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Commission des affaires économiques

Séance du 14 octobre 2009 à 16h00

Résumé de la séance

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  • industrie
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La séance

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Commission des affaires économiques

La commission a entendu M. Christian Estrosi, ministre auprès de la ministre de l'Économie, de l'industrie et de l'emploi, chargé de l'industrie

PermalienPhoto de Patrick Ollier

Mes chers collègues, je vous propose que notre Commission se saisisse pour avis des articles 18 à 29 du projet de loi relatif au Grand Paris (n° 1961) concernant le droit de l'urbanisme et la création d'un pôle scientifique et technologique sur le plateau de Saclay. Jusqu'à nouvel ordre, je vous propose également d'en être le rapporteur.

Il n'y a pas d'objection ?...

Il en est ainsi décidé.

Monsieur le ministre Christian Estrosi, nous sommes doublement heureux de vous accueillir : d'une part, vous connaissez bien notre Commission pour y avoir été souvent entendu – notamment dans le cadre des réflexions autour de l'aménagement du territoire – et, d'autre part, la réforme du Règlement nous permet aujourd'hui de nous investir de manière plus approfondie dans notre « coeur de métier » que sont les activités économiques et industrielles.

Je signale, tout d'abord, que nombre de collègues de l'opposition s'interrogent sur le projet de loi relatif à La Poste mais que, outre qu'une audition spécifique sera consacrée à cette question avec vous, l'objet premier de cette rencontre demeure bel et bien la politique industrielle de notre pays.

Quels sont, d'après vous, les principaux facteurs de la crise ainsi que les leviers d'action dont nous disposons afin d'en sortir ? Qu'entendez-vous par le passage d'une politique de branches à une politique de filières ? Avez-vous établi une hiérarchie des filières devant être soutenues ? Pourriez-vous évoquer les états généraux de l'industrie, dont le Président de la République a annoncé la tenue et, en particulier, nous faire part de leur calendrier ainsi que de leur organisation – je songe, notamment, à une éventuelle association du Parlement à leurs travaux ? Quel bilan tirez-vous de l'activité des commissaires à la ré-industrialisation ? Enfin, qu'il s'agisse d'un mécanisme aux frontières afin d'éviter le dumping écologique ou d'un équilibre à trouver entre la politique de la concurrence et les autres dimensions de toute politique de développement économique, de quelles marges de manoeuvre disposons-nous sur le plan européen ? Nous comptons beaucoup sur vous, monsieur le ministre, pour défendre à ce niveau-là les parts de marché de notre industrie !

PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Il est vrai que je suis attaché à votre Commission et que j'ai eu beaucoup de joie à travailler avec elle pendant deux ans, alors que j'étais en charge de l'aménagement du territoire. Nous avons connu des débats passionnants qui nous ont permis d'accompagner la première génération des pôles de compétitivité, de lancer les pôles d'excellence rurale, de bâtir la charte des services publics en milieu rural, de travailler à la couverture en téléphonie mobile ou en ADSL ou, encore, de développer les programmes de TNT. Chacun y a apporté sa pierre et, notamment, les élus des territoires ruraux, qui ont su trouver un consensus. Je gage qu'il en sera de même s'agissant de La Poste lorsque je reviendrai devant vous pour parler du projet la concernant.

La stratégie industrielle de la France constitue un axe important de notre politique car elle concerne toutes les catégories socioprofessionnelles. En la matière, nous nous devons d'ores et déjà de penser à la situation de notre pays lors de la sortie de crise : pourrons-nous faire face à la Chine ou aux États-Unis, pays qui profitent de cette période difficile pour accroître leurs investissements en faveur de l'innovation et de la compétitivité ? La France, quant à elle, demeure certes une grande puissance dans le domaine industriel, mais je rappelle que François Loos et moi-même avons eu naguère bien du mal à convaincre que notre avenir ne reposait pas tant sur les services que sur l'industrie qui les rendra possibles – cela est particulièrement vrai dans le domaine de la santé. Face aux étudiants de l'École des Mines et de l'École d'ingénieurs Télécom – ce sont eux, en effet, qui construiront l'avenir de notre pays, non les financiers ou les tenants de l'économie virtuelle –, j'ai eu récemment l'occasion de dire que nous changions de monde, que l'application stricte de la loi du marché et de la libre concurrence ne suffit pas et que la crise révèle l'importance du politique et de l'État.

J'annoncerai par ailleurs dès demain, à Bercy, le lancement dans quelques semaines des états généraux de l'industrie voulus par le Président de la République. Que je vienne, la veille, exposer devant vous les grandes lignes de notre politique industrielle que, je l'espère, vous construirez et validerez avec le Gouvernement, me semble hautement symbolique. Nous travaillerons d'arrache-pied à leur réussite en créant les conditions d'un véritable débat : notre objectif est en effet ambitieux puisqu'il vise à recueillir, de manière participative, l'ensemble des idées ou des propositions sur lesquelles devra s'appuyer la nouvelle politique industrielle de la France. J'ajoute que le conseil national des états généraux comprendra cinq parlementaires : deux députés issus de votre Commission et désignés par votre président, ainsi que deux sénateurs et un député européen membre de la commission compétente. Je le répète : l'État stratège, en la matière, est fortement sollicité puisqu'il s'agit d'élaborer une vision à long terme de notre avenir.

Comme il n'est évidemment pas question d'anticiper les résultats de cette consultation, je tiens tout d'abord à évoquer le contexte industriel dans lequel nous sommes et les défis que nous devrons relever.

Sur le plan conjoncturel, la crise financière venue des États-Unis, vous le savez, s'est propagée à toute l'économie. En un an, notre production industrielle a reculé de 15 %.

