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Intervention de Olivier Carré

Réunion du 21 octobre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Carré :

Possible – oui, c'est possible : ce qui était hier encore un débat tabou a été ouvert, discuté et enfin tranché aujourd'hui – ou en tout cas le sera dans quelques jours. Réformer en profondeur le financement des collectivités territoriales, ne plus faire peser leur développement sur les facteurs de production des entreprises mais sur leur réussite, c'est possible.

Ensemble, ici, avec l'État, avec les associations de collectivités territoriales, avec les entreprises, nous avons ouvert l'un des plus gros chantiers de cette mandature : la révision des financements publics dans leur ensemble.

Il y a, disons-le, quelque chose qui ne va pas : est-il normal que l'État voie ses recettes fondre en 2009 de près de 20 % au fur et à mesure de la progression de la crise ? Cela montre que nos recettes sont très sensibles à toute variation marginale de l'économie. C'est la marque du fameux « coin fiscal », si important en France par rapport aux autres pays européens. C'est aujourd'hui une faiblesse pour nos comptes publics.

Ces deux constats amènent deux remarques : nous devons améliorer considérablement la lisibilité de notre système de prélèvements – qui gagnera ainsi en équité devant l'impôt – et assurer une base solide et saine de financements pour l'État, les collectivités locales et la protection sociale.

En ce qui concerne la lisibilité, l'État va prélever l'an prochain – même si la mécanique paraît ordinaire à tout le monde – environ 347 milliards d'euros, dont 196 milliards, soit près des deux tiers de cette somme, repartiront en dégrèvements, retours de prélèvements et autres remboursements. C'est logique, c'est une conséquence de la LOLF, et c'est techniquement tout à fait valide.

Mais à la longue, ces flux brouillent les relations des Français, de tous les contribuables, avec l'impôt. Ils accentuent les risques de l'évaporation fiscale – pour utiliser cette élégante formule.

Nous devons donc simplifier notre système de prélèvement.

L'un des mérites de la réforme actuelle du financement des collectivités est de rendre plus perceptible la relation entre les contribuables et les collectivités. Cela a été dit hier : quel maire n'a pas entendu ses concitoyens râler contre les hausses d'impôts locaux, alors qu'elles sont imputables au Département ou à la Région ?

Il faut arrêter ce jeu de bonneteau qui renvoie à nos concitoyens l'image de collectivités impécunieuses, compliquées, voire inutiles – c'est bien l'impression qu'ils ont, alors qu'ils sont en même temps les premiers à leur demander un certain nombre de services.

Les collectivités vont avoir un an pour affiner la répartition de leurs recettes – c'est l'engagement du Gouvernement. Cela va se faire en même temps que la réforme territoriale. La question des répartitions de compétences – dans laquelle il faut inclure l'État déconcentré, et la RGPP doit nous y aider – va pouvoir se faire à livre ouvert.

Cette convergence est historique : pour la première fois, ressources et organisation vont de pair. Il faut que chacun ait bien conscience de cette fantastique occasion à saisir pour rendre nos pouvoirs locaux à la fois plus proches de nos concitoyens et plus efficaces pour le développement de l'ensemble de notre pays.

La lisibilité est aussi liée à l'efficacité économique des prélèvements. Il manque aujourd'hui une réforme profonde des prélèvements sociaux. Elle doit être simple afin d'éviter les excès de la réglementation actuelle. Elle doit reposer, non pas sur les facteurs de production, mais sur ce qui est produit, c'est-à-dire la valeur ajoutée et les revenus, quelle qu'en soit la provenance.

En ce qui concerne les revenus, c'est fait : c'est la contribution sociale généralisée, la CSG. En ce qui concerne la valeur ajoutée, le mode de perception de la cotisation complémentaire que le gouvernement nous propose à l'occasion de la réforme de la taxe professionnelle est une piste qu'il faut suivre, et prolonger.

Nous ne pourrons maintenir notre système de protection sociale dans le futur si nous ne trouvons pas une ressource de prélèvements qui progresse au rythme que la productivité de nos entreprises. L'évolution démographique nous y oblige.

La part des salaires dans la valeur ajoutée va continuer, en tendance, de diminuer. Cela nous contraindra à accentuer la pression fiscale sur le travail, et donc à en surenchérir le coût. C'est une mécanique de peau de chagrin, qui pèse fondamentalement à la fois sur les salaires nets – et donc sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens – et sur notre compétitivité. Ce mécanisme n'est pas durable.

Il faut enfin gagner en justice et agir davantage qu'aujourd'hui sur nos importations extra-européennes.

Tout ceci dessine une trame pour aller vers des prélèvements plus modernes et plus justes. Autant aborder cette réforme le plus vite possible : la situation de nos comptes publics exige que leur rétablissement accompagne l'amélioration de notre économie, et ne l'entrave pas.

Cette crise laissera certains pays hors jeu. La France ne peut pas être de ceux-là. Nous devons repenser tous les facteurs qui pourraient entraver durablement notre prospérité : notre système de prélèvements en fait partie.

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