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Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 14 octobre 2009 à 16h00
Commission des affaires économiques

Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie :

Il est vrai que je suis attaché à votre Commission et que j'ai eu beaucoup de joie à travailler avec elle pendant deux ans, alors que j'étais en charge de l'aménagement du territoire. Nous avons connu des débats passionnants qui nous ont permis d'accompagner la première génération des pôles de compétitivité, de lancer les pôles d'excellence rurale, de bâtir la charte des services publics en milieu rural, de travailler à la couverture en téléphonie mobile ou en ADSL ou, encore, de développer les programmes de TNT. Chacun y a apporté sa pierre et, notamment, les élus des territoires ruraux, qui ont su trouver un consensus. Je gage qu'il en sera de même s'agissant de La Poste lorsque je reviendrai devant vous pour parler du projet la concernant.

La stratégie industrielle de la France constitue un axe important de notre politique car elle concerne toutes les catégories socioprofessionnelles. En la matière, nous nous devons d'ores et déjà de penser à la situation de notre pays lors de la sortie de crise : pourrons-nous faire face à la Chine ou aux États-Unis, pays qui profitent de cette période difficile pour accroître leurs investissements en faveur de l'innovation et de la compétitivité ? La France, quant à elle, demeure certes une grande puissance dans le domaine industriel, mais je rappelle que François Loos et moi-même avons eu naguère bien du mal à convaincre que notre avenir ne reposait pas tant sur les services que sur l'industrie qui les rendra possibles – cela est particulièrement vrai dans le domaine de la santé. Face aux étudiants de l'École des Mines et de l'École d'ingénieurs Télécom – ce sont eux, en effet, qui construiront l'avenir de notre pays, non les financiers ou les tenants de l'économie virtuelle –, j'ai eu récemment l'occasion de dire que nous changions de monde, que l'application stricte de la loi du marché et de la libre concurrence ne suffit pas et que la crise révèle l'importance du politique et de l'État.

J'annoncerai par ailleurs dès demain, à Bercy, le lancement dans quelques semaines des états généraux de l'industrie voulus par le Président de la République. Que je vienne, la veille, exposer devant vous les grandes lignes de notre politique industrielle que, je l'espère, vous construirez et validerez avec le Gouvernement, me semble hautement symbolique. Nous travaillerons d'arrache-pied à leur réussite en créant les conditions d'un véritable débat : notre objectif est en effet ambitieux puisqu'il vise à recueillir, de manière participative, l'ensemble des idées ou des propositions sur lesquelles devra s'appuyer la nouvelle politique industrielle de la France. J'ajoute que le conseil national des états généraux comprendra cinq parlementaires : deux députés issus de votre Commission et désignés par votre président, ainsi que deux sénateurs et un député européen membre de la commission compétente. Je le répète : l'État stratège, en la matière, est fortement sollicité puisqu'il s'agit d'élaborer une vision à long terme de notre avenir.

Comme il n'est évidemment pas question d'anticiper les résultats de cette consultation, je tiens tout d'abord à évoquer le contexte industriel dans lequel nous sommes et les défis que nous devrons relever.

Sur le plan conjoncturel, la crise financière venue des États-Unis, vous le savez, s'est propagée à toute l'économie. En un an, notre production industrielle a reculé de 15 %.

Sur le plan structurel, notre industrie est de moins en moins compétitive : ainsi, notre part dans les exportations européennes a-t-elle chuté de 25 % en dix ans ; notre retard sur l'Allemagne s'est par ailleurs creusé et nos PME – notamment les entreprises sous-traitantes – demeurent sous capitalisées et insuffisamment soutenues par les grands donneurs d'ordre. L'ensemble de nos filières industrielles est également engagé dans une mutation profonde, en particulier face au défi que représente la réduction des émissions de CO2 et, enfin, le modèle idéalisé du marché autorégulé s'achève, les différents sommets du G20 ayant souligné la nécessité de revenir à un encadrement plus strict des activités financières.

C'est dans ce contexte que notre industrie est appelée à relever trois défis et, tout d'abord, celui de l'augmentation de la part des produits innovants dans nos productions. La stratégie organisationnelle et le marketing sont en effet autant de clés du succès, à long terme, de nos entreprises. Certains secteurs comme la chimie de base ou les industries des biens de consommation – textile, habillement, cuir, art de la table, électroménager, jouets – sont aujourd'hui très fortement concurrencés par les pays à bas coûts de main-d'oeuvre. Si je me refuse pour autant à parler de secteurs condamnés, ceux-ci doivent néanmoins s'adapter car les activités à forte valeur ajoutée comme la conception, le design et le développement prendront à l'avenir une place considérable. Notre industrie du luxe, d'ailleurs, relève déjà exemplairement ce défi. Le secteur automobile français est également riche d'enseignements : s'il a mieux résisté à la crise que ses concurrents, c'est notamment grâce à la prime à la casse et au plan automobile ; nos constructeurs se développent par ailleurs sur le plan international mais, avec deux tiers de leurs ventes, leur principal débouché demeure le marché européen. Quoi qu'il en soit, ce secteur doit effectuer sa mutation et se projeter dans l'avenir, l'avènement des motorisations électriques ou hybrides constituant de ce point de vue un enjeu majeur. Notre capacité à innover et être leader dans ce domaine sera cruciale pour le maintien de notre capacité industrielle.

