.

Il faut dire que le Président de la République ne vous facilite pas la tâche ! Après les exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires, le bouclier fiscal, la baisse de TVA dans la restauration, il s'agit maintenant de supprimer la taxe professionnelle au 1er janvier 2010. Cette suppression a été annoncée sans concertation ni étude préalable. Cette bombe lancée au hasard d'un discours, avec un délai de mise en place quasiment immédiat, ne vous a pas permis d'entreprendre cette réforme nécessaire de façon sérieuse.

Nous sommes face à une réforme improvisée, dont les modalités ne cessent d'être modifiées. Elles ont été dernièrement réécrites par notre rapporteur général, dont je salue les efforts pour tenter d'éviter d'accoucher d'un monstre. Je viens d'ailleurs de recevoir un e-mail du MEDEF de mon département, indiquant que la réforme, même remaniée, est un drame pour l'économie locale.

Nous sommes encore face à une usine à gaz, et ce sont les collectivités locales qui risquent d'en faire les frais. Or nos collectivités, dont le volume d'investissements a été rappelé à plusieurs reprises – 73 % des investissements publics –, ont besoin d'être sécurisées quant au volume et à la pérennité de leurs ressources, afin de soutenir notre économie, a fortiori durant cette période. Le rôle contra-cyclique des investissements publics risque d'être mis à mal. C'est gravissime ! Tout retrait ou toute incertitude de leurs ressources futures aurait sans nul doute des répercussions sur la fiscalité locale, donc sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Je n'insisterai pas plus sur la situation dramatique des finances de notre pays, sur les risques qu'elle fait courir à notre protection sociale et sur le fardeau qu'auront à supporter les générations futures.

Je voudrais simplement stigmatiser la constance de votre politique qui tend à faire des cadeaux aux riches en accablant les classes moyennes et les plus démunies. Je me focaliserai sur le budget 2010 à travers un inventaire à la Prévert, mais non exhaustif, des différentes mesures que vous nous proposez en contrepartie, si je puis dire, de l'allégement de 11,5 milliards de la taxe professionnelle.

Jugez vous-même. Pas de coup de pouce au SMIC au 1er janvier 2010, afin de soutenir la croissance, paraît-il. L'impôt sur le revenu, le plus juste fiscalement, verra son montant baisser de 2,3 %, en raison du remboursement de la taxe carbone. Cette dernière n'offre aucune garantie d'efficacité environnementale, bien au contraire. Elle ne constituera qu'une taxe supplémentaire qui pèsera encore davantage sur les ménages : le coût des carburants augmentera de 4 %.

Le bonus-malus pour les achats d'automobiles, dispositif salué pour son efficacité, est réduit, alors qu'il constitue un instrument de soutien au pouvoir d'achat et au secteur automobile.

L'accession sociale à la propriété est mise à mal par une diminution du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt et par une baisse de la portée du prêt à taux zéro, dont le montant sera réduit le 1er juillet prochain puis le 1er janvier 2011.

L'indemnité de départ à la retraite volontaire sera fiscalisée au premier euro, tandis qu'elle ne l'était qu'à partir de 3 050 euros. Vous soutenez la proposition de fiscalisation des indemnités d'accident du travail, qui va procurer un gain de 150 millions d'euros, alors que les innombrables niches fiscales représentent 70 milliards d'euros. Malgré l'avis négatif du Conseil économique, social et environnemental, des syndicats, mais également du MEDEF, vous vous entêtez dans cette voie.

Le forfait hospitalier sera augmenté et 110 médicaments seront moins remboursés. La conséquence immédiate, annoncée par la Mutualité française, sera une hausse de 3,9 % des cotisations aux mutuelles. Une fois de plus, les ménages sont en première ligne, tandis que les entreprises continueront de bénéficier de quelque 30 milliards d'euros d'allégements de charges sociales.

La redevance audiovisuelle passera de 118 à 121 euros, alors même que la généralisation de la TNT menace toute une partie de notre population rurale d'écrans noirs.

Contrairement à ce que vous tentez de nous faire croire, ce n'est pas la crise qui vous fait, d'année en année, porter le fardeau sur les ménages – particulièrement les ménages modestes. Ce n'est pas la crise qui vous a obligés à créer le bouclier fiscal. Ce n'est pas la crise qui vous incite à étrangler les collectivités territoriales. Je crois plutôt à une stratégie de démantèlement, et à une volonté délibérée de modifier en profondeur ce qui fait l'originalité de notre pays : cette économie mixte et notre protection sociale, dont tout le monde célèbre maintenant les vertus d'amortisseur de la crise.

Nous sommes bien loin de ce budget équilibré que vous nous annoncez, bien loin d'un budget qui prépare l'après-crise, bien loin d'un budget d'avenir.

Seule une politique qui répartirait de façon équitable les nécessaires ajustements serait de nature à mobiliser l'ensemble de nos concitoyens. Vous avez fait le choix inverse, en accentuant les privilèges et en multipliant les cadeaux fiscaux aux plus fortunés. C'est non seulement une injustice, mais aussi une erreur économique fondamentale.

Il est juste temps de rectifier le tir, de modifier votre budget 2010 et de répondre à l'appel pressant des députés venant de tous les bancs de l'hémicycle, en commençant par abroger le bouclier fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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