Sur le plan structurel, notre industrie est de moins en moins compétitive : ainsi, notre part dans les exportations européennes a-t-elle chuté de 25 % en dix ans ; notre retard sur l'Allemagne s'est par ailleurs creusé et nos PME – notamment les entreprises sous-traitantes – demeurent sous capitalisées et insuffisamment soutenues par les grands donneurs d'ordre. L'ensemble de nos filières industrielles est également engagé dans une mutation profonde, en particulier face au défi que représente la réduction des émissions de CO2 et, enfin, le modèle idéalisé du marché autorégulé s'achève, les différents sommets du G20 ayant souligné la nécessité de revenir à un encadrement plus strict des activités financières.

C'est dans ce contexte que notre industrie est appelée à relever trois défis et, tout d'abord, celui de l'augmentation de la part des produits innovants dans nos productions. La stratégie organisationnelle et le marketing sont en effet autant de clés du succès, à long terme, de nos entreprises. Certains secteurs comme la chimie de base ou les industries des biens de consommation – textile, habillement, cuir, art de la table, électroménager, jouets – sont aujourd'hui très fortement concurrencés par les pays à bas coûts de main-d'oeuvre. Si je me refuse pour autant à parler de secteurs condamnés, ceux-ci doivent néanmoins s'adapter car les activités à forte valeur ajoutée comme la conception, le design et le développement prendront à l'avenir une place considérable. Notre industrie du luxe, d'ailleurs, relève déjà exemplairement ce défi. Le secteur automobile français est également riche d'enseignements : s'il a mieux résisté à la crise que ses concurrents, c'est notamment grâce à la prime à la casse et au plan automobile ; nos constructeurs se développent par ailleurs sur le plan international mais, avec deux tiers de leurs ventes, leur principal débouché demeure le marché européen. Quoi qu'il en soit, ce secteur doit effectuer sa mutation et se projeter dans l'avenir, l'avènement des motorisations électriques ou hybrides constituant de ce point de vue un enjeu majeur. Notre capacité à innover et être leader dans ce domaine sera cruciale pour le maintien de notre capacité industrielle.

Deuxième défi : le renforcement de nos efforts dans le domaine de la recherche et du développement (R & D) en France et en Europe, ainsi que l'intensification des liens entre les systèmes de recherche publics et privés. C'est là une condition essentielle afin de préserver le dynamisme et le leadership acquis par notre industrie. Nous devons en particulier accentuer nos efforts de coordination : les meilleurs centres de recherches d'Europe et nos pôles de compétitivité doivent travailler ensemble pour éviter les doublons et créer une masse critique qui permettra de proposer des technologies de rupture. Je souhaite, également, que soient lancés de grands projets transversaux regroupant plusieurs pôles afin d'additionner leurs compétences et leurs savoir-faire. L'État a ainsi décidé d'affecter 1,5 milliard sur trois ans à cette seconde phase avec, au coeur de cette dynamique, un fort soutien dans le domaine de la R & D. Enfin, nous devons passer d'une politique de branches – plasturgie, électronique, pneumatique, matériaux composites… – à une politique de filières. Lorsque, dans ma circonscription, je constate qu'un donneur d'ordre sacrifie délibérément un petit sous-traitant en envoyant une simple lettre de « déréférencement », je ne peux que regretter que nous ayons obéré une politique pouvant favoriser la restructuration complète de filières entières. Toutefois, nous pourrons sans doute franchir assez rapidement cette étape dans le domaine de l'automobile. Nous avons été très fermes avec nos industriels puisque les 6,5 milliards de prêts ont été conditionnés à un accord avec les équipementiers et les sous-traitants – mais c'est la sous-traitance de rang 2 et plus qui est le plus souvent sacrifiée, notre relance ayant d'abord été fondée sur le déstockage et non sur la production. Une vraie politique de filière automobile permettra donc de regrouper l'ensemble des métiers qui concourent à son développement en mutualisant les informations et les efforts de modernisation de l'outil de travail. L'exigence de faire d'abord travailler la sous-traitance française doit être forte : c'est ainsi que nous serons au rendez-vous de la compétitivité !

Troisième défi : encourager une mutation vers un modèle privilégiant le développement durable. Nous devons en effet concilier l'excellence industrielle avec la responsabilité environnementale en mettant en place une politique globale en faveur d'une économie éco-efficiente. Les nouvelles technologies de l'énergie ainsi que les éco-technologies représentent déjà un très fort potentiel de croissance et d'activité, le choix des consommateurs se portant de plus en plus vers ce type de produits. À l'horizon de 2020, les éco-industries emploieront 280 000 personnes et leur chiffre d'affaires annuel s'élèvera à 50 milliards d'euros. Les entreprises ont également tout à gagner à accroître leur compétitivité dans le domaine des transports et de la consommation d'énergie par unité de production.

J'en suis persuadé : l'industrie n'est pas l'ennemie de l'écologie mais son avenir. Toutefois, faire travailler ensemble industries et écologie, ce n'est pas se résoudre à accepter une concurrence déloyale de la part de ceux qui sont moins vertueux que nous ne voudrions l'être : si, en taxant nos entreprises polluantes, nous apportons notre contribution à la protection de la planète, il n'est en effet pas supportable que les autres pays se dispensent de consentir le même effort. C'est ainsi que le Gouvernement défendra l'idée d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire lors du dernier Conseil compétitivité, et, au prochain sommet de Copenhague, nous devrons franchir une étape importante en la matière.

Enfin, les onze commissaires à la réindustrialisation, quant à eux, sont extrêmement compétents. J'ai pu vérifier combien les préfets de région apprécient leurs interventions – ce qui est d'ailleurs également mon cas, que ce soit dans leur mission de médiateurs au sein des entreprises en difficulté ou dans leurs interventions en faveur de la reprise d'activités. Je me dois, néanmoins, de renforcer leurs moyens car des citadelles résistent encore dans l'organisation déconcentrée de l'État. Ils doivent être de véritables commandos sur lesquels chaque parlementaire s'appuiera !

PermalienPhoto de François Brottes

Encore un effort, monsieur le ministre, pour devenir socialiste car, en voulant restaurer une politique publique industrielle dans notre pays et en veillant à ce que l'État reprenne la main dans certains secteurs, vous n'êtes pas très éloigné de nous ! Cela change du discours de certains de vos prédécesseurs selon lesquels le laisser-faire, le laisser-passer devait s'appliquer en cette matière comme en d'autres. Je sens même se réveiller la fibre gaullienne du président Ollier, c'est vous dire !

Je ne vous poserai pas de questions sur La Poste puisque le sujet n'est pas à l'ordre du jour et qu'avec les dispositions qui sont les vôtres, je ne doute pas que vous renonciez à votre projet de privatisation.

J'aime également vous entendre dire, comme nous l'avons souvent soutenu, que la politique de branche ne suffit pas à reconstituer des filières ou que les pôles de compétitivité ne sont pas l'alpha et l'oméga. Mais si je prends acte de votre volonté constructive, je vous engage aussi à tenir compte de l'importance des éléments transversaux indépendamment des filières ou des branches : sur le plan financier, le Médiateur du crédit a accompli un bon travail auprès des PME, mais il doit en aller de même des télécommunications, de la recherche, de l'énergie, de la logistique, de la taxation du carbone et des quotas de CO2 ou du programme REACH, par exemple.

Par ailleurs, dispose-t-on d'une étude d'impact de la suppression ou de la diminution de la taxe professionnelle (TP) sur nos industries ? Les entreprises se sont-elles engagées à investir ? Qu'en est-il de l'avenir de cette entreprise éminemment stratégique qu'est AREVA et de la reprise de sa filiale Transmission et Distribution (T&D), alors que les éventuels repreneurs n'ont pu être entendus au prétexte que cela pourrait entraver les négociations en cours ?

PermalienPhoto de François Brottes

Il s'agit tout de même d'une entreprise publique et d'une filière d'intérêt général.

En outre, qu'en est-il du rapprochement annoncé entre EDF et Veolia ?

Enfin, monsieur le président, il est inadmissible que notre Commission ne soit plus compétente dans le domaine du fret et de la logistique. Comment, dans ces conditions, traiter sérieusement des questions industrielles ? J'ajoute que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) doit être selon moi auditionnée en même temps que le CSA le 21 octobre prochain.

PermalienPhoto de Alfred Trassy-Paillogues

Les délais seront-ils respectés, Monsieur le ministre, s'agissant de la fabrication du nouveau véhicule utilitaire à l'usine de Renault-Sandouville ? Quid des dates de 2011 et 2012 pour l'arrivée des véhicules électriques ? EDF ne freine-t-elle pas la création du réseau de bornes de recharge, à la différence de ce qu'ont fait les opérateurs nationaux en Israël, au Danemark et au Portugal ? S'il est évidemment beaucoup question de Renault, n'oublie-t-on pas, pour le véhicule hybride, les autres constructeurs que sont Bolloré, Matra ou Peugeot ? Est-il exact que Renault n'envisagerait plus de réaliser les petites séries en France alors que leur concentration sur un site comme celui de Sandouville serait de bon aloi ? Par ailleurs, vous affirmiez hier au salon Equip'Auto que les sous-traitants devraient opérer une reconversion en raison de la diminution de l'utilisation du moteur thermique classique. Dans ces conditions, qu'en sera-t-il des énergies renouvelables et, notamment, de l'éolien et du photovoltaïque ? Où en est la filière poids lourds qui, bien que créatrice d'emplois – 50 % des poids lourds vendus dans notre pays y sont fabriqués –, se porte assez mal ?

Le secteur du bâtiment à faible consommation énergétique, voire à énergie positive, est-il porteur sur un plan industriel ?

Les DIREN et les DRIRE ne sont-elles pas, parfois, des freins au développement de nos entreprises dès lors qu'elles doivent, semble-t-il, respecter des quotas de procès-verbaux à émettre et en référer aux préfets et au ministère de l'écologie ?

Enfin, les commissaires à la ré-industrialisation ne devraient-ils pas travailler de concert avec les secrétaires généraux aux affaires régionales (SGAR) puisqu'un certain nombre de régions ne parviennent pas à consommer les crédits européens en raison d'un manque d'information des décideurs, des donneurs d'ordre ou des maîtres d'ouvrage ?

PermalienPhoto de Daniel Paul

Selon certains, la crise serait derrière nous. Or le chômage explose, l'INSEE prévoyant 512 000 chômeurs supplémentaires pour 2010. Dans le même temps, la Bourse se porte bien et les banques se sont refait une santé en remboursant plus vite que prévu les milliards prêtés par l'État. Tous les ingrédients qui ont conduit à la situation où nous sommes sont donc réunis pour que le scénario en « W » devienne d'actualité.

Si la convocation des états généraux de l'industrie me semble de bonne politique, sans doute n'en espérez-vous pas moins gommer votre contribution à la gestion qui, depuis plusieurs années, a conduit à la mainmise de la finance sur la politique industrielle. Les salariés, en effet, ont été un peu seuls lorsqu'il s'est agi de défendre leur outil de travail face aux logiques de rentabilité financière, et ils se battent d'ailleurs encore aujourd'hui à Sandouville, où la CGT a présenté un plan de développement et de sauvegarde de leur entreprise. Le Président de la République s'est rendu sur ce site voilà un an et il avait alors promis d'y revenir rapidement pour y vérifier l'effectivité des engagements qui avaient été pris. Mais nul ne l'a revu alors que les salariés subissent à nouveau le chômage technique : deux semaines en octobre et en novembre, et ils ignorent s'ils travailleront en décembre.

Renault, par ailleurs, annonce la fin de la construction des véhicules haut de gamme dans notre pays au profit de Nissan, en Asie du Sud-Est. Quel est le point de vue du Gouvernement alors que, voilà quelques mois, nous avons eu l'occasion d'exprimer nos inquiétudes à Mme Lagarde, sachant qu'une telle disparition ne manquera pas d'entraîner, de surcroît, celle d'un grand nombre d'équipementiers ? Quelles assurances avez-vous que la promesse de fabriquer un véhicule utilitaire à Sandouville en 2012 sera tenue ?

Le pôle verrier historique de la vallée de la Bresle est quant à lui menacé. Nous vous avons écrit à ce sujet au début du mois de septembre sans que vous nous ayez répondu. Allez-vous donc nous recevoir ?

Des risques de délocalisation existant s'agissant d'Alcatel Lucent, quelles mesures comptez-vous prendre afin de préserver les outils de recherche et de fabrication dans le domaine des télécoms ?

N'est-il pas temps, enfin, de mettre sur la table l'ensemble des aides publiques attribuées aux entreprises et qu'un point précis soit réalisé quant à leur efficacité ? L'investissement en R&D, de 25 % inférieur dans notre pays par rapport à nos concurrents, ne doit-il pas être augmenté et ne faut-il pas faire en sorte que les grands groupes cessent de considérer le crédit impôt recherche (CIR) comme un revenu ?

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Quelle sera l'assiette de la taxe carbone aux frontières ? Sera-t-elle fondée sur le produit ou sur l'itinéraire qu'il parcourra ? Si l'emballage des pruneaux chiliens ne contient pas plus de carbone que celui des pruneaux d'Agen, les premiers viennent évidemment de plus loin. Il s'agit là d'un débat central pour la relocalisation de l'industrie en France et en Europe.

En ce qui concerne la TP, le projet initial du texte comportait une erreur majeure en ne consacrant aucune partie de la contribution économique territoriale (CET) aux communes et aux intercommunalités. Si cela devait rester en l'état, c'est le lien entre les industries et les territoires qui serait rompu, les seconds se refusant de plus en plus à accueillir les premières. Le Gouvernement soutient-il l'amendement Carrez prévoyant que 20 % de la CET seront dévolus aux communes et aux intercommunalités ?

Enfin, qu'en est-il des arbitrages s'agissant des secteurs qui bénéficieront du grand emprunt ? Quelles seront, par exemple, les sommes dédiées au projet de véhicule électrique ou au très haut débit, si tant est qu'ils y soient éligibles ?

PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Merci de considérer, monsieur Brottes, que je pourrais prendre place sur vos bancs mais considérez que c'est un pas que je ne franchirai pas même si je me réjouis de votre pragmatisme.

S'agissant des filières, il importe d'avoir une vision en amont, certes, mais également en aval. À ce propos, je m'étonne que certains constructeurs automobiles français aient cru bon de lancer des 4×4 voilà deux ans alors que le choix des consommateurs se portait déjà vers d'autres véhicules. De ce point de vue, les états généraux de l'industrie permettront de mieux analyser l'évolution des comportements de nos compatriotes face au changement radical que nous connaissons. Comment peut-on s'étonner qu'à vouloir plus de téléphonie mobile, d'Internet à haut débit et de communications électroniques, l'activité liée au courrier baisse de 10 % ? Il en va de même en ce qui concerne la voiture : on ne peut à la fois exiger que l'État soutienne le développement des transports en commun en site propre et, comme autrefois, pourvoir papa, maman et les enfants de plus de dix-huit ans d'un véhicule ! Le marché devra donc s'adapter aux nouveaux comportements comme en attestent déjà les études quant à l'usage des véhicules électriques en libre service. Voilà encore trois ans mes administrés se plaignaient de ne pas avoir suffisamment de places de stationnement quand, aujourd'hui, 20 % des places de parking des grandes surfaces commerciales desservies par des transports en commun en site propre ne sont pas utilisés – sans que la consommation ait pour autant baissé, au contraire.

Supprimer la TP sur les investissements, ce n'est pas faire un cadeau aux entreprises : cela permet de développer l'emploi, de créer des richesses et de moderniser l'outil de travail. En revanche, il est vrai que nous devons veiller à conserver le lien entre la collectivité et l'entreprise afin que nos territoires se structurent de façon innovante et qu'ils soient de la sorte plus compétitifs et attractifs.

La cession de T&D est quant à elle nécessaire afin qu'AREVA puisse investir davantage. Toshiba, General Electric et Schneider-Alstom sont candidats, et nous serons très vigilants pour que le projet retenu maintienne l'activité ainsi que les centres de décision en France. Le secteur de l'énergie, bien entendu, demeure stratégique : si la France présente autant de modèles de véhicules électriques au Salon de Francfort, si elle peut se permettre de défendre des PME fragilisées, de promouvoir la mobilité électrique et d'avoir une énergie dont les tarifs sont de 30 % plus bas que dans d'autres pays, c'est en raison de son indépendance énergétique et d'un équilibre que nous devons être très attentifs à préserver, y compris dans la modernisation d'EDF.

M. Daniel Paul a évoqué l'abandon, par Renault, de la fabrication des voitures de luxe. Mais la mode n'est plus au haut de gamme !

PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Non. En 2009, la vente des véhicules haut de gamme a considérablement chuté, y compris en Allemagne où ces voitures sont très prisées d'ordinaire, avec comme conséquence un grand nombre de ventes de véhicules français de gammes plus basses. On ne peut se battre pour la production de véhicules qui émettent plus de 130 grammes de CO2 par kilomètre quand les acheteurs potentiels n'en veulent plus ! Enfin, si nous avons imposé la construction de la Clio à Flins, la Twingo est en revanche fabriquée en Roumanie avant d'être vendue en France. Nous n'ignorons pas que 60 % de la production de Renault est délocalisée mais nous continuons à nous battre !

Par ailleurs, si les banquiers sont pressés de rembourser les prêts consentis par l'État, c'est qu'ils cherchent à emprunter à des taux plus avantageux ailleurs. Nous avons donc réussi à sauver notre système bancaire sans faire de cadeaux. Il en a d'ailleurs été de même pour les industries automobiles à l'égard desquelles nous disposons toujours de moyens de pression : sur les quatre premiers modèles de véhicules électriques, nous avons ainsi imposé que deux au moins soient fabriqués en France. Nous veillons non seulement à ce qu'une chaîne de production soit mise en place à Flins mais nous nous apprêtons aussi à participer au financement d'une première chaîne de production de batteries lithium-ion, laquelle pourra accueillir d'ici à deux ou trois ans la production de batteries issues de la recherche du CEA à Grenoble.

Oui, l'arrivée de la nouvelle génération de petits véhicules utilitaires est bien prévue à Sandouville pour 2012 – en l'occurrence, il s'agit d'une relocalisation puisque l'usine qui se trouve actuellement au Royaume-Uni fermera.

Les bornes de recharge étant quant à elles élaborées à partir d'un standard européen – j'ai demandé au Conseil compétitivité de Bruxelles d'accélérer le mouvement –, je viens de constituer un groupe de travail avec nos partenaires allemands et une première expérimentation aura lieu entre Stuttgart et Strasbourg dans les semaines qui viennent.

Le Gouvernement prépare par ailleurs un plan de soutien à la filière poids lourds, dont nous connaissons les difficultés.

En ce qui concerne les bâtiments à énergie positive, le Grenelle de l'environnement a mis en place un certain nombre de dispositifs, les collectivités s'étant elles-mêmes lancées dans des projets innovants d'éco-quartiers et de soutien aux énergies renouvelables à destination des particuliers, notamment à travers des crédits d'impôts.

Je reconnais que les DIREN mettent trop de temps à instruire les dossiers relatifs à l'aménagement de plateformes logistiques.

La crise, monsieur Daniel Paul, n'est absolument pas derrière nous et les états généraux visent quant à eux à répondre à une demande des salariés au Président de la République : ces derniers doivent être pleinement associés à la révolution industrielle qui se présente devant nous, et dans tous les secteurs.

En ce qui concerne Alcatel-Lucent, je suis d'accord avec vous et j'ai eu récemment l'occasion d'évoquer la question de la délocalisation avec le chairman hollandais de l'entreprise.

Il ne m'est pas possible, monsieur Dionis du Séjour, de déterminer quels seront les domaines qui bénéficieront du grand emprunt alors que la commission Rocard-Juppé n'a pas encore rendu ses conclusions. Néanmoins, le Président de la République ayant précisé qu'il ne serait pas consacré au financement de la dette ou aux charges de fonctionnement et qu'il fallait tout miser sur l'innovation, ce sont semble-t-il les grands secteurs stratégiques déterminants pour l'avenir qui seront au premier chef concernés : fibre optique, véhicule du futur, nanotechnologies, biotechnologies, dont seront issus dans deux ans 80 % des médicaments que l'on trouvera dans les pharmacies.

En matière de financements publics, les états généraux de l'industrie auront pour but de fixer des règles du jeu grâce auxquelles certains comportements ne seront plus possibles : lorsqu'une entreprise touche une prime à l'aménagement du territoire, il n'est pas normal qu'elle mette la clé sous la porte sans la rembourser ; de la même manière, il n'est pas tolérable que des entreprises américaines, italiennes ou indiennes bénéficient du crédit d'impôt recherche et quittent du jour au lendemain le territoire national avec un ensemble de brevets et en délocalisant 150 emplois de R & D – je songe en l'occurrence à Wipro, basée à Sophia-Antipolis : non seulement il n'est pas possible de refuser de céder des brevets à un repreneur, mais il faut respecter l'ensemble des règles sociales de notre pays !

PermalienPhoto de François Loos

Chapeau, monsieur le ministre, pour votre action dans le secteur automobile ainsi que pour la politique de filière que vous voulez élaborer ! Avez-vous, à ce propos, des projets de réforme du crédit interentreprises ?

Qu'en est-il des nouveaux pôles de compétitivité ?

Comment faire en sorte que nos lycées technologiques soient à la hauteur des ambitions de notre politique industrielle ?

PermalienPhoto de Frédérique Massat

Quid de la taxe carbone aux frontières – question de M. Dionis du Séjour à laquelle vous n'avez pas répondu ?

Qu'en est-il des simulations quant aux incidences de la suppression de la TP sur l'emploi ?

Enfin, quel avenir pour la filière textile ainsi que pour les équipementiers dont 68 % ont fait faillite au premier semestre de 2009 ? Il ne faut pas attendre la sortie de crise : c'est maintenant que nous devons être compétitifs !

PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Je me réjouis de la stratégie française de développement industriel car, sans industrie prospère, il n'est pas de politique sociale pérenne. La R&D et l'innovation sont bien entendu fondamentales.

Je tiens à vous faire part d'un problème qui touche vraisemblablement toutes les circonscriptions : la crise ayant modifié le mode de paiement des grands donneurs d'ordre, les PMI ne peuvent plus escompter et sont parfois prises à la gorge par des banquiers qui adoptent plus une posture de censeur qu'une attitude de partenaire lorsqu'il leur est demandé de faire preuve de souplesse en matière de trésorerie.

Les procédures de la commission préfectorale de médiation sont par ailleurs longues et décourageantes.

Que pensez-vous de ces difficultés ?

PermalienPhoto de Corinne Erhel

Est-il acceptable que le site de Lannion de RFS, filiale d'Alcatel, ferme, et que 53 personnes se retrouvent au chômage alors que l'intégralité des tâches sera déléguée à des sous-traitants ?

Alcatel-Lucent s'apprête à lancer un vaste plan de co-sourcing, soit d'externalisations, 99 salariés devant intégrer d'autres entreprises dont la société Wipro basée à Sophia-Antipolis. Avez-vous obtenu des assurances de la part du directeur général d'Alcatel M. Verwaayen, que vous avez rencontré récemment, sachant que les salariés ne disposent que d'une garantie d'emploi de dix-huit mois ?

Enfin, comment jugez-vous le positionnement des équipementiers chinois et, notamment, de Huawei, dont l'importance ne fait que croître dans notre pays ?

PermalienPhoto de Claude Gatignol

Le virus des taxes s'est considérablement multiplié cet été. Dans ma circonscription, un collectif menaçant de délocaliser s'est constitué si l'éco-taxe sur les poids lourds n'était pas différée ou diminuée. En ce qui concerne la taxe carbone-Hulot, les salariés n'ont quant à eux aucune alternative dès lors qu'ils vivent en milieu rural – d'où l'urgence qu'il y a à trouver un dispositif vraiment neutre.

Le coût de production de l'électricité, dans notre pays, est très compétitif. Pour des raisons économiques, les réacteurs devant être construits par deux et la France bénéficiant déjà de deux EPR, le Président de la République serait bien inspiré d'en ajouter un quatrième au troisième qu'il a évoqué afin de satisfaire à la fois Flamanville et Penly. Dans le cadre de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI), j'espère en outre que le ministère soutiendra le tarif dont bénéficient les industries du secteur électro-intensif, prêtes à abandonner la consommation de gaz au profit de celle de l'électricité.

À propos d'Areva, pourquoi se séparer du département T&D, alors qu'il gagne des parts de marché et qu'il dégage des bénéfices ?

Enfin, je considère que le CIR n'est pas adapté aux PME de l'industrie pharmaceutique car celles-ci ont besoin d'investissements continus sur dix ans afin de devenir de petites start-up qui sont autant de gisements d'emplois.

PermalienPhoto de Annick Le Loch

Qu'en est-il de la reprise par Sodiaal de la société Entremont, importante unité industrielle de la filière laitière ? Les salariés sont inquiets, et ce n'est pas la mise en chômage technique d'un site du Finistère qui les rassurera.

PermalienPhoto de Louis Cosyns

La taxe carbone aux frontières me semble être un excellent dispositif. Or, la Commission européenne a présenté une liste des entreprises pouvant bénéficier de quotas d'émissions gratuits, sur laquelle des industries pourtant peu polluantes – je songe à celle de la terre cuite – n'ont pas été inscrites. Que comptez-vous faire pour corriger cette distorsion de concurrence ?

L'État compte-t-il favoriser la production de batteries au lithium pour les véhicules électriques ?

PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Quelles sont les propositions industrielles françaises pour que l'Union européenne puisse élaborer une politique commune ?

PermalienPhoto de Thierry Benoit

La crise que nous traversons n'a pas d'exemple depuis celle de 1929, mais j'ai confiance dans l'action gouvernementale.

Je suis par ailleurs très favorable à la réforme de la TP – nous devons impérativement cesser de taxer la production industrielle –, à un contrôle plus strict de la circulation mondiale des flux financiers, ainsi qu'à la lutte contre les paradis fiscaux et le secret bancaire.

Le fonds national de revitalisation des territoires, les zonages à finalité régionale ou les primes à l'aménagement du territoire constituent par ailleurs autant d'outils extraordinaires. Comme vous, monsieur le ministre, je crois à notre redressement industriel !

Le Gouvernement peut-il oeuvrer à mieux coordonner les différents acteurs territoriaux et à remettre de l'ordre dans les différents dispositifs existants ?

PermalienPhoto de Jean Grellier

Si, jadis, la puissance publique a impulsé le développement industriel de notre pays, le capitalisme financier qui a pris le relais a été animé par d'autres préoccupations. Le caractère patrimonial de notre tissu de PME perd aujourd'hui du terrain au profit de fonds de pensions et d'investissements.

Comment le Gouvernement compte-t-il agir pour accompagner la mutation de notre secteur industriel afin que ses capacités de créativité et d'innovation redeviennent prioritaires ?

PermalienPhoto de Lionel Tardy

La politique de filière me semble en effet judicieuse.

L'innovation, la R&D, le développement durable, c'est très bien, mais on entend ce discours de toutes parts. C'est de l'ensemble des entreprises industrielles qu'il convient de s'occuper, y compris de celles qui n'innovent pas ! Des efforts ont été réalisés en matière de TP, mais nous devrons aller au-delà.

Enfin, les PME les plus innovantes doivent pouvoir accéder aux marchés porteurs. Que pensez-vous de la proposition formulée naguère par Mme Lagarde visant à ce que les entreprises puissent travailler « en escadrilles » sur les marchés étrangers ?

PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

La Mecanic Vallée, zone particulièrement dédiée à la sous-traitance automobile et aéronautique au coeur de deux régions et de trois départements, dont l'Aveyron, ne regroupe pas moins de 210 entreprises et emploie 14 000 personnes. Son identité repose sur sa capacité d'adaptation et d'innovation. Comment le Gouvernement envisage-t-il de soutenir la sous-traitance face aux grands constructeurs ? Quelles sont les perspectives, en la matière, pour 2010 ? Enfin, la CET, prenant en compte la valeur ajoutée réalisée par les entreprises, dans laquelle est incluse la masse salariale, ne constitue-t-elle pas un signal donné à celles qui feront le moins d'effort en termes d'embauches et de rémunérations ?

PermalienPhoto de Franck Reynier

Les grands groupes automobiles français sont positionnés sur des véhicules qui émettent peu de CO2. Le Gouvernement ayant lancé plusieurs appels d'offres pour l'achat de 50 000 véhicules électriques, pouvez-vous donner des précisions sur les véhicules concernés et sur le pourcentage souhaité ?

L'État participe également à la construction d'une usine de batteries pour les véhicules électriques à Flins. Quand sera-t-elle opérationnelle ? Des participations à des projets similaires sont-elles envisagées avec le groupe PSA ?

Enfin, le fabricant allemand d'éolienne Enercon a annoncé vouloir construire une usine d'assemblage dans l'Oise. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin de soutenir les filiales françaises dans ce domaine ?

PermalienPhoto de Jean-Michel Villaumé

La sous-traitance de rang 2 connaît des difficultés particulières puisque, sur le plan national, de 300 à 400 entreprises seraient menacées, ainsi que des milliers d'emplois. Si un fonds de modernisation a été mis en place pour les grands équipementiers, quid de ces entreprises plus modestes ?

PermalienPhoto de Pascale Got

First Aquitaine Industries a pu être sauvée grâce à un partenariat avec les collectivités locales et le ministère de l'économie, et grâce à une diversification de ses activités, notamment dans le domaine de l'éolien. Des financements conséquents sont désormais nécessaires. Or, les banques contestent l'ensemble du projet industriel de l'entreprise, qui a pourtant été négocié au plus haut niveau. Comment le Gouvernement compte-t-il contribuer au règlement de cette situation ?

PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je constate, sans surprise, combien vous avez de préoccupations communes.

Parce qu'il faut refonder les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants dans une logique de partenariats nouveaux, monsieur Loos, nous sommes en train de mettre en place des financements favorisant le rapprochement des petites entreprises : les PME allemandes emploient au minimum 200 ou 250 salariés quand les nôtres en emploient une quarantaine ou une soixantaine. Ces dernières demandent donc à être aidées, sans pour autant perdre leur identité, de manière à accéder à des crédits permettant de moderniser l'outil de production. Dans un premier temps, un fonds doté de 200 millions devrait y contribuer.

En ce qui concerne les pôles de compétitivité, nous avons fait ensemble le bon choix, au Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire de juillet 2005, tant en ce qui concerne leur nombre que leur taille. Outre que la filière de décolletage de la vallée de l'Arve, par exemple, a été sauvée grâce à cette labellisation, de nombreux brevets ont par ailleurs été déposés dans tous les domaines. Il faut maintenant passer à une seconde phase : la politique inter-pôles. Batterie lithium-ion, pile à combustible, matériaux composites, aérodynamisme : toutes ces filières se rejoignent et leurs éléments communs nous permettront d'être plus performants !

La crise, certes, est bel et bien présente, mais les résultats de la filière automobile dans notre pays ont progressé de 8 % à la fin du mois de septembre quand la moyenne des autres pays de l'Union est de moins 10 %. Nos choix stratégiques ont donc permis de sauver l'essentiel alors que notre pays est l'un des rares à pouvoir revendiquer des industries aéronautique, aérospatiale, ferroviaire, nautique, automobile ! À ce propos, ne « tapons » pas trop sur nos deux grands groupes, quelles que soient les difficultés avec les sous-traitants, car 200 000 emplois dépendent de ce secteur – 35 % des groupes eux-mêmes et 65 % des équipementiers et des sous-traitants. Enfin, je suis d'accord avec vous en ce qui concerne les lycées technologiques.

Madame Massat, la taxe carbone concerne les carburants avec carbone, non l'électricité, et des exonérations d'usines soumises aux quotas – en partie payants sur le plan européen – sont déjà prévues. Des mesures spécifiques seront en outre mises en place pour certaines professions – je songe, en particulier, au secteur des transports.

Par ailleurs, dans le domaine du textile, la politique de filière favorisera une modernisation et une évolution en fonction des attentes des différents acteurs.

Enfin, il me semble que, même si nous avons perdu des parts de compétitivité, nous n'en sommes pas moins efficaces dans un certain nombre de domaines stratégiques tels que l'énergie, l'assainissement, l'eau, les transports, l'aéronautique, l'aérospatiale, les satellites de télécommunications ou l'industrie automobile. Si nous ne mettions pas « le paquet » sur la compétitivité, la sortie de crise risquerait d'être encore plus difficile que la crise elle-même. La compétition est d'ores et déjà largement engagée dans le domaine des biotechnologies : c'est maintenant que nous devons faire des efforts si nous voulons être au meilleur niveau et conserver un leader mondial dans ce secteur !

Monsieur Nicolas, c'est parce que le fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) ne concerne guère les sous-traitants que j'ai mis en place une commission sous-traitance de rang 2 et plus, présidée par M. Claude Cham, lequel doit me rendre ses conclusions d'ici à quinze jours afin de mettre en place un fonds dédié, au financement duquel les équipementiers participeront. De plus, il convient de développer la lettre de change relevé (LCR) électronique ou les virements escomptables. Nous nous sommes battus dans la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 afin de réduire les délais – de 90 jours fin de mois à 45 jours fin de mois –, mais nous devons être vigilants dans l'application de ce dispositif.

Madame Ehrel, mon directeur de cabinet vous recevra prochainement avec le sénateur Botrel pour évoquer avec vous la situation d'Alcatel. J'ai également eu l'occasion de dire récemment au chairman de cette entreprise que, s'il continuait la même politique, la société passerait au-dessous des 10 000 emplois avec 850 licenciements potentiels et une délocalisation de 150 postes dans la R&D. J'ai exigé, enfin, qu'une telle externalisation se fasse le cas échéant sous contrat de droit français.

Huawei et ZTE, quant à eux, sont en effet fortement soutenus par le gouvernement chinois, mais je suis évidemment très attentif à l'attribution des grands contrats de nos opérateurs et de nos équipementiers.

Monsieur Cosyns, je suis intervenu auprès de la Commission européenne ainsi que des États membres afin de réexaminer la situation de la filière de la terre cuite et d'éviter ainsi une concurrence déloyale.

Monsieur Marsac, pour ce qui nous préoccupe, la politique européenne se situe à deux niveaux : le rapprochement de nos PME, et les pôles de compétitivité. Nous devons d'autant plus dégager un certain nombre de financements communs que l'addition des investissements des 27 pays de l'Union sur le plan de la R&D est de 5 % inférieur à celui des seuls États-Unis. Le programme-cadre de recherche et de développement (PCRDT) doit en particulier être mieux orienté en direction de la R&D, et nous devons impérativement progresser en matière de standards et de normes, notamment pour les véhicules.

Monsieur Gatignol, les jeunes entreprises innovantes ne paient pas de charges pendant huit ans sur le personnel de R&D. Nous devons par ailleurs réfléchir à un crédit d'impôt innovation qui les accompagnerait jusqu'au prototypage. J'ajoute que le Président de la République lancera le fonds dédié aux biotechnologies le 26 octobre, les nanotechnologies étant quant à elles un élément déterminant de leur réussite : les gisements d'emplois y sont considérables.

Par ailleurs, je ne peux que souscrire à l'exigence du retour de l'État, dont a parlé M. Benoit : la libre concurrence et le marché ne peuvent pas tout ; le politique a un rôle considérable à jouer, les états généraux de l'industrie nous permettant en particulier de définir un certain nombre de règles.

Monsieur Grellier, il y avait bien longtemps qu'à gauche comme à droite nous ne croyions plus à la noblesse de notre industrie. Or, nous devons expliquer à notre jeunesse que là sont les métiers de l'avenir ! Oui, la France peut être fière d'être la cinquième puissance industrielle du monde !

Si, monsieur Tardy, il n'est pas question de soutenir les entreprises industrielles qui n'innovent pas – elles sont condamnées –, il est en revanche exclu d'abandonner des savoir-faire. Les salariés de l'industrie pharmaceutique qui n'auraient pas d'avenir dans cette filière n'en auraient donc pas, par exemple, dans la chimie ? Non, comme nous le voyons avec Bayern ou Arkema. Nous nous sommes acharnés à soutenir Kodak, à Chalon-sur-Saône, alors que le passage au numérique était en cours. Faut-il donc commettre les mêmes erreurs ou concentrer les aides publiques sur les grandes stratégies innovantes ? Il est de notre devoir d'anticiper les mutations !

Madame Marcel, la réforme de la TP ne doit bien évidemment pas avoir de conséquences sur les salaires. Nous y travaillons.

L'aménagement du territoire, monsieur Reynier, ne consiste pas à installer partout des usines de batterie au lithium : en l'occurrence, le site de Flins comportera une chaîne de production de 150 000 véhicules Renault par an et se situe au coeur d'une plateforme logistique desservie par le canal Seine-Nord, le chemin de fer et l'autoroute. Par ailleurs, la batterie issue de la recherche du CEA, à Grenoble, doit quant à elle profiter à toute la filière française de manière que la recherche et la production soient en synergie. J'ajoute que PSA ou Smart pourront utiliser une somme de 100 millions, prévue dans le PLF pour 2010.

Monsieur Villaumé, je partage votre analyse s'agissant des sous-traitants de rang 2.

Certes, madame Got, les banques ne jouent pas leur rôle, d'où un permanent rappel à l'ordre et le travail formidable accompli par le Médiateur du crédit, René Ricol. Le cas échéant, l'État n'hésite pas à intervenir et à faire pression. L'époque est révolue où ces dernières ne prêtaient qu'à ceux qui avaient de l'argent sans prendre le moindre risque. Sur le terrain, les préfets, le Médiateur du crédit ou les commissaires à la réindustrialisation peuvent répondre à leur défaillance à l'endroit d'un équipementier.

S'agissant, enfin, des liens entre écologie et industrie, la filière écotech, liée à la croissance verte, peut être à l'origine de 280 000 emplois sur dix ans. En outre, plus nos industries seront économes d'énergie, plus elles gagneront des marges de compétitivité.

Enfin, concernant la société Entremont, madame Le Loch, c'est M. le ministre de l'agriculture qui est pleinement compétent.

PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces propos clairs, riches et précis, dépourvus de toute langue de bois.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 14 octobre 2009 à 16 h 15

Présents. - M. Thierry Benoit, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean Dionis du Séjour, Mme Corinne Erhel, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Gérard Hamel, Mme Laure de La Raudière, Mme Annick Le Loch, M. Serge Letchimy, M. François Loos, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Daniel Paul, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Lionel Tardy, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Jean-Pierre Decool, Mme Geneviève Fioraso, M. Pierre Lasbordes

Assistait également à la réunion. - M. Michel Destot