Deuxième défi : le renforcement de nos efforts dans le domaine de la recherche et du développement (R & D) en France et en Europe, ainsi que l'intensification des liens entre les systèmes de recherche publics et privés. C'est là une condition essentielle afin de préserver le dynamisme et le leadership acquis par notre industrie. Nous devons en particulier accentuer nos efforts de coordination : les meilleurs centres de recherches d'Europe et nos pôles de compétitivité doivent travailler ensemble pour éviter les doublons et créer une masse critique qui permettra de proposer des technologies de rupture. Je souhaite, également, que soient lancés de grands projets transversaux regroupant plusieurs pôles afin d'additionner leurs compétences et leurs savoir-faire. L'État a ainsi décidé d'affecter 1,5 milliard sur trois ans à cette seconde phase avec, au coeur de cette dynamique, un fort soutien dans le domaine de la R & D. Enfin, nous devons passer d'une politique de branches – plasturgie, électronique, pneumatique, matériaux composites… – à une politique de filières. Lorsque, dans ma circonscription, je constate qu'un donneur d'ordre sacrifie délibérément un petit sous-traitant en envoyant une simple lettre de « déréférencement », je ne peux que regretter que nous ayons obéré une politique pouvant favoriser la restructuration complète de filières entières. Toutefois, nous pourrons sans doute franchir assez rapidement cette étape dans le domaine de l'automobile. Nous avons été très fermes avec nos industriels puisque les 6,5 milliards de prêts ont été conditionnés à un accord avec les équipementiers et les sous-traitants – mais c'est la sous-traitance de rang 2 et plus qui est le plus souvent sacrifiée, notre relance ayant d'abord été fondée sur le déstockage et non sur la production. Une vraie politique de filière automobile permettra donc de regrouper l'ensemble des métiers qui concourent à son développement en mutualisant les informations et les efforts de modernisation de l'outil de travail. L'exigence de faire d'abord travailler la sous-traitance française doit être forte : c'est ainsi que nous serons au rendez-vous de la compétitivité !

Troisième défi : encourager une mutation vers un modèle privilégiant le développement durable. Nous devons en effet concilier l'excellence industrielle avec la responsabilité environnementale en mettant en place une politique globale en faveur d'une économie éco-efficiente. Les nouvelles technologies de l'énergie ainsi que les éco-technologies représentent déjà un très fort potentiel de croissance et d'activité, le choix des consommateurs se portant de plus en plus vers ce type de produits. À l'horizon de 2020, les éco-industries emploieront 280 000 personnes et leur chiffre d'affaires annuel s'élèvera à 50 milliards d'euros. Les entreprises ont également tout à gagner à accroître leur compétitivité dans le domaine des transports et de la consommation d'énergie par unité de production.

J'en suis persuadé : l'industrie n'est pas l'ennemie de l'écologie mais son avenir. Toutefois, faire travailler ensemble industries et écologie, ce n'est pas se résoudre à accepter une concurrence déloyale de la part de ceux qui sont moins vertueux que nous ne voudrions l'être : si, en taxant nos entreprises polluantes, nous apportons notre contribution à la protection de la planète, il n'est en effet pas supportable que les autres pays se dispensent de consentir le même effort. C'est ainsi que le Gouvernement défendra l'idée d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire lors du dernier Conseil compétitivité, et, au prochain sommet de Copenhague, nous devrons franchir une étape importante en la matière.

Enfin, les onze commissaires à la réindustrialisation, quant à eux, sont extrêmement compétents. J'ai pu vérifier combien les préfets de région apprécient leurs interventions – ce qui est d'ailleurs également mon cas, que ce soit dans leur mission de médiateurs au sein des entreprises en difficulté ou dans leurs interventions en faveur de la reprise d'activités. Je me dois, néanmoins, de renforcer leurs moyens car des citadelles résistent encore dans l'organisation déconcentrée de l'État. Ils doivent être de véritables commandos sur lesquels chaque parlementaire s'appuiera !